Homélies
Liste des Homélies
Année C - 2° Dimanche de Pâques - 11 avril 2010
Ac 5 12-16; Ap 1 9-19; Jn 20 19-31
Homélie du F.Servan
"C'était le soir du premier jour de la semaine"
Depuis les origines, les communautés chrétiennes se rassemblent (font église) le premier jour de la semaine (jour de la création, au récit de la Genèse - et le premier jour, c'est" que soit la Lumière! " ... " et Dieu sépara la lumière et les ténèbres" (voyez la grande Croix derrière moi !) ... premier jour! "Voici le jour que fit le Seigneur alleluia!" ... mais jour aussi de la nouvelle création, dans le souffle de l'Esprit et la rémission des péchés) jour qui va s'appeler de plus en plus le " jour du Seigneur" (Apocalypse). Le Seigneur = en latin c'est" DOMINUS " ... d'où notre Dimanche (dies dominica) . ... à Jérusalem, le groupe des disciples se rassemble, d'abord calfeutré dans une maison, puis au grand jour, sur l'esplanade du Temple sous la colonnade de Salomon" tous les croyants, d'un seul cœur "
Puis, vers la fin du premier siècle, ... jour de la vision inaugurale du voyant de l'Apocalypse, le jour même où les sept églises (sept petites communautés dans les cités grecques et cosmopolites d'Asie mineure avec lesquelles il est lié ... mais sept, c'est aussi l'universalité des églises !)
Et nous, aujourd'hui, avec tant d'autres de par le monde, nous prenons le relai aujourd'hui.
Huit jours plus tard (donc encore le premier jour de la semaine) Jésus est de nouveau là au milieu d'eux ( au milieu de nous) ... avec cette fois Thomas l'incrédule (Un disciple qui pourtant aimait bien son Maître,
puisque peu de temps avant la Passion il avait dit :" Allons y ... allons vers Béthanie et Jérusalem et mourons avec lui".
L'on sait que pas mal de gens se disent disciples de Thomas ( première manière) de celui qui déclare: moi, je ne crois que ce que je vois : " si je ne vois ... si je ne mets ... si je ne touche ... " ... mais ils devraient
aussi imiter Thomas (deuxième manière), celui qui à partir du visible (Jésus le crucifié, avec ses plaies, ses blessures par lesquelles nous sommes guéris ( France Quéré écrivait :" Il ne se fait pas reconnaître à son visage mais à ses blessures. Il pense aussi aux nôtres lorsqu'il souffle sur ses disciples ") De ce visible ... Thomas fait un saut, un bond de géant vers l'invisible de la foi " Mon Seigneur et mon Dieu " ... et St Augustin de commenter:" il a touché l'homme et il reconnaît Dieu"
(Faut-il signaler ici, comme en passant, que, pour la réflexion chrétienne récente, après St Paul, Martin Luther, Maurice Zundel et bien d'autres, cet homme avec ses blessures de crucifié colore, voire modifie profondément ces notions et ces mots de Seigneur et de Dieu! Seigneur, comment ? .. Dieu, comment ?.Theologia crucis ... )
De nous, maintenant, qui n'avons pas eu comme Thomas cette vue du Crucifié Ressuscité, il est dit : " Heureux ceux qui croient sans avoir vu " (mais qui croient ... les témoins qui nous ont transmis :" Nous avons vu le Seigneur et avec lui nous avons relu les Ecritures". " Sans avoir vu " ... Oui ... et cependant, dans nos liturgies, nos célébrations du dimanche, ne sommes-nous pas entraînés et aidés à faire ce même passage du visible à l'invisible (Registre du symbole et du sacrement) en prenant appui sur des choses sensibles (auditives (paroles, chants) ou visibles( gestes, images, couleurs ... ) !
"II était là au milieu d'eux (visible) - Il est là au milieu de nous (invisible mais bien présent !) Sur cette présence du Christ dans nos célébrations ... vous pourriez relire quelques phrases excellentes du Concile Vatican II ! (liturgie S C 7)
Il est là bien sûr pour nous tourner avec Lui vers son Père et notre Père dans un instant ce sera la Prière Eucharistique) mais qui commencera par" Le Seigneur soit avec vous" comme cela a été dit au début de la messe ... et ailleurs encore ...
Après l'Evangile proclamé et encensé, l'on nous a dit :" Acclamons la Parole de Dieu!" ... mais nous n'avons pas répondu " Amen Amen alléluia" ou je ne sais quoi ... mais bien" Gloire à TOI Seigneur !" (il est là présent dans sa parole).
Après les paroles du Mémorial sur le pain et le vin où le prêtre en quelque sorte prêtera sa voix au Christ pour redire" Ceci est mon corps livré ... mon sang versé" ... nous acclamerons celui qui est présent: "Gloire à TOI qui était mort - gloire à Toi qui es vivant"
Après le Notre Père, nous lui dirons :" Seigneur Jésus, TOI qui as dit à tes disciples" Je vous laisse la paix je vous donne ma paix ... " (dans l'Evangile de ce dimanche par deux fois Jésus a dit " la paix soit avec vous" ) -
A la communion, nous avancerons avec des gestes de respect (car Il est présent surtout là dans le pain et le vin consacrés par l'Esprit saint) et en disant" Seigneur, je ne suis pas digne de TE recevoir. .. "
Pour finir nous n'oublierons pas les deux si belles litanies chantées du Kyrie-Christe et de l'Agnus Dei. Où avec affection (d'où les vocalises) on s'adresse au Christ présent ... et il me semble que l'on peut facilement les mettre en relation avec les deux images que nous avons dans nos lectures de ce Dimanche. Avec le Kyrie eleison, ... la vision de l'Apocalypse : " je vis sept chandeliers d'or (image liturgique) et au milieu d'eux comme un fils d'homme; vêtu d'une longue tunique -(la belle tunique sacerdotale et royale comme on peut en voir sur ces grands crucifix romans du IXe au XIIe s )- " Seigneur Jésus élevé dans la gloire du Père où tu
intercèdes pour nous prends pitié de nous!"
Avec l'Agnus Dei " Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ... donne-nous la Paix", c'est l'image de l'Evangile de ce dimanche: " il leur montra ses mains et son côté et leur dit de nouveau: la paix soit avec vous !"
Frères et sœurs, sans oublier le rôle modeste mais bien visible des bouquets de fleurs que l'un de nous a disposé avec foi avec goût et pour dire la joie (" les disciples _ furent remplis de joie " ... et nous aussi ... nous la redisons avec des fleurs) ... , jetons un dernier regard sur la grande croix de lumière qui est dans mon dos. Nous n'avons pas ici de saintes icônes comme nos frères des églises orientales ... mais cette grande toile est tellement forte et parlante! Ce n'est pas seulement une belle œuvre d'art, comme dans un musée mais une image qui nous dit : " Sois sans crainte, Je suis le Vivant; j'étais mort, mais me voici vivant, vainqueur de la mort et de tout le noir ... en vous et autour de vous ... et où chacun de nous peut mettre ses propres expériences de vie humaine et chrétienne.. Quand par la main du Seigneur et avec l'aide de nos frères et de nos sœurs, nous traversé l'épreuve.
"Voici le jour que fit le Seigneur " où nous recevons la Paix du ressuscité, avec mission de la répandre autour de nous: moi aussi je vous envoie!" (2010-04-11)
Année B - Dimanche de Pâques - messe du Jour - 4 avril 2010
Ac 10 34-43; 1 Co 5 6-8; Jn 20 1-9
Homélie du F.Guillaume
Peu de temps avant sa mort, on posa cette question à Confucius, le Grand Sage de la Chine : « mais à quoi passeriez-vous votre vie, si elle était à refaire ? » Et Confucius de répondre simplement : « si elle était à refaire, je passerais ma vie à réinventer la signification originelle des mots »
Frères et sœurs, en ce dimanche de Pâques, où nous célébrons dans la foi et dans la joie, la Résurrection du Christ, notre Seigneur, arrêtons-nous un instant, si vous le voulez bien à la signification originelle de ce mot de résurrection. Quel sens lui donnons-nous, à partir de notre expérience de croyant, à la lumière des Ecritures, et en confrontation avec l’expérience des premiers témoins : Marie Madeleine, Pierre, Jean, Paul ?
Saint Paul nous en avertit dans sa lettre aux Corinthiens : « si le Christ n’est pas ressuscité, votre prédication est vide, et vide aussi votre foi : vous êtes encore dans vos péchés ».
Ce mot de résurrection provient du verbe ressusciter, qu’il conviendrait mieux de prononcer re-susciter, c’est-à-dire susciter à nouveau ou de nouveau. Avec l’idée que confère le préfixe « re », soit d’un retour en arrière, restauration d’une situation antérieure, soit au contraire de renouvellement, de recommencement, voire de re-création pour une situation totalement inédite et différente de toutes les situations précédentes.
Le verbe « susciter » évoque aussi la naissance, l’éveil à un monde encore inconnu, en rapport avec la vie. Jésus d’ailleurs n’a-t-il pas associé les deux termes quand il dit à Marthe, à la mort de son frère Lazare : « Je suis la Résurrection et la Vie » ?
Ainsi l’étymologie de ce mot de résurrection nous place dans le registre vital du temps et de l’histoire, selon les dimensions du passé, du présent et de l’avenir.
Entre le passé et le présent, il définit une rupture, une rupture instauratrice, qui conserve quelque chose d’essentiel du passé. Christ ressuscité, au matin de Pâques et après Pâques, est à la fois le même et un autre pour les disciples qui l’ont connu avant sa mort sur la Croix. Marie Madeleine dans le jardin le prend pour un jardinier, les pèlerins d’Emmaüs cheminent avec lui sans le savoir. Et les pêcheurs de Tibériade ne reconnaissent pas immédiatement l’étranger sur le rivage, près du feu. C’est dire que le Corps glorieux du Christ ressuscité et différent de celui qui parcourait les routes de Palestine, en enseignant les foules et guérissant les malades. Pourtant il garde les marques de sa Passion, et Thomas, l’incrédule, pourra le reconnaître en avançant sa main et en la portant dans le coté transpercé de son Seigneur. Ce toucher sera refusé à Marie Madeleine : Jésus l’invite à entretenir désormais avec lui un nouveau type de rapport où le corps est investi autrement que par le contact sensible. Elle a pour mission d’annoncer par la parole et dans la foi le message de la Résurrection aux apôtres.
Pour les disciples d’Emmaüs, c’est à la fraction du pain que le Christ ressuscité se fait reconnaître, tout en disparaissant aussitôt à leurs yeux de chair. Là encore, invitation à un nouveau rapport, dans le mystère sacramentel de l’eucharistie, où le Christ Ressuscité présent réellement en son Corps et en son Sang, se donne dans les signes du pain et du vin : nouveau contact, nouveau toucher.
Mais si la Résurrection instaure une certaine rupture avec le passé, elle entraîne dans le même mouvement l’ irruption du monde humain, terrestre dans le monde divin, céleste, dans le Royaume annoncé et promis. Elle engage alors un nouveau rapport aussi entre le présent et l’avenir, entre le déjà-là et le pas encore.
Saint Paul dans la seconde lecture que nous avons entendue aujourd’hui nous l’affirme : « du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. C’est en effet en haut qu’est votre but, non sur la terre ; en effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors, vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire ».
Notre propre résurrection est ainsi engagée dès maintenant avec celle du Christ. Nous sommes entrés avec lui, par le baptême, dans le Royaume, dans la vie éternelle. Nous avons part à la connaissance du mystère de la mort et de la résurrection du Christ, à partir du moment où, comme le disciple Jean, nous croyons, même sans avoir vu. Et nous sommes appelés à vivre dans l’Esprit Saint une vie nouvelle, une nouvelle création.
La résurrection implique une tension entre le déjà-là du Royaume inauguré par elle, et le pas-encore du Royaume achevé du Dernier Jour. L’enjeu de cette tension se situe dans la responsabilité de notre engagement présent, ici et maintenant. Elle met en acte notre espérance, « une espérance pleine d’immortalité », comme le disait déjà le livre de la Sagesse, dans l’Ancien Testament. Car, « si nous avons mis notre espérance dans le Christ pour ce monde-ci seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non, Christ est ressuscité, prémisse de tous ceux qui doivent aussi ressusciter avec lui au Dernier Jour ». Il nous faut alors espérer contre toute espérance, comme Abraham quand il fut soumis à l’épreuve. Il nous faut croire à l’impossible qui reconstitue un réel plus réel que toutes les réalités de notre imaginaire. Il nous faut enfin aimer de cet amour qui nous vient de l’Esprit Saint et qui est la puissance première et dernière à l’œuvre dans la Résurrection.
Croire à la Résurrection, c’est donc croire au poids de ce qui fait l’importance de notre vie : les événements, les rencontres, les expériences profondes que nous pouvons faire ici-bas, sans nous y attacher outre mesure, car la figure de ce monde est appelée à passer. Tout sera suscité à nouveau, re-suscité : notre vie sera reprise et récapitulée dans le Christ, dans la lumière et la communion définitives, dégagée de tout péché, quand le Christ soumettra tout à son Père et qu’il sera tout en tous.
Méditer sur le mystère de la Résurrection, ré-inventer la signification originelle du mot, c’est donc être invité à porter un regard sérieux sur notre existence, lui donner un sens, au-delà des échecs, de l’absurde, du péché et des petites morts que nous connaissons tous plus ou moins.
Sans déserter le quotidien, c’est vivre dans l’attente, dans la confiance et l’espérance. C’est croire en vérité à ce que nous allons confesser tous ensemble dans un instant :
« j’attends la résurrection des morts et j’attends la vie du monde à venir ». AMEN (2010-04-04)
ANNEE C – 2° DIMANCHE DE CAREME - 28 février 2010
Luc 9, 28-36 - La Transfiguration
Homélie du F.Hubert
Il y a deux semaines, f. Jean-Noël nous disait que les Béatitudes étaient une balise de lumière, avant l’entrée en carême. L’évènement de la Transfiguration en est maintenant une autre, combien précieuse, qui nous tourne vers l’accomplissement et vient confirmer la justesse des choix de Jésus.
Nous l’avons vu, dimanche dernier, éconduire le démon en choisissant, dans l’épreuve, la fidélité à son Père. Il a refusé d’être Fils de Dieu à son compte, de ne plus dépendre du Père, ne plus être en communion avec lui, en fait, ne plus être Fils.
La Transfiguration vient attester qu’il est effectivement « bienheureux » et transfiguré d’une lumière éclatante, ce Jésus qui a fait un tel choix ; elle vient attester que nous pouvons lui faire confiance, et que nous serons nous aussi, bienheureux et transfigurés, si à sa suite, nous sommes fidèles à notre Père. Mais, ces choix, cette fidélité, n’ont rien d’évident pour nos cœurs d’hommes.
Jésus est à un moment décisif de sa vie publique. Son chemin est de n’accepter aucune forme du mal, aucune forme de vie qui le séparerait de son Père et des hommes ses frères. Il n’est pas fait pour vivre à son compte mais pour établir la communion. Jour après jour, il a continué de renoncer aux chemins de facilité proposés par le démon, et il a pressenti de plus en plus le chemin de sa pâque : un chemin conduisant à prendre sur lui l’absolu du mal, pour que l’homme en soit délivré, et que l’amour soit le dernier mot.
« Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté, qu’il soit mis à mort et qu’il ressuscite ». Il a commencé à parler de tout cela à ses disciples. Ce chemin à travers l’épreuve, et la mort envisagée, ne va pas de soi, sans combat. Pour lui comme pour ses disciples. Alors, il monte sur la montagne pour prier, pour adhérer à son Père et recevoir de lui la force d’être fidèle à l’Esprit qui les unit et qui repose sur lui.
D’ordinaire, il prie seul. Cette fois-ci, il prend avec lui Pierre, Jean et Jacques. Car il n’est pas seul à être concerné. Déjà son corps ecclésial se forme et les trois disciples en sont les représentants. Pour eux tous aussi le chemin va être rude. S’il doit livrer sa vie et vivre sa Pâque, les membres de son corps doivent aussi livrer la leur. « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix chaque jour ».
Aussi, Il veut les associer à sa prière, les y plonger. Se livrant à son Père, il les lui offre, eux aussi, pour qu’il les remplisse de son Esprit.
« Simon, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas ». « Or, pendant qu’il priait, son visage apparut tout autre, et deux hommes s’entretenaient avec lui : Moïse et Elie, apparus dans la gloire ». Au coeur de son adhésion à la volonté du Père, Jésus devient rayonnant de lumière jusque dans son corps et ses vêtements. En ce moment intense où il ne fait qu’un avec la Compassion du Père pour les hommes, le Père fait éclater en lui sa joie. Le rayonnement de lumière, en son corps d’homme, est comme le tressaillement de joie du Père répondant au don total de son Fils Unique.
Pour les apôtres, et pour Jésus lui-même, il est attestation que les choix que Jésus a fait sont les bons, que c’est bien vers la vie qu’il va et qu’il emmène ses disciples. Que le chemin qu’il a choisi est le bon, qu’il passe par la mort, mais qu’il n’est pas mortifère : au contraire, il est source inépuisable de vie: il conduit à la beauté, à la lumière de gloire de ce qui n’existe plus que dans l’amour.
Annonce de la Résurrection.
Il faut que le Fils de l’homme souffre, et qu’il ressuscite. Jésus cependant n’est pas encore au but. Ce tressaillement de lumière ne le tire pas hors de sa vie et de sa mission. Moïse et Elie s’entretiennent avec lui de son exode qui allait se réaliser à Jérusalem. C’est sa communion parfaite avec le Père, dans l’adhésion à sa mission de Serviteur, souffrant pour le salut de tous, qui est la source de la lumière d’amour que le Père laisse transparaître en son corps d’homme. La voix du Père qui ensuite se fait entendre du milieu de la nuée, nous oriente encore dans le même sens.
« Celui-ci est mon Fils, mon Elu : Écoutez-le ». Ce qualificatif, « mon Elu », celui que j’ai choisi, renvoie directement aux poèmes du Serviteur souffrant, du prophète Isaïe, que Luc reprendra au moment de la crucifixion. Le « Ecoutez-le » vient corroborer l’enseignement de Jésus.
« Ecoutez-le, quand il vous dit qu’il doit souffrir beaucoup, être rejeté, être mis mort, et aussi ressusciter le troisième jour. C’est bien lui mon Fils, celui que j’ai choisi pour assumer « le poids perdu de la souffrance », et offrir sa vie en sacrifice pour la justification des multitudes.
Ecoutez-le : il est l’alliance du peuple et la lumière des nations ; par delà l’épreuve, il verra la lumière et sera comblé. Ecoutez-le, car je n’ai pas d’autre Parole que lui ».
« Quand la voix eut retenti, on ne vit plus que Jésus seul ». A nouveau, pas d’évasion hors du monde. Le mystère de l’enfouissement du grain, qui meurt pour donner la vie, continue, en Jésus, dans l’Eglise, en nous.
« Ne cherchons pas hors de nos vies à retrouver son passage ».
La mission du Serviteur est maintenant la nôtre. Nos vies sont une pâque que nous avons à offrir pour faire advenir la communion. Si nos vies manquent de lumière, de transfiguration, de tressaillement de joie, n’est-ce pas parce que notre nourriture est autre que la volonté du Père, notre pain autre que la Parole de sa bouche, notre regard fixé ailleurs que sur son Visage, et notre coeur sans souci du salut, c’est à dire de la vie et de la gloire de tous les hommes ?
Contemplons donc Jésus qui, dans l’acceptation de la défiguration qui sera la sienne, est transfiguré par la puissance de communion qui l’unit à son Père. Contemplons Jésus, en qui habite corporellement la plénitude de la divinité, son corps et son sang vont nous être offerts pour que nous soyons transformés en lui. (28 Février 2010)
Entrée en Carême 2012
Homélie du Père Abbé Luc
Une psychanalyste Diane Drory a écrit un livre au titre emblématique « Au secours, on manque de manque ». Par ce livre, elle met en garde les parents contre une volonté de donner à leurs enfants tout ce qu’ils veulent. En couvant leurs enfants ainsi à l’excès, en ayant peur qu’ils manquent de quelque chose, ces parents ne se rendent pas compte qu’ils étouffent les possibilités de vivre de leurs enfants. Il s les empêchent d’apprendre que le manque, que l’attente, que l’absence ou encore la perte ou l’erreur font partie de l’existence humaine. Ces enfants trop protégés auront du mal à affronter la vie adulte et ses inévitables épreuve s et contrariétés.
Ce temps de Carême voudrait nous redire le bienfait de cette dimension du manque dans notre vie humaine. Manque qui creuse, manque qui veut nous purifier en notre désir, manque pour mieux écouter la Parole. N’ayons pas peur du manque que peut créer le jeûne. Il nous aide à lâcher prise sur nos réflexes gourmands. N’ayons pas peur du manque que va créer un climat plus austère dans la liturgie sans orgue, et aussi dans le temps de silence à la fin de l’office de Sexte. Il veut nous aguerrir à une prière plus généreuse et détachée. Comme le Peuple Hébreu dans le désert, le manque vécu durant ce temps de Carême veut ouvrir notre cœur à une relation plus familière avec notre Dieu qui chemine avec nous. Il nous parle et nous invite à un dialogue plus soutenu avec lui. Par l’écoute de sa Parole, par l’Eucharistie, le Seigneur Jésus nous introduira à une intelligence renouvelée de sa mort et de sa résurrection. Que nous célèbrerons à Pâques.
Concrètement comment vivre ce Carême ? En communauté nous avons le jeûne vécu aux différents repas en retranchant : le matin, le fromage, et le midi et le soir, le fruit. Si tel frère a une difficulté qu’il n’hésite pas à m’en parler pour aménager au besoin. J’invite le uns et les autres à donner davantage de temps à la prière : que l’on consacre vraiment le temps après las Vêpres à la prière. J’encourage le plus possible à rester à l’église. Ensemble nous nous soutenons. A sexte, je propose donc qu’après le Notre Père, on prie cinq minutes en silence qui seront conclues pas l’Angélus. On peut adopter la position que l’on voudra, à genou, debout, assis.
Le livre de Carême est un autre instrument à notre disposition. Réservons à la lectio avec plus de soin encore la soirée du vendredi. Ce n’est pas le moment d’aller à la salle des journaux, de même après les vêpres. Retrouvons grâce aux manques creusés par ce Carême le goût de la prière et de l’étude à l’écoute du Christ et de son mystère.
(2012-02-21)
Année C - 3° Dimanche du Temps Ordinaire - 24 janvier 2010
Néh 8 1-20; 1 Co 12 12-30; Lc 4 14-21
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
« Cette parole de l’Ecriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ». Aujourd’hui : qu’est-ce à dire ? Serait-ce, à la lettre, et au risque d’une interprétation fondamentaliste, ce dimanche 24 Janvier 2010, non pas dans une synagogue de Galilée, à Nazareth, mais en cette église de la Pierre qui Vire, où notre assemblée a l’habitude de se retrouver chaque semaine ? Avec un frère qui proclame un passage de l’Evangéliaire après l’avoir ouvert, puis refermé et un autre frère qui ajoute quelques mots en guise d’homélie ?
C’est sur cet « aujourd’hui » de l’Evangile, de la Bonne Nouvelle que le Seigneur nous demande alors de méditer.
On a pu dire, et c’est exact, que « aujourd’hui » est, entre tous, le mot du salut, le mot biblique par excellence, le mot théologique, aussi bien pour l’Ancien que pour le Nouveau Testament. Il marque l’entrée de Dieu dans le temps, dans l’histoire humaine. Au long des Ecritures, il signifie l’annonce, la révélation, l’accomplissement du Jour du Seigneur. Ainsi en est-il pour le Deutéronome, qui le mentionne à 43 reprises :
« Vois, je mets aujourd’hui devant vous, bénédiction et malédiction. La bénédiction, si vous écoutez les commandements du Seigneur votre Dieu que je vous donne aujourd’hui, la malédiction si vous ne les écoutez pas et si vous vous détournez du chemin que je vous trace aujourd’hui ».
Ainsi pour l’évangéliste Luc qui nous accompagne tous ces dimanches de l’Année Liturgique C. Il utilise le mot 23 fois entre son évangile et le livre des Actes.
- à la naissance de Jésus à Bethléem, avec l’annonce aux bergers : « il vous est né aujourd’hui dans la ville de David, un sauveur : c’est le Christ, le Seigneur »
- à l’heure de son baptême dans le Jourdain, avec la voix venant du Ciel : « aujourd’hui, moi, je t’ai engendré »
- et tout au long de sa prédication et de son ministère public, Jésus vient apporter le salut aux malades et dans les maisons comme celle du publicain Zachée : « Zachée, descend vite de ton arbre, il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison. Aujourd’hui, le salut est venu dans cette maison, car lui aussi est un Fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ».
- et enfin à l’heure de la Passion, St Luc mentionne cet aujourd’hui à 2 reprises. La première en prédisant à Pierre son reniement : « avant que le coq ne chanter aujourd’hui, tu m’auras renié par 3 fois », et la seconde fois, la dernière, en se tournant vers le bon larron sur la Croix : « aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis ».
Cette énumération que l’on pourrait encore prolonger avec le récit des Actes nous remet alors en perspective le texte lu ce matin et nous place devant cet « accomplissement » du Jour du Seigneur qui se réalise dans la personne de Jésus, serviteur.
« l’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur ».
Alors, ces paroles doivent nous interroger, et elles nous invitent à une prise de conscience de cet accomplissement de l’Evangile pour nous, en ce dimanche 24 Janvier, en cette église du monastère.
Ce n’est une liturgie de shabbat que nous célébrons, mais c’est pour une eucharistie que nous sommes venus. L’eucharistie est-elle donc ce moment qui doit actualiser la Bonne Nouvelle, et pas seulement au moyen d’un rite et d’un sacrement célébré ? Car toute notre vie chrétienne est appelée à devenir « eucharistie », « action de grâces » et annonce d’une année de bonheur, de bienfaits accordés par Dieu, comme nous l’avons souhaité à nos amis et nos proches tout au long de ce mois de Janvier.
Et puis, en ce 24 Janvier, nous pouvons aussi actualiser les paroles de cet évangile avec la grande intention de prière de l’Eglise pour l’Unité des Chrétiens, puisque nous arrivons au terme de la semaine annuelle de cette prière. C’est bien aujourd’hui que le Christ souhaite et prie avec nous pour l’unité de son Eglise.
Ainsi, frères et sœurs, dans la mesure où nous nous déclarons croyants et désirons être disciples du Christ, soyons cohérents avec nous-mêmes :
« aujourd’hui, si nous entendons la voix du Seigneur, ne lui fermons pas notre cœur, comme au temps de l’exaspération »
« voici l’heure de sortir de notre sommeil. Aujourd’hui, en effet, le salut est plus proche de nous qu’au moment où nous avons cru. La nuit est avancée, le jour est tout proche »
Oui, en vérité, « Jésus-Christ est le même, hier, à Nazareth, à la synagogue, et aujourd’hui, à la Pierre qui Vire, en 2010. Il le sera pour l’éternité. »
AMEN (2010-01-24)
Année ABC - Epiphanie du Seigneur - janvier 2010
Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12
Homélie du Père Abbé Luc
2010
« Où est le roi des Juifs qui vient de naitre ? » Frères et sœurs, voilà une question insolite quand elle se trouve posée au centre même du royaume des Juifs, à Jérusalem…Est-il possible qu’au cœur même du royaume, on ne sache rien de cette naissance et qu’il faille que ce soit des étrangers qui en apportent la nouvelle ? On a envie alors de poser une seconde question : qui est ce roi des Juifs qui vient de naitre ? De quelle lignée est-il, si au centre du royaume, il n’est pas attendu ? Ou bien ne s’agit-il pas d’une farce ?
Ces questions qui surgissent à la lecture de ce récit nous remettent devant le paradoxe de notre foi chrétienne, paradoxe dont l’évangéliste Matthieu est bien conscient, paradoxe qui traverse tout le nouveau testament. Nous croyons en un Roi, le Christ que beaucoup ignorent. Nous croyons qu’il est le Seigneur de tous les hommes, et bien peu s’en préoccupent. Nous croyons qu’il est la Lumière du monde, la Lumière des nations, et la plupart n’y prêtent pas attention. Quelle distance entre la grandeur du message de notre foi et le peu de prise qu’il a sur la réalité du monde ! Sommes-nous de doux idéalistes ou de gentils rêveurs ?
Nous le mesurons bien en une telle fête, comme celle que nous célébrons aujourd’hui, l’Epiphanie du Seigneur, combien la foi nous ouvre à un autre regard sur la réalité. Là où la plupart ne voit qu’un pauvre gosse dans une étable, la foi nous fait voir le Messie de Dieu. Celui que les habitants de Jérusalem ignorent, les mages viennent se prosterner devant lui. Là où on ne verra qu’un homme crucifié puis mis au tombeau, la foi nous fait voir le Ressuscité, le Maitre de la Vie. Là où l’on ne voit que du pain et du vin, nous accueillons le Corps et le Sang du Christ.
Nous touchons là, et la grandeur et l’humilité de notre foi chrétienne : grandeur par le message qu’elle proclame, et humilité car elle ne repose que sur la confiance en une Parole…Par notre message et sa vision très large de la bonté de Dieu et de la dignité de l’homme, nous pouvons apparaitre parfois prétentieux. Mais par la parole et par l’amour qui sont les seuls moyens mis à notre disposition pour le diffuser, nous nous sentons comme démunis.
Oui, cette fête de l’Epiphanie peut nous aider à vivre sereinement ce paradoxe de notre foi chrétienne. Oui, cet enfant nouveau-né, ignoré, est bien la Lumière des nations, mais pour se faire connaitre, il n’a pas besoin de la force des rois. Il a besoin seulement de la foi de vrais chercheurs qui lui donnent le meilleur d’eux-mêmes, tout leur or, leur encens et leur myrrhe…Si la pensée ou la tentation nous effleure de rêver que notre foi et la beauté de son message devrait s’imposer à tous, pour leur bien, évidemment, demandons-nous si nous ne sommes pas en train de confondre la foi avec une quelconque idéologie…Tout le message du Christ si grand soit-il a été inséparable de sa vie, de sa manière de vivre, totalement livrée, sans aucune prétention de puissance. Le Christ s’est livré dans sa parole sans aucune prétention de l’imposer, il est mort dans une extrême faiblesse. Sa force résidait dans la confiance en son Père qui le ressusciterait. A la suite du Christ, il nous faut marcher quand nous voulons confesser notre foi, notre manière de le faire ne peut-être que semblable à la sienne : une manière vraie, humble et totalement confiante en Celui qui nous donne la force. Le message de la foi a moins besoin de nos arguments que de notre vie totalement donnée à la Parole de Dieu, une vie livrée à la chercher en vérité et à lui obéir chaque jour un peu plus…
En cette eucharistie, offrons-nous avec le Christ, offrons-nous à son œuvre de salut et de lumière pour le monde, qu’il veut réaliser avec nous, en nous par nous… (2010-01-03)
Année ABC - Messe du Jour de Noël 2009 -
Is 52 7-10; Heb 1 1-6; Jn 1 1-18
Homélie du F. Matthieu
b]2009
Hier, lors de l’annonce de Noël au début de la prière des vêpres, pour ouvrir notre célébration de Noël, nous avons entendu la longue énumération des évènements de l’histoire de notre monde, depuis la création, le déluge et l’appel d’Abraham et elle s’est achevée sur cette profession de foi, plusieurs fois répétés et comme orchestrés : Le Verbe est né parmi nous !… Comme si toute histoire s’arrêtait là, ou plutôt comme si toute l’histoire trouvait là son rythme définitif.
Aujourd’hui, l’évangile de Jean que nous venons d’entendre déploie devant nous l’abrupt du Mystère qui se joue dans la naissance de Bethléem.
Mystère inouï, impossible à imaginer, à prévoir, mais qu’il nous faut absolument, aujourd’hui, entendre, pour écouter autrement, qu’il nous faut regarder, pour voir autrement, qu’il nous faut méditer, ruminer dans notre cœur pour comprendre autrement.
Écouter, voir, comprendre autrement la réalité de Dieu, le Seigneur, créateur des mondes, qui est devenu l’un de nous et cela change radicalement la marche de notre vie d’homme :
« Le Verbe était Dieu… et il a habité parmi nous… »
Jean emploie ici un verbe unique, tellement particulier qu’il joue avec une grande subtilité sur les deux langues, le grec et l’hébreu, les deux langues de la Révélation biblique :
Il faut comprendre : il a planté sa tente au milieu de nous...
Il faut entendre aussi : il a planté « sa Présence » au milieu de nous, ce que la tradition biblique et juive appelle la « Shekhinah », la Présence même du Dieu qui habite au milieu de son peuple en marche au désert, la Présence même du Seigneur sur l’Arche de l’Alliance « entre les deux Kerubim », ces deux figures d’anges qui « délimitent » l’espace - si l’on peut parler ainsi - où Dieu trône dans le Saint des Saints dans son Temple.
Approfondissons ces images de l’Ecriture.
Il a planté sa tente au milieu de nous .
Il ne s’agit pas de n’importe quelle tente, ni de n’importe quel lieu de campement ; il s’agit du désert de l’Exode où le peuple marche vers la terre promise, de campement en campement.
Dieu comme chacun des israélites, « a choisi d’habiter sous la Tente », la Tente que le livre des Nombres appelle la « Tente du Rendez-vous », car le Dieu vivant et vrai est celui qui toujours tient table ouverte pour le passant que nous sommes, pour le passant qu’est tout homme en quête de sens...
Lorsque le Verbe se fait chair, lorsque Jésus naît de la Vierge Marie, il inscrit sa chair comme la « Tente du Rendez-vous » au milieu des hommes, le lieu définitif de la Rencontre avec Dieu, l’accomplissement de toutes les attentes d’Israël et des hommes : ici nous pouvons à coup sûr rencontrer Dieu !
Lorsque le Verbe se fait chair, lorsque Jésus naît de la Vierge Marie, il se manifeste comme le Dieu de l’Exode, celui qui a choisi de s’inscrire au cœur de l’histoire d’un peuple pour le sauver de son péché et, à travers Israël, pour sauver tous les hommes en leur faisant retrouver le chemin qui, à la suite de Jésus, les emmène avec lui vers cette terre que Dieu promet.
Et cette Présence au milieu de nous, avec nous, dans notre monde, dans notre chair, c’est la Présence du Dieu trois fois saint « Celui que les cieux ne peuvent contenir », Celui dont la terre est « l’escabeau de ses pieds ».
Et pour que cette merveille puisse s’accomplir, la Tradition biblique et juive a bien compris qu’il fallait toute la Puissance de Dieu, car seul il pouvait « inventer », choisir de « se restreindre », de se mettre à notre portée, de se couler à notre mesure, et c’est bien là la plus grande merveille de son amour, le signe le plus évident de cet amour qui ne recule devant rien pour revenir à hauteur des hommes pécheurs que nous sommes. Et cet acte de Dieu, « se restreignant » par amour, aujourd’hui s’accomplit, dans le Verbe fait chair en Jésus, à Bethléem de Judée.
Oui, aujourd’hui, Dieu a fait définitivement alliance avec nous, Il marche pour toujours avec nous sur nos chemins.
Et si nous étions un peu sages, un peu réveillés de nos égarement, au lieu de l’obliger à nous suivre dans toutes nos errances - et, par amour, il a décidé de ne nous abandonner nulle part, fut-ce au fond de la mort -, au lieu de l’obliger à nous suivre, nous essaierions de nous mettre à sa suite sur ce chemin de Vie qu’il nous propose à nouveau en ce matin de Noël. Amen.
Frère Matthieu Collin
Année ABC - Messe de la nuit de Noël - 24 décembre 2009
Is 9 1-6; Tit 2 11-14; Lc 2 1-14
Homélie du Père Abbé Luc
2009
Nous avons pris naissance aux profondeurs de Dieu, l’unique Parole survient en nous, et dans l’accueil de sa présence, nous avons rencontré l’Ineffable…
Frères et soeurs, ces mots tirés d’une hymne que nous chanterons durant le temps de Noël qui s’ouvre, peuvent nous guider dans la méditation du mystère que nous célébrons ce soir : la venue du Fils de Dieu dans la chair.
Oui, avec sa venue dans notre humanité, Lui la Parole qui survient en nous, nous avons pris naissance aux profondeurs de Dieu . C’est parce que le Fils de Dieu a pris naissance aux profondeurs de l’homme, que nous avons pris naissance aux profondeurs de Dieu…C’est l’échange merveilleux par lequel notre nature humaine reçoit une incomparable noblesse , comme nous le chanterons dans la préface… Il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels .
Tous ces mots que l’on ose à peine prononcer, veulent nous faire entrevoir la beauté et le bonheur de cette fête de Noël. Plus que les réjouissances autour de la naissance d’un enfant, il faut nous réjouir du mystère de Dieu et de l’homme qui se manifeste en ce jour.
S’il est vrai que Dieu s’est fait homme, nous ne pouvons pas ne pas nous demander : qu’est-ce que Dieu ? et qu’est-ce que l’homme ? Quel est ce Dieu qui s’est abaissé, et qui sera bafoué…et quel est cet homme qui se trouve ennobli et glorifié… ? Ces questions ne sont pas anodines aujourd’hui où l’on ne sait plus bien qui est Dieu : peut-on en dire quelque chose ? Ne vaut-il pas mieux se taire, et se contenter de ne pas savoir et d’être agnostique ? De même au sujet de l’homme, on se pose beaucoup d’interrogations sur sa naissance, sur sa mort, sur sa capacité à être libre : n’est-il pas le jeu de conditionnements de toutes sortes ?
A la croisée de toutes ces questions, la fête de Noël n’apporte pas de réponse, à la manière d’une doctrine philosophique, mais elle permet un chemin. Elle ouvre un chemin sur lequel chacun de nous peut avancer, à son pas, à la mesure de sa foi, pour aller à la rencontre de Celui qui révèle et la profondeur de Dieu, et la profondeur de l’homme : le Christ.
Le Christ enfant, vulnérable qui grandira incognito ; le Christ, cet homme à la parole de feu qui finira sur une croix ; le Christ ressuscité qui se révèle présence d’amour à nos côtés…
Oui, devant la crèche et l’enfant démuni, nous pouvons oser un nouveau regard sur Dieu et sur l’homme. Nous pouvons oser aller à la rencontre de Dieu sans peur, sans préjugé. Nous pouvons laisser de côté, les images qui toujours nous encombrent, images de puissance un peu façon Jupiter, ou image d’un Dieu Fort au dessus de toutes les lois de la nature.
En Jésus, Fils de Dieu, Dieu est là. Il est là : donné, offert dans une mangeoire, comme un pain. Dans l’enfant de Bethléem, Dieu se révèle comme le don total, le don sans mesure jusqu’à l’extrême faiblesse, comme le dernier souffle sur la croix le confirmera. Dieu est là donné et donnant, Lui notre Dieu qui est échange de don entre le Père et le Fils dans l’Esprit…
Mais devant la crèche, nous pouvons aussi oser un nouvelle manière d’être homme et femme, non plus des hommes et des femmes blindés dans nos convictions, et accrochés à nos connaissances, à nos grades ou à nos fonctions…Devant l’enfant de Bethléem, nous pouvons oser exister avec nos fragilités, nos questions, nos incertitudes, nos doutes. Si l’enfant que nous avons été est devenu adulte, l’adulte que nous sommes est appelé dans la lumière de l’Evangile, à redevenir comme un enfant…Un enfant de Dieu totalement donné lui aussi, totalement offert et disponible à l’œuvre de l’Esprit Saint.
Oui, nous sommes appelés, jour après jour à prendre naissance aux profondeurs de Dieu, à la source du don toujours échangé de la vie divine. A cette source, nous pouvons alors faire de notre vie un don, un échange de dons avec tous ceux que nous côtoyons…Nous pourrons faire de notre vie une offrande à Dieu de tout ce que nous sommes…
Entrons dans cette eucharistie qui est la célébration de cet échange de dons entre Dieu et les hommes en Jésus Christ : En Lui, Dieu nous donne toute sa vie, en Lui, nous nous donnons à Dieu et à nos frères.
(2009-12-25)
Année B - 34° Dimanche du Temps Ordinaire - Christ Roi
Dn 7 13-14; Ap 1 5-8; Jn 18 33-37
Homélie du F.Servan
« Et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d'homme »
Ceux qui ont lu les évangiles savent que cette figure un peu mystérieuse du Fils de l'homme ( à laquelle Jésus s'est référé plus d'une fois) a une double face ( comme une pièce de monnaie ou, si vous préférez comme une médaille).
, - une face d'humilité, celle du SERVITEUR, bientôt humilié, jugé, devant Pilate: « Voici l'Homme, Ecce Homo! Le fils de l'homme doit beaucoup souffrir », solidaire de la faiblesse et des souffrances des hommes ( pensons à ces saintes faces, peintures ou gravures de G Rouault).
- et une face glorieuse, victorieuse (celle annoncée dans le livre de Daniel, reprise dans les visions de l'Apocalypse, nous venons d'en entendre des passages en ce dimanche du Christ Roi de l'univers).
Dans le Credo que nous allons redire dans un instant, nous retrouvons bien ces deux aspects: « Crucifié (jugé) sous Ponce Pilate, ressuscité, il siège à la droite du Père. Il viendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts ».
Premier aspect, première face de la médaille « Fils de l'Homme » : cette année, l’évangile selon saint Jean nous a fait entendre une partie des échanges entre Jésus le Juif et Pilate le gouverneur romain (notons que l'évangile de Jean est très bon pour construire et mener de tels dialogues) ! Un échange qui porte ici sur la royauté: où l'on part de « Es-tu le
roi des juifs ? » Le roi de ce petit peuple obstiné que méprise le gouverneur. Et cela aboutit à « Alors, tu es roi ? » Roi tout court, roi universel pour tout homme non pas qui possède la vérité, mais lui appartient, la recherche sans cesse en écoutant la voix du « Christ roi de l'univers ».
Entre ces deux ? Une réserve et une précision importante de la part de Jésus: « Tu dis que je suis roi ». Je ne dis pas Oui, je ne dis pas Non. Car ma royauté ne vient pas d'ici, pas de ce monde, pas comme les rois de ce monde avec leur garde d'élite, roi qui dispose de la force, contraint, domine, voir écrase, mais roi qui par sa parole et par sa voix (la voix attire) rassemble un peuple pris parmi toutes les nations, les races, les langues.
Durant toute sa vie publique, Jésus n'a cessé de rappeler cela. Ainsi, au cours de son dernier repas (marqué par la scène du lavement des pieds) il dit à ses disciples (Luc 22,25) « Les rois des nations païennes commandent en maîtres. Pour vous, rien de tel, faites plutôt comme moi: je suis au milieu de vous comme celui qui sert à table » ! SERVITEUR et avec Lui, tous serviteurs: ceux qui ont souci de ne pas violenter et maltraiter la terre en la cultivant pour les hommes; ceux qui en 2013 veulent réveiller dans les communautés chrétiennes par l'importance de la Diaconie, de l'attention aux plus petits (Diaconia 2013); ceux qui viennent consoler ceux qui pleurent et sont dans l'épreuve.
« Restez éveillés (en tenue de service) afin d'être jugés dignes de vous tenir debout devant le Fils de l'Homme » ! .Avec ces paroles (Lc 21) nous venons-de retourner la médaille pour contempler sa face glorieuse !
Mais attention à ne pas retomber dans des conceptions trop humaines et paresseuses de la notion de gloire ! Si on y réfléchit un peu la gloire du Christ, de l'agneau immolé de l'Apocalypse, ce ne peut être une gloire qui domine de façon arbitraire et despotique, à vous faire peur !. Non, c'est le resplendissement de son être profond qui est d'être serviteur, pour toujours.et, le jugement, c'est le Fils de l'Homme qui recherche et souvent admire ce qui dans l'homme ou la femme qui se tient « debout », devant lui est en harmonie avec cet être serviteur (voyez Mt 25). Ce qu’avait très bien compris G.Brassens dans la plus belles de ses chansons !
Dans l'évangile de Luc, (12.37) Jésus déclare : Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller (dans le service) ! Amen, je vous le dis: il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour ».
Le Christ, roi serviteur sur la terre et dans la gloire!
, Cette parole a inspiré une très belle hymne que les frères aiment chanter le dimanche soir avant d'entrer dans la nuit (vous en avez le texte sur une feuille). Le mieux ici serait que la parole cède la place au chant que vous n'avez guère l'occasion d'entendre.
Hymne :(T : D. Rimaud ; M : C. Villeneuve © SODEC)
Près de toi se trouve le pardon:
toute guérison et toute grâce.
Tu entends ma voix au fond de mes impasses!
Dieu qui n'oublies pas,
rien de ma plainte ne t'échappe.
Viendras-tu, le soir, comme un voleur,
ou dans la splendeur d'une aube en fête?
Rien ne m'est connu de l'heure qui s'apprête,
mais, à ta venue,
tout dans ma nuit sera lumière.
Bienheureux celui qui veillera
quand. tu paraîtras nimbé de gloire!
Tu l'inviteras, lui dresseras la table,
tu le serviras:
qu'il prenne la plus belle place!
(2012-11-25)
Année B - 32° Dimanche du Temps Ordinaire - 2012
1 R 17 10-17; Heb 9 24-28; Mc 12 38-44
Homélie du F.Sébastien
Dieu, notre Père, est un éducateur de génie. Y pensons-nous assez ?
Première lecture. Élie est le prophète tout puissant au service du Dieu tout puissant. Mais pour qu’il ne se prenne pas pour Dieu, et qu’il apprenne qu’il n’est qu’une petite créature, voilà qu’il doit commencer par fuir devant le roi Achab, aller se cacher au désert, tremblant de peur, et là, comme un bébé, biberonner l’eau du torrent et recevoir chaque jour la becquée des corbeaux : « Élie, tu n’es et ne seras jamais qu’un nourrisson, ne l’oublie jamais ! ».
Cette expérience radicale de finitude et de dépendance tout homme, toute femme, doit un jour la faire, en pleine conscience, pour devenir vraiment adulte.
Élie affamé reçoit ensuite l’ordre d’aller mendier sa nourriture chez les ennemis traditionnels d’Israël, à Sarepta de Sidon, – l’humiliation parfaite ! – Plus, là-bas il doit commander à une veuve, sur le point de mourir de faim avec son fils unique, de lui donner tout ce qui leur reste comme vivres: la honte au front ! La leçon est rude. « N’aie pas peur », c’est ce que Dieu souffle à l’oreille de son prophète pour qu’il le redise à la femme. Et merveille, ça marche : elle ose croire à cette pure folie et donne tout. Mais qu’est-ce qui se passe ?
Dieu menait le jeu, sans se montrer, avant de dévoiler ses cartes lorsque nous le voyons multiplier, durant des jours et des jours, l’huile et la farine de la veuve, pour elle-même, pour son fils, comme aussi pour Élie à qui elle doit sa survie.
Le prophète envoyé aux païens et la païenne qui sauve le prophète deviennent ainsi l’un par l’autre, d’ennemis qu’ils étaient, de vrais enfants du même Dieu, adultes!
Si cela a marché, c’est parce que, – Dieu le sait, – la vie est dans le don, à condition qu’il s’y mêle suffisamment de folie. Le curé d’Ars, qui se laissait dévorer par ses pénitents, jusqu’à quinze heures de confessionnal par jour, en plus du reste, disait: « Mon secret est bien simple, c’est de tout donner et ne rien garder ». Mais il savait bien que le don n’est pas une question de quantité, mais de qualité du cœur, et c’est précisément cela qu’illustre la veuve pauvre dans l’évangile d’aujourd’hui.
Qu’a-t-elle mis dans le tronc du temple : deux petites pièces jaunes ! Ridicule pour payer les réparations du temple et les dépenses considérables du culte. Mais c’est Jésus qui compte la quête : « Elle a mis plus que tous, plus que tous les gros billets ». Évidemment le plus était dans l’amour qu’elle y mettait. Mais l’amour de qui ?
Cette femme représente les pauvres du Seigneur, les anawim de l’Ancien Testament. Ceux-là n’avaient pas encore Dieu à portée de main, comme il le sera en Jésus Christ. Ils le trouvaient alors dans le temple, lui exprimant leur amour par leurs oboles, venant baiser ses pierres dans l’espérance qui ne déçoit pas, celle des promesses.
C’est ce que l’évangéliste Marc nous fait comprendre lorsque, par delà son chapitre 13, il fait réapparaître, au début du chapitre 14, la femme, transfigurée.
Elle était au seuil de la mort, comme le temple dont la destruction s’annonçait, sans mari, démunie de tout, sauf d’espérance. Et voilà qu’elle réapparaît en la femme riche de l’onction à Béthanie, la jeune fiancée ecclésiale du Christ maintenant présent, vrai homme, venu combler son attente séculaire. En échange amoureux des piécettes d’hier, et aujourd’hui du parfum de grand prix, il lui offre, dans un peu de pain et de vin, son corps et son sang eucharistiques, la totalité de son amour venu répondre au sien, car c’est elle, la femme, qui a commencé, comme toujours. Le don répond au don, les folies s’enlacent.
On peut se dire : « Tout cela est bien beau, mais quel rapport avec notre vie ?
N’oublions pas le début de l’évangile entendu tout à l’heure. Jésus y critique sévèrement les scribes qui sont l’opposé de l’humble veuve pauvre : orgueilleux, nantis, aimant les salutations sur l’esplanade du temple et les premières places dans les festins. Oui, les festins ! Et nous y voilà, avec la petite phrase assassine de Jésus qui les condamne en quelques mots : « Ceux-là, ils dévorent les biens des veuves ».
Elles, elles donnent tout, eux, ils prennent tout, les biens et la vie, sans qu’on nous dise par quelle perversité économique, plus ou moins consciente. Du coup, nous sommes renvoyés à notre monde moderne. Le prochain pauvre et sans défense n’est-il jamais sur nos tables ?
Il faut choisir.
On peut, comme les scribes, dévorer inconsciemment l’autre et ses biens, par nourriture interposée.
On peut au contraire, – autour de la table, familière ou eucharistique, – suivre l’exemple des deux femmes démunies et donnant, suivre Jésus qui fit de même.
On peut se risquer soi-même au grand jeu de l’amour, qui ne prend que ce qui lui est offert et se donne pareillement.
Le tout de nos vies n’est-il pas dans l’immensité des petits riens ? Une immense chance !(2012)