vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 17 février 2010 — Mercredi des Cendres — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Entrée en Carême 2012

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Une psychanalyste Diane Drory a écrit un livre au titre emblématique « Au secours, on manque de manque ». Par ce livre, elle met en garde les parents contre une volonté de donner à leurs enfants tout ce qu’ils veulent. En couvant leurs enfants ainsi à l’excès, en ayant peur qu’ils manquent de quelque chose, ces parents ne se rendent pas compte qu’ils étouffent les possibilités de vivre de leurs enfants. Il s les empêchent d’apprendre que le manque, que l’attente, que l’absence ou encore la perte ou l’erreur font partie de l’existence humaine. Ces enfants trop protégés auront du mal à affronter la vie adulte et ses inévitables épreuve s et contrariétés.

Ce temps de Carême voudrait nous redire le bienfait de cette dimension du manque dans notre vie humaine. Manque qui creuse, manque qui veut nous purifier en notre désir, manque pour mieux écouter la Parole. N’ayons pas peur du manque que peut créer le jeûne. Il nous aide à lâcher prise sur nos réflexes gourmands. N’ayons pas peur du manque que va créer un climat plus austère dans la liturgie sans orgue, et aussi dans le temps de silence à la fin de l’office de Sexte. Il veut nous aguerrir à une prière plus généreuse et détachée. Comme le Peuple Hébreu dans le désert, le manque vécu durant ce temps de Carême veut ouvrir notre cœur à une relation plus familière avec notre Dieu qui chemine avec nous. Il nous parle et nous invite à un dialogue plus soutenu avec lui. Par l’écoute de sa Parole, par l’Eucharistie, le Seigneur Jésus nous introduira à une intelligence renouvelée de sa mort et de sa résurrection. Que nous célèbrerons à Pâques.

Concrètement comment vivre ce Carême ? En communauté nous avons le jeûne vécu aux différents repas en retranchant : le matin, le fromage, et le midi et le soir, le fruit. Si tel frère a une difficulté qu’il n’hésite pas à m’en parler pour aménager au besoin. J’invite le uns et les autres à donner davantage de temps à la prière : que l’on consacre vraiment le temps après las Vêpres à la prière. J’encourage le plus possible à rester à l’église. Ensemble nous nous soutenons. A sexte, je propose donc qu’après le Notre Père, on prie cinq minutes en silence qui seront conclues pas l’Angélus. On peut adopter la position que l’on voudra, à genou, debout, assis.

Le livre de Carême est un autre instrument à notre disposition. Réservons à la lectio avec plus de soin encore la soirée du vendredi. Ce n’est pas le moment d’aller à la salle des journaux, de même après les vêpres. Retrouvons grâce aux manques creusés par ce Carême le goût de la prière et de l’étude à l’écoute du Christ et de son mystère.

(2012-02-21)

Homélie du 24 janvier 2010 — 3e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - 3° Dimanche du Temps Ordinaire - 24 janvier 2010

Néh 8 1-20; 1 Co 12 12-30; Lc 4 14-21

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

« Cette parole de l’Ecriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ». Aujourd’hui : qu’est-ce à dire ? Serait-ce, à la lettre, et au risque d’une interprétation fondamentaliste, ce dimanche 24 Janvier 2010, non pas dans une synagogue de Galilée, à Nazareth, mais en cette église de la Pierre qui Vire, où notre assemblée a l’habitude de se retrouver chaque semaine ? Avec un frère qui proclame un passage de l’Evangéliaire après l’avoir ouvert, puis refermé et un autre frère qui ajoute quelques mots en guise d’homélie ?

C’est sur cet « aujourd’hui » de l’Evangile, de la Bonne Nouvelle que le Seigneur nous demande alors de méditer.

On a pu dire, et c’est exact, que « aujourd’hui » est, entre tous, le mot du salut, le mot biblique par excellence, le mot théologique, aussi bien pour l’Ancien que pour le Nouveau Testament. Il marque l’entrée de Dieu dans le temps, dans l’histoire humaine. Au long des Ecritures, il signifie l’annonce, la révélation, l’accomplissement du Jour du Seigneur. Ainsi en est-il pour le Deutéronome, qui le mentionne à 43 reprises :

« Vois, je mets aujourd’hui devant vous, bénédiction et malédiction. La bénédiction, si vous écoutez les commandements du Seigneur votre Dieu que je vous donne aujourd’hui, la malédiction si vous ne les écoutez pas et si vous vous détournez du chemin que je vous trace aujourd’hui ».

Ainsi pour l’évangéliste Luc qui nous accompagne tous ces dimanches de l’Année Liturgique C. Il utilise le mot 23 fois entre son évangile et le livre des Actes.

- à la naissance de Jésus à Bethléem, avec l’annonce aux bergers : « il vous est né aujourd’hui dans la ville de David, un sauveur : c’est le Christ, le Seigneur »

- à l’heure de son baptême dans le Jourdain, avec la voix venant du Ciel : « aujourd’hui, moi, je t’ai engendré »

- et tout au long de sa prédication et de son ministère public, Jésus vient apporter le salut aux malades et dans les maisons comme celle du publicain Zachée : « Zachée, descend vite de ton arbre, il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison. Aujourd’hui, le salut est venu dans cette maison, car lui aussi est un Fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ».

- et enfin à l’heure de la Passion, St Luc mentionne cet aujourd’hui à 2 reprises. La première en prédisant à Pierre son reniement : « avant que le coq ne chanter aujourd’hui, tu m’auras renié par 3 fois », et la seconde fois, la dernière, en se tournant vers le bon larron sur la Croix : « aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis ».

Cette énumération que l’on pourrait encore prolonger avec le récit des Actes nous remet alors en perspective le texte lu ce matin et nous place devant cet « accomplissement » du Jour du Seigneur qui se réalise dans la personne de Jésus, serviteur.

« l’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur ».

Alors, ces paroles doivent nous interroger, et elles nous invitent à une prise de conscience de cet accomplissement de l’Evangile pour nous, en ce dimanche 24 Janvier, en cette église du monastère.

Ce n’est une liturgie de shabbat que nous célébrons, mais c’est pour une eucharistie que nous sommes venus. L’eucharistie est-elle donc ce moment qui doit actualiser la Bonne Nouvelle, et pas seulement au moyen d’un rite et d’un sacrement célébré ? Car toute notre vie chrétienne est appelée à devenir « eucharistie », « action de grâces » et annonce d’une année de bonheur, de bienfaits accordés par Dieu, comme nous l’avons souhaité à nos amis et nos proches tout au long de ce mois de Janvier.

Et puis, en ce 24 Janvier, nous pouvons aussi actualiser les paroles de cet évangile avec la grande intention de prière de l’Eglise pour l’Unité des Chrétiens, puisque nous arrivons au terme de la semaine annuelle de cette prière. C’est bien aujourd’hui que le Christ souhaite et prie avec nous pour l’unité de son Eglise.

Ainsi, frères et sœurs, dans la mesure où nous nous déclarons croyants et désirons être disciples du Christ, soyons cohérents avec nous-mêmes :

« aujourd’hui, si nous entendons la voix du Seigneur, ne lui fermons pas notre cœur, comme au temps de l’exaspération »

« voici l’heure de sortir de notre sommeil. Aujourd’hui, en effet, le salut est plus proche de nous qu’au moment où nous avons cru. La nuit est avancée, le jour est tout proche »

Oui, en vérité, « Jésus-Christ est le même, hier, à Nazareth, à la synagogue, et aujourd’hui, à la Pierre qui Vire, en 2010. Il le sera pour l’éternité. »

AMEN (2010-01-24)

Homélie du 03 janvier 2010 — Epiphanie du Seigneur — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Epiphanie du Seigneur - janvier 2010

Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2010

« Où est le roi des Juifs qui vient de naitre ? » Frères et sœurs, voilà une question insolite quand elle se trouve posée au centre même du royaume des Juifs, à Jérusalem…Est-il possible qu’au cœur même du royaume, on ne sache rien de cette naissance et qu’il faille que ce soit des étrangers qui en apportent la nouvelle ? On a envie alors de poser une seconde question : qui est ce roi des Juifs qui vient de naitre ? De quelle lignée est-il, si au centre du royaume, il n’est pas attendu ? Ou bien ne s’agit-il pas d’une farce ?

Ces questions qui surgissent à la lecture de ce récit nous remettent devant le paradoxe de notre foi chrétienne, paradoxe dont l’évangéliste Matthieu est bien conscient, paradoxe qui traverse tout le nouveau testament. Nous croyons en un Roi, le Christ que beaucoup ignorent. Nous croyons qu’il est le Seigneur de tous les hommes, et bien peu s’en préoccupent. Nous croyons qu’il est la Lumière du monde, la Lumière des nations, et la plupart n’y prêtent pas attention. Quelle distance entre la grandeur du message de notre foi et le peu de prise qu’il a sur la réalité du monde ! Sommes-nous de doux idéalistes ou de gentils rêveurs ?

Nous le mesurons bien en une telle fête, comme celle que nous célébrons aujourd’hui, l’Epiphanie du Seigneur, combien la foi nous ouvre à un autre regard sur la réalité. Là où la plupart ne voit qu’un pauvre gosse dans une étable, la foi nous fait voir le Messie de Dieu. Celui que les habitants de Jérusalem ignorent, les mages viennent se prosterner devant lui. Là où on ne verra qu’un homme crucifié puis mis au tombeau, la foi nous fait voir le Ressuscité, le Maitre de la Vie. Là où l’on ne voit que du pain et du vin, nous accueillons le Corps et le Sang du Christ.

Nous touchons là, et la grandeur et l’humilité de notre foi chrétienne : grandeur par le message qu’elle proclame, et humilité car elle ne repose que sur la confiance en une Parole…Par notre message et sa vision très large de la bonté de Dieu et de la dignité de l’homme, nous pouvons apparaitre parfois prétentieux. Mais par la parole et par l’amour qui sont les seuls moyens mis à notre disposition pour le diffuser, nous nous sentons comme démunis.

Oui, cette fête de l’Epiphanie peut nous aider à vivre sereinement ce paradoxe de notre foi chrétienne. Oui, cet enfant nouveau-né, ignoré, est bien la Lumière des nations, mais pour se faire connaitre, il n’a pas besoin de la force des rois. Il a besoin seulement de la foi de vrais chercheurs qui lui donnent le meilleur d’eux-mêmes, tout leur or, leur encens et leur myrrhe…Si la pensée ou la tentation nous effleure de rêver que notre foi et la beauté de son message devrait s’imposer à tous, pour leur bien, évidemment, demandons-nous si nous ne sommes pas en train de confondre la foi avec une quelconque idéologie…Tout le message du Christ si grand soit-il a été inséparable de sa vie, de sa manière de vivre, totalement livrée, sans aucune prétention de puissance. Le Christ s’est livré dans sa parole sans aucune prétention de l’imposer, il est mort dans une extrême faiblesse. Sa force résidait dans la confiance en son Père qui le ressusciterait. A la suite du Christ, il nous faut marcher quand nous voulons confesser notre foi, notre manière de le faire ne peut-être que semblable à la sienne : une manière vraie, humble et totalement confiante en Celui qui nous donne la force. Le message de la foi a moins besoin de nos arguments que de notre vie totalement donnée à la Parole de Dieu, une vie livrée à la chercher en vérité et à lui obéir chaque jour un peu plus…

En cette eucharistie, offrons-nous avec le Christ, offrons-nous à son œuvre de salut et de lumière pour le monde, qu’il veut réaliser avec nous, en nous par nous… (2010-01-03)

Homélie du 25 décembre 2009 — Noël - Messe du jour — Frère Matthieu
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Messe du Jour de Noël 2009 -

Is 52 7-10; Heb 1 1-6; Jn 1 1-18

Homélie du F. Matthieu

Texte :

b]2009

Hier, lors de l’annonce de Noël au début de la prière des vêpres, pour ouvrir notre célébration de Noël, nous avons entendu la longue énumération des évènements de l’histoire de notre monde, depuis la création, le déluge et l’appel d’Abraham et elle s’est achevée sur cette profession de foi, plusieurs fois répétés et comme orchestrés : Le Verbe est né parmi nous !… Comme si toute histoire s’arrêtait là, ou plutôt comme si toute l’histoire trouvait là son rythme définitif.

Aujourd’hui, l’évangile de Jean que nous venons d’entendre déploie devant nous l’abrupt du Mystère qui se joue dans la naissance de Bethléem.

Mystère inouï, impossible à imaginer, à prévoir, mais qu’il nous faut absolument, aujourd’hui, entendre, pour écouter autrement, qu’il nous faut regarder, pour voir autrement, qu’il nous faut méditer, ruminer dans notre cœur pour comprendre autrement.

Écouter, voir, comprendre autrement la réalité de Dieu, le Seigneur, créateur des mondes, qui est devenu l’un de nous et cela change radicalement la marche de notre vie d’homme :

« Le Verbe était Dieu… et il a habité parmi nous… »

Jean emploie ici un verbe unique, tellement particulier qu’il joue avec une grande subtilité sur les deux langues, le grec et l’hébreu, les deux langues de la Révélation biblique :

Il faut comprendre : il a planté sa tente au milieu de nous...

Il faut entendre aussi : il a planté « sa Présence » au milieu de nous, ce que la tradition biblique et juive appelle la « Shekhinah », la Présence même du Dieu qui habite au milieu de son peuple en marche au désert, la Présence même du Seigneur sur l’Arche de l’Alliance « entre les deux Kerubim », ces deux figures d’anges qui « délimitent » l’espace - si l’on peut parler ainsi - où Dieu trône dans le Saint des Saints dans son Temple.

Approfondissons ces images de l’Ecriture.

Il a planté sa tente au milieu de nous .

Il ne s’agit pas de n’importe quelle tente, ni de n’importe quel lieu de campement ; il s’agit du désert de l’Exode où le peuple marche vers la terre promise, de campement en campement.

Dieu comme chacun des israélites, « a choisi d’habiter sous la Tente », la Tente que le livre des Nombres appelle la « Tente du Rendez-vous », car le Dieu vivant et vrai est celui qui toujours tient table ouverte pour le passant que nous sommes, pour le passant qu’est tout homme en quête de sens...

Lorsque le Verbe se fait chair, lorsque Jésus naît de la Vierge Marie, il inscrit sa chair comme la « Tente du Rendez-vous » au milieu des hommes, le lieu définitif de la Rencontre avec Dieu, l’accomplissement de toutes les attentes d’Israël et des hommes : ici nous pouvons à coup sûr rencontrer Dieu !

Lorsque le Verbe se fait chair, lorsque Jésus naît de la Vierge Marie, il se manifeste comme le Dieu de l’Exode, celui qui a choisi de s’inscrire au cœur de l’histoire d’un peuple pour le sauver de son péché et, à travers Israël, pour sauver tous les hommes en leur faisant retrouver le chemin qui, à la suite de Jésus, les emmène avec lui vers cette terre que Dieu promet.

Et cette Présence au milieu de nous, avec nous, dans notre monde, dans notre chair, c’est la Présence du Dieu trois fois saint « Celui que les cieux ne peuvent contenir », Celui dont la terre est « l’escabeau de ses pieds ».

Et pour que cette merveille puisse s’accomplir, la Tradition biblique et juive a bien compris qu’il fallait toute la Puissance de Dieu, car seul il pouvait « inventer », choisir de « se restreindre », de se mettre à notre portée, de se couler à notre mesure, et c’est bien là la plus grande merveille de son amour, le signe le plus évident de cet amour qui ne recule devant rien pour revenir à hauteur des hommes pécheurs que nous sommes. Et cet acte de Dieu, « se restreignant » par amour, aujourd’hui s’accomplit, dans le Verbe fait chair en Jésus, à Bethléem de Judée.

Oui, aujourd’hui, Dieu a fait définitivement alliance avec nous, Il marche pour toujours avec nous sur nos chemins.

Et si nous étions un peu sages, un peu réveillés de nos égarement, au lieu de l’obliger à nous suivre dans toutes nos errances - et, par amour, il a décidé de ne nous abandonner nulle part, fut-ce au fond de la mort -, au lieu de l’obliger à nous suivre, nous essaierions de nous mettre à sa suite sur ce chemin de Vie qu’il nous propose à nouveau en ce matin de Noël. Amen.

Frère Matthieu Collin

Homélie du 24 décembre 2009 — Noël - Messe de minuit — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Messe de la nuit de Noël - 24 décembre 2009

Is 9 1-6; Tit 2 11-14; Lc 2 1-14

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2009

Nous avons pris naissance aux profondeurs de Dieu, l’unique Parole survient en nous, et dans l’accueil de sa présence, nous avons rencontré l’Ineffable…

Frères et soeurs, ces mots tirés d’une hymne que nous chanterons durant le temps de Noël qui s’ouvre, peuvent nous guider dans la méditation du mystère que nous célébrons ce soir : la venue du Fils de Dieu dans la chair.

Oui, avec sa venue dans notre humanité, Lui la Parole qui survient en nous, nous avons pris naissance aux profondeurs de Dieu . C’est parce que le Fils de Dieu a pris naissance aux profondeurs de l’homme, que nous avons pris naissance aux profondeurs de Dieu…C’est l’échange merveilleux par lequel notre nature humaine reçoit une incomparable noblesse , comme nous le chanterons dans la préface… Il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels .

Tous ces mots que l’on ose à peine prononcer, veulent nous faire entrevoir la beauté et le bonheur de cette fête de Noël. Plus que les réjouissances autour de la naissance d’un enfant, il faut nous réjouir du mystère de Dieu et de l’homme qui se manifeste en ce jour.

S’il est vrai que Dieu s’est fait homme, nous ne pouvons pas ne pas nous demander : qu’est-ce que Dieu ? et qu’est-ce que l’homme ? Quel est ce Dieu qui s’est abaissé, et qui sera bafoué…et quel est cet homme qui se trouve ennobli et glorifié… ? Ces questions ne sont pas anodines aujourd’hui où l’on ne sait plus bien qui est Dieu : peut-on en dire quelque chose ? Ne vaut-il pas mieux se taire, et se contenter de ne pas savoir et d’être agnostique ? De même au sujet de l’homme, on se pose beaucoup d’interrogations sur sa naissance, sur sa mort, sur sa capacité à être libre : n’est-il pas le jeu de conditionnements de toutes sortes ?

A la croisée de toutes ces questions, la fête de Noël n’apporte pas de réponse, à la manière d’une doctrine philosophique, mais elle permet un chemin. Elle ouvre un chemin sur lequel chacun de nous peut avancer, à son pas, à la mesure de sa foi, pour aller à la rencontre de Celui qui révèle et la profondeur de Dieu, et la profondeur de l’homme : le Christ.

Le Christ enfant, vulnérable qui grandira incognito ; le Christ, cet homme à la parole de feu qui finira sur une croix ; le Christ ressuscité qui se révèle présence d’amour à nos côtés…

Oui, devant la crèche et l’enfant démuni, nous pouvons oser un nouveau regard sur Dieu et sur l’homme. Nous pouvons oser aller à la rencontre de Dieu sans peur, sans préjugé. Nous pouvons laisser de côté, les images qui toujours nous encombrent, images de puissance un peu façon Jupiter, ou image d’un Dieu Fort au dessus de toutes les lois de la nature.

En Jésus, Fils de Dieu, Dieu est là. Il est là : donné, offert dans une mangeoire, comme un pain. Dans l’enfant de Bethléem, Dieu se révèle comme le don total, le don sans mesure jusqu’à l’extrême faiblesse, comme le dernier souffle sur la croix le confirmera. Dieu est là donné et donnant, Lui notre Dieu qui est échange de don entre le Père et le Fils dans l’Esprit…

Mais devant la crèche, nous pouvons aussi oser un nouvelle manière d’être homme et femme, non plus des hommes et des femmes blindés dans nos convictions, et accrochés à nos connaissances, à nos grades ou à nos fonctions…Devant l’enfant de Bethléem, nous pouvons oser exister avec nos fragilités, nos questions, nos incertitudes, nos doutes. Si l’enfant que nous avons été est devenu adulte, l’adulte que nous sommes est appelé dans la lumière de l’Evangile, à redevenir comme un enfant…Un enfant de Dieu totalement donné lui aussi, totalement offert et disponible à l’œuvre de l’Esprit Saint.

Oui, nous sommes appelés, jour après jour à prendre naissance aux profondeurs de Dieu, à la source du don toujours échangé de la vie divine. A cette source, nous pouvons alors faire de notre vie un don, un échange de dons avec tous ceux que nous côtoyons…Nous pourrons faire de notre vie une offrande à Dieu de tout ce que nous sommes…

Entrons dans cette eucharistie qui est la célébration de cet échange de dons entre Dieu et les hommes en Jésus Christ : En Lui, Dieu nous donne toute sa vie, en Lui, nous nous donnons à Dieu et à nos frères.

(2009-12-25)

Homélie du 22 novembre 2009 — 34e dim. ordinaire : Christ Roi — Frère Servan
Cycle : Année B
Info :

Année B - 34° Dimanche du Temps Ordinaire - Christ Roi

Dn 7 13-14; Ap 1 5-8; Jn 18 33-37

Homélie du F.Servan

Texte :

« Et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d'homme »

Ceux qui ont lu les évangiles savent que cette figure un peu mystérieuse du Fils de l'homme ( à laquelle Jésus s'est référé plus d'une fois) a une double face ( comme une pièce de monnaie ou, si vous préférez comme une médaille).

, - une face d'humilité, celle du SERVITEUR, bientôt humilié, jugé, devant Pilate: « Voici l'Homme, Ecce Homo! Le fils de l'homme doit beaucoup souffrir », solidaire de la faiblesse et des souffrances des hommes ( pensons à ces saintes faces, peintures ou gravures de G Rouault).

- et une face glorieuse, victorieuse (celle annoncée dans le livre de Daniel, reprise dans les visions de l'Apocalypse, nous venons d'en entendre des passages en ce dimanche du Christ Roi de l'univers).

Dans le Credo que nous allons redire dans un instant, nous retrouvons bien ces deux aspects: « Crucifié (jugé) sous Ponce Pilate, ressuscité, il siège à la droite du Père. Il viendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts ».

Premier aspect, première face de la médaille « Fils de l'Homme » : cette année, l’évangile selon saint Jean nous a fait entendre une partie des échanges entre Jésus le Juif et Pilate le gouverneur romain (notons que l'évangile de Jean est très bon pour construire et mener de tels dialogues) ! Un échange qui porte ici sur la royauté: où l'on part de « Es-tu le

roi des juifs ? » Le roi de ce petit peuple obstiné que méprise le gouverneur. Et cela aboutit à « Alors, tu es roi ? » Roi tout court, roi universel pour tout homme non pas qui possède la vérité, mais lui appartient, la recherche sans cesse en écoutant la voix du « Christ roi de l'univers ».

Entre ces deux ? Une réserve et une précision importante de la part de Jésus: « Tu dis que je suis roi ». Je ne dis pas Oui, je ne dis pas Non. Car ma royauté ne vient pas d'ici, pas de ce monde, pas comme les rois de ce monde avec leur garde d'élite, roi qui dispose de la force, contraint, domine, voir écrase, mais roi qui par sa parole et par sa voix (la voix attire) rassemble un peuple pris parmi toutes les nations, les races, les langues.

Durant toute sa vie publique, Jésus n'a cessé de rappeler cela. Ainsi, au cours de son dernier repas (marqué par la scène du lavement des pieds) il dit à ses disciples (Luc 22,25) « Les rois des nations païennes commandent en maîtres. Pour vous, rien de tel, faites plutôt comme moi: je suis au milieu de vous comme celui qui sert à table » ! SERVITEUR et avec Lui, tous serviteurs: ceux qui ont souci de ne pas violenter et maltraiter la terre en la cultivant pour les hommes; ceux qui en 2013 veulent réveiller dans les communautés chrétiennes par l'importance de la Diaconie, de l'attention aux plus petits (Diaconia 2013); ceux qui viennent consoler ceux qui pleurent et sont dans l'épreuve.

« Restez éveillés (en tenue de service) afin d'être jugés dignes de vous tenir debout devant le Fils de l'Homme » ! .Avec ces paroles (Lc 21) nous venons-de retourner la médaille pour contempler sa face glorieuse !

Mais attention à ne pas retomber dans des conceptions trop humaines et paresseuses de la notion de gloire ! Si on y réfléchit un peu la gloire du Christ, de l'agneau immolé de l'Apocalypse, ce ne peut être une gloire qui domine de façon arbitraire et despotique, à vous faire peur !. Non, c'est le resplendissement de son être profond qui est d'être serviteur, pour toujours.et, le jugement, c'est le Fils de l'Homme qui recherche et souvent admire ce qui dans l'homme ou la femme qui se tient « debout », devant lui est en harmonie avec cet être serviteur (voyez Mt 25). Ce qu’avait très bien compris G.Brassens dans la plus belles de ses chansons !

Dans l'évangile de Luc, (12.37) Jésus déclare : Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller (dans le service) ! Amen, je vous le dis: il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour ».

Le Christ, roi serviteur sur la terre et dans la gloire!

, Cette parole a inspiré une très belle hymne que les frères aiment chanter le dimanche soir avant d'entrer dans la nuit (vous en avez le texte sur une feuille). Le mieux ici serait que la parole cède la place au chant que vous n'avez guère l'occasion d'entendre.

Hymne :(T : D. Rimaud ; M : C. Villeneuve © SODEC)

Près de toi se trouve le pardon:

toute guérison et toute grâce.

Tu entends ma voix au fond de mes impasses!

Dieu qui n'oublies pas,

rien de ma plainte ne t'échappe.

Viendras-tu, le soir, comme un voleur,

ou dans la splendeur d'une aube en fête?

Rien ne m'est connu de l'heure qui s'apprête,

mais, à ta venue,

tout dans ma nuit sera lumière.

Bienheureux celui qui veillera

quand. tu paraîtras nimbé de gloire!

Tu l'inviteras, lui dresseras la table,

tu le serviras:

qu'il prenne la plus belle place!

(2012-11-25)

Homélie du 08 novembre 2009 — 32e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année B
Info :

Année B - 32° Dimanche du Temps Ordinaire - 2012

1 R 17 10-17; Heb 9 24-28; Mc 12 38-44

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Dieu, notre Père, est un éducateur de génie. Y pensons-nous assez ?

Première lecture. Élie est le prophète tout puissant au service du Dieu tout puissant. Mais pour qu’il ne se prenne pas pour Dieu, et qu’il apprenne qu’il n’est qu’une petite créature, voilà qu’il doit commencer par fuir devant le roi Achab, aller se cacher au désert, tremblant de peur, et là, comme un bébé, biberonner l’eau du torrent et recevoir chaque jour la becquée des corbeaux : « Élie, tu n’es et ne seras jamais qu’un nourrisson, ne l’oublie jamais ! ».

Cette expérience radicale de finitude et de dépendance tout homme, toute femme, doit un jour la faire, en pleine conscience, pour devenir vraiment adulte.

Élie affamé reçoit ensuite l’ordre d’aller mendier sa nourriture chez les ennemis traditionnels d’Israël, à Sarepta de Sidon, – l’humiliation parfaite ! – Plus, là-bas il doit commander à une veuve, sur le point de mourir de faim avec son fils unique, de lui donner tout ce qui leur reste comme vivres: la honte au front ! La leçon est rude. « N’aie pas peur », c’est ce que Dieu souffle à l’oreille de son prophète pour qu’il le redise à la femme. Et merveille, ça marche : elle ose croire à cette pure folie et donne tout. Mais qu’est-ce qui se passe ?

Dieu menait le jeu, sans se montrer, avant de dévoiler ses cartes lorsque nous le voyons multiplier, durant des jours et des jours, l’huile et la farine de la veuve, pour elle-même, pour son fils, comme aussi pour Élie à qui elle doit sa survie.

Le prophète envoyé aux païens et la païenne qui sauve le prophète deviennent ainsi l’un par l’autre, d’ennemis qu’ils étaient, de vrais enfants du même Dieu, adultes!

Si cela a marché, c’est parce que, – Dieu le sait, – la vie est dans le don, à condition qu’il s’y mêle suffisamment de folie. Le curé d’Ars, qui se laissait dévorer par ses pénitents, jusqu’à quinze heures de confessionnal par jour, en plus du reste, disait: « Mon secret est bien simple, c’est de tout donner et ne rien garder ». Mais il savait bien que le don n’est pas une question de quantité, mais de qualité du cœur, et c’est précisément cela qu’illustre la veuve pauvre dans l’évangile d’aujourd’hui.

Qu’a-t-elle mis dans le tronc du temple : deux petites pièces jaunes ! Ridicule pour payer les réparations du temple et les dépenses considérables du culte. Mais c’est Jésus qui compte la quête : « Elle a mis plus que tous, plus que tous les gros billets ». Évidemment le plus était dans l’amour qu’elle y mettait. Mais l’amour de qui ?

Cette femme représente les pauvres du Seigneur, les anawim de l’Ancien Testament. Ceux-là n’avaient pas encore Dieu à portée de main, comme il le sera en Jésus Christ. Ils le trouvaient alors dans le temple, lui exprimant leur amour par leurs oboles, venant baiser ses pierres dans l’espérance qui ne déçoit pas, celle des promesses.

C’est ce que l’évangéliste Marc nous fait comprendre lorsque, par delà son chapitre 13, il fait réapparaître, au début du chapitre 14, la femme, transfigurée.

Elle était au seuil de la mort, comme le temple dont la destruction s’annonçait, sans mari, démunie de tout, sauf d’espérance. Et voilà qu’elle réapparaît en la femme riche de l’onction à Béthanie, la jeune fiancée ecclésiale du Christ maintenant présent, vrai homme, venu combler son attente séculaire. En échange amoureux des piécettes d’hier, et aujourd’hui du parfum de grand prix, il lui offre, dans un peu de pain et de vin, son corps et son sang eucharistiques, la totalité de son amour venu répondre au sien, car c’est elle, la femme, qui a commencé, comme toujours. Le don répond au don, les folies s’enlacent.

On peut se dire : « Tout cela est bien beau, mais quel rapport avec notre vie ?

N’oublions pas le début de l’évangile entendu tout à l’heure. Jésus y critique sévèrement les scribes qui sont l’opposé de l’humble veuve pauvre : orgueilleux, nantis, aimant les salutations sur l’esplanade du temple et les premières places dans les festins. Oui, les festins ! Et nous y voilà, avec la petite phrase assassine de Jésus qui les condamne en quelques mots : « Ceux-là, ils dévorent les biens des veuves ».

Elles, elles donnent tout, eux, ils prennent tout, les biens et la vie, sans qu’on nous dise par quelle perversité économique, plus ou moins consciente. Du coup, nous sommes renvoyés à notre monde moderne. Le prochain pauvre et sans défense n’est-il jamais sur nos tables ?

Il faut choisir.

On peut, comme les scribes, dévorer inconsciemment l’autre et ses biens, par nourriture interposée.

On peut au contraire, – autour de la table, familière ou eucharistique, – suivre l’exemple des deux femmes démunies et donnant, suivre Jésus qui fit de même.

On peut se risquer soi-même au grand jeu de l’amour, qui ne prend que ce qui lui est offert et se donne pareillement.

Le tout de nos vies n’est-il pas dans l’immensité des petits riens ? Une immense chance !(2012)

Homélie du 01 novembre 2009 — Toussaint — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année ABC - Fête de la Toussaint - 1 Novembre 2009

Ap 7 2-4, 9-14; 1 Jn 3 1-3; Mt 5 1-12a

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

En faisant le choix de cet évangile des Béatitudes pour la fête de la Toussaint, l’Eglise, dans sa liturgie, veut souligner le lien qui existe entre le bonheur et la sainteté.

D’ailleurs, avant d’être proclamés saints dans les calendriers officiels (avant leur « canonisation ») les chrétiens dont la vie a été particulièrement exemplaire et conformes à celle du Christ ont été d’abord désignés comme des « bienheureux ». C’est l’étape de leur béatification. Ainsi en est-il du bon pape Jean XXIII ou du Père Charles de Foucauld ou de Frédéric Ozanam, pour n’en citer que quelques uns parmi les plus récents et qui ne sont pas des saints au sens strict du terme.

En fait l’appellation de « saint » a varié au cours de l’histoire. Au début de l’Eglise, au temps de Saint Paul, tous les fidèles croyants et confessant le mystère pascal de Jésus-Christ Seigneur étaient considérés comme des saints. Paul adresse ses lettres aux « saints des différentes églises de Dieu qui sont à Ephèse, à Corinthe ou à Rome ».

L’Evangile des Béatitudes que nous venons d’entendre commence par la mention de la foule qui suivait Jésus. Même si les premières paroles de ce « Sermon sur la Montagne » s’adresse en priorité aux disciples, elles concernent en fait tous les auditeurs et elles doivent nous rejoindre nous aussi, chacun, chacune, présent aujourd’hui dans cette église.

Message de bonheur donc, mais de quel bonheur s’agit-il ?

Nous le savons bien. Autour de nous, la majorité des gens (et sans doute nous-mêmes aussi) ne conçoit pas le bonheur sans un minimum de richesse, de santé, de relations et d’amis avec lesquels il est bon de rire et de plaisanter. Un bonheur qui cherche à fuir les conflits, les tensions et les persécutions de tous genres. Et qui s’abstient souvent de dénoncer les injustices au bénéfice de la tranquillité et de fausses paix, avec des silences plus ou moins coupables. Un bonheur pas très courageux en bref, à la recherche surtout du confort et d’assurances molles.

Jésus, dans ces premières paroles de son enseignement évangélique, vient indiquer un tout autre chemin de bonheur. Il s’inscrit dans un tout autre état d’esprit. Le bonheur qu’il propose est d’un type volontairement paradoxal. Il prend à rebours cette conception ordinaire et primaire du bonheur. En la retournant à 180°, il ouvre une nouvelle perspective : celle du Royaume des Cieux, en opposition à l’esprit du monde, et à tous les royaumes de la terre.

Dans le Royaume des Cieux, en effet, ce ne sont pas les plus riches, les plus violents ou les moins courageux qui sont assurés du bonheur. Au contraire ce sont les pauvres de cœur, les faibles, les pacifiques et les non-violents.

Il me vient alors à l’esprit la lecture d’un livre récent d’un auteur que beaucoup doivent connaître de nom dans cette assemblée, car il intervient souvent à la radio et à la télévision. Jean-Marie PELT, un scientifique reconnu pour ses recherches sur l’évolution de l’univers vient d’écrire un livre dont le titre est : « la raison du plus faible ». Il montre (et démontre) qu’à l’occasion des périodes de crise dans cette évolution du cosmos, en particulier lors des grands changements climatiques (passages de l’ère primaire à la secondaire puis à la tertiaire…) ce sont les êtres vivants les plus petits et apparemment les plus faibles qui ont le mieux résisté à la crise et l’ont traversée, alors que les plus forts s’effondraient. Et l’on pense alors aux dinosaures pour le monde animal ou à la fable de la Fontaine du « chêne et du roseau » pour le monde végétal.

Mr PELT applique sa thèse au développement de l’humanité, et non sans humour et avec nuances il cherche à contrer la pensée dominante de la théorie de Darwin sur la sélection naturelle et la domination des plus forts sur les plus faibles.

Si nous lisons bien la Bible, comme la Grande Histoire de notre salut, nous voyons combien le petit peuple d’Israël, élu de Dieu, a pu traverser des crises et survivre alors que les empires assyrien, babylonien, égyptien, perse, grec ou romain disparaissaient chacun à leur tour. Et l’histoire récente de la Shoah, dans le III° Reich programmé pour mille ans donne raison de façon saisissante à la thèse de J-M. Pelt.

C’est bien dans le petit reste d’Israël, le peuple des « anawims » que Dieu a choisi la Vierge Marie pour s’incarner et devenir l’un de nous. Aussi le Magnificat est-il le parallèle le plus éclatant du message des Béatitudes. Chant qui exalte les humbles qui monte d’une âme exultant de joie et de bonheur.

Saint Paul, lui aussi, en d’autres termes reprend ce message des Béatitudes en l’appliquant aux premiers saints des nouvelles communautés chrétiennes. Aux corinthiens, il écrit : « Il n’y a parmi vous ni beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de puissants. Mais ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages. Ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort». Et à un autre moment il leur écrit aussi : « Je mettrai mon orgueil bien plutôt dans mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. Car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort ».

Frères et sœurs, en ces temps où nous vivons où tant de gens évoquent des crises de tous genres dans l’Eglise et hors de l’Eglise, il nous est bon en ce jour de Toussaint de réentendre ces messages paradoxaux de l’Evangile et de Saint Paul, et d’en vivre, avec la grâce de Dieu, le plus intensément possible. Tous, quelque soit notre état de vie, marié ou célibataire, nous avons une vocation personnelle à la sainteté ; le Concile Vatican II l’a solennellement rappelé. Tous, nous avons une vocation au bonheur, à la joie et à la vie éternelle. Il suffit d’avoir confiance et de ne pas tuer l’espérance en nous.

Avec le psalmiste, en terminant, prions le Seigneur :

« Je suis pauvre et malheureux, mais le Seigneur pense à moi.

Tu es mon aide, mon libérateur. Seigneur, ne tarde pas ! »

Amen (2009-11-01)

Homélie du 25 octobre 2009 — 30e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année B
Info :

Année B – 30° Dimanche du Temps Ordinaire - Dimanche 25 octobre 2009

Jr 31 7-9 ; Heb 5 1-6 ; Mc 10 46-52

Homélie du F.Servan

Texte :

« L'homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route »

Une petite scène, brève mais bien enlevée, pleine de mouvement et de vie, qui, en peu de mots (deux temps, trois mouvements), « il jette son manteau, il bondit, il court vers Jésus », à la manière concise de l'évangile de Marc, nous rapporte la rencontre d'un homme avec Jésus de Nazareth, et l'ouverture de ses yeux de chair et des yeux de la foi.

Au départ: un aveugle mendiant, assis, prostré, au bord de la route. (Peut-être que çà nous arrive aussi parfois, d'être cet homme-là, mendiant au bord de la route de la vie), et, en finale, devenu un disciple, un voyant-croyant, marchant d'un bon pas sur la route qui monte vers Jérusalem. « Et il suivait Jésus sur la route » - ce qui est un excellent résumé pour dire en peu de mots ce qu'est la vie chrétienne! - prenant place

dans la foule disparate où se mêlent disciples et pèlerins de la Pâque qui approche: « Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse ».

C'était donc " à la sortie" du bourg! Notons que Marc ne dit rien de ce qui s'est passé à l'intérieur de la bourgade, alors que l'évangile de Luc nous rapporte la rencontre non moins vivante entre Jésus et un certain Zachée, petit homme mais gros riche collecteur d'impôts, un mendiant, un riche: « Tu sauves Seigneur l'homme et les bêtes, et les riches et les pauvres ».

Le même Luc nous rapporte aussi cette guérison d'aveugle, mais, à l'entrée du bourg et non à la sortie ! Allez savoir ? Un exemple, parmi d'autres pour nous rappeler que nos évangiles ne sont pas des rapports de police attentifs à bien reconstituer ce qui s'est passé au juste. Plus que vers le passé, ils sont tournés vers l'avenir de la semence, de la foi, vers tant d'hommes et de femmes qui au travers des siècles, ont rencontré le Christ pour le suivre sur la route. Tous ceux, connus ou inconnus, dont nous allons faire mémoire à la Toussaint, dimanche prochain.

Pour composer son récit, chaque évangile retient telle histoire et la place à l'endroit qui lui convient. Chez Marc cette scène vient comme un point d'orgue à toute une partie centrale de son évangile où Jésus essaie d'ouvrir les yeux de ses compagnons sur Lui-même et sur sa mission. Messie, Oui, mais comment? Et trois annonces de la Passion de rythmer alors une série d'enseignements sur le programme un peu décoiffant qu'il propose à qui veut le suivre : pour réussir vos vies d'hommes et de femmes accueillant le Royaume (qui vient, qui est déjà là) soyez serviteurs ! Pierre et les autres ont du mal à entendre cela: ils étaient comme les aveugles: « Ils étaient en route montant à Jérusalem et Jésus marchait devant eux, et ils étaient dans la stupeur, ils étaient aveugles ! »

Mais voici Bar Timée qui va sauver la situation, devenant un modèle de démarche catéchuménale et tout simplement de foi chrétienne. Aux yeux de Marc, la démarche de cet homme préfigure celle que vivront, à partir de Pâques, les apôtres enfin guéris de leur aveuglement et après eux tant d’hommes et de femmes !!

Voyez la progression de son chemin de foi à travers les titres donnés à Jésus dans le texte!

On lui dit : « C’est Jésus de Nazareth qui passe », mais lui de crier et sans voir de se hisser d’un coup à un autre niveau. La foi naît et va grandir en lui. « Jésus, fils de David, aie pitié de moi » Titre messianique qui anticipe les acclamations de la proche entrée à Jérusalem : « Hosanna au fils de David. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » !

Bien sûr, avant la résurrection, il ne peut dire encore : « Seigneur Jésus, le Fils du Dieu vivant aie pitié de moi pécheur », la prière chère à nos frères des églises d'Orient. Mais dans une rencontre très personnelle, intuitive qui a suivi l’élan, le bond, la course de tout son être. Il donne sa foi confiance : « Va, ta foi t'a sauvé et il dit Rabbouni, « mon Maître » comme s'écrira Marie Madeleine dans le jardin de la Résurrection.

Puisque ce brave Bar Timée est un prototype réussi du disciple croyant, n'oublions pas pour finir de nous mettre à son école!

.

« Il se mit à crier » Dans notre vie, peut-être aurons-nous parfois motif de crier ainsi vers Jésus le Sauveur, non pas rituellement comme dans nos Offices liturgiques, mais vitalement, avec tout notre être pour tout ce qui ne va pas en moi, dans mes proches, ma famille, ma communauté, mon église, la société comme elle va, pour ma foi si faible et pauvre.

Il y aura alors beaucoup de gens à nous interpeller pour nous faire taire : « voix extérieures ou à l'intérieur de moi : Jésus Ressuscité, le Fils de Dieu ? Tu y crois ? Vous mes frères moines, pourquoi passer tant de temps à redire dans l'église et de jour et de nuit, tous ces appels que l'on trouve dans les Psaumes: « A pleine voix je supplie, je crie vers le Seigneur ».

Heureusement, d'autres voix nous diront : « Confiance, lève-toi - Il t'appelle » ! Voix d'hommes et de femmes qui m'encouragent sur ma route humaine et chrétienne, ou, plus modestement, tel beau chant, telle hymne, chantée à l'église qui soutient et réveille ma foi un peu endormie!

Justement (et ce sera mon point d'orgue), ce matin, à la prière des Laudes, vers 6 h30, les frères ont chanté, comme chaque dimanche:

« Allez aujourd'hui, vers la joie gui s'avance: Christ est ressuscité; et l'homme découvre, s'il fait route en lui, sa patrie nouvelle, et l'homme découvre, s'il se perd en lui, une vie nouvelle ».

« L’homme se mit à voir et il suivait Jésus sur la route »

(2009-10-25)

Homélie du 23 août 2009 — 21e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année B - 21° Dimanche du Temps Ordinaire - 23 août 2009

Josué 24 1-2,15-18; Eph 5 21-32; Jn 6 60-69

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

Avec ce passage de l’évangile de St Jean que nous venons d’entendre, s’achève la lecture continue du grand chapitre 6, discours de Jésus sur le Pain de Vie, que la liturgie nous a fait méditer durant tous ces dimanches d’été.

L’Evangile de Jean comporte de grandes sections, divisées en chapitre dans nos bibles. Elles représentent autant de catéchèses pour les auditeurs, afin de leur permettre d’entrer plus profondément dans le mystère du Christ, dans le mystère de Dieu. Il est bon alors de lire d’un trait et en entier ces sections, comme nous invitait à le faire frère Ghislain au début de l’été pour le chapitre 6. Nous découvrons alors que la plupart du temps, la clé d’interprétation du passage se trouve dans un ou 2 versets, rarement plus. Et ce ou ces versets se situent toujours dans un dialogue de Jésus avec un personnage du texte. Il en va ainsi pour le récit de la Samaritaine, celui de l’aveugle-né, de la résurrection de Lazare, les derniers entretiens de Jésus avec ses disciples avant la Passion ou les rencontres du Christ ressuscité avec Marie Madeleine, Thomas ou Pierre.

Chaque fois, ce ou ces versets portent sur l’identité même de Jésus.

C’est le cas aujourd’hui avec la finale du discours sur le Pain de Vie, dans la Confession de foi de Pierre, en réponse à la question de Jésus : « Voulez-vous partir vous aussi ? » Et Pierre de dire : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller, tu as les paroles de la Vie Eternelle. Quant à nous, nous croyons et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu ! »

Cette confession de Pierre a son parallèle dans les autres évangiles, à Césarée, quand Jésus pose la question décisive : « Pour vous, qui suis-je ? » Et Simon Pierre de répondre alors : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant ». Mais la confession de Pierre dans l’évangile de Jean s’inscrit dans un autre contexte qu’à Césarée. Elle est l’aboutissement d’un long débat entre Jésus et les juifs, à propos de la vie véritable et du bon choix, de la bonne décision à prendre quand on est porté par ce désir de vie, de vie éternelle.

La 1ère lecture plaçait déjà le peuple d’Israël devant cette décision de foi, à l’Assemblée de Sichem, en présence de Josué, des anciens et de toutes les tribus. « Voulez-vous servir le Seigneur, le Dieu de vos pères qui vous a libéré de l’esclavage en Egypte, ou voulez-vous servir les idoles, les dieux païens de ce nouveau pays que Dieu vient de vous confier, ces idoles qui vous attirent tant et vers lesquelles les gens se ruent à leur suite. C’est là une question de vie ou de mort, de bénédiction ou de malédiction. Et ne croyons pas trop vite que ce soit une question qui ne se posent qu’à ces gens du passé.

Elle nous concerne tout autant, même si les noms ou les visages des idoles ont changé dans nos sociétés modernes. Nous savons bien qu’elles sont présentes et séduisantes pour le croyant qui doit faire un discernement loyal, un bon choix de vie.

Alors, frères et sœurs, interrogeons-nous un instant. Sommes-nous vraiment, oui ou non, habité par le désir de la vie éternelle ? Avons-nous faim de ce pain venu du Ciel, qui est d’une autre nature que pain périssable que nous consommons si agréablement, mais qui ne rassasie pas entièrement.

Saint Benoît, dans sa Règle, a un chapitre qui liste un bon nombre d’instruments de l’art spirituel dans la vie monastique et l’un d’ eux est ainsi rédigé : « le moine doit désirer la vie éternelle de toute la convoitise spirituelle de son être ».

Cette vie éternelle est un thème qui revient constamment dans le chapitre 6 de l’évangile de Jean. Mais c’est un thème central de tous les écrits johanniques, voire de tout le Nouveau Testament. Au début de la grande prière de Jésus à son Père au chapitre 17, il la définit ainsi : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, Toi, Père, et Celui que tu as envoyé dans le monde. »

Le pape Benoît XVI, dans son avant-dernière encyclique : « Spe Salvi » développe une réflexion sur la vie éternelle en rapport avec l’espérance chrétienne, pour nous aujourd’hui. « Peut-être, nous dit-il, de nombreuses personnes refusent-elles la foi, simplement parce que la vie éternelle ne leur semble pas quelque chose de désirable. Ils ne veulent nullement la vie éternelle, mais la vie présente, et la foi en la vie éternelle semble, dans ce but, plutôt un obstacle. Continuer à vivre éternellement, sans fin, apparaît plutôt comme une condamnation que comme un don. Certainement on voudrait renvoyer la mort le plus loin possible. Mais vivre toujours, sans fin, en définitive, cela peut être seulement ennuyeux et en fin de compte, insupportable. »

C’est là, certes, une mauvaise compréhension de ce que doit représenter pour nous croyants, la vie éternelle. Cette vie au-delà de l’espace et du temps, qui est cependant déjà inscrite dans l’aujourd’hui de notre ici et de notre maintenant. Bien sûr, les mots nous manquent pour la décrire exactement, mais nous en avons le pressentiment dans l’accueil des dons de la foi et de l’espérance. Et c’est assurément la grâce divine et non nos propres efforts ou mérites qui nous permettent d’y accéder.

C’est cette expérience de grâce et de prière que faisait déjà le Psalmiste du Psaume 15, bien avant Jésus. Les premiers chrétiens ne s’y sont pas trompés quand ils ont appliqué ce psaume à la résurrection du Christ et au nouveau chemin de vie tracé dans l’Esprit Saint. Voulez-vous le prier avec moi en terminant cette homélie.

Garde moi, mon Dieu

J’ai fait de toi mon refuge

J’ai dit au Seigneur : Tu es mon Dieu

Je n’aurai pas d’autre bonheur que Toi

Toutes les idoles du pays, ces dieux que j’aimais

Ne cessent d’étendre leurs ravages

Et l’on se rue à leur suite

Je n’irai pas leur offrir le sang des sacrifices

Leur nom ne viendra pas sur mes lèvres

Seigneur mon partage, mon pain et ma coupe

De toi dépend mon sort

La part que j’ai reçue fait mes délices

J’ai même le plus bel héritage

Je bénis le Seigneur qui me conseille

Même la nuit mon cœur m’avertit

Je garde le Seigneur devant moi sans relâche

Il est à ma droite, je suis inébranlable

Mon cœur exulte, mon âme est en fête

Ma chair elle-même repose en confiance

Tu ne peux m’abandonner à la mort

Ni laisser ton ami voir la corruption

Tu m’apprends le chemin de la Vie

Devant ta face, débordements de joie

A ta droite, éternité de délices.

(2009-08-23)