vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 17 juillet 2005 — 16e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année A
Info :

Année A - 16° Dimanche du Temps Ordinaire

Sg 12 13,16-19; Rom 8 26-27; Mt 13 44-52

Homélie du F.Servan

Texte :

Après la grande parabole du semeur, dimanche dernier, voici une nouvelle salve de paraboles (en Mt 13).

Quelles sont vos impressions, après audition de cet évangile ?

Etes-vous encouragés (avec un visage souriant tourné vers le haut) ou attristés (regard en accent circonflexe tourné vers le bas) ou bien perplexes ?

.

Encouragés, nous avons pu l'être par la parabole proprement dite (Attention à bien l'intituler: non pas « de l'Ivraie » mais « du bon grain (de blé) et de l'ivraie". Elle invitait à la patience miséricordieuse (en harmonie avec la belle méditation du livre de la Sagesse que nous avons entendue en première lecture: « Dieu de patience toute puissante envers toutes choses, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement ; nous pénétrant ainsi d'une belle espérance » et notre Parabole s'achevait sur une note positive de bonne et belle moisson (dans la région, cela va être) « Quant au blé, rentrez-le dans mon grenier ! »

Mais nous risquons d'être attristés - renfrognés par l'explication allégorique de la parabole qui a suivi et où l'évangéliste Matthieu en professeur sévère semble prendre plaisir à inscrire au crayon rouge ces notations « fournaise de feu, pleurs et grincements de dents » (il recommencera dimanche prochain avec la parabole du filet et des deux sortes de poissons.

Et nous avons pu être étonnés par cette classification « à la grosse », répartissant les hommes en deux catégories : fils du royaume-fils du mauvais" (les gens compétents nous expliquent qu'il s'agit d'un sémitisme où l’on recherche la force de frappe ; comme dans les Psaumes, nous avons « les justes-les impies ». Sans évacuer totalement l'opposition, on peut au moins la nuancer, par exemple en citant Soljenitsyne (dans l'Archipel du goulag » II p.459) : « Peu à peu j'ai découvert que la ligne de partage entre le bien et le mal ne sépare ni les Etats ni les classes ni les partis mais qu'elle traverse le cœur de chaque homme et de toute l'humanité. Cette ligne est mobile, elle oscille en nous avec les années ».

Pour en revenir à l'explication de la parabole, elle semble se focaliser davantage sur l'ivraie (le mal, la zizanie), lui consacrer plus d'attention (et de lignes) qu'au bon grain - comme par un effet de zoom. Est-ce qu'il ne nous arrive pas d'en faire autant parfois en regardant la vie du monde, de l'Eglise, de notre communauté de vie, de nos proches, et de notre propre vie ? En regardant surtout ce qui ne va pas? Par exemple, on parle ici de « ceux qui font tomber les autres », les scandalisent, sans parler de ceux qui porteurs des Béatitudes aident les autres à vivre et à se relever! On n’insiste plus tant sur la patience miséricordieuse que sur la menace (le jugement) qui pèse sur ce qui ne vaut rien.

Donc nous sommes plutôt attristés. L'équilibre se rétablirait si nous faisions maintenant un zoom plus large sur l'ensemble de l’évangile entendu et en laissant parler un peu les images comme il convient à des paraboles!

Certes, il y a l'image sombre de l'ennemi qui sème l'ivraie de nuit dans le champ de son voisin (le visage caché par un pan de son grand manteau noir avec une musique de fond adapté à la scène -l'apprenti sorcier de Dvorak - sous une demi-lune, pas très catholique.

Mais en contraste il y a le bel arbre aux oiseaux dans la lumière de ce début" d'été, l'arbre de Saint François aux oiseaux et celui de beaux dessins d'enfants (image du monde réconcilié). Et puis, toute l'aventure de la graine dont pourrait vous parler les jardiniers: enfouie, renaissant, grandissant, selon les aléas du temps, et encore, la force du levain dans la pâte, avec laquelle la ménagère palestinienne du temps de Jésus va faire cuire pour sa famille de belles galettes dorées et croustillantes.

Réalité du bon grain – réalité de l’ivraie

Réalité de la belle espérance – réalité de la nécessaire conversion.

Je pense, ici, frères et sœurs, à la brève mais admirable deuxième lecture deux ou trois petites phrases du fameux ch 8 de la lettre de Paul aux Romains : « L'Esprit Saint qui habite en chacun de nous vient au secours de notre faiblesse, crie et combat avec nous, nous console et nous convertit, nous fait discerner, parle en nous mais aussi par nos frères et sœurs qui peuvent nous faire des remarques utiles mais aussi nous encouragent. L’Esprit Saint parle à notre esprit par notre vie, plus encore que par des paroles. Il nous faut nous écrier : « NOUS RENDONS GRACES A DIEU » !!

(2008-07-20)

Homélie du 11 juillet 2005 — Saint Benoît — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Fête de St Benoît - 11 juillet 2005

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Nous voici en pleine liturgie. La liturgie, c’est quoi ?

C’est prendre une conscience plus vive qu’« en tout lieu, Dieu nous voit » :

le ciel est ouvert au-dessus de nos têtes,

un bon regard est posé sur chacune, sur chacun, sur nous tous ensemble.

Le regard de notre Père du ciel et de son Fils Bien-aimé,

tous deux unis par leur amour mutuel,

par leur Esprit répandu dans nos cœurs.

Et, à côté du Père, à l’honneur, quelqu’un…qui ?...

bien sûr, celui qui est fêté aujourd’hui, au ciel comme sur la terre,

un certain Benoît de Nursie,

oui, Benoît, tout ému de ce qui lui arrive, et pourtant il s’y attendait, bien sûr, comme autrefois au monastère.

Dans la liturgie, il faut parfois fermer les yeux pour mieux écouter,

pour entendre le concert céleste qui bat son plein…

Vous entendez ?... les anges musiciens, les chœurs des bienheureux,

tous ceux qui chantaient faux ici-bas

et qui s’émerveillent là-haut de chanter juste.

Une harmonie parfaite ! Cette harmonie est la nôtre, nous en sommes :

sur la terre, c’est comme au ciel. C’est cela la liturgie.

Aujourd’hui, jour de fête, chacune, chacun a le droit d’aller poser son oreille sur la poitrine de Benoît notre Père,

comme le Disciple Bien-aimé sur la poitrine de Jésus, et d’écouter.

Le cœur de Benoît est plein de sa lectio divina de ce matin. Oui, au ciel il a gardé ses habitudes du monastère.

Les paroles de la bible sont inépuisables et l’Esprit Saint met sa joie à les rendre neuves chaque matin.« Mon fils, si tu creuses comme un chercheur de trésor, alors tu découvriras la connaissance de Dieu », elle est sans fond.

Benoît, inlassablement, continue, au ciel, de chercher Dieu, comme il le cherchait sur la terre ; il continue de s’enfoncer dans la profondeur de son mystère. Il le cherche pour lui-même et il aide les moines et les moniales à chercher avec lui : il connaît leur soif, c’est encore la sienne. C’est aussi la soif de tous ceux, de toutes celles qui l’entourent en ce moment, depuis la Vierge Marie jusqu’au dernier des bienheureux, celui qui vient tout juste d’arriver au Paradis, et qui entre sur la pointe des pieds, émerveillé de ce qu’il voit et de ce qu’il entend.

Il entend Benoît qui médite à mi-voix au souffle de l’Esprit.

« Tout homme, toute femme qui aura quitté, à cause de mon nom, des frères, des sœurs, un père, une mère – même sa nourrice ! – recevra beaucoup plus et il aura en héritage la vie éternelle ». Choc en son cœur… « C’est vrai, la vie éternelle, je l’ai, j’y suis. Je peux en témoigner,

et je veux passer mon ciel à le crier sur la terre »,

comme la petite carmélite qui aurait mérité d’être bénédictine.

Benoît fait parfois lectio avec Scolastique. Ce 11 juillet au matin, ils ont médité ensemble les oraisons de la messe : « Seigneur, regarde avec bienveillance les offrandes que nous te présentons, en la fête de saint Benoît… » et d’ici je vois le patriarche qui baisse modestement les yeux, tandis que Scolastique l’encourage à bien tenir son rôle, d’autant plus qu’elle se sent aussi concernée, le frère et la sœur, inséparables ! Ensemble, ils continuent : « Seigneur, fais qu’à son exemple.. » mais une petite voix s’écrie tout haut « de Scolastique aussi », « en ne cherchant que toi, nous trouvions en te servant des grâces d’unité et de paix. » De paix.

Les grâces dont chaque monastère, chaque pays, l’Europe, le monde entier, ont tant besoin.

L’avenir est à la prière, la liturgie en est le cœur.

Homélie du 10 juillet 2005 — 15e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A – 15° dimanche du Temps Ordinaire - 10 Juillet 2005

Is 55 1-10 ; Rm 8 18-23 ; Mt 13 1-23 ;

Homélie du F.Sébastien

Texte :

S’il fallait tout dire en deux images, je dirais : la fleur de pissenlit et l’arrosoir…

Mais peut-être faut-il quand même un brin d’explication…

« Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison… »

Jésus n’arrête pas de sortir, de quitter un lieu trop restreint pour lui, un auditoire restreint. Il a besoin d’espace, il a besoin des foules, de tous, de vous, comme de moi.

C’est pourquoi il va s’asseoir, face au vaste horizon du lac de Tibériade, au bord de l’eau.

En cette heure matinale, la plage est déserte. Grand silence… À peine un clapotis.

Il est seul. Avant de parler, il prend toujours un bon temps de prière.

Peut-être lui vient-il alors le souvenir du jour où il a appelé pour la première fois de sa vie, en ce même endroit, au bord de ce lac.

Quatre pécheurs lui tournaient le dos. Sa parole les a touchés en plein cœur. Il les a vus tout quitter, venir à lui et se mettre à le suivre.

Inoubliable expérience de la puissance de sa parole !

Mais le soleil est déjà levé, des éclats de voix approchent. On l’a repéré, il est signalé : « Jésus, le grand guérisseur, le prophète, est au bord du lac ! » Des gens se rassemblent, l’encerclent, l’emprisonnent : ils ont soif de recueillir les graines de vie qui bouleversent les existences.

Pour pouvoir parler à tous, Jésus se dégage, monte dans une barque, s’assied, seul en face de la foule restée sur le rivage.

Et là, si j’ose dire, se déploie la fleur de pissenlit : une boule, ronde à la perfection, d’une blancheur céleste, gonflée de minuscules graines aériennes, chacune avec son parapente.

Et voilà que le VENT se met à souffler, ce vent qui souffle où il veut… et tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va… ni ce qu’il peut t’apporter !

Jésus en fleur ne travaille jamais qu’avec l’Esprit.

Une partie des graines tombent dans le lac, perdues. D’autres s’envolent, montent dans l’air chaud, pour un voyage qui pourra les conduire aux extrémités de la terre. D’autres atterrissent au bord des chemins pierreux, les oiseaux les picorent, perdues. Sans compter les ronciers, mille autres périls. Dieu le sait, c’est prévu. Mais la peine qu’on se donne n’est jamais perdue ! Il y a aussi la bonne terre, celle des cœurs comme chacun des vôtres… avec parfois des rendements de 100 pour un !

Le Créateur n’arrête pas de prodiguer ses graines et le vent de les emporter. Dieu est un grand optimiste. Il a l’espérance chevillée au corps, au corps de son Fils. Jésus part toujours gagnant, même si la croix se profile au bout du chemin.

Il sait d’expérience millénaire que

« la pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre,

sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer ».

Sourire d’en bas, vers le Père qui est au ciel et, de là-haut, verse largement…

Jésus, de sa barque, parle aux hommes, mais il n’en continue pas moins sa prière à son Père, c’est pour lui une nécessité vitale. Le Père agit toujours, telle est la source de son bonheur de Fils, de son émerveillement, de sa louange :

« Père, Tu visites la terre et tu l’abreuves,

tu la combles de richesses. Béni sois-tu !

Tu couronnes toute une année de bienfaits. Béni sois-tu !

Comble de tes bienfaits tous ceux qui m’écoutent

et arrose-les, sans compter ».

Un plein arrosoir pour chacun, pour chacune ! (2005-07-10)

Homélie du 03 juin 2005 — Sacré Cœur — Frère Servan
Cycle : Année A
Info :

Année C - Fête du Sacré-Coeur - 6 mai 1986

Ez 34 11-16; Rom 5 5-11; Lc 15 3-7

Homélie du F.Servan

Texte :

Le Cœur du Christ Jésus, Vrai Dieu et vrai homme, c'est le carrefour de l'Amour qui est l'enjeu de toute l'histoire Sainte (et de toute l'histoire humaine profonde).

C'est le carrefour, le croisement, la rencontre.

De l’amour de Dieu pour l’homme, de cet amour maternel du Père (« matriciant » dit Chouraqui) qu'évoquait si bien le texte d'Isaïe 54. lu hier aux premières Vêpres de la fête et que désigne l'Oraison de la fête :

Seigneur notre Père, en vénérant la Cœur de ton Fils bien-aimé, nous disons les merveilles de ton amour pour nous !

Et de la réponse d’amour qui monte de l’homme vers Dieu, ce que désigne cette fois la prière sur les Offrandes :

« Regarde., nous t’en prions, Seigneur, l'amour: inexprimable du Cœur de ton Fils, pour que nos offrandes te soient agréables ».

(Le Christ est cette fois du côté de l'homme, avec ses frères et leurs offrandes) !

Les « merveilles de ton amour », ces mirabilia, c'est déjà le grand jaillissement premier et toujours actuel de la Création : le don gratuit et surabondant de la vie.

Et c'est très vite, la quête de la brebis perdue : « La brebis perdue, je la chercherai, l'égarée, je la ramènerai ».

(Thème des lectures pour l'année C. Ezéchiel 34 et Luc 15)

Dieu en quête de: l'homme ! Quête commencée dès le; jardin de la Genèse et s'exprimant dans cet appel : « Adam ! où es-tu ? » et Saint Ambroise de commenter de façon belle cette parole :

« Le Seigneur appela l'homme et lui dit : Où es-tu? - Le juste qui voit le Seigneur et qui vit en sa compagnie ne doit ni se cacher de sa présence ni être appelé par lui, car il est toujours' avec lui (cf les 99 brebis non perdues de l'évangile). Mais le pécheur qui se dérobe à sa voix et qui se cache dans le bosquet du paradis, celui-là Dieu l'appelle : Adam, où es-tu? Car s'il se cache, c’est qu'il a honte. Mais du fait que Dieu l'appelle, c’est déjà un indice :.qu’il pourra guérir de son péché, car Dieu

appelle ceux dont il a pitié.

Dieu appelle Adam, mais celui-ci ne. Répond pas et se cache ! Alors, Dieu appelle Abraham et celui-ci répond : « Me voici », et 'il part, jusqu'aux extrêmes limites de la foi et de la liberté. Et la réponse plénière et définitive, Dieu la trouve enfin dans la Pâque de; Jésus, l'homme:: véritable, enfin réussi: « Voici l'Homme » ! En lui, voici tous les hommes.

Jésus Christ, à la croisée: de; deux amours : Dieu en quête de l' homme: - l'homme répondant à l'appel.

En terminant, relevons. Encore comment tous ceux et celles qui ont contemplé le cœur du Christ, non seulement sont entrés personnellement dans cette histoire d’amour mais se sont mis, à leur tour, avec le Christ, à la recherche de l'homme, se sont prêtés jusqu'à user leur vie à la quête de Dieu cherchant l'homme : « La brebis perdue, je la chercherai, l'égarée je, la ramènerai ». (1986-05-06)

Homélie du 24 avril 2005 — 5e dim. de Pâques — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A - Pâques 5° Dimanche – 24/04/2005

Actes : 6,1-7 ; 1Pierre : 2,4-9 ; Jean :14,1-12

Homélie du F.Guilaume

Texte :

Frères et sœurs,

Un thème me semble unir les 3 lectures que nous venons d’entendre : celui de la demeure, ou du demeurer, un thème qui parcourt d’ailleurs un peu toutes les Ecritures Saintes..

De quoi s’agit-il en fait dans la lecture des Actes avec cette récrimination dans la 1ère communauté chrétienne des frères de langue grecque contre ceux de langue hébraïque ? On sent comme un reproche fait par les premiers aux seconds, et parmi ces derniers aux Douze Apôtres (qui sont tous d’origine juive) de ne pas s’intéresser suffisamment à eux, de les désavantager, au sujet de cette question du service des repas des veuves. Les frères grecs souhaiteraient que les apôtres prennent en charge et s’occupent eux-mêmes de ce service. La réponse des Douze est simple et claire : non, ce n’est pas à nous, apôtres de faire cela. Pour nous, il nous faut demeurer fidèles à notre mission, à notre service d’annoncer la Parole et d’animer la prière de la communauté. Ne nous demandez pas de tout faire, de tout organiser, et s’il y a un besoin à satisfaire, soyez imaginatifs, créez de nouvelles fonctions, adaptées aux différents besoins. L’important, c’est que chacun soit à une place reconnue, acceptée, et qu’il y demeure fidèle.

Ce « demeurer fidèle » dans une vocation reçue par Dieu et dans l’Eglise est une parole de Dieu à entendre encore pour chacun d’entre nous aujourd’hui. Demeurer fidèle à un engagement, à une parole donnée, à un « oui », à une promesse, que cet engagement soit définitif ou pour un temps seulement, mais tenir bon avec persévérance, malgré les obstacles, les difficultés de tous genres. Cela n’est pas évident dans une société comme la nôtre qui fait l’éloge de la mobilité et du changement ce qui génère beaucoup d’instabilité , de démesure et aussi des tentations de démission.

La seconde lecture joue avec la métaphore de la pierre ou des pierres. Il y est question de la construction du Temple de Dieu, qui est par excellence sa Demeure parmi les hommes. Cette Demeure, jadis symbolisée par la Shekinah est la Présence mystérieuse de Dieu accompagnant son peuple dans son pèlerinage terrestre, au désert d’abord durant l’exode, ensuite au Temple à Jérusalem, puis en exil à Babylone, et de nouveau en Terre Sainte. Cette demeure, à l’heure où les temps sont accomplis, va désormais s’appuyer sur une nouvelle pierre angulaire, une pierre sur laquelle on butera, un roc qui fera tomber : le Christ Jésus en personne. Car le Verbe de Dieu est venu habiter chez les siens, et il a établi sur la terre sa Demeure. Avec lui, nous sommes maintenant et à jamais associés en tant que pierres vivantes à la construction du nouveau Temple de Dieu, qui est le Corps du Christ, l’Eglise et nous sommes la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu. Quel projet merveilleux, quelle grandiose perspective !

L’Evangile de Jean, lui, nous place à la fois dans une atmosphère d’échange confiant entre un maître et ses disciples devenus des amis, et il nous propulse aussi vers de larges horizons spirituels et mystiques.

Au tout début de l’évangile, les disciples avaient posé la question à Jésus qui les appelait à le suivre : « Maître, où demeures-tu ? » Et Il leur avait répondu : « Venez et voyez ! ». Dans ce dernier entretien avant la Passion, le thème de la demeure revient. Les disciples n’ont toujours pas compris où Jésus veut les entraîner, où il veut en venir avec eux. Quel chemin, quel lieu, quelle rencontre avec Dieu propose-t-il donc ? Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne voient pas clair, qu’ils sont troublés et même bouleversés, car ils sentent la gravité de l’heure, que Jésus va les quitter bientôt, puisqu’il leur a annoncé son départ.

Jésus dans ses réponses cherche à les rassurer, certes, mais il veut surtout les éclairer, les aider à dépasser leurs conceptions trop étroite de la foi, de leur représentation de Dieu, de leur vie spirituelle. L’horizon de la connaissance de Dieu, leur dit-il, ne se limite pas à ce monde-ci. Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures, et si je m’en vais, c’est pour vous préparer une demeure pour chacun de vous

Jésus appelle à un dépassement de la vision de près, de la vision ordinaire. Il s’agit de reconnaître l’œuvre de Dieu dans sa personne même, lui, l’ami déroutant, le fils de l’homme, fils de Marie, Fils de Dieu. Cela fait beaucoup à la fois, et pourtant l’enjeu du salut est là. Nous aussi, comme les disciples, nous avons à entrer dans cette « œuvre de dieu », cet « Opus Dei »-là. C’est la seule demeure qui procure le vrai bonheur, la vraie vie, la vie éternelle.

L’erreur serait de croire que la vie éternelle est réservée à l’au-delà de notre mort, à un futur ou un avenir inaccessible, ici-bas. Non, la vie éternelle, c’est de connaître Dieu et celui qu’il a envoyé : Jésus-Christ, dès maintenant et là où nous sommes, même si c’est d’une manière encore incomplète. C’est découvrir la demeure qui nous est préparée à l’intime de nous-mêmes, par la prière et la méditation de la Parole, c’est accueillir l’Esprit Saint et l’amour répandu dans nos cœurs, c’est vivre de cet amour dans nos relations inter-personnelles. Car « Dieu est Amour, qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui ».

Le Christ a préparé pour nous et il continue de préparer une demeure personnelle, par la victoire de la Croix et la Résurrection. Il est assis à la droite du Père, où il nous attend. Nous possédons déjà d’une certaine manière ce que nous espérons, comme le dit l’auteur de l’épître aux Hébreux en définissant la foi, et nous connaissons ce que nous ne voyons pas. Car voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer, mais espérer sans voir, c’est l’attendre avec persévérance et posséder déjà des prémisses, des arrhes de vie éternelle, dans cette attente. Heureux sommes-nous alors, si nous croyons, même sans voir !

Les trois textes de la liturgie de ce 5ème dimanche de Pâques nous invitent ainsi à être dynamiques, à ne pas nous décourager, à ne pas nous arrêter en chemin. L’Evangile nous veut imaginatifs, constructifs, positifs.

Nous allons maintenant offrir l’Eucharistie, entrer dans la grande prière du Christ à son Père, puis communier à son Corps et à son Sang. Et gardons en mémoire les paroles de Jésus : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui », et encore : « Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m’as donnés soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent la gloire que tu m’as donnée ».

AMEN (2005-04-24)

Homélie du 27 mars 2005 — Dimanche de Pâques — Frère Matthieu
Cycle : Année A
Info :

A – 2005 -Dimanche 27 mars 2005

Dimanche de la Résurrection

Lectures : Ac 10, 34a, 37-43 / Col 3,1-4 / Jn 20, 1-9

Homélie de frère Matthieu

Texte :

Vous l’aurez peut-être remarqué, l’évangile de la résurrection que nous venons de lire est la conclusion du récit de la Passion, que nous avons lu, vendredi, lors de la liturgie de la Croix. Ainsi achevons-nous aujourd’hui, avec cette eucharistie de Pâques, la grande célébration pascale – c’est une évidence !

Mais ce qui est peut-être moins évident, si nos voulons y réfléchir, c’est que ces deux célébrations doivent ainsi rester ensemble dans nos vies : deux faces d’un même Mystère pascal : Dieu nous a donné son fils pour que nous soyons sauvés, dans sa mort et sa résurrection.

Oui, c’est parce qu’il a pris notre humanité, chair de péché, c’est parce qu’il a traversé nos morts, c’est parce qu’il est descendu jusqu’en nos enfers, que le Christ Jésus nous a sauvés de notre péché, nous a arrachés à nos morts et à la mort, nous a tirés des enfers pour nous faire passer avec lui vers la vie et la résurrection, dans le royaume de son Père.

Ce n’est pas le meilleur de nous-même qui est sauvé dans la mort et la résurrection du Christ, c’est le pire de nous-même, cette part, que nous préférons si souvent ne pas voir, cette part, dont nous désespérons parfois… et qui peut nous conduire à désespérer de Dieu même, à nous éloigner de Lui.

Oui, dans la réalité de notre baptême, nous avons été plongés avec le Christ dans sa mort et dans sa résurrection, avec lui nous avons fait ce passage impossible de la mort à la vie, de notre péché vers notre salut, de la création blessée à la nouvelle création où aucune mort n’a plus d’empire. Voilà notre foi… et dans ce matin de Pâque, il faut redécouvrir ce don inouï de notre Dieu.

Voilà notre foi… Mais nous ne le savons que trop, cette foi, au quotidien, est bien difficile à vivre… alors que nous sommes confrontés à la part de mal et de péché, encore si présente en nos vies, pour ne rien dire de notre monde.

N’en soyons pas étonnés ! les réactions des premiers disciples de Jésus nous disent bien que la foi pascale est tout sauf une évidence…

La plupart du temps, nous ne retenons de l’évangile lu aujourd’hui que la foi du disciple bien-aimé, qui semble nous être donnée en exemple : ‘il vit et il cru !.. Pourtant si nous avons bien écouté notre évangile, nous avons remarqué que cela n’est pas aussi simple...

Car, il n’y a pas seulement le disciple bien-aimé, mais aussi Marie de Magdala et Pierre… et il ne s’agit pas de n’importe qui…

Marie Madeleine, elle était là au pied de la Croix, elle sera la première à rencontrer Jésus ressuscité, la première à porter ‘l’Evangile’ de la résurrection.

Et Pierre, n’est-il pas celui qui a confessé le Christ, celui qui est revenu de son reniement, celui que Jésus va établir comme le pasteur de son troupeau ?

Que nous dit l’Evangile ?

Marie vient au tombeau de grand matin, elle voit… mais seulement la pierre enlevée et elle s’enfuit… et elle va dire à ses frères son affolement devant ce qu’elle comprend comme la disparition, le vol du cadavre de Jésus… elle est bien loin alors de croire en la résurrection !

Et Pierre ? Il part en courant au tombeau, il entre dans le sépulcre… vide… Il voit le linceul resté là… il voit, mais de son constat minutieux, il ne semble rien tirer qui est à voir avec la foi !

Et le verset qui clôt le récit – on ne nous l’a pas fait lire ! – nous dit qu’après cela, Pierre et Marie rentrent chez eux… et le disciple bien aimé avec eux…

Nous voilà sans doute plus à l’aise pour avouer nos difficultés à croire, même en ce matin de Pâques !

Mais l’Evangile n’en reste pas là…

Il nous fait remarquer d’abord que ces interrogations, de Marie, de Pierre, ne restent pas dans le secret de leur cœur : Marie va parler aux disciples, ils vont ensemble au tombeau… et ils regardent ensemble et ils cherchent ensemble…

Oui, ils sont en recherche et c’est bien là ce qui nous est demandé, à nous aussi : être en quête du Mystère, et le rester ; ensemble, à l’écoute les uns des autres, comme nous avons fait en célébrant ces liturgies pascales, chercheurs ensemble. Oui, dans cette quête d’intelligence de notre foi, il ne faut pas rester seul !

Mais l’Evangile nous indique encore et surtout le lieu essentiel de toute recherche : les Ecritures… c’est là qu’il s’agit de voir – l’Evangile reprend le mot ! Oui, voilà bien l’essentiel : nous savons désormais où chercher, que lire, relire et méditer : les textes de notre Bible, ‘Moïse les Prophètes et les Psaumes’, dirait saint Luc.

C’est toujours le temps d’y revenir, de donner à cette lecture le pas sur toute autre lecture… si toutefois nous voulons être sérieux avec notre ‘être chrétien’ !

Oui, dans la quête d’intelligence de notre vie dans le Christ, les Ecritures sont le passage indispensable qu’il faut traverser et retraverser sans relâche… et ensemble aussi, en Eglise, à la suite de tous les croyants qui nous ont précédés et nous transmettent ce qu’ils ont eux-mêmes reçu et compris.

Oui, alors, mais alors seulement, nous pourrons faire et refaire l’expérience personnelle de la présence de Jésus, le ressuscité… au cœur de nos morts, au cœur de nos vies… dans le quotidien, aujourd’hui et demain.

Amen.

Frère Matthieu Collin

Homélie du 26 mars 2005 — Veillée pascale — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - Messe de la Vigile Pascale - 26 mars 2005 à Venière

Mt 28 1-10

Homélie du F.Sébastien

Texte :

« Vous, les femmes du matin de Pâques, allez dire à ses disciples qu’il est ressuscité d’entre les morts… » Parole d’ange.

Mais aujourd’hui, quels sont-ils ses disciples ? A-t-on le droit de parler naïvement de la résurrection des morts sans penser au monde concret qui nous entoure, à tel ou telle dans nos familles, parmi nos connaissances, à tous ceux et celles pour qui cela ne signifie rien. Absurde !

Je pense à cet ami qui ne manque pas une occasion : « Personne n'est jamais ressorti du trou... Alors, arrête tes histoires ! » Boulonné. Rien à dire...

Je n'en pense pas à moins à ces Égyptiens qui, il a quelque 6000 ans bâtissaient des demeures d'éternité, tantôt grandioses, tantôt d'humbles caches dans le sable. Mais, pour eux, la vie dans l'au-delà, une fois passé le siphon, ressemblait beaucoup à la vie en-deçà: mêmes boisson, nourriture, ustensiles, mobilier, même organisation sociale.

Il en va tout autrement avec notre foi. Notre vie continuera, mais elle connaîtra une transformation qui dépassera tout ce que l'homme peut imaginer : ce sera la vie même de Dieu en nous. Inimaginable !

Au temps de Jésus, en Israël, dans ce peuple que l’Esprit Saint avait éduqué, enseigné, illuminé de tant de manières et par tant de prophètes et de grands mystiques, beaucoup de Juifs, et des plus fervents, ne croyaient pas en la résurrection des morts ; ils pouvaient même la ridiculiser avec des petits histoires farfelues comme celle de la femme aux sept maris successifs restée sans enfant.

Une enquête récente révèle que 20 % des catholiques pratiquants ne croient pas à la résurrection! Et les autres que croient-ils au juste? Ce serait passionnant - et surprenant - de partager là-dessus si nous avions le temps. Une petite suggestion à titre de formation permanente: prenez le Catéchisme de 1'Église catholique et lisez tranquillement les pages consacrées à la résurrection des morts et à la vie éternelle. Très nourrissant.

Mais à côté de l'approche intellectuelle, indispensable, il y a les témoignages vécus. Eux aussi nous ouvrent des horizons.

Anita, 6 ans. Une famille tranquillement athée. Anita va porter des fleurs sur la tombe de sa grand-mère qu'elle aimait beaucoup, et c'était réciproque. Elle revient en courant, rayonnante : « Papa, Papa, c'est mamie !... c'est mamie qui me l'a donné. » Tout contre la tombe, elle a aperçu une minuscule touffe de fleurettes qui avait poussé là par hasard et les a cueillies. Un cadeau de mamie, c'est évident ! « Mais non, ma chérie, tu sais bien que ta grand-mère est morte… – Si, c’est mamie ! – Mais non ! – « SI ! » À la suite des sept frères Macchabées, dont elle n’avait jamais entendu parler, c'est Anita, leur lointaine petite sœur hors la foi, qui était la plus forte.

Tagore, le poète bengali. Pas chrétien, mais grand croyant. La femme qu'il aime vit ses derniers jours:

« Paix, mon cœur, que l'heure de la séparation soit douce;

que ce ne soit pas une mort, mais un accomplissement.

Vivons du souvenir de notre amour et que notre douleur se change en chansons.

Que l'envolement dans le ciel finisse par le repliement des ailes sur le nid. (... )

Je m'incline et j'élève ma lampe pour éclairer ta route.»

Oscar Roméro, chrétien, évêque, devenu défenseur des pauvres et des opprimés dans un Salvador livré à la violence des puissants. Les menaces se multiplient pour le faire taire. En 1980, quinze jours avant d'être atteint en pleine poitrine d'une balle explosive alors qu'il célèbre l'eucharistie, il avait écrit:

« J'ai souvent été menacé de mort. Mais comme chrétien, je ne crois pas qu'il y ait de mort sans résurrection. Si on me tue, je ressusciterai dans le peuple salvadorien. Je dis cela sans me vanter, avec la plus grande humilité.

Comme pasteur, je suis obligé, par mandat divin, de donner ma vie pour ceux que j'aime, pour tous les Salvadoriens, même pour ceux qui vont peut-être me tuer. Si les menaces .viennent à exécution, dès maintenant, j'offre mon sang à Dieu pour la rédemption et la résurrection du Salvador. » - Effectivement, il n'y a de résurrection individuelle qu'avec les autres et pour les autres. Jésus a commencé et il donne de continuer -. (...) « S'ils réussissent à me tuer, vous pourrez dire que je pardonne et bénis ceux qui le feront. Ah ! s'ils pouvaient se convaincre qu'ils perdront leur temps. Un évêque mourra, mais l'Église de Dieu, qui est le peuple, ne périra jamais ».

Pour lui, et pour tant d’autres, l’ange du Seigneur est descendu du ciel. Il a roulé la pierre, il s’est assis dessus. Son apparence est celle de l’éclair et son vêtement blanc comme neige. Avec lui, le ciel est descendu sur la terre. Les morts rhabillés de blanc montent dans le tourbillon. Heureux les yeux qui se ferment pour mieux voir, les oreilles qui entendent comme jamais encore :

« Ne craignez pas ! Vous cherchez Jésus le crucifié, il n’est pas ici. Il est ressuscité, comme il l’avait dit. » C’était donc vrai. Tout était vrai ! Alléluia !

(2005-03-26)

Homélie du 20 mars 2005 — Dimanche des Rameaux — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - Dimanche des Rameaux – 20 mars 2005 -

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Nous voici déjà bien engagés dans la première des grandes liturgies de la semaine sainte de l’an de grâce 2005. Nous voici affrontés à la grande question : comment, par la grâce de ces liturgies, passer de la tête au cœur ? Comment nous laisser saisir par le mystère du Christ, pour que nos vies en soient renouvelées, et le monde du même coup ? Les deux se tiennent !

Je vous propose, aujourd’hui, de nous aider d’une méditation, que je trouve exemplaire, une méditation d’un saint moine du 7e siècle, un certain André de Crète, de l’île de Crète.

Je lis :

« Quand la foule des Juifs entendit que Jésus venait à Jérusalem, elle s’avança vers lui avec des rameaux d’olivier en s’écriant : “Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le Roi d’Israël”. »

Je m’arrête : Quand la foule entendit… s’avança… s’écriant… Tout cela, nous l’avons fait. Très bien. Mais après ? Voilà toute la question. Eh bien, après, maintenant, suivons André…

Je lis : « Nous aussi… » – nous, c’est lui et nous, lui qui, du haut du ciel, en ce moment, s’efforce de nous accompagner – « nous aussi saluons le Christ par les mêmes paroles. En guise de palmes, offrons-lui nos chants de louange, avant sa passion ». Toujours commencer par la louange. Avec André, nous sommes en train de passer des palmes matérielles aux paroles intérieures, de ces paroles cordiales qui pourraient se murmurer en nous tout au long de ce dimanche, comme un hommage d’amour personnel au Christ qui vient, qui vient pour visiter notre Jérusalem actuelle : “Jésus, Roi béni, toi qui es venu, viens, viens encore” !

Mais André ne le sait que trop, les paroles, mêmes les gestes, peuvent n’être que platoniques. Et c’est pourquoi il nous entraîne plus loin : « Acclamons-le, non pas avec des branches d’olivier, mais en nous honorant mutuellement dans la charité. » Inattendu ! Serait-ce un dérapage ? Déjà quitter le Christ des Rameaux pour retomber dans la banalité de la charité fraternelle à toutes les sauces ? Moi, je préfère reconnaître une admirable glissade, comme il en survient souvent dans une authentique expérience spirituelle, une de celles où l’on reconnaît le Doigt de Dieu à l’œuvre : un Dieu surprenant. André se laisse faire. Spontanément – mais parce que c’est la pente de son cœur – il est passé de la louange des lèvres à la charité concrète. Il est passé du Christ accueilli au prochain en qui nous pouvons, sans illusions, lui prouver notre amour. Un dérapage cela ? Non, saint André est toujours dans la liturgie des Rameaux, mais désormais dans sa profondeur existentielle. Il continue : « Étendons aux pieds du Christ, comme des vêtements, les désirs de nos cœurs ». Cela va très loin ! C’est que l’homme est tout entier dans ses désirs ; ils sont comme sa carte d’identité, son vrai moi devant Dieu qui murmure : « Dis-moi tes désirs, je te dirai qui tu es. » Ces désirs-là attirent le Christ, irrésistiblement. André en joue habilement, cela fait partie des jeux de l’amour : « Étendons à ses pieds les désirs de nos cœurs afin… ?…afin qu’il porte vers nous ses pas et fasse en nous sa demeure » Vers moi aplati par terre, l’attirant… Dieu attiré, piégé : il ne pourra pas résister. La meilleure raison c’est qu’il ne désire que cela ! C’est vraiment le propre désir de son cœur qu’il glisse dans nos cœurs d’homme et de femmes, impatient qu’il est de s’exaucer lui-même, et nous avec ! La voilà, je pense, la véritable entrée de Jésus Roi, aujourd’hui, dans la Jérusalem des cœurs qui l’attendent. Mais ce n’est pas tout : « …afin qu’il fasse en nous sa demeure, afin qu’il nous place tout entiers en lui et lui tout entier en nous. » Pas moins ! On reconnaît là le désir le plus essentiel de la vie spirituelle, et même de la vie mystique, le désir d’un saint, André, le désir, plus ou moins conscient, des modestes croyants que nous sommes tous… Et il faut dire : « oui ! » C’est ce désir que les liturgies de la semaine sainte doivent commencer à satisfaire, en le faisant grandir, un peu plus chaque année…

Alors, sans attendre, dès maintenant, par nos désirs vrais, tels qu’ils sont, attirons, accueillons le Christ, Seigneur et roi de l’univers, Celui dont notre monde a tant besoin,

Quant à lui, il n’a besoin que d’une ânesse heureuse, consentante, pour s’asseoir dessus, et d’un petit âne, trottinant devant, les oreilles en V…

Qui veut l’être ?

Homélie du 09 février 2005 — Mercredi des Cendres — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Année ABC - Mercredi des Cendres - 9 mars 2011

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Déjà dans certains courriers ou dans certaines salutations, je reçois déjà ce souhait : Bonne entrée en Carême, bonne montée vers Pâques. Ces souhaits entre chrétiens sont heureux, car ils nous redisent l’orientation fondamentale de notre vie : vivre de la Pâque du Christ, mourir avec lui pour vivre avec lui.

Comment nous aussi, dès maintenant nous préparer à entrer dans cette quarantaine qui voudrait raviver en nous, et le don déjà reçu à notre baptême, et le désir d’y conformer davantage notre vie ?

La première chose est, je crois, de mettre les bonnes lunettes pour regarder ce temps. Si nous mettons des lunettes toutes en grisaille, lunette qui ne nous font considérer que les points plus rudes nous risquons de passer à côté, en nous décourageant. Ces lunettes en grisaille nous centrent sur nous-mêmes, alors qu’il s’agit de mieux regarder le Christ, pour mieux le connaître lui et la puissance de sa Résurrection. Avant de commencer, il peut être bon de se demander où en suis-je dans mon désir de mieux connaître et mieux aimer le Christ ? Qu’est-ce que je perçois comme appel dans ma vie la plus quotidienne pour que le Christ ait davantage la première place ? Si je prends le temps de cette écoute, j’ai des chances de rejoindre, et mon désir profond et le désir de l’Esprit qui ne cesse de nous apprendre à nous tourner vers notre Père. En d’autres termes, choisir de mettre le cap sur Pâques, c’est choisir dès maintenant d’entrer dans une attention et une écoute plus fine, plus aimante du Christ et de son Esprit en nous. Cette quarantaine voudrait nous faire grandir dans une amitié plus grande avec le Christ. Si nous mettons les lunettes qui nous font regarder vers le Christ, nous découvrirons que les autres moyens, le jeûne, la veille, le partage seront une aide pour nous sortir de nous-mêmes. En effet, laissé à nous-mêmes, la pente naturelle fait que nous nous centrons sur notre petit confort et nos soucis au risque de nous recroqueviller ? Notre pratique commune du jeûne vient nous entraider à un sursaut intérieur. Je rappelle que si des frères ont des difficultés de santé qu’ils m’en parlent. L’important est ce que le jeûne permet de liberté et de décentrement et non le jeûne en lui-même. Mais que cela passe par une parole. Comme nous mettrons l’accent sur les Vigiles du samedi, avec un temps de recueillement propice à la prière et à la lecture, je propose que nous n’ayons pas cette année, le temps des cinq minutes de prière après les complies. Enfin, je souhaiterai rencontrer chacun durant le Carême, pour parler de sa manière avec laquelle il vit l’ouverture du cœur à un frère. Qu’en est-il pour chacun de ce lieu important pour nous, de l’accompagnement spirituel, qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui manque ? Comment faire pour que cette relation soit vraiment occasion de grandir dans la vie spirituelle ? Je ferai donc signe à chacun durant ce Carême. (2011-03-05)

Homélie du 02 janvier 2005 — Epiphanie du Seigneur — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Année ABC - Epiphanie du Seigneur 2005

Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2005

Frères et soeurs,

Il y a peu, je lisais le témoignage d’une religieuse qui avait partagé pour un temps la vie d’une communauté Emmaüs femmes, comme notre frère Daniel a pu le faire en son temps avec des hommes. Cette religieuse raconte qu’un jour, ces femmes qui connaissent la grande pauvreté parlaient entre elles de Noël que l’on venait de fêter. L’une d’elle demande à la religieuse : “et toi Annie, qu’est-ce que tu as eu pour Noël ?” Annie répond : “nous, tu sais, on ne se donne pas vraiment de cadeaux...juste parfois des petites choses pour se dire notre amitié...On partage plutôt avec d’autres”. La femme reprit: “c’est vrai, les soeurs, elles, elles font la pauvreté...Vous vous donnez aux autres....et nous, ben, on ne peut plus que recevoir...” Et la religieuse de commenter : “cette remarque produit en moi un choc en me montrant qui est le pauvre : celui qui ne peut que recevoir...”

En ce jour où nous fêtons l’Epiphanie, nous venons adorer Jésus, le Fils de Dieu qui est naît en prenant la dernière place, dans une étable. Il a voulu se tenir là avec les pauvres comme celui qui reçoit tout, Lui qui est l’origine de tout... Comme une enfant, il a reçu la vie et l’affection d’une mère et d’un père. Et aujourd’hui, il reçoit de ses étrangers inconnus en quelque sorte son investiture royale sur tous les peuples : de l’or, de l’encens et de la myrrhe...Ainsi s’y est pris notre Dieu pour se révéler au monde : il se fait petit, parmi les exclus pour recevoir des autres la manifestation de sa dignité...Sur la Croix, Jésus ne fera rien d’autre quand il attendra tout du Père jusqu’au dernier souffle dans l’attente de la Résurrection...Compté parmi les pécheurs, il s’en remettra totalement à son Père qui peut le sauver.Ainsi la crèche nous montre-t-elle les moeurs de notre Dieu. Nous pouvons en tirer deux leçons.

La première : quand nous venons aujourd’hui adorer avec les mages l’Enfant dans la Crèche, il est bon de nous rappeler que notre Dieu n’est pas un Dieu terrible, écrasant de puissance qui voudrait nous arracher notre reconnaissance, notre adoration ou notre obéissance. Quand viennent parfois nous hanter ces images d’un Dieu oppressant, souvenons-nous qu’Il n’a rien à voir avec cette idole de terreur. Rappelons-nous plutôt qu’Il veut se révéler à nous dans la mesure où nous sommes capable de le reconnaître très proche de nous dans nos pauvretés, dans notre petitesse, dans notre péché. Et il lui plaît que nous le confessions là comme notre Dieu, notre Sauveur lui qui s’est chargé de nos péchés, de nos maladies, comme dira Pierre. Apportons-lui comme or, encens et myrrhe le coffret de notre confiance et de notre amour. Nous manifesterons par là qu’il est le Vrai Dieu, non l’idole de la Puissance, mais le Père de toute miséricorde...

La seconde chose que nous apprends cette fête touche à nos relations humaines.Les mages ont manifesté la dignité de cet enfant à ses parents pauvres...Ces hommes justes, ces chercheurs ont su être à l’écoute des signes. Ces mages nous montrent combien nous pouvons à notre tour révéler à nos proches toute leur dignité...si nous sommes attentifs aux événements, si nous savons écouter ce qui traverse la vie de nos proches, de nos frères de communauté. Nous pouvons par l’or de notre reconnaissance, par l’encens de notre bienveillance et par la myrrhe de notre amitié leur manifester qu’ils sont toujours plus grands que ce qu’ils peuvent penser d’eux-même. Ici, je pense à notre frère Daniel qui durant ces dernières années de grand abaissement à ses propres yeux et aux nôtres a reçu toute sa dignité des soins quotidiens de nos frères infirmiers. A l’instar des mages, ces derniers lui ont manifesté sa dignité d’homme, d’enfant de Dieu au coeur de sa pauvreté qui nous pouvait nous la masquer...

Rendons grâce à notre Dieu qui nous apprends aujourd’hui quelle adoration il attend de nous, et quelle dignité nous pouvons recevoir les uns par les autres.(2005-01-02)