vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 17 novembre 2024 — 33e dim. ordinaire — Frère Vincent
Cycle : Année B
Info :

Année B - 33° Dimanche du temps ordinaire - 17 novembre 2024

Dan 12 1-3 ; Ps 15 ; Héb 10 11-18 ; Mc 13 24-32

Homélie du F. Vincent

Texte :



Dimanche après dimanche nous avons suivi Jésus, dans ses faits et gestes, ses enseignements et ses paraboles, mais voici qu'aujourd'hui c'est Lui Jésus qui nous révèle qui il est dans un très beau discours sur la fin des temps. Les lectures de ce jour nous invitent à orienter nos regards vers le ciel de Dieu. C'est de ce ciel que viendra le Fils de l'Homme au jour choisi et voulu par Dieu lui-même.

Nous pouvons être impressionné par les images fantastiques utili-sées dans les lectures de ce jour mais pourquoi nous enfermer et nous paralyser dans les peurs et les inquiétudes de nos lendemains terrestres, alors que l’Espérance qui est une certitude – l'Espérance de notre avenir en Dieu devrait transfigurer notre aujourd’hui en le rendant plus humain, plus fraternel, plus serein. À côté des images impressionnantes n'oublions pas les autres, beaucoup plus positives et en particulier cette image si belle du printemps qui vient : c’est l’image donnée ce matin, celle de la branche qui se gonfle sous la sève qui monte, et du bourgeon qui éclot sous la poussée de la vie ; image de printemps, elle aussi dans la bouche de Jésus ! Le figuier dont les branches deviennent tendres au moment où sortent les feuilles annonçant que l’été est proche.

Cette image pleine d’espoirs et de promesses, Jésus l’applique à la proximité de sa venue : "Lorsque vous verrez cela, sachez que le Fils de l’Homme est proche, sur le seuil. " À trop uniquement regarder les images qui suscitent l’appréhension, nous en viendrions à oublier la fraîcheur de celle qui annonce la vie et une plénitude nouvelle... et qui est peut-être la seule vraiment importante.

Car Jésus précise explicitement que les signes de détresse et de peur, et qui sont passagers, ne sont là que pour annoncer le seul Événement qui importe et qui mérite de mobiliser nos énergies et toute notre attente : "De même vous aussi, lorsque vous verrez cela, sachez que le Fils de l’Homme est proche, sur le seuil."

Bien sûr l’Église, elle aussi, est promise à l’épreuve et même à un certain cataclysme final à travers lequel la figure du monde sera transformée. Mais c’est la joie qui l’emporte, puisque le Fils de l’Homme, Jésus, son époux, est désormais tout proche, devant la porte.

Oui, le Fils de l’Homme (c’est l’expression par laquelle Jésus se dé-signe) est proche. Il est à notre porte, la porte de notre conscience ; Lui, la nouveauté de la vie ; Lui la vie re-suscitée. À chacun de nous de s’ouvrir pour accueillir la nouveauté de Dieu et vivre autrement. Ne tardons pas ; ne manquons pas ce rendez-vous. Le figuier, nous le pensions mort, et voici ses branches qui deviennent tendres, et ses feuilles qui sortent an-noncent déjà la lumière et la chaleur de l’été. Le monde ancien s’en va et le monde nouveau naît, chaque fois qu’il y a plus d’amour, de solidarité et de justice.

La seconde venue de Jésus manifestera d’abord sa gloire, la gloire du serviteur qu’il a été - par sa vie et par sa mort- la gloire du témoin par-fait du Dieu unique et de son amour, la gloire dont il est comblé par son Père dont il a imité l’amour et à l’amour duquel, il s’est abandonné.

La seconde venue du Christ manifestera la vérité que l’Épître aux Hébreux nous a rappelée : le sacrifice accompli par Jésus, le don qu’il a fait de sa vie, loin d’être l’échec qui aurait prouvé l’absurdité de son existence, est l’acte par lequel il rend à Dieu un témoignage si parfait qu’il n’a pas besoin d’être renouvelé.

Ce témoignage unique nous révèle le Fils unique qui, seul, pouvait manifester pleinement l’amour de son Père, et que son Père comble de son amour. Il a aussi pour effet de sauver tous ceux qui consentent à le croire. Croire à ce témoignage, c’est s’ouvrir à l’amour qu’il révèle, c’est s’ouvrir à la source de pardon et de sainteté, qu’est cet amour !

Oui, l’évangile d’aujourd’hui nous rappelle que la Création a été faite pour la Parousie, pour ce jour où : "on verra le Seigneur venir sur les nuées". L’humanité est née pour ce matin éblouissant ! L’histoire des hommes est l’enfantement de leur deuxième et définitive mise au monde, au monde de Jésus, au monde de Dieu. En attendant, malgré les larmes, les nuits et les cris, les hommes vivent un printemps, il faut oser l’affirmer, les branches deviennent tendres, les feuilles apparaissent. Nous devons croire à l’été, croire que Jésus "est à notre porte". Au sens où tout ce qui est vécu par les hommes depuis le commencement des temps progresse vers le jour où disparaîtra le monde ancien et commencera le monde que notre Père des cieux a rêvé pour nous et organisé autour de Jésus.

Demandons-nous ce matin : "Est-ce que mes branches deviennent tendres ? Est-ce que sortent les feuilles de mes actes de justice, de générosité, en un mot, de mes actes d’amour ?"

En terminant, nous pourrions redire au Seigneur qui seul peut faire de nos jours ces jours de justice, de générosité et d’amour, nous pour-rions lui redire le mot qui termine toutes nos Bibles : Maranatha "Viens Seigneur Jésus !

Homélie du 10 novembre 2024 — 32e dim. ordinaire — Frère Jean-Louis
Cycle : Année B
Info :

32e dimanche ordinaire (B) (10/11/2024)

(1R 17, 10-16 – Ps 145 – He 9, 24-28 – Mc 12, 38-44)

Homélie du F. Jean-Louis

Texte :



Frères et sœurs,

Dans deux semaines, nous fêterons la solennité du Christ, Roi de l’Univers qui ouvre la dernière semaine du temps ordinaire marquant la fin de l’année liturgique.

On peut penser que l’Église a placé des textes qu’elle estime importants dans les messes des derniers dimanches de cette année liturgique, et, de fait, c’est le cas.

La semaine dernière, nous avons entendu par deux fois les fameuses paroles : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Et la semaine prochaine, les lectures évoqueront la fin des temps et la venue du Christ en gloire.

Ce sont donc bien des textes essentiels pour notre foi. Il devrait donc en être de même ce dimanche. Si la seconde lecture, tirée de la lettre aux Hébreux, évoque le sacrifice du Christ qui a détruit le péché en donnant sa vie par amour, événement décisif pour notre humanité, les deux autres lectures nous orientent vers un thème très présent dans la Bible : la prédilection de Dieu, du Christ, pour les pauvres.

Il ne s’agit pas d’un discours politique ou social sur les pauvres, la pauvreté, mais d’un regard sur la richesse que portent en eux les pauvres. Richesse de la capacité à donner, à se donner totalement. Et cela fait écho à la volonté du Christ de se donner. Mais il y a aussi la richesse de la foi, de la confiance de ceux qui n’ont rien à perdre.

Pour parler des pauvres, la première lecture et l’évangile d’aujourd’hui prennent l’image d’une veuve. Dans la Bible, les personnes particulièrement vulnérables sont la veuve, l’orphelin et l’étranger. La veuve et l’orphelin n’ont plus la protection du chef de famille ou des parents. Dans une société qui ne connaît pas les aides sociales, ils sont donc à la merci de n’importe quel prédateur. Et l’évangile nous montre que les prédateurs peuvent être éventuellement des gens très religieux, les scribes, respectés par tous pour leur savoir et se perdant en longues prières.

La première lecture nous montre donc une veuve avec son fils en situation plus que précaire, désespérée, car il y a une sécheresse qui n’en finit pas. La veuve est arrivée au bout de ses réserves et, avec son fils, elle entrevoit une mort certaine et proche. Personne ne viendra à son aide. La ville de Sarepta est en terre païenne, en Phénicie, le Liban actuel, or, le salut, pour cette femme païenne, va venir par un étranger, un juif, qu’elle va accueillir malgré tout, malgré sa misère. Et plus encore, elle obéira à ce prophète du Dieu d’Israël qui n’est pas le sien et qui lui annonce qu’elle et son fils ne manqueront pas de nourriture. Sa foi est grande. Et la prophétie se réalise. Cette femme qui n’avait plus rien, plus rien à perdre, fait confiance et est sauvée.

Le psaume qui a été chanté après la première lecture, nous a montré le regard de Dieu sur notre monde qui est, ce qu’on appellera plus tard, une véritable option préférentielle pour les pauvres. Car si le Seigneur garde à jamais sa fidélité, c’est en faisant justice aux opprimés, en donnant du pain aux affamés, en déliant les enchaînés, en ouvrant les yeux des aveugles, en soutenant la veuve et l’orphelin etc...

Quant à l’évangile, il présente deux tableaux opposés auxquels est confronté le Christ : d’une part les scribes en tenue d’apparat, qui aiment les honneurs et les prières démonstratives mais dévorent les biens des veuves, ainsi que les riches qui mettent de façon bien voyante de grosses sommes d’argent pour le Temple de Jérusalem, et d’autre part, cette pauvre veuve misérable qui met deux petites pièces de monnaie. On la méprise probablement ou bien personne ne fait attention à elle, sauf le Christ qui, lui, voit les choses dans leur réalité profonde : ceux qui ont donné de grosses sommes d’argent n’ont pris que sur leur superflu, alors que la veuve, elle, a pris sur son indigence, sa pauvreté.

Frères et sœurs, en cette fin d’année liturgique, alors que nous pourrions nous sentir appelés à faire le bilan de ce que nous avons vécu depuis un an, quelle comparaison pouvons-nous faire entre ces deux veuves et que nous disent-elles pour nous, aujourd’hui ?

Dans la première lecture, la veuve est le type de la personne vivant dans la misère la plus noire et pourtant capable encore d’accueillir et de nourrir un étranger inconnu. Combien de personnes voyageant dans des pays déshérités n’ont-elles pas fait cette expérience de l’accueil par des pauvres partageant le peu qu’ils avaient ? De plus, la pauvre veuve fait preuve d’une foi, d’une confiance impressionnante envers ce juif étranger dont elle n’avait, en principe rien à attendre. Elle obéit à une demande qui pouvait la condamner, elle et son fils. Elle fait confiance, elle a foi dans la parole d’Élie. Et c’est alors que le miracle se produit. Dieu intervient en faveur d’une personne pauvre, mais extérieure au peuple élu. Dieu surprend en sortant des cadres que lui-même semblait avoir prescrit. Dieu peut agir en faveur des païens.

La veuve de l’évangile n’est pas sans rappeler celle de la première lecture, mais elle est juive puisqu’elle s’acquitte de l’aumône au Temple. Le Christ constate qu’elle donne tout ce qu’elle possédait, ce qu’elle avait pour vivre, comme la veuve de Sarepta. L’évangile ne nous dit pas ce qu’il est advenu de cette veuve, mais elle a fait l’admiration du Christ.

Ainsi l’évangile nous rappelle qu’il ne suffit pas de faire de belles prières de façon voyante. Aimer les honneurs, porter de beaux vêtement n’est pas ce qui importe à Dieu, ni faire des aumônes somptueuses. Ce qui plaît à Dieu, c’est la personne qui donne tout ce qu’elle peut donner, comme le Christ donnera tout ce qu’il peut donner, c’est-à-dire : sa vie.

Dieu a souci des pauvres, cette vérité peut nous paraître étonnante lorsqu’on voit le nombre de personnes vivant dans la misère sur notre terre et de façon durable, peut-être pas tant à cause de Dieu qu’à cause de mécanismes maintenant des populations entières dans la pauvreté ou à cause de la « mondialisation de l’indifférence », comme l’a écrit le pape François.

À l’approche de la fin de cette année liturgique, après avoir entendu la semaine dernière « aimer Dieu et aimer son prochain comme soi-même », et avant d’entendre la semaine prochaine l’annonce par le Christ de sa venue à la fin des temps, l’Église nous donne donc de contempler, à travers les lectures de ce dimanche, la foi, la générosité et le don de soi des pauvres à l’image du Christ qui nous a sauvés par sa confiance en son Père et le don de sa vie.

Peut-être une invitation pour nous à faire de même … à nous inspirer de ces veuves…

AMEN

Homélie du 20 octobre 2024 — 29e dim. ordinaire — Frère Cyprien
Cycle : Année B
Info :

Année B 29e dim ord. - 20 Octobre 2024

Is 53/10-11, Heb 4/14-16, Mc 10/35-45.

Homélie du F. Cyprien

Texte :

1

" Que voulez-vous que je fasse pour vous ?" Ils lui dirent: " Accorde-nous de siéger dans ta gloire… à ta droite et à ta gauche. "

„Vous ne savez pas ce que vous demandez“.

Nous imaginons bien la scène où deux jeunes disciples font du zèle… Par amour pour leur maitre ils demandent les meilleures places sans trop faire attention aux autres.

La ferveur et l‘inconscience vont peut-être ensemble, mais, pour l’évangéliste, c’est l‘occasion de rappeler l’essentiel de la Bonne Nouvelle de Jésus, Jésus serviteur de tous…

Saint Marc a certainement pensé au prophète Isaïe, au Serviteur souffrant dans la réponse rapportée à Jacques et Jean …Jésus n’était pas au bout de ses peines pour faire entrevoir à ses disciples ce qui allait lui arriver…et pas plus aujourd’hui pour nous faire comprendre que … « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ».

Jésus homme donné, homme mangé, Jésus totalement livré aux foules, à chacun de ceux et celles qui venaient à lui… Souvenez-vous : la veille de sa passion, il oblige Pierre à accepter qu’il lui lave les pieds, lui, le seigneur et le maitre… „Vous ne savez pas ce que vous demandez“.

Pourquoi est-ce si difficile de comprendre que la meilleure place est rarement celle que spontanément nous voudrions avoir ?

Savons-nous nous-mêmes ce que nous demandons quand nous prions? Quand nous demandons à Dieu autre chose que de suivre le Christ, autre chose que de recevoir son Esprit, nous bavardons peut-être avec nous-mêmes, mais nous perdons notre temps…

„Vous ne savez pas ce que vous demandez“. Oui, nous ne savons pas ce que nous voulons…nous ne demandons pas ce que Dieu pourrait vouloir pour nous, alors que nous disons si souvent « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».

Alors Dieu a pris l’initiative : nous ayant créés à son image, il envoie son Fils, parfaite image de Lui, vie de sa vie, le Verbe fait chair pour nous ouvrir le chemin. Nous ne sommes pas abandonnés !

Les prophètes, en vrais envoyés, l’avaient annoncé : Dieu viendrait lui-même mettre sa Loi dans nos cœurs… sa Loi, celle de l’amour, l’Esprit saint,… l’Amour même du Dieu Amour.

Et nous, depuis que Jésus ressuscité a donné sa vie, , nous comprenons mais… si lentement : nous, sa descendance, la multitude justifiée par Lui.

« Nous avons un grand prêtre, celui qui, ressuscité, a traversé les cieux, pour nous obtenir miséricorde, pour recevoir en temps voulu la grâce de son secours ».

Son secours est à notre disposition : Jésus peut nous donner la grâce de devenir de vrais serviteurs, … « lui, l’esclave de tous ».

Permettez que je cite un bel et bon texte :

« La grande différence qu’il y a entre Jésus et nous tous est la suivante : l’enfant compte à partir de lui comme centre de gravité… Il y a moi, et puis tous ceux qui entrent dans mon monde. J’élargis complètement ce monde, mais au fond j’en reste le centre. Pour Jésus le centre de gravité ce n’est pas lui, c’est le Père… » Cela renvoie à l’épisode de Jésus à douze ans à Jérusalem : « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ».

Voilà : le centre pourrait être ailleurs pour nous aussi, faire en sorte que les choses ne soient pas à comprendre à partir de nous, mais à partir d’en haut, de Dieu, de Jésus.

Et alors nous venons à l’Eucharistie, nous entendons « Faites cela en mémoire de moi ». Et nous sommes heureux de faire comme il a dit de le faire… en comprenant que « faire cela en mémoire de lui », c’est plus qu’aller à la messe, faisant notre devoir de chrétiens, c’est recevoir le Corps et le Sang du Christ pour donner notre vie en union avec celui qui s’est fait le serviteur de tous.

Chères sœurs, chers frères, confions-nous les uns aux autres pour que Jésus ressuscité, doux et humble de cœur, fasse son œuvre en nous, dans tous les cœurs chrétiens, tous ceux qui aujourd’hui célèbrent le Jour du Seigneur, car il est notre Sauveur, et il veut faire de nous de bons serviteurs.

***

Homélie du 13 octobre 2024 — 28e dim. ordinaire — Frère Basile
Cycle : Année B
Info :

Année B - 28° Dimanche Ord - 13 octobre 2024

Sagesse 7, 7-11/ ps 8 - Hébreux 4, 12-13 -Marc 10, 17-30

Homélie de F. Basile

Texte :



« Elle est vivante, la Parole de Dieu » F et S, c’est le concile Vatican 2, dont on célébrera l’an prochain les 60 ans, qui nous a rendu la Parole de Dieu dans la liturgie ; il nous l’a rendue non seulement compréhensible, dans notre langue maternelle, mais aussi dans toute sa richesse abondante et variée : 3 lectures différentes chaque dimanche, un vrai cadeau ! J’aime bien dire aussi que le Concile nous a rendus l’Evangile, tout l’Evangile comme une parole de vie adressée à chacun chaque jour : c’est notre vraie richesse.

Madeleine Delbrêl, un témoin du 20 siècle, morte durant le concile, écrivait : « On ne peut rencontrer Jésus pour le connaître sans un recours concret, constant, obstiné à l’Evangile ; c’est pour nous une question de vie ou de mort d’écouter le Seigneur » (Joie de croire p. 225-226)

Alors écoutons pleinement l’Evangile de ce dimanche, approchons-nous de Jésus comme cet homme dont nous parle st Marc, posons-lui nos questions, écoutons son appel à le suivre, et puis laissons-le nous regarder ; Marc est le seul à noter cela : « Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima.»

Mais que voulait cet homme qui accourt vers Jésus ? Il avait apparemment tout ce qu’il fallait : de l’argent, de grands biens, une éducation, une conduite irréprochable. Ce qu’il voulait, c’est une assurance pour la vie éternelle : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? »

Il veut se mettre du bon côté, être bien placé, mais il reste centré sur lui-même, attaché à ses principes, à sa bonne conduite ; il est prêt à faire ce qu’il faut, et même un peu plus, pour obtenir la vie éternelle, pour la mériter.

C’est là que la parole du Christ va l’atteindre de plein fouet. Comme le dit la lettre aux Hébreux, « elle est vivante, la Parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée, elle pénètre jusqu’au cœur. » Jésus ne met pas en cause tout le bien déjà fait par cet homme qui connaît les commandements de Dieu et les met en pratique ; mais peut-être a-t-il trop lié ensemble pratique religieuse et assurance-vie-éternelle ?

Jésus met ici le doigt sur une faille, il veut montrer à cet homme qu’il y a en lui un désir plus grand, un désir d’infini que nous avons tous en nous, mais qui pour se réaliser demande un dépassement, une rupture, un saut dans le vide, un risque à prendre : « Une seule chose te manque : vends tout ce que tu as et suis-moi. »

Cette parole nous arrache à nos sécurités et nous force à l’aventure ; c’est bien la même parole qui fut adressée jadis à Abraham, que Jésus adresse à ses premiers disciples au bord du lac ; dans la vie monastique, nous les frères, nous l’avons entendue : « Va, quitte ton pays, vends ce que tu as, allège-toi, puis viens, suis-moi » Et, vous aussi les diacres, d’une autre manière, vous l’avez écoutée avec votre épouse. Il y en a qui aujourd’hui l’entendent malgré eux d’une manière ben plus forte, ceux qui doivent fuir leur pays ou la guerre, et tout abandonner : les choses alors prennent une valeur bien différente.

Mais comment faut-il entendre la parole de sagesse de la 1° lecture ? Dans notre société de surconsommation qui nous contraint à avoir toujours plus, cette parole ne vient pas faire l’éloge de la précarité, un scandale qui doit être toujours combattu, elle vient plutôt mettre en valeur la fragilité. Celle-ci, quand elle est assumée, nous détache des biens matériels et redonne du prix à la vie, pour ce qu’elle est réellement. C’est cela que l’homme riche n’a pas compris. A force de vouloir gagner sa vie éternelle, il en oublie de vivre la vie réelle. Il ne voit pas que le présent est un don. Il vit sa vie par mérite, par devoir. Il ne s’occupe que de lui-même. Il ne voit pas que la vie n’est une richesse que dans la mesure où elle se donne.

Pour ceux qui se risquent à vivre cette audace de la fragilité au quotidien, la vie éternelle n’est plus envisagée alors comme une récompense, mais comme un don de chaque instant.

Vivre la fragilité, ce signe intérieur de richesse, c’est changer notre regard sur le temps qui passe, redécouvrir ce qu’il est pour nous réellement : autant de moments où l’éternité de Dieu peut faire irruption dans notre histoire. « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse » avons-nous chanté dans le psaume. L’éternité de Dieu ne se possède pas, elle se reçoit au quotidien, dans la gratuité. Les fruits que nous récolterons alors, seront la patience, la bienveillance et une vraie sagesse de vie.

Vivre cette audace de la fragilité, c’est se rendre disponible à la présence de Dieu dans nos vies ; c’est regarder l’humain, comme Jésus l’a fait, avec les yeux de la bienveillance et non de la performance, de la gratuité et non pas du profit.

F et S, osons vivre cette fragilité et nous nous découvrirons toujours plus sous le regard aimant de Dieu. Alors aimer consistera à trouver la vraie richesse hors de nous-mêmes. Si la solitude ou le désespoir nous guettent, apprenons à lire notre vie avec les yeux de Dieu, avec la lumière du Royaume et cet amour inconditionnel pour qui rien n’est impossible.

Et notre cœur sera libre pour aimer.

Frère Basile

Homélie du 06 octobre 2024 — 27e dim. ordinaire — Frère Jean-Louis
Cycle : Année B
Info :

Année B - 27e dimanche ordinaire - (06/10/2024)

(Gn 2, 18-24 – Ps 127 – He 2, 9-11 – Mc 10, 2-16)

Homélie du F. Jean-Louis

Texte :

Frères et sœurs,

Les lectures de ce dimanche ont pu peut-être vous laisser perplexes.

Le récit de la Genèse et son côté mythologique, l’évangile qui paraît être une condamnation sans appel des divorcés remariés, situation douloureuse que nous avons sans doute à peu près tous rencontrée… Il n’y a que la lecture du passage de la Lettre aux Hébreux qui peut nous donner du courage, de l’espérance…

Et de fait, cette dernière lecture résume ce que nous célébrons ce dimanche, chaque dimanche : car si Jésus a fait l’expérience de la mort, c’est pour conduire une multitude de fils jusqu’à la gloire. Ainsi, Jésus n’a pas honte de nous appeler ses frères. C’est vraiment une bonne nouvelle qui nous est ici annoncée.

Jésus n’a pas honte de nous appeler ses frères. Voilà l’horizon de notre foi, voilà notre espérance : être introduits dans la gloire de Dieu, être déjà appelés frères du Christ. Frères et sœurs, empêtrés dans nos contradictions, nos refus, n’avons-nous pas tendance à oublier parfois ces paroles pourtant si libératrices ? Voilà peut-être un de nos grands problèmes : le mal, le péché nous empêchent d’avoir pleinement conscience de notre vocation, de notre dignité qui sont celles de tout être humain.

A partir de cette réalité fondamentale du Salut acquis par la Passion, la mort et la Résurrection du Christ, relisons la première lecture et l’évangile.

S’il y a un passage biblique très connu, c’est bien le début du Livre de la Genèse : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Dieu dit : « Que la lumière soit… et la lumière fut, etc… »

Mais il y a un autre récit de création, différent, au chapitre deux de la Genèse dont est extraite la lecture d’aujourd’hui. Nous sommes après la création de l’homme (masculin) et Dieu lui cherche une aide qui lui corresponde. Et il modèle avec de la terre les bêtes des champs et les oiseaux du ciel. Or, dans le premier récit de création du chapitre un, les animaux ont été créés avant l’homme. Ces deux récits de création, différents, qui inaugurent la Bible nous montrent qu’il ne faut pas considérer ces récits comme des récits scientifiques des origines de l’univers. En effet, ces deux récits ne concordent pas. Les auteurs bibliques sont à des années-lumière de notre mentalité scientifique, aussi pertinente soit-elle.

Si, dans le premier récit, Dieu vit que les animaux créés étaient bons, ils ne sont cependant pas une aide qui corresponde à l’homme dans le second récit.

Dieu crée alors la femme à partir de l’homme et il y a ce cri d’admiration de l’homme devant la femme : « Voilà l’os de mes os et la chair de ma chair. » N’est-ce pas la reconnaissance de l’égalité en dignité de l’homme et de la femme ? Et la fin de la lecture n’exprime-t’elle pas la force de la relation de l’homme et de la femme dont l’attachement conduit l’homme à quitter son père et sa mère pour ne plus faire qu’un avec sa femme ? Voilà une nouvelle affirmation de l’égalité en dignité de l’homme et de la femme. On ne fait pas un avec quelqu’un qui vous est inférieur.

Quant à l’évangile, il faut reconnaître que nous sommes tellement marqués par les nombreux divorces, séparations et remariages que nous risquons de projeter cette problématique sur notre texte d’aujourd’hui.

Pourtant, la question « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » vise en fait à mettre Jésus à l’épreuve, à le piéger, à le mettre en défaut par rapport à la Loi de Moïse. Et Jésus a bien perçu le piège, d’où sa réponse qui renvoie à la Loi : « Que vous a prescrit Moïse ? » Et les pharisiens répondent : « Renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. »

Remarquons plusieurs choses : les pharisiens parlent de l’homme qui renvoie sa femme et pas de la femme qui renvoie son mari. Ils ne considèrent pas qu’hommes et femmes ont les mêmes droits. C’est le Christ qui, devant ses disciples, parle du droit de la femme à renvoyer son mari. Ensuite, les pharisiens reconnaissent qu’il y a un acte de répudiation à faire, ce qui constitue déjà un certain progrès dans la condition de la femme. On ne répudie pas son épouse n’importe comment. Il y a une condition à remplir. Ce n’est certes pas l’idéal mais ça amène à reconnaître que la répudiation n’est pas un acte banal qu’on pourrait accomplir sous le coup d’une simple émotion, d’une simple colère. Pour le Christ, c’est une concession faite par Moïse en raison de la dureté des cœurs, car l’homme reste maître du lien entre époux dans la logique des pharisiens. Et le Christ revient alors au principe fondamental de la Genèse évoqué plus haut : l’homme et la femme ne font qu’une seule chair et aucun des deux ne peut se considérer maître du lien qui unit le couple. La répudiation limite en théorie les séparations de couples mais le Christ exige plus.

En fait, dans les pratiques du temps de Jésus, c’est la femme qui était largement victime de cette pratique de la répudiation et l’histoire du christianisme nous montrera que, bien longtemps après le Christ et la prédication de l’évangile, il ne manquera pas de princes ou de rois chrétiens qui répudieront leur femme parce qu’il n’y avait pas d’héritier mâle. Comme quoi l’évangile met bien du temps à imprégner les mentalités.

Finalement, le Christ fixe un horizon, un idéal, mais aussi un avertissement adressé à une mentalité qui considérait l’autre, la femme, comme un objet qu’on use et jette à sa guise : la fameuse « culture du déchet » du pape François. On ne peut se tenir quitte de la Loi en pratiquant la répudiation même selon les règles prévues. Car, pour le Christ, il y a quand même adultère lors d’un remariage après répudiation légale.

Mais qu’en est-il des couples qui vivent un enfer ? des conjoints trahis par un départ ? des séparations qui sont de l’ordre de la survie ? L’évangile rappelle que les liens du mariage ne sont pas à prendre à la légère. Mais remarquons que, dans l’évangile selon saint Jean, le Christ n’hésite pas à dialoguer avec une Samaritaine qui a eu cinq maris et dont l’homme avec lequel elle vit n’est pas son mari. Il ne la rejette pas, il lui demande même à boire. Ainsi, dans son attitude concrète, le Christ accueille tout le monde et entre en dialogue, dialogue qui fait cheminer les gens.

Ainsi, nous pouvons rejoindre les recommandations du pape François dans la pastorale des divorcés remariés : que le prêtre ne soit pas un douanier qui rejette, exclut, mais qu’il soit accueillant aux situations complexes, sans perdre de vue l’horizon très exigeant posé par le Christ, mais en étant, comme le Christ, à l’écoute de toutes les situations concrètes parfois très complexes, des essais de reconstruction d’une relation authentique et respectueuse de l’autre. Et je pense que c’est une invitation faite à tous les baptisés.

Ne pas juger pour ne pas être jugé. On pourrait dire : accueillir pour être accueilli. Que l’Esprit Saint nous inspire les attitudes conformes à la volonté du Christ dans les situations si difficiles que nous pouvons rencontrer de nos jours comme de toujours.

Nous pourrons alors rejoindre le projet de Dieu esquissé par la seconde lecture : « Ne pas avoir honte de ses frères, conduire à la gloire une multitude de frères.

» AMEN

Homélie du 29 septembre 2024 — 26e dim. ordinaire — Frère Vincent
Cycle : Année B
Info :

Année B - 26 dimanche du Temps Ordinaire - 29 septembre 2024

Nb 11 25-29 - Jacq 5 1-6 - Mc 9 38-43.47-48

Homélie du F. Vincent

Texte :



Qui est vraiment Jésus ? C'est la question de l'évangile de ce matin, comme c'était déjà celle d'il y a quinze jours, et comme c'est celle de tout l'évangile de St Marc. Et à la remarque de Jean, ce ma-tin, Jésus aurait bien pu répondre : "Mais qui suis-je vraiment pour vous ?" Oui, qui est vraiment Jésus ? Et qui n'est pas avec Jésus ?

Cette question préoccupe les disciples, alors qu'ils ont vu un inconnu chasser les esprits mauvais au nom de Jésus. Un inconnu c'est à dire quelqu'un qui ne fraie pas avec eux, qui ne fait pas partie du groupe de ceux qui suivent Jésus de près. Et on peut comprendre leur étonnement ! Chacun d'eux a fait de Jésus une expérience si personnelle, qu'il lui semble bien le connaître, du moins sous un certain jour. Mais où situer cet inconnu qui prétend lui aussi au nom de Jésus, et à ses pouvoirs ?

Ce que Jésus dans sa réponse veut leur faire comprendre, c'est que la foi en lui, nous arrache au comparatif. Pour la simple raison qu'au lieu de nous brancher sur nous-mêmes, elle nous oriente totalement sur sa personne à lui. La foi met en nous les sentiments mêmes qui furent ceux du Christ Jésus. Notre force de conviction ne venant plus de nous, nous bénéficions alors d'une grande liberté intérieure. Nous pouvons regarder les autres d'un œil fraternel. Comme le Christ, nous nous réjouissons de ce qui les ouvre, eux aussi, à plus de vérité, à plus de sainteté. Nous ne considérons plus notre Église comme une boutique sur laquelle fondrait la concurrence de toutes les autres religions. L'important n'est plus que nous soyons les seuls à offrir la meilleure denrée. La seule chose qui compte à nos yeux, c'est bien que l'Esprit de Dieu, l'Esprit de l'évangile, se répande. Or l'Esprit de Dieu, l'Esprit Saint, c'est l'amour qui unit et non qui met en concurrence. Une des phrases les plus importantes de l'Evangile, à mon sens est celle-ci : "A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, à cet amour que vous aurez les uns pour les autres". Si nous aimons les autres, nous serons heureux qu'ils fassent le bien, heureux qu'ils apportent aux autres, à leurs frères, le meilleur d'eux-mêmes.

Seul Jésus, le Fils de Dieu, peut parler d'une telle façon. Et encore ne le fait-t-il qu'en parlant à des disciples qui en principe, ont déjà tout quitter pour le suivre ; c'est-à-dire à des croyants qui sans doute, l'aiment vraiment. Hors du contexte de l'amour, en effet, personne ne saurait parler ainsi.

Cela conduit aux déclarations du Concile Vatican II sur la part de vérité que portent en eux, ceux qui ne sont pas des nôtres. Cela avait conduit aussi le Pape Saint Jean-Paul II, à réunir par deux fois à Assise des représentants des grandes religions. Ces rencontres d'Assise au cours desquelles on avait pu voir pratiquement toute l'humanité prier pour la paix, avaient été un symbole très fort et fécond pour notre temps.

Cette parole de Jésus de ce matin s'adresse aussi à nous, à chacun d'entre nous. Est-ce que, dans notre adhésion à notre Église, notre unique souci est de rendre vivant, en nous, en elle, l'Esprit de Jésus, c'est-à-dire l'Amour même qui est en Dieu, qui est Dieu ? Cet Esprit est large et ouvert, comme les deux bras de Christ Jésus largement étendus sur la Croix.

A nous de nous vouloir témoins de ce pourquoi nous sommes faits : l'Amour universel, dans la fidélité à la manière dont nous percevons le vrai, mais aussi dans le respect de la manière dont les autres peuvent le percevoir. C'est à ce prix qu'un dialogue constructif peut s'instaurer pour l'avancée de tous.

Homélie du 22 septembre 2024 — 25e dim. ordinaire — Frère Charles Andreu
Cycle : Année B
Info :

Année B - dimanche 22 septembre 2024 -25e dimanche TO,

– Sg 2, 12.17-20 ; Jc 3,16-4,3 ; Mc 9, 30-37

Homélie de F. Charles

Texte :

Voyons si ses paroles sont vraies, regardons comment il en sortira. La première lecture résumait ainsi le défi qui se lance bientôt contre celui dont la parole, dont l’existence même, constitue pour les pécheurs une contrariété, un reproche. Mais qui parle ici ? D’où vient sa parole ?

Dans l’Ancien Testament, c’est le prophète, qui surgit du dedans du peuple, porteur d’une parole de Dieu qui dénonce l’injustice. D’Amos à Jean-Baptiste se dessine ainsi une longue tradition que poursuit le Nouveau Testament. Jésus est évidemment, par excellence, cette parole rejetée, même s’il n’est pas le plus « dénonçant » des prophètes, si ce n’est envers quelques pharisiens. Et la mission apostolique poursuit la mission prophétique : Ceux qui commettent des péchés, reprends-les devant tout le monde, conseillait Paul à Timothée.

Ainsi l’Église a-t-elle toujours vécu avec la forte conviction d’être dépositaire d’une parole venue de Dieu, d’un Évangile qui sauve, mais aussi dénonce, exhorte, s’oppose parfois, au risque du rejet, voire de la persécution. Appeler à la justice, être la voix des pauvres et des sans voix, c’est ce que font avec droiture, sans même le savoir, sans le faire savoir en tout cas, tant de gens simples et vrais. Mais voilà, c’est encore ce que prétendaient faire Jean Vanier ou l’abbé Pierre, et nous avions cru reconnaître en eux des prophètes pour notre temps.

Voyons si ses paroles sont vraies, regardons comment il en sortira. Nous vivons certainement un temps charnière, celui où la prétention prophétique de l’Église, où la crédibilité de sa parole, craque sous la pression d’autres paroles, car ces paroles dénoncent des violences et même des crimes, car elles dénoncent encore la manière dont on les a traités. Ces paroles ne viennent pas de gens qui « méditent le mal » ; ceux qui les profèrent ne prétendent pas être des prophètes, des envoyés de Dieu, porteurs d’une parole éternelle, d’une parole de salut. Ils parlent, sans autre prétention que leur seule humanité, sans autre autorité que leur bon sens. Leur vie parle, elle nous parle, elle s’oppose, reproche, accuse, non parce qu’elle revendique d’être sainte, mais parce qu’elle est brisée.

Or, paradoxalement, nous peinons à attendre cette parole qui vient à la fois d’ailleurs et de trop près, qui parle au nom de l’humanité, et pas au nom de Dieu.

Oserais-je dire qu’une longue tradition, que l’Écriture Sainte elle-même, n’y pousse guère. Certes, le peuple de Dieu s’y montre souvent ouvert à la parole de l’étranger. Mais de la reine de Saba à Naaman le Syrien, des rois mages au Centurion qui se tient près de la croix, cette parole ne fait que confirmer : Vraiment, ta sagesse est admirable ; vraiment, cet homme était fils de Dieu. Et voilà qu’il faut apprendre à écouter des reproches. L’invitation du Concile Vatican II à se faire attentif aux « signes des temps » porte peut-être ailleurs que prévu.

Devoir de justice et de vérité d’abord, qui par surcroît rendra plus crédible le service que l’Église doit à la parole dont elle est porteuse. Le Christ invite, dans l’évangile de ce dimanche, à être « serviteur ». Mais que serait un serviteur qui sait tout, qui a toujours raison, qui fait la leçon mais auquel on ne peut rien reprocher, et se place ainsi à la première place, au-dessus de ceux qu’il sert. Curieux serviteur, dont les déclarations d’humilité – parfois quelque peu surjouées – ne dissipent guère le malaise qu’il suscite, mais le renforcent.

Voyons si ses paroles sont vraies, regardons comment il en sortira. Comment répondons-nous à la parole qui nous est adressée ? Personne n’aime être critiqué, ni devoir se reconnaître « mauvais » : personne n’aime avoir à changer en profondeur les manières de faire, de penser où il s’est installé. Alors bien des réflexes de défense et de déni, de silence et d’inaction nous traversent : réflexes violents, d’une violence d’autant plus grande qu’elle ne hausse pas le ton, qu’elle ne se reconnaît pas comme telle, pièges tendus à celui qui parle et à sa parole, pour s’en débarrasser comme d’autres se sont débarrassés du Christ. La compassion elle-même ne suffit pas. Écoutons de nouveau les paroles de saint Jacques : c’est par mes œuvres que je te montrerai ma foi – et bien aujourd’hui, c’est par mes œuvres que je te dirai ma compassion.

Homélie du 15 septembre 2024 — 24e dim. ordinaire — Frère Hubert
Cycle : Année B
Info :

Année B - 24e dimanche TO – 15 septembre 2024

Is 50, 5-9a ; Jc 2, 14-18, Mc 8, 27-35

Homélie du F. Hubert

Texte :

Qui est Jésus ? C’est la question de st Marc tout au long de son évangile.

Entre l’affirmation de foi qu’il pose dès son premier verset :

« Commencement de l’Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu »,

et la proclamation au pied de la croix par le centurion païen qui a présidé à la crucifixion :

« Vraiment, cet homme était Fils de Dieu »,

tout son récit nous sollicite sans cesse :

Qui est celui-là qui chasse les esprits impurs,

pardonne ses péchés au paralytique,

commande avec autorité au vent et à la mer ?

Qui est celui-là que sa parenté cherche en se disant : « Il a perdu la tête ! » ?

À Césarée de Philippe, c’est Jésus lui-même qui pose la question :

« Au dire des gens, et pour vous, qui suis-je ? »

Question cruciale qui concerne tout son être, toute sa mission ; moment décisif.

« Tu es le Christ », répond Pierre ;

mais aussitôt Jésus « défend vivement aux disciples de parler de lui à personne ». Pourquoi ?

Pierre a répondu « avec le qualificatif le plus fort et le plus élevé dont il disposait, mais c'est justement ce qualificatif messianique qui est à l'origine d'idées parfaitement erronées. » dit un commentateur.

Oui, Jésus est le Messie, mais pas n’importe quel messie.

« Nous annonçons un messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens », dira Paul plus tard.

Qui est Jésus ? – Le Christ. Mais on pourrait dire aussi : Qui est le Christ ? c’est Jésus, Jésus de Nazareth, Fils de Dieu fait homme, condamné et crucifié, justifié par Dieu et ressuscité des morts.

Il n’y a pas d’autre Messie que celu-là, cet homme qui a vécu cet itinéraire.

Cet itinéraire, ni Pierre ni ses compagnons, ne peuvent le soupçonner, l’envisager.

Comment envisager un Messie, terminant sa vie, cloué sur une croix ?

Il y a un abîme entre l’attente des disciples, l’attente du peuple élu, nos attentes,

et ce que Jésus vient nous révéler.

Cet abîme est toujours là.

Ne laissons pas l’habitude affadir ce scandale, cette folie.

Nous proclamons un Messie crucifié : rien de moins sage, rien de moins confortable.

Ce que nous croyons, ce que nous proclamons est une énormité : scandale ou folie.

C’est pourquoi, Jésus ne veut pas que les disciples parlent de lui avant de l’avoir suivi jusqu’à Jérusalem,

avoir été confrontés à la passion de leur maître, à leur faiblesse,

et avoir reçu l’Esprit pour comprendre ce mystère de mort et de résurrection,

ce mystère du don total dans la faiblesse et la défiguration absolues.

À Césarée, Jésus ne reprend pas le titre de Messie, trop ambigu, mais celui de Fils de l’homme.

Lui qui est Fils de Dieu, se déclare Fils de l’homme,

et il annonce ses souffrances, sa mort, sa résurrection.

Pierre, en faisant de vifs reproches à Jésus, joue le rôle du Satan

pour Jésus lui-même dont le combat n’est pas feint.

Il est pour lui occasion de chute, l’invitant à accaparer la vie pour lui-même

au lieu de la perdre pour que ceux qu’il aime aient la vie,

au lieu de la recevoir toujours de son Père comme un don.

Aussi, Jésus le repousse vivement comme il a repoussé Satan au désert.

Il faut que l’amour aille jusqu’au bout de l’amour.

Frères et sœurs, nous n’avons pas fini de découvrir le mystère du Christ,

pas fini d’entrer dans le mystère de notre foi.

Si nous annonçons le Christ selon les critères du monde, nous annonçons un faux messie.

Si nous modelons le Christ selon les critères du monde, nous fabriquons un faux messie.

Il nous faut sans cesse écouter la Parole de Dieu, regarder Jésus tel que l’Evangile nous le révèle,

pour progresser dans notre expérience chrétienne,

et mieux témoigner de celui qui est descendu aux enfers

pour nous faire asseoir avec lui dans les cieux.

Il a fallu du temps, beaucoup de temps, aux disciples pour comprendre le mystère de Jésus.

Il aura fallu le don de l’Esprit pour qu’ils commencent à comprendre et qu’ils puissent témoigner.

Que cela nous rassure sur notre propre lenteur à entrer dans le mystère du Christ,

mais que cela ne nous endorme pas !

L’Esprit nous est donné, et pas moins qu’aux apôtres !

nous allons le recevoir en communiant au Corps et au Sang du Christ :

Laissons-le nous instruire.

Laissons-le graver l’Evangile dans nos cœurs, dans nos vies.

Jésus est l’unique Messie, le Chemin, la Vérité et la Vie.

Homélie du 14 septembre 2024 — La Croix glorieuse — Frère Basile
Cycle : Année B
Info :

Fête de la Croix Glorieuse - 14 septembre 2024

Nombres 21, 4-9 / Psaume 77 - Jean 3, 13-17

Homélie du F. Basile

Texte :

Vous l’avez remarqué, il n’y a aucune mention de la Croix dans cet évangile et pourtant le mystère est bien là de façon voilée : « Il faut que le Fils de l’homme soit élevé », avec le rappel du serpent de bronze élevé par Moïse dans le désert. Oui, c’est clair que Jésus sera élevé lui aussi pour que nous puissions regarder vers lui et avoir la vie.

Dans un autre passage du 4° évangile, Jésus dira : « Quand j’aurais été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » Oui, dans l’Evangile, tout converge vers le mystère de la Croix où Jésus sera élevé, où il va mourir, où il va nous révéler la Gloire et l’Amour de Dieu. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique »

C’est là sur la Croix que Dieu se révèle à nous dépouillé, transpercé, désarmé, prenant sur lui notre péché, notre misère, mais pour la convertir, la recouvrir de sa miséricorde. La Croix du supplice devient alors Croix de lumière, Croix glorieuse, nous ouvrant le chemin du Père.

Comme le disait le P. Christian de Chergé, « c’est bien là notre chemin de croix, et notre chemin de gloire, car c’est là que Jésus nous élève, avec Lui, vers le Père qui nous attend tous, les bras ouverts. »

Regardons vers Lui et nous serons sauvés !

Fête de la Croix Glorieuse

14 septembre 2024

Accueil

Nous fêtons aujourd’hui la Croix Glorieuse :

c’est une fête très ancienne, celle de l’ « Exaltation de la Croix », liée à la Dédicace de la Basilique du St Sépulcre à Jérusalem, lorsque la Croix fut retrouvée. Le 14 septembre est aussi une date charnière dans le calendrier monastique : on commence à regarder vers la Pâque de l’année suivante.

Nous sommes déjà par la Croix en plein mystère pascal, mystère de mort et de résurrection, et au début de cette eucharistie, nous regardons vers Jésus, élevé sur la Croix, devenue l’Arbre de vie, car c’est en Lui que nous avons le pardon, la rédemption de nos péchés.

- Seigneur Jésus, élevé sur la Croix pour guérir tous ceux qui regardent vers toi, Seigneur, prends pitié de nous.

- O Christ Ressuscité, qui donnes la vie aux pécheurs, ô Christ, prends pitié de nous.

- Seigneur, élevé à la droite du Père, où tu intercèdes pour nous, Seigneur, prends pitié de nous.

Que le Dieu d’amour et de paix …

Homélie du 08 septembre 2024 — 23e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

HOMELIE du 23ème dimanche du TO (Année B) – 08/09/2024

(Isaïe 35, 4-7 ; Jacques 2, 1-5 ; Marc 7, 31-37)

Homélie de F. Guillaume

Texte :



Frères et sœurs

S‘il est un mot qui a pu et qui devrait retenir notre attention dans le passage d’Evangile lu à l’instant, c’est bien celui d’Ephatta,, d’origine araméenne, la langue parlée par Jésus et les juifs de son temps et que l’on traduit par « ouvre-toi ! ». Mais de quelle « ouverture » s’agit-il et comment pouvons-nous l’interpréter aujourd’hui ?

Nous sommes en présence d’un récit de guérison. Jésus « ouvre » les oreilles et la bouche d’un homme sourd et muet. Face à la foule et devant ses disciples, son statut de thaumaturge en est ainsi confirmé, mais il faut aller plus loin.

Nous disons volontiers d’une personne sympathique et intelligente, que c’est une personne « ouverte », ouverte à la vie, aux autres, attentive à la compréhension des évènements, ayant la capacité de se mettre en question, le cas échéant. A la différence des personnes repliées sur elles-mêmes, sur leur souffrance, leurs peurs, leurs échecs, bref leur négatif.

C’est bien cette expérience négative que le peuple d’Israël a vécue en exil à Babylone, et dont le prophète Isaïe annonce la libération dans la 1ère lecture, avec le retour à Jérusalem et la promesse par Dieu de la venue du Messie. « Dieu vient lui-même et va apporter le salut. Alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds ». Et l’on sait que ce même prophète Isaïe, prophète de la consolation est aussi le prophète de « l’ouverture du salut aux nations ». Israël, le peuple élu par Dieu est envoyé en mission. Le salut messianique ne lui est pas seulement réservé. Dieu aime tous les hommes et la création. Il veut tous les sauver en ouvrant largement son cœur.

C’est bien d’ouverture qu’il s’agit aussi dans la 2nde lecture, quand Saint Jacques demande à l’Assemblée des premiers chrétiens d’ouvrir leurs yeux, mais surtout leurs cœurs, à la présence des pauvres au milieu d’eux. « Ecoutez bien, c’est-à-dire ouvrez bien vos oreilles, frères bien-aimés. Dieu n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde. Il les a faits riches de la foi, il les a faits héritiers du Royaume qu’Il a promis à ceux qui l’auront aimé ». Ainsi l’ouverture vers les pauvres, vers ceux qui sont à la périphérie ou sur le seuil, dirions-nous avec le pape François, cette ouverture est la condition d’accès, par la charité, à la foi et à l’héritage du Royaume

Quant au passage de l’Evangile de Marc, on pourrait s’arrêter sur bien des détails. Remarquons que la parole de Jésus : « Effata » s’accompagne d’un lever de ses yeux au Ciel et d’un soupir, littéralement, d’un gémissement, en grec, un terme que l’on retrouve chez Saint Paul dans son épitre aux Romains pour qualifier à la fois les gémissements de l’homme et de la création qui aspirent au Salut, mais aussi et surtout, à la prière de l’Esprit Saint, au fond de nos cœurs dans la prière pour entrer en relation avec Dieu et lui crier : Abba, Père. Dans ce soupir de Jésus et dans cet « Ephatta », c’est toute l’espérance et le désir de l’homme qui rencontrent, en son humanité incarnée, la force, la compassion et l’amour de Dieu Père.

Cette « ouverture aux réalités divines » passant par des réalités et des gestes très concrets du corps : les oreilles, la bouche, les yeux, la salive, etc. l’Eglise les marque dans la célébration des sacrements. Je relèverai plus spécialement ceux du baptême et du mariage, mais on peut le constater pour les 7 sacrements.

Au début de la célébration d’un baptême (qu’il soit enfant ou adulte), l’officiant reprend les gestes et la parole de Jésus dans le rite de l’Ephatta, en touchant de son pouce l’oreille droite et l’oreille gauche, puis les lèvres du catéchumène, en disant : « Efféta, afin que tu proclames la foi que tu as entendue pour la louange et la gloire de Dieu ».

Quand au mariage, il est demandé aux fiancés qui se préparent au sacrement de tenir leur engagement sur 4 piliers : la liberté du consentement, la fidélité dans la durée, l’indissolubilité et l’ouverture à la vie, par l’accueil des enfants et leur éducation selon la volonté de Dieu. Le 4ème pilier de l’ouverture à la vie est tout aussi important que les 3 premiers pour garantir la validité de l’union. Un couple qui se présenterait à l’Eglise avec une ferme intention de ne pas avoir d’enfant peut se voir refuser l’accès au sacrement. Et même si l’intention se révèle après une célébration, ce serait une cause de reconnaissance en nullité de ce mariage.

Ainsi, frères et sœurs, avec cette injonction de Jésus entendue dans l’évangile de ce dimanche : « Ephatta : ouvre-toi ! », nous avons à faire avec une caractéristique fondamentale de notre vie chrétienne, de notre vie de foi. Ouverture à la vie, à l’amour, à la joie, et à la communion.

Je termine en laissant la parole au poète dont nous aimons chanter l’hymne à l’office :

« Ouvre mes yeux, Seigneur

Fais que j’entende, Seigneur

Aux merveilles de ton amour

, Tous mes frères qui crient vers moi

Je suis l’aveugle sur le chemin

A leur souffrance et à leurs appels

Guéris-moi, je veux te voir

Que mon cœur ne soit pas sourd

Garde mon cœur, Seigneur Garde ma foi, Seigneur,

Aussi dur que soit le chemin,

Tant de voix proclament ta mort

Je veux te suivre jusqu’à la fin

Quand vient le soir et le poids du jour

Viens me prendre par la main

O Seigneur, reste avec moi

Ouvre mes mains, Seigneur,

Qui se ferment pour tout garder,

Le pauvre a faim devant ma maison

Apprends-moi à partager,