Homélies
Liste des Homélies
Année B - 11 juin 2006 - Fête de la Sainte Trinité
Dt 4,32-34 ;39-40 Rm 8,14-17 Mt 28,16-20
Homélie du F.Sébastien
Fêter la Sainte Trinité ! Fêter, c’est donner du bonheur. Aujourd’hui donner du bonheur aux Trois, célébrer leur bonheur pour ce qu’ils sont, pour ce qu’ils vivent entre eux, pour ce qu’ils font pour nous. Partons de l’évangile, un évangile bien sobre à ce sujet !...
Mais nous le savons, au moment de quitter ce monde, Jésus ressuscité disait à ses disciples: « Allez par le monde entier ! De toutes les nations faites des disciples. Baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ».
Alors, du milieu de la foule, un enfant, élevant la voix, s’écria : « Maître, tu sais tout ; avant de partir, dis-le nous ouvertement : la Sainte Trinité, c’est quoi ? »
Jésus, voyant qu’il avait posé une question intéressante, répondit – un peu à côté, selon son habitude – : « Je pars et vous me chercherez. Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Le Père et moi nous sommes un ».
Comme les disciples s’interrogeaient sur ce qu’il venait de dire, sachant les pensées qu’ils retournaient en eux-mêmes, Jésus reprit : « Je vais vous expliquer », tout en se disant en lui-même : “C’est sûr qu’ils ne comprendront pas ; le contraire serait inquiétant ! Mais quand je serai remonté auprès de mon Père, je leur enverrai l’Esprit-Saint et il leur rappellera tout ce que je leur ai dit” ».
Continuant à haute voix, il se tourna vers l’enfant qui se tenait à ses côtés, et lui dit : « À mon tour de te poser une question – c’est sa manière habituelle de faire – . Dis-moi. Étais-tu là le jour de mon baptême ?... As-tu vu la colombe ?
– « D’abord, Seigneur, ‘y avait pas de colombe – c’est la dame qui fait le catéchisme qui l’a dit – Elle a dit que c’était comme… comme le Vent, ou comme du feu… »
En entendant cela, Jésus fut dans l’admiration – pour les dames qui font le catéchisme. Elles, elles savent bien que quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-là, c’est moi qu’il accueille, et quiconque m’accueille, accueille Celui qui m’a envoyé.
Se devant donc de bien accueillir l’enfant, Jésus poursuivit : « La colombe, tu ne l’as pas vue. D’accord. Mais ce qui est important, c’est d’où elle venait. Il vous faut renaître d’en haut. Le Vent, c’est quand la colombe descend. Elle bat doucement des ailes, un petit souffle. On ne voit rien, mais on se doute, on sent. C’est comme une caresse sur les eaux, elles se mettent à bouillonner. C’est le moment d’y aller ! Le Vent souffle où il veut, sur qui il veut, quand il veut, comme il veut, et tu entends sa voix. Toi, tu es baptisé, alors tu peux entendre sa voix. En ce moment. Écoute-moi bien ; tu entends ?
– Non, rien…
« Et pourtant je te parle et tu m’entends. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. La colombe, elle va et vient dans le soleil, elle va du Père au Fils, et elle revient au Père, c’est leur amour, il est infatigable. Elle fait des cercles autour des baptisés, elle les prend dans le cercle, comme on prend un enfant dans ses bras pour lui parler à l’oreille, pour lui confier le plus beau des secrets : « Tu es mon Fils, mon Bien-aimé, en toi j’ai mis tout mon amour. Tu es ma fille, mon unique, ma bien-aimée, mon peuple, tous mes préférés. Et moi, je suis votre Dieu. Je vous le dis pour que notre joie soit complète.
Entends-tu ma voix ? Les paroles que moi je prononce, je ne les dis pas de moi-même ; je les dis comme le Père me l’a dit. Celui qui les met dans ton cœur, c’est l’Esprit de vérité. Vous tous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous.
Et maintenant, je pars, mais je ne vous laisserai pas orphelins. Je viens à vous. Vous me verrez vivant et vous vivrez vous aussi. En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père, et que vous vous êtes en moi, et moi en vous »…
Alors, exultant de joie sous l’action de l’Esprit-Saint, l’enfant qui avait posé la question s’écria : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux tous petits ».
Jésus se taisait. Certains crurent apercevoir sur ses lèvres comme l’esquisse d’un tout petit sourire, le sourire des Trois.
Année B – Pâques 3e Dimanche - 30 Avril 2006
Ac 3 13-19 ; 1 Jn 2 1-5 ; Lc 24 35-48
Homélie du F.Servan
Nous sommes donc dans la joie de Pâques ... mais je dois vous avouer que j'ai éprouvé quelque inquiétude en découvrant que dans les trois lectures que nous venons d'entendre se trouvait le mot de « péché » ! Car il me semble que quelle que soit la réalité complexe que ce mot recouvre, à force d'en avoir sans doute trop abusé, le mot est devenu usé un mot dont ne sommes pas très friands, pas
très carnassiers aujourd'hui et qui n'a pas la côte, sinon parfois dans la publicité, pour attirer l'attention (même notre pape Benoit 16 dans les 40 pages de sa première encyclique semble s'être bien gardé d'employer ce mot !). Possible que si on le fait revenir sur la scène au temps de Pâques, ce soit par ruse stratégique: on le fait sortir du bois pour mieux lui tordre le cou !
Quoi qu'il en soit, dans la lumière de Pâques nous ne devons pas avoir peur de ce mot. Il nous suffit de regarder la grande croix placée derrière l'autel pour comprendre que dans nos vies et dans celle du monde entier, le noir (c’est à dire ce qui abîme, aliène la vie de l'homme, pouvant aller jusqu'à tuer, comme ce fut le cas à l'encontre de Jésus le juste, le saint) que tout ce noir n'a pas le dernier mot. Toute de blancheur et de lumière d'icône, la grande croix s'arrache du noir avec puissance. « Petits enfants, nous avons un défenseur, victime offerte pour nos péchés, pas seulement les nôtres mais ceux du monde entier ». Instruit par la révélation biblique, le chrétien comprend que le péché n'est pas le premier mot (dans la Bible cela revient à la parole de bénédiction sur la vie, sur notre élan et goût de vivre) ni le dernier mot ( qui sera la perfection de l'amour, nous a rappelé saint Jean).
Instruit par l'évangile, le chrétien ne croit pas au péché; les uns ont des verres grossissants, d’autres sont plutôt myopes. Il le constate, (il essaie de l'éviter, pas toujours avec succès). Il le constate, plus ou moins nettement, (et par exemple l'homme de 70 ans qui vous parle) en lui et dans le journal de chaque jour; bien sûr dans le clair-obscur et la complexité de nos faiblesses, conditionnements, limites et 'ignorances (à propos de Jésus mis à mort, le discours mis dans la bouche, de Pierre ne disait-il pas: « Je sais bien que vous et vos chefs vous avez agi par ignorance ») le chrétien croit à la rémission, au pardon des péchés! Et, au fait; c'est surtout cela qui est souligné dans nos trois lectures!
.'
Maintenant, la route est libre pour parler d'une autre réalité et d'un autre mot beaucoup plus intéressant, et bien coté, lui, à la bourse actuelle des valeurs. Le mot de relation (qui est le contraire de l'autre), la relation belle et bonne. Si le mot n'est pas dans nos textes, la réalité qu'il désigne y est bien ! Par exemple, la conversion, avant de s'essayer à changer des choses dans sa vie, c'est d'abord se tourner vers le Ressuscité, le chef des vivants et avec lui se tourner vers Dieu et vers les autres.
Dans l'Evangile entendu, les disciples se réjouissent de la relation retrouvée avec leur Maître qui leur montre ses mains et ses pieds de crucifié. Et voici qu'il les invite (et nous à leur suite) à relire les Ecritures qui ne sont finalement qu'une grande histoire de relation et pas toujours un long fleuve tranquille (depuis le « Adam, où es-tu? » et « Qu'as-tu fait de ton frère? »; et ensuite « le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères » noue une relation privilégiée avec un peuple, vers lequel, à la suite de ses prophètes, il envoie son Fils, le saint, le juste, tué hors de la ville, hors de la vigne, mais devenu le chef des vivants, rouvrant le chemin de la bonne relation d'Alliance non seulement non seulement avec vous mais avec toutes les nations.
Tout est relation, dirait un grand savant ! Et il me semble bien qu'un intellectuel de la maison traduit le « Je crois à la résurrection de la chair » par « je crois à la résurrection de la relation »! Pour ma part, avec plusieurs frères de ma communauté je me permettrais de vous recommander sur ce sujet un bon petit livre « Le Lotus ou la Croix » livre écrit par Dennis Gira, un laïc père de famille, si vous voulez recycler un peu votre identité chrétienne dans le monde de ce temps: c'est pas de l'étouffe-chrétien ! Ce n'est pas de la publicité mais conseil d'ami !
Partout, dans notre vie, la relation se présente à nous, pour que nous la fassions belle et bonne ! Par exemple, cet après-midi, nous aurons la visite annuelle de nos voisins, venus des communes avoisinantes, car une commune, une région, une nation, sans oublier l'inter nation, c'est bien plus qu'une juxtaposition d'individus sur un territoire, mais un tissu de relations à travailler et enrichir sans cesse ! Et si en sortant de l'église, vous apercevez un chantier, ce n'est pas pour le plaisir de changer les carrés en ronds, comme saint Bernard le disait à propos des moines de son temps, mais pour rénover la grande maison d'accueil hors normes de sécurité et du reste après cinquante ans de bons services !
Si de ces petits exemples humains on remonte au Dieu vivant, la source de toute relation belle et bonne, on voit sur l'icône privilégiée des trois anges que le cercle harmonieux de la parfaite
relation qu'est Dieu en lui-même, ne se ferme pas, mais s'ouvre largement à qui veut participer, le Dieu de l’évangile, aime les familles, les communautés, mais ouvertes et non pas closes. Il bénit les familles, lieu premier et où l'on apprend la règle, mais par le jeu des mariages elles s'ouvrent aux
belles étrangères. L'Eglise et la médecine n'étant pas favorables aux mariages endogamiques !
Il arrive même qu'un électron libre, un garçon ou une fille poussé par l'Esprit de Jésus, à quitter sa famille, pour le service de l'Evangile ou pour le monastère qui s'il est un lieu riche en relations humaines belles (« Honorer tous les hommes », dit St Benoit, les accueillir tous comme si c'était le Christ!), est aussi un lieu plus secret et caché où l'homme apprend la relation intime avec Dieu ; ce qui n'est pas de la théorie, mais bien une pratique (si pauvre soit-elle, mais toujours désirante, commencée) prière de l'âme profonde, avec la parole de Dieu, avec les Psaumes, dans la forêt, dans le cloître, et avec des frères en n'oubliant pas de temps à autres de prier pour sa famille et pour beaucoup.
Pour finir par le plus beau: quand une petite fille ou un jeune garçon reçoit le Baptême, c'est une vie d'homme ou de femme qui commence une vie de relation belle et bonne avec le Dieu vivant, pour marcher avec lui sa vie durant, et, au-delà de la mort terrestre vers la Relation sans déclin.
Que le Seigneur nous bénisse et nous garde, qu'il nous conduise tous ensemble à la vie éternelle relationnelle. Amen! (2006-04-30)
Année B - 2° Dimanche de Carême - 8 mars 2009
Gen 22 1-18; Rom 8 33-34; Mc 9 2-10
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
On peut se demander pourquoi l’Eglise a-t-elle fait le choix de cet évangile de la Transfiguration du Seigneur pour la liturgie du 2ème dimanche de Carême. Le temps du Carême n’évoque-t-il pas pour la plupart des gens, et pour les chrétiens aussi, un temps de pénitence, de privation. C’est le temps du jeûne et de l’abstinence (on le met souvent en parallèle avec le Ramadan pratiqué par nos frères musulmans). C’est aussi un temps de prière plus prolongé et fervent, enfin c’est un temps de partage et de solidarité avec les plus démunis. Tout cela durant 40 jours qui conduisent à la fête de Pâques. Alors que vient apporter le récit de la Transfiguration sur ce chemin, pour nous ? Il y a là me semble-t-il une énigme à éclaircir et un enseignement à recueillir.
Une première explication peut nous venir des exégètes, ces gens qui scrutent avec soin les Ecritures et nous aident à bien les lire, à bien les entendre. Ils nous apprennent que l’Evangile de Marc est composé avec une grande précision, et que ce récit de la Transfiguration est placé très exactement au centre, où il joue un rôle de pivot. Il y a un avant, où l’évangéliste rapporte surtout le ministère de Jésus en Galilée (avec son enseignement et ses miracles, surtout de guérison de malades et de possédés), et il y a un après, où nous le suivons dans sa montée vers Jérusalem, en Judée, lieu de sa Passion et de sa Résurrection. Et puis, au cœur même du récit, donc vraiment au centre de son évangile, Marc a placé cette parole venue du Ciel : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le » qui fait renvoi au début et à la fin de l’évangile. Au tout début, avec le premier verset : « commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu », et presqu’à la fin, comme un sommet de tout l’évangile, avec la parole du Centurion romain, à la mort de Jésus sur la Croix : « vraiment, cet homme est le Fils de Dieu ». Triple attestation de l’identité de cet homme Jésus, à 3 endroits clé, sans oublier la scène du baptême dans le Jourdain. Il y a là pour nous une leçon à retenir. Le Carême est le temps où nous avons à reconnaître cette identité de Jésus Christ comme Fils de Dieu et à nous situer en vérité par rapport à la question qu’il nous pose à chacun : «pour vous, qui suis-je ? » Est-il oui ou non, vraiment le Fils de Dieu ?
Les exégètes nous disent par ailleurs que ce récit est encadré par 2 annonces de sa Passion et de sa Résurrection faites par Jésus à ses disciples . « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté, mis à mort, et que 3 jours après, il ressuscite ». Mais précise Saint Marc, les disciples ne comprennent pas ces paroles et ils ont peur d’interroger leur maître à ce sujet. Nous retrouvons dans notre évangile de la Transfiguration ces mentions de la Résurrection et cette incompréhension mêlée de frayeur chez les apôtres Pierre, Jacques et Jean.
Il est remarquable que l’évangile de Marc, à la différence des 3 autres, ne comporte que peu de développement ou de récits sur Jésus Ressuscité après sa Passion : seulement quelques versets où un ange, vêtu de blanc, annonce l’événement à des femmes bouleversées ; et l’évangile s’achève de façon abrupte. On peut alors se demander si le récit de la Transfiguration ne serait pas alors pour Marc le langage adapté pour dire par anticipation la victoire du Christ sur la mort, pour annoncer la Bonne Nouvelle de Pâques. En se manifestant à ses disciples dans un corps de Gloire, lumineux, vêtu de blanc, comme l’ange, et en accomplissant les Ecritures dans un entretien avec Moïse et Elie qui symbolisent une relecture de la Loi et les Prophètes. Lire ce texte de la Transfiguration, en ce 2ème dimanche de Carême, ce serait alors pour nous chrétiens l’occasion de nous demander entre nous, à la suite de Pierre, Jacques et Jean, descendant de la montagne, ce que peut bien vouloir dire « ressusciter d’entre les morts ». Que disons-nous, que vivons-nous, quand nous confessons le mystère de la Résurrection, comme nous allons le faire dans un instant en proclamant le Credo de l’Eglise ? Cette question nous pouvons la porter en contemplant Jésus transfiguré, et cela sans attendre le Jour de Pâques.
Le 3ème et dernier point que j’aimerais souligner et relever de cet évangile est l’ordre donné par la voix céleste aux disciples : « Ecoutez-le ! » Oui, le temps du Carême et par excellence le temps de l’écoute. Ecouter Jésus à travers les Ecritures, l’écouter à travers les événements de la vie, le reconnaître dans les rencontres, les partages, et puis aussi l’écouter dans le silence et la prière du cœur.
Nous le savons, il n’est pas si facile de bien écouter. Pour Pierre, Jacques et Jean et pour tous les juifs de tous les temps, ce commandement rappelle le commencement de toute prière, le Schéma Israël : « Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’Unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit ! »
En désignant Jésus comme le Fils Bien Aimé du Père, qu’il faut désormais écouter de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit, la Voix Céleste indique le nouveau chemin du Salut, la nouvelle Loi, qui, comme la première est une Loi d’Amour, mais une loi qui s’est incarnée et qui demande à s’incarner à nouveau en chacun de nous. C’est le Mystère de la Nouvelle et Eternelle Alliance qui s’accomplit et dont allons maintenant faire mémoire en cette eucharistie. (2009-03-08)
Année B – Carême – 1° Dimanche - 5 Mars 2006
Gn 9 8-15 ; 1 P 3 18-22 ; Mc 1 12-15
Homélie du F.Servan
Dans les trois lectures de ce dimanche nous avons affaire à des gens qui viennent de sortir de l'eau et précisons , qui viennent d'échapper aux eaux dangereuses, « sauvés à travers l'eau », que ce soit réellement (dans le cas de Noé et de sa famille), ou symboliquement, (dans le cas de Jésus, baptisé dans les eaux du Jourdain et par la suite, « pris pour de bon dans les eaux de la mort, puis rendu à la vie » - dans le cas aussi des chrétiens nouveaux baptisés auxquels s'adresse la lettre de Pierre)
Etre sauvés des eaux mortifères, c'est bien! Mais ensuite? Nous le savons, notre baptême, ce n'est pas un point d'arrivée, mais bien un point de départ, le bon départ d'une course, une mise sur orbite. L'image du chemin, de la route est d'ailleurs bien présente dans nos textes, avec le chant du beau Ps 24 et son refrain « Enseigne moi tes voies, Seigneur, fais-moi connaître ta route » ! Et dans un instant, le prêtre dira en notre nom « avec cette eucharistie, nous commençons notre marche vers Pâques », et la lettre de Pierre constatait: « être baptisé, ce n'est pas être purifié à bon compte, « à bon marché », c'est s'engager envers Dieu avec une conscience droite », et sur une route, qui à la suite du Christ ressuscité; s'en va jusqu'au ciel, à la droite de Dieu ».
Dans cette perspective, le Carême c'est un temps où les baptisés que nous sommes pressent un peu le pas et vérifient leur trajectoire, leur route. (D'ailleurs, au terme de ce temps d'exercice, à.la Vigile pascale, avec le symbole de l'eau, il y-aura renouvellement de nos engagements de baptisés) !
Comme l'Esprit a poussé Jésus vers l'épreuve des quarante jours au désert, aussitôt après son baptême; de même il nous engage dans les quarante jours du Carême pour un temps d'attention, de vigilance, de sobriété, de prière, d'écoute de la proclamation du Christ: « le règne de Dieu s'est fait proche, tournez-vous vers Lui et croyez à la bonne Nouvelle ».
Mais pour ce chemin, les lectures entendues nous invitent aussi à ne pas en rester à
une perspective trop étroite, étriquée, morale ou spiritualiste individualiste : mes petits efforts, mon exercice personnel, mais à les replacer dans de plus vastes dimensions. A travers eux nous prendrons part à ce qui est la grande affaire de la Bible, c'est à dire
l'ALLIANCE entre Dieu et l'humanité. Dans la première lecture, à propos de Noé sorti de l'arche, ce mot d'Alliance est revenu avec insistance (cinq fois au moins en peu de lignes) Si alors l'homme est encore relativement passif, par la suite il sera invité à s'engager de plus en plus lui aussi. Ainsi, au désert, Jésus s'engage pour de bon à être fidèle à sa mission et à ne pas s'en laisser dévier. A sa suite, les baptisés « s'engagent envers Dieu avec une conscience droite ». (Ce qui est une formule d'alliance) !
Autre dimension, qui nous parle assez bien aujourd'hui : la dimension cosmique. Dans
la même histoire de Noé, on précise et on insiste: alliance « avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous », y compris les bêtes sauvages! (Faut-il relier à cela la notation symbolique et originale de l'Evangile de Marc : « il vivait parmi les bêtes sauvages" ?)
La lettre de Pierre étend d'ailleurs à l'infini cette dimension cosmique : avec le Christ le salut va du séjour des morts jusqu'au plus haut des cieux: « descendu aux enfers, monté aux cieux ». Il a tout réconcilié, aux cieux, sur terre et aux enfers.
Pour finir sur un peu de concret, si, en sus de la sobriété dans la consommation et d'une attention renouvelée au respect de l'environnement , nous prenons conscience que nos temps de prière, des psaumes ou autres, sont aussi prière de l'Eglise, du peuple qui fait alliance, et davantage, de toute l'humanité, avec ses fièvres actuelles. Cela peut nous donner plus d'élan, de souffle; si enfin, nous veillons sur notre langue, cela peut contribuer à faire baisser le taux de paroles qui dans le monde actuel agressent l'autre et manquent par trop de sagesse et de mesure. Que l'Esprit nous inspire et nous guide! (2006-03-05) .
Année ABC - Messe de la nuit de Noël 2005
Is 9 1-6; Tit 2 11-14; Lc 2 1-14
Homélie du Père Abbé Luc
2005
Frères et soeurs,
Il me semble qu’en cette fête de Noël, il y a un mot important à retenir, un mot simple que l’on utilise tant de fois dans la vie courante, mais qui en cette nuit joue un rôle singulier...c’est le mot “avec”. Ce mot unit Dieu et nous. Il dit la manière par laquelle Dieu s’est fait proche des hommes. En Jésus, né à Bethléem, il y a 2000 ans, il a été “avec”nous. Tel est son nom : Emmanuel, “Dieu avec nous”. Dieu est venu pour être “avec” nous. Il n’est pas le Dieu loin de nous, ou le Dieu sans nous, le Dieu au dessus de nous, non, désormais en Jésus, nous avons l’assurance qu’Il est “Dieu avec nous”...
Oui, dans ce petit mot “avec”, se trouve une belle lumière pour notre foi en Dieu. Dieu a choisi de se faire proche de nous pour toujours, en Jésus, un homme de notre race, de la lignée de David, du peuple juif. Depuis 2000 ans, la fête de Noël nous redit cette certitude. Elle vient même nous provoquer à croire davantage en lui, en ce Dieu là, le Dieu avec nous.
Car peut-être en effet, sommes-nous toujours des mal-croyants, voire des incroyants devant ce grand mystère : Dieu avec nous en un homme...qu’est-ce que cela veut dire ?
Spontanément, il est plus facile de penser Dieu, tout autre, lointain que Dieu tout proche. Il est plus simple d’envisager Dieu tout puissant que Dieu tout vulnérable, petit en un enfant. Ainsi butons-nous souvent sur cette simplicité déconcertante de notre foi : Dieu est avec nous, il a voulu être un homme parmi nous en Jésus. Admettre cela vraiment n’est pas facile. Aussi, il n’est pas rare d’entendre ou de nous faire nous-même des réflexions du genre : si Dieu existe, s’il est Tout Puissant, pourquoi n’empêche-t-il pas tout ce mal, pourquoi ne guérit-il pas cette maladie, pourquoi ne délivre-t-il pas de la mort ? S’il est Dieu, pourquoi toutes ces souffrances sur notre terre ?
Autant de questions fortes et respectables tant elles expriment des souffrances difficiles à porter par beaucoup. Et on le sait, ces questions graves peuvent conduire nombre de nos contemporains à abandonner le chemin de la foi.
Mais cependant, est-ce cela la foi chrétienne ? Est-ce en ce Dieu-là que nous croyons ?
Non, la foi en Jésus-Christ, nous conduit plutôt vers la découverte d’un autre visage de Dieu. Dieu n’est pas le Dieu Tout-puissant qui balayerait toutes les souffrances humaines. Non, mais avec nous, il choisit plutôt de passer par la souffrance et par la mort, comme il l’a montré en Jésus, pour nous donner part à sa Vie divine. Ce Dieu avec nous accompagne chacun de nos pas en partageant toute notre destinée humaine. Il est allé jusqu’au bout de notre chemin, de la naissance à la mort, en prenant sur lui et l’humiliation injuste et la violence des hommes.
Oui frères et soeurs, cette fête de Noël nous rappelle que Dieu n’est pas là où nous le situons spontanément comme la solution à tous nos problèmes. Il est ce Père très bon qui délicatement vient à notre rencontre en son Fils Jésus. Il se glisse presque incognito dans notre monde. Loin de nous faire échapper à notre humanité et à tous ses poids, il vient avec nous les porter et nous apprendre à les assumer humblement. Il nous révèle que là se trouve toute notre dignité de fils de Dieu, d’enfants du Père. Il nous enseigne que notre vraie destinée ne s’arrête pas sur cette terre, car nous sommes promis à la vie en Lui. Comme nous le chanterons dans la préface : “Jésus le Fils de Dieu devient tellement l’un de nous que nous devenons éternel”. C’est l“échange merveilleux” qui nous donne à notre tour d’être pleinement avec Dieu. Dieu avec nous, nous avec Dieu, c’est là notre foi, c’est là notre avenir.
Et dans le présent, me direz-vous ? Dans le présent, le Christ ressuscité a promis d’être avec nous jusqu’à fin des temps. Il désire marcher avec nous et nous offrir son Amour. Par sa Parole, il frappe à la porte de notre liberté. Par son Corps et son Sang, il nous invite à sa table. Par son Esprit Saint, il accompagne nos choix et nos activités humaines. Par le frère ou la soeur rencontré, il nous interpelle pour vivre l’échange.
Frères et soeurs, en Jésus Christ, Dieu reste avec nous, accueillons-le. Car il désire que nous soyons vraiment avec lui, pour sa plus grande joie et pour la nôtre.
(2005-12-25)
Année ABC - Fête de l'Immaculée Conception - 8 décembre 2005
Gen 3 9-15; Eph 1 3-6,11-12; Lc 1 26-38
Homélie du F.Servan
Donc en ce jour, nous fêtons Marie, bien sûr, mais aussi plusieurs d'entre nous: les frères Romaric et Marian dont c'est le jour de fête et quelques anniversaires de profession: frère Jean de la Croix à Landévennec, et frère Servan.
De ces bons frères on peut affirmer - sans risque de se tromper - qu'à la différence de Marie, la toute pure, ce sont des pécheurs (même si je ne saurais dire dans quelle proportion) ! Mais les pécheurs - surtout par temps froid, ils savent se réfugier là où il fait chaud, c’est à dire sous le grand manteau de Marie, la Mère du Sauveur, ainsi qu'on le voit sur maintes représentations ou tableaux du Moyen Age. « Sub tuum refugium confugimus » - « Sous l'abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu! »
- Est-il besoin de préciser que ce manteau de Sœur Aînée et de Mère, est lui-même recouvert comme un dais par le bien plus grand manteau de notre Dieu, fait tout à la fois de transcendance (« Tu as pour manteau la lumière ». Ps l03) et de «Rahamin », de tendresse d'entrailles maternelles. « Son Amour s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent ».
- Et nos frères pécheurs, ils restent là bien au chaud, en attendant que de plus savants se soient un peu accordés sur ce qu'il en est au juste du mystérieux péché originel (structurel? existentiel? bien réel !) - L'hiver risque d'être long !
- Quoi qu'il en soit, la Réalité contemplée en ce jour, c'est d'une part cette oscillation de l'humanité entre Bien et Mal et d'autre part, Marie, fille de Sion, fleur d'Israël, qui, elle, a toujours été non refus à son Dieu, à travers les événements heureux ou douloureux, où en son Fils se réalisait le dessein de Salut
pour l'humanité.
A partir de ce non Repliement sur soi, Marie est un être de louange qui, nous tournant vers son Fils (qu'elle désigne sur l'icône) nous entraîne à la louange, à la jubilation. Alors en accord avec la tonalité de joyeuse Espérance de ce temps de l'Avent, nous qui sommes pécheurs, à l'occasion de cette fête de la Sainteté de Marie, progressons de plus en plus dans la louange. Notre foi chrétienne c'est bien de croire que là où le péché a abondé, la grâce a surabondé et si les frères mentionnés sont des pécheurs, ce sont aussi des Saints, en apprentissage.
Ep 1, 3-10
Il nous a bénis dans le Christ
3 Qu'il soit béni, le Dieu et Père
de notre Seigneur, Jésus, le Christ !
Il nous a bénis et comblés
des bénédictions de l'Esprit,
au ciel dans le Christ.
4 Il nous a choisis, dans le Christ,
Avant que le monde fût créé,
Pour être saints et sans péchés devant sa face
Grâce à son amour.
Année ABC - Messe de la fête de la Toussaint - 1 Novembre 2005
Ap 7 2-4, 9-14; 1 Jn 3 1-3; Mt 5 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
2005
Frères et soeurs,
Pour évoquer cette fête de la toussaint, je me suis souvenu d’une image, d’une photo, en forme de poster, que certainement plusieurs d’entre vous connaissent aussi.
C’est l’image d’un visage qui de loin ressemble à tous les visages humains...et cependant au fur et à mesure que l’on s’en approche pour le regarder de plus près, on découvre en fait que ce visage est composé de milliers de petits visages de toutes races.
Oeuvre étonnante qui veut dire quelque chose du mystère du Christ. Une belle icône de la technique moderne...
Cette image convient bien pour éclairer cette fête de la Toussaint. Aujourd’hui nous nous souvenons de tous ces visages, saints connus et saints inconnus, qui ont laissé briller sur eux un reflet de la lumière du Christ.
Ces hommes et ces femmes, ces enfants et ces anciens, sans le savoir peut-être, ont donné visage au Christ dans notre monde. Grâce à eux, la vie de Dieu a tracé son sillon de lumière envers et contre tout. Notre humanité a laissé entrevoir son vrai visage, celui du Christ. Si nous regardons de trop près, nous ne voyons rien, que des visages parmi d’autres visages. Mais si nous prenons du recul, comme en cette fête de Toussaint, nous réalisons qu’en fait tous ces visages montraient le Christ. “Dès maintenant nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous sommes ne parait pas encore clairement” disait Jean.
Si pour nous les choses restent encore en clair obscur, encore voilé, en cette fête, nous entrevoyons dans la foi que ces hommes et ces femmes participent déjà à la vie plénière du Christ et qu’ils nous devancent sur ce chemin de la rencontre. Heureux les pauvres, heureux les doux, heureux les artisans de paix, heureux les coeurs purs nous assure Jésus.
Ce qu’ils sont n’est pas de cette terre uniquement, cela ne peut se perdre : le Royaume des cieux est à eux... Jésus nous demande de savoir regarder en même temps de proche et de loin dans le même moment. Là où les faits sembleraient nous détourner de l’espérance en un avenir meilleur, Jésus au contraire montre que la voie est ouverte. Ceux qui pleurent, ceux qui luttent pour la justice, la paix, ceux qui sont persécutés, loin d’être dans un impasse ouvre le vrai chemin vers la vie qui ne finit pas...
Il nous est bon en cette fête, de nous familiariser avec ce double regard, de proche et de loin. Surtout pour veiller à ne pas les opposer. Jésus nous invite à regarder au plus proche les situations difficiles sans nous en détourner. Il nous encourage plutôt à tenir bon et à les traverser. Il nous invite pour cela à fixer aussi notre regard au plus loin, vers la vie promise. Non pas une vie qui gommerait tout, mais une vie riche de ces passages affrontés et traversés, une vie qui laisse éclater la Vie de Dieu qui était déjà à l’oeuvre.
Il y a encore une autre manière, en ce jour, pour nous familiariser avec le regard de proche et de loin...c’est dans la manière de regarder le frère, la soeur, mon conjoint, mes enfants à côté de moi...Comme, devant le poster, nous risquons toujours de regarder nos proches de trop près...et alors ce sont les détails qui crèvent nos yeux, et le plus souvent même les défauts...Le regard de près risque vite de nous encombrer et de nous faire manquer la grâce de celui, de celle qui est à côté de moi. Si nous prenons un peu de recul, nous pouvons alors mieux voir combien chacun porte en lui un trait merveilleux du visage du Christ, et que s’il manquait, ce visage serait incomplet...La sainteté du Christ rejaillit sur chacun de nous les croyants qui en manifestons des aspects variés et infinis. A regarder de trop près, nous risquons toujours de l’oublier.
Prenons un peu de recul les uns par rapport aux autres, par rapport à l’habitude, par rapport aux images toutes faites, ou par rapport aux énervements quotidiens. Apprenons à reconnaître l’autre dans ce regard de foi, il est porteur d’un trait du visage du Christ.
Cela c’est la Toussaint tous les jours...!!! (2005-11-01)
Année A - 30° Dimanche du Temps Ordinaire - 23 Octobre 2005
Ex 22 20-26 ; 1 Th 1 5-10 ; Mt 22,34-40
Homélie du F.Servan
S'il est un jour où - sans fausse modestie - il convient de se déclarer « tout petit »,c'est
bien ce dimanche où l'on entend rappeler le grand (les deux grands) commandement :TU AlMERAS! Ici, nous sommes tous des commençants, des recommençants peut-être, espérons-le des progressants.
D'autre part, si Jésus fait ici « très court » ( son rappel de l'essentiel de la Loi pourrait tenir sur un timbre-poste), on se sent un peu gêné de délayer cela sur une page 21/29,7 ; cela qui n'est pas tant à commenter qu'à pratiquer !
S'il faut faire quelques notations (pour remplir la pape A4), on peut relever par exemple le
double "Tu aimeras ". Dans l'original grec, c'est le verbe « agapao ». Donc I'amour-agapé, mot si fréquent dans la septante et le Nouveau Testament. Même s'il peut entrer en composition avec EROS (l'amour qui désire et saisit ce qui lui apparaît bon et désirable), il s'en distingue puisque Agapé c'est l'amour qui se tourne vers l'autre pour lui faire du bien, lui donner de soi, de ses biens, de son temps, de son attention, et parfois jusqu'à sa vie peut-être aussi qui reçoit avec reconnaissance l'amour de l'autre (mais c'est peut-être alors Agapé plus Philia : l’amour d’amitié !
Quoi qu'il en soit, c'est bien que ce verbe soit au futur: « Tu aimeras » (en Hébreu, le verbe est à l'inaccompli); plutôt que l'impératif catégorique : « tu dois aimer » c'est un programme qui fait appel à notre liberté, créativité, une route royale qui s'ouvre où marcher, avancer, parfois faire des faux pas, repartir, peut-être courir (une action qui dure).
Autre notation: concernant la valorisation du deuxième commandement qui devient « SEMBLABLE » au premier. Vous savez tout ce que Jésus a dit là -dessus : « et qui donc est mon prochain ? » Celui dont tu te fais proche ! Dans le Sermon sur la Montagne il a poussé le bouchon vraiment loin jusqu'à l'adversaire, l'ennemi. A dire vrai, ce faisant il a « accompli », parfait, le meilleur de la tradition de son peuple. Rappelez-vous la première lecture, du livre de l'Exode : et peu de temps avant Jésus, à un païen pressé désireux d'apprendre l'essentiel de la Loi dans le temps qu'il
pouvait rester sur un pied, Rabbi Hillel répondait: « C'est facile, ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse, ne le fais pas à ton prochain. C'est là toute la Loi .Le reste n'est que commentaire. Après Jésus, un de ses disciples écrira: « Si quelqu'un dit : « J'aime Dieu et qu'il hait son frère, c'est un menteur ; en effet, celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, ne peut aimer Dieu qu'il ne voit pas » ! (1 Jn 4, 20) l'amour « semblable » devient contrôleur d'authenticité!
Dernière notation! Aujourd'hui, les chrétiens, plus ou moins titillés par le Dr Freud et Cie (mais le bon sens pourrait suffire) soulignent que dans cet évangile, s'il y a deux commandements, il a trois objets d'amour : ils entendent : « tu aimeras ton prochain comme tu t'aimeras toi-même ».
Eh oui ! ce cher Moi-même! « Nul n'a haï son propre corps, au contraire, on en prend soin » dira l'Apôtre à propos de l'amour entre l'homme et la femme. Et cet amour de soi inclut sans doute la réalité du plaisir « Ah! Le bon pain du F.Epiphane: le bon fromage de la Pierre-qui- Vire! »
Ici, l'évangile et l'Esprit saint (et probablement saint Thomas d'Aquin) nous apprennent à distinguer entre le gros « MOI-JE » qu'il convient de mettre à la diète, voire de faire périr (« perdre sa vie ») et un autre Moi-même plus authentique, créé à l'image de Dieu, confiant en lui et en la vie par Lui donnée, un Moi « fils et frère » qu'il faut faire renaître, grandir, encourager (en écartant culpabilité diffuse et dépréciation de soi).
« Tu aimeras! » c'est le programme, comme une tresse à trois brins, non pas tressée mollement et tout facilement, mais de notre enfance à notre mort, tressée avec l'Esprit saint, à travers des choix, des combats, des réajustements, du bonheur et de la peine. « Quand nous serons nourris de ton corps et de ton sang et remplis de l'Esprit Saint, accorde-nous, Seigneur, par cette 'Eucharistie de grandir dans l'Amour » (2005-10-23)
Année A - 28° Dimanche du Temps Ordinaire - 9 octobre 2011
Is 25 6-9; Ph 4 12-14,19-20; Mt 22 1-14
Homélie du F.Servan
Nous venons d'entendre un évangile ... qui souffle et le chaud et le froid, manie
et la carotte et le bâton (pour parler un peu familièrement).
Le chaud : « vous êtes tous invités - c'est gratuit! – merci » ! Et invités au plus beau et définitif des repas: le repas messianique si bien évoqué par le prophète Esaïe (dans la première lecture): « ce jour-là le Seigneur de l'univers préparera pour tous les peuple un festin de viandes grasses et de vin capiteux » repas de noces, des noces de Dieu avec l'humanité « heureux celui qui prendra place à table dans le royaume de Dieu » s'écriait un auditeur de Jésus et avec la venue du fils: « voici, tout est prêt » !
Le froid: c'est le sévère avertissement final, avec cet homme qui se fait jeter dehors, pieds et poings liés ( et l'évangéliste de souligner en rouge, avec ces sentences qu'il aime répéter: « pleurs et grincements de dents, beaucoup d'appelés mais peu d'élus ». Avertissement de Matthieu pour la communauté chrétienne de son temps: « Il y a eu refus de la part de la majorité des responsables du peuple de la première alliance, l'invitation s'est alors tournée vers tous les paumés et les païens: « allez donc aux croisées des chemins, tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noces ! ». Mais, si large, universel et gratuit est désormais l'invitation aux noces, que les chrétiens ne se prennent pas trop vite pour des élus: pas de grâce à bon marché! Que le sel de l'évangile ne s'affadisse pas dans la tiédeur et la médiocrité!
L'avertissement est toujours valable aujourd'hui, mais sans retomber pour autant dans cette pastorale de la peur dont les églises chrétiennes ont trop abusé dans le passé! Plutôt que de parler de jugement comptable et de quelque lieu de « pleurs et de grincement de dents » (c'est une image comme en aiment les sémites). Crainte servile et stérilisante, mieux vaut regarder le Christ, le Fils dont on célèbre les noces qui sans cesse relève et relance le dynamisme de nos vies au long des jours, jusqu'à la rencontre désirée: « se tenir debout devant le fils de
l'homme ».
Et mieux vaut parler du vêtement de noces qu'il importe d'avoir, non pas tissé avec nos petites vertus, mais avec nos vies quotidiennes ouvertes au Christ et à sa parole, de notre être intime revêtant le Christ » (dans la bible la symbolique du vêtement est importante: elle signifie la qualité profonde et l'orientation de l'être). Rappelons le beau répons que l'on aime chanter: « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Alléluia "( Gal 3,27) Pas seulement la belle robe blanche de nos baptêmes, mais ce qui suivra le baptême
tout au long d'une vie où l'on fait certes des faux pas, avec des somnolences, mais où l'on ne se moque pas de Dieu ni des hommes, ni de son Christ et de sa parole.
« Dépouillez-vous du vieil homme qui se corrompt sous l'effet de convoitises trompeuses », nous dit encore saint Paul, et revêtez l'homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté. Ne contristez pas le saint Esprit » (pour plus de détails sur le programme allez voir le chapitre 4 de la Lettre aux Ephésiens)
Paul nous dirait encore: « ce qui compte ce n'est pas le sans faute, mais la foi au Christ agissant par amour »", au long des jours.
Notre robe de baptême, notre vêtement de noces, de temps à autres nous le lavons en enlevons les tâches, déjà en venant à l'Eucharistie du dimanche, sans négliger pour autant le sacrement de réconciliation:
« Ils ont lavés leurs robes, les ont blanchies dans le sang de l'Agneau » Apoc 7,15
« Vite, apportez la plus belle robe et habillez le » Lc 15
Au soir de ce dimanche, aux Vêpres, les frères de la communauté chanteront de bon cœur ce Cantique de l'Apocalypse
« Alléluia. Elles sont venues les noces de l'Agneau
« et pour lui son épouse a revêtu sa parure. » ( Apoc 19)
Et, aux Complies, dernière prière avant d'aller se coucher, cet autre beau chant:
« Près de Toi se trouve le pardon / toute guérison et toute grâce /
Tu entends ma voix au fond de mes impasses »
« Bienheureux celui qui veillera
Quand tu paraîtras nimbé de gloire
Tu l'inviteras, lui dresseras la table qu'il prenne la plus belle place » (2011-10-09)
Année A – 26° dimanche du Temps Ordinaire - 25 Septembre 2005
Ez 18 25-28 ; Ph 2 1-11 ; Mt 21 28-32
Homélie du F.Servan
Voici donc un Evangile assez bref, et je pense, assez clair (qui ne se trouve que dans l'Evangile selon Mathieu). S'il faut y faire écho, pour peut-être mieux le recevoir, relevons simplement telle ou telle expression.
Déjà: « Un homme avait deux fils»
Cela nous fait penser à une autre parabole, plus longue et plus célèbre, celle du
Père prodigue et de ses deux fils (en Luc, chapitre 15). Vous noterez d'ailleurs que cet Homme, ce Père, ici, dit: « Mon enfant... », C'est une invite plus qu'un ordre et une contrainte: une fois de plus, le Dieu de la Bible respecte la liberté de l'homme, la sollicite ... et puis encore prend patience parfois longuement, car le« s'étant repenti, ensuite il y alla », çà peut être au bout d'une heure (comme chez l'enfant boudeur), mais aussi bien au bout de 30, 40, 50 ans et plus encore.
La Règle de St Benoît nous le rappelle:
« Le Seigneur attend de nous que nous répondions chaque jour par nos actes à ses appels» « Vois comment tous les jours de ta vie qui se prolonge, la patience de Dieu et sa compassion te convient! »
Faut-il rappeler ce que recouvre l'expression: « Travailler à la Vigne» !
Disons rapidement que c'est vivre nos vies d'hommes et de femmes, quels que soient nos situations, nos âges, nos engagements, dans la lumière et sous l'autorité, le dynamisme de la Parole de Dieu. (C'est pourquoi dimanche après dimanche, on revient l'entendre, et parfois un peu plus)
«Travailler à la Vigne»: c'est faire la Volonté du Père à la suite du Christ, Serviteur, dans l'entrelacs de la Parole de Dieu et des événements de notre vie. Mais comme dans ce beau sport, nous ne sommes pas toujours des champions ! Nous regardons l'expression : « se repentir» (qui est revenue deux fois dans ce passage d'évangile).
« S'étant repenti, il y alla »
« Mais vous, vous ne vous êtes pas repentis »
Si vous le permettez, nous ferons ici un peu de grec (non pas pour jouer au savant, mais pour honorer le F. Basile qui, lorsque nous étions ensemble sur les bancs de l'école, était toujours le premier en version grecque !). Le terme grec original, c'est donc:« metkelté» avec un préfixe« metk» (après, ensuite) comme on parle de « métaphysique» (ce qui dans la connaissance de l'être. Vient après les sciences physiques) ou encore de métamorphose (une forme qui succède à une autre).
Melete ou (mel-theik) c'est réflexion, exercice de méditation, donc le repentir, c'est un changement d'avis, de point de vue, qui va enclencher un changement de comportement. Cela rejoint la fameuse conversion, la métanoïa de nos Evangiles. Ce qu'il faut bien voir, c'est que le repentir, c'est différent du remords ou du regret, plus expressions de la culpabilité et plus tournés, tristement vers le passé (ce qu'on a vécu, ce qu'on a raté, l'échec).
S'il faut continuer les jeux de mots, on pourrait dire que le repentir, çà fait repartir vers l'avenir, alors que le remords, çà mord et cela a un goût de mort. (Et nous tous, peu ou prou, fragiles et pécheurs, nous donnons parfois du grain à moudre à ce moulin!
Ecoutons le poète!
Pouvons-nous étouffer le vieux, le long remords,
Qui vit, s'agite et se tortille, et se nourrit de nous, comme le ver des morts,
Comme du chêne la chenille?
Pouvons-nous étouffer l’implacable remords?
BAUDELAIRE, bien sûr les Fleurs du Mal, « Spleen et idéal»
Après le poète, et le psychologue
Le remords est la douleur cuisante et comme l'indique le mot, la morsure qui torture le cœur après une action coupable.
Le repentir est une tristesse de l’âme: le remords est une torture et une angoisse.
Le repentir est presque déjà une vertu;
P. Janet. Traité de psychologie p. 655
(Et une sœur moniale me disait récemment ) : Certes dans le repentir, il y a bien aussi une part de tristesse et de combat, mais qui éclairée par la Parole de Dieu et l’Esprit Saint, fait passer - repartir avec courage. Ce Repentir, ce repartir qui nous retourne vers notre Père et nos frères, c'est vraiment notre vie chrétienne.
Nous y aide bien sûr grandement ce regard sur le Christ Serviteur (que nous a si bien rappelé la deuxième lecture) et peut-être aussi l'exercice entraînant de tels de nos frères et sœurs quand on voit des pécheurs, publicains, prostituées ou autres, croire à la Parole et changer de direction.
Frères et sœurs, on parle des Jeux Olympiques, c'est bien! Mais que le Seigneur nous fasse tous prendre part à cette Bonne Course du Repentir- Repartir! (2005-09-25)