vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 04 juillet 2010 — 14e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C - 14° Dimanche du Temps Ordinaire

IS 66 10-14; Gal 6 10-18; Lc 10 1-12,17-20

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Comme deux cerfs-volants qui s’élèvent de la terre

et se mettent à évoluer joyeusement dans le ciel,

j’ai vu deux mots se détacher et s’élever des lectures de ce jour

et nous faire signe là-haut.

Deux mots, très humbles qui sont deux forces,

les plus puissantes au monde.

Deux forces désarmées, et à cause de cela désarmantes.

Vous l’avez deviné : La joie et la paix.

Deux armes puissantes contre tout ce qui fait mal, abîme ou décourage.

Il y a trop de tristesses dans notre monde pour que nous ne nous soyons pas des artisans de cette joie,

de cette paix

qui dopent la vie et gonflent les voiles de l’espérance.

C’est pour chacun, chacune d’entre nous, la plus belle des tâches, comme aussi le plus simple et le plus efficace de tous les programmes de vie spirituelle. Pas si facile ! ce qui est une garantie d’authenticité.

Mais il y faut des convictions.

Les lectures de ce jour sont là pour les enraciner dans nos cœurs.

Dans la première lecture, nous écoutons le prophète qui se cache derrière Isaïe, au retour de l’exil, à une époque où Jérusalem est rongée par les désillusions.

Le prophète travaille à encourager ses compatriotes.

Comment ? Pas avec des programmes compliqués.

D’emblée, il prend les grands moyens :

il les invite à pratiquer la joie par la paix, et la paix par la joie. C’est génial ! Écoutons-le :

Isaïe 66, 10-14 « Réjouissez-vous avec Jérusalem, soyez dans la joie à cause d’elle, vous tous qui l’aimez ; que vos cris de joie se mêlent aux siens, vous tous qui pleuriez sur elle ...

12 Car voici ce que dit le Seigneur Dieu : « Je fais que la paix, comme un fleuve se dirige vers elle, .... Je vous consolerai comme celui que sa mère console,.... Vous allez voir, votre cœur sera dans la joie ! ».

Effectivement, Dieu, notre Dieu, est un être de bonheur,

un bonheur en Trois personnes,

toutes portes ouvertes, accueillant,

ne songeant qu’à partager avec qui veut.... Le voulons-nous ?

pour nous, et pour ceux que nous aimons.

Est-ce fermer les yeux

Sur les misères de notre monde, les ravages du péché, les désespoirs ?

ou les ouvrir sur ce qui permet de les traverser ?

Tous nous avons besoin d’un refuge où l’on peut se reposer à l’abri des attaques du mal. Je pense à la magnifique parole de Néhémie, en son chapitre huit : « La joie de Dieu est notre forteresse. » ! La joie même de Dieu, notre forteresse ! Et si c’était vrai ! Eh bien ! C’est vrai !

Un jour, j’ai entendu un homme qui témoignait. Il avait traversé un long temps d’épreuve et y avait appris à se battre. « Maintenant, disait-il, quand je sens monter l’angoisse, je m’efforce de faire le sous-marin. Je pense au récit de la tempête apaisée – les disciples affolés, abandonnés par Jésus qui dort à l’arrière du bateau sur le coussin. Moi, je ne sais pas affronter la tempête en surface, alors je descends dans mon sous-marin, je ferme le capot. Au-dessus la mer est agitée, mais j’ai foi qu’au-dessous c’est le calme, la paix, que Jésus est là : “Ne crains pas, je suis avec toi”, Il concluait. « C’est efficace.... mais il y faut une certaine détermination, si l’on peut ».

Oui, mystérieusement Jésus est toujours là avec sa paix divine, sa joie imprenable, celle qui apaise la tempête, jusqu’à la prochaine....

Dans l’évangile que nous venons d’écouter,

Jésus apprend à ses disciples à se faire artisans de sa paix, au milieu des turbulences de la vie.

Il commence de façon déroutante :

« Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ! ». C’est clair et réaliste, on peut donc écouter la suite :

«En quelque maison que vous entriez, – où et à qui que vous alliez –

dites d’abord « Paix à cette maison ! »

C’est la raison de notre venue. Que ce soit votre programme de vie, toujours et partout.

Cette paix offerte, c’est la grande paix de Dieu apportée au monde par Jésus, par ses disciples,

par quiconque en fait son programme de vie.

Cette paix, à nous de la recevoir, afin de la donner,

elle va combler notre cœur de joie,

de la joie même de Dieu, qui est notre forteresse,

imprenable ! (2013)

Homélie du 27 juin 2010 — 13e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année C
Info :

Année C - 13° Dimanche du Temps Ordinaire - 27 juin 2010

1 R 19 16-21; Gal 5 13-18; Lc 9 51-62

Homélie du F.Servan

Texte :

" Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde ... "

... et enlever le péché du monde, ouvrir à notre humanité un chemin de

libération et d'humanisation sous la conduite de l'Esprit. ..

" ... il prit avec courage la route de Jérusalem." (littéralement : il durcit sa face, son visage) ... avec courage, car il sait qu'il va vers la ville qui tue les prophètes.

Avec ces paroles commence une très longue section de l'Evangile de Luc que l'on a précisément intitulé: " En route vers Jérusalem" ; dix chapitres, depuis ici le ch 9 jusqu'au ch 19 ... où sont regroupés divers enseignements, paroles et rencontres de Jésus, comme les trois paroles regroupées ici sur la suite du Fils de l'Homme pour jeter avec lui la semence du Règne de Dieu parmi les hommes.

Si la première petite scène liée au refus d'accueil par un village de Samaritains

convient plutôt bien à nos esprits démocratiques et tolérants, et encouragés par notre Eglise à respecter la liberté religieuse – ce qui est à vérifier dans le concret ! ..... " Pas de violence en matière de religion!" (il y en a déjà assez comme cela sur la terre des hommes), « Remets ton épée au fourreau » dira encore Jésus. Pas de messianisme, de force et de violence, à la manière du prophète Elie qui, selon un récit pittoresque du Livre des Rois, avait fait descendre le feu du ciel pour détruire deux sections de soldats chargés de l'arrêter (Tel un superman avec ses rayons laser).

Par contre, les trois brèves paroles qui suivent nous déconcertent par leur radicalisme.

Ici, l'on n'a plus affaire au bon Jésus ( celui qu'on privilégie, je pense, au Catéchisme!), l'homme aux paraboles si vivantes, qui guérit les malades, béni les enfants, fréquente les pécheurs, hommes et femmes, et leur annonce le pardon de Dieu surabondant

en miséricorde ( c'est d'ailleurs un aspect bien souligné dans l'Evangile de Luc) ... mais à un

Jésus radical, qui entraîne à sa suite dans l'urgence de ce qu'il appelle le Royaume de

Dieu, qu'il est venu semer sur la terre, qui est la grande affaire de sa vie:" Je suis venu

allumer un feu sur la terre !" -" Cherchez d'abord le royaume de Dieu "

Trois paroles où l'on reconnaît le langage imagé, radical et en excès qui était celui

du Seigneur :" Les renards ont des terriers ... " mais Jésus, lui, est un itinérant, " l'Homme

qui marche" (c'est le titre d'une méditation de Christian Bobin) ...

.. . et cette perle d'ironie christique:" Laisse les morts enterrer leurs morts"

-(entendez: les morts spirituels qui n'ont pas voulu renaître en accueillant ma parole)

- cela ne vise donc pas les bons chrétiens qui se dévouent pour célébrer les obsèques et annoncer l'espérance de la résurrection aux familles en deuil « et qui met la main à la charrue ... " Quand on commence à labourer le champ où Dieu va faire éclore son Règne, on ne peut regarder en arrière ... pas de d'abord ni de en arrière! C'est le cas de dire:" Vivante est la Parole de Dieu, énergique et plus tranchante qu'aucun glaive à double tranchant!"

Sans prétendre émousser le tranchant de ce glaive, il nous faut cependant dépasser la lettre - ici comme ailleurs- une lecture littéraliste de ces trois exemples de suite du Christ : nous faudrait-il tous partir sur les routes? Plus que des normes de conduite applicables a tout un chacun nous aurions plutôt là, avec ces paroles imagées des avertisseurs bien sonores, à entendre par chacun dans sa vie, à tel moment, en telle situation, sous la conduite de l'Esprit. Le plus important c'est le "SUIS-MOI" adressé à chacun, que l'on soit vigoureux ou malade et diminué ... que sais-je encore! Vis ta vie avec moi, marche ta vie avec moi, et, quand ça devient trop dur, je te prends sur mon dos pour un bout du chemin (cf l'histoire bien connue des traces de pas sur le sable). C'est forcément courage, c'est aussi paix et joie." Et l'homme découvre, s'il fait route en Lui une vie nouvelle".

Des missionnaires itinérants qui quittent maison et famille pour annoncer l'Evangile, bien sûr qu'il en faut... mais il faut aussi des maisons, des familles, des villages, des communautés qui accueillent la semence du Règne de Dieu pour la faire fructifier dans leur vie courante. A ceux-là l'apôtre Paul a rappelé: "Marchez sous la conduite de l'Esprit, libérez-vous de l'égoïsme, mettez-vous par amour au service les uns des autres" ... alors des chemins de liberté s'ouvriront dans vos cœurs .. et s'épanouiront les beaux fruits de l'Esprit!

Pour marcher à la suite du Christ sur les routes du monde ou dans vos maisons, vos activités dans la cité ou au monastère: " courez avec endurance (je cite la Lettre aux Hébreux), les regards fixés sur celui qui est l'initiateur de la foi et qui la mène à son accomplissement, Jésus, lui qui a enduré de la part des pécheurs (à Jérusalem) une belle opposition contre lui, afin de ne pas vous laisser accabler par le découragement.

(Quand nous communions à l'Eucharistie; nous avons part à son courage!) et aussi, regardez cette

nuée de témoins de la première et de la Nouvelle Alliance (tous ces bons entraîneurs qui ont

suivi Jésus sur la route)

Parmi beaucoup, un seul exemple, celui de Dietrich Bonhoeffer, ce pasteur luthérien allemand qui en 1937, donc en pleine dictature nazie, a écrit un vigoureux commentaire du Sermon sur la Montagne et des paroles que venons d'entendre, pour secouer son église endormie: Pas de grâce à bon marché, mais la grâce qui coûte et fait prendre parti ( "Nachfolge" en allemand, ce qui donne en français " vivre en disciple" ou la "suivance", la marche à la suite du Christ.

Et, ce qu'il a écrit il l'a vécu, arrêté en 1943, éloigné de sa famille et de sa fiancée, exécuté par pendaison le 9 avril 1945, à l'âge de 39 ans. Mais ses écrits et son témoignage auront un grand rayonnement entre autres sur ces communautés œcuméniques que nous connaissons: Taizé, Grandchamp, Bose. A lire et relire son beau livre de 1939 " de la vie communautaire"

En guise de conclusion - une fois n'est pas coutume - je me permets de vous conseiller un petit livre, venu justement de Taizé. Un petit livre, pour moi tombé du ciel et qui ne m'est pas tombé des mains. Au contraire cela a réveillé ma foi. Sous le titre" CHERCHEZ ET VOUS TROUVEREZ" c'est un recueil de réponses brèves, mais pleines d'expérience et de ton sympathique aux questions posées par les jeunes qui prennent part aux rencontres internationales de Taizé. Glissé entre deux romans dans votre sac de vacances, je pense que cela peut nous aider à marcher plus dynamiques sur la route de notre vie à la suite du Christ. (2010-06-27)

Homélie du 11 juin 2010 — Sacré Cœur — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - Fête du Sacré-Coeur - 11 Juin 2010

Ez 34 11-16; Rom 5 5-11; Lc 15 3-7

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Fête du Sacré Cœur du Christ Jésus. Fête de la manifestation de l’amour de Dieu le Père pour nous, à travers son Fils et par l’œuvre de l’Esprit Saint. Fête de l’incarnation, si nous prenons le temps d’examiner le sens que nous donnons à ce mot de cœur, tant au plan anthropologique que théologique.

Dieu s’est fait chair. Il a pris un corps d’homme. On pourrait dire aussi Dieu s’est fait cœur. Son amour s’est incarné dans un cœur, un cœur sacré, un cœur divin, très pur, très saint.

Dans toutes les cultures, et la Bible n’y échappe pas, le cœur est considéré comme le lieu où résident les sentiments, l’affectivité, l’amour.

Certes, il est d’abord un organe physique, où circule le sang, nécessaire à toute vie. Arrêt du cœur, crise cardiaque ou AVC sont synonymes de mort physique, on le sait que trop bien.

Ce mot de cœur revient à longueur de pages dans les textes bibliques et il offre une grande richesse pour dire l’Alliance, l’Amour de Dieu pour son Peuple et pour chacune de ses créatures.

La liturgie d’aujourd’hui retient l’image un peu bucolique du Bon berger qui prend soin avec amour de chacune des brebis de son troupeau. Une image que le Christ s’appliquera à lui-même, dans l’Evangile de Jean. Une image qui risque de paraître un peu décalée et peu parlante pour la majorité de nos contemporains (surtout les jeunes) qui vivent dans les villes et non plus dans les campagnes.

Le prophète Ezéchiel, par delà l’image cherche à dire combien le bon, le vrai berger est touché dans son cœur par la blessure, l’égarement ou la malnutrition d’une seule de ses brebis. Et il fera tout pour la ramener au bercail. L’évangile de Luc qui le reprend, insiste, lui sue la joie que ce berger ressent et qu’il cherche à faire partager à ses proches, quand il l’a retrouvée et qu’il l’a remise en communion avec les autres brebis non égarées et non souffrantes du troupeau. Ainsi le cœur est aussi le siège de la joie possible, d’une joie profonde et non pas de surface.

C’est la joie de la réconciliation du pêcheur et de son salut par la vie du Christ Ressuscité, comme nous le rappelle aussi Saint Paul dans la seconde lecture : « la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pêcheurs. Et si Dieu nous a réconciliés avec lui par la mort de son Fils, quand nous étions encore ses ennemis, à plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés, nous serons sauvés par la vie du Christ Ressuscité. »

Le cœur du Bon Berger qui se laisse émouvoir, le cœur du Transpercé sur la Croix qui laisse échapper du sang et de l’eau, le cœur du Ressuscité qui se laisse approcher et toucher par la main de l’apôtre Thomas, ne sont qu’un seul et même cœur qui dit le même amour de Dieu pour nous les hommes et pour notre salut.

Cette fête du Sacré Cœur du Christ ne peut alors que nous renvoyer à l’essentiel de notre foi et de notre engagement, à savoir le double commandement de l’Amour. Aimer le Seigneur de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre force, et nous aimer les uns les autres tout aussi cordialement. « Diligite alterutrum » : tel était l’invitation du Père Muard à ses fils avec le souhait d’en faire la devise de notre monastère, en l’inscrivant non pas seulement sur des montants de pierre, mais bien dans des cœurs de chair, des cœurs de frères.

Oui, vraiment, l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. Entrons avec joie et action de grâces dans cette eucharistie de jour de fête.

(2010-06-11)

Homélie du 18 avril 2010 — 3e dim. de Pâques — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C - 3° Dimanche de Pâques

Ac 5 27-32, 40-41; Ap 5 11-14; Jn 21 1-19

Homélie du F.Sébastien

Texte :

« Pierre, un jour, tu étendras les mains, un autre te mettra ta ceinture et te mènera là où tu ne voudrais pas aller... » C’est cette finale de l’évangile que nous venons d’entendre qui m’a arrêté.

Le fait est qu’ un jour, il y a bien longtemps, après un incident douloureux qui m’avait surpris, je cherchais confusément à comprendre, mais je n’y arrivais pas. Je m’en suis ouvert à une amie, une protestante, – en ce moment elle m’écoute du haut du ciel. Trois jours plus tard une lettre m’arrivait, avec ces quelques mots : « Dans la vie, il n’est pas impossible que ce qui nous arrive soit l’exaucement d’une ancienne prière oubliée. » Cela m’a fait beaucoup réfléchir,...

Qui, dans le passé, n’a pas eu ses petits ou ses grands élans de générosité ? Au début du mariage, au moment d’un engagement, sous le dynamiste d’un exemple enthousiasmant, on pense grand, on s’y voit déjà...

Le P. Muard, le fondateur de notre monastère, rêvait du martyre, Thérèse de l’Enfant Jésus aussi...

Plus banalement, dans la prière, on peut s’être donné à Dieu avec confiance, en lui laissant carte blanche, parfois en imaginant ce qui pourrait arriver. C’était très sérieux. Et Dieu nous prenait très au sérieux… Mais l’heure n’était pas venue, ni la grâce donnée.

Et voilà qu’un jour, sans crier gare, Dieu exauce, sous une toute autre forme, souvent pas spectaculaire du tout. L’ancienne prière oubliée est exaucée. Tel fut le cas pour Simon Pierre, le Simon-Pierre de la finale de notre évangile.

Dans la cour du grand prêtre, par trois fois, Pierre, le compagnon de la première heure, renie son maître : « Je ne connais pas cet homme ».

Jésus, qui est sur le point d’être condamné à mort, sait parfaitement que celui qu’il a choisi un jour au bord du lac pour lui confier la responsabilité de l’équipe apostolique vient de le renier, par trois fois.

En passant près de lui, Jésus se retourne et regarde furtivement son homme, qui se voit regardé. Dans les yeux de son maître il n’y a pas l’ombre d’un reproche. Pierre s’enfonce alors dans une affreuse solitude ; c’est l’heure de son jugement, avec son péché affiché sur son front, et Jésus qui sait tout, et se tait.

Il préférerait mille fois que Jésus parle, qu’il dénonce son péché, qu’il le blâme, lui donne une punition, le condamne, ce serait juste, cela le soulagerait. Mais non, Jésus ne regarde plus Pierre qui ne le quitte pas des yeux. Silence de l’amour qui refuse d’accabler, qui laisse son ami seul avec sa conscience en pleine lumière, la lumière aveuglante de l’amour qui le pénètre jusqu’au cœur.

C’est l’heure du choc affreux de tout le mal que j’ai fait, et je ne le savais pas, avec l’amour miséricordieux qui se tient là, en silence, et m’encourage.

L’homme n’est plus que sa conscience douloureuse, hyper sensibilisée, brûlée par le feu dans lequel il se jette lui-même pour être purifié.

C’est la plus grande souffrance qui se puisse connaître parce que c’est la souffrance même de l’amour plongé dans l’expérience de son non-amour. Et c’est en même temps le début de la plus grande joie jamais connue, parce que l’amour est là, c’est lui qui agit. Il ne rejette pas, ne condamne pas ! Au contraire il m’aime plus que jamais. Il me sauve ! C’est de la folie !

Pierre vient de faire l’expérience brûlante du passage par l’enfer de son non-amour ; il lui reste à faire, au bord du lac, l’expérience d’un pardon qui n’est qu’amour.

Ce fut au bord du lac, un soir qu’il n’oubliera jamais, Ce soir-là, Pierre a été totalement pardonné par son maître, recréé à neuf, remis en charge.

Par la suite, dans ses prières, que de fois a-t-il dû repenser à son Maître cloué sur la croix, pour lui, avant tout pour lui Pierre, pour effacer ses affreux reniements et le remettre avec confiance à la tête de son troupeau !

N’a-t-il jamais été soulevé par un désir fou de remonter le temps, de rejoindre Jésus mourant pour lui, de ne pas le laisser seul sur la croix ? Il l’avait dit autrefois : «Jésus, je suis prêt aller en prison avec toi, à donner ma vie pour toi » Et c’était sincère !

Mais l’heure n’était pas venue, ni la grâce donnée comme ce soir-là, au bord du lac. Maintenant Jésus peut parler clair à son ami : « Un jour tu étendras les mains, un autre te ceindra et te mènera là où tu ne voudrais pas... »

Ce fut à Rome, lors de la persécution, lorsque le cri de Jésus devint celui de Pierre, et des chrétiens autour de lui : « Père sauve-moi de cette heure ! Mais non, c’est pour cette heure que je suis venu ». L’heure de l’ancienne prière oubliée.

Pour Pierre ce fut les bras en croix, la tête en bas, emporté au ciel par l’Esprit qui murmurait en lui :

« Jésus, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ! » (2013)

Homélie du 11 avril 2010 — Dimanche de la Miséricorde — Frère Servan
Cycle : Année C
Info :

Année C - 2° Dimanche de Pâques - 11 avril 2010

Ac 5 12-16; Ap 1 9-19; Jn 20 19-31

Homélie du F.Servan

Texte :

"C'était le soir du premier jour de la semaine"

Depuis les origines, les communautés chrétiennes se rassemblent (font église) le premier jour de la semaine (jour de la création, au récit de la Genèse - et le premier jour, c'est" que soit la Lumière! " ... " et Dieu sépara la lumière et les ténèbres" (voyez la grande Croix derrière moi !) ... premier jour! "Voici le jour que fit le Seigneur alleluia!" ... mais jour aussi de la nouvelle création, dans le souffle de l'Esprit et la rémission des péchés) jour qui va s'appeler de plus en plus le " jour du Seigneur" (Apocalypse). Le Seigneur = en latin c'est" DOMINUS " ... d'où notre Dimanche (dies dominica) . ... à Jérusalem, le groupe des disciples se rassemble, d'abord calfeutré dans une maison, puis au grand jour, sur l'esplanade du Temple sous la colonnade de Salomon" tous les croyants, d'un seul cœur "

Puis, vers la fin du premier siècle, ... jour de la vision inaugurale du voyant de l'Apocalypse, le jour même où les sept églises (sept petites communautés dans les cités grecques et cosmopolites d'Asie mineure avec lesquelles il est lié ... mais sept, c'est aussi l'universalité des églises !)

Et nous, aujourd'hui, avec tant d'autres de par le monde, nous prenons le relai aujourd'hui.

Huit jours plus tard (donc encore le premier jour de la semaine) Jésus est de nouveau là au milieu d'eux ( au milieu de nous) ... avec cette fois Thomas l'incrédule (Un disciple qui pourtant aimait bien son Maître,

puisque peu de temps avant la Passion il avait dit :" Allons y ... allons vers Béthanie et Jérusalem et mourons avec lui".

L'on sait que pas mal de gens se disent disciples de Thomas ( première manière) de celui qui déclare: moi, je ne crois que ce que je vois : " si je ne vois ... si je ne mets ... si je ne touche ... " ... mais ils devraient

aussi imiter Thomas (deuxième manière), celui qui à partir du visible (Jésus le crucifié, avec ses plaies, ses blessures par lesquelles nous sommes guéris ( France Quéré écrivait :" Il ne se fait pas reconnaître à son visage mais à ses blessures. Il pense aussi aux nôtres lorsqu'il souffle sur ses disciples ") De ce visible ... Thomas fait un saut, un bond de géant vers l'invisible de la foi " Mon Seigneur et mon Dieu " ... et St Augustin de commenter:" il a touché l'homme et il reconnaît Dieu"

(Faut-il signaler ici, comme en passant, que, pour la réflexion chrétienne récente, après St Paul, Martin Luther, Maurice Zundel et bien d'autres, cet homme avec ses blessures de crucifié colore, voire modifie profondément ces notions et ces mots de Seigneur et de Dieu! Seigneur, comment ? .. Dieu, comment ?.Theologia crucis ... )

De nous, maintenant, qui n'avons pas eu comme Thomas cette vue du Crucifié Ressuscité, il est dit : " Heureux ceux qui croient sans avoir vu " (mais qui croient ... les témoins qui nous ont transmis :" Nous avons vu le Seigneur et avec lui nous avons relu les Ecritures". " Sans avoir vu " ... Oui ... et cependant, dans nos liturgies, nos célébrations du dimanche, ne sommes-nous pas entraînés et aidés à faire ce même passage du visible à l'invisible (Registre du symbole et du sacrement) en prenant appui sur des choses sensibles (auditives (paroles, chants) ou visibles( gestes, images, couleurs ... ) !

"II était là au milieu d'eux (visible) - Il est là au milieu de nous (invisible mais bien présent !) Sur cette présence du Christ dans nos célébrations ... vous pourriez relire quelques phrases excellentes du Concile Vatican II ! (liturgie S C 7)

Il est là bien sûr pour nous tourner avec Lui vers son Père et notre Père dans un instant ce sera la Prière Eucharistique) mais qui commencera par" Le Seigneur soit avec vous" comme cela a été dit au début de la messe ... et ailleurs encore ...

Après l'Evangile proclamé et encensé, l'on nous a dit :" Acclamons la Parole de Dieu!" ... mais nous n'avons pas répondu " Amen Amen alléluia" ou je ne sais quoi ... mais bien" Gloire à TOI Seigneur !" (il est là présent dans sa parole).

Après les paroles du Mémorial sur le pain et le vin où le prêtre en quelque sorte prêtera sa voix au Christ pour redire" Ceci est mon corps livré ... mon sang versé" ... nous acclamerons celui qui est présent: "Gloire à TOI qui était mort - gloire à Toi qui es vivant"

Après le Notre Père, nous lui dirons :" Seigneur Jésus, TOI qui as dit à tes disciples" Je vous laisse la paix je vous donne ma paix ... " (dans l'Evangile de ce dimanche par deux fois Jésus a dit " la paix soit avec vous" ) -

A la communion, nous avancerons avec des gestes de respect (car Il est présent surtout là dans le pain et le vin consacrés par l'Esprit saint) et en disant" Seigneur, je ne suis pas digne de TE recevoir. .. "

Pour finir nous n'oublierons pas les deux si belles litanies chantées du Kyrie-Christe et de l'Agnus Dei. Où avec affection (d'où les vocalises) on s'adresse au Christ présent ... et il me semble que l'on peut facilement les mettre en relation avec les deux images que nous avons dans nos lectures de ce Dimanche. Avec le Kyrie eleison, ... la vision de l'Apocalypse : " je vis sept chandeliers d'or (image liturgique) et au milieu d'eux comme un fils d'homme; vêtu d'une longue tunique -(la belle tunique sacerdotale et royale comme on peut en voir sur ces grands crucifix romans du IXe au XIIe s )- " Seigneur Jésus élevé dans la gloire du Père où tu

intercèdes pour nous prends pitié de nous!"

Avec l'Agnus Dei " Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ... donne-nous la Paix", c'est l'image de l'Evangile de ce dimanche: " il leur montra ses mains et son côté et leur dit de nouveau: la paix soit avec vous !"

Frères et sœurs, sans oublier le rôle modeste mais bien visible des bouquets de fleurs que l'un de nous a disposé avec foi avec goût et pour dire la joie (" les disciples _ furent remplis de joie " ... et nous aussi ... nous la redisons avec des fleurs) ... , jetons un dernier regard sur la grande croix de lumière qui est dans mon dos. Nous n'avons pas ici de saintes icônes comme nos frères des églises orientales ... mais cette grande toile est tellement forte et parlante! Ce n'est pas seulement une belle œuvre d'art, comme dans un musée mais une image qui nous dit : " Sois sans crainte, Je suis le Vivant; j'étais mort, mais me voici vivant, vainqueur de la mort et de tout le noir ... en vous et autour de vous ... et où chacun de nous peut mettre ses propres expériences de vie humaine et chrétienne.. Quand par la main du Seigneur et avec l'aide de nos frères et de nos sœurs, nous traversé l'épreuve.

"Voici le jour que fit le Seigneur " où nous recevons la Paix du ressuscité, avec mission de la répandre autour de nous: moi aussi je vous envoie!" (2010-04-11)

Homélie du 04 avril 2010 — Dimanche de Pâques — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année B - Dimanche de Pâques - messe du Jour - 4 avril 2010

Ac 10 34-43; 1 Co 5 6-8; Jn 20 1-9

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Peu de temps avant sa mort, on posa cette question à Confucius, le Grand Sage de la Chine : « mais à quoi passeriez-vous votre vie, si elle était à refaire ? » Et Confucius de répondre simplement : « si elle était à refaire, je passerais ma vie à réinventer la signification originelle des mots »

Frères et sœurs, en ce dimanche de Pâques, où nous célébrons dans la foi et dans la joie, la Résurrection du Christ, notre Seigneur, arrêtons-nous un instant, si vous le voulez bien à la signification originelle de ce mot de résurrection. Quel sens lui donnons-nous, à partir de notre expérience de croyant, à la lumière des Ecritures, et en confrontation avec l’expérience des premiers témoins : Marie Madeleine, Pierre, Jean, Paul ?

Saint Paul nous en avertit dans sa lettre aux Corinthiens : « si le Christ n’est pas ressuscité, votre prédication est vide, et vide aussi votre foi : vous êtes encore dans vos péchés ».

Ce mot de résurrection provient du verbe ressusciter, qu’il conviendrait mieux de prononcer re-susciter, c’est-à-dire susciter à nouveau ou de nouveau. Avec l’idée que confère le préfixe « re », soit d’un retour en arrière, restauration d’une situation antérieure, soit au contraire de renouvellement, de recommencement, voire de re-création pour une situation totalement inédite et différente de toutes les situations précédentes.

Le verbe « susciter » évoque aussi la naissance, l’éveil à un monde encore inconnu, en rapport avec la vie. Jésus d’ailleurs n’a-t-il pas associé les deux termes quand il dit à Marthe, à la mort de son frère Lazare : « Je suis la Résurrection et la Vie » ?

Ainsi l’étymologie de ce mot de résurrection nous place dans le registre vital du temps et de l’histoire, selon les dimensions du passé, du présent et de l’avenir.

Entre le passé et le présent, il définit une rupture, une rupture instauratrice, qui conserve quelque chose d’essentiel du passé. Christ ressuscité, au matin de Pâques et après Pâques, est à la fois le même et un autre pour les disciples qui l’ont connu avant sa mort sur la Croix. Marie Madeleine dans le jardin le prend pour un jardinier, les pèlerins d’Emmaüs cheminent avec lui sans le savoir. Et les pêcheurs de Tibériade ne reconnaissent pas immédiatement l’étranger sur le rivage, près du feu. C’est dire que le Corps glorieux du Christ ressuscité et différent de celui qui parcourait les routes de Palestine, en enseignant les foules et guérissant les malades. Pourtant il garde les marques de sa Passion, et Thomas, l’incrédule, pourra le reconnaître en avançant sa main et en la portant dans le coté transpercé de son Seigneur. Ce toucher sera refusé à Marie Madeleine : Jésus l’invite à entretenir désormais avec lui un nouveau type de rapport où le corps est investi autrement que par le contact sensible. Elle a pour mission d’annoncer par la parole et dans la foi le message de la Résurrection aux apôtres.

Pour les disciples d’Emmaüs, c’est à la fraction du pain que le Christ ressuscité se fait reconnaître, tout en disparaissant aussitôt à leurs yeux de chair. Là encore, invitation à un nouveau rapport, dans le mystère sacramentel de l’eucharistie, où le Christ Ressuscité présent réellement en son Corps et en son Sang, se donne dans les signes du pain et du vin : nouveau contact, nouveau toucher.

Mais si la Résurrection instaure une certaine rupture avec le passé, elle entraîne dans le même mouvement l’ irruption du monde humain, terrestre dans le monde divin, céleste, dans le Royaume annoncé et promis. Elle engage alors un nouveau rapport aussi entre le présent et l’avenir, entre le déjà-là et le pas encore.

Saint Paul dans la seconde lecture que nous avons entendue aujourd’hui nous l’affirme : « du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. C’est en effet en haut qu’est votre but, non sur la terre ; en effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors, vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire ».

Notre propre résurrection est ainsi engagée dès maintenant avec celle du Christ. Nous sommes entrés avec lui, par le baptême, dans le Royaume, dans la vie éternelle. Nous avons part à la connaissance du mystère de la mort et de la résurrection du Christ, à partir du moment où, comme le disciple Jean, nous croyons, même sans avoir vu. Et nous sommes appelés à vivre dans l’Esprit Saint une vie nouvelle, une nouvelle création.

La résurrection implique une tension entre le déjà-là du Royaume inauguré par elle, et le pas-encore du Royaume achevé du Dernier Jour. L’enjeu de cette tension se situe dans la responsabilité de notre engagement présent, ici et maintenant. Elle met en acte notre espérance, « une espérance pleine d’immortalité », comme le disait déjà le livre de la Sagesse, dans l’Ancien Testament. Car, « si nous avons mis notre espérance dans le Christ pour ce monde-ci seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non, Christ est ressuscité, prémisse de tous ceux qui doivent aussi ressusciter avec lui au Dernier Jour ». Il nous faut alors espérer contre toute espérance, comme Abraham quand il fut soumis à l’épreuve. Il nous faut croire à l’impossible qui reconstitue un réel plus réel que toutes les réalités de notre imaginaire. Il nous faut enfin aimer de cet amour qui nous vient de l’Esprit Saint et qui est la puissance première et dernière à l’œuvre dans la Résurrection.

Croire à la Résurrection, c’est donc croire au poids de ce qui fait l’importance de notre vie : les événements, les rencontres, les expériences profondes que nous pouvons faire ici-bas, sans nous y attacher outre mesure, car la figure de ce monde est appelée à passer. Tout sera suscité à nouveau, re-suscité : notre vie sera reprise et récapitulée dans le Christ, dans la lumière et la communion définitives, dégagée de tout péché, quand le Christ soumettra tout à son Père et qu’il sera tout en tous.

Méditer sur le mystère de la Résurrection, ré-inventer la signification originelle du mot, c’est donc être invité à porter un regard sérieux sur notre existence, lui donner un sens, au-delà des échecs, de l’absurde, du péché et des petites morts que nous connaissons tous plus ou moins.

Sans déserter le quotidien, c’est vivre dans l’attente, dans la confiance et l’espérance. C’est croire en vérité à ce que nous allons confesser tous ensemble dans un instant :

« j’attends la résurrection des morts et j’attends la vie du monde à venir ». AMEN (2010-04-04)

Homélie du 28 février 2010 — 2e dim. du Carême — Frère Hubert
Cycle : Année C
Info :

ANNEE C – 2° DIMANCHE DE CAREME - 28 février 2010

Luc 9, 28-36 - La Transfiguration

Homélie du F.Hubert

Texte :

Il y a deux semaines, f. Jean-Noël nous disait que les Béatitudes étaient une balise de lumière, avant l’entrée en carême. L’évènement de la Transfiguration en est maintenant une autre, combien précieuse, qui nous tourne vers l’accomplissement et vient confirmer la justesse des choix de Jésus.

Nous l’avons vu, dimanche dernier, éconduire le démon en choisissant, dans l’épreuve, la fidélité à son Père. Il a refusé d’être Fils de Dieu à son compte, de ne plus dépendre du Père, ne plus être en communion avec lui, en fait, ne plus être Fils.

La Transfiguration vient attester qu’il est effectivement « bienheureux » et transfiguré d’une lumière éclatante, ce Jésus qui a fait un tel choix ; elle vient attester que nous pouvons lui faire confiance, et que nous serons nous aussi, bienheureux et transfigurés, si à sa suite, nous sommes fidèles à notre Père. Mais, ces choix, cette fidélité, n’ont rien d’évident pour nos cœurs d’hommes.

Jésus est à un moment décisif de sa vie publique. Son chemin est de n’accepter aucune forme du mal, aucune forme de vie qui le séparerait de son Père et des hommes ses frères. Il n’est pas fait pour vivre à son compte mais pour établir la communion. Jour après jour, il a continué de renoncer aux chemins de facilité proposés par le démon, et il a pressenti de plus en plus le chemin de sa pâque : un chemin conduisant à prendre sur lui l’absolu du mal, pour que l’homme en soit délivré, et que l’amour soit le dernier mot.

« Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté, qu’il soit mis à mort et qu’il ressuscite ». Il a commencé à parler de tout cela à ses disciples. Ce chemin à travers l’épreuve, et la mort envisagée, ne va pas de soi, sans combat. Pour lui comme pour ses disciples. Alors, il monte sur la montagne pour prier, pour adhérer à son Père et recevoir de lui la force d’être fidèle à l’Esprit qui les unit et qui repose sur lui.

D’ordinaire, il prie seul. Cette fois-ci, il prend avec lui Pierre, Jean et Jacques. Car il n’est pas seul à être concerné. Déjà son corps ecclésial se forme et les trois disciples en sont les représentants. Pour eux tous aussi le chemin va être rude. S’il doit livrer sa vie et vivre sa Pâque, les membres de son corps doivent aussi livrer la leur. « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix chaque jour ».

Aussi, Il veut les associer à sa prière, les y plonger. Se livrant à son Père, il les lui offre, eux aussi, pour qu’il les remplisse de son Esprit.

« Simon, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas ». « Or, pendant qu’il priait, son visage apparut tout autre, et deux hommes s’entretenaient avec lui : Moïse et Elie, apparus dans la gloire ». Au coeur de son adhésion à la volonté du Père, Jésus devient rayonnant de lumière jusque dans son corps et ses vêtements. En ce moment intense où il ne fait qu’un avec la Compassion du Père pour les hommes, le Père fait éclater en lui sa joie. Le rayonnement de lumière, en son corps d’homme, est comme le tressaillement de joie du Père répondant au don total de son Fils Unique.

Pour les apôtres, et pour Jésus lui-même, il est attestation que les choix que Jésus a fait sont les bons, que c’est bien vers la vie qu’il va et qu’il emmène ses disciples. Que le chemin qu’il a choisi est le bon, qu’il passe par la mort, mais qu’il n’est pas mortifère : au contraire, il est source inépuisable de vie: il conduit à la beauté, à la lumière de gloire de ce qui n’existe plus que dans l’amour.

Annonce de la Résurrection.

Il faut que le Fils de l’homme souffre, et qu’il ressuscite. Jésus cependant n’est pas encore au but. Ce tressaillement de lumière ne le tire pas hors de sa vie et de sa mission. Moïse et Elie s’entretiennent avec lui de son exode qui allait se réaliser à Jérusalem. C’est sa communion parfaite avec le Père, dans l’adhésion à sa mission de Serviteur, souffrant pour le salut de tous, qui est la source de la lumière d’amour que le Père laisse transparaître en son corps d’homme. La voix du Père qui ensuite se fait entendre du milieu de la nuée, nous oriente encore dans le même sens.

« Celui-ci est mon Fils, mon Elu : Écoutez-le ». Ce qualificatif, « mon Elu », celui que j’ai choisi, renvoie directement aux poèmes du Serviteur souffrant, du prophète Isaïe, que Luc reprendra au moment de la crucifixion. Le « Ecoutez-le » vient corroborer l’enseignement de Jésus.

« Ecoutez-le, quand il vous dit qu’il doit souffrir beaucoup, être rejeté, être mis mort, et aussi ressusciter le troisième jour. C’est bien lui mon Fils, celui que j’ai choisi pour assumer « le poids perdu de la souffrance », et offrir sa vie en sacrifice pour la justification des multitudes.

Ecoutez-le : il est l’alliance du peuple et la lumière des nations ; par delà l’épreuve, il verra la lumière et sera comblé. Ecoutez-le, car je n’ai pas d’autre Parole que lui ».

« Quand la voix eut retenti, on ne vit plus que Jésus seul ». A nouveau, pas d’évasion hors du monde. Le mystère de l’enfouissement du grain, qui meurt pour donner la vie, continue, en Jésus, dans l’Eglise, en nous.

« Ne cherchons pas hors de nos vies à retrouver son passage ».

La mission du Serviteur est maintenant la nôtre. Nos vies sont une pâque que nous avons à offrir pour faire advenir la communion. Si nos vies manquent de lumière, de transfiguration, de tressaillement de joie, n’est-ce pas parce que notre nourriture est autre que la volonté du Père, notre pain autre que la Parole de sa bouche, notre regard fixé ailleurs que sur son Visage, et notre coeur sans souci du salut, c’est à dire de la vie et de la gloire de tous les hommes ?

Contemplons donc Jésus qui, dans l’acceptation de la défiguration qui sera la sienne, est transfiguré par la puissance de communion qui l’unit à son Père. Contemplons Jésus, en qui habite corporellement la plénitude de la divinité, son corps et son sang vont nous être offerts pour que nous soyons transformés en lui. (28 Février 2010)

Homélie du 17 février 2010 — Mercredi des Cendres — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Entrée en Carême 2012

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Une psychanalyste Diane Drory a écrit un livre au titre emblématique « Au secours, on manque de manque ». Par ce livre, elle met en garde les parents contre une volonté de donner à leurs enfants tout ce qu’ils veulent. En couvant leurs enfants ainsi à l’excès, en ayant peur qu’ils manquent de quelque chose, ces parents ne se rendent pas compte qu’ils étouffent les possibilités de vivre de leurs enfants. Il s les empêchent d’apprendre que le manque, que l’attente, que l’absence ou encore la perte ou l’erreur font partie de l’existence humaine. Ces enfants trop protégés auront du mal à affronter la vie adulte et ses inévitables épreuve s et contrariétés.

Ce temps de Carême voudrait nous redire le bienfait de cette dimension du manque dans notre vie humaine. Manque qui creuse, manque qui veut nous purifier en notre désir, manque pour mieux écouter la Parole. N’ayons pas peur du manque que peut créer le jeûne. Il nous aide à lâcher prise sur nos réflexes gourmands. N’ayons pas peur du manque que va créer un climat plus austère dans la liturgie sans orgue, et aussi dans le temps de silence à la fin de l’office de Sexte. Il veut nous aguerrir à une prière plus généreuse et détachée. Comme le Peuple Hébreu dans le désert, le manque vécu durant ce temps de Carême veut ouvrir notre cœur à une relation plus familière avec notre Dieu qui chemine avec nous. Il nous parle et nous invite à un dialogue plus soutenu avec lui. Par l’écoute de sa Parole, par l’Eucharistie, le Seigneur Jésus nous introduira à une intelligence renouvelée de sa mort et de sa résurrection. Que nous célèbrerons à Pâques.

Concrètement comment vivre ce Carême ? En communauté nous avons le jeûne vécu aux différents repas en retranchant : le matin, le fromage, et le midi et le soir, le fruit. Si tel frère a une difficulté qu’il n’hésite pas à m’en parler pour aménager au besoin. J’invite le uns et les autres à donner davantage de temps à la prière : que l’on consacre vraiment le temps après las Vêpres à la prière. J’encourage le plus possible à rester à l’église. Ensemble nous nous soutenons. A sexte, je propose donc qu’après le Notre Père, on prie cinq minutes en silence qui seront conclues pas l’Angélus. On peut adopter la position que l’on voudra, à genou, debout, assis.

Le livre de Carême est un autre instrument à notre disposition. Réservons à la lectio avec plus de soin encore la soirée du vendredi. Ce n’est pas le moment d’aller à la salle des journaux, de même après les vêpres. Retrouvons grâce aux manques creusés par ce Carême le goût de la prière et de l’étude à l’écoute du Christ et de son mystère.

(2012-02-21)

Homélie du 24 janvier 2010 — 3e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - 3° Dimanche du Temps Ordinaire - 24 janvier 2010

Néh 8 1-20; 1 Co 12 12-30; Lc 4 14-21

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

« Cette parole de l’Ecriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ». Aujourd’hui : qu’est-ce à dire ? Serait-ce, à la lettre, et au risque d’une interprétation fondamentaliste, ce dimanche 24 Janvier 2010, non pas dans une synagogue de Galilée, à Nazareth, mais en cette église de la Pierre qui Vire, où notre assemblée a l’habitude de se retrouver chaque semaine ? Avec un frère qui proclame un passage de l’Evangéliaire après l’avoir ouvert, puis refermé et un autre frère qui ajoute quelques mots en guise d’homélie ?

C’est sur cet « aujourd’hui » de l’Evangile, de la Bonne Nouvelle que le Seigneur nous demande alors de méditer.

On a pu dire, et c’est exact, que « aujourd’hui » est, entre tous, le mot du salut, le mot biblique par excellence, le mot théologique, aussi bien pour l’Ancien que pour le Nouveau Testament. Il marque l’entrée de Dieu dans le temps, dans l’histoire humaine. Au long des Ecritures, il signifie l’annonce, la révélation, l’accomplissement du Jour du Seigneur. Ainsi en est-il pour le Deutéronome, qui le mentionne à 43 reprises :

« Vois, je mets aujourd’hui devant vous, bénédiction et malédiction. La bénédiction, si vous écoutez les commandements du Seigneur votre Dieu que je vous donne aujourd’hui, la malédiction si vous ne les écoutez pas et si vous vous détournez du chemin que je vous trace aujourd’hui ».

Ainsi pour l’évangéliste Luc qui nous accompagne tous ces dimanches de l’Année Liturgique C. Il utilise le mot 23 fois entre son évangile et le livre des Actes.

- à la naissance de Jésus à Bethléem, avec l’annonce aux bergers : « il vous est né aujourd’hui dans la ville de David, un sauveur : c’est le Christ, le Seigneur »

- à l’heure de son baptême dans le Jourdain, avec la voix venant du Ciel : « aujourd’hui, moi, je t’ai engendré »

- et tout au long de sa prédication et de son ministère public, Jésus vient apporter le salut aux malades et dans les maisons comme celle du publicain Zachée : « Zachée, descend vite de ton arbre, il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison. Aujourd’hui, le salut est venu dans cette maison, car lui aussi est un Fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ».

- et enfin à l’heure de la Passion, St Luc mentionne cet aujourd’hui à 2 reprises. La première en prédisant à Pierre son reniement : « avant que le coq ne chanter aujourd’hui, tu m’auras renié par 3 fois », et la seconde fois, la dernière, en se tournant vers le bon larron sur la Croix : « aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis ».

Cette énumération que l’on pourrait encore prolonger avec le récit des Actes nous remet alors en perspective le texte lu ce matin et nous place devant cet « accomplissement » du Jour du Seigneur qui se réalise dans la personne de Jésus, serviteur.

« l’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur ».

Alors, ces paroles doivent nous interroger, et elles nous invitent à une prise de conscience de cet accomplissement de l’Evangile pour nous, en ce dimanche 24 Janvier, en cette église du monastère.

Ce n’est une liturgie de shabbat que nous célébrons, mais c’est pour une eucharistie que nous sommes venus. L’eucharistie est-elle donc ce moment qui doit actualiser la Bonne Nouvelle, et pas seulement au moyen d’un rite et d’un sacrement célébré ? Car toute notre vie chrétienne est appelée à devenir « eucharistie », « action de grâces » et annonce d’une année de bonheur, de bienfaits accordés par Dieu, comme nous l’avons souhaité à nos amis et nos proches tout au long de ce mois de Janvier.

Et puis, en ce 24 Janvier, nous pouvons aussi actualiser les paroles de cet évangile avec la grande intention de prière de l’Eglise pour l’Unité des Chrétiens, puisque nous arrivons au terme de la semaine annuelle de cette prière. C’est bien aujourd’hui que le Christ souhaite et prie avec nous pour l’unité de son Eglise.

Ainsi, frères et sœurs, dans la mesure où nous nous déclarons croyants et désirons être disciples du Christ, soyons cohérents avec nous-mêmes :

« aujourd’hui, si nous entendons la voix du Seigneur, ne lui fermons pas notre cœur, comme au temps de l’exaspération »

« voici l’heure de sortir de notre sommeil. Aujourd’hui, en effet, le salut est plus proche de nous qu’au moment où nous avons cru. La nuit est avancée, le jour est tout proche »

Oui, en vérité, « Jésus-Christ est le même, hier, à Nazareth, à la synagogue, et aujourd’hui, à la Pierre qui Vire, en 2010. Il le sera pour l’éternité. »

AMEN (2010-01-24)

Homélie du 03 janvier 2010 — Epiphanie du Seigneur — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Epiphanie du Seigneur - janvier 2010

Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2010

« Où est le roi des Juifs qui vient de naitre ? » Frères et sœurs, voilà une question insolite quand elle se trouve posée au centre même du royaume des Juifs, à Jérusalem…Est-il possible qu’au cœur même du royaume, on ne sache rien de cette naissance et qu’il faille que ce soit des étrangers qui en apportent la nouvelle ? On a envie alors de poser une seconde question : qui est ce roi des Juifs qui vient de naitre ? De quelle lignée est-il, si au centre du royaume, il n’est pas attendu ? Ou bien ne s’agit-il pas d’une farce ?

Ces questions qui surgissent à la lecture de ce récit nous remettent devant le paradoxe de notre foi chrétienne, paradoxe dont l’évangéliste Matthieu est bien conscient, paradoxe qui traverse tout le nouveau testament. Nous croyons en un Roi, le Christ que beaucoup ignorent. Nous croyons qu’il est le Seigneur de tous les hommes, et bien peu s’en préoccupent. Nous croyons qu’il est la Lumière du monde, la Lumière des nations, et la plupart n’y prêtent pas attention. Quelle distance entre la grandeur du message de notre foi et le peu de prise qu’il a sur la réalité du monde ! Sommes-nous de doux idéalistes ou de gentils rêveurs ?

Nous le mesurons bien en une telle fête, comme celle que nous célébrons aujourd’hui, l’Epiphanie du Seigneur, combien la foi nous ouvre à un autre regard sur la réalité. Là où la plupart ne voit qu’un pauvre gosse dans une étable, la foi nous fait voir le Messie de Dieu. Celui que les habitants de Jérusalem ignorent, les mages viennent se prosterner devant lui. Là où on ne verra qu’un homme crucifié puis mis au tombeau, la foi nous fait voir le Ressuscité, le Maitre de la Vie. Là où l’on ne voit que du pain et du vin, nous accueillons le Corps et le Sang du Christ.

Nous touchons là, et la grandeur et l’humilité de notre foi chrétienne : grandeur par le message qu’elle proclame, et humilité car elle ne repose que sur la confiance en une Parole…Par notre message et sa vision très large de la bonté de Dieu et de la dignité de l’homme, nous pouvons apparaitre parfois prétentieux. Mais par la parole et par l’amour qui sont les seuls moyens mis à notre disposition pour le diffuser, nous nous sentons comme démunis.

Oui, cette fête de l’Epiphanie peut nous aider à vivre sereinement ce paradoxe de notre foi chrétienne. Oui, cet enfant nouveau-né, ignoré, est bien la Lumière des nations, mais pour se faire connaitre, il n’a pas besoin de la force des rois. Il a besoin seulement de la foi de vrais chercheurs qui lui donnent le meilleur d’eux-mêmes, tout leur or, leur encens et leur myrrhe…Si la pensée ou la tentation nous effleure de rêver que notre foi et la beauté de son message devrait s’imposer à tous, pour leur bien, évidemment, demandons-nous si nous ne sommes pas en train de confondre la foi avec une quelconque idéologie…Tout le message du Christ si grand soit-il a été inséparable de sa vie, de sa manière de vivre, totalement livrée, sans aucune prétention de puissance. Le Christ s’est livré dans sa parole sans aucune prétention de l’imposer, il est mort dans une extrême faiblesse. Sa force résidait dans la confiance en son Père qui le ressusciterait. A la suite du Christ, il nous faut marcher quand nous voulons confesser notre foi, notre manière de le faire ne peut-être que semblable à la sienne : une manière vraie, humble et totalement confiante en Celui qui nous donne la force. Le message de la foi a moins besoin de nos arguments que de notre vie totalement donnée à la Parole de Dieu, une vie livrée à la chercher en vérité et à lui obéir chaque jour un peu plus…

En cette eucharistie, offrons-nous avec le Christ, offrons-nous à son œuvre de salut et de lumière pour le monde, qu’il veut réaliser avec nous, en nous par nous… (2010-01-03)