Homélies
Liste des Homélies
Année B – Carême – 1° Dimanche - 5 Mars 2006
Gn 9 8-15 ; 1 P 3 18-22 ; Mc 1 12-15
Homélie du F.Servan
Dans les trois lectures de ce dimanche nous avons affaire à des gens qui viennent de sortir de l'eau et précisons , qui viennent d'échapper aux eaux dangereuses, « sauvés à travers l'eau », que ce soit réellement (dans le cas de Noé et de sa famille), ou symboliquement, (dans le cas de Jésus, baptisé dans les eaux du Jourdain et par la suite, « pris pour de bon dans les eaux de la mort, puis rendu à la vie » - dans le cas aussi des chrétiens nouveaux baptisés auxquels s'adresse la lettre de Pierre)
Etre sauvés des eaux mortifères, c'est bien! Mais ensuite? Nous le savons, notre baptême, ce n'est pas un point d'arrivée, mais bien un point de départ, le bon départ d'une course, une mise sur orbite. L'image du chemin, de la route est d'ailleurs bien présente dans nos textes, avec le chant du beau Ps 24 et son refrain « Enseigne moi tes voies, Seigneur, fais-moi connaître ta route » ! Et dans un instant, le prêtre dira en notre nom « avec cette eucharistie, nous commençons notre marche vers Pâques », et la lettre de Pierre constatait: « être baptisé, ce n'est pas être purifié à bon compte, « à bon marché », c'est s'engager envers Dieu avec une conscience droite », et sur une route, qui à la suite du Christ ressuscité; s'en va jusqu'au ciel, à la droite de Dieu ».
Dans cette perspective, le Carême c'est un temps où les baptisés que nous sommes pressent un peu le pas et vérifient leur trajectoire, leur route. (D'ailleurs, au terme de ce temps d'exercice, à.la Vigile pascale, avec le symbole de l'eau, il y-aura renouvellement de nos engagements de baptisés) !
Comme l'Esprit a poussé Jésus vers l'épreuve des quarante jours au désert, aussitôt après son baptême; de même il nous engage dans les quarante jours du Carême pour un temps d'attention, de vigilance, de sobriété, de prière, d'écoute de la proclamation du Christ: « le règne de Dieu s'est fait proche, tournez-vous vers Lui et croyez à la bonne Nouvelle ».
Mais pour ce chemin, les lectures entendues nous invitent aussi à ne pas en rester à
une perspective trop étroite, étriquée, morale ou spiritualiste individualiste : mes petits efforts, mon exercice personnel, mais à les replacer dans de plus vastes dimensions. A travers eux nous prendrons part à ce qui est la grande affaire de la Bible, c'est à dire
l'ALLIANCE entre Dieu et l'humanité. Dans la première lecture, à propos de Noé sorti de l'arche, ce mot d'Alliance est revenu avec insistance (cinq fois au moins en peu de lignes) Si alors l'homme est encore relativement passif, par la suite il sera invité à s'engager de plus en plus lui aussi. Ainsi, au désert, Jésus s'engage pour de bon à être fidèle à sa mission et à ne pas s'en laisser dévier. A sa suite, les baptisés « s'engagent envers Dieu avec une conscience droite ». (Ce qui est une formule d'alliance) !
Autre dimension, qui nous parle assez bien aujourd'hui : la dimension cosmique. Dans
la même histoire de Noé, on précise et on insiste: alliance « avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous », y compris les bêtes sauvages! (Faut-il relier à cela la notation symbolique et originale de l'Evangile de Marc : « il vivait parmi les bêtes sauvages" ?)
La lettre de Pierre étend d'ailleurs à l'infini cette dimension cosmique : avec le Christ le salut va du séjour des morts jusqu'au plus haut des cieux: « descendu aux enfers, monté aux cieux ». Il a tout réconcilié, aux cieux, sur terre et aux enfers.
Pour finir sur un peu de concret, si, en sus de la sobriété dans la consommation et d'une attention renouvelée au respect de l'environnement , nous prenons conscience que nos temps de prière, des psaumes ou autres, sont aussi prière de l'Eglise, du peuple qui fait alliance, et davantage, de toute l'humanité, avec ses fièvres actuelles. Cela peut nous donner plus d'élan, de souffle; si enfin, nous veillons sur notre langue, cela peut contribuer à faire baisser le taux de paroles qui dans le monde actuel agressent l'autre et manquent par trop de sagesse et de mesure. Que l'Esprit nous inspire et nous guide! (2006-03-05) .
Année ABC - Messe de la nuit de Noël 2005
Is 9 1-6; Tit 2 11-14; Lc 2 1-14
Homélie du Père Abbé Luc
2005
Frères et soeurs,
Il me semble qu’en cette fête de Noël, il y a un mot important à retenir, un mot simple que l’on utilise tant de fois dans la vie courante, mais qui en cette nuit joue un rôle singulier...c’est le mot “avec”. Ce mot unit Dieu et nous. Il dit la manière par laquelle Dieu s’est fait proche des hommes. En Jésus, né à Bethléem, il y a 2000 ans, il a été “avec”nous. Tel est son nom : Emmanuel, “Dieu avec nous”. Dieu est venu pour être “avec” nous. Il n’est pas le Dieu loin de nous, ou le Dieu sans nous, le Dieu au dessus de nous, non, désormais en Jésus, nous avons l’assurance qu’Il est “Dieu avec nous”...
Oui, dans ce petit mot “avec”, se trouve une belle lumière pour notre foi en Dieu. Dieu a choisi de se faire proche de nous pour toujours, en Jésus, un homme de notre race, de la lignée de David, du peuple juif. Depuis 2000 ans, la fête de Noël nous redit cette certitude. Elle vient même nous provoquer à croire davantage en lui, en ce Dieu là, le Dieu avec nous.
Car peut-être en effet, sommes-nous toujours des mal-croyants, voire des incroyants devant ce grand mystère : Dieu avec nous en un homme...qu’est-ce que cela veut dire ?
Spontanément, il est plus facile de penser Dieu, tout autre, lointain que Dieu tout proche. Il est plus simple d’envisager Dieu tout puissant que Dieu tout vulnérable, petit en un enfant. Ainsi butons-nous souvent sur cette simplicité déconcertante de notre foi : Dieu est avec nous, il a voulu être un homme parmi nous en Jésus. Admettre cela vraiment n’est pas facile. Aussi, il n’est pas rare d’entendre ou de nous faire nous-même des réflexions du genre : si Dieu existe, s’il est Tout Puissant, pourquoi n’empêche-t-il pas tout ce mal, pourquoi ne guérit-il pas cette maladie, pourquoi ne délivre-t-il pas de la mort ? S’il est Dieu, pourquoi toutes ces souffrances sur notre terre ?
Autant de questions fortes et respectables tant elles expriment des souffrances difficiles à porter par beaucoup. Et on le sait, ces questions graves peuvent conduire nombre de nos contemporains à abandonner le chemin de la foi.
Mais cependant, est-ce cela la foi chrétienne ? Est-ce en ce Dieu-là que nous croyons ?
Non, la foi en Jésus-Christ, nous conduit plutôt vers la découverte d’un autre visage de Dieu. Dieu n’est pas le Dieu Tout-puissant qui balayerait toutes les souffrances humaines. Non, mais avec nous, il choisit plutôt de passer par la souffrance et par la mort, comme il l’a montré en Jésus, pour nous donner part à sa Vie divine. Ce Dieu avec nous accompagne chacun de nos pas en partageant toute notre destinée humaine. Il est allé jusqu’au bout de notre chemin, de la naissance à la mort, en prenant sur lui et l’humiliation injuste et la violence des hommes.
Oui frères et soeurs, cette fête de Noël nous rappelle que Dieu n’est pas là où nous le situons spontanément comme la solution à tous nos problèmes. Il est ce Père très bon qui délicatement vient à notre rencontre en son Fils Jésus. Il se glisse presque incognito dans notre monde. Loin de nous faire échapper à notre humanité et à tous ses poids, il vient avec nous les porter et nous apprendre à les assumer humblement. Il nous révèle que là se trouve toute notre dignité de fils de Dieu, d’enfants du Père. Il nous enseigne que notre vraie destinée ne s’arrête pas sur cette terre, car nous sommes promis à la vie en Lui. Comme nous le chanterons dans la préface : “Jésus le Fils de Dieu devient tellement l’un de nous que nous devenons éternel”. C’est l“échange merveilleux” qui nous donne à notre tour d’être pleinement avec Dieu. Dieu avec nous, nous avec Dieu, c’est là notre foi, c’est là notre avenir.
Et dans le présent, me direz-vous ? Dans le présent, le Christ ressuscité a promis d’être avec nous jusqu’à fin des temps. Il désire marcher avec nous et nous offrir son Amour. Par sa Parole, il frappe à la porte de notre liberté. Par son Corps et son Sang, il nous invite à sa table. Par son Esprit Saint, il accompagne nos choix et nos activités humaines. Par le frère ou la soeur rencontré, il nous interpelle pour vivre l’échange.
Frères et soeurs, en Jésus Christ, Dieu reste avec nous, accueillons-le. Car il désire que nous soyons vraiment avec lui, pour sa plus grande joie et pour la nôtre.
(2005-12-25)
Année ABC - Fête de l'Immaculée Conception - 8 décembre 2005
Gen 3 9-15; Eph 1 3-6,11-12; Lc 1 26-38
Homélie du F.Servan
Donc en ce jour, nous fêtons Marie, bien sûr, mais aussi plusieurs d'entre nous: les frères Romaric et Marian dont c'est le jour de fête et quelques anniversaires de profession: frère Jean de la Croix à Landévennec, et frère Servan.
De ces bons frères on peut affirmer - sans risque de se tromper - qu'à la différence de Marie, la toute pure, ce sont des pécheurs (même si je ne saurais dire dans quelle proportion) ! Mais les pécheurs - surtout par temps froid, ils savent se réfugier là où il fait chaud, c’est à dire sous le grand manteau de Marie, la Mère du Sauveur, ainsi qu'on le voit sur maintes représentations ou tableaux du Moyen Age. « Sub tuum refugium confugimus » - « Sous l'abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu! »
- Est-il besoin de préciser que ce manteau de Sœur Aînée et de Mère, est lui-même recouvert comme un dais par le bien plus grand manteau de notre Dieu, fait tout à la fois de transcendance (« Tu as pour manteau la lumière ». Ps l03) et de «Rahamin », de tendresse d'entrailles maternelles. « Son Amour s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent ».
- Et nos frères pécheurs, ils restent là bien au chaud, en attendant que de plus savants se soient un peu accordés sur ce qu'il en est au juste du mystérieux péché originel (structurel? existentiel? bien réel !) - L'hiver risque d'être long !
- Quoi qu'il en soit, la Réalité contemplée en ce jour, c'est d'une part cette oscillation de l'humanité entre Bien et Mal et d'autre part, Marie, fille de Sion, fleur d'Israël, qui, elle, a toujours été non refus à son Dieu, à travers les événements heureux ou douloureux, où en son Fils se réalisait le dessein de Salut
pour l'humanité.
A partir de ce non Repliement sur soi, Marie est un être de louange qui, nous tournant vers son Fils (qu'elle désigne sur l'icône) nous entraîne à la louange, à la jubilation. Alors en accord avec la tonalité de joyeuse Espérance de ce temps de l'Avent, nous qui sommes pécheurs, à l'occasion de cette fête de la Sainteté de Marie, progressons de plus en plus dans la louange. Notre foi chrétienne c'est bien de croire que là où le péché a abondé, la grâce a surabondé et si les frères mentionnés sont des pécheurs, ce sont aussi des Saints, en apprentissage.
Ep 1, 3-10
Il nous a bénis dans le Christ
3 Qu'il soit béni, le Dieu et Père
de notre Seigneur, Jésus, le Christ !
Il nous a bénis et comblés
des bénédictions de l'Esprit,
au ciel dans le Christ.
4 Il nous a choisis, dans le Christ,
Avant que le monde fût créé,
Pour être saints et sans péchés devant sa face
Grâce à son amour.
Année ABC - Messe de la fête de la Toussaint - 1 Novembre 2005
Ap 7 2-4, 9-14; 1 Jn 3 1-3; Mt 5 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
2005
Frères et soeurs,
Pour évoquer cette fête de la toussaint, je me suis souvenu d’une image, d’une photo, en forme de poster, que certainement plusieurs d’entre vous connaissent aussi.
C’est l’image d’un visage qui de loin ressemble à tous les visages humains...et cependant au fur et à mesure que l’on s’en approche pour le regarder de plus près, on découvre en fait que ce visage est composé de milliers de petits visages de toutes races.
Oeuvre étonnante qui veut dire quelque chose du mystère du Christ. Une belle icône de la technique moderne...
Cette image convient bien pour éclairer cette fête de la Toussaint. Aujourd’hui nous nous souvenons de tous ces visages, saints connus et saints inconnus, qui ont laissé briller sur eux un reflet de la lumière du Christ.
Ces hommes et ces femmes, ces enfants et ces anciens, sans le savoir peut-être, ont donné visage au Christ dans notre monde. Grâce à eux, la vie de Dieu a tracé son sillon de lumière envers et contre tout. Notre humanité a laissé entrevoir son vrai visage, celui du Christ. Si nous regardons de trop près, nous ne voyons rien, que des visages parmi d’autres visages. Mais si nous prenons du recul, comme en cette fête de Toussaint, nous réalisons qu’en fait tous ces visages montraient le Christ. “Dès maintenant nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous sommes ne parait pas encore clairement” disait Jean.
Si pour nous les choses restent encore en clair obscur, encore voilé, en cette fête, nous entrevoyons dans la foi que ces hommes et ces femmes participent déjà à la vie plénière du Christ et qu’ils nous devancent sur ce chemin de la rencontre. Heureux les pauvres, heureux les doux, heureux les artisans de paix, heureux les coeurs purs nous assure Jésus.
Ce qu’ils sont n’est pas de cette terre uniquement, cela ne peut se perdre : le Royaume des cieux est à eux... Jésus nous demande de savoir regarder en même temps de proche et de loin dans le même moment. Là où les faits sembleraient nous détourner de l’espérance en un avenir meilleur, Jésus au contraire montre que la voie est ouverte. Ceux qui pleurent, ceux qui luttent pour la justice, la paix, ceux qui sont persécutés, loin d’être dans un impasse ouvre le vrai chemin vers la vie qui ne finit pas...
Il nous est bon en cette fête, de nous familiariser avec ce double regard, de proche et de loin. Surtout pour veiller à ne pas les opposer. Jésus nous invite à regarder au plus proche les situations difficiles sans nous en détourner. Il nous encourage plutôt à tenir bon et à les traverser. Il nous invite pour cela à fixer aussi notre regard au plus loin, vers la vie promise. Non pas une vie qui gommerait tout, mais une vie riche de ces passages affrontés et traversés, une vie qui laisse éclater la Vie de Dieu qui était déjà à l’oeuvre.
Il y a encore une autre manière, en ce jour, pour nous familiariser avec le regard de proche et de loin...c’est dans la manière de regarder le frère, la soeur, mon conjoint, mes enfants à côté de moi...Comme, devant le poster, nous risquons toujours de regarder nos proches de trop près...et alors ce sont les détails qui crèvent nos yeux, et le plus souvent même les défauts...Le regard de près risque vite de nous encombrer et de nous faire manquer la grâce de celui, de celle qui est à côté de moi. Si nous prenons un peu de recul, nous pouvons alors mieux voir combien chacun porte en lui un trait merveilleux du visage du Christ, et que s’il manquait, ce visage serait incomplet...La sainteté du Christ rejaillit sur chacun de nous les croyants qui en manifestons des aspects variés et infinis. A regarder de trop près, nous risquons toujours de l’oublier.
Prenons un peu de recul les uns par rapport aux autres, par rapport à l’habitude, par rapport aux images toutes faites, ou par rapport aux énervements quotidiens. Apprenons à reconnaître l’autre dans ce regard de foi, il est porteur d’un trait du visage du Christ.
Cela c’est la Toussaint tous les jours...!!! (2005-11-01)
Année A - 30° Dimanche du Temps Ordinaire - 23 Octobre 2005
Ex 22 20-26 ; 1 Th 1 5-10 ; Mt 22,34-40
Homélie du F.Servan
S'il est un jour où - sans fausse modestie - il convient de se déclarer « tout petit »,c'est
bien ce dimanche où l'on entend rappeler le grand (les deux grands) commandement :TU AlMERAS! Ici, nous sommes tous des commençants, des recommençants peut-être, espérons-le des progressants.
D'autre part, si Jésus fait ici « très court » ( son rappel de l'essentiel de la Loi pourrait tenir sur un timbre-poste), on se sent un peu gêné de délayer cela sur une page 21/29,7 ; cela qui n'est pas tant à commenter qu'à pratiquer !
S'il faut faire quelques notations (pour remplir la pape A4), on peut relever par exemple le
double "Tu aimeras ". Dans l'original grec, c'est le verbe « agapao ». Donc I'amour-agapé, mot si fréquent dans la septante et le Nouveau Testament. Même s'il peut entrer en composition avec EROS (l'amour qui désire et saisit ce qui lui apparaît bon et désirable), il s'en distingue puisque Agapé c'est l'amour qui se tourne vers l'autre pour lui faire du bien, lui donner de soi, de ses biens, de son temps, de son attention, et parfois jusqu'à sa vie peut-être aussi qui reçoit avec reconnaissance l'amour de l'autre (mais c'est peut-être alors Agapé plus Philia : l’amour d’amitié !
Quoi qu'il en soit, c'est bien que ce verbe soit au futur: « Tu aimeras » (en Hébreu, le verbe est à l'inaccompli); plutôt que l'impératif catégorique : « tu dois aimer » c'est un programme qui fait appel à notre liberté, créativité, une route royale qui s'ouvre où marcher, avancer, parfois faire des faux pas, repartir, peut-être courir (une action qui dure).
Autre notation: concernant la valorisation du deuxième commandement qui devient « SEMBLABLE » au premier. Vous savez tout ce que Jésus a dit là -dessus : « et qui donc est mon prochain ? » Celui dont tu te fais proche ! Dans le Sermon sur la Montagne il a poussé le bouchon vraiment loin jusqu'à l'adversaire, l'ennemi. A dire vrai, ce faisant il a « accompli », parfait, le meilleur de la tradition de son peuple. Rappelez-vous la première lecture, du livre de l'Exode : et peu de temps avant Jésus, à un païen pressé désireux d'apprendre l'essentiel de la Loi dans le temps qu'il
pouvait rester sur un pied, Rabbi Hillel répondait: « C'est facile, ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse, ne le fais pas à ton prochain. C'est là toute la Loi .Le reste n'est que commentaire. Après Jésus, un de ses disciples écrira: « Si quelqu'un dit : « J'aime Dieu et qu'il hait son frère, c'est un menteur ; en effet, celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, ne peut aimer Dieu qu'il ne voit pas » ! (1 Jn 4, 20) l'amour « semblable » devient contrôleur d'authenticité!
Dernière notation! Aujourd'hui, les chrétiens, plus ou moins titillés par le Dr Freud et Cie (mais le bon sens pourrait suffire) soulignent que dans cet évangile, s'il y a deux commandements, il a trois objets d'amour : ils entendent : « tu aimeras ton prochain comme tu t'aimeras toi-même ».
Eh oui ! ce cher Moi-même! « Nul n'a haï son propre corps, au contraire, on en prend soin » dira l'Apôtre à propos de l'amour entre l'homme et la femme. Et cet amour de soi inclut sans doute la réalité du plaisir « Ah! Le bon pain du F.Epiphane: le bon fromage de la Pierre-qui- Vire! »
Ici, l'évangile et l'Esprit saint (et probablement saint Thomas d'Aquin) nous apprennent à distinguer entre le gros « MOI-JE » qu'il convient de mettre à la diète, voire de faire périr (« perdre sa vie ») et un autre Moi-même plus authentique, créé à l'image de Dieu, confiant en lui et en la vie par Lui donnée, un Moi « fils et frère » qu'il faut faire renaître, grandir, encourager (en écartant culpabilité diffuse et dépréciation de soi).
« Tu aimeras! » c'est le programme, comme une tresse à trois brins, non pas tressée mollement et tout facilement, mais de notre enfance à notre mort, tressée avec l'Esprit saint, à travers des choix, des combats, des réajustements, du bonheur et de la peine. « Quand nous serons nourris de ton corps et de ton sang et remplis de l'Esprit Saint, accorde-nous, Seigneur, par cette 'Eucharistie de grandir dans l'Amour » (2005-10-23)
Année A - 28° Dimanche du Temps Ordinaire - 9 octobre 2011
Is 25 6-9; Ph 4 12-14,19-20; Mt 22 1-14
Homélie du F.Servan
Nous venons d'entendre un évangile ... qui souffle et le chaud et le froid, manie
et la carotte et le bâton (pour parler un peu familièrement).
Le chaud : « vous êtes tous invités - c'est gratuit! – merci » ! Et invités au plus beau et définitif des repas: le repas messianique si bien évoqué par le prophète Esaïe (dans la première lecture): « ce jour-là le Seigneur de l'univers préparera pour tous les peuple un festin de viandes grasses et de vin capiteux » repas de noces, des noces de Dieu avec l'humanité « heureux celui qui prendra place à table dans le royaume de Dieu » s'écriait un auditeur de Jésus et avec la venue du fils: « voici, tout est prêt » !
Le froid: c'est le sévère avertissement final, avec cet homme qui se fait jeter dehors, pieds et poings liés ( et l'évangéliste de souligner en rouge, avec ces sentences qu'il aime répéter: « pleurs et grincements de dents, beaucoup d'appelés mais peu d'élus ». Avertissement de Matthieu pour la communauté chrétienne de son temps: « Il y a eu refus de la part de la majorité des responsables du peuple de la première alliance, l'invitation s'est alors tournée vers tous les paumés et les païens: « allez donc aux croisées des chemins, tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noces ! ». Mais, si large, universel et gratuit est désormais l'invitation aux noces, que les chrétiens ne se prennent pas trop vite pour des élus: pas de grâce à bon marché! Que le sel de l'évangile ne s'affadisse pas dans la tiédeur et la médiocrité!
L'avertissement est toujours valable aujourd'hui, mais sans retomber pour autant dans cette pastorale de la peur dont les églises chrétiennes ont trop abusé dans le passé! Plutôt que de parler de jugement comptable et de quelque lieu de « pleurs et de grincement de dents » (c'est une image comme en aiment les sémites). Crainte servile et stérilisante, mieux vaut regarder le Christ, le Fils dont on célèbre les noces qui sans cesse relève et relance le dynamisme de nos vies au long des jours, jusqu'à la rencontre désirée: « se tenir debout devant le fils de
l'homme ».
Et mieux vaut parler du vêtement de noces qu'il importe d'avoir, non pas tissé avec nos petites vertus, mais avec nos vies quotidiennes ouvertes au Christ et à sa parole, de notre être intime revêtant le Christ » (dans la bible la symbolique du vêtement est importante: elle signifie la qualité profonde et l'orientation de l'être). Rappelons le beau répons que l'on aime chanter: « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Alléluia "( Gal 3,27) Pas seulement la belle robe blanche de nos baptêmes, mais ce qui suivra le baptême
tout au long d'une vie où l'on fait certes des faux pas, avec des somnolences, mais où l'on ne se moque pas de Dieu ni des hommes, ni de son Christ et de sa parole.
« Dépouillez-vous du vieil homme qui se corrompt sous l'effet de convoitises trompeuses », nous dit encore saint Paul, et revêtez l'homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté. Ne contristez pas le saint Esprit » (pour plus de détails sur le programme allez voir le chapitre 4 de la Lettre aux Ephésiens)
Paul nous dirait encore: « ce qui compte ce n'est pas le sans faute, mais la foi au Christ agissant par amour »", au long des jours.
Notre robe de baptême, notre vêtement de noces, de temps à autres nous le lavons en enlevons les tâches, déjà en venant à l'Eucharistie du dimanche, sans négliger pour autant le sacrement de réconciliation:
« Ils ont lavés leurs robes, les ont blanchies dans le sang de l'Agneau » Apoc 7,15
« Vite, apportez la plus belle robe et habillez le » Lc 15
Au soir de ce dimanche, aux Vêpres, les frères de la communauté chanteront de bon cœur ce Cantique de l'Apocalypse
« Alléluia. Elles sont venues les noces de l'Agneau
« et pour lui son épouse a revêtu sa parure. » ( Apoc 19)
Et, aux Complies, dernière prière avant d'aller se coucher, cet autre beau chant:
« Près de Toi se trouve le pardon / toute guérison et toute grâce /
Tu entends ma voix au fond de mes impasses »
« Bienheureux celui qui veillera
Quand tu paraîtras nimbé de gloire
Tu l'inviteras, lui dresseras la table qu'il prenne la plus belle place » (2011-10-09)
Année A – 26° dimanche du Temps Ordinaire - 25 Septembre 2005
Ez 18 25-28 ; Ph 2 1-11 ; Mt 21 28-32
Homélie du F.Servan
Voici donc un Evangile assez bref, et je pense, assez clair (qui ne se trouve que dans l'Evangile selon Mathieu). S'il faut y faire écho, pour peut-être mieux le recevoir, relevons simplement telle ou telle expression.
Déjà: « Un homme avait deux fils»
Cela nous fait penser à une autre parabole, plus longue et plus célèbre, celle du
Père prodigue et de ses deux fils (en Luc, chapitre 15). Vous noterez d'ailleurs que cet Homme, ce Père, ici, dit: « Mon enfant... », C'est une invite plus qu'un ordre et une contrainte: une fois de plus, le Dieu de la Bible respecte la liberté de l'homme, la sollicite ... et puis encore prend patience parfois longuement, car le« s'étant repenti, ensuite il y alla », çà peut être au bout d'une heure (comme chez l'enfant boudeur), mais aussi bien au bout de 30, 40, 50 ans et plus encore.
La Règle de St Benoît nous le rappelle:
« Le Seigneur attend de nous que nous répondions chaque jour par nos actes à ses appels» « Vois comment tous les jours de ta vie qui se prolonge, la patience de Dieu et sa compassion te convient! »
Faut-il rappeler ce que recouvre l'expression: « Travailler à la Vigne» !
Disons rapidement que c'est vivre nos vies d'hommes et de femmes, quels que soient nos situations, nos âges, nos engagements, dans la lumière et sous l'autorité, le dynamisme de la Parole de Dieu. (C'est pourquoi dimanche après dimanche, on revient l'entendre, et parfois un peu plus)
«Travailler à la Vigne»: c'est faire la Volonté du Père à la suite du Christ, Serviteur, dans l'entrelacs de la Parole de Dieu et des événements de notre vie. Mais comme dans ce beau sport, nous ne sommes pas toujours des champions ! Nous regardons l'expression : « se repentir» (qui est revenue deux fois dans ce passage d'évangile).
« S'étant repenti, il y alla »
« Mais vous, vous ne vous êtes pas repentis »
Si vous le permettez, nous ferons ici un peu de grec (non pas pour jouer au savant, mais pour honorer le F. Basile qui, lorsque nous étions ensemble sur les bancs de l'école, était toujours le premier en version grecque !). Le terme grec original, c'est donc:« metkelté» avec un préfixe« metk» (après, ensuite) comme on parle de « métaphysique» (ce qui dans la connaissance de l'être. Vient après les sciences physiques) ou encore de métamorphose (une forme qui succède à une autre).
Melete ou (mel-theik) c'est réflexion, exercice de méditation, donc le repentir, c'est un changement d'avis, de point de vue, qui va enclencher un changement de comportement. Cela rejoint la fameuse conversion, la métanoïa de nos Evangiles. Ce qu'il faut bien voir, c'est que le repentir, c'est différent du remords ou du regret, plus expressions de la culpabilité et plus tournés, tristement vers le passé (ce qu'on a vécu, ce qu'on a raté, l'échec).
S'il faut continuer les jeux de mots, on pourrait dire que le repentir, çà fait repartir vers l'avenir, alors que le remords, çà mord et cela a un goût de mort. (Et nous tous, peu ou prou, fragiles et pécheurs, nous donnons parfois du grain à moudre à ce moulin!
Ecoutons le poète!
Pouvons-nous étouffer le vieux, le long remords,
Qui vit, s'agite et se tortille, et se nourrit de nous, comme le ver des morts,
Comme du chêne la chenille?
Pouvons-nous étouffer l’implacable remords?
BAUDELAIRE, bien sûr les Fleurs du Mal, « Spleen et idéal»
Après le poète, et le psychologue
Le remords est la douleur cuisante et comme l'indique le mot, la morsure qui torture le cœur après une action coupable.
Le repentir est une tristesse de l’âme: le remords est une torture et une angoisse.
Le repentir est presque déjà une vertu;
P. Janet. Traité de psychologie p. 655
(Et une sœur moniale me disait récemment ) : Certes dans le repentir, il y a bien aussi une part de tristesse et de combat, mais qui éclairée par la Parole de Dieu et l’Esprit Saint, fait passer - repartir avec courage. Ce Repentir, ce repartir qui nous retourne vers notre Père et nos frères, c'est vraiment notre vie chrétienne.
Nous y aide bien sûr grandement ce regard sur le Christ Serviteur (que nous a si bien rappelé la deuxième lecture) et peut-être aussi l'exercice entraînant de tels de nos frères et sœurs quand on voit des pécheurs, publicains, prostituées ou autres, croire à la Parole et changer de direction.
Frères et sœurs, on parle des Jeux Olympiques, c'est bien! Mais que le Seigneur nous fasse tous prendre part à cette Bonne Course du Repentir- Repartir! (2005-09-25)
Année A - 21e dimanche du T.O - Messe de clôture des JMJ à Cologne 21/08/2005
Is 22,19-23 – Rm 11,33-36 – Mt 16,13-20
Homélie du F.Sébastien
Avant de commencer, je dois avouer qu’en préparant cette homélie, j’ai eu pas mal de distractions, et, hélas, cela continue...
Je me disais qu’en préparant son homélie de ce matin, à Cologne, le pape avait dû avoir pas mal de distractions ! Pas seulement du fait de la foule des jeunes et de l’événement…
Mais comment ne penserait-il pas en même temps à Jean-Paul II qui l’écouterait attentivement, de là-haut, entouré de la cour céleste, peut-être côte à côte avec un certain Simon-Pierre, celui de notre évangile. Pierre qui, un jour, s’était entendu dire à un homme de Nazareth, encore mal connu : »Tu es le messie », c’était déjà énorme, mais aussi : « Le messie, le Fils du Dieu vivant » !
Pierre, là-haut, doit encore se demander : « Mais qu’est-ce qui m’a poussé à dire cela ? » Même s’il n’a pas oublié l’inoubliable, l’insondable : « Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux ».
Pierre soudain face à ce « Mon Père », le Père de Jésus, le Dieu vivant. Et nous aussi, avec Pierre.
À l’intérieur du fameux « Pour vous, qui suis-je ? » dit par Jésus à ses disciples, et à nous-mêmes, j’en entends un autre, caché dedans, celui de Dieu lui-même : « Moi, Dieu, pour vous, qui suis-je ? »
Oui, qui donc est-il ce Dieu, ce Dieu vivant dont Jésus est le Fils ? C’était ma question, et je n’en suis pas sorti… Alors j’ai pris mon missel.
La première lecture nous met en présence d’un Dieu qui saisit par la peau du cou le gouverneur Shebna, – Shebna était alors le grand maître du palais du roi d’Israël, Ézéchias, c’était son premier ministre, – Ce Shebna, Dieu le saisit pour, d’autorité, l’enlever de son poste, le déclasser, et mettre à sa place un certain Éliakim, fils de Hilkias, auquel il transmet les pouvoirs du prédécesseur, tout en s’engageant, par une promesse qui enjambe souverainement sur l’avenir : « Éliakim, dit Dieu, je le rendrai stable comme un piquet qu’on enfonce dans un sol ferme – vous voyez l’image – . Il sera comme un trône de gloire pour la maison de son père ». Autre image.
C’est dit, et ce sera ! Foi de Dieu !
Dieu, notre Dieu, qui donc es-tu pour disposer à ta guise, et des hommes et de leur histoire ?
Dans la troisième lecture on retrouve le même Dieu, sept siècles plus tard.
Mais cette fois-ci, c’est Jésus, le Fils du Dieu vivant fait homme, qui parle, et avec la même souveraineté que son Père. Il s’adresse à Simon-Pierre. Il lui annonce que, exactement comme Éliakim, il sera investi de l’autorité suprême, gratuitement, sans mérite de sa part : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. Je te donnerai les clés du Royaume des cieux… ». Tu es Pierre de chair et tu deviendras pierre de pierre, roc, socle inébranlable, un piquet dans le sol ferme. C’est dit, et ce sera !
Dieu, notre Dieu, qui donc es-tu, pour disposer à ta guise et des hommes – jusqu’en ton Fils fait homme – et de l’histoire de tous les hommes, jusqu’à la nôtre, jusqu’à la mienne ?
Balancé entre la première et la troisième lecture, je me retrouve au centre, au point d’équilibre, dans la deuxième, la finale du chapitre 11 de l’épître aux Romains. La perspective s’est élargie.
Il ne s’agit plus d’individus mais de deux peuples : l’aîné, le peuple d’Israël, le cadet, le peuple chrétien, tous deux frères, cheminant à travers les chassés croisés de leurs histoires respectives, livrés à leur autonomie, à leur liberté, pour former un jour un seul peuple, le peuple que nous sommes, l’unique peuple de Dieu, notre Dieu qui les attend ensemble.
Alors, ce Dieu, qui donc est-il ? Lui qui ne cesse de nous interpeller à travers son Fils : « Pour vous, qui suis-je ? Qui sommes-nous, moi et mon Fils, tous deux en un, ce Fils que je vous ai envoyé, que je vous donne dans cette eucharistie, moins comme une réponse que comme une question, une interrogation éternellement posée aux seuil de notre mystère, le nôtre qui est devenu le vôtre…
Restons-en là. Laissons les paroles de saint Paul entendues tout à l’heure nous entraîner dans la profondeur qu’on ne peut plus qu’adorer : « Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu ! Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables !… Tout est de lui, et par lui, et pour lui. À lui la gloire, pour l’éternité ! Amen. (2005-08-21)
VEILLÉE AVEC LES JEUNES EN PÈLERINAGE VERS VÉZELAY.
– Samedi 18 mai 2007 – 21 h.
Assomption 15 août - Lc 14 39-56
Homélie du F.Sébastien
Vous avez choisi de réfléchir sur l’ évangile de LA VISITATION,
et je ne sais pas si c’est pour cela que vous, les plus jeunes, vous avez voulu venir nous visiter, nous les plus âgés, comme Marie a visité Élisabeth…
Oui, ce soir, c’est Visitation, une rencontre.
Il y a beaucoup de rencontres dans vos vies de jeunes, comme aussi dans les nôtres, et il faut les réussir.
L’évangile nous donne pour cela un magnifique modèle.
Mais avez-vous réalisé, qu’en ce moment il y a deux personnes qui nous regardent, vous et nous. Oui, deux, Marie et Élisabeth. Elles sont là, parmi nous, pour continuer à vivre avec nous, ce qu’elles ont commencé il y a 2000 ans, et qui n’est pas fini !
C’est là le miracle de la liturgie, un miracle de présence, d’entraide, de communion. Ce soir, avec elles , nous ajoutons une page à l’évangile.
--------------.Je sais que vous avez déjà réfléchi entre vous sur ce beau texte, très riche. Aussi je me conterai de parler avec vous seulement de trois choses.
1 – Quand Marie arrive chez Élisabeth, c’est pour lui faire le plus beau cadeau du monde.
Elle lui apporte la présence de Jésus qui vient d’être conçu, encore minuscule en elle, dans son ventre et surtout dans son cœur. Si elle le porte en elle-même, c’est parce qu’elle a reçu la visite de l’ange et qu’elle a dit “oui”. C’était de la folie, mais elle était prête.
L’important, c’est de bien voir qu’il n’y a pas de Visitation, s’il n’y a pas d’abord une Annonciation. On n’apporte aux autres que ce que l’on a reçu. Nous aussi, nous devons dire oui à l’ange quand il vient nous visiter. Il faut nous préparer. Comment ? Il faut apprendre à goûter des temps de silence, savoir arrêter périodiquement le tournis des activités, des préoccupations, prendre l’habitude de prier jusqu’à ce que cela devienne un besoin, le meilleur moment de nos journées, lire sa Bible et, comme Marie, avoir de grands désirs, les laisser grandir en soi. Et un jour on est prêt. à entendre, à accueillir le don de Dieu, à se donner.
Pour nous, les moines, c’est pareil. Cela demande un engagement, du temps, mais c’est payant.
2- Vous avez sans doute remarqué l’importance du corps dans cet évangile. Sitôt après l’Annonciation, Marie part en hâte visiter sa cousine âgé. Marie a environ 15 / 16 ans, une jeune femme qui trottine allègrement, elle est en forme, une bonne centaine de km, du sport.
Demain, quand vous marcherez vers Vézelay, pensez à elle qui marche avec vous. Vous pourrez même lui parler. Oui, je suis sérieux. Et vous verrez : quand on lui parle, elle se rend présente, elle sait se faire très proche dans nos joies et dans nos peines. Vous avez certainement des choses à lui demander, à lui confier. Profitez de l’occasion.
Quand Marie arrive chez Élisabeth, tous les corps entrent en action, de façon étonnante. Dieu a besoin de nos corps. Dès qu’Élisabeth entend la salutation de Marie, – entend avec ses oreilles de chair, – Jean aussi entend, et il bondit dans le sein de sa mère. À six mois, le fœtus gigote, et ce jour-là il est tellement heureux qu’il tape du pied de l’intérieur pour faire comprendre qu’il a reconnu l’arrivée de Celui qui est le Messie attendu…. : Ça y est, les temps nouveaux sont commencés ! Joie ! Joie pour le monde entier. Et il l’annonce… en tambourinant !
Mais il y a plus. En entendant, avec ses oreilles de chair, la salutation de Marie, Élisabeth est remplie de l’Esprit Saint… ! Comment est-ce possible ? C’est possible parce que, si nous avons des yeux, des oreilles, des sens matériels – cinq sens – nous avons aussi des sens spirituels. C’est par leur ouïe spirituelle qu’Élisabeth et Jean ont entendu ce que d’autres n’auraient jamais entendu !
Nous aussi nous avons des sens spirituels et nous devons les exercer. Comment ? En écoutant au fond de notre cœur tout ce qui nous vient de Dieu par les autres, par les événements. Il y a des choses à percevoir dans nos rencontres, dans nos lectures, en tout : Dieu se sert de tous nos sens pour se communiquer à nous, pour nous parler et nous remplir de joie.
Il est le premier à nous visiter, en nous donnant l’Esprit Saint, le cadeau des cadeaux, celui qui est offert à la Pentecôte. Joie !
3 – Je termine en vous lisant quelques lignes de la Règle de Saint Benoît.
Saint Benoît voudrait apprendre aux moines comment accueillir leurs hôtes, comment faire de tout accueil une visitation. Écoutez, et voyez si cela vous dit quelque chose pour votre vie.
REGLE Chapitre 53 - De la réception des hôtes
Tous les hôtes qui se présentent doivent être reçus comme le Christ, car il dira : « J'ai été hôte et vous m'avez reçu ». À tous on rendra les honneurs qui leur sont dus, surtout aux frères dans la foi et aux étrangers. Lors donc qu'un hôte sera annoncé, le supérieur et les frères iront à sa rencontre avec toutes les politesses de la charité. On commencera par prier ensemble, et ensuite on échangera la paix.
Etc. Comme Élisabeth accueillant Marie ! Ce serait l’idéal !
Année A - 20° dimanche du temps ordinaire – 14/08/2005
Isaïe 56,1,6-7 ; Rom. 11,13…32 ; Math. 15,21-28
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Les trois lectures que nous venons d’entendre sont clairement placées sous le signe de l’ouverture et de l’universalisme du salut proposé à tous. Elles nous invitent ainsi à élargir notre regard, à faire reculer les frontières de nos horizons souvent trop étroits et à remettre en cause sans doute nos idées spontanées ou nos présupposés à l’égard des étrangers.
La 1ère lecture se situe dans un contexte de restauration, peu de temps après l’exil d’Israël à Babylone et le retour à Jérusalem. Tant de bouleversements ont eu lieu en si peu de temps : la destruction du Temple, la déportation d’une partie du peuple, la fin de la Royauté. Une simple remise en place du passé ne suffit pas ; il faut imaginer de nouveaux modes d’existence et en particulier il faut reconsidérer la relation avec les étrangers devenus nombreux sur la terre et qui souhaitent s’intégrer à Israël. C’est une époque de réelle crise d’identité, conjointe à une grande pauvreté, comme en connaissent bien des pays à certaines heures de leur histoire. Pensons aux années qui ont suivi la fin de la seconde guerre mondiale, qui ont vu naître une nouvelle Europe, avec la réconciliation entre nations qui se haïssaient et qui se combattaient depuis des siècles.
L’auteur de ce début du chapitre 56 du livre d’Isaïe s’inscrit, lui, dans une perspective religieuse. Un jour viendra, et il vient bientôt, où le Seigneur rendra heureux tous ceux qui lui auront été fidèles et qui auront pratiqué la justice et le droit, même si ce sont des étrangers qui selon la Loi, la Torah, ne sont pas admis au culte officiel du Temple. Ce nouveau Temple alors deviendra une maison de prière pour tous les peuples. Dieu fera bon accueil à tous les hommes de bonne volonté. Quelle merveille parole biblique qui garde encore toute son actualité et sa force, en notre temps, pour nos églises, pour nos communautés !
Saint Paul dans la seconde lecture se confronte à la question si mystérieuse et si douloureuse pour lui du refus d’Israël d’accueillir le salut par la foi en Jésus-Christ. Il se situe peu de temps après les événements bouleversants de la Passion et de la Résurrection du Christ, qui ont amené eux aussi à une reconsidération du rapport entre judaïsme et paganisme. Paul, lui-même est un converti : il a fait l’expérience décisive de la miséricorde de Dieu, alors qu’il persécutait les premières communautés chrétienne.
L’épître aux Romains est une longue et profonde méditation sur le péché qui atteint tous les hommes, juifs comme païens depuis les origines, et sur la grâce offerte à tous et en surabondance, du fait de la miséricorde et du désir de Dieu que tous les hommes soient sauvés. C’est un texte théologique difficile, mais nourri d’espérance et de confiance. Ouvert sur l’avenir, il proclame que la vie et la réconciliation dans le Christ auront le dernier mot. Elles triompheront de toutes les fermetures à l’amour et de toutes nos désobéissances à la foi.
Enfin l’Evangile met en scène Jésus face à une païenne, une cananéenne, dans ce récit si touchant et si profond de la guérison d’une fillette, obtenue non sans peine ni astuce par la foi de sa mère.
L’intention théologique de Saint Matthieu est bien, là encore, celle d’une ouverture, d’un éclatement des horizons du salut, qui semble surprendre Jésus lui-même, dans la conception qu’il se fait de sa propre mission : « n’ai-je pas été envoyé qu’aux seules brebis perdues d’Israël ? » Tout montre dans le texte que Jésus est contrarié. Il n’a pas envie au début de s’adresser à la femme qui le supplie de ses cris. Ce sont les disciples qui sont les intermédiaires et qui demandent à leur maître une guérison expéditive pour avoir la paix. Et puis, sur l’insistance de la femme qui ne veut avoir à faire qu’avec Jésus, ce dernier va avoir une parole très dure, qui nous choque : « il n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens ». Cette réplique pourrait nous faire penser à celle que Jésus a eue vis-à-vis de sa mère, la Vierge Marie, à Cana, à l’occasion du premier miracle – ou signe – rapporté par l’évangile de Jean. Jésus avait dit à sa mère avec une certaine brutalité : « femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue ». Mais dans l’un et l’autre cas, c’est la foi d’une mère, alliée à une fine psychologie de la situation qui va toucher le cœur de Jésus, et le faire revenir sur ce qui semblait être une première position : ne rien faire, car cela ne convient pas ou ce n’est pas le bon moment d’agir.
La foi de cette cananéenne, tout comme celle de Marie provoquent l’admiration du Seigneur, l’élargissement de son cœur, en libérant du fait même sa puissance de thaumaturge. La fillette est guérie, l’eau est changée en vin.
Notons aussi dans notre évangile les mentions du pain, que ce soit celui donné aux enfants ou les miettes qui tombent de la table du maître pour les petits chiens. Tout comme le vin de Cana, le pain a une résonance eucharistique. La rencontre de Jésus et de la cananéenne se situe dans l’évangile de Matthieu entre deux récits de multiplication de pain, et à chaque fois l’évangéliste s’intéresse aux restes, qui sont bien plus que des miettes : 12 paniers pleins dans un cas, sept corbeilles pleines dans l’autre. Tous ces détails de récit sont signifiants pour dire la surabondance du salut apporté par Jésus, l’envoyé du Père, pour guérir et donner vie et nourriture à des milliers d’hommes, sans compter les femmes et les enfants…
Que retenir alors de ces textes de la liturgie de ce dimanche pour nous ?
Nous vivons à l’heure de la mondialisation, des échanges tout azimuts, économiques, culturels, religieux. Qu’en est-il donc de la prétention à l’universalisme du message chrétien ? Nous savons qu’elle est contestée par d’autres universalismes : les droits de l’homme, l’Islam, le libéralisme économique, etc.
N’avons-nous pas à être assez modestes dans cette prétention contenue dans l’annonce de la foi ? Acceptons d’être parfois déconcertés, dérangés par l’aujourd’hui de notre monde, qui rejoint l’aujourd’hui de Dieu. Nous n’avons pas réponse à tous les défis qui se présentent. Il nous faut tenir bon dans la foi, dans l’espérance, dans l’amour.
Comme pour les prophètes de l’Ancienne Alliance, comme pour Saint Paul, comme pour la Cananéenne et pour Marie, ce sont ces vertus cardinales qui nous font tenir et discerner ce qui convient de faire ou de ne pas faire, et cela au-delà de tout ce qui nous surprend, nous contrarie ou nous déconcerte. Alors pourrons nous entendre à notre tour : « ma grâce te suffit, ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort ».
AMEN (2005-08-14)