vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 21 août 2005 — 21e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - 21e dimanche du T.O - Messe de clôture des JMJ à Cologne 21/08/2005

Is 22,19-23 – Rm 11,33-36 – Mt 16,13-20

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Avant de commencer, je dois avouer qu’en préparant cette homélie, j’ai eu pas mal de distractions, et, hélas, cela continue...

Je me disais qu’en préparant son homélie de ce matin, à Cologne, le pape avait dû avoir pas mal de distractions ! Pas seulement du fait de la foule des jeunes et de l’événement…

Mais comment ne penserait-il pas en même temps à Jean-Paul II qui l’écouterait attentivement, de là-haut, entouré de la cour céleste, peut-être côte à côte avec un certain Simon-Pierre, celui de notre évangile. Pierre qui, un jour, s’était entendu dire à un homme de Nazareth, encore mal connu : »Tu es le messie », c’était déjà énorme, mais aussi : « Le messie, le Fils du Dieu vivant » !

Pierre, là-haut, doit encore se demander : « Mais qu’est-ce qui m’a poussé à dire cela ? » Même s’il n’a pas oublié l’inoubliable, l’insondable : « Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux ».

Pierre soudain face à ce « Mon Père », le Père de Jésus, le Dieu vivant. Et nous aussi, avec Pierre.

À l’intérieur du fameux « Pour vous, qui suis-je ? » dit par Jésus à ses disciples, et à nous-mêmes, j’en entends un autre, caché dedans, celui de Dieu lui-même : « Moi, Dieu, pour vous, qui suis-je ? »

Oui, qui donc est-il ce Dieu, ce Dieu vivant dont Jésus est le Fils ? C’était ma question, et je n’en suis pas sorti… Alors j’ai pris mon missel.

La première lecture nous met en présence d’un Dieu qui saisit par la peau du cou le gouverneur Shebna, – Shebna était alors le grand maître du palais du roi d’Israël, Ézéchias, c’était son premier ministre, – Ce Shebna, Dieu le saisit pour, d’autorité, l’enlever de son poste, le déclasser, et mettre à sa place un certain Éliakim, fils de Hilkias, auquel il transmet les pouvoirs du prédécesseur, tout en s’engageant, par une promesse qui enjambe souverainement sur l’avenir : « Éliakim, dit Dieu, je le rendrai stable comme un piquet qu’on enfonce dans un sol ferme – vous voyez l’image – . Il sera comme un trône de gloire pour la maison de son père ». Autre image.

C’est dit, et ce sera ! Foi de Dieu !

Dieu, notre Dieu, qui donc es-tu pour disposer à ta guise, et des hommes et de leur histoire ?

Dans la troisième lecture on retrouve le même Dieu, sept siècles plus tard.

Mais cette fois-ci, c’est Jésus, le Fils du Dieu vivant fait homme, qui parle, et avec la même souveraineté que son Père. Il s’adresse à Simon-Pierre. Il lui annonce que, exactement comme Éliakim, il sera investi de l’autorité suprême, gratuitement, sans mérite de sa part : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. Je te donnerai les clés du Royaume des cieux… ». Tu es Pierre de chair et tu deviendras pierre de pierre, roc, socle inébranlable, un piquet dans le sol ferme. C’est dit, et ce sera !

Dieu, notre Dieu, qui donc es-tu, pour disposer à ta guise et des hommes – jusqu’en ton Fils fait homme – et de l’histoire de tous les hommes, jusqu’à la nôtre, jusqu’à la mienne ?

Balancé entre la première et la troisième lecture, je me retrouve au centre, au point d’équilibre, dans la deuxième, la finale du chapitre 11 de l’épître aux Romains. La perspective s’est élargie.

Il ne s’agit plus d’individus mais de deux peuples : l’aîné, le peuple d’Israël, le cadet, le peuple chrétien, tous deux frères, cheminant à travers les chassés croisés de leurs histoires respectives, livrés à leur autonomie, à leur liberté, pour former un jour un seul peuple, le peuple que nous sommes, l’unique peuple de Dieu, notre Dieu qui les attend ensemble.

Alors, ce Dieu, qui donc est-il ? Lui qui ne cesse de nous interpeller à travers son Fils : « Pour vous, qui suis-je ? Qui sommes-nous, moi et mon Fils, tous deux en un, ce Fils que je vous ai envoyé, que je vous donne dans cette eucharistie, moins comme une réponse que comme une question, une interrogation éternellement posée aux seuil de notre mystère, le nôtre qui est devenu le vôtre…

Restons-en là. Laissons les paroles de saint Paul entendues tout à l’heure nous entraîner dans la profondeur qu’on ne peut plus qu’adorer : « Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu ! Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables !… Tout est de lui, et par lui, et pour lui. À lui la gloire, pour l’éternité ! Amen. (2005-08-21)

Homélie du 15 août 2005 — Assomption de la Vierge Marie — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

VEILLÉE AVEC LES JEUNES EN PÈLERINAGE VERS VÉZELAY.

– Samedi 18 mai 2007 – 21 h.

Assomption 15 août - Lc 14 39-56

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Vous avez choisi de réfléchir sur l’ évangile de LA VISITATION,

et je ne sais pas si c’est pour cela que vous, les plus jeunes, vous avez voulu venir nous visiter, nous les plus âgés, comme Marie a visité Élisabeth…

Oui, ce soir, c’est Visitation, une rencontre.

Il y a beaucoup de rencontres dans vos vies de jeunes, comme aussi dans les nôtres, et il faut les réussir.

L’évangile nous donne pour cela un magnifique modèle.

Mais avez-vous réalisé, qu’en ce moment il y a deux personnes qui nous regardent, vous et nous. Oui, deux, Marie et Élisabeth. Elles sont là, parmi nous, pour continuer à vivre avec nous, ce qu’elles ont commencé il y a 2000 ans, et qui n’est pas fini !

C’est là le miracle de la liturgie, un miracle de présence, d’entraide, de communion. Ce soir, avec elles , nous ajoutons une page à l’évangile.

--------------.Je sais que vous avez déjà réfléchi entre vous sur ce beau texte, très riche. Aussi je me conterai de parler avec vous seulement de trois choses.

1 – Quand Marie arrive chez Élisabeth, c’est pour lui faire le plus beau cadeau du monde.

Elle lui apporte la présence de Jésus qui vient d’être conçu, encore minuscule en elle, dans son ventre et surtout dans son cœur. Si elle le porte en elle-même, c’est parce qu’elle a reçu la visite de l’ange et qu’elle a dit “oui”. C’était de la folie, mais elle était prête.

L’important, c’est de bien voir qu’il n’y a pas de Visitation, s’il n’y a pas d’abord une Annonciation. On n’apporte aux autres que ce que l’on a reçu. Nous aussi, nous devons dire oui à l’ange quand il vient nous visiter. Il faut nous préparer. Comment ? Il faut apprendre à goûter des temps de silence, savoir arrêter périodiquement le tournis des activités, des préoccupations, prendre l’habitude de prier jusqu’à ce que cela devienne un besoin, le meilleur moment de nos journées, lire sa Bible et, comme Marie, avoir de grands désirs, les laisser grandir en soi. Et un jour on est prêt. à entendre, à accueillir le don de Dieu, à se donner.

Pour nous, les moines, c’est pareil. Cela demande un engagement, du temps, mais c’est payant.

2- Vous avez sans doute remarqué l’importance du corps dans cet évangile. Sitôt après l’Annonciation, Marie part en hâte visiter sa cousine âgé. Marie a environ 15 / 16 ans, une jeune femme qui trottine allègrement, elle est en forme, une bonne centaine de km, du sport.

Demain, quand vous marcherez vers Vézelay, pensez à elle qui marche avec vous. Vous pourrez même lui parler. Oui, je suis sérieux. Et vous verrez : quand on lui parle, elle se rend présente, elle sait se faire très proche dans nos joies et dans nos peines. Vous avez certainement des choses à lui demander, à lui confier. Profitez de l’occasion.

Quand Marie arrive chez Élisabeth, tous les corps entrent en action, de façon étonnante. Dieu a besoin de nos corps. Dès qu’Élisabeth entend la salutation de Marie, – entend avec ses oreilles de chair, – Jean aussi entend, et il bondit dans le sein de sa mère. À six mois, le fœtus gigote, et ce jour-là il est tellement heureux qu’il tape du pied de l’intérieur pour faire comprendre qu’il a reconnu l’arrivée de Celui qui est le Messie attendu…. : Ça y est, les temps nouveaux sont commencés ! Joie ! Joie pour le monde entier. Et il l’annonce… en tambourinant !

Mais il y a plus. En entendant, avec ses oreilles de chair, la salutation de Marie, Élisabeth est remplie de l’Esprit Saint… ! Comment est-ce possible ? C’est possible parce que, si nous avons des yeux, des oreilles, des sens matériels – cinq sens – nous avons aussi des sens spirituels. C’est par leur ouïe spirituelle qu’Élisabeth et Jean ont entendu ce que d’autres n’auraient jamais entendu !

Nous aussi nous avons des sens spirituels et nous devons les exercer. Comment ? En écoutant au fond de notre cœur tout ce qui nous vient de Dieu par les autres, par les événements. Il y a des choses à percevoir dans nos rencontres, dans nos lectures, en tout : Dieu se sert de tous nos sens pour se communiquer à nous, pour nous parler et nous remplir de joie.

Il est le premier à nous visiter, en nous donnant l’Esprit Saint, le cadeau des cadeaux, celui qui est offert à la Pentecôte. Joie !

3 – Je termine en vous lisant quelques lignes de la Règle de Saint Benoît.

Saint Benoît voudrait apprendre aux moines comment accueillir leurs hôtes, comment faire de tout accueil une visitation. Écoutez, et voyez si cela vous dit quelque chose pour votre vie.

REGLE Chapitre 53 - De la réception des hôtes

Tous les hôtes qui se présentent doivent être reçus comme le Christ, car il dira : « J'ai été hôte et vous m'avez reçu ». À tous on rendra les honneurs qui leur sont dus, surtout aux frères dans la foi et aux étrangers. Lors donc qu'un hôte sera annoncé, le supérieur et les frères iront à sa rencontre avec toutes les politesses de la charité. On commencera par prier ensemble, et ensuite on échangera la paix.

Etc. Comme Élisabeth accueillant Marie ! Ce serait l’idéal !

Homélie du 14 août 2005 — 20e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A - 20° dimanche du temps ordinaire – 14/08/2005

Isaïe 56,1,6-7 ; Rom. 11,13…32 ; Math. 15,21-28

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

Les trois lectures que nous venons d’entendre sont clairement placées sous le signe de l’ouverture et de l’universalisme du salut proposé à tous. Elles nous invitent ainsi à élargir notre regard, à faire reculer les frontières de nos horizons souvent trop étroits et à remettre en cause sans doute nos idées spontanées ou nos présupposés à l’égard des étrangers.

La 1ère lecture se situe dans un contexte de restauration, peu de temps après l’exil d’Israël à Babylone et le retour à Jérusalem. Tant de bouleversements ont eu lieu en si peu de temps : la destruction du Temple, la déportation d’une partie du peuple, la fin de la Royauté. Une simple remise en place du passé ne suffit pas ; il faut imaginer de nouveaux modes d’existence et en particulier il faut reconsidérer la relation avec les étrangers devenus nombreux sur la terre et qui souhaitent s’intégrer à Israël. C’est une époque de réelle crise d’identité, conjointe à une grande pauvreté, comme en connaissent bien des pays à certaines heures de leur histoire. Pensons aux années qui ont suivi la fin de la seconde guerre mondiale, qui ont vu naître une nouvelle Europe, avec la réconciliation entre nations qui se haïssaient et qui se combattaient depuis des siècles.

L’auteur de ce début du chapitre 56 du livre d’Isaïe s’inscrit, lui, dans une perspective religieuse. Un jour viendra, et il vient bientôt, où le Seigneur rendra heureux tous ceux qui lui auront été fidèles et qui auront pratiqué la justice et le droit, même si ce sont des étrangers qui selon la Loi, la Torah, ne sont pas admis au culte officiel du Temple. Ce nouveau Temple alors deviendra une maison de prière pour tous les peuples. Dieu fera bon accueil à tous les hommes de bonne volonté. Quelle merveille parole biblique qui garde encore toute son actualité et sa force, en notre temps, pour nos églises, pour nos communautés !

Saint Paul dans la seconde lecture se confronte à la question si mystérieuse et si douloureuse pour lui du refus d’Israël d’accueillir le salut par la foi en Jésus-Christ. Il se situe peu de temps après les événements bouleversants de la Passion et de la Résurrection du Christ, qui ont amené eux aussi à une reconsidération du rapport entre judaïsme et paganisme. Paul, lui-même est un converti : il a fait l’expérience décisive de la miséricorde de Dieu, alors qu’il persécutait les premières communautés chrétienne.

L’épître aux Romains est une longue et profonde méditation sur le péché qui atteint tous les hommes, juifs comme païens depuis les origines, et sur la grâce offerte à tous et en surabondance, du fait de la miséricorde et du désir de Dieu que tous les hommes soient sauvés. C’est un texte théologique difficile, mais nourri d’espérance et de confiance. Ouvert sur l’avenir, il proclame que la vie et la réconciliation dans le Christ auront le dernier mot. Elles triompheront de toutes les fermetures à l’amour et de toutes nos désobéissances à la foi.

Enfin l’Evangile met en scène Jésus face à une païenne, une cananéenne, dans ce récit si touchant et si profond de la guérison d’une fillette, obtenue non sans peine ni astuce par la foi de sa mère.

L’intention théologique de Saint Matthieu est bien, là encore, celle d’une ouverture, d’un éclatement des horizons du salut, qui semble surprendre Jésus lui-même, dans la conception qu’il se fait de sa propre mission : « n’ai-je pas été envoyé qu’aux seules brebis perdues d’Israël ? » Tout montre dans le texte que Jésus est contrarié. Il n’a pas envie au début de s’adresser à la femme qui le supplie de ses cris. Ce sont les disciples qui sont les intermédiaires et qui demandent à leur maître une guérison expéditive pour avoir la paix. Et puis, sur l’insistance de la femme qui ne veut avoir à faire qu’avec Jésus, ce dernier va avoir une parole très dure, qui nous choque : « il n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens ». Cette réplique pourrait nous faire penser à celle que Jésus a eue vis-à-vis de sa mère, la Vierge Marie, à Cana, à l’occasion du premier miracle – ou signe – rapporté par l’évangile de Jean. Jésus avait dit à sa mère avec une certaine brutalité : « femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue ». Mais dans l’un et l’autre cas, c’est la foi d’une mère, alliée à une fine psychologie de la situation qui va toucher le cœur de Jésus, et le faire revenir sur ce qui semblait être une première position : ne rien faire, car cela ne convient pas ou ce n’est pas le bon moment d’agir.

La foi de cette cananéenne, tout comme celle de Marie provoquent l’admiration du Seigneur, l’élargissement de son cœur, en libérant du fait même sa puissance de thaumaturge. La fillette est guérie, l’eau est changée en vin.

Notons aussi dans notre évangile les mentions du pain, que ce soit celui donné aux enfants ou les miettes qui tombent de la table du maître pour les petits chiens. Tout comme le vin de Cana, le pain a une résonance eucharistique. La rencontre de Jésus et de la cananéenne se situe dans l’évangile de Matthieu entre deux récits de multiplication de pain, et à chaque fois l’évangéliste s’intéresse aux restes, qui sont bien plus que des miettes : 12 paniers pleins dans un cas, sept corbeilles pleines dans l’autre. Tous ces détails de récit sont signifiants pour dire la surabondance du salut apporté par Jésus, l’envoyé du Père, pour guérir et donner vie et nourriture à des milliers d’hommes, sans compter les femmes et les enfants…

Que retenir alors de ces textes de la liturgie de ce dimanche pour nous ?

Nous vivons à l’heure de la mondialisation, des échanges tout azimuts, économiques, culturels, religieux. Qu’en est-il donc de la prétention à l’universalisme du message chrétien ? Nous savons qu’elle est contestée par d’autres universalismes : les droits de l’homme, l’Islam, le libéralisme économique, etc.

N’avons-nous pas à être assez modestes dans cette prétention contenue dans l’annonce de la foi ? Acceptons d’être parfois déconcertés, dérangés par l’aujourd’hui de notre monde, qui rejoint l’aujourd’hui de Dieu. Nous n’avons pas réponse à tous les défis qui se présentent. Il nous faut tenir bon dans la foi, dans l’espérance, dans l’amour.

Comme pour les prophètes de l’Ancienne Alliance, comme pour Saint Paul, comme pour la Cananéenne et pour Marie, ce sont ces vertus cardinales qui nous font tenir et discerner ce qui convient de faire ou de ne pas faire, et cela au-delà de tout ce qui nous surprend, nous contrarie ou nous déconcerte. Alors pourrons nous entendre à notre tour : « ma grâce te suffit, ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort ».

AMEN (2005-08-14)

Homélie du 17 juillet 2005 — 16e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année A
Info :

Année A - 16° Dimanche du Temps Ordinaire

Sg 12 13,16-19; Rom 8 26-27; Mt 13 44-52

Homélie du F.Servan

Texte :

Après la grande parabole du semeur, dimanche dernier, voici une nouvelle salve de paraboles (en Mt 13).

Quelles sont vos impressions, après audition de cet évangile ?

Etes-vous encouragés (avec un visage souriant tourné vers le haut) ou attristés (regard en accent circonflexe tourné vers le bas) ou bien perplexes ?

.

Encouragés, nous avons pu l'être par la parabole proprement dite (Attention à bien l'intituler: non pas « de l'Ivraie » mais « du bon grain (de blé) et de l'ivraie". Elle invitait à la patience miséricordieuse (en harmonie avec la belle méditation du livre de la Sagesse que nous avons entendue en première lecture: « Dieu de patience toute puissante envers toutes choses, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement ; nous pénétrant ainsi d'une belle espérance » et notre Parabole s'achevait sur une note positive de bonne et belle moisson (dans la région, cela va être) « Quant au blé, rentrez-le dans mon grenier ! »

Mais nous risquons d'être attristés - renfrognés par l'explication allégorique de la parabole qui a suivi et où l'évangéliste Matthieu en professeur sévère semble prendre plaisir à inscrire au crayon rouge ces notations « fournaise de feu, pleurs et grincements de dents » (il recommencera dimanche prochain avec la parabole du filet et des deux sortes de poissons.

Et nous avons pu être étonnés par cette classification « à la grosse », répartissant les hommes en deux catégories : fils du royaume-fils du mauvais" (les gens compétents nous expliquent qu'il s'agit d'un sémitisme où l’on recherche la force de frappe ; comme dans les Psaumes, nous avons « les justes-les impies ». Sans évacuer totalement l'opposition, on peut au moins la nuancer, par exemple en citant Soljenitsyne (dans l'Archipel du goulag » II p.459) : « Peu à peu j'ai découvert que la ligne de partage entre le bien et le mal ne sépare ni les Etats ni les classes ni les partis mais qu'elle traverse le cœur de chaque homme et de toute l'humanité. Cette ligne est mobile, elle oscille en nous avec les années ».

Pour en revenir à l'explication de la parabole, elle semble se focaliser davantage sur l'ivraie (le mal, la zizanie), lui consacrer plus d'attention (et de lignes) qu'au bon grain - comme par un effet de zoom. Est-ce qu'il ne nous arrive pas d'en faire autant parfois en regardant la vie du monde, de l'Eglise, de notre communauté de vie, de nos proches, et de notre propre vie ? En regardant surtout ce qui ne va pas? Par exemple, on parle ici de « ceux qui font tomber les autres », les scandalisent, sans parler de ceux qui porteurs des Béatitudes aident les autres à vivre et à se relever! On n’insiste plus tant sur la patience miséricordieuse que sur la menace (le jugement) qui pèse sur ce qui ne vaut rien.

Donc nous sommes plutôt attristés. L'équilibre se rétablirait si nous faisions maintenant un zoom plus large sur l'ensemble de l’évangile entendu et en laissant parler un peu les images comme il convient à des paraboles!

Certes, il y a l'image sombre de l'ennemi qui sème l'ivraie de nuit dans le champ de son voisin (le visage caché par un pan de son grand manteau noir avec une musique de fond adapté à la scène -l'apprenti sorcier de Dvorak - sous une demi-lune, pas très catholique.

Mais en contraste il y a le bel arbre aux oiseaux dans la lumière de ce début" d'été, l'arbre de Saint François aux oiseaux et celui de beaux dessins d'enfants (image du monde réconcilié). Et puis, toute l'aventure de la graine dont pourrait vous parler les jardiniers: enfouie, renaissant, grandissant, selon les aléas du temps, et encore, la force du levain dans la pâte, avec laquelle la ménagère palestinienne du temps de Jésus va faire cuire pour sa famille de belles galettes dorées et croustillantes.

Réalité du bon grain – réalité de l’ivraie

Réalité de la belle espérance – réalité de la nécessaire conversion.

Je pense, ici, frères et sœurs, à la brève mais admirable deuxième lecture deux ou trois petites phrases du fameux ch 8 de la lettre de Paul aux Romains : « L'Esprit Saint qui habite en chacun de nous vient au secours de notre faiblesse, crie et combat avec nous, nous console et nous convertit, nous fait discerner, parle en nous mais aussi par nos frères et sœurs qui peuvent nous faire des remarques utiles mais aussi nous encouragent. L’Esprit Saint parle à notre esprit par notre vie, plus encore que par des paroles. Il nous faut nous écrier : « NOUS RENDONS GRACES A DIEU » !!

(2008-07-20)

Homélie du 11 juillet 2005 — Saint Benoît — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Fête de St Benoît - 11 juillet 2005

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Nous voici en pleine liturgie. La liturgie, c’est quoi ?

C’est prendre une conscience plus vive qu’« en tout lieu, Dieu nous voit » :

le ciel est ouvert au-dessus de nos têtes,

un bon regard est posé sur chacune, sur chacun, sur nous tous ensemble.

Le regard de notre Père du ciel et de son Fils Bien-aimé,

tous deux unis par leur amour mutuel,

par leur Esprit répandu dans nos cœurs.

Et, à côté du Père, à l’honneur, quelqu’un…qui ?...

bien sûr, celui qui est fêté aujourd’hui, au ciel comme sur la terre,

un certain Benoît de Nursie,

oui, Benoît, tout ému de ce qui lui arrive, et pourtant il s’y attendait, bien sûr, comme autrefois au monastère.

Dans la liturgie, il faut parfois fermer les yeux pour mieux écouter,

pour entendre le concert céleste qui bat son plein…

Vous entendez ?... les anges musiciens, les chœurs des bienheureux,

tous ceux qui chantaient faux ici-bas

et qui s’émerveillent là-haut de chanter juste.

Une harmonie parfaite ! Cette harmonie est la nôtre, nous en sommes :

sur la terre, c’est comme au ciel. C’est cela la liturgie.

Aujourd’hui, jour de fête, chacune, chacun a le droit d’aller poser son oreille sur la poitrine de Benoît notre Père,

comme le Disciple Bien-aimé sur la poitrine de Jésus, et d’écouter.

Le cœur de Benoît est plein de sa lectio divina de ce matin. Oui, au ciel il a gardé ses habitudes du monastère.

Les paroles de la bible sont inépuisables et l’Esprit Saint met sa joie à les rendre neuves chaque matin.« Mon fils, si tu creuses comme un chercheur de trésor, alors tu découvriras la connaissance de Dieu », elle est sans fond.

Benoît, inlassablement, continue, au ciel, de chercher Dieu, comme il le cherchait sur la terre ; il continue de s’enfoncer dans la profondeur de son mystère. Il le cherche pour lui-même et il aide les moines et les moniales à chercher avec lui : il connaît leur soif, c’est encore la sienne. C’est aussi la soif de tous ceux, de toutes celles qui l’entourent en ce moment, depuis la Vierge Marie jusqu’au dernier des bienheureux, celui qui vient tout juste d’arriver au Paradis, et qui entre sur la pointe des pieds, émerveillé de ce qu’il voit et de ce qu’il entend.

Il entend Benoît qui médite à mi-voix au souffle de l’Esprit.

« Tout homme, toute femme qui aura quitté, à cause de mon nom, des frères, des sœurs, un père, une mère – même sa nourrice ! – recevra beaucoup plus et il aura en héritage la vie éternelle ». Choc en son cœur… « C’est vrai, la vie éternelle, je l’ai, j’y suis. Je peux en témoigner,

et je veux passer mon ciel à le crier sur la terre »,

comme la petite carmélite qui aurait mérité d’être bénédictine.

Benoît fait parfois lectio avec Scolastique. Ce 11 juillet au matin, ils ont médité ensemble les oraisons de la messe : « Seigneur, regarde avec bienveillance les offrandes que nous te présentons, en la fête de saint Benoît… » et d’ici je vois le patriarche qui baisse modestement les yeux, tandis que Scolastique l’encourage à bien tenir son rôle, d’autant plus qu’elle se sent aussi concernée, le frère et la sœur, inséparables ! Ensemble, ils continuent : « Seigneur, fais qu’à son exemple.. » mais une petite voix s’écrie tout haut « de Scolastique aussi », « en ne cherchant que toi, nous trouvions en te servant des grâces d’unité et de paix. » De paix.

Les grâces dont chaque monastère, chaque pays, l’Europe, le monde entier, ont tant besoin.

L’avenir est à la prière, la liturgie en est le cœur.

Homélie du 10 juillet 2005 — 15e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A – 15° dimanche du Temps Ordinaire - 10 Juillet 2005

Is 55 1-10 ; Rm 8 18-23 ; Mt 13 1-23 ;

Homélie du F.Sébastien

Texte :

S’il fallait tout dire en deux images, je dirais : la fleur de pissenlit et l’arrosoir…

Mais peut-être faut-il quand même un brin d’explication…

« Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison… »

Jésus n’arrête pas de sortir, de quitter un lieu trop restreint pour lui, un auditoire restreint. Il a besoin d’espace, il a besoin des foules, de tous, de vous, comme de moi.

C’est pourquoi il va s’asseoir, face au vaste horizon du lac de Tibériade, au bord de l’eau.

En cette heure matinale, la plage est déserte. Grand silence… À peine un clapotis.

Il est seul. Avant de parler, il prend toujours un bon temps de prière.

Peut-être lui vient-il alors le souvenir du jour où il a appelé pour la première fois de sa vie, en ce même endroit, au bord de ce lac.

Quatre pécheurs lui tournaient le dos. Sa parole les a touchés en plein cœur. Il les a vus tout quitter, venir à lui et se mettre à le suivre.

Inoubliable expérience de la puissance de sa parole !

Mais le soleil est déjà levé, des éclats de voix approchent. On l’a repéré, il est signalé : « Jésus, le grand guérisseur, le prophète, est au bord du lac ! » Des gens se rassemblent, l’encerclent, l’emprisonnent : ils ont soif de recueillir les graines de vie qui bouleversent les existences.

Pour pouvoir parler à tous, Jésus se dégage, monte dans une barque, s’assied, seul en face de la foule restée sur le rivage.

Et là, si j’ose dire, se déploie la fleur de pissenlit : une boule, ronde à la perfection, d’une blancheur céleste, gonflée de minuscules graines aériennes, chacune avec son parapente.

Et voilà que le VENT se met à souffler, ce vent qui souffle où il veut… et tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va… ni ce qu’il peut t’apporter !

Jésus en fleur ne travaille jamais qu’avec l’Esprit.

Une partie des graines tombent dans le lac, perdues. D’autres s’envolent, montent dans l’air chaud, pour un voyage qui pourra les conduire aux extrémités de la terre. D’autres atterrissent au bord des chemins pierreux, les oiseaux les picorent, perdues. Sans compter les ronciers, mille autres périls. Dieu le sait, c’est prévu. Mais la peine qu’on se donne n’est jamais perdue ! Il y a aussi la bonne terre, celle des cœurs comme chacun des vôtres… avec parfois des rendements de 100 pour un !

Le Créateur n’arrête pas de prodiguer ses graines et le vent de les emporter. Dieu est un grand optimiste. Il a l’espérance chevillée au corps, au corps de son Fils. Jésus part toujours gagnant, même si la croix se profile au bout du chemin.

Il sait d’expérience millénaire que

« la pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre,

sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer ».

Sourire d’en bas, vers le Père qui est au ciel et, de là-haut, verse largement…

Jésus, de sa barque, parle aux hommes, mais il n’en continue pas moins sa prière à son Père, c’est pour lui une nécessité vitale. Le Père agit toujours, telle est la source de son bonheur de Fils, de son émerveillement, de sa louange :

« Père, Tu visites la terre et tu l’abreuves,

tu la combles de richesses. Béni sois-tu !

Tu couronnes toute une année de bienfaits. Béni sois-tu !

Comble de tes bienfaits tous ceux qui m’écoutent

et arrose-les, sans compter ».

Un plein arrosoir pour chacun, pour chacune ! (2005-07-10)

Homélie du 03 juin 2005 — Sacré Cœur — Frère Servan
Cycle : Année A
Info :

Année C - Fête du Sacré-Coeur - 6 mai 1986

Ez 34 11-16; Rom 5 5-11; Lc 15 3-7

Homélie du F.Servan

Texte :

Le Cœur du Christ Jésus, Vrai Dieu et vrai homme, c'est le carrefour de l'Amour qui est l'enjeu de toute l'histoire Sainte (et de toute l'histoire humaine profonde).

C'est le carrefour, le croisement, la rencontre.

De l’amour de Dieu pour l’homme, de cet amour maternel du Père (« matriciant » dit Chouraqui) qu'évoquait si bien le texte d'Isaïe 54. lu hier aux premières Vêpres de la fête et que désigne l'Oraison de la fête :

Seigneur notre Père, en vénérant la Cœur de ton Fils bien-aimé, nous disons les merveilles de ton amour pour nous !

Et de la réponse d’amour qui monte de l’homme vers Dieu, ce que désigne cette fois la prière sur les Offrandes :

« Regarde., nous t’en prions, Seigneur, l'amour: inexprimable du Cœur de ton Fils, pour que nos offrandes te soient agréables ».

(Le Christ est cette fois du côté de l'homme, avec ses frères et leurs offrandes) !

Les « merveilles de ton amour », ces mirabilia, c'est déjà le grand jaillissement premier et toujours actuel de la Création : le don gratuit et surabondant de la vie.

Et c'est très vite, la quête de la brebis perdue : « La brebis perdue, je la chercherai, l'égarée, je la ramènerai ».

(Thème des lectures pour l'année C. Ezéchiel 34 et Luc 15)

Dieu en quête de: l'homme ! Quête commencée dès le; jardin de la Genèse et s'exprimant dans cet appel : « Adam ! où es-tu ? » et Saint Ambroise de commenter de façon belle cette parole :

« Le Seigneur appela l'homme et lui dit : Où es-tu? - Le juste qui voit le Seigneur et qui vit en sa compagnie ne doit ni se cacher de sa présence ni être appelé par lui, car il est toujours' avec lui (cf les 99 brebis non perdues de l'évangile). Mais le pécheur qui se dérobe à sa voix et qui se cache dans le bosquet du paradis, celui-là Dieu l'appelle : Adam, où es-tu? Car s'il se cache, c’est qu'il a honte. Mais du fait que Dieu l'appelle, c’est déjà un indice :.qu’il pourra guérir de son péché, car Dieu

appelle ceux dont il a pitié.

Dieu appelle Adam, mais celui-ci ne. Répond pas et se cache ! Alors, Dieu appelle Abraham et celui-ci répond : « Me voici », et 'il part, jusqu'aux extrêmes limites de la foi et de la liberté. Et la réponse plénière et définitive, Dieu la trouve enfin dans la Pâque de; Jésus, l'homme:: véritable, enfin réussi: « Voici l'Homme » ! En lui, voici tous les hommes.

Jésus Christ, à la croisée: de; deux amours : Dieu en quête de l' homme: - l'homme répondant à l'appel.

En terminant, relevons. Encore comment tous ceux et celles qui ont contemplé le cœur du Christ, non seulement sont entrés personnellement dans cette histoire d’amour mais se sont mis, à leur tour, avec le Christ, à la recherche de l'homme, se sont prêtés jusqu'à user leur vie à la quête de Dieu cherchant l'homme : « La brebis perdue, je la chercherai, l'égarée je, la ramènerai ». (1986-05-06)

Homélie du 24 avril 2005 — 5e dim. de Pâques — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A - Pâques 5° Dimanche – 24/04/2005

Actes : 6,1-7 ; 1Pierre : 2,4-9 ; Jean :14,1-12

Homélie du F.Guilaume

Texte :

Frères et sœurs,

Un thème me semble unir les 3 lectures que nous venons d’entendre : celui de la demeure, ou du demeurer, un thème qui parcourt d’ailleurs un peu toutes les Ecritures Saintes..

De quoi s’agit-il en fait dans la lecture des Actes avec cette récrimination dans la 1ère communauté chrétienne des frères de langue grecque contre ceux de langue hébraïque ? On sent comme un reproche fait par les premiers aux seconds, et parmi ces derniers aux Douze Apôtres (qui sont tous d’origine juive) de ne pas s’intéresser suffisamment à eux, de les désavantager, au sujet de cette question du service des repas des veuves. Les frères grecs souhaiteraient que les apôtres prennent en charge et s’occupent eux-mêmes de ce service. La réponse des Douze est simple et claire : non, ce n’est pas à nous, apôtres de faire cela. Pour nous, il nous faut demeurer fidèles à notre mission, à notre service d’annoncer la Parole et d’animer la prière de la communauté. Ne nous demandez pas de tout faire, de tout organiser, et s’il y a un besoin à satisfaire, soyez imaginatifs, créez de nouvelles fonctions, adaptées aux différents besoins. L’important, c’est que chacun soit à une place reconnue, acceptée, et qu’il y demeure fidèle.

Ce « demeurer fidèle » dans une vocation reçue par Dieu et dans l’Eglise est une parole de Dieu à entendre encore pour chacun d’entre nous aujourd’hui. Demeurer fidèle à un engagement, à une parole donnée, à un « oui », à une promesse, que cet engagement soit définitif ou pour un temps seulement, mais tenir bon avec persévérance, malgré les obstacles, les difficultés de tous genres. Cela n’est pas évident dans une société comme la nôtre qui fait l’éloge de la mobilité et du changement ce qui génère beaucoup d’instabilité , de démesure et aussi des tentations de démission.

La seconde lecture joue avec la métaphore de la pierre ou des pierres. Il y est question de la construction du Temple de Dieu, qui est par excellence sa Demeure parmi les hommes. Cette Demeure, jadis symbolisée par la Shekinah est la Présence mystérieuse de Dieu accompagnant son peuple dans son pèlerinage terrestre, au désert d’abord durant l’exode, ensuite au Temple à Jérusalem, puis en exil à Babylone, et de nouveau en Terre Sainte. Cette demeure, à l’heure où les temps sont accomplis, va désormais s’appuyer sur une nouvelle pierre angulaire, une pierre sur laquelle on butera, un roc qui fera tomber : le Christ Jésus en personne. Car le Verbe de Dieu est venu habiter chez les siens, et il a établi sur la terre sa Demeure. Avec lui, nous sommes maintenant et à jamais associés en tant que pierres vivantes à la construction du nouveau Temple de Dieu, qui est le Corps du Christ, l’Eglise et nous sommes la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu. Quel projet merveilleux, quelle grandiose perspective !

L’Evangile de Jean, lui, nous place à la fois dans une atmosphère d’échange confiant entre un maître et ses disciples devenus des amis, et il nous propulse aussi vers de larges horizons spirituels et mystiques.

Au tout début de l’évangile, les disciples avaient posé la question à Jésus qui les appelait à le suivre : « Maître, où demeures-tu ? » Et Il leur avait répondu : « Venez et voyez ! ». Dans ce dernier entretien avant la Passion, le thème de la demeure revient. Les disciples n’ont toujours pas compris où Jésus veut les entraîner, où il veut en venir avec eux. Quel chemin, quel lieu, quelle rencontre avec Dieu propose-t-il donc ? Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne voient pas clair, qu’ils sont troublés et même bouleversés, car ils sentent la gravité de l’heure, que Jésus va les quitter bientôt, puisqu’il leur a annoncé son départ.

Jésus dans ses réponses cherche à les rassurer, certes, mais il veut surtout les éclairer, les aider à dépasser leurs conceptions trop étroite de la foi, de leur représentation de Dieu, de leur vie spirituelle. L’horizon de la connaissance de Dieu, leur dit-il, ne se limite pas à ce monde-ci. Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures, et si je m’en vais, c’est pour vous préparer une demeure pour chacun de vous

Jésus appelle à un dépassement de la vision de près, de la vision ordinaire. Il s’agit de reconnaître l’œuvre de Dieu dans sa personne même, lui, l’ami déroutant, le fils de l’homme, fils de Marie, Fils de Dieu. Cela fait beaucoup à la fois, et pourtant l’enjeu du salut est là. Nous aussi, comme les disciples, nous avons à entrer dans cette « œuvre de dieu », cet « Opus Dei »-là. C’est la seule demeure qui procure le vrai bonheur, la vraie vie, la vie éternelle.

L’erreur serait de croire que la vie éternelle est réservée à l’au-delà de notre mort, à un futur ou un avenir inaccessible, ici-bas. Non, la vie éternelle, c’est de connaître Dieu et celui qu’il a envoyé : Jésus-Christ, dès maintenant et là où nous sommes, même si c’est d’une manière encore incomplète. C’est découvrir la demeure qui nous est préparée à l’intime de nous-mêmes, par la prière et la méditation de la Parole, c’est accueillir l’Esprit Saint et l’amour répandu dans nos cœurs, c’est vivre de cet amour dans nos relations inter-personnelles. Car « Dieu est Amour, qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui ».

Le Christ a préparé pour nous et il continue de préparer une demeure personnelle, par la victoire de la Croix et la Résurrection. Il est assis à la droite du Père, où il nous attend. Nous possédons déjà d’une certaine manière ce que nous espérons, comme le dit l’auteur de l’épître aux Hébreux en définissant la foi, et nous connaissons ce que nous ne voyons pas. Car voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer, mais espérer sans voir, c’est l’attendre avec persévérance et posséder déjà des prémisses, des arrhes de vie éternelle, dans cette attente. Heureux sommes-nous alors, si nous croyons, même sans voir !

Les trois textes de la liturgie de ce 5ème dimanche de Pâques nous invitent ainsi à être dynamiques, à ne pas nous décourager, à ne pas nous arrêter en chemin. L’Evangile nous veut imaginatifs, constructifs, positifs.

Nous allons maintenant offrir l’Eucharistie, entrer dans la grande prière du Christ à son Père, puis communier à son Corps et à son Sang. Et gardons en mémoire les paroles de Jésus : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui », et encore : « Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m’as donnés soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent la gloire que tu m’as donnée ».

AMEN (2005-04-24)

Homélie du 27 mars 2005 — Dimanche de Pâques — Frère Matthieu
Cycle : Année A
Info :

A – 2005 -Dimanche 27 mars 2005

Dimanche de la Résurrection

Lectures : Ac 10, 34a, 37-43 / Col 3,1-4 / Jn 20, 1-9

Homélie de frère Matthieu

Texte :

Vous l’aurez peut-être remarqué, l’évangile de la résurrection que nous venons de lire est la conclusion du récit de la Passion, que nous avons lu, vendredi, lors de la liturgie de la Croix. Ainsi achevons-nous aujourd’hui, avec cette eucharistie de Pâques, la grande célébration pascale – c’est une évidence !

Mais ce qui est peut-être moins évident, si nos voulons y réfléchir, c’est que ces deux célébrations doivent ainsi rester ensemble dans nos vies : deux faces d’un même Mystère pascal : Dieu nous a donné son fils pour que nous soyons sauvés, dans sa mort et sa résurrection.

Oui, c’est parce qu’il a pris notre humanité, chair de péché, c’est parce qu’il a traversé nos morts, c’est parce qu’il est descendu jusqu’en nos enfers, que le Christ Jésus nous a sauvés de notre péché, nous a arrachés à nos morts et à la mort, nous a tirés des enfers pour nous faire passer avec lui vers la vie et la résurrection, dans le royaume de son Père.

Ce n’est pas le meilleur de nous-même qui est sauvé dans la mort et la résurrection du Christ, c’est le pire de nous-même, cette part, que nous préférons si souvent ne pas voir, cette part, dont nous désespérons parfois… et qui peut nous conduire à désespérer de Dieu même, à nous éloigner de Lui.

Oui, dans la réalité de notre baptême, nous avons été plongés avec le Christ dans sa mort et dans sa résurrection, avec lui nous avons fait ce passage impossible de la mort à la vie, de notre péché vers notre salut, de la création blessée à la nouvelle création où aucune mort n’a plus d’empire. Voilà notre foi… et dans ce matin de Pâque, il faut redécouvrir ce don inouï de notre Dieu.

Voilà notre foi… Mais nous ne le savons que trop, cette foi, au quotidien, est bien difficile à vivre… alors que nous sommes confrontés à la part de mal et de péché, encore si présente en nos vies, pour ne rien dire de notre monde.

N’en soyons pas étonnés ! les réactions des premiers disciples de Jésus nous disent bien que la foi pascale est tout sauf une évidence…

La plupart du temps, nous ne retenons de l’évangile lu aujourd’hui que la foi du disciple bien-aimé, qui semble nous être donnée en exemple : ‘il vit et il cru !.. Pourtant si nous avons bien écouté notre évangile, nous avons remarqué que cela n’est pas aussi simple...

Car, il n’y a pas seulement le disciple bien-aimé, mais aussi Marie de Magdala et Pierre… et il ne s’agit pas de n’importe qui…

Marie Madeleine, elle était là au pied de la Croix, elle sera la première à rencontrer Jésus ressuscité, la première à porter ‘l’Evangile’ de la résurrection.

Et Pierre, n’est-il pas celui qui a confessé le Christ, celui qui est revenu de son reniement, celui que Jésus va établir comme le pasteur de son troupeau ?

Que nous dit l’Evangile ?

Marie vient au tombeau de grand matin, elle voit… mais seulement la pierre enlevée et elle s’enfuit… et elle va dire à ses frères son affolement devant ce qu’elle comprend comme la disparition, le vol du cadavre de Jésus… elle est bien loin alors de croire en la résurrection !

Et Pierre ? Il part en courant au tombeau, il entre dans le sépulcre… vide… Il voit le linceul resté là… il voit, mais de son constat minutieux, il ne semble rien tirer qui est à voir avec la foi !

Et le verset qui clôt le récit – on ne nous l’a pas fait lire ! – nous dit qu’après cela, Pierre et Marie rentrent chez eux… et le disciple bien aimé avec eux…

Nous voilà sans doute plus à l’aise pour avouer nos difficultés à croire, même en ce matin de Pâques !

Mais l’Evangile n’en reste pas là…

Il nous fait remarquer d’abord que ces interrogations, de Marie, de Pierre, ne restent pas dans le secret de leur cœur : Marie va parler aux disciples, ils vont ensemble au tombeau… et ils regardent ensemble et ils cherchent ensemble…

Oui, ils sont en recherche et c’est bien là ce qui nous est demandé, à nous aussi : être en quête du Mystère, et le rester ; ensemble, à l’écoute les uns des autres, comme nous avons fait en célébrant ces liturgies pascales, chercheurs ensemble. Oui, dans cette quête d’intelligence de notre foi, il ne faut pas rester seul !

Mais l’Evangile nous indique encore et surtout le lieu essentiel de toute recherche : les Ecritures… c’est là qu’il s’agit de voir – l’Evangile reprend le mot ! Oui, voilà bien l’essentiel : nous savons désormais où chercher, que lire, relire et méditer : les textes de notre Bible, ‘Moïse les Prophètes et les Psaumes’, dirait saint Luc.

C’est toujours le temps d’y revenir, de donner à cette lecture le pas sur toute autre lecture… si toutefois nous voulons être sérieux avec notre ‘être chrétien’ !

Oui, dans la quête d’intelligence de notre vie dans le Christ, les Ecritures sont le passage indispensable qu’il faut traverser et retraverser sans relâche… et ensemble aussi, en Eglise, à la suite de tous les croyants qui nous ont précédés et nous transmettent ce qu’ils ont eux-mêmes reçu et compris.

Oui, alors, mais alors seulement, nous pourrons faire et refaire l’expérience personnelle de la présence de Jésus, le ressuscité… au cœur de nos morts, au cœur de nos vies… dans le quotidien, aujourd’hui et demain.

Amen.

Frère Matthieu Collin

Homélie du 26 mars 2005 — Veillée pascale — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - Messe de la Vigile Pascale - 26 mars 2005 à Venière

Mt 28 1-10

Homélie du F.Sébastien

Texte :

« Vous, les femmes du matin de Pâques, allez dire à ses disciples qu’il est ressuscité d’entre les morts… » Parole d’ange.

Mais aujourd’hui, quels sont-ils ses disciples ? A-t-on le droit de parler naïvement de la résurrection des morts sans penser au monde concret qui nous entoure, à tel ou telle dans nos familles, parmi nos connaissances, à tous ceux et celles pour qui cela ne signifie rien. Absurde !

Je pense à cet ami qui ne manque pas une occasion : « Personne n'est jamais ressorti du trou... Alors, arrête tes histoires ! » Boulonné. Rien à dire...

Je n'en pense pas à moins à ces Égyptiens qui, il a quelque 6000 ans bâtissaient des demeures d'éternité, tantôt grandioses, tantôt d'humbles caches dans le sable. Mais, pour eux, la vie dans l'au-delà, une fois passé le siphon, ressemblait beaucoup à la vie en-deçà: mêmes boisson, nourriture, ustensiles, mobilier, même organisation sociale.

Il en va tout autrement avec notre foi. Notre vie continuera, mais elle connaîtra une transformation qui dépassera tout ce que l'homme peut imaginer : ce sera la vie même de Dieu en nous. Inimaginable !

Au temps de Jésus, en Israël, dans ce peuple que l’Esprit Saint avait éduqué, enseigné, illuminé de tant de manières et par tant de prophètes et de grands mystiques, beaucoup de Juifs, et des plus fervents, ne croyaient pas en la résurrection des morts ; ils pouvaient même la ridiculiser avec des petits histoires farfelues comme celle de la femme aux sept maris successifs restée sans enfant.

Une enquête récente révèle que 20 % des catholiques pratiquants ne croient pas à la résurrection! Et les autres que croient-ils au juste? Ce serait passionnant - et surprenant - de partager là-dessus si nous avions le temps. Une petite suggestion à titre de formation permanente: prenez le Catéchisme de 1'Église catholique et lisez tranquillement les pages consacrées à la résurrection des morts et à la vie éternelle. Très nourrissant.

Mais à côté de l'approche intellectuelle, indispensable, il y a les témoignages vécus. Eux aussi nous ouvrent des horizons.

Anita, 6 ans. Une famille tranquillement athée. Anita va porter des fleurs sur la tombe de sa grand-mère qu'elle aimait beaucoup, et c'était réciproque. Elle revient en courant, rayonnante : « Papa, Papa, c'est mamie !... c'est mamie qui me l'a donné. » Tout contre la tombe, elle a aperçu une minuscule touffe de fleurettes qui avait poussé là par hasard et les a cueillies. Un cadeau de mamie, c'est évident ! « Mais non, ma chérie, tu sais bien que ta grand-mère est morte… – Si, c’est mamie ! – Mais non ! – « SI ! » À la suite des sept frères Macchabées, dont elle n’avait jamais entendu parler, c'est Anita, leur lointaine petite sœur hors la foi, qui était la plus forte.

Tagore, le poète bengali. Pas chrétien, mais grand croyant. La femme qu'il aime vit ses derniers jours:

« Paix, mon cœur, que l'heure de la séparation soit douce;

que ce ne soit pas une mort, mais un accomplissement.

Vivons du souvenir de notre amour et que notre douleur se change en chansons.

Que l'envolement dans le ciel finisse par le repliement des ailes sur le nid. (... )

Je m'incline et j'élève ma lampe pour éclairer ta route.»

Oscar Roméro, chrétien, évêque, devenu défenseur des pauvres et des opprimés dans un Salvador livré à la violence des puissants. Les menaces se multiplient pour le faire taire. En 1980, quinze jours avant d'être atteint en pleine poitrine d'une balle explosive alors qu'il célèbre l'eucharistie, il avait écrit:

« J'ai souvent été menacé de mort. Mais comme chrétien, je ne crois pas qu'il y ait de mort sans résurrection. Si on me tue, je ressusciterai dans le peuple salvadorien. Je dis cela sans me vanter, avec la plus grande humilité.

Comme pasteur, je suis obligé, par mandat divin, de donner ma vie pour ceux que j'aime, pour tous les Salvadoriens, même pour ceux qui vont peut-être me tuer. Si les menaces .viennent à exécution, dès maintenant, j'offre mon sang à Dieu pour la rédemption et la résurrection du Salvador. » - Effectivement, il n'y a de résurrection individuelle qu'avec les autres et pour les autres. Jésus a commencé et il donne de continuer -. (...) « S'ils réussissent à me tuer, vous pourrez dire que je pardonne et bénis ceux qui le feront. Ah ! s'ils pouvaient se convaincre qu'ils perdront leur temps. Un évêque mourra, mais l'Église de Dieu, qui est le peuple, ne périra jamais ».

Pour lui, et pour tant d’autres, l’ange du Seigneur est descendu du ciel. Il a roulé la pierre, il s’est assis dessus. Son apparence est celle de l’éclair et son vêtement blanc comme neige. Avec lui, le ciel est descendu sur la terre. Les morts rhabillés de blanc montent dans le tourbillon. Heureux les yeux qui se ferment pour mieux voir, les oreilles qui entendent comme jamais encore :

« Ne craignez pas ! Vous cherchez Jésus le crucifié, il n’est pas ici. Il est ressuscité, comme il l’avait dit. » C’était donc vrai. Tout était vrai ! Alléluia !

(2005-03-26)