vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 16 septembre 2007 — 24e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - 24° dimanche du Temps Ordinaire - 16/09/2007

Exode 32,7-14 ; 1 Timothée 1,12-17 ; Luc 15,1-32

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

Les trois textes que nous venons d’entendre évoquent des situations de péché et de pardon. J’entends peut-être certains parmi vous murmurer : pourquoi l’Eglise met-elle toujours en avant le péché des hommes, ne vaudrait-il pas mieux ne parler que d’amour, de joie de liberté ? En fait, à bien lire les textes d’aujourd’hui nous sommes invités à lever ce malentendu.

Dans le livre de l’Exode, le péché, qui est péché du peuple tout entier, c’est avant tout l’idolâtrie : idolâtrie symbolisée par la confiance portée à un veau d’or, c’est-à-dire à un dieu fabriqué, facile, bien repérable, mais qui n’est qu’illusion et sans vraie puissance, si ce n’est une Toute Puissance Imaginaire. C’est le péché qui détourne Israël de son Alliance avec le Seigneur : péché d’oubli, de faiblesse, de paresse. Face à ce péché du peuple, la première réaction du Seigneur est de sanctionner et de détruire. Image d’un Dieu Juge, Coléreux, qui veut marquer sa Force et son Pouvoir absolu. C’est alors que Moïse, l’homme le plus humble que la terre portait en ce temps-là, Moïse, l’homme juste et droit, se lève, seul. Il a, lui, la connaissance d’un autre aspect de Dieu : un Dieu qui n’est que relation, désir d’alliance et de communication d’amour et de tendresse. Moïse va rappeler à Dieu, par une prière instante, qu’il ne peut se laisser aller à sa colère, que la mémoire de l’Alliance et de la Promesse faite aux Pères autrefois est plus forte que l’égarement et la défaillance passagère des enfants d’aujourd’hui. Admirable foi de Moïse qui fait revenir Dieu sur sa décision, et qui l’apaise. Dieu renouvelle son Alliance et sa confiance ; il pardonne, à cause du serviteur fidèle : il se révèle dans sa miséricorde, bien plus que dans sa Justice et sa Force, selon une première vue trop humaine.

Dans la seconde lecture, Saint Paul nous livre une confession très personnelle : «moi, le premier, je suis pécheur, mais si le Christ Jésus m’a pardonné, c’est pour que je soie le premier en qui toute sa générosité se manifesterait ».

Le péché avoué de Paul était avant tout un péché d’ignorance. Il n’avait pas la foi, il n’avait pas été saisi par l’amour du Christ. Au contraire, il n’avait que haine pour lui : il le blasphémait, le persécutait, l’insultait, lui et ses disciples. Mais la grâce du Seigneur a été plus forte que tout ce déferlement de passion et de violence aveugle, de fanatisme religieux. Car c’était au nom d’une interprétation pharisienne de la Loi, qu’il agissait ainsi. « Là où le péché avait abondé, dira-t-il dans une autre épître, là, la grâce a surabondé ». Et Paul ne peut, après coup, qu’avoir un cœur débordant de reconnaissance pour Celui qui lui a fait confiance, Jésus-Christ. Il lui a ouvert un avenir, en lui donnant une force nouvelle, et en le chargeant du ministère d’annonce de la Parole du Salut.

Avec l’Evangile, nous sommes en présence d’un autre type de récit : non plus historique, comme l’Exode, non plus existentiel, comme la confession de Paul, mais une série de paraboles, rapportées par Saint Luc, dans le style rabbinique du temps de Jésus.

La situation de péché, dans chacune de ces paraboles est figurée par une perte : perte d’une brebis, d’une pièce d’argent, ou plus grave, perte d’un fils, voire de deux fils. Et en regard, la grâce, la miséricorde nous est représentée comme des retrouvailles, invitant tout le monde à la fête, à la joie. Déjà les psaumes avaient bien conscience que le pécheur, l’impie, l’homme sûr de lui et auto-satisfait, ne peut que courir à sa perte, alors que le juste, le pauvre, l’humilié, trouve sa joie dans le Seigneur. Pour bien saisir la portée et la force de ces trois paraboles, il est important d’être attentif au contexte du récit : « les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux. Alors Jésus leur dit cette parabole : ».

Pour Saint Luc, Jésus, l’envoyé de Dieu, ne vient pas pour condamner, mais pour sauver, pour guérir les malades, pour ramener ceux qui s’égarent. Car la situation du pécheur est une situation de malheur, d’isolement et finalement de mort, de non-vie.

Que retenir de la lecture et de la méditation de ces trois textes, à propos du péché de l’homme, et de la grâce divine, sinon que tout se joue au niveau de la confiance ?

Israël n’avait pas fait confiance à Dieu et à sa Loi d’Alliance donnée au Sinaï, mais Moïse, le serviteur fidèle a su gagner la confiance et de Dieu, et du Peuple. Alors, la grâce a pu se frayer un chemin dans les cœurs, et le péché du veau d’or a pu être pardonné.

Paul, avant sa rencontre décisive avec le Christ, sur le chemin de Damas, n’avait pas confiance en cette nouvelle secte des chrétiens, et, en bon pharisien qu’il était, les persécutait sans état d’âme. Mais quand il a senti la confiance que le Seigneur lui faisait, quand il fut saisi par l’amour et la miséricorde de Celui qu’il persécutait, alors il fut retourné, et à son tour, il a mis sa confiance, sa foi, dans ce Jésus-Christ qu’il reconnaissait comme Sauveur du monde.

Enfin le fils cadet de la parabole, au fond de sa misère et dans l’examen de sa conscience, a gardé confiance en son Père, capable, se disait-il de l’accueillir à nouveau, ne fut-ce que comme un de ses ouvriers. Le fils aîné, en revanche, n’était pas dans ce registre de la confiance et de l’abandon. Et c’est bien là son plus grand malheur. Le Père de cette parabole, lui, fait confiance à ses deux enfants : il se tient toujours ouvert à la miséricorde et au pardon, et l’on peut espérer que le fils aîné, lui aussi sera un jour touché par cet amour paternel, puisque le texte reste ouvert dans sa finale.

A chacun de nous, aujourd’hui, il nous est demandé de passer de la méfiance à la confiance, de l’ignorance et de l’oubli, qui sont des composants du péché, à la connaissance et à la vie dans la grâce. C’est cela, la vie chrétienne au quotidien, et nous savons que cela n’est jamais facile, que le combat n’est jamais définitivement gagné. Bien des peurs, bien des défaillances et des obstacles sont au rendez-vous de nos projets et de nos relations humaines. Pourtant une joie nous habite : la joie de l’espérance et de l’expérience de la fête ; fête dans le ciel, chez les anges de Dieu, et fête sur terre aussi, par anticipation, car le Royaume est déjà là, tout près de nous.

Célébrons donc cette eucharistie aujourd’hui comme une fête à laquelle Dieu, à l’image du Père de la Parabole, nous invite tous, que nous soyons ses cadets ou ses aînés. A défaut de chevreuil, allons chercher le pain et le vin, offrons la grande prière d’action de grâce du Christ à son Père, puis mangeons, buvons et festoyons, car : «Si le Christ est mort, à cause de notre péché, Il a été rendu à la vie, par la Puissance de la Résurrection ».

AMEN (2007-09-16)

Homélie du 08 avril 2007 — Dimanche de Pâques — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C - Messe du Jour de Pâques - 8 avril 2007

Ac 10 34-43; Col 3 1-4; Jn 20 1-9

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Notre Père du ciel sait parfaitement de quoi nous avons besoin, de quelle résurrection, petite ou grande.

Mais qui va nous aider à ouvrir notre cœur ? Je pense à une femme, un bel exemple de ce que la grâce pascale peut faire en quiconque joue le jeu. Regardons Marie de Magdala, telle qu’elle vient de sortir de l’évangile, pour nous accompagner.

« Elle arrive au tombeau, avant l’aube, alors qu’il fait encore sombre ». Elle est encore plongée dans l’obscurité d’une foi en déroute, une foi qui ne va s’éclairer que peu à peu, au cours de la journée.

Marie de Magdala, c’est l’amoureuse inconsolable. L’avant-veille, elle a vu mourir sous ses yeux, supplicié, sur une horrible croix, celui qui était devenu tout pour elle. Celui qui, un jour, l’avait surprise au coin de son trottoir. Celui qui en avait tiré sept démons, une plénitude ! L’esclavage qui la tenait enchaînée. Peu à peu, il en avait fait une femme de plus en plus libre, de plus en plus possédée par l’amour de son bien-aimé Sauveur. Mêlée avec d’autres femmes au groupe des Douze, elle l’avait suivi partout. J’aime l’imaginer, après la résurrection de Lazare, observant longuement la tombe restée ouverte, la pierre enlevée, les bandelettes abandonnées dehors après qu’on eut délié le mort ressorti vivant.... Sa mémoire était en train de devenir ce que sont devenues pour nous les Écritures : un passé qui parle d’avenir.

Au pied de la croix elle était là, bien sûr, intensément présente, dans le partage d’amour où tout est consommé : « Jésus, tout ce qui est à toi est à moi ». Le filet d’eau qui coule du cœur ouvert la baptise doucement, comme nous-mêmes chaque fois que nous recevons la vie d’en haut en recevant le pardon qui recrée. Le sang versé lui donne la communion. Tout comme à nous. Tout semble accompli, achevé. En un sens c’est vrai.

Mais pratiquement, tout reste à faire. Pour renaître, il faut d’abord vraiment mourir, à travers le dur travail du deuil. La femme doit accepter non seulement le fait brutal que son bien-aimé est bel et bien mort, mais aussi l’inacceptable de la séparation. Marie de Magdala quitte donc le tombeau refermé, mais son cœur y reste uni à celui dont le souvenir l’habite plus que jamais. Tous deux ne font qu’un, c’est le mystère de l’amour vrai. Le mystère d’une nouvelle forme de présence que seule l’absence peut provoquer...

Alors, Marie de Magdala que représente-t-elle ? Je pense qu’elle représente cette part qui, en chacun de nous, a commencé d’être délivrée de ses démons, la part qui a été pardonnée, baptisée, qui a connu l’amour du Christ, qui a déjà vécu bien des liturgies... La part qui en nous se reconnaît dans cette femme fragile et forte, lancée sur son chemin de foi. Après une nuit sans sommeil, la gorge nouée, comme une automate aimantée, elle se retrouve sur le chemin qui mène à la tombe...

Ce qui la ramène au tombeau avant l’aube, « alors qu’il fait encore sombre », c’est son amour inapaisé. « Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau ». Et que se passe-t-il ? Son instinct bondit dans sa poitrine. Elle ne réalise certainement pas ce qu’elle dit aux deux disciples : « On a enlevé le Seigneur du tombeau ». Il faut entendre : Elle ne dit pas : « le cadavre, le mort », mais : « Le Seigneur ». « On a enlevé »… Cette nuit, dans la nuit, la pierre a été « enlevée », le Seigneur a été « enlevé », comme en un seul et même enlèvement, un enlèvement derrière lequel on devine la même main ! Mais pour le mettre où ? Marie le dit : « Nous ne savons pas où on l’a mis… » Où est-il ? Par qui a-t-il été enlevé ? Ces deux grandes questions vont remplir la journée !

Mais revenons à Marie. Lors de son arrivée matinale au tombeau, qu’avait-elle vu ? Rien, rien d’autre que « la pierre enlevée », c'est dire qu’à la place de la pierre elle ne voyait qu’un trou, un vide, autrement dit rien, rien qu’une une bouche béante qui lui parlait, sans mots, d’une disparition : une disparition qui appelait une recherche.

Elle court chercher de l’aide, avertir Simon-Pierre et l’autre Disciple. Tous trois s’élancent. Le Disciple bien-aimé, arrive le premier au tombeau, avant Simon-Pierre, mais en fait le second, après la femme arrivée la première, aux aurores. « Il voit les bandelettes restées là », mais ne s’y intéresse pas spécialement, insignifiantes.

Simon-Pierre entre ensuite. Comme un policier qui mène soigneusement son enquête, il scrute tous les détails du lieu et des linges restés là : son enquête va peut-être expliquer l’énigme de la disparition du cadavre. Mais un tel regard tout terrestre, une recherche seulement humaine se trompe d’objectif : elle ne peut atteindre ce qui relève de la foi pure, ce qui appartient au mystère qui est sur le point de se dévoiler.

Pierre doit donc faire place au Disciple bien-aimé qui entre à son tour. Exactement comme la Magdaléenne aux aurores, il ne voit rien, que le vide du tombeau, la disparition, l’absence, l’espace ouvert sur l’invisible... Et c’est là que jaillit soudain, venu d’en haut, l’éclair qui illumine sa foi : « Il vit et il crut ». Il adhère par pure grâce à ce qu’aucun homme jusqu’ici n’avait pu découvrir dans les Écritures, à savoir que « Jésus devait ressusciter d’entre les morts ». Il est ressuscité ! Il est ressuscité !

Mais les deux grandes questions du jour demeurent. Où est-il ? Par qui a-t-il été enlevé ?

La plénitude de la révélation n’a été donnée ni à Simon-Pierre ni au Disciple bien-aimé. Elle est donnée par après, dans le jardin, par le Maître lui-même apparaissant en personne à Marie, à Marie dont l’amour l’avait tant cherché, et à travers tant de larmes. Il est là, mais déjà autrement, sans s’arrêter. « Marie, ne me touche pas ! Je monte vers mon Père ».

« Je monte, Marie. Je m’en vais, ne pleure pas. Il t’est bon que je m’en aille. Je viendrai bientôt, ce soir même, pour répandre en ton cœur assoiffé le souffle de l’Amour divin, et ce sera pour toujours, toi en moi et moi en toi. Va, cours annoncer la nouvelle à mes frères ! Tu es leur sœur et tu vas devenir leur mère ! »

« Je monte vers mon Père » Des mots que Marie médite et méditera indéfiniment dans son cœur. Tout est dit. Il n’y a plus à demander quelle main a procédé à l’enlèvement, il faudrait dire à l’élévation commencée sur la croix et qui s’est terminée dans la gloire, à la droite du Père. Le Père, c’est lui qui a tout fait ! C’est lui qui nous attire à lui, en son Fils Bien aimé.

Toute la grâce pascale est là. Elle nous est offerte pour que nous devenions frères de Marie de Magdala, qui nous fait frères de Jésus, de Jésus qui nous fait fils du Père par le don de leur Esprit d’Amour qui veut nous diviniser.

Homélie du 11 mars 2007 — 3e dim. du Carême — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - Carême 3° Dimanche - 11-03-2007

Ex 3 :1-15 ; 1Cor 10 :1-6.10-12 ; Luc 13,1-9

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

L’intention qui a pu conduire les liturgistes au choix des lectures de ce dimanche de Carême semble bien avoir été celle d’inviter le peuple chrétien à méditer sur le thème de la conversion. Reprenons donc chacun de ces textes sous cet angle.

Au début du livre de l’Exode, après sa jeunesse en Egypte, à la cour de Pharaon, et après un premier échec avec ses frères de race, Moïse devient berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madian. Que sait-il de Dieu alors, sinon qu’il est le Dieu de son peuple Israël, Dieu des patriarches Abraham, Isaac et Jacob ? Un Dieu un peu lointain et distant dans l’espace et dans l’histoire, plus ou moins à l’image des autres dieux environnants.

La Révélation de ce Dieu à l’Horeb, un jour ordinaire de pâturage va marquer une étape capitale dans la Vie de Moïse. Sa représentation du Dieu auquel il croit depuis son enfance va être radicalement transformée : il est appelé à une totale conversion. Dieu a pris l’initiative de venir à lui, de se manifester dans cette rencontre où Il révèle son Nom et où il dit quel est son projet envers lui, Moïse et envers le peuple auquel il l’envoie. Dieu n’est plus un dieu distant et indifférent à la souffrance des fils d’Israël. Au contraire il se fait proche, il va accompagner leur chemin de libération d’une terre d’esclavage vers une terre où ruissellent le lait et le miel. Dieu d’une Promesse, Dieu de fidélité et de tendresse, et non pas Dieu terrible que l’on doit redouter. Il est Celui qui est et qui sera toujours avec.

Si nous écoutons ce texte de l’exode aujourd’hui, c’est bien parce que cette révélation faite à Moïse nous concerne tout aussi bien et qu’elle nous invite à la même conversion de notre représentation de Dieu. En ces jours de Carême prenons le temps de nous interroger : qui est Dieu pour moi ? Est-il proche ou non de moi ?

Dans la seconde lecture, Saint Paul invite les chrétiens turbulents de Corinthe à se tourner vers le Christ. Le Christ en effet est ce Rocher préfiguré dans le livre de l’Exode, d’où l’eau rafraîchissante et pure a jailli quant Moïse l’a frappé de son bâton. Et comme les hébreux dans le désert qui alors avaient mangé la même nourriture et bu à la même source, les chrétiens de Corinthe doivent cesser de récriminer contre Dieu, cesser de désirer le mal, comme certains de leurs pères l’avaient fait, et ils avaient péri.

Cette histoire ancienne du peuple au désert doit servir d’exemple pour tous les baptisés qui voient arriver la fin des temps. Elle nous concerne nous aussi, chrétiens du XXI° siècle, dans nos efforts de conversion et de renonciation aux forces du mal qui nous détournent de Dieu. La situation de l’église de Corinthe et les troubles qui l’agitaient au temps de Paul est-elle si différente de l’église de notre temps, affrontée elle aussi à de multiples questions d’ordre moral ? La parole de Paul dans ces deux épitres aux Corinthiens est toujours d’actualité et il nous est bon de la ré-entendre en ce temps de Carême.

Enfin dans l’Evangile aussi, Jésus reprend ses contemporains et les appelle à la conversion, quand on lui rapporte deux faits divers : le massacre de galiléens par Pilate et la mort accidentelle de 18 personnes écrasées par la chute de la tour de Siloé à Jérusalem. Jésus semble dire qu’il n’y a pas de lien direct entre ces malheurs et le péché de ceux qui en ont été victimes. Car tous, nous sommes pécheurs, tous nous avons à nous convertir.

Et la petite parabole du figuier dans la vigne en fournit une application pour le propriétaire. Lui aussi est appelé à convertir sa manière de voir, de juger la situation de sa plantation. Pour un rendement plus grand et plus immédiat, il veut couper un arbre qui est trop lent à porter du fruit et qui risque de nuire à la fertilité du sol. Mais son vigneron a davantage que lui le sens du temps. Il exhorte son maître à la patience, à la confiance en l’avenir. Il espère un sursis, une nouvelle chance pour cet arbre apparemment stérile.

A travers la parabole, c’est l’image d’un Dieu patient, lent à la colère et plein d’amour qui est figurée ici. Et il est remarquable de voir combien un serviteur, un inférieur peut toucher son maître en l’appelant à réviser sa manière de voir les choses, en l’invitant à convertir son impatience et sa dureté en patience et en douceur, à l’égard d’un être handicapé, inutile et sans fruit à ses yeux.

Bien sûr, ce texte s’adresse à nous aussi, frères et sœurs, car nous sommes si souvent tentés de juger notre prochain lorsqu’il ne marche pas à notre rythme ou qu’il ne partage pas notre manière de voir. Aurons-nous la charité et la patience de laisser du temps au temps ? Le Carême est bien l’occasion favorable de nous re-positionner, de nous re-situer face à Dieu, face aux autres et face à nous-mêmes.

Et en conclusion, je laisserai la parole à l’apôtre Saint Pierre qui nous dit dans sa seconde épitre : « Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa Promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Mais il fait preuve de patience envers nous, en voulant pas que quelques uns périssent mais que tous parviennent à la conversion. » (2Pi 3,9)

AMEN

(2007-03-11)

Homélie du 07 janvier 2007 — Epiphanie du Seigneur — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Epiphanie du Seigneur 2007

Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2007

Frères et soeurs,

Pour ce jour de fête, notre frère Jean Chrysostome a ajouté les mages dans la crèche de l’église...Nous aimons retrouver ces personnages hauts en couleur, avec leurs beaux vêtements, leurs présents...Ainsi les a-t-on imaginés à la manière de rois distingués et de races différentes. Ainsi aime-t-on les retrouver chaque année dans les crèches de nos églises...surtout en n’oubliant pas le chameau !

Depuis que Dieu s’est fait chair, les images ont acquis tout leur titre de noblesse pour nous aider à entrer dans le mystère de sa présence si proche et si cachée à la fois...Déjà l’AT ne manquait pas d’essayer d’exprimer l’espérance d’Israël avec des images très concrètes, parfois presqu’exubérantes. Ainsi en ce jour, le prophète Isaïe voit une belle lumière et la gloire du Seigneur qui se lève sur Jérusalem. Il décrit alors Jérusalem qui resplendit à la manière d’une femme radieuse, avec des rois et des nations qui se dirigent vers elle, avec des chameaux, des dromadaires chargés d’or et d’encens. Le prophète veut suggérer par là son espérance du temps qui verra l’unification de tous les peuples autour de Jérusalem pour proclamer les louanges du Seigneur...

Mt dans son évangile reprend ces images bibliques dans le récit que nous venons d’entendre. Il s’insère dans la même espérance du prophète Isaïe. A sa suite, il comprend que la manifestation de Dieu est en train de s’accomplir en ce nouveau-né de la crèche. Ces mages venus d’Orient avec l’or, l’encens et la myrrhe sont les représentants de ces nations annoncées par Isaïe. Dans l’humble naissance de Jésus, Mt le reconnaît le mystère entrevu par Isaïe. Mais le ton est plus sobre. La gloire de Dieu brille d’un éclat caché : seule une étoile fait signe. Et Jérusalem ne semble pas se réjouir complètement à la venue de ses mages. Elle s’inquiète même plutôt qu’un roi soit né, alors qu’on ne l’attendait pas, ou que parmi les personnalités en place on ne l’attendait plus...Mt se fait une autre image de la manifestation de Dieu à toutes les nations. Image plus en nuance qui ne fait pas l’économie de la contradiction et de l’opposition qu’Israël fait au salut de Dieu et que la croix de Jésus mettra en lumière...Il n’est pas encore venu le temps où Jérusalem sera pleinement radieuse et toute entière unifiée pour accueillir les nations et chanter avec elles les louanges du Seigneur...L’espérance est encore en chemin, en attente de son plein accomplissement...Elle devra passer l’épreuve de la croix et de la résurrection du Christ.

Paul à son tour, dira qu’il a eu par révélation la connaissance du mystère du Christ et que ce mystère Dieu l’a manifesté à toutes les nations par l’annonce de l’évangile...Paul se fait une autre image de la révélation du mystère du Christ à toutes les nations : à travers la prédication de l’évangile dont il est un des apôtres fervents, les nations enfin peuvent avoir part à l’héritage d’Israël, et aux promesses de Dieu.

Frères et soeurs, cette fête de la manifestation de Dieu en la crèche nous donne de célébrer la manière avec laquelle Dieu patiemment rejoint les hommes et les fait entrer dans sa vie et dans lumière peu à peu. Et cette oeuvre de salut continue jusqu’à nos jours. Nous continuons d’accueillir le mystère du Christ pour que sa vie triomphe de toutes nos morts, pour que sa lumière vienne illuminer nos faces sombres...pour que sa joie nous habite et habite tous les hommes. Oui, frères et soeurs, cette fête peut-être une belle occasion pour nous demander : quelles sont mes images de Dieu et du déploiement de son salut, de son règne ? Comment j’essaie de reconnaître dans ma vie et dans celle du monde ce mystère à l’oeuvre ? Suis-je accroché à une image tellement élevé que je suis aveugle pour reconnaître Dieu présent dans la simplicité des jours, déjà à l’oeuvre ? Les Ecritures nous apprennent à faire dialoguer entre elles nos images de Dieu et de son salut...Laissons-nous enseigner par elles...(2007-01-07)

Homélie du 24 décembre 2006 — Noël - Messe de minuit — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Messe de la nuit de Noël 2006

Is 9 1-6; Tit 2 11-14; Lc 2 1-14

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2006

Frères et soeurs,

Il y a quelque temps, je recevais une carte, comme on en reçoit parfois avec une phrase à méditer...Elle portait une citation du pasteur protestant allemand, D. Bonhoeffer, mort pour avoir résisté à Hitler, et qui disait : “Dieu ne remplit pas tous nos désirs, mais il tient toutes ses promesses”...Il me semble que cette citation peut nous aider à entrer par la bonne porte dans cette fête de Noël. En effet, chargée de symbole et d’un poids affectif fort, cette fête peut réveiller en nous toutes sortes de désirs, des plus démesurés aux plus profonds...Et c’est heureux, car certainement la fête de Noël vient rejoindre la belle part de nous-même qui aspire à la nouveauté et à la vérité. Mais cela peut nous laisser un goût d’insatisfaction plus ou moins amer si nous ne prenons pas garde, et si nous nous laissons déborder par nos désirs d’harmonie, ou de tranquillité ou de réconciliation immédiate, demandant à cette fête ce qu’elle ne peut donner... “Dieu ne remplit pas tous nos désirs...”

“Mais il tient toutes ses promesses...” La seconde partie de la phrase de D. Bonhoeffer nous suggère de regarder les choses du côté de Dieu dans une attitude de foi. Oui, c’est à un autre regard que nous sommes conviés, non plus le regard superficiel du consommateur satisfait ou insatisfait, toujours prompt à réclamer ou à se plaindre...qui comme l’enfant voudrait tout tout de suite...Oui, Dieu a tenu ses promesses en envoyant “un Sauveur dans la ville de David, le Messie le Seigneur” comme l’ont révélé les anges aux bergers... En Jésus, il a tenu ses promesses, et il les tient encore. Car les promesses de Dieu sont encore en voie de réalisation.

Comme le suggérait Paul dans la seconde lecture, nous attendons “le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur”. Notre vraie bonheur est encore à venir, quand nous “goûterons dans le ciel la plénitude de la joie” de Dieu, comme nous l’avons prié au début de cette eucharistie.

Frères et soeurs, oui, cette nuit de Noël nous invite regarder les choses comme Dieu les regarde, et à prendre nos réalités humaines comme il les prend...Sans rêver, mais dans l’espérance...Qu’il ait choisi de se manifester à travers la naissance d’un enfant, dans cette grande dépendance que connaît tout petit d’homme, est une manière de réaliser ses promesses, bien au delà de ce que l’homme pouvait imaginer...Dans la simplicité et dans l’épaisseur de notre vie humaine, Dieu a choisi de se faire tout proche. En Jésus, il a marché avec nous et il nous a montré comment mener une vie vraiment belle et humaine. Il n’est pas venu à la manière d’un souverain puissant qui s’imposerait par son pouvoir ou par sa force. Non, il est venu caché comme pour mieux faire comprendre aux hommes de quelle nature est sa force et son pouvoir, “pour que la faiblesse se transforme en force et que la force devienne faiblesse” dirait St Augustin. Jusqu’à la faiblesse de la Croix, et la discrétion de la résurrection, Dieu a témoigné en Jésus de quelle manière il entendait établir la paix et la justice auxquelles nous aspirons tant. C’est de l’intérieur du coeur de l’homme, non de l’extérieur, par le don de son Esprit, qu’il vient nous apprendre à construire une vie d’amour et de vérité...

Oui, elles sont là en train de se réaliser les promesses de Dieu, quand chacun de nous se laisse guider par le Christ, jour après jour sur le chemin de la paix. Depuis que Dieu s’est fait homme, chaque pas humain compte et chaque geste humain a un rôle unique à jouer dans l’avènement du royaume de Dieu. Le Christ compte sur nous pour oeuvrer avec lui à plus de paix, de vérité et d’amour. Sans nous, il ne peut rien faire et rien ne se fera. En cette nuit, laissons le Christ faire sa demeure en notre vie. Je vous propose deux manières concrètes de prendre le Christ dans votre vie : prenez du temps pour le rencontrer dans la prière, comme on converse avec un ami. Lisez, relisez les textes des Ecritures, ceux reçus au cours des célébrations ou bien en prenant votre bible. Dans la prière et les Ecritures, le Christ vous donnera force et lumière pour la vie quotidienne, pour mieux comprendre sa façon à lui de conduire nos vies et le monde. Ses pensées sont tellement différentes des nôtres, qu’il nous faut toujours nous mettre à son écoute...

(2006-12-25)

Homélie du 08 décembre 2006 — Immaculée Conception — Frère Servan
Cycle : Année C
Info :

Année ABC – Immaculée Concept - 8 décembre 2006

Gen 3 9-15,20 ; Eph 1 3-6, 11-12 ; Lc 1 26-38

Homélie de F.Servan

Texte :

Le frère Marian m'a délégué son pouvoir et son devoir d'Homélie ! Il pense sans doute (et f.Romaric avec lui) qu'il est plus important de prier « avec Marie » ( chacun à sa manière) sur nos chemins de vie et de foi à la suite du Christ ... que de faire des discours « sur Marie ». Je me risque à quelques notations.

Je pense que nous ne courons pas grand risque en estimant que durant sa vie terrestre, Marie, mère de Jésus ne s'est jamais dit : « Je suis l'immaculée conception », mais bien plutôt : « Je suis l'humble servante du Seigneur. Qu'il me soit fait selon sa parole » - « Elle a bâti sa demeure dans les vouloirs du Père », aimons-nous chanter.

Vous connaissez quasi par cœur ces lignes de Bernanos: « Son Fils n'a pas permis que la gloire humaine l’effleura, même du plus fin bout de sa grande aile sauvage. Personne n'a vécu, n'a souffert, n'est mort aussi simplement et dans une ignorance aussi profonde de sa propre dignité, d’une dignité qui la met pourtant au-dessus des anges. Car, enfin elle était née sans péché : quelle solitude étonnante ! Une source si pure, si limpide, si limpide et si pure, qu'elle ne pouvait même pas y voir refléter sa propre image, faite pour la seule joie du Père.

Autre notation : si le sang de l'Agneau purifie et sanctifie toute l'humanité, depuis Adam et Eve, et Caïn et Abel, notre foi peut comprendre qu'il ait préservé sa mère de tout ces repliements et ces refus qui constituent le péché (ce qui n'exclue pas la souffrance de corps et d'âme, au fil des événements ni l'obscur de la foi)

« AUCUN REFUS NE VIENT TROUBLER L'OEUVRE DE GRACE. Le sang du Christ la rachète, mais elle en est la source ».

Autre notation : Dans la Bible, quand il y a privilège, élection, mise à part, c'est toujours pour le bien de tout un peuple et du plus grand nombre.

Marie est une fille d'Israël, de ce peuple auquel il a été dit : « Soyez saints, car Moi je suis saint », un peuple de pécheurs certes, mais aussi écoutant la Parole, poursuivi par elle. Marie est fleur unique, mais sur la souche et l'arbre de Jessé: « Toute une race de croyants guettait son jour » - « Il s'est souvenu de son amour, de la promesse faite à nos pères ».

La sainteté de Marie est aussi étroitement liée au peuple de la nouvelle alliance dont toutes les générations la disent bienheureuse.

Dans nos évangiles, nous constatons qu'elle se trouve bien mentionnée aux moments de la naissance de ce peuple : debout, au pied de la croix, telle que l'évangile de Jean contemple celle-ci (Jn 19), scène de naissance bien plus que de mort! Ou recueillie en prière avec les premiers disciples, en la veille de la Pentecôte.

Alors, en ce jour, et tous les jours de notre vie, redisons avec confiance et reconnaissance : « Sainte Marie, mère de Dieu, prie pour nous, pécheurs, mais comme toi, appelés à la sainteté »,comme cela nous a été si bien rappelé par la lettre aux Ephésiens ( 2e lecture) :

« Dans le Christ, le Père nous a choisis et appelés pour être, dans l'amour, saints et irréprochables, sous son regard, à la louange de sa gloire ». (2006-12-08)

Homélie du 26 novembre 2006 — 34e dim. ordinaire : Christ Roi — Frère Servan
Cycle : Année B
Info :

Année B - 34° Dimanche du Temps Ordinaire - Christ Roi - 26 novembre 2006

Dn 7 13-14; Ap 1 5-8; Jn 18 33-37

Homélie du F.Servan

Texte :

Alors, tu es roi? ..... Comme pour toute réalité humaine, les Rois, il y en a des bons et des moins bons! Je vous renvoie par exemple à notre histoire de France !

Dans la Bible, nous avons la figure idéalisée du Roi David, mais nous avons aussi des réserves par rapport à l'institution royale, tant dans le Premier Testament, dans le Livre de Samuel, alors que s'inaugure la royauté en Israël, que dans le Nouveau Testament où l'on entend le Christ mettre en garde ses disciples: « Les rois des nations païennes leur commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler illustres bienfaiteurs. Pour vous, rien de tel. Faites plutôt comme moi: je suis au milieu de vous comme celui qui sert à table » (Lc.22,25)

Alors, tu es Roi? De Roi serviteur, Jésus descend encore plus bas, devant Pilate un tantinet goguenard et méprisant, le voici Roi dérisoire, tel que dans ces images ou gravures de Georges Rouault, bientôt livré à la soldatesque : « Salut, roi des juifs ! »

Pour nous ici, un premier apprentissage du voir : voir ce roi humilité dans les hommes et les femmes en détresse, marqué par la faiblesse. C'était la scène relatée par notre Evangile, à un moment précis de l'histoire !

En contraste total, les deux autres lectures de ce dimanche (prises au livre de Daniel et à l'Apocalypse) nous transportent dans le monde de la gloire céleste, au-delà de l'histoire: sur les nuées une image de gloire remplace la dérision.

Deux images contrastées, que nous retrouvons dans notre Credo : « Humilié, crucifié sous Ponce Pilate. Il règne à la droite du Père, d'où il viendra juger les vivants et les morts !

Pour en revenir à la visions céleste et glorieuse ; comme il convient, le mot "voir" est souligné: « au cours des visions de la nuit, je voyais venir comme un Fils d'Homme » - « tous les hommes le verront et en le voyant ».

En ces derniers jours d'une année liturgique, nous pouvons penser à cette vision qui nous attend et que peut-être vous espérer un peu.

Qu'il nous soit donné d'avoir part un jour à ce « voir », de nous tenir debout devant ce Fils de l'Homme, regardés par lui et le regardant comme « celui qui nous aime et nous a délivrés de nos péchés par son sang » et ensuite, qu'il nous fasse passer à sa table et qu'il nous serve à tour de rôle (car dans la Gloire il demeure serviteur; c'est son être profond) pour reprendre une belle image de saint Luc que nous aimons chanter le dimanche soir avant d'entrer dans le repos de la nuit : « Bienheureux celui qui veillera - quand tu paraîtras nimbé de gloire - tu l'inviteras, lui dresseras la table - tu le serviras - qu'il prenne la plus belle place » !

Regardé-regardant, non pas dévisagés, jugés, pesés, mais envisagés, encouragés, accueillis (faut-il rappeler ici une belle définition de l'Eglise faite au Concile Vatican II : « l'ensemble de ceux qui regardent avec foi vers Jésus »)

Roi dérisoire - Roi de gloire ! Entre ces deux images contrastées, c'est le temps de l’histoire humaine et le temps de l'Eglise (depuis deux mille ans). Or, concernant la manière dont le Fils de l'homme exerce sa royauté durant ce temps-là (qui est le nôtre) l’évangéliste nous donne des indications avec les deux paroles importantes qu’il met dans la bouche de Jésus devant le

gouverneur Pilate.

« Ma royauté, dit le Christ, ne vient pas de ce monde », et ne s'exerce pas à la manière du

monde, c'est-à-dire pas sous la contrainte d'hommes portant des armes, mais par des hommes et

des femmes qui cherchant la vérité « écoutent ma voix » (cf.Jn 10).

Ecouter sa voix, ses paroles, ses enseignements, les Béatitudes et le sermon sur la montagne; les laisser germer, grandir et régner dans notre cœur, puis du cœur, les faire déborder, non seulement dans l'espace limité des églises, des sacristies ou des cloîtres, mais bien dans le monde et son histoire présente, avec ses valeurs et ses aliénations, ses pesanteurs. Oui, qu'elles rayonnent et portent du fruit, dans la vie familiale, sociale, économique, politique, culturelle, artistique, caritative etc et que sais-je encore.

Ici encore il y a une école du voir, juger et agis. Entendons le Fils de l’homme nous redire en ce dimanche : « vous comptez sur moi, en moi vous puisez secours et force pour votre vie. Eh bien ! Moi aussi je compte sur vous (car Dieu a besoin des hommes) ! Non pas tout seuls mais avec le secours de l’Esprit Saint. Soyez un peu plus aimants, plus attentifs, plus inventifs et intelligents – (mais bien sûr, selon la capacité de vos divers récipients) ». C’est entendu, Seigneur ! Vous pouvez compter sur nous et avec toi nous prions : « Que ton règne vienne » ! (2006-11-26)

Homélie du 12 novembre 2006 — 32e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année B - 32° dimanche du Temps Ordinaire - 11 Novembre 2012

1 Roi 1 10-16; Heb 9 24-28; Mc 12 38-44

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs

Les trois textes de la liturgie que nous venons d’entendre sont placés sous le signe du don, de l’offrande. Et dans chacun, il y est question de vie et de mort.

- Don d’un peu d’eau et d’un morceau de pain, de la part de la veuve de Sarepta, pour le prophète Elie, en une période de grande sécheresse, où les gens meurent de faim et de soif,

- Don d’argent, que ce soit de grosses sommes de la part des riches ou que ce soit 2 piécettes de la part d’une pauvre veuve qui donne tout ce qu’elle a pour vivre

- Don de sa vie, de la part du Christ, en sacrifice pour le péché des hommes : offrande suprême plus spirituelle, plus théologale, dans la seconde lecture de l’épitre aux Hébreux qui englobe l’histoire du salut dans le mystère pascal de la mort et de la résurrection de Jésus.

Revenons sur chacun des ces 3 textes des ces 3 gestes de don et d’offrande et cherchons à en tirer une leçon pour nous aujourd’hui.

Dans le livre des Rois, ce n’est pas la 1ère fois que nous trouvons le prophète Elie en manque d’eau et de pain, à la frontière de la survie. Déjà, en fuyant l’hostilité de la reine Jézabel, qui lui en voulait à mort parce qu’il avait détruit les temples de son Dieu Baal et fait massacrer leurs prêtres, Elie s’était retrouvé seul, au désert, complètement déprimé et souhaitant que Dieu lui reprenne sa vie. C’est alors qu’un ange lui avait apporté par 2 fois de l’eau et du pain, afin qu’il retrouve courage et force et qu’il reprenne la route : 40 jours et 40 nuits vers l’Horeb. Aujourd’hui, c’est la sécheresse qui l’amène à réclamer à cette veuve de Sarepta de l’eau et du pain, à partir de ses dernières réserves d’huile et de farine. Aucun des personnages de cette scène n’est dupe : c’est la dernière chance de vie pour le prophète, pour la veuve, pour son enfant. A moins d’un miracle de la part du Dieu auquel croit Elie. Miracle qui se réalise grâce au devoir d’hospitalité, devoir prioritaire, accompli par cette femme. Et tout comme Elie avait pu reprendre la route au désert, cette femme veuve pourra reprendre la route de l’éducation de son enfant, en le nourrissant jusqu’au retour de la pluie.

L’Evangile, lui, nous montre Jésus au Temple dans une controverse avec des scribes où il dénonce leur hypocrisie et leur superficialité. Ces hommes ayant autorité dévorent en fait les biens des veuves et ils affectent de prier longuement, en public pour bien se montrer et paraître justes. Cela impressionne ceux qui les voient et les entendent : les disciples de Jésus seraient aussi tentés d’admirer cette manière de faire, d’envier peut-être ces riches qui mettent de grosses sommes d’argent, ostensiblement, dans le tronc de la salle du Trésor. Après tout, ne sont-ils pas, ces riches ceux qui rendent le plus beau culte à Dieu, la plus belle offrande qui lui plaise, pour sa plus grande Gloire ?

Jésus prend alors la parole et il l’adresse, non pas directement aux scribes, aux riches, ni même à la pauvre veuve, mais à ses disciples. Et cette parole est empreinte d’autorité : Amen, je vous le dis : cette veuve a donné plus que tout le monde. Elle a pris sur son indigence, elle a donné tout ce qu’elle avait pour vivre.

Jésus rappelle ainsi l’enseignement des prophètes, trop oublié de ses contemporains. Dieu ne regarde pas à l’apparence. Il voit le fond des cœurs. Le sacrifice qui lui plaît, c’est un esprit brisé, un cœur aimant, prêt à tout donner, prêt à se donner. Et à travers l’exemple de la pauvre veuve, Jésus anticipe l’annonce de son propre sacrifice, du propre don de sa vie. Il n’est pas sans signification que ce passage de l’évangile de Marc, au chapitre 12 précède de peu les récits de la Passion et de la Résurrection.

Du coup, le sens le plus profond de ces récits de veuves que la liturgie nous donne à méditer aujourd’hui, à travers la 1ère lecture et l’évangile, se trouve dans la seconde lecture de l’épitre aux Hébreux. Elle nous présente le sacrifice du Christ s’offrant une fois pour toutes, à la différence des autres sacrifices matériels de dons et d’offrandes, éphémères, lesquels doivent se répéter d’année en année, en expiation pour les péchés du peuple. Le Christ, en se donnant par amour sur la Croix, en offrant son propre sang et en souffrant sa Passion, est entré une fois pour toutes dans le véritable sanctuaire, au Ciel, où il se tient désormais, à la droite du Père, et où il intercède pour nous. Il apparaîtra une seconde fois, nous dit le texte, non plus à cause du péché, mais pour le salut de tous ceux qui l’attendent. Telle est notre foi chrétienne, telle est notre espérance qui doivent inspirer tous nos actes de charité, à commencer par les plus humbles, les plus cachés.

En ce dimanche 11 novembre, fête de Saint Martin qui avait partagé la moitié de son manteau pour le donner à un pauvre, nous voici invités à notre tour à nous interroger sur l’offrande que nous faisons de nos richesses, de notre temps, de notre vie tout entière pour les autres et pour Dieu. Que les exemples de ces veuves de la Bible, des saints de l’Eglise mais surtout que l’exemple du Christ en personne nous stimulent, avec la force de l’Esprit Saint, à faire de même !

AMEN

(2012-11-11)

Homélie du 05 novembre 2006 — 31e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année B - 31° dimanche du Temps Ordinaire - 5 Novembre 2006

Dt 6,2-6 ; He 7,23-28 ; Mc 12,28-34

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

Le passage d’évangile selon St Marc que nous venons d’entendre prolonge et achève une série de controverses violentes que Jésus a eues avec ses adversaires : des docteurs de la Loi, des pharisiens et des sadducéens. Ces gens venaient à Jésus pour lui tendre des pièges, pour le mettre à l’épreuve avec des questions embarrassantes : « par quelle autorité fais-tu ce que tu fais ? », « Que va faire le maître d’une vigne dont les vignerons sont indignes de leur rôle ? », «Faut-il payer l’impôt aux armées d’occupation romaine et à l’empereur César ? », « Quel est le sort des morts dans l’au-delà ? »

A cette dernière question, Jésus a donné raison aux pharisiens contre les sadducéens, en affirmant la réalité de la résurrection des morts. Aussi le scribe pharisien qui s’avance vers Jésus au début de notre évangile commence-t-il par le féliciter de sa réponse et il lui pose à son tour, en toute confiance, la question qui le préoccupe. Il ne cherche donc pas à lui tendre un piège. C’est en toute sincérité et loyauté qu’il l’interroge : « quel est le premier de tous les commandements ? »

Dans les écoles bibliques de l’époque, on était allé jusqu’à relever 613 commandements de Dieu : 365 sous forme d’une défense ou d’interdit, et 248 commandements positifs. Ce scribe, comme d’autres avant lui, veut aller à l’essentiel : quel est le centre de la Loi de Dieu, de la Torah ? Il pressent que Jésus peut l’aider à se simplifier et à mieux obéir ainsi à Dieu.

Alors Jésus lui répond : « Voici le premier commandement : écoute, Israël, le Seigneur, Notre Dieu est l’Unique Seigneur ! »

Ecouter, et dans un même mouvement, confesser l’unicité ou l’unité de Dieu : voilà ce premier commandement. Comme si la suite de la réponse, à propos de l’amour n’était pas possible sans cette écoute et cette reconnaissance primordiales.

Nous sommes tellement habitués à penser que le premier commandement et le second qui lui est semblable ne concernent que l’amour. Nous n’avons pas bien écouté, prêté attention au début de la réponse de Jésus : l’écoute et la confession de foi. La leçon de cette réponse de Jésus pour le scribe, mais aussi pour chacun de nous semble claire : on ne peut pas aimer vraiment Dieu, ni son prochain, si l’on est incapable d’écouter d’abord Dieu, dans sa Parole, ni écouter son prochain et si l’on est incapable de reconnaître Dieu comme l’Unique, créateur et sauveur.

Il n’est pas si simple, si facile d’écouter en vérité. Nous en faisons tous l’expérience dans les relations humaines, entre homme et femme, entre membres d’une même famille, d’une même communauté, ou d’une nation ou entre nations. Saint Benoît, dans sa Règle, avait bien compris l’importance primordiale de cette écoute, puisqu’il en a fait le premier mot de son texte.

Ecouter, reconnaître Dieu comme l’Autre, comme l’Unique Seigneur, c’est donc le premier mouvement de l’amour, un amour total, sans hésitation et sans réserve. Et dans l’esprit du verset du Deutéronome, cette exclusivité de l’amour que le croyant doit porter à Dieu seul, s’oppose à la tentation toujours présente du culte offert aux idoles. Israël a fait l’expérience de l’exception de sa foi en Dieu, vis-à-vis des autres peuples. Jésus ne vient pas abolir cette exception. Les idoles existent encore et toujours. A son époque, Jésus a affronté leurs tentations au désert pendant 40 jours, en résistant à Satan par 3 fois.

Les idoles peuvent changer de noms, de formes, de puissance d’attrait, mais elles co-existent à la réalité même du combat spirituel de tous les temps. Aujourd’hui encore, il nous appartient de déjouer leurs emprises, de démasquer leurs stratégies, sans nous illusionner, et de leur résister pour triompher d’elles avec la grâce du Christ.

Mais venons en aux 2 commandements de l’amour. A vrai dire, comme disciple du Christ, l’amour de Dieu et l’amour du prochain ne sont pas tant des commandements, une sorte d’obligation morale devant laquelle nous serions toujours en défaut, en déficit. L’amour n’est pas un commandement, mais une réponse libre à un don qui nous a précédé et qui nous invite à une réciprocité gratuite. Dieu nous a aimés le premier. Il est venu à notre rencontre en nous en envoyant son Fils, Jésus-Christ, dans le monde, pour nous manifester cet Amour inconditionnel.

Il nous a envoyé aussi son Esprit, comme premier don fait aux croyants, esprit d’amour qui poursuit l’œuvre du Christ dans le monde et achève toute sanctification.

C’est ce message positif d’invitation à entrer dans le mystère de l’amour de Dieu que le pape Benoît XVI a voulu donner à l’Eglise, par sa première Encyclique : « Deus Caritas, Dieu est Amour ».

Dans son introduction, il dit : « dans un monde où l’on associe parfois la vengeance au nom de Dieu, ou même le devoir de la haine et de la violence, c’est un message qui a une grande actualité et une signification très concrète... Je désire, dans cette première encyclique parler de l’amour dont Dieu nous comble et que nous devons communiquer aux autres… Je désire insister sur certains éléments fondamentaux, de manière à susciter dans le monde un dynamisme renouvelé pour l’engagement dans la réponse humaine à l’amour divin. »

Oui, frères et sœurs, Dieu est Amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu en lui. Voilà ce que la liturgie de ce dimanche nous offre d’écouter et de confesser. Nous aussi, alors, à la suite du scribe bienveillant de l’évangile, nous pourrons accueillir la parole réconfortante de Jésus :

« Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu ».

AMEN (2006-11-05)

Homélie du 27 août 2006 — 21e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année B
Info :

Année B – 21° Dimanche du Temps Ordinaire - 27 Août 2006

Josué 24 1-2, 15-18 ; Ephes. 5,21-32 ; Jn 6 60-69

Homélie du F.Servan

Texte :

L'on peut déjà noter rapidement que les trois lectures de ce dimanche, si on réfléchit un peu, se

rapportent à ce qui est la grande affaire de la Bible: l'ALLIANCE entre Dieu et l'humanité, et ce, sur fond de fragilité humaine, et donc de crise présente ou latente.

La lecture de Josué et la grande débandade de l'évangile nous parlent de moments un peu cruciaux dans cette histoire, quand il faut choisir ou renoncer: « Choisissez! - Nous voulons servir le Seigneur ». « Voulez-vous partir vous aussi? Nous continuons à te suivre. Tu as les paroles de la vie éternelle ».

Quant au couple chrétien, il est, bien sûr, une figure privilégiée mais fragile de cette histoire d'alliance. Faut-il ajouter qu'en venant à l'Eucharistie le dimanche, nous écrivons, avec notre vie et avec l'Esprit saint, la quatrième lecture : « Nous voulons te suivre et à ta suite servir le Seigneur cette semaine encore » !

Dans un instant, en redisant le Credo, nous engagerons à nouveau nos ânes sur le pont aux ânes chrétiens dont il vient d'être question dans notre passage d'Evangile. Ce dernier commençait ainsi: « Jésus avait dit dans la synagogue de Capharnaüm: « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » Par rapport au texte du Livre, cette première petite phrase est en fait un ajout liturgique choisissant de rappeler une des paroles du discours de Jésus en Jn. 6. C'est bien! Mais cela peut avoir l'inconvénient de focaliser notre attention et de nous faire penser que le rejet de la part de beaucoup portait sur la question de « manger ma chair et boire mon sang »!

Dans le livre des évangiles, vous liriez en fait ceci : " Tels furent les enseignements de Jésus dans la synagogue de Capharnaüm. Après l'avoir entendu, beaucoup commencèrent à dire: « cette parole (entendez: l'ensemble du discours) est dure ». Voici le pont aux ânes! Alors que les disciples juifs (et encore plus tard ceux d'Emmaüs) espéraient que ce Rabbi prophète, puissant en paroles et en œuvres, réaliserait la délivrance d'Israël. Voici qu'il gâte ses atouts par un langage déroutant sur sa personne (plus grande que Moïse, descendue du ciel), et, non moins déroutant, sur sa mission, passant par la mort: « Je suis le pain vivant descendu du ciel ; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, pour la vie du monde" (l'équivalent du « Ceci est mon corps livré pour vous »! Pour eux, pour toutes les générations qui suivront, pour nous aussi, le choix et le travail de la foi portent d'abord sur cette révélation de la Personne du Christ: vrai Dieu (venu de Dieu) Verbe fait chair - et ailleurs dans son évangile, Jean aime souligner cette transcendance de Jésus « descendu du ciel, iI remontera là où il était auparavant »; et par deux fois ici, il pointe sa connaissance supérieure: « Jésus connaissait par lui-même ces récriminations, il savait depuis le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas et celui qui le livrerait ». Voici l'autre face, non moins déroutante, de la Révélation du Fils de l'homme: son mystère pascal : tout Fils qu'il est, il sera livré et apprendra la soumission!

Soumission ! Il me semble que nous avons entendu ce mot dans la deuxième lecture, dans la lettre aux Ephesiens, qui parlait de la vie des nouveaux baptisés à la suite du Christ, en commençant par regarder la vie du couple chrétien.

Pour passer le pont aux ânes, il ne suffit pas de remuer la tête et de remuer de grandes oreilles (beau symbole de l'intelligence de notre foi) ! Il faut y aller avec les quatre pieds de notre vie concrète ! - Cf. les expressions : « Avancer d'un pas léger » ou « freiner des quatre fers » - « Ce n'est pas ceux qui disent saint, saint, qui passeront, mais ceux qui font la volonté de mon Père ». Mieux vaut ne pas se braquer (comme des ânes?) sur « Femmes, soyez soumises à vos maris », mais méditer plutôt la première phrase, règle d'or de toute vie chrétienne (à souligner en rouge et à répéter 3 fois, matin midi et soir !) « (Frères) par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres »! - (à noter que" Frères" n'est pas dans le texte authentique, à moins d'entendre cela comme le « mes très chers frères » du temps jadis, qui, de toute évidence, incluait les femmes et les enfants ) - Par amour du Christ, en le regardant, en le suivant, Lui et sa soumission, Lui qui s'est livré pour son Eglise et pour la multitude, passons le pont aux ânes!

Petites précisions pour finir:

1) En ce temps où la parité Homme-Femme continue à travailler les sociétés et les Eglises, si vous le désirez, vous pouvez très bien interpréter le texte de façon égalitaire: « Femmes aimez vos maris et soyez leur soumises, par respect du Christ »!

" Maris, aimez vos Femmes et soyez leur soumis, par respect du Christ! (Vous me ferez d'ailleurs remarquer que si on aime vraiment on est soumis!)

Parité n'étant pas uniformité et n'excluant pas les différences, de sexe, de tempéraments, de culture, qui compliquent peut-être la vie, mais en font aussi le sel!

2) Notre petite expérience, que l'on soit en couple, en famille ou en communauté, nous montre qu'il y a soumission et soumission!

Par exemple, on se soumet à l'autre parce qu'il est plus fort: soumission plutôt aliénante!

Ou bien pour avoir la paix, soumission de basse politique, plutôt molle!

Ou soumission par amour de l'autre et du Christ, n'excluant pas la politique noble et intelligente!

Frères et Sœurs, avec le secours du Corps et du sang du Seigneur, passons encore une fois le pont aux ânes! (2006-08-27)