Homélies
Liste des Homélies
Année ABC - Epiphanie du Seigneur 2007
Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12
Homélie du Père Abbé Luc
2007
Frères et soeurs,
Pour ce jour de fête, notre frère Jean Chrysostome a ajouté les mages dans la crèche de l’église...Nous aimons retrouver ces personnages hauts en couleur, avec leurs beaux vêtements, leurs présents...Ainsi les a-t-on imaginés à la manière de rois distingués et de races différentes. Ainsi aime-t-on les retrouver chaque année dans les crèches de nos églises...surtout en n’oubliant pas le chameau !
Depuis que Dieu s’est fait chair, les images ont acquis tout leur titre de noblesse pour nous aider à entrer dans le mystère de sa présence si proche et si cachée à la fois...Déjà l’AT ne manquait pas d’essayer d’exprimer l’espérance d’Israël avec des images très concrètes, parfois presqu’exubérantes. Ainsi en ce jour, le prophète Isaïe voit une belle lumière et la gloire du Seigneur qui se lève sur Jérusalem. Il décrit alors Jérusalem qui resplendit à la manière d’une femme radieuse, avec des rois et des nations qui se dirigent vers elle, avec des chameaux, des dromadaires chargés d’or et d’encens. Le prophète veut suggérer par là son espérance du temps qui verra l’unification de tous les peuples autour de Jérusalem pour proclamer les louanges du Seigneur...
Mt dans son évangile reprend ces images bibliques dans le récit que nous venons d’entendre. Il s’insère dans la même espérance du prophète Isaïe. A sa suite, il comprend que la manifestation de Dieu est en train de s’accomplir en ce nouveau-né de la crèche. Ces mages venus d’Orient avec l’or, l’encens et la myrrhe sont les représentants de ces nations annoncées par Isaïe. Dans l’humble naissance de Jésus, Mt le reconnaît le mystère entrevu par Isaïe. Mais le ton est plus sobre. La gloire de Dieu brille d’un éclat caché : seule une étoile fait signe. Et Jérusalem ne semble pas se réjouir complètement à la venue de ses mages. Elle s’inquiète même plutôt qu’un roi soit né, alors qu’on ne l’attendait pas, ou que parmi les personnalités en place on ne l’attendait plus...Mt se fait une autre image de la manifestation de Dieu à toutes les nations. Image plus en nuance qui ne fait pas l’économie de la contradiction et de l’opposition qu’Israël fait au salut de Dieu et que la croix de Jésus mettra en lumière...Il n’est pas encore venu le temps où Jérusalem sera pleinement radieuse et toute entière unifiée pour accueillir les nations et chanter avec elles les louanges du Seigneur...L’espérance est encore en chemin, en attente de son plein accomplissement...Elle devra passer l’épreuve de la croix et de la résurrection du Christ.
Paul à son tour, dira qu’il a eu par révélation la connaissance du mystère du Christ et que ce mystère Dieu l’a manifesté à toutes les nations par l’annonce de l’évangile...Paul se fait une autre image de la révélation du mystère du Christ à toutes les nations : à travers la prédication de l’évangile dont il est un des apôtres fervents, les nations enfin peuvent avoir part à l’héritage d’Israël, et aux promesses de Dieu.
Frères et soeurs, cette fête de la manifestation de Dieu en la crèche nous donne de célébrer la manière avec laquelle Dieu patiemment rejoint les hommes et les fait entrer dans sa vie et dans lumière peu à peu. Et cette oeuvre de salut continue jusqu’à nos jours. Nous continuons d’accueillir le mystère du Christ pour que sa vie triomphe de toutes nos morts, pour que sa lumière vienne illuminer nos faces sombres...pour que sa joie nous habite et habite tous les hommes. Oui, frères et soeurs, cette fête peut-être une belle occasion pour nous demander : quelles sont mes images de Dieu et du déploiement de son salut, de son règne ? Comment j’essaie de reconnaître dans ma vie et dans celle du monde ce mystère à l’oeuvre ? Suis-je accroché à une image tellement élevé que je suis aveugle pour reconnaître Dieu présent dans la simplicité des jours, déjà à l’oeuvre ? Les Ecritures nous apprennent à faire dialoguer entre elles nos images de Dieu et de son salut...Laissons-nous enseigner par elles...(2007-01-07)
Année ABC - Messe de la nuit de Noël 2006
Is 9 1-6; Tit 2 11-14; Lc 2 1-14
Homélie du Père Abbé Luc
2006
Frères et soeurs,
Il y a quelque temps, je recevais une carte, comme on en reçoit parfois avec une phrase à méditer...Elle portait une citation du pasteur protestant allemand, D. Bonhoeffer, mort pour avoir résisté à Hitler, et qui disait : “Dieu ne remplit pas tous nos désirs, mais il tient toutes ses promesses”...Il me semble que cette citation peut nous aider à entrer par la bonne porte dans cette fête de Noël. En effet, chargée de symbole et d’un poids affectif fort, cette fête peut réveiller en nous toutes sortes de désirs, des plus démesurés aux plus profonds...Et c’est heureux, car certainement la fête de Noël vient rejoindre la belle part de nous-même qui aspire à la nouveauté et à la vérité. Mais cela peut nous laisser un goût d’insatisfaction plus ou moins amer si nous ne prenons pas garde, et si nous nous laissons déborder par nos désirs d’harmonie, ou de tranquillité ou de réconciliation immédiate, demandant à cette fête ce qu’elle ne peut donner... “Dieu ne remplit pas tous nos désirs...”
“Mais il tient toutes ses promesses...” La seconde partie de la phrase de D. Bonhoeffer nous suggère de regarder les choses du côté de Dieu dans une attitude de foi. Oui, c’est à un autre regard que nous sommes conviés, non plus le regard superficiel du consommateur satisfait ou insatisfait, toujours prompt à réclamer ou à se plaindre...qui comme l’enfant voudrait tout tout de suite...Oui, Dieu a tenu ses promesses en envoyant “un Sauveur dans la ville de David, le Messie le Seigneur” comme l’ont révélé les anges aux bergers... En Jésus, il a tenu ses promesses, et il les tient encore. Car les promesses de Dieu sont encore en voie de réalisation.
Comme le suggérait Paul dans la seconde lecture, nous attendons “le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur”. Notre vraie bonheur est encore à venir, quand nous “goûterons dans le ciel la plénitude de la joie” de Dieu, comme nous l’avons prié au début de cette eucharistie.
Frères et soeurs, oui, cette nuit de Noël nous invite regarder les choses comme Dieu les regarde, et à prendre nos réalités humaines comme il les prend...Sans rêver, mais dans l’espérance...Qu’il ait choisi de se manifester à travers la naissance d’un enfant, dans cette grande dépendance que connaît tout petit d’homme, est une manière de réaliser ses promesses, bien au delà de ce que l’homme pouvait imaginer...Dans la simplicité et dans l’épaisseur de notre vie humaine, Dieu a choisi de se faire tout proche. En Jésus, il a marché avec nous et il nous a montré comment mener une vie vraiment belle et humaine. Il n’est pas venu à la manière d’un souverain puissant qui s’imposerait par son pouvoir ou par sa force. Non, il est venu caché comme pour mieux faire comprendre aux hommes de quelle nature est sa force et son pouvoir, “pour que la faiblesse se transforme en force et que la force devienne faiblesse” dirait St Augustin. Jusqu’à la faiblesse de la Croix, et la discrétion de la résurrection, Dieu a témoigné en Jésus de quelle manière il entendait établir la paix et la justice auxquelles nous aspirons tant. C’est de l’intérieur du coeur de l’homme, non de l’extérieur, par le don de son Esprit, qu’il vient nous apprendre à construire une vie d’amour et de vérité...
Oui, elles sont là en train de se réaliser les promesses de Dieu, quand chacun de nous se laisse guider par le Christ, jour après jour sur le chemin de la paix. Depuis que Dieu s’est fait homme, chaque pas humain compte et chaque geste humain a un rôle unique à jouer dans l’avènement du royaume de Dieu. Le Christ compte sur nous pour oeuvrer avec lui à plus de paix, de vérité et d’amour. Sans nous, il ne peut rien faire et rien ne se fera. En cette nuit, laissons le Christ faire sa demeure en notre vie. Je vous propose deux manières concrètes de prendre le Christ dans votre vie : prenez du temps pour le rencontrer dans la prière, comme on converse avec un ami. Lisez, relisez les textes des Ecritures, ceux reçus au cours des célébrations ou bien en prenant votre bible. Dans la prière et les Ecritures, le Christ vous donnera force et lumière pour la vie quotidienne, pour mieux comprendre sa façon à lui de conduire nos vies et le monde. Ses pensées sont tellement différentes des nôtres, qu’il nous faut toujours nous mettre à son écoute...
(2006-12-25)
Année ABC – Immaculée Concept - 8 décembre 2006
Gen 3 9-15,20 ; Eph 1 3-6, 11-12 ; Lc 1 26-38
Homélie de F.Servan
Le frère Marian m'a délégué son pouvoir et son devoir d'Homélie ! Il pense sans doute (et f.Romaric avec lui) qu'il est plus important de prier « avec Marie » ( chacun à sa manière) sur nos chemins de vie et de foi à la suite du Christ ... que de faire des discours « sur Marie ». Je me risque à quelques notations.
Je pense que nous ne courons pas grand risque en estimant que durant sa vie terrestre, Marie, mère de Jésus ne s'est jamais dit : « Je suis l'immaculée conception », mais bien plutôt : « Je suis l'humble servante du Seigneur. Qu'il me soit fait selon sa parole » - « Elle a bâti sa demeure dans les vouloirs du Père », aimons-nous chanter.
Vous connaissez quasi par cœur ces lignes de Bernanos: « Son Fils n'a pas permis que la gloire humaine l’effleura, même du plus fin bout de sa grande aile sauvage. Personne n'a vécu, n'a souffert, n'est mort aussi simplement et dans une ignorance aussi profonde de sa propre dignité, d’une dignité qui la met pourtant au-dessus des anges. Car, enfin elle était née sans péché : quelle solitude étonnante ! Une source si pure, si limpide, si limpide et si pure, qu'elle ne pouvait même pas y voir refléter sa propre image, faite pour la seule joie du Père.
Autre notation : si le sang de l'Agneau purifie et sanctifie toute l'humanité, depuis Adam et Eve, et Caïn et Abel, notre foi peut comprendre qu'il ait préservé sa mère de tout ces repliements et ces refus qui constituent le péché (ce qui n'exclue pas la souffrance de corps et d'âme, au fil des événements ni l'obscur de la foi)
« AUCUN REFUS NE VIENT TROUBLER L'OEUVRE DE GRACE. Le sang du Christ la rachète, mais elle en est la source ».
Autre notation : Dans la Bible, quand il y a privilège, élection, mise à part, c'est toujours pour le bien de tout un peuple et du plus grand nombre.
Marie est une fille d'Israël, de ce peuple auquel il a été dit : « Soyez saints, car Moi je suis saint », un peuple de pécheurs certes, mais aussi écoutant la Parole, poursuivi par elle. Marie est fleur unique, mais sur la souche et l'arbre de Jessé: « Toute une race de croyants guettait son jour » - « Il s'est souvenu de son amour, de la promesse faite à nos pères ».
La sainteté de Marie est aussi étroitement liée au peuple de la nouvelle alliance dont toutes les générations la disent bienheureuse.
Dans nos évangiles, nous constatons qu'elle se trouve bien mentionnée aux moments de la naissance de ce peuple : debout, au pied de la croix, telle que l'évangile de Jean contemple celle-ci (Jn 19), scène de naissance bien plus que de mort! Ou recueillie en prière avec les premiers disciples, en la veille de la Pentecôte.
Alors, en ce jour, et tous les jours de notre vie, redisons avec confiance et reconnaissance : « Sainte Marie, mère de Dieu, prie pour nous, pécheurs, mais comme toi, appelés à la sainteté »,comme cela nous a été si bien rappelé par la lettre aux Ephésiens ( 2e lecture) :
« Dans le Christ, le Père nous a choisis et appelés pour être, dans l'amour, saints et irréprochables, sous son regard, à la louange de sa gloire ». (2006-12-08)
Année B - 34° Dimanche du Temps Ordinaire - Christ Roi - 26 novembre 2006
Dn 7 13-14; Ap 1 5-8; Jn 18 33-37
Homélie du F.Servan
Alors, tu es roi? ..... Comme pour toute réalité humaine, les Rois, il y en a des bons et des moins bons! Je vous renvoie par exemple à notre histoire de France !
Dans la Bible, nous avons la figure idéalisée du Roi David, mais nous avons aussi des réserves par rapport à l'institution royale, tant dans le Premier Testament, dans le Livre de Samuel, alors que s'inaugure la royauté en Israël, que dans le Nouveau Testament où l'on entend le Christ mettre en garde ses disciples: « Les rois des nations païennes leur commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler illustres bienfaiteurs. Pour vous, rien de tel. Faites plutôt comme moi: je suis au milieu de vous comme celui qui sert à table » (Lc.22,25)
Alors, tu es Roi? De Roi serviteur, Jésus descend encore plus bas, devant Pilate un tantinet goguenard et méprisant, le voici Roi dérisoire, tel que dans ces images ou gravures de Georges Rouault, bientôt livré à la soldatesque : « Salut, roi des juifs ! »
Pour nous ici, un premier apprentissage du voir : voir ce roi humilité dans les hommes et les femmes en détresse, marqué par la faiblesse. C'était la scène relatée par notre Evangile, à un moment précis de l'histoire !
En contraste total, les deux autres lectures de ce dimanche (prises au livre de Daniel et à l'Apocalypse) nous transportent dans le monde de la gloire céleste, au-delà de l'histoire: sur les nuées une image de gloire remplace la dérision.
Deux images contrastées, que nous retrouvons dans notre Credo : « Humilié, crucifié sous Ponce Pilate. Il règne à la droite du Père, d'où il viendra juger les vivants et les morts !
Pour en revenir à la visions céleste et glorieuse ; comme il convient, le mot "voir" est souligné: « au cours des visions de la nuit, je voyais venir comme un Fils d'Homme » - « tous les hommes le verront et en le voyant ».
En ces derniers jours d'une année liturgique, nous pouvons penser à cette vision qui nous attend et que peut-être vous espérer un peu.
Qu'il nous soit donné d'avoir part un jour à ce « voir », de nous tenir debout devant ce Fils de l'Homme, regardés par lui et le regardant comme « celui qui nous aime et nous a délivrés de nos péchés par son sang » et ensuite, qu'il nous fasse passer à sa table et qu'il nous serve à tour de rôle (car dans la Gloire il demeure serviteur; c'est son être profond) pour reprendre une belle image de saint Luc que nous aimons chanter le dimanche soir avant d'entrer dans le repos de la nuit : « Bienheureux celui qui veillera - quand tu paraîtras nimbé de gloire - tu l'inviteras, lui dresseras la table - tu le serviras - qu'il prenne la plus belle place » !
Regardé-regardant, non pas dévisagés, jugés, pesés, mais envisagés, encouragés, accueillis (faut-il rappeler ici une belle définition de l'Eglise faite au Concile Vatican II : « l'ensemble de ceux qui regardent avec foi vers Jésus »)
Roi dérisoire - Roi de gloire ! Entre ces deux images contrastées, c'est le temps de l’histoire humaine et le temps de l'Eglise (depuis deux mille ans). Or, concernant la manière dont le Fils de l'homme exerce sa royauté durant ce temps-là (qui est le nôtre) l’évangéliste nous donne des indications avec les deux paroles importantes qu’il met dans la bouche de Jésus devant le
gouverneur Pilate.
« Ma royauté, dit le Christ, ne vient pas de ce monde », et ne s'exerce pas à la manière du
monde, c'est-à-dire pas sous la contrainte d'hommes portant des armes, mais par des hommes et
des femmes qui cherchant la vérité « écoutent ma voix » (cf.Jn 10).
Ecouter sa voix, ses paroles, ses enseignements, les Béatitudes et le sermon sur la montagne; les laisser germer, grandir et régner dans notre cœur, puis du cœur, les faire déborder, non seulement dans l'espace limité des églises, des sacristies ou des cloîtres, mais bien dans le monde et son histoire présente, avec ses valeurs et ses aliénations, ses pesanteurs. Oui, qu'elles rayonnent et portent du fruit, dans la vie familiale, sociale, économique, politique, culturelle, artistique, caritative etc et que sais-je encore.
Ici encore il y a une école du voir, juger et agis. Entendons le Fils de l’homme nous redire en ce dimanche : « vous comptez sur moi, en moi vous puisez secours et force pour votre vie. Eh bien ! Moi aussi je compte sur vous (car Dieu a besoin des hommes) ! Non pas tout seuls mais avec le secours de l’Esprit Saint. Soyez un peu plus aimants, plus attentifs, plus inventifs et intelligents – (mais bien sûr, selon la capacité de vos divers récipients) ». C’est entendu, Seigneur ! Vous pouvez compter sur nous et avec toi nous prions : « Que ton règne vienne » ! (2006-11-26)
Année B - 32° dimanche du Temps Ordinaire - 11 Novembre 2012
1 Roi 1 10-16; Heb 9 24-28; Mc 12 38-44
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs
Les trois textes de la liturgie que nous venons d’entendre sont placés sous le signe du don, de l’offrande. Et dans chacun, il y est question de vie et de mort.
- Don d’un peu d’eau et d’un morceau de pain, de la part de la veuve de Sarepta, pour le prophète Elie, en une période de grande sécheresse, où les gens meurent de faim et de soif,
- Don d’argent, que ce soit de grosses sommes de la part des riches ou que ce soit 2 piécettes de la part d’une pauvre veuve qui donne tout ce qu’elle a pour vivre
- Don de sa vie, de la part du Christ, en sacrifice pour le péché des hommes : offrande suprême plus spirituelle, plus théologale, dans la seconde lecture de l’épitre aux Hébreux qui englobe l’histoire du salut dans le mystère pascal de la mort et de la résurrection de Jésus.
Revenons sur chacun des ces 3 textes des ces 3 gestes de don et d’offrande et cherchons à en tirer une leçon pour nous aujourd’hui.
Dans le livre des Rois, ce n’est pas la 1ère fois que nous trouvons le prophète Elie en manque d’eau et de pain, à la frontière de la survie. Déjà, en fuyant l’hostilité de la reine Jézabel, qui lui en voulait à mort parce qu’il avait détruit les temples de son Dieu Baal et fait massacrer leurs prêtres, Elie s’était retrouvé seul, au désert, complètement déprimé et souhaitant que Dieu lui reprenne sa vie. C’est alors qu’un ange lui avait apporté par 2 fois de l’eau et du pain, afin qu’il retrouve courage et force et qu’il reprenne la route : 40 jours et 40 nuits vers l’Horeb. Aujourd’hui, c’est la sécheresse qui l’amène à réclamer à cette veuve de Sarepta de l’eau et du pain, à partir de ses dernières réserves d’huile et de farine. Aucun des personnages de cette scène n’est dupe : c’est la dernière chance de vie pour le prophète, pour la veuve, pour son enfant. A moins d’un miracle de la part du Dieu auquel croit Elie. Miracle qui se réalise grâce au devoir d’hospitalité, devoir prioritaire, accompli par cette femme. Et tout comme Elie avait pu reprendre la route au désert, cette femme veuve pourra reprendre la route de l’éducation de son enfant, en le nourrissant jusqu’au retour de la pluie.
L’Evangile, lui, nous montre Jésus au Temple dans une controverse avec des scribes où il dénonce leur hypocrisie et leur superficialité. Ces hommes ayant autorité dévorent en fait les biens des veuves et ils affectent de prier longuement, en public pour bien se montrer et paraître justes. Cela impressionne ceux qui les voient et les entendent : les disciples de Jésus seraient aussi tentés d’admirer cette manière de faire, d’envier peut-être ces riches qui mettent de grosses sommes d’argent, ostensiblement, dans le tronc de la salle du Trésor. Après tout, ne sont-ils pas, ces riches ceux qui rendent le plus beau culte à Dieu, la plus belle offrande qui lui plaise, pour sa plus grande Gloire ?
Jésus prend alors la parole et il l’adresse, non pas directement aux scribes, aux riches, ni même à la pauvre veuve, mais à ses disciples. Et cette parole est empreinte d’autorité : Amen, je vous le dis : cette veuve a donné plus que tout le monde. Elle a pris sur son indigence, elle a donné tout ce qu’elle avait pour vivre.
Jésus rappelle ainsi l’enseignement des prophètes, trop oublié de ses contemporains. Dieu ne regarde pas à l’apparence. Il voit le fond des cœurs. Le sacrifice qui lui plaît, c’est un esprit brisé, un cœur aimant, prêt à tout donner, prêt à se donner. Et à travers l’exemple de la pauvre veuve, Jésus anticipe l’annonce de son propre sacrifice, du propre don de sa vie. Il n’est pas sans signification que ce passage de l’évangile de Marc, au chapitre 12 précède de peu les récits de la Passion et de la Résurrection.
Du coup, le sens le plus profond de ces récits de veuves que la liturgie nous donne à méditer aujourd’hui, à travers la 1ère lecture et l’évangile, se trouve dans la seconde lecture de l’épitre aux Hébreux. Elle nous présente le sacrifice du Christ s’offrant une fois pour toutes, à la différence des autres sacrifices matériels de dons et d’offrandes, éphémères, lesquels doivent se répéter d’année en année, en expiation pour les péchés du peuple. Le Christ, en se donnant par amour sur la Croix, en offrant son propre sang et en souffrant sa Passion, est entré une fois pour toutes dans le véritable sanctuaire, au Ciel, où il se tient désormais, à la droite du Père, et où il intercède pour nous. Il apparaîtra une seconde fois, nous dit le texte, non plus à cause du péché, mais pour le salut de tous ceux qui l’attendent. Telle est notre foi chrétienne, telle est notre espérance qui doivent inspirer tous nos actes de charité, à commencer par les plus humbles, les plus cachés.
En ce dimanche 11 novembre, fête de Saint Martin qui avait partagé la moitié de son manteau pour le donner à un pauvre, nous voici invités à notre tour à nous interroger sur l’offrande que nous faisons de nos richesses, de notre temps, de notre vie tout entière pour les autres et pour Dieu. Que les exemples de ces veuves de la Bible, des saints de l’Eglise mais surtout que l’exemple du Christ en personne nous stimulent, avec la force de l’Esprit Saint, à faire de même !
AMEN
(2012-11-11)
Année B - 31° dimanche du Temps Ordinaire - 5 Novembre 2006
Dt 6,2-6 ; He 7,23-28 ; Mc 12,28-34
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Le passage d’évangile selon St Marc que nous venons d’entendre prolonge et achève une série de controverses violentes que Jésus a eues avec ses adversaires : des docteurs de la Loi, des pharisiens et des sadducéens. Ces gens venaient à Jésus pour lui tendre des pièges, pour le mettre à l’épreuve avec des questions embarrassantes : « par quelle autorité fais-tu ce que tu fais ? », « Que va faire le maître d’une vigne dont les vignerons sont indignes de leur rôle ? », «Faut-il payer l’impôt aux armées d’occupation romaine et à l’empereur César ? », « Quel est le sort des morts dans l’au-delà ? »
A cette dernière question, Jésus a donné raison aux pharisiens contre les sadducéens, en affirmant la réalité de la résurrection des morts. Aussi le scribe pharisien qui s’avance vers Jésus au début de notre évangile commence-t-il par le féliciter de sa réponse et il lui pose à son tour, en toute confiance, la question qui le préoccupe. Il ne cherche donc pas à lui tendre un piège. C’est en toute sincérité et loyauté qu’il l’interroge : « quel est le premier de tous les commandements ? »
Dans les écoles bibliques de l’époque, on était allé jusqu’à relever 613 commandements de Dieu : 365 sous forme d’une défense ou d’interdit, et 248 commandements positifs. Ce scribe, comme d’autres avant lui, veut aller à l’essentiel : quel est le centre de la Loi de Dieu, de la Torah ? Il pressent que Jésus peut l’aider à se simplifier et à mieux obéir ainsi à Dieu.
Alors Jésus lui répond : « Voici le premier commandement : écoute, Israël, le Seigneur, Notre Dieu est l’Unique Seigneur ! »
Ecouter, et dans un même mouvement, confesser l’unicité ou l’unité de Dieu : voilà ce premier commandement. Comme si la suite de la réponse, à propos de l’amour n’était pas possible sans cette écoute et cette reconnaissance primordiales.
Nous sommes tellement habitués à penser que le premier commandement et le second qui lui est semblable ne concernent que l’amour. Nous n’avons pas bien écouté, prêté attention au début de la réponse de Jésus : l’écoute et la confession de foi. La leçon de cette réponse de Jésus pour le scribe, mais aussi pour chacun de nous semble claire : on ne peut pas aimer vraiment Dieu, ni son prochain, si l’on est incapable d’écouter d’abord Dieu, dans sa Parole, ni écouter son prochain et si l’on est incapable de reconnaître Dieu comme l’Unique, créateur et sauveur.
Il n’est pas si simple, si facile d’écouter en vérité. Nous en faisons tous l’expérience dans les relations humaines, entre homme et femme, entre membres d’une même famille, d’une même communauté, ou d’une nation ou entre nations. Saint Benoît, dans sa Règle, avait bien compris l’importance primordiale de cette écoute, puisqu’il en a fait le premier mot de son texte.
Ecouter, reconnaître Dieu comme l’Autre, comme l’Unique Seigneur, c’est donc le premier mouvement de l’amour, un amour total, sans hésitation et sans réserve. Et dans l’esprit du verset du Deutéronome, cette exclusivité de l’amour que le croyant doit porter à Dieu seul, s’oppose à la tentation toujours présente du culte offert aux idoles. Israël a fait l’expérience de l’exception de sa foi en Dieu, vis-à-vis des autres peuples. Jésus ne vient pas abolir cette exception. Les idoles existent encore et toujours. A son époque, Jésus a affronté leurs tentations au désert pendant 40 jours, en résistant à Satan par 3 fois.
Les idoles peuvent changer de noms, de formes, de puissance d’attrait, mais elles co-existent à la réalité même du combat spirituel de tous les temps. Aujourd’hui encore, il nous appartient de déjouer leurs emprises, de démasquer leurs stratégies, sans nous illusionner, et de leur résister pour triompher d’elles avec la grâce du Christ.
Mais venons en aux 2 commandements de l’amour. A vrai dire, comme disciple du Christ, l’amour de Dieu et l’amour du prochain ne sont pas tant des commandements, une sorte d’obligation morale devant laquelle nous serions toujours en défaut, en déficit. L’amour n’est pas un commandement, mais une réponse libre à un don qui nous a précédé et qui nous invite à une réciprocité gratuite. Dieu nous a aimés le premier. Il est venu à notre rencontre en nous en envoyant son Fils, Jésus-Christ, dans le monde, pour nous manifester cet Amour inconditionnel.
Il nous a envoyé aussi son Esprit, comme premier don fait aux croyants, esprit d’amour qui poursuit l’œuvre du Christ dans le monde et achève toute sanctification.
C’est ce message positif d’invitation à entrer dans le mystère de l’amour de Dieu que le pape Benoît XVI a voulu donner à l’Eglise, par sa première Encyclique : « Deus Caritas, Dieu est Amour ».
Dans son introduction, il dit : « dans un monde où l’on associe parfois la vengeance au nom de Dieu, ou même le devoir de la haine et de la violence, c’est un message qui a une grande actualité et une signification très concrète... Je désire, dans cette première encyclique parler de l’amour dont Dieu nous comble et que nous devons communiquer aux autres… Je désire insister sur certains éléments fondamentaux, de manière à susciter dans le monde un dynamisme renouvelé pour l’engagement dans la réponse humaine à l’amour divin. »
Oui, frères et sœurs, Dieu est Amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu en lui. Voilà ce que la liturgie de ce dimanche nous offre d’écouter et de confesser. Nous aussi, alors, à la suite du scribe bienveillant de l’évangile, nous pourrons accueillir la parole réconfortante de Jésus :
« Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu ».
AMEN (2006-11-05)
Année B – 21° Dimanche du Temps Ordinaire - 27 Août 2006
Josué 24 1-2, 15-18 ; Ephes. 5,21-32 ; Jn 6 60-69
Homélie du F.Servan
L'on peut déjà noter rapidement que les trois lectures de ce dimanche, si on réfléchit un peu, se
rapportent à ce qui est la grande affaire de la Bible: l'ALLIANCE entre Dieu et l'humanité, et ce, sur fond de fragilité humaine, et donc de crise présente ou latente.
La lecture de Josué et la grande débandade de l'évangile nous parlent de moments un peu cruciaux dans cette histoire, quand il faut choisir ou renoncer: « Choisissez! - Nous voulons servir le Seigneur ». « Voulez-vous partir vous aussi? Nous continuons à te suivre. Tu as les paroles de la vie éternelle ».
Quant au couple chrétien, il est, bien sûr, une figure privilégiée mais fragile de cette histoire d'alliance. Faut-il ajouter qu'en venant à l'Eucharistie le dimanche, nous écrivons, avec notre vie et avec l'Esprit saint, la quatrième lecture : « Nous voulons te suivre et à ta suite servir le Seigneur cette semaine encore » !
Dans un instant, en redisant le Credo, nous engagerons à nouveau nos ânes sur le pont aux ânes chrétiens dont il vient d'être question dans notre passage d'Evangile. Ce dernier commençait ainsi: « Jésus avait dit dans la synagogue de Capharnaüm: « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » Par rapport au texte du Livre, cette première petite phrase est en fait un ajout liturgique choisissant de rappeler une des paroles du discours de Jésus en Jn. 6. C'est bien! Mais cela peut avoir l'inconvénient de focaliser notre attention et de nous faire penser que le rejet de la part de beaucoup portait sur la question de « manger ma chair et boire mon sang »!
Dans le livre des évangiles, vous liriez en fait ceci : " Tels furent les enseignements de Jésus dans la synagogue de Capharnaüm. Après l'avoir entendu, beaucoup commencèrent à dire: « cette parole (entendez: l'ensemble du discours) est dure ». Voici le pont aux ânes! Alors que les disciples juifs (et encore plus tard ceux d'Emmaüs) espéraient que ce Rabbi prophète, puissant en paroles et en œuvres, réaliserait la délivrance d'Israël. Voici qu'il gâte ses atouts par un langage déroutant sur sa personne (plus grande que Moïse, descendue du ciel), et, non moins déroutant, sur sa mission, passant par la mort: « Je suis le pain vivant descendu du ciel ; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, pour la vie du monde" (l'équivalent du « Ceci est mon corps livré pour vous »! Pour eux, pour toutes les générations qui suivront, pour nous aussi, le choix et le travail de la foi portent d'abord sur cette révélation de la Personne du Christ: vrai Dieu (venu de Dieu) Verbe fait chair - et ailleurs dans son évangile, Jean aime souligner cette transcendance de Jésus « descendu du ciel, iI remontera là où il était auparavant »; et par deux fois ici, il pointe sa connaissance supérieure: « Jésus connaissait par lui-même ces récriminations, il savait depuis le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas et celui qui le livrerait ». Voici l'autre face, non moins déroutante, de la Révélation du Fils de l'homme: son mystère pascal : tout Fils qu'il est, il sera livré et apprendra la soumission!
Soumission ! Il me semble que nous avons entendu ce mot dans la deuxième lecture, dans la lettre aux Ephesiens, qui parlait de la vie des nouveaux baptisés à la suite du Christ, en commençant par regarder la vie du couple chrétien.
Pour passer le pont aux ânes, il ne suffit pas de remuer la tête et de remuer de grandes oreilles (beau symbole de l'intelligence de notre foi) ! Il faut y aller avec les quatre pieds de notre vie concrète ! - Cf. les expressions : « Avancer d'un pas léger » ou « freiner des quatre fers » - « Ce n'est pas ceux qui disent saint, saint, qui passeront, mais ceux qui font la volonté de mon Père ». Mieux vaut ne pas se braquer (comme des ânes?) sur « Femmes, soyez soumises à vos maris », mais méditer plutôt la première phrase, règle d'or de toute vie chrétienne (à souligner en rouge et à répéter 3 fois, matin midi et soir !) « (Frères) par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres »! - (à noter que" Frères" n'est pas dans le texte authentique, à moins d'entendre cela comme le « mes très chers frères » du temps jadis, qui, de toute évidence, incluait les femmes et les enfants ) - Par amour du Christ, en le regardant, en le suivant, Lui et sa soumission, Lui qui s'est livré pour son Eglise et pour la multitude, passons le pont aux ânes!
Petites précisions pour finir:
1) En ce temps où la parité Homme-Femme continue à travailler les sociétés et les Eglises, si vous le désirez, vous pouvez très bien interpréter le texte de façon égalitaire: « Femmes aimez vos maris et soyez leur soumises, par respect du Christ »!
" Maris, aimez vos Femmes et soyez leur soumis, par respect du Christ! (Vous me ferez d'ailleurs remarquer que si on aime vraiment on est soumis!)
Parité n'étant pas uniformité et n'excluant pas les différences, de sexe, de tempéraments, de culture, qui compliquent peut-être la vie, mais en font aussi le sel!
2) Notre petite expérience, que l'on soit en couple, en famille ou en communauté, nous montre qu'il y a soumission et soumission!
Par exemple, on se soumet à l'autre parce qu'il est plus fort: soumission plutôt aliénante!
Ou bien pour avoir la paix, soumission de basse politique, plutôt molle!
Ou soumission par amour de l'autre et du Christ, n'excluant pas la politique noble et intelligente!
Frères et Sœurs, avec le secours du Corps et du sang du Seigneur, passons encore une fois le pont aux ânes! (2006-08-27)
Année B - 11 juin 2006 - Fête de la Sainte Trinité
Dt 4,32-34 ;39-40 Rm 8,14-17 Mt 28,16-20
Homélie du F.Sébastien
Fêter la Sainte Trinité ! Fêter, c’est donner du bonheur. Aujourd’hui donner du bonheur aux Trois, célébrer leur bonheur pour ce qu’ils sont, pour ce qu’ils vivent entre eux, pour ce qu’ils font pour nous. Partons de l’évangile, un évangile bien sobre à ce sujet !...
Mais nous le savons, au moment de quitter ce monde, Jésus ressuscité disait à ses disciples: « Allez par le monde entier ! De toutes les nations faites des disciples. Baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ».
Alors, du milieu de la foule, un enfant, élevant la voix, s’écria : « Maître, tu sais tout ; avant de partir, dis-le nous ouvertement : la Sainte Trinité, c’est quoi ? »
Jésus, voyant qu’il avait posé une question intéressante, répondit – un peu à côté, selon son habitude – : « Je pars et vous me chercherez. Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Le Père et moi nous sommes un ».
Comme les disciples s’interrogeaient sur ce qu’il venait de dire, sachant les pensées qu’ils retournaient en eux-mêmes, Jésus reprit : « Je vais vous expliquer », tout en se disant en lui-même : “C’est sûr qu’ils ne comprendront pas ; le contraire serait inquiétant ! Mais quand je serai remonté auprès de mon Père, je leur enverrai l’Esprit-Saint et il leur rappellera tout ce que je leur ai dit” ».
Continuant à haute voix, il se tourna vers l’enfant qui se tenait à ses côtés, et lui dit : « À mon tour de te poser une question – c’est sa manière habituelle de faire – . Dis-moi. Étais-tu là le jour de mon baptême ?... As-tu vu la colombe ?
– « D’abord, Seigneur, ‘y avait pas de colombe – c’est la dame qui fait le catéchisme qui l’a dit – Elle a dit que c’était comme… comme le Vent, ou comme du feu… »
En entendant cela, Jésus fut dans l’admiration – pour les dames qui font le catéchisme. Elles, elles savent bien que quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-là, c’est moi qu’il accueille, et quiconque m’accueille, accueille Celui qui m’a envoyé.
Se devant donc de bien accueillir l’enfant, Jésus poursuivit : « La colombe, tu ne l’as pas vue. D’accord. Mais ce qui est important, c’est d’où elle venait. Il vous faut renaître d’en haut. Le Vent, c’est quand la colombe descend. Elle bat doucement des ailes, un petit souffle. On ne voit rien, mais on se doute, on sent. C’est comme une caresse sur les eaux, elles se mettent à bouillonner. C’est le moment d’y aller ! Le Vent souffle où il veut, sur qui il veut, quand il veut, comme il veut, et tu entends sa voix. Toi, tu es baptisé, alors tu peux entendre sa voix. En ce moment. Écoute-moi bien ; tu entends ?
– Non, rien…
« Et pourtant je te parle et tu m’entends. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. La colombe, elle va et vient dans le soleil, elle va du Père au Fils, et elle revient au Père, c’est leur amour, il est infatigable. Elle fait des cercles autour des baptisés, elle les prend dans le cercle, comme on prend un enfant dans ses bras pour lui parler à l’oreille, pour lui confier le plus beau des secrets : « Tu es mon Fils, mon Bien-aimé, en toi j’ai mis tout mon amour. Tu es ma fille, mon unique, ma bien-aimée, mon peuple, tous mes préférés. Et moi, je suis votre Dieu. Je vous le dis pour que notre joie soit complète.
Entends-tu ma voix ? Les paroles que moi je prononce, je ne les dis pas de moi-même ; je les dis comme le Père me l’a dit. Celui qui les met dans ton cœur, c’est l’Esprit de vérité. Vous tous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous.
Et maintenant, je pars, mais je ne vous laisserai pas orphelins. Je viens à vous. Vous me verrez vivant et vous vivrez vous aussi. En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père, et que vous vous êtes en moi, et moi en vous »…
Alors, exultant de joie sous l’action de l’Esprit-Saint, l’enfant qui avait posé la question s’écria : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux tous petits ».
Jésus se taisait. Certains crurent apercevoir sur ses lèvres comme l’esquisse d’un tout petit sourire, le sourire des Trois.
Année B – Pâques 3e Dimanche - 30 Avril 2006
Ac 3 13-19 ; 1 Jn 2 1-5 ; Lc 24 35-48
Homélie du F.Servan
Nous sommes donc dans la joie de Pâques ... mais je dois vous avouer que j'ai éprouvé quelque inquiétude en découvrant que dans les trois lectures que nous venons d'entendre se trouvait le mot de « péché » ! Car il me semble que quelle que soit la réalité complexe que ce mot recouvre, à force d'en avoir sans doute trop abusé, le mot est devenu usé un mot dont ne sommes pas très friands, pas
très carnassiers aujourd'hui et qui n'a pas la côte, sinon parfois dans la publicité, pour attirer l'attention (même notre pape Benoit 16 dans les 40 pages de sa première encyclique semble s'être bien gardé d'employer ce mot !). Possible que si on le fait revenir sur la scène au temps de Pâques, ce soit par ruse stratégique: on le fait sortir du bois pour mieux lui tordre le cou !
Quoi qu'il en soit, dans la lumière de Pâques nous ne devons pas avoir peur de ce mot. Il nous suffit de regarder la grande croix placée derrière l'autel pour comprendre que dans nos vies et dans celle du monde entier, le noir (c’est à dire ce qui abîme, aliène la vie de l'homme, pouvant aller jusqu'à tuer, comme ce fut le cas à l'encontre de Jésus le juste, le saint) que tout ce noir n'a pas le dernier mot. Toute de blancheur et de lumière d'icône, la grande croix s'arrache du noir avec puissance. « Petits enfants, nous avons un défenseur, victime offerte pour nos péchés, pas seulement les nôtres mais ceux du monde entier ». Instruit par la révélation biblique, le chrétien comprend que le péché n'est pas le premier mot (dans la Bible cela revient à la parole de bénédiction sur la vie, sur notre élan et goût de vivre) ni le dernier mot ( qui sera la perfection de l'amour, nous a rappelé saint Jean).
Instruit par l'évangile, le chrétien ne croit pas au péché; les uns ont des verres grossissants, d’autres sont plutôt myopes. Il le constate, (il essaie de l'éviter, pas toujours avec succès). Il le constate, plus ou moins nettement, (et par exemple l'homme de 70 ans qui vous parle) en lui et dans le journal de chaque jour; bien sûr dans le clair-obscur et la complexité de nos faiblesses, conditionnements, limites et 'ignorances (à propos de Jésus mis à mort, le discours mis dans la bouche, de Pierre ne disait-il pas: « Je sais bien que vous et vos chefs vous avez agi par ignorance ») le chrétien croit à la rémission, au pardon des péchés! Et, au fait; c'est surtout cela qui est souligné dans nos trois lectures!
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Maintenant, la route est libre pour parler d'une autre réalité et d'un autre mot beaucoup plus intéressant, et bien coté, lui, à la bourse actuelle des valeurs. Le mot de relation (qui est le contraire de l'autre), la relation belle et bonne. Si le mot n'est pas dans nos textes, la réalité qu'il désigne y est bien ! Par exemple, la conversion, avant de s'essayer à changer des choses dans sa vie, c'est d'abord se tourner vers le Ressuscité, le chef des vivants et avec lui se tourner vers Dieu et vers les autres.
Dans l'Evangile entendu, les disciples se réjouissent de la relation retrouvée avec leur Maître qui leur montre ses mains et ses pieds de crucifié. Et voici qu'il les invite (et nous à leur suite) à relire les Ecritures qui ne sont finalement qu'une grande histoire de relation et pas toujours un long fleuve tranquille (depuis le « Adam, où es-tu? » et « Qu'as-tu fait de ton frère? »; et ensuite « le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères » noue une relation privilégiée avec un peuple, vers lequel, à la suite de ses prophètes, il envoie son Fils, le saint, le juste, tué hors de la ville, hors de la vigne, mais devenu le chef des vivants, rouvrant le chemin de la bonne relation d'Alliance non seulement non seulement avec vous mais avec toutes les nations.
Tout est relation, dirait un grand savant ! Et il me semble bien qu'un intellectuel de la maison traduit le « Je crois à la résurrection de la chair » par « je crois à la résurrection de la relation »! Pour ma part, avec plusieurs frères de ma communauté je me permettrais de vous recommander sur ce sujet un bon petit livre « Le Lotus ou la Croix » livre écrit par Dennis Gira, un laïc père de famille, si vous voulez recycler un peu votre identité chrétienne dans le monde de ce temps: c'est pas de l'étouffe-chrétien ! Ce n'est pas de la publicité mais conseil d'ami !
Partout, dans notre vie, la relation se présente à nous, pour que nous la fassions belle et bonne ! Par exemple, cet après-midi, nous aurons la visite annuelle de nos voisins, venus des communes avoisinantes, car une commune, une région, une nation, sans oublier l'inter nation, c'est bien plus qu'une juxtaposition d'individus sur un territoire, mais un tissu de relations à travailler et enrichir sans cesse ! Et si en sortant de l'église, vous apercevez un chantier, ce n'est pas pour le plaisir de changer les carrés en ronds, comme saint Bernard le disait à propos des moines de son temps, mais pour rénover la grande maison d'accueil hors normes de sécurité et du reste après cinquante ans de bons services !
Si de ces petits exemples humains on remonte au Dieu vivant, la source de toute relation belle et bonne, on voit sur l'icône privilégiée des trois anges que le cercle harmonieux de la parfaite
relation qu'est Dieu en lui-même, ne se ferme pas, mais s'ouvre largement à qui veut participer, le Dieu de l’évangile, aime les familles, les communautés, mais ouvertes et non pas closes. Il bénit les familles, lieu premier et où l'on apprend la règle, mais par le jeu des mariages elles s'ouvrent aux
belles étrangères. L'Eglise et la médecine n'étant pas favorables aux mariages endogamiques !
Il arrive même qu'un électron libre, un garçon ou une fille poussé par l'Esprit de Jésus, à quitter sa famille, pour le service de l'Evangile ou pour le monastère qui s'il est un lieu riche en relations humaines belles (« Honorer tous les hommes », dit St Benoit, les accueillir tous comme si c'était le Christ!), est aussi un lieu plus secret et caché où l'homme apprend la relation intime avec Dieu ; ce qui n'est pas de la théorie, mais bien une pratique (si pauvre soit-elle, mais toujours désirante, commencée) prière de l'âme profonde, avec la parole de Dieu, avec les Psaumes, dans la forêt, dans le cloître, et avec des frères en n'oubliant pas de temps à autres de prier pour sa famille et pour beaucoup.
Pour finir par le plus beau: quand une petite fille ou un jeune garçon reçoit le Baptême, c'est une vie d'homme ou de femme qui commence une vie de relation belle et bonne avec le Dieu vivant, pour marcher avec lui sa vie durant, et, au-delà de la mort terrestre vers la Relation sans déclin.
Que le Seigneur nous bénisse et nous garde, qu'il nous conduise tous ensemble à la vie éternelle relationnelle. Amen! (2006-04-30)
Année B - 2° Dimanche de Carême - 8 mars 2009
Gen 22 1-18; Rom 8 33-34; Mc 9 2-10
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
On peut se demander pourquoi l’Eglise a-t-elle fait le choix de cet évangile de la Transfiguration du Seigneur pour la liturgie du 2ème dimanche de Carême. Le temps du Carême n’évoque-t-il pas pour la plupart des gens, et pour les chrétiens aussi, un temps de pénitence, de privation. C’est le temps du jeûne et de l’abstinence (on le met souvent en parallèle avec le Ramadan pratiqué par nos frères musulmans). C’est aussi un temps de prière plus prolongé et fervent, enfin c’est un temps de partage et de solidarité avec les plus démunis. Tout cela durant 40 jours qui conduisent à la fête de Pâques. Alors que vient apporter le récit de la Transfiguration sur ce chemin, pour nous ? Il y a là me semble-t-il une énigme à éclaircir et un enseignement à recueillir.
Une première explication peut nous venir des exégètes, ces gens qui scrutent avec soin les Ecritures et nous aident à bien les lire, à bien les entendre. Ils nous apprennent que l’Evangile de Marc est composé avec une grande précision, et que ce récit de la Transfiguration est placé très exactement au centre, où il joue un rôle de pivot. Il y a un avant, où l’évangéliste rapporte surtout le ministère de Jésus en Galilée (avec son enseignement et ses miracles, surtout de guérison de malades et de possédés), et il y a un après, où nous le suivons dans sa montée vers Jérusalem, en Judée, lieu de sa Passion et de sa Résurrection. Et puis, au cœur même du récit, donc vraiment au centre de son évangile, Marc a placé cette parole venue du Ciel : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le » qui fait renvoi au début et à la fin de l’évangile. Au tout début, avec le premier verset : « commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu », et presqu’à la fin, comme un sommet de tout l’évangile, avec la parole du Centurion romain, à la mort de Jésus sur la Croix : « vraiment, cet homme est le Fils de Dieu ». Triple attestation de l’identité de cet homme Jésus, à 3 endroits clé, sans oublier la scène du baptême dans le Jourdain. Il y a là pour nous une leçon à retenir. Le Carême est le temps où nous avons à reconnaître cette identité de Jésus Christ comme Fils de Dieu et à nous situer en vérité par rapport à la question qu’il nous pose à chacun : «pour vous, qui suis-je ? » Est-il oui ou non, vraiment le Fils de Dieu ?
Les exégètes nous disent par ailleurs que ce récit est encadré par 2 annonces de sa Passion et de sa Résurrection faites par Jésus à ses disciples . « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté, mis à mort, et que 3 jours après, il ressuscite ». Mais précise Saint Marc, les disciples ne comprennent pas ces paroles et ils ont peur d’interroger leur maître à ce sujet. Nous retrouvons dans notre évangile de la Transfiguration ces mentions de la Résurrection et cette incompréhension mêlée de frayeur chez les apôtres Pierre, Jacques et Jean.
Il est remarquable que l’évangile de Marc, à la différence des 3 autres, ne comporte que peu de développement ou de récits sur Jésus Ressuscité après sa Passion : seulement quelques versets où un ange, vêtu de blanc, annonce l’événement à des femmes bouleversées ; et l’évangile s’achève de façon abrupte. On peut alors se demander si le récit de la Transfiguration ne serait pas alors pour Marc le langage adapté pour dire par anticipation la victoire du Christ sur la mort, pour annoncer la Bonne Nouvelle de Pâques. En se manifestant à ses disciples dans un corps de Gloire, lumineux, vêtu de blanc, comme l’ange, et en accomplissant les Ecritures dans un entretien avec Moïse et Elie qui symbolisent une relecture de la Loi et les Prophètes. Lire ce texte de la Transfiguration, en ce 2ème dimanche de Carême, ce serait alors pour nous chrétiens l’occasion de nous demander entre nous, à la suite de Pierre, Jacques et Jean, descendant de la montagne, ce que peut bien vouloir dire « ressusciter d’entre les morts ». Que disons-nous, que vivons-nous, quand nous confessons le mystère de la Résurrection, comme nous allons le faire dans un instant en proclamant le Credo de l’Eglise ? Cette question nous pouvons la porter en contemplant Jésus transfiguré, et cela sans attendre le Jour de Pâques.
Le 3ème et dernier point que j’aimerais souligner et relever de cet évangile est l’ordre donné par la voix céleste aux disciples : « Ecoutez-le ! » Oui, le temps du Carême et par excellence le temps de l’écoute. Ecouter Jésus à travers les Ecritures, l’écouter à travers les événements de la vie, le reconnaître dans les rencontres, les partages, et puis aussi l’écouter dans le silence et la prière du cœur.
Nous le savons, il n’est pas si facile de bien écouter. Pour Pierre, Jacques et Jean et pour tous les juifs de tous les temps, ce commandement rappelle le commencement de toute prière, le Schéma Israël : « Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’Unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit ! »
En désignant Jésus comme le Fils Bien Aimé du Père, qu’il faut désormais écouter de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit, la Voix Céleste indique le nouveau chemin du Salut, la nouvelle Loi, qui, comme la première est une Loi d’Amour, mais une loi qui s’est incarnée et qui demande à s’incarner à nouveau en chacun de nous. C’est le Mystère de la Nouvelle et Eternelle Alliance qui s’accomplit et dont allons maintenant faire mémoire en cette eucharistie. (2009-03-08)