vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 20 mars 2005 — Dimanche des Rameaux — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - Dimanche des Rameaux – 20 mars 2005 -

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Nous voici déjà bien engagés dans la première des grandes liturgies de la semaine sainte de l’an de grâce 2005. Nous voici affrontés à la grande question : comment, par la grâce de ces liturgies, passer de la tête au cœur ? Comment nous laisser saisir par le mystère du Christ, pour que nos vies en soient renouvelées, et le monde du même coup ? Les deux se tiennent !

Je vous propose, aujourd’hui, de nous aider d’une méditation, que je trouve exemplaire, une méditation d’un saint moine du 7e siècle, un certain André de Crète, de l’île de Crète.

Je lis :

« Quand la foule des Juifs entendit que Jésus venait à Jérusalem, elle s’avança vers lui avec des rameaux d’olivier en s’écriant : “Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le Roi d’Israël”. »

Je m’arrête : Quand la foule entendit… s’avança… s’écriant… Tout cela, nous l’avons fait. Très bien. Mais après ? Voilà toute la question. Eh bien, après, maintenant, suivons André…

Je lis : « Nous aussi… » – nous, c’est lui et nous, lui qui, du haut du ciel, en ce moment, s’efforce de nous accompagner – « nous aussi saluons le Christ par les mêmes paroles. En guise de palmes, offrons-lui nos chants de louange, avant sa passion ». Toujours commencer par la louange. Avec André, nous sommes en train de passer des palmes matérielles aux paroles intérieures, de ces paroles cordiales qui pourraient se murmurer en nous tout au long de ce dimanche, comme un hommage d’amour personnel au Christ qui vient, qui vient pour visiter notre Jérusalem actuelle : “Jésus, Roi béni, toi qui es venu, viens, viens encore” !

Mais André ne le sait que trop, les paroles, mêmes les gestes, peuvent n’être que platoniques. Et c’est pourquoi il nous entraîne plus loin : « Acclamons-le, non pas avec des branches d’olivier, mais en nous honorant mutuellement dans la charité. » Inattendu ! Serait-ce un dérapage ? Déjà quitter le Christ des Rameaux pour retomber dans la banalité de la charité fraternelle à toutes les sauces ? Moi, je préfère reconnaître une admirable glissade, comme il en survient souvent dans une authentique expérience spirituelle, une de celles où l’on reconnaît le Doigt de Dieu à l’œuvre : un Dieu surprenant. André se laisse faire. Spontanément – mais parce que c’est la pente de son cœur – il est passé de la louange des lèvres à la charité concrète. Il est passé du Christ accueilli au prochain en qui nous pouvons, sans illusions, lui prouver notre amour. Un dérapage cela ? Non, saint André est toujours dans la liturgie des Rameaux, mais désormais dans sa profondeur existentielle. Il continue : « Étendons aux pieds du Christ, comme des vêtements, les désirs de nos cœurs ». Cela va très loin ! C’est que l’homme est tout entier dans ses désirs ; ils sont comme sa carte d’identité, son vrai moi devant Dieu qui murmure : « Dis-moi tes désirs, je te dirai qui tu es. » Ces désirs-là attirent le Christ, irrésistiblement. André en joue habilement, cela fait partie des jeux de l’amour : « Étendons à ses pieds les désirs de nos cœurs afin… ?…afin qu’il porte vers nous ses pas et fasse en nous sa demeure » Vers moi aplati par terre, l’attirant… Dieu attiré, piégé : il ne pourra pas résister. La meilleure raison c’est qu’il ne désire que cela ! C’est vraiment le propre désir de son cœur qu’il glisse dans nos cœurs d’homme et de femmes, impatient qu’il est de s’exaucer lui-même, et nous avec ! La voilà, je pense, la véritable entrée de Jésus Roi, aujourd’hui, dans la Jérusalem des cœurs qui l’attendent. Mais ce n’est pas tout : « …afin qu’il fasse en nous sa demeure, afin qu’il nous place tout entiers en lui et lui tout entier en nous. » Pas moins ! On reconnaît là le désir le plus essentiel de la vie spirituelle, et même de la vie mystique, le désir d’un saint, André, le désir, plus ou moins conscient, des modestes croyants que nous sommes tous… Et il faut dire : « oui ! » C’est ce désir que les liturgies de la semaine sainte doivent commencer à satisfaire, en le faisant grandir, un peu plus chaque année…

Alors, sans attendre, dès maintenant, par nos désirs vrais, tels qu’ils sont, attirons, accueillons le Christ, Seigneur et roi de l’univers, Celui dont notre monde a tant besoin,

Quant à lui, il n’a besoin que d’une ânesse heureuse, consentante, pour s’asseoir dessus, et d’un petit âne, trottinant devant, les oreilles en V…

Qui veut l’être ?

Homélie du 09 février 2005 — Mercredi des Cendres — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Année ABC - Mercredi des Cendres - 9 mars 2011

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Déjà dans certains courriers ou dans certaines salutations, je reçois déjà ce souhait : Bonne entrée en Carême, bonne montée vers Pâques. Ces souhaits entre chrétiens sont heureux, car ils nous redisent l’orientation fondamentale de notre vie : vivre de la Pâque du Christ, mourir avec lui pour vivre avec lui.

Comment nous aussi, dès maintenant nous préparer à entrer dans cette quarantaine qui voudrait raviver en nous, et le don déjà reçu à notre baptême, et le désir d’y conformer davantage notre vie ?

La première chose est, je crois, de mettre les bonnes lunettes pour regarder ce temps. Si nous mettons des lunettes toutes en grisaille, lunette qui ne nous font considérer que les points plus rudes nous risquons de passer à côté, en nous décourageant. Ces lunettes en grisaille nous centrent sur nous-mêmes, alors qu’il s’agit de mieux regarder le Christ, pour mieux le connaître lui et la puissance de sa Résurrection. Avant de commencer, il peut être bon de se demander où en suis-je dans mon désir de mieux connaître et mieux aimer le Christ ? Qu’est-ce que je perçois comme appel dans ma vie la plus quotidienne pour que le Christ ait davantage la première place ? Si je prends le temps de cette écoute, j’ai des chances de rejoindre, et mon désir profond et le désir de l’Esprit qui ne cesse de nous apprendre à nous tourner vers notre Père. En d’autres termes, choisir de mettre le cap sur Pâques, c’est choisir dès maintenant d’entrer dans une attention et une écoute plus fine, plus aimante du Christ et de son Esprit en nous. Cette quarantaine voudrait nous faire grandir dans une amitié plus grande avec le Christ. Si nous mettons les lunettes qui nous font regarder vers le Christ, nous découvrirons que les autres moyens, le jeûne, la veille, le partage seront une aide pour nous sortir de nous-mêmes. En effet, laissé à nous-mêmes, la pente naturelle fait que nous nous centrons sur notre petit confort et nos soucis au risque de nous recroqueviller ? Notre pratique commune du jeûne vient nous entraider à un sursaut intérieur. Je rappelle que si des frères ont des difficultés de santé qu’ils m’en parlent. L’important est ce que le jeûne permet de liberté et de décentrement et non le jeûne en lui-même. Mais que cela passe par une parole. Comme nous mettrons l’accent sur les Vigiles du samedi, avec un temps de recueillement propice à la prière et à la lecture, je propose que nous n’ayons pas cette année, le temps des cinq minutes de prière après les complies. Enfin, je souhaiterai rencontrer chacun durant le Carême, pour parler de sa manière avec laquelle il vit l’ouverture du cœur à un frère. Qu’en est-il pour chacun de ce lieu important pour nous, de l’accompagnement spirituel, qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui manque ? Comment faire pour que cette relation soit vraiment occasion de grandir dans la vie spirituelle ? Je ferai donc signe à chacun durant ce Carême. (2011-03-05)

Homélie du 02 janvier 2005 — Epiphanie du Seigneur — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Année ABC - Epiphanie du Seigneur 2005

Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2005

Frères et soeurs,

Il y a peu, je lisais le témoignage d’une religieuse qui avait partagé pour un temps la vie d’une communauté Emmaüs femmes, comme notre frère Daniel a pu le faire en son temps avec des hommes. Cette religieuse raconte qu’un jour, ces femmes qui connaissent la grande pauvreté parlaient entre elles de Noël que l’on venait de fêter. L’une d’elle demande à la religieuse : “et toi Annie, qu’est-ce que tu as eu pour Noël ?” Annie répond : “nous, tu sais, on ne se donne pas vraiment de cadeaux...juste parfois des petites choses pour se dire notre amitié...On partage plutôt avec d’autres”. La femme reprit: “c’est vrai, les soeurs, elles, elles font la pauvreté...Vous vous donnez aux autres....et nous, ben, on ne peut plus que recevoir...” Et la religieuse de commenter : “cette remarque produit en moi un choc en me montrant qui est le pauvre : celui qui ne peut que recevoir...”

En ce jour où nous fêtons l’Epiphanie, nous venons adorer Jésus, le Fils de Dieu qui est naît en prenant la dernière place, dans une étable. Il a voulu se tenir là avec les pauvres comme celui qui reçoit tout, Lui qui est l’origine de tout... Comme une enfant, il a reçu la vie et l’affection d’une mère et d’un père. Et aujourd’hui, il reçoit de ses étrangers inconnus en quelque sorte son investiture royale sur tous les peuples : de l’or, de l’encens et de la myrrhe...Ainsi s’y est pris notre Dieu pour se révéler au monde : il se fait petit, parmi les exclus pour recevoir des autres la manifestation de sa dignité...Sur la Croix, Jésus ne fera rien d’autre quand il attendra tout du Père jusqu’au dernier souffle dans l’attente de la Résurrection...Compté parmi les pécheurs, il s’en remettra totalement à son Père qui peut le sauver.Ainsi la crèche nous montre-t-elle les moeurs de notre Dieu. Nous pouvons en tirer deux leçons.

La première : quand nous venons aujourd’hui adorer avec les mages l’Enfant dans la Crèche, il est bon de nous rappeler que notre Dieu n’est pas un Dieu terrible, écrasant de puissance qui voudrait nous arracher notre reconnaissance, notre adoration ou notre obéissance. Quand viennent parfois nous hanter ces images d’un Dieu oppressant, souvenons-nous qu’Il n’a rien à voir avec cette idole de terreur. Rappelons-nous plutôt qu’Il veut se révéler à nous dans la mesure où nous sommes capable de le reconnaître très proche de nous dans nos pauvretés, dans notre petitesse, dans notre péché. Et il lui plaît que nous le confessions là comme notre Dieu, notre Sauveur lui qui s’est chargé de nos péchés, de nos maladies, comme dira Pierre. Apportons-lui comme or, encens et myrrhe le coffret de notre confiance et de notre amour. Nous manifesterons par là qu’il est le Vrai Dieu, non l’idole de la Puissance, mais le Père de toute miséricorde...

La seconde chose que nous apprends cette fête touche à nos relations humaines.Les mages ont manifesté la dignité de cet enfant à ses parents pauvres...Ces hommes justes, ces chercheurs ont su être à l’écoute des signes. Ces mages nous montrent combien nous pouvons à notre tour révéler à nos proches toute leur dignité...si nous sommes attentifs aux événements, si nous savons écouter ce qui traverse la vie de nos proches, de nos frères de communauté. Nous pouvons par l’or de notre reconnaissance, par l’encens de notre bienveillance et par la myrrhe de notre amitié leur manifester qu’ils sont toujours plus grands que ce qu’ils peuvent penser d’eux-même. Ici, je pense à notre frère Daniel qui durant ces dernières années de grand abaissement à ses propres yeux et aux nôtres a reçu toute sa dignité des soins quotidiens de nos frères infirmiers. A l’instar des mages, ces derniers lui ont manifesté sa dignité d’homme, d’enfant de Dieu au coeur de sa pauvreté qui nous pouvait nous la masquer...

Rendons grâce à notre Dieu qui nous apprends aujourd’hui quelle adoration il attend de nous, et quelle dignité nous pouvons recevoir les uns par les autres.(2005-01-02)

Homélie du 01 novembre 2004 — Toussaint — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Messe de la Toussaint - 1 Novembre 2004

Ap 7 2-4, 9-14; 1 Jn 3 1-3; Mt 5 1-12a

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2004

Peut-être avez-vous remarqué, frères et soeurs, combien les lectures de ce jour nous parlent beaucoup de voir, de vision... Elles semblent nous dire : “attention, il y a quelque chose à regarder” ! C’est Jean dans l’apocalypse qui nous dit qu’il a vu un ange tenant un sceau pour imprimer la marque du Dieu vivant, et aussi qu’il a vu une foule immense de toutes races devant le trône et devant l’Agneau. C’est encore le même Jean dans son épître qui nous invite à nous associer à sa contemplation : “Voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu”...

En cette fête de la Toussaint, il y a donc quelque chose à voir...Dans quelle direction, nous faut-il tourner nos regards ? Vers le ciel ? Peut-être... Vers la terre des hommes ? Peut-être...Il me semble que Jean nous indique une première direction : vers nous-mêmes. Non pas pour nous admirer ou pour faire de l’introspection, mais bien plutôt pour nous émerveiller de ce que l’Amour de Dieu a fait pour nous : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes vraiment ajoute notre texte.

Oui, frères et soeurs nous sommes aimés d’un grand amour qui change tout de notre vie d’homme et de femme. Nous sommes enfants de Dieu, aimés chacun d’une manière unique, investis d’une grande dignité à ses yeux. “Tu comptes beaucoup pour moi, tu as prix à mes yeux et je t’aime” avait déjà entendu et compris le prophète Isaïe...Nous pouvons le croire avec plus d’assurance aujourd’hui encore dans la lumière de Jésus, le Fils de Dieu. Il est venu comme un frère parmi nous, pour nous faire connaître cette relation profonde dans laquelle Dieu désire nous faire entrer...Par sa mort et sa résurrection, il nous ouvre l’espace de la vie divine. En Lui, nous sommes enfants, fils de Dieu. Et quand il viendra nous lui serons semblables...Ce matin, il nous est proposé d’ouvrir nos yeux, de laver notre regard pour reconnaître ce que nous sommes, des êtres infiniment aimés en Jésus-Christ de toute éternité et pour l’éternité. Laissons, frères et soeurs ces paroles de Jean nous illuminer, nous renouveler de l’intérieur dans la foi que Dieu nous aime, et que cet Amour peut faire en nous des merveilles.

Et ici, nous pouvons tourner nos regards vers le Ciel, vers tous ces vivants qui nous précèdent auprès de Dieu. Leur vie est là pour attester combien il est grand l’amour de Dieu...combien il peut ouvrir des chemins inattendus dans le coeur de chacun...Il a façonné en eux un visage de belle humanité, un visage de sainteté...Il y a les visages bien connus parce que reconnus par l’Eglise. Il y a aussi tous ces visages que nous gardons en mémoire, comme de petites lampes précieuses sur nos routes personnelles. Leur amitié avec Dieu, leur vie profondément humaine, leur humble parcours nous font signe de cette possible relation qui transfigure nos vies humaines...Ils se sont laissés enfantés par Dieu, ils ont accepté de naître d’un autre, de renaître à tous les âges de leur existence... Tout en étant des hommes et des femmes pleinement de cette terre, ils ont cru à cette relation ouverte sur un ailleurs. Ils ont accepté que s’ouvre une brèche dans les évidences trop terrestres. Ils ont pris le chemin de la foi. Ils ont consenti à devenir fils et fille du Très-Haut.

A la suite de tous ces enfants de Dieu qui ont fait briller dans leur vie l’Amour du Père qui les comblait, accueillons sans peur ce regard de notre Dieu sur nous. Et si notre vie nous semble faire obstacle à cet Amour, si nous nous en sentons si peu digne, souvenons-nous que Dieu aime d’abord les pécheurs que nous sommes. Et si nous peinons encore à le reconnaître en nos vies, pourquoi ne pas aller à la rencontre d’un de ses amis, en lisant une vie ou des écrits de saints...Ils sont de bons maîtres, et bons amis pour nous accompagner dans cette découverte inouie de ce que nous sommes : des enfants de Dieu...

Homélie du 05 septembre 2004 — 23e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année C
Info :

Année C - 23° Dimanche du Temps Ordinaire - 5 septembre 2004

Sg 9 13-18; Phm 9-17; Lc 14 25-33

Homélie du F.Servan

Texte :

"De grandes foules faisaient route avec Jésus ... "

Cela fait maintenant deux mois que l'évangile de Luc, entendu cette année (le dimanche nous fait marcher à la suite de Jésus montant à Jérusalem, marche ponctuée par des paroles plutôt énergiques, voire dures, telles celles que nous venons d'entendre.

Il m'a semblé, d’ailleurs, entendre dans la nef dite « des fidèles » de lâches soupirs de soulagement (je ne saurais dire si c'était côté gauche ou côté droit) qui, je pense, voulaient dire : " OUF! Ces paroles ne nous concernent pas, elles sont pour les moines ou pour les religieuses qui quittent leur famille, renoncent à leurs biens et font vœu d'obéissance !"

Les moines vous répondront :" Bien merci, pour l'honneur que vous nous faites! Et c'est vrai que dans notre Règle de Saint Benoît nous lisons: "Avant tout, aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces et se renoncer soi-même pour suivre le Christ, ne rien préférer à l'amour du Christ. Mais au début de cet évangile n'avez-vous pas entendu: " de grandes foules faisaient route avec Jésus "

(Pour ce qui est de la réalité historique, Luc exagère sans doute, mettons que cela fasse une bonne troupe d'hommes et de femmes suivant Jésus depuis la Galilée ; mais sans doute que lui et l'Esprit Saint nous comptaient dedans, nous, avec d'autres de par le monde et au fil des siècles: alors, oui, de

grandes foules y compris ceux qui ont soupiré dans la nef !

Plutôt que de nous renvoyer la balle, mieux vaut nous livrer ensemble à une démarche de sagesse (cette sagesse dont nous a parlé la première lecture qui nous invite à nous asseoir en entendant ces paroles) !

On se demandera par exemple : QUI PARLE ? Se mettant ainsi en avant, dans la fréquence des pronoms possessifs : « Mon disciple ... vient à MOI …marche derrière MOI ... Me préfère" ...Moi JE SUIS le CHEMIN, Moi Je suis la lumière du monde, qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres.

Et non seulement, il parle, mais Il REGARDE:

« Il se retourna et leur dit ». S'il se retourne, c'est qu'il les regarde. Et si moi je le regarde (dans le secret de ma chambre ou dans l'assemblée liturgique), il peut me donner sa force, mettre en nous ce possible qui est en Dieu. - Dans un passage parallèle de l'évangile selon Marc, ce regard de Jésus est bien explicité : « Après avoir regardé le jeune homme riche, regardant autour de lui, Jésus dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui ont des richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu ». Et, comme ils étaient déconcertés, stupéfaits ... Jésus reprit en FIXANT SUR EUX SON REGARD : « Mes enfants, pour les hommes, c'est impossible, mais pas pour Dieu » ! Tout comme il ne faut jamais entendre les dix commandements de la Torah de Moïse, en oubliant la phrase introductive: « C'est moi le Seigneur votre Dieu qui vous ai libérés », de même il ne faut jamais entendre l'évangile sans ce regard qui encourage!

(Comme me l’écrivait une amie psychologue, en son langage particulier : « le renoncement n’est pas directement sous le contrôle de la volonté, mais dépend de la qualité d’un « être aimé » et d’un « être regardé » qui seule ouvre à la confiance dans l’autre » C’est bien dit !!

Et A QUI PARLE-T-IL qui regarde-t-il ?

Les foules, mais aussi, chacun en particulier: « Si quelqu'un, celui d'entre vous ». Dans tous les cas, à un homme qui marche (pas seulement qui passe un temps plus ou moins long sur la terre : « UN JOUR QUI S'EN VA, UNE HEURE DANS LA NUIT » comme l'a dit le psaume, 80 ans et plus, mais qui doit qualifier et orienter ce temps de vie en en faisant un chemin sensé, éclairé en cela par la Parole de Dieu. C'est ainsi que par ta Sagesse les chemins des habitants de la terre sont devenus droits « Heureux l’homme qui marche selon la Loi du Seigneur » dira encore le psaume.

Et ... QUE DIT-IL ... à cet homme qui, avant de pouvoir construire sa tour, sa vie ... de pouvoir se défendre, voire attaquer l’ennemi, l’autre soi, le concurrent , menaçant son pré carré et avant qu'à l'automne de sa vie un corps périssable n'alourdisse son esprit, commence par être un petit d'homme bien démuni (si on le compare aux animaux mieux programmés ) ayant donc bien besoin de

la protection d'une famille et à travers elle de l'appui sur les biens nécessaires ...

Que lui dit-il? ... peut-être ceci:

« Quand je vous ai parlé de « me préférer à … de renoncer à ... de porter sa croix pour marcher derrière moi » ce n’était pas invite à tuer la nature, à faire de mes paroles comme une pluie de cendres culpabilisantes sur vos bonheurs terrestres.

- J'ai dit aussi : d'honorer ses parents et d'aimer le prochain « comme soi-même » donc il y a un bon amour de soi-même.

Et parlant: de l'homme et de la femme, mon apôtre précisera : « Nul n’a jamais haï son propre corps; au contraire on le nourrit, on en prend soin!"

NON! C'était vous appeler à la vie nouvelle du Royaume de Dieu que je suis venu semer sur la terre, vous appeler à en vivre et à en témoigner, redonnant force nouvelle aux deux grands commandements de l'Amour, Je vous appelle à sortir de l'étroit (parfois de la famille, souvent de vous-mêmes) pour devenir Fils et Filles de Dieu et Frères de tous ! Vivant toujours davantage dans la relation-respiration avec ce PERE surprenant dont j'ai tant aimé vous parler et qui est là dans le secret ... (respiration intime mais pas sans conséquences bien concrètes dans la vie de chaque jour : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait).

Et je vous appelle à vous faire le Frère de beaucoup, par-delà le cercle restreint de vos proches. Paul invite Philémon à voir Onésime non plus comme un esclave (type de la relation étroite, aliénée) mais comme un frère bien-aimé!).

Je vous ai parlé de son regard, fixé sur nous. En écho, un chrétien parlant à d’autres chrétiens, dans l’épreuve, l’auteur de la lettre aux Hébreux leur écrit : « Fixant nos yeux sur le Chef de notre foi, (qui la mène à la perfection), Jésus, qui au lieu de la joie qui lui était proposée, endura une croix et est assis désormais à la droite de Dieu. Songez à celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle contradiction afin de ne pas défaillir par lassitude de vos âmes.

Enveloppés d’une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau et le péché qui nous assiège pour courir avec constance l’épreuve qui nous est proposée » Héb 12 (1998-09-06)

Homélie du 29 août 2004 — 22e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - 22° dimanche du Temps Ordinaire 29 août 2004

Siracide, 3 :17-29 ; Hébreux,12 :18-24 ; Luc 14 :1-14

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

L’évangile que nous venons d’entendre rapporte ce que l’on a pu appeler « des propos de table » tenus par Jésus, à l’occasion d’invitations à des repas qui ne manquèrent pas tout au long de sa vie terrestre. Ici, Jésus est invité, un jour de Shabbat, chez un pharisien, mais on sait qu’il s’asseyait tout aussi bien à la table des publicains et des pécheurs, qu’il n ‘a pas refusé d’aller à une noce à Cana et qu’il a partagé bien des repas ici ou là avec les foules et ses disciples, jusqu’à la dernière Cène, avant sa Passion et même encore après sa mort et sa Résurrection.

Aujourd’hui, dans ces « propos de table », Saint Luc nous livre deux sentences de Jésus qui insistent sur deux conduites à tenir en matière de repas, valables tout aussi bien à notre époque qu’à la sienne, pour vivre selon l’Evangile :

- d’une part, l’humilité, traduite concrètement par l’effacement devant les autres,

- d’autre part le désintéressement, le don sans attente de gain en retour de la part des autres, bref, une générosité sans calcul une gratuité surtout à l’égard des plus démunis.

Humilité et Générosité : ce sont là des valeurs qui peuvent être mises à mal dans notre monde d’aujourd’hui, tout comme au temps de Jésus. Prenons-les l’une après l’autre.

Dans notre société, nous le savons bien, tout est organisé et pensé pour que l’homme se réalise par une mise en avant de lui-même. Il faut qu’il soit le plus performant, qu’il recherche la première place, et cela dès son plus jeune âge, dès l’école maternelle. C’est ce qu’un sociologue, Alain Ehrenberg a pu appeler : « le culte de la performance » pour un individu devenu de plus en plus incertain et fatigué d’avoir à être lui-même, à devoir toujours faire ses preuves pour réussir, pour correspondre à une image idéalisée qu’il se fait de lui-même ou que lui dicte les autres de façon tyrannique. Ne pouvant pas la plupart du temps y parvenir, il tombe alors dans la dépression, écrasé par le sentiment de son insuffisance…

Jésus, par une remarque pleine de bon sens et de prudence, qu’il tire d’ailleurs de la sagesse traditionnelle juive, oppose à cette stratégie de la mise en avant de soi, une autre stratégie qui en prend le contre-pied. Cette autre stratégie, paradoxalement, parvient au meilleur résultat, à savoir cette première place si désirable…

« Qui s’abaisse sera élevé et qui s’élève sera abaissé ». Comprenons bien que Jésus ne prêche pas la démission, l’aplatissement devant les autres ou un refoulement de son désir qui serait générateur de frustrations : il propose un changement de perspective, vis-à-vis du regard que l’on a sur soi et sur les autres. L’humilité et l’effacement sont en fait des chemins de vérité, pour qui se met à la suite du Christ. Ces attitudes rejoignent l’homme dans son être profond, bien davantage que le paraître ou le faire. Elles requièrent du courage, de l’énergie et de la volonté, qui proviennent de la force de l’Esprit. Le but recherché en finale, c’est l’entrée dans le Royaume des Cieux, promis à ceux qui se convertissent, en retrouvant un cœur d’enfant, plein de confiance. Car l’attitude qui s’oppose le plus à la conversion, c’est ce sentiment de justice personnelle et de supériorité que Jésus dénonçait chez les pharisiens.

La crédibilité de cette sentence de Jésus sera confirmée par l’exemple qu’Il a donné lui-même de sa vie. « Lui, de condition divine, n’a pas revendiqué d ‘être l’égal de Dieu, mais il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à mourir sur une croix » On a pu dire de lui, qu’il avait tellement pris la dernière place, que personne ne pourra jamais plus la lui ravir.

La seconde sentence de notre évangile concerne le désintéressement : la générosité du don qui n’attend pas de contre-partie. Ainsi nous dit Jésus pour le choix des invités, quand on donne un repas : « invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles et tu seras heureux parce qu’ils n’ont rien à te rendre. Cela te sera rendu à la résurrection des justes. »

Là encore, par un paradoxe et un renversement de situation, la récompense la meilleure sera offerte à celui qui aura sacrifié ses amis, ses parents en accordant la préférence aux pauvres, aux petits, aux handicapés de la vie. Cela n’est pas évident ni spontané. Et pourtant ? Peut-être connaissez-vous l’histoire de ce petit garçon de 10 ans qui va visiter sa petite sœur malade à l’hôpital. Le médecin s’adresse à l’enfant et lui dit : « Tu sais, ta petite sœur est très malade, elle risque de mourir, elle ne peut être sauvée que si tu veux bien lui donner ton sang, car elle a besoin de sang, et il n’y a que le tien qui soit vraiment compatible avec le sien, parce que vous êtes frère et sœur. » Le petit garçon tout d’un coup a très peur, il réfléchit, il hésite et puis finalement, il accepte. Une heure après le prélèvement, le médecin revient et le petit garçon lui demande : « Dites, docteur, maintenant, quand est-ce que je vais mourir ? ». L’enfant avait réellement cru, en donnant son sang, donner sa vie pour sa sœur, et il n’avait pas tort.

Une autre illustration de générosité gratuite nous a été rapportée par notre voisin, le Père Régnault, prêtre à St Léger Vauban. Il nous disait combien il avait été frappé, lors des ses voyages en Inde, par la manière dont les gens pratiquaient l’aumône. Quand un pauvre reçoit une pièce d’un passant, ce n’est pas le pauvre qui remercie, mais c’est le donateur, car, ce dernier, dans un esprit religieux, rend grâce à Dieu de lui avoir offert la possibilité d’exercer son devoir d’aumône, en plaçant ce pauvre sur son chemin.

Ces exemples (et chacun pourrait en apporter d’autres) nous montrent que la générosité n’est pas absente du cœur de l’homme, même si ce cœur est très conditionné par l’esprit du monde et la recherche du profit et du plaisir immédiat et égoïste.

Ainsi, l’évangile d’aujourd’hui nous adresse une leçon de bonheur : c’est dans l’ouverture à autrui, dans le désir de laisser la place aux autres, la meilleure place, c’est dans un don sans calcul que résident la joie la plus grande et l’espérance d’être accueilli un jour à notre tour dans le Royaume, à la Résurrection des Justes.

L’Evangile propose un horizon non pas chimérique, mais il porte nos regards trop étroits, trop limités au-delà de nos intérêts immédiats. Il n’est pas fuite de nos responsabilités pour notre terre : au contraire, car il nous renvoie à l’attention à porter à nos frères, aux plus pauvres surtout. Mais il est aussi et surtout attente de la Résurrection des morts et de la vie du monde à venir, comme nous allons le proclamer en finale du Credo, dans un instant.

Alors, offrons cette eucharistie, avec joie, en accueillant le sacrement du Corps et du Sang du Christ, lui qui s’est livré par amour pour nous, afin que nous ayons la vie, la vie en abondance, la vie éternelle.

Amen (2004-08-29)

Homélie du 24 juin 2004 — Saint Jean-Baptiste — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Fête de st Jean-Baptiste - 24 Juin 2004

Is 49 1-6; Ac 13 22-26; Lc 1 57-80

Homélie de F.Guillaume

Texte :

Tous disaient : « Que sera donc cet enfant ? »

Voilà bien la question de toujours que se posent les parents, les familles à la naissance d’un des leurs. C’est bien celle que je me suis posée, il y a quelques jours, en apprenant la venue au monde de mon 5ème petit-neveu, prénommé Foucault. Que sera donc Foucault ? Il y a des chances qu’il vive jusqu’au XXIIème siècle, dans la mesure où les progrès de la médecine vont augmenter encore l’espérance de vie, à moins qu’il ne soit fauché par un accident ou une maladie prématurément , ou bien qu’une catastrophe pire encore que celles que nous avons connues au XX° siècle ne vienne dévaster ou détruire notre planète « Terre » que nous savons en danger et soumise à bien des menaces. Chacun peut y aller de sa prophétie de bonheur ou de malheur pour l’avenir, mais revenons au prophète Jean-Baptiste. Qu’est-il donc devenu après sa naissance ? Qui est-il pour nous aujourd’hui ? Laissons-nous interroger par lui, en ce jour, comme Jésus interrogeait ses disciples dimanche dernier dans l’évangile : pour vous qui suis-je ?

Je vous propose de méditer 3 aspects de cette figure évangélique, si chère à la tradition monastique, dans la ligne du prophète Elie. Jean d’ailleurs n’a-t-il pas été désigné comme le nouvel Elie attendu pour les temps messianiques ?

En premier lieu, on peut dire que Jean est le prophète du courage. Courage dans l’annonce de la Vérité et dans la dénonciation du mensonge. Ce zèle lui a coûté la vie, nous le savons dans une sombre histoire de jalousie et d’infidélité conjugale dans l’entourage de la famille d’Hérode. Jean n’était pas l’homme des arrangements ou des compromissions : il a rappelé la loi du mariage, et plus largement il rappelait à ses contemporains la Loi de Dieu et ses exigences de Justice et de respect des autres.

Aujourd’hui encore nous avons besoin d’entendre des prophètes courageux, dans bien des domaines et pas seulement ceux de la morale conjugale ou familiale. Notre monde et notre société ne sont ni meilleures, ni pires que celles du 1er siècle. A notre place, si petite soit-elle, et quand les circonstances nous le commandent, avons-nous, nous aussi, le courage de dire la vérité, quoiqu’il nous en coûte ? Sommes-nous, comme Jean, des affamés et des assoiffés de la Justice de Dieu ? Des passionnés de la Vérité ?

En second lieu, je dirais que Jean est le prophète de l’effacement. « Il faut qu’il grandisse, et que moi, je diminue ! » Jean a toujours eu la conscience de n’être qu’un Précurseur et qu’un Autre, plus grand que lui, devait venir après lui. Il s’est considéré comme un ami de l’Epoux, qui se tient là, à ses côtés, à son écoute et cette simple présence le remplissait de joie. « Telle est ma joie, et elle est parfaite ». Ce sentiment d’être à sa place, et rien qu’à sa place, n’enlève rien à l’importance de sa mission, à la valeur du baptême qu’il conférait aux foules qui venaient à lui, au bord du Jourdain. Jésus l’a reconnu et a fait l’éloge de Jean : « parmi les fils des hommes, aucun, je vous le dis, n’a été plus grand que Jean, et pourtant le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus grand que lui ! ».

A nous aussi, à la suite de Jean, il est nous est demandé de savoir bien nous positionner par rapport à Dieu, au Christ et par rapport aux autres. « Un homme ne peut rien s’attribuer à lui-même au-delà de ce qui lui est donné du Ciel ». En tant que moine, que moniale, nous avons à tenir notre place dans l’Eglise et dans le monde. Nous aussi d’une certaine manière nous sommes envoyés devant le Christ et par lui. Nous sommes ses amis. « Celui qui a l’épouse est l’époux : quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il écoute, et la voix de l’époux le comble de joie. »

Enfin, je terminerai mon petit tableau du portrait de Jean, en disant qu’il a été le prophète des Temps Nouveaux. A la charnière des Deux Testaments, il annonce, en première ligne, le Règne de Dieu et la vie d’un monde à venir. A la différence des apôtres, il n’a pas suivi Jésus sur les routes de Palestine. Il n’était pas là à l’heure de la Passion au Mont des Oliviers, ni au Golgotha. Il n’a pas partagé avec eux la joie de la Résurrection et il n’a pas vécu physiquement les débuts de l’Eglise, à la Pentecôte. Pourtant, on peut affirmer qu’aucun de ces événements n’étaient étrangers à sa vie, à son espérance, à son attente. Comme tous les grands témoins de l’Ancienne Alliance, à la suite d’Abraham, il avait vu par anticipation, le Jour du Seigneur : Jour de fête et de joie. Car il a cru en celui qui devait venir et il l’a désigné comme l ‘Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Jésus a été pour lui bien davantage qu’un simple petit cousin : il était l’Envoyé de Dieu pour un baptême de feu et d’Esprit Saint.

Nous aussi, bien que situés maintenant dans la Nouvelle Alliance et dans l’Eglise, nous avons à être les témoins de l’espérance qui nous habite et qui nous fait attendre la venue du Christ dans la Gloire. Nous attendons la Résurrection des morts et la vie du monde à venir, comme nous le chantons chaque dimanche dans le Credo. Avec une connaissance certes enrichie par rapport à celle de Jean, puisque la Croix et Pâques ont inauguré une ère nouvelle. Cependant nous sommes encore dans l’attente de l’accomplissement de cette ère, et en cela nous sommes bien les frères, les sœurs, les amis de Jean-Baptiste, dont la naissance, la vie et la mort demeurent pour nous un exemple incomparable.

(2004-06-24)

Homélie du 11 avril 2004 — Dimanche de Pâques — Frère Matthieu
Cycle : Année C
Info :

C 2004 Pâques Jour 1°Dimanche 11 avril 2004

Dimanche de la Résurrection

Lectures : Ac 10, 34a, 37-43 / Col 3,1-4 / Jn 20, 1-9

Homélie de Frère Matthieu

Texte :

Aujourd’hui, c’est Pâques

la Pâques chrétienne, la nouvelle Alliance que Jésus notre sauveur a scellé dans le sang de sa Croix et dans la gloire de sa Résurrection.

Ce matin, pour entrer plus avant dans ce Mystère, reprenons simplement les mots essentiels de notre foi, deux mots-clefs :

Pâques / Alliance.

Pâques, un mot qui signifie passage, passage de Jésus de la mort à la vie, et pour nous, par notre baptême, un passage aussi de la mort à la vie avec le Christ ; notre mort, nos morts, reprises, assimilées dans la mort de Jésus, le Christ. Sa vie transmise pour que nous soyons désormais vivants de sa vie.

Mais comment faire pour que cela ne soit pas seulement des mots ? une réalité, un mystère qui change nos vies d’hommes et de femmes aujourd’hui ?

Reprenons les images de la Bible que nous lisions cette nuit, au livre de l’Exode.

Le peuple, les hommes et les femmes d’Israël ont quitté le pays de servitude ; ils y ont connu l’esclavage qui, au fil des années est devenu terrible, invivable ; ils étaient affrontés à leur mort, puisque leurs enfants n’avaient même plus le droit de vivre… tués dès leur naissance par les soldats de Pharaon.

Ils ont quitté ce pays, mais les voilà aujourd’hui, face à la mer infranchissable et poursuivis par Pharaon et toute son armée. Cette fois, ils sont voués à une mort certaine et ils ne savent plus que crier, vers Moïse et vers Dieu.

Et ces hommes, ces femmes d’Israël, c’est nous, sans le Christ…

En avons-nous seulement encore conscience ?

Pris dans la servitude du péché, confrontés à nos blessures, à nos impasses, à nos échecs, aux persécutions, à nos morts…

Saurons-nous regarder nos vies, notre monde pour ce qu’il est, faire face à notre condition humaine ?…

Souvent nous n’osons pas… et nous avons raison de fuir ce constat désespérant…

MAIS, ce matin, comme les hommes et les femmes d’Israël, nous avons une lumière fulgurante pour oser regarder notre monde, notre vie, tels qu’ils sont : ces blessures, ces impasses, ces violences, ces morts, nous pouvons les regarder dans la lumière d’une espérance, dans la lumière du Christ ressuscité !

Moïse lève son bâton sur la mer,

Jésus lève l’étendard de la Croix sur notre monde, sur nos vies

et un passage impossible est ouvert sous nos yeux et devient un chemin possible pour nous, notre chemin. Un seuil est franchi, le Christ Jésus est descendu aux enfers, au plus profond des eaux de la mort, au plus creux de nos malheurs de notre péché, de notre mort, et il a brisé les portes de la mort, Christ est victorieux de Satan, l’antique Adversaire de Dieu et de l’humanité ; il a ouvert un passage, il a franchi le seuil, il a dégagé le chemin.

C’est Pâques pour nous, pour tous les hommes : le passage est ouvert sans retour !

Et Jésus, le Christ est désormais avec nous sur le chemin :

Dieu avec nous et nous avec lui : c’est l’Alliance, l’alliance renouvelée et définitivement accomplie.

Ici encore les texte de la Bible peuvent nous aider à comprendre.

Dieu avec nous, on peut le penser comme le guerrier puissant, plus fort que nos ennemis et qui sort à la tête de nos armées… mais tous les jours ne sont pas des jours de victoire !

Dieu avec nous, il faut le retrouver au jour du malheur, au jour de l’exil ; il a quitté le Temple et Jérusalem pour rejoindre son peuple, pour nous rejoindre, aux bords des fleuves du malheur et de la désespérance.

Dieu avec nous, Dieu qui devient l’un de nous et pendant trente ans disparaît dans notre humanité, dans notre vie d’homme faite de joies et de peines…

Dieu avec nous, compagnons de nos routes, les bons et les mauvais jours,

Dieu toujours avec nous dans le concret de nos existences quotidiennes ;

Dieu caché, Dieu présent, Dieu qui nous porte et toujours nous ramène sur le chemin.

L’Alliance :

Dieu, Jésus avec nous, ressuscité et qui nous fait, jour après jour, passer, passer vers la vie, vers Dieu son Père.

Saurons-nous le croire ?

C’est Pâques aujourd’hui : Dieu est avec nous ; il est passé, il nous fait passer de la mort à la vie, il nous accompagne sur nos routes vers la vie,

Osons le croire !

Amen.

Frère Matthieu Collin

Homélie du 21 mars 2004 — 4e dim. du Carême — Frère Servan
Cycle : Année C
Info :

Année C - Carême 4° dimanche - 22 mars 1998

Jos 5 9-12; 2 Co 5 17-21; Lc 15 1-3, 11-32

Homélie du F.Servan

Texte :

« Un Père avait 2 fils »

« C'est la plus belle des paraboles!

« Elle est belle dans Luc. Elle est belle partout.

« Elle n'est que dans Luc. Elle est partout.

« Elle est belle sur la terre et dans le ciel.

« Elle est belle partout. " Ch. Péguy, bien sûr

Frères et sœurs, même si cette parabole (la plus longue des paraboles) s'est bien un peu usée et comme patinée d'avoir été tant et tant louée et commentée durant près de deux mille ans de christianisme (et de nos jours, s'y essaient même les lectures pointues dérivées de la psychanalyse) et puis illustrée par tant de peintres (Rembrandt bien sûr), elle garde pourtant une beauté comme printanière, véritable évangile dans les évangiles, appelant à la fête, d'ailleurs plus encore quand on la revit au secret du cœur et du lieu de la réconciliation - qui sera davantage fréquenté aux temps de la Pâque qui approche - que lorsqu'on en parle devant un micro !

Elle est le trésor et le bien commun de tout chrétien, qu'il soit d'Avallon ou de la Pierre qui Vire, de Roumanie ou du Nigéria (visité en ce dimanche par le Pape).

Elle est belle partout, pas seulement dans les églises : on la retrouve aux coins des rues, dans les familles, même sur les écrans de cinéma ... par exemple dans ce bon film anglais

« Secrets et mensonges » que les frères ont pu visionner récemment !

Elle n'a pas sa place seulement à la messe du Dimanche; mais elle est bien en prise avec notre humanité de tous les jours de la semaine. Par exemple, elle dit bien, à travers le détail des mots. Ce cher MOI qui est MIEN avec son désir, sa faim, ses manques, ses désordres, ses jalousies, avec les biens terrestres susceptibles de prolonger et rassasier ce MOI !

« Donne-MOI la part d'héritage qui ME revient » dit l'un; et l'autre fils joue sur le même registre - sur le mode coincé et frustré, il est vrai – « Jamais tu ne M'as donné un chevreau pour festoyer avec MES amis ». Pour chacun, deux fois le pronom possessif!

Pour l'un et l'autre, il faudra la révélation du " Père Prodigue " qui à chaque fois sort de la maison, à leur devant, fait le premier pas, pour les faire passer à la JOIE IMPRENABLE (titre d'une belle étude de Lytta Basset) du repas partagé. C'est l’itinéraire de toutes nos vies chrétiennes et humaines : entrer peu à peu dans ce « SE REJOUIR » mentionné juste à la fin de l'histoire et « cette Joie, nul ne pourra vous la ravir ».

On a souvent fait remarquer que cette histoire restait inachevée, en suspens. Ainsi, on ne sait pas quel sera la réaction finale du Fils aîné? Va-t-il se laisser toucher et entrer prendre sa place à la table de fête - comme cela est généreusement représenté sur la fresque qui orne le grand couloir de notre Maison d'accueil ! C'est un point de vue ! Mais inachevé, la Parabole de ce fait nous questionne et nous invite à la continuer nous-mêmes, comme dans un jeu de rôles !

Ainsi, parfois je joue au fils perdu (peut-être pas « perdu-perdu » entouré par sept cochons - chiffre parfait - comme c'est représenté sur la Croix derrière moi - mais quand même par un ou deux en désordre.

Parfois, je me surprends à jouer au fils aîné, à la religion étroite, fidèle mais triste, sans saveur, sans la joie de respirer dans l'amour du Père et plus ou moins fort, jugeant les autres.

Parfois enfin je me retrouve dans le rôle du Père, puisqu' il est écrit : « Soyez miséricordieux, comme votre Père céleste est miséricordieux » !

Dans ce jeu de rôles, il y a un bon Entraîneur, Celui dont nous allons bientôt célébrer la Croix et la Résurrection!

Pour ma part, j'aime bien prier la Croix qui est juste derrière moi et qui illustre notre Parabole: si vous avez de bons yeux, pour vous en haut à gauche, vous voyez assez bien le Père qui voit de loin, bondit et ouvre large ses bras - (comme un Père mais aussi comme une Mère aux entrailles de pitié (Rahamin ... en hébreu -)-

Or, juste à côté, vous voyez les bras du Christ sur la Croix, non pas douloureusement suspendus mais larges, ouverts, à l'horizontale, en accueil et bénédiction. L'artiste ici rejoint le regard de l'Eglise sur la Croix: « Dieu au-delà de tout créé ! Toi que nul homme n'a pu voir ! Béni sois-tu d'avoir remis entre les mains des plus petits ! Ce Corps où rien ne peut cacher ton cœur de Père !

La Croix du Christ, ce sont les bras du Père prodigue à jamais ouverts pour nous accueillir.

Pour belle que soit l'image, on peut encore l'enrichir! Non seulement le Christ faisait bon accueil aux pécheurs, mais il mangeait avec eux comme se faisant l'un d'eux. Fils perdu parmi les fils perdus - (« celui qui n'a pas connu le péché, Dieu l'a pour nous identifié au péché" 2e lect.). Et c'est à Lui, le premier, à l'heure de sa résurrection que le Père dira : « Mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie. Il était perdu et il est retrouvé » !

Et désormais, à travers le Christ, ces paroles sont aussi pour nous et pour qui veut les entendre! (1998-03-22)

Homélie du 04 janvier 2004 — Epiphanie du Seigneur — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Epiphanie du Seigneur 2004

Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2004

Frères et soeurs,

Une étoile était apparue, puis elle avait comme disparu, ce qui avait obligé les mages à se renseigner à Jérusalem, puis de nouveau elle précède ces hommes d’Orient pour se fixer au-dessus de la maison de l’enfant...pour la plus grande joie de ceux qui se sont mis en route depuis longtemps...

Ainsi l’évangéliste Matthieu se plaît-il à nous entraîner à Bethléem pour y découvrir l’enfant Jésus et pour nous le présenter : voici le Roi des Juifs. Si Luc dans son évangile, nous invite à reconnaître le Sauveur, le Messie avec le regard très simple et joyeux des bergers, Matthieu nous propose d’emboîter le pas des mages, de ces hommes au savoir plus ou moins occulte. Pour les bergers, le signe est celui d’un enfant dans une crèche, et pour les mages, le signe est celui d’une étoile... D’un côté la simplicité et la pauvreté déconcertante d’une naissance d’un petit de gens de passage dans une étable, de l’autre la naissance banale incognito, pourrait-on dire, d’un enfant juif dans la ville de David, à Bethléem... Dans les deux cas, il y a une grande disproportion entre les faits eux-mêmes et ce qu’on en dit, entre l’apparente simplicité de cet enfant et son identité qui se révèle peu à peu...C’est la manière semble-il avec laquelle Dieu se plaît à se manifester...Epiphanie du Seigneur , manifestation de sa gloire dans les signes humains très quotidiens...C’est Noël qui ne fait que se prolonger et c’est le même mystère que nous sommes invités à méditer...Le mystère d’une Lumière qui se lève dans la nuit, une Lumière qui n’éblouit pas.

Aujourd’hui ce sont donc les mages qu’il nous faut suivre. Allons à Bethléem...

Ces hommes se sont mis en marche guidés par une étoile... Pour ces hommes qui scrutent les astres, une étoile qui se lève est toujours un événement. Et cet événement est interprété comme le signe de la naissance d’un roi...Sont-ils de la même trempe que le prophète Balaam qui déjà dans l’histoire du peuple d’Israël prédisait “qu’un astre issu de Jacob deviendrait chef, qu’un sceptre se lèverait issu d’Israël” (Nb 24,17) ? De part et d’autre, ce sont des hommes étrangers au peuple qui interprètent ou entrevoient des signes relatifs au peuple Juif et à son chef... Ce sont des chercheurs de vérité et de sens qui percent le mystère... Les mages se mettent en route sans savoir où ils vont. Ils savent et ils ne savent pas, aussi ils avancent... Ils cherchent...

Ils arrivent à Jérusalem, la ville des Juifs... la capitale autrefois puissante, aujourd’hui très modeste, occupée...Le signe a disparu, mais peu importe, ici il y a des gens qui sont versés dans les sciences de ce peuple. Ils doivent donc savoir... “Où est le roi des juifs qui vient de naître”...Mais rien ne bouge, rien de nouveau ici... Si on consulte les Ecritures, le lieu d’une naissance d’un roi, pourrait être Bethléem...Mais à Jérusalem, seules les Ecritures parlent vraiment, et les mages ne trouvent pas là des chercheurs qui les auraient gardées bien vivantes, comme un foyer endormi prêt à s’embraser. Non, cette nouvelle de la naissance d’un roi dérange plutôt les façons de voir, les organisations... Un roi, mais il y en a déjà un...L’étoile avait disparu au dessus de Jérusalem...pour laisser la Parole aux Ecritures, et les Ecritures ont parlé à travers ceux qui en avaient la garde...Les mages les ont entendues mais ceux qui en avaient la garde qu’ont-ils compris de ce qu’ils ont transmis ? Ont-ils vraiment écouté les Ecritures qui parlaient à travers eux ? Mystère de nos paroles humaines qui passent par nos lèvres, sans parfois ne rien dire à notre propre coeur... Mais Dieu se sert aussi de ces paroles-là pour parler à ceux qui cherchent vraiment, qui ont le coeur pur et qui ne désirent qu’une chose avancer...chercher...en se laissant guider...en acceptant de ne pas savoir...

De Bethléem à Jérusalem, la route n’est pas longue... Et voici que l’étoile reparait au dessus d’une maison. L’enfant est là, ces hommes venus d’Orient lui rendent hommage comme on doit le faire pour un roi....Avec dignité et honneur, ils offrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe...Avec humilité, ils se retirent sans s’attarder pour regagner leur pays... discrètement et sans s’arrêter en chemin...

Comme les bergers, les mages ont accepté de se laisser enseigner et conduire par des signes voilés...pour chercher la Vérité, une Vérité en forme d’étoile dans la nuit...Lumière discrète dans la nuit suffisante pour la marche. Et ils ont découvert Celui qui vient éclairer les nations et qui ne se présente pas dans l’éclat d’une lumière fracassante...mais plutôt comme une étoile dans la nuit...Une étoile qui éveille le désir, qui met en joie pour chercher... “Jésus, le rejeton de la race de David, l’étoile radieuse du matin” comme le dira l’Apocalypse (22,16)...Jésus est venue comme une étoile du matin, une étoile qui fait signe que la nuit touche à sa fin, que le Jour est proche...

Aujourd’hui encore, Jésus, l’Etoile du matin espère chercheur... (2004-01-04)