vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 05 août 2011 — 3e dim. de Pâques — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - 3e dimanche Tps pascal –

Ac 2 14, 22-28 ; 1 P 1 17-21 ; Lc 24 13-35

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Les pèlerins d’Emmaüs

Une route déserte. Non, j’aperçois deux hommes qui marchent. Ils fuient les lieux de la violence insupportable.

J’entends un ordre : « Rejoins ! » Les deux d’hier sont devenus foules aujourd’hui, hommes et femmes de toutes couleurs, sur tous les continents, partis, abandonnant leurs morts, affrontés au désespoir de ceux qui n’ont plus d’avenir.

« Rejoins ! » Que faire pour eux, et pour nous-mêmes qui en sommes ? Surtout ne pas se payer de mots faciles. Essayer quand même de ne pas s’éloigner, de se plonger au contraire au cœur du mystère que Dieu en ce moment vit beaucoup plus profondément que nous... Rejoindre aussi Dieu. Où cela ? Là où il nous attend : au cœur de l’histoire, telle que seule la liturgie peut la ressaisir et lui donner sens. Nous le savons, c’est éminemment dans la liturgie que la toute puissance de Dieu s’exerce dans le monde, à travers notre faiblesse, assumée qu’elle est dans la totale faiblesse de son Fils mort et ressuscité pour tous.

Je crois que célébrer la liturgie, c’est entrer en une double solidarité,

à la fois avec les hommes qui marchent actuellement sur la route d’Emmaüs,

et avec Celui qui les rejoint, à pas de loup, et se mêle à eux, incognito.

Cet inconnu, frêle silhouette, que vient-il faire là en cette circonstance ?

Une anecdote. Je ne peux m’empêcher de penser à ce que je crois avoir déjà évoqué ici. Au Togo, le frère Eugène au retour du camp des lépreux qu’il visitait tous les quinze jours, m’avait rapporté ces mots d’un lépreux son ami : « Aimer, c’est être là quand on a besoin de toi ». Je crois que tout l’évangile d’aujourd’hui est résumé en ces quelques mots : « Être là quand on a besoin de toi ». Quel besoin ? Évidemment, d’abord de vraie présence.

Le troisième homme sur la route d’Emmaüs le savait. Il savait que c’était là sa mission. Il se savait envoyé auprès des hommes pour leur apporter la seule présence dont tous ont un besoin absolu : la présence d’un vrai Père, celui dont l’apôtre Pierre nous parle dans les deux premières lectures. Écoutons-le, avec notre propre besoin :

« Frères, vous invoquez en tant qu’il est votre Père, Celui qui ne fait pas de différence entre les hommes... ». Ce Père qui enveloppe chacun de ses enfants bien aimés d’un même regard d’amour. L’amour vrai est incapable de faire des comparaisons. Aimer c’est n’avoir que des préférés, tous uniques. Aimer sans faire de différence. Aimer c’est être libre de ne plus choisir !

Libre aussi pour écouter jusqu’au bout Pierre qui ajoute « Aussi veillez sur vos actes ». Dans quel but ? Mais pour répondre à l’attente de ce Père qui nous veut libres, libres pour les autres. Il a tout fait pour que ce soit possible : « Vous le savez, dit Pierre, ce qui vous a libérés de la vie errante que vous meniez à la suite de vos pères » ce qui vous libère en ce temps pascal, « ce n’est pas l’or ou l’argent, tout cela sera détruit... », de la paille... ! Quoi alors ? « Mais le sang précieux du Christ, l’Agneau pascal, sans défaut et sans tache, que Dieu avait choisi dès avant la création du monde ».

Oui, j’ai bien entendu : « Choisi dès avant la création du monde... », c'est-à-dire alors qu’il n’y avait que Dieu, et rien d’autre, que Dieu qui, en son conseil trinitaire, agissait en Père qui se choisit son Fils unique et éternel pour le dessein d’amour qu’il allait lui confier. Mais ce n’est pas tout. Après cette rapide ouverture sur ce qui précédait la création, Pierre nous conduit ensuite dans la fin ultime du temps, en continuant : « Ce Fils, Agneau choisi, Dieu son Père l’a manifesté pour vous, en ces temps qui sont les derniers ». L’Agneau manifesté sur la route, apparu dans l’auberge, disparu pour un surcroît de présence. Et Pierre de conclure : « C’est par lui que vous croyez en Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts », Dieu qui ne veut qu’une chose : vous faire entrer en résurrection dès maintenant en y entraînant beaucoup d’autres.

Comment conclure, sinon par l’action de grâce ?

Je vous laisse avec le psaume 15 que nous avons déjà chanté ensemble entre les deux premières lectures et qui nous invite à continuer au fond de nos cœurs tout au long de ce jour :

« Mon cœur exulte, mon âme est en fête. Tu m’apprends le chemin de la vie »,

notre chemin d’Emmaüs, d’une éternité à l’autre, jusqu’à l’auberge où nous sommes attendus, attendus par la Présence, la Présence définitive. (2011-05-08)

Homélie du 17 juillet 2011 — 16e dim. ordinaire — Frère Ghislain
Cycle : Année A
Info :

16° dimanche du Temps Ordinaire - Année A

Homélie du F.Ghislain

Texte :

Il y a du mal : dans le monde, dans le pays, dans le village et, ce qui est le plus déroutant en chacun de nous. Pourquoi Dieu le laisse-t-il prospérer et faire son œuvre destructrice ? La réponse que donne l’évangile est celle-ci : « de peur qu’en enlevant l’ivraie, on n’arrache aussi le blé en même temps ». Cette phrase est difficile à comprendre, à accepter.

Pour la comprendre, on peut regarder vers Jésus, lui qui est la vigne et dont nous sommes les sarments : on pourrait dire : il est l’épi de blé le plus riche et nous faisons partie de sa gerbe. Or, dès le début de sa vie publique, avant même de partir annoncer le Royaume, Jésus s’est trouvé face au démon, le semeur d’ivraie, et il lui a résisté par la force de la Parole de Dieu. Tout au long de sa vie, il a lutté contre les démons, il les a chassés et pourtant, de certains démons, les plus orgueilleux, les plus subtils, il n’a pas eu raison. A la fin de sa vie, il est mort sur la Croix. Son Père ne l’a pas épargné mais, en retour de son combat de son don total, il l’a ressuscité. Il ne faut pas nous étonner que le destin de Jésus soit aussi le nôtre. Le serviteur n’est pas plus grand que le Maître. Il faut alors fixer sans cesse le regard sur Jésus et, grâce à l’Esprit qu’il nous envoie, ne pas défaillir devant l’épreuve qui nous est proposée au log de notre vie.

A la lumière de Jésus, de dire ceci, on peut essayer de comprendre un peu pourquoi, si on arrachait l’ivraie, on risquerait d’endommager le blé : si on arrache l’ivraie, s’il n’y a que du bien, il n’y a plus de place pour un combat spirituel où chacun choisit son camp et lutte pour y demeurer fidèle. Il n’y a plus dd place pour la miséricorde et l’amour des ennemis. Il n’y a plus de place pour la prière dans laquelle nous reconnaissons que seul Dieu peut nous donner force. Il n’y a plus de place pour la patience, cette vertu silencieuse qui nous rend finalement très forts. Il n’y a plus de place pour l’héroïsme et le martyre…Toutes ces choses sont des éléments essentiels pour faire un chrétien.

Homélie du 26 juin 2011 — Saint Sacrement - Fête Dieu — Frère Antoine
Cycle : Année A
Info :

Saint Sacrement Jn 6/51 - 58

Année A

Homélie du Frère Antoine

Texte :

Dimanche dernier nous avons célébré la fête de la Ste Trinité, le mystère de la vie même

de Dieu et aujourd'hui nous célébrons le mystère de cette union intime que Jésus nous invite à

vivre avec lui.

Vivre est le mot clef de l'Evangile d'aujourd'hui qui fait suite à celui de la multiplication des cinq pains d'orge dont il restera douze paniers. Des pains que Jésus a donnés, il fait passer maintenant ses

auditeurs à l'idée du Pain qu'il est lui-même.

Ce passage est à la fois une hymne à la Vie et une hymne à l'amour de Dieu envers toute

l'humanité symbolisé par le don de son corps et de son sang.

Neuf fois la Vie est mentionnée ... trois fois sous l'expression de la vie éternelle qui apparaît

au début du discours, puis au milieu, pour devenir enfin le dernier mot de l'Evangile.

Cette vie éternelle promise par Jésus est une plénitude qui dépasse le temps.

Une plénitude qui nous est promise dès maintenant, car Jésus utilise le présent «Qui mange ma

chair et boit mon sang demeure en moi.si vous ne mangez pas ma chair et ne buvez pas mon sang

la vie n'est pas en vous»

Ce don de la chair et du sang dans le Présent de notre existence signifie le don du Pain de la

Parole, un pain, qui, si nous l'accueillons et si nous l'assimilons est source de Vie dès maintenant

et chaque jour.

Mais cette vie en plénitude nourrie par l'écoute de la parole est appelée à dépasser le temps

présent, elle est vie éternelle ... ce que souligne le texte de St Jean quand il utilise ensuite le futur

pour en démontrer la durée.

« Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement, qui mange ma chair et boit mon sang

je le ressusciterai au dernier jour» .... Promesse d'une communion intime à Jésus et à sa

résurrection dont l'Eucharistie sera l'expression et la nourriture.

Au cours d'une séance de catéchisme, une animatrice après avoir commenté ce passage de St

Jean interroge un enfant sur ce que Jésus a dit.

Au lieu de dire Jésus a pris du pain en disant, Prenez et mangez en tous ceci est mon corps donné

pour vous, l'enfant fait cette réponse : « Jésus a pris son corps ... puis il a dit ... : Prenez et mangez

en tous, ... ceci est mon pain livré pour vous! »

D'un seul coup, en renversant la phrase, l'enfant donnait le sens exact des paroles de Jésus.

Le don du Pain du Christ, est une invitation pour nous à entrer en communion personnelle

avec lui. Recevoir le Corps et le sang du Christ, c'est se laisser assimiler au Christ afin d'être

transformé de l'intérieur et configuré à son image.

Jésus ne nous explique pas comment il peut être réellement présent dans le pain, mais son

affirmation est catégorique et sa répétition à 6 reprises en fait une hymne à la vie qui est aussi

une hymne à l'amour de Dieu. Donner son corps et son sang c'est exprimer cet amour immense

de Dieu, pour chacun d'entre nous, ce que le cardinal Walter Kasper exprimait ainsi:

« Dieu connaît le fond de ton cœur. Par son sacrifice, ta vie est placée dans l'horizon et sous

l'étoile de son pardon, de sa compassion et de sa miséricorde. Tu y es définitivement en sécurité,

rien, ni personne au monde ne peut jamais t'en séparer»

Frères et Sœurs, C'est en ce sens que la Vie éternelle est déjà présente en nous. (2011-06-26)

Homélie du 19 juin 2011 — Sainte Trinité — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A - Dimanche de la Trinité - 19 Juin 2011

Ex 35 4-9; 2 Co 13 11-13; Jn 3 16-18

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

Il faut bien l’avouer : il n’est pas facile de parler du mystère de la Trinité en Dieu. Et pourtant, c’est là un des articles les plus essentiels de notre foi chrétienne, de notre foi de baptisé, puisque le baptême ne se reçoit qu’au nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint.

Et puis, dans le dialogue avec les autres religions ou les autres sagesses du monde, dialogue si fortement engagé en notre temps, la foi en la Trinité, inséparable de celle en l’Incarnation de Dieu en Jésus-Christ est ce qui nous différencie et nous identifie d’une manière radicale et incontournable, en tant que chrétiens.

Il faut donc prendre le temps de s’arrêter pour approfondir cette réalité que nous confessons chaque dimanche dans le Credo de l’Eglise, et pour cela, la liturgie et les textes proposés en ce jour peuvent et doivent nous y aider.

La 1ère lecture, tirée de l’Ancien Testament dans le livre de l’Exode nous apprend que Dieu a un Nom. Il prend soin de le révéler lui-même à ceux qu’Il choisit : à Moïse en particulier, et à travers lui, à tout un peuple élu. Dieu a l’initiative d’un dialogue, d’une Alliance avec les hommes. Le christianisme s’inscrit ainsi dans la foi juive en un Dieu personnel, qui n’est pas anonyme ; et ce Nom de Dieu est qualifié : « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité ». Il n’a rien d’une réalité lointaine, terrifiante ou indifférente, insensible. Au contraire, le Dieu de la Bible accepte de marcher au milieu de son peuple, à la demande de Moïse. Il s’engage : « Moi, Je serai avec vous Celui qui est »

En réponse à cet engagement, le croyant est invité à partager ces mêmes sentiments :

« on t’a fait savoir, homme ce que le Seigneur attend de toi : rien d’autre qu’aimer la justice, pratiquer la miséricorde, et marcher humblement avec ton Dieu ».

Tout au long de cette 1ère Alliance, les qualifications du Nom de Dieu vont se préciser, s’affiner. Les Prophètes lui accorderont les sentiments d’un Père, d’une Mère, d’un Epoux, d’un Ami

Mais c’est avec l’Evangile qu’une nouvelle révélation de ce Nom de Dieu advient : une révélation plus décisive encore dans la connaissance du Mystère de Dieu.

« Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières parlé autrefois aux pères dans les Prophètes, Dieu, en ces temps qui sont les derniers, nous a parlé à nous, en un Fils, qu’il a établi héritier de tout, par qui aussi il a créé les mondes »

Et Saint Jean dans l’Evangile que nous avons entendu nous donne la raison de nouvelle manifestation : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils Unique ; ainsi, tout homme qui croit en Lui ne périra pas, mais il obtiendra la Vie Eternelle »

Le Dieu plein d’amour et de fidélité, révélé à Moïse et déjà si proche des hommes vient lui-même partager la condition des hommes. Il se fait encore plus proche : Emmanuel, Dieu avec nous. Dieu Sauveur en Jésus, Christ et Seigneur. Un Dieu qui se fait homme depuis sa naissance à Bethléem, engendré, non pas créé, d’une femme, Marie, jusqu’à sa mort sur la Croix, par amour pour nous, en toute grâce, en rémission de nos péchés.

Les disciples de ce Jésus, les chrétiens que nous sommes, sont appelés à reconnaître désormais en Dieu, le grand mystère d’une relation entre 2 personnes : un Père et un Fils, unis de toute éternité, dans un parfait amour qu’ils veulent nous faire partager.

Alors un dernier pas dans la Révélation de ce mystère divin est accompli avec la communication intime de ce don d’amour à tout homme qui croit. C’est la communion de l’Esprit. Dieu est Esprit Saint, personne à part entière, distincte du Père et du Fils, de même nature qu’eux, dont il procède. Cet Esprit est Seigneur et Il donne la vie. C’est lui qui a parlé par les Prophètes.

Saint Paul peut ainsi résumer dans un seul verset de la seconde lecture : l’amour de Dieu le Père, la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ et la communion de l’Esprit soit toujours avec nous. Dieu est donc relation, relation de personnes, dans une parfaite égalité et unité de nature. Les théologiens avec leurs concepts, les artistes avec leurs pinceaux (on pense bien sûr à la célèbre icône de Roublev) ont cherché à exprimer ce mystère de relation entre les 3 personnes divines. Ils n’ont pu et ne pourront jamais l’épuiser totalement.

Et dans la liturgie, c’est au moyen des doxologies, des hymnes et des antiennes que nous unissons nos voix à celles des anges et des saints. C’est sans doute encore la manière qui convient le mieux pour le célébrer. Aussi en terminant, je reprendrai l’antienne du Magnificat de ce jour de fête, que nous chantons aux Vêpres :

« Mystère du Dieu Vivant et de son Amour pour les hommes, le Très-Haut nous envoie son Fils, et se révèle notre Père. Le Christ exalté dans la Gloire nous donne son Esprit, en qui nous te louons, Dieu qui es, qui étais, et qui viens ! » AMEN (2011-06-19)

Homélie du 15 mai 2011 — 4e dim. de Pâques — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - 4e dimanche de Pâques

Ac 2 14, 36-41 ; 1 P 2 20-25 ; Jn 10 1-10

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Ce dimanche pourrait s’appeler le dimanche des trois appels, une trilogie de chances,

une par lecture.

Avec la première lecture nous sommes au jour de la Pentecôte. La Colombe de l’Esprit Saint vient de faire son nid au fond des cœurs bien disposés.

Saint Pierre saisit l’occasion. Il lance son premier appel, en réalité celui de la Colombe qui, par la voix de l’apôtre, éveille en nous son poussin : « Convertissez-vous... », – c'est-à-dire “changez de maître” – « et faites vous baptiser au nom de Jésus Christ pour le pardon de vos péchés ; – le pardon qui va vous délier de vos liens, ouf ! – « vous recevrez alors le don du Saint Esprit » – l’Esprit qui apporte la grande vie, celle de Dieu en l’homme». C’est le temps de naître, de commencer, la chance offerte, à saisir.

Deuxième lecture, deuxième appel, du même saint Pierre.

Il ne s’agit plus de commencer mais de continuer, ce qui est plus important. Pierre, qui s’y connaissait, veut nous aider à traverser les inévitables souffrances de la vie, en particulier celles qu’il évoque clairement, les épreuves qui peuvent survenir du fait qu’on est disciples de Jésus.

Il s’écrie : « Si l’on vous fait souffrir alors que vous avez bien agi, vous rendrez hommage à Dieu en tenant bon.

C’est bien à cela que vous êtes appelés... à l’exemple de Jésus Christ ... Insulté, il n’insultait pas, accablé de souffrances, il ne menaçait pas, mais il confiait sa cause à Celui qui juge avec justice ».

Suivre l’exemple de Jésus ? Ce n’est pas l’imiter de l’extérieur. C’est lui demander de venir en nous, pour nous donner de vivre en lui, et comme lui, nos épreuves et même nos détresses. Une évangélisation de la souffrance.

Est-ce bien réaliste ?

En guise de réponse, voici un témoignage. Celui d’un évêque de l’église anglicane, en Iran, un certain Hassan Dehqani-Tafti, avec son épouse. C’était il y a vingt ou trente ans, dans des circonstances qui se laissent deviner. Voici la prière qu’ils firent tous deux.

«Ô Seigneur, nous nous rappelons notre fils,

mais aussi ses meurtriers.

Non parce qu’ils l’ont tué dans sa jeunesse à peine éclose,

ou parce qu’ils ont fait saigner notre cœur et pleurer nos yeux,

non parce que leur acte de barbarie a couvert d’infamie notre pays aux yeux des autres nations :

non parce que leur crime nous a appris à te suivre dans la voie du sacrifice,

mais parce que le feu terrible de cette calamité brûle en nous tout égoïsme...

Ô Dieu, le sang de notre fils a fait croître en nos âmes les racines de l’Esprit.

Alors, quand ses assassins se présenteront devant toi au jour du jugement,

n’oublie pas qu’ils ont enrichi nos vies,

et pardonne-leur ».

Une prière sous les ailes de la Colombe.

Pourrait-t-on prier ainsi sans avoir entendu, comme dans l’Évangile proclamé tout à l’heure, le troisième appel,

celui que Jésus lance à chacune de ses brebis pour qu’elles le suivent jusque dans sa traversée du mystère pascal ?

Oui, mais par où traverser? Jésus nous le dit au creux de l’oreille : « JE SUIS la porte », je suis la brèche. Je viens vous prendre par la main pour vous faire passer de la mort à la vie ».

Ce « JE SUIS, divin » suscite un “TU ES, humain”, le nôtre. La brebis se sent alors regardée, choisie, connue jusqu’à l’intime, appelée par son nom pour une vocation qui la dépasse : celle de se faire “porte pour les autres”, avec le Christ et en lui.

Nous sommes appelés à devenir, chacun à sa manière,

des bergers, des passeurs qui ouvrent les grilles des cimetières, qui font traverser les torrents en furie, qui font sortir, pour faire entrer...

Bref, en ce dimanche, nous est lancé en pleine face un joyeux appel à nous ouvrir tout grand, à deux battants, pour accueillir le Christ porte et portier, pour accueillir avec lui nos frères et nos sœurs, sans trier, sans juger, comme lui-même le fait dans l’évangile,

un évangile qu’il nous appartient de continuer dans le quotidien de nos porte à porte. (2011-05-15)

Homélie du 01 mai 2011 — 2e dim. de Pâques (de la Miséricorde) — Frère Servan
Cycle : Année A
Info :

Année A – Pâques 2° Dimanche – 1 mai 2011

Ac 2 42-47 ; 1 P 1 3-9 ; Jn 20 19-31

Homélie du F.Servan

Texte :

Quelle que soit l'année, A B ou C, le deuxième dimanche de Pâques, nous entendons toujours ce même évangile. Si bien qu'on l'a appelé ("Le dimanche de Thomas ». On l’appelait encore « in albis », car les baptisés de la nuit pascal y portaient une dernière fois le vêtement blanc, signe de leur nouvelle naissance dans le Christ. Depuis peu, sous l'impulsion de Jean Paul II (honoré en ce jour comme bon serviteur du Christ et de l'évangile) on l'appelle aussi : « dimanche de la miséricorde ». « Dieu riche en miséricorde », c'était en 1980 la première lettre encyclique du pape Jean Paul II.

(Certains ne sont peut-être pas très friands de ces étiquettes, collées comme des post-it sur l'essentiel, le Dimanche (Le premier jour de la semaine, huitième jour plus tard et ainsi de suite) le Jour où le Seigneur, le Ressuscité se tient au milieu de ceux qui se rassemblent en son Nom pour les instruire et leur partager sa vie.

« Et il était là au milieu d'eux »- « Et il est là au milieu de nous ».

Mais ne faisons pas la fine bouche quand on nous parle de Miséricorde, du Cœur de notre Dieu (cela importe à chacun de nous et à toute l'humanité). Nous avons entendu la Lettre de Pierre (la deuxième lecture) nous le redire: « Béni soit Dieu le Père de Jésus Christ, notre Seigneur : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître grâce à la Résurrection de Jésus Christ pour une vivante espérance ». Et si l'évangile par trois fois a mentionné « les mains et le côté transpercés », c'est que ces saintes plaies, ces cicatrices éternelles sont le signe et la source de la Miséricorde grande ouverte, toujours offerte, celle de l'AGNEAU DE Dieu qui enlève le péché du monde : « Il leur montra ses mains et son côté - Vois mes mains et mon côté » !

La lecture des Actes ne nous montrait-elle pas la première communauté chrétienne non seulement comme lieu de prière fervente mais aussi comme lieu d'exercice de la communion fraternelle, du partage et de l'entraide, bref de la miséricorde ! à faire rayonner bientôt parmi tous les hommes !

Je reviens maintenant sur quelques mots ou expressions privilégiés de cet évangile ....

« Il leur dit : La Paix soit avec vous » ! - de nouveau « La Paix soit avec vous – huit jours plus tard: « La Paix soit avec vous » ! Dépassant la salutation ordinaire, le Schalom familier au peuple juif (ou, si vous préférez, l'accomplissant en plénitude) il s'agit ici du don messianique celui promis par Jésus au cours du dernier repas: « C'est la Paix, la mienne, que je vous donne », non pas à la manière du monde, la paix profonde fruit de l'Esprit, qui grandit dans nos cœurs, au long de notre vie. A noter ici que dans la liturgie catholique, c'est le propre de l'Evêque de reprendre cette salutation au début de la messe, comme pour nous rattacher à la communauté apostolique des origines, nous brancher sur l'élan vital jailli de la nuit de Pâques.

Et le don de se multiplier en abondance: « Je vous envoie – Il répandit sur eux son

souffle - Recevez l'Esprit Saint -la rémission des péchés » !

Recevant l'Esprit pour communier à la mission de Jésus, à son annonce de la bonne nouvelle: la communauté des disciples est le lieu où l'humanité (tout homme) commence à se refaire une santé spirituelle, germe d'une nouvelle création (« tu envoies ton souffle, ils sont créés ») !

Et n'est-il pas important de remarquer comment la « rémission des péchés » est

toujours à replacer dans ce contexte plus large et plus dynamique de l'Envoi, de l'annonce et du don de la bonne nouvelle, de la Paix, de la création nouvelle, de l'élan de l'Esprit : il s’agit d’enlever, de purifier ce qui fait obstacle à l'élan de la vie, pur qu’elle circule mieux en abondance.

Pour en venir à Thomas, huit jours plus tard, dont le surnom « Didyme » pourrait ne pas tant signifier « Jumeau » que « double » ou « dédoublé » : (celui qui doute-celui qui croit) - c'est donc bien notre saint patron et notre frère ! - Il n'est pas précisé qu'il ait

effectivement touché les plaies, mais à coup sûr il a été touché ! Et à partir de sa vision de Jésus le crucifié, il fait un bond de géant : de la vision à la confession de foi: « Il a vu

l'homme, il a confessé Dieu (Augustin) ».

Et, avec plus d'un aujourd'hui, ne peut-on pas suggérer que les mots de « SEIGNEUR

et de DIEU », de par leur rencontre et leur association avec les plaies d'un homme, prennent un sens profondément renouvelé !

Pensons à la méditation des saintes plaies par tant de mystiques et de fidèles au long

des siècles, sans oublier le meilleur de la dévotion au Cœur du Christ!

Bien sûr, méditation n'est pas vision!

« Heureux ceux qui croient sans avoir vu » Non pas saut dans le grand vide d'une crédulité aveugle, faut-il préciser, mais en ouvrant nos expériences et nos attentes de vie humaine (ce que nous observons en nous, à l'intime, et autour de nous) en les ouvrant à la parole et au témoignage de ceux qui ont dit « Nous avons vu le Seigneur » et qui, ainsi qu'il est dit en finale de notre texte, ont rapporté dans ce livre (et dans les autres livres du Nouveau Testament) les signes et les paroles de Jésus, le Christ le Fils de Dieu.

« Je prie pour ceux qui grâce à leur parole croiront en moi »(Jn 17,20) cf Rom 10,17

pour recevoir la vie en abondance. (2011-05-01)

Homélie du 24 avril 2011 — 17e dim. ordinaire — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Année A - 17° Dim du Tps Ord - Profession solennelle du F.Jean-Paul Albertini

Tb 12 6-7,17-18; Ps 39; Eph 2 19-22; Jn 21 15-19

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

En ce jour de profession, f. Jean Paul vit une étape importante de sa vie humaine et

chrétienne. Pour en mesurer toute la portée, il nous faut nous arrêter sur ces textes choisis par

notre frère. Je le ferai en prenant trois mots, qui nous serviront de clefs pour entrer plus

profondément dans cette célébration. Voici ces trois mots: aimer, construire, chanter. ..

Aimer... Est-il incongru de parler d'amour en ce jour où se scelle une profession religieuse

par laquelle un homme renonce à jamais à la joie et à la beauté de l'amour conjugal ? Non, il faut

même insister pour dire que lorsque l'on fait profession, on ne s'engage pas à renoncer à aimer.

Au contraire. Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? demande Jésus à celui qui vient de le

renier. .. La question est insistante, voire dérangeante.

Que fait Jésus ici ?

Est-il en train de vouloir à tout prix se concilier l'amitié de son disciple ?

Veut-il faire une sorte de pression affective sur son ami ? Ou bien s'agit-il de tout autre chose ?

M'aimes-tu ? , Cette question ramène Pierre au lieu du cœur, lieu qu'il avait déserté par sa triple trahison. Elle le ramène au lieu du cœur pour l'ouvrir à une autre dimension de l'amour : Sois le pasteur de mes brebis . Loin d'attirer Pierre à Lui, Jésus est en train de lui apprendre sa propre manière d'aimer qui est d'aimer tout homme.

Aimer Jésus vraiment et totalement va engager Pierre sur les voies d'un amour toujours plus large de tout homme. M'aimes-tu ? : c'est cette question que chaque religieux a entendu un jour d'une manière ou d'une autre. Profonde question qui vient ouvrir très grand en nous, le désir de nous attacher au Christ sans retard et sans partage.

Dans quelques instants, la première question posée à f. Jean-Paul viendra vérifier si telle est bien sa motivation profonde : Fils de Dieu, veux-tu donner ta vie par amour du Christ, et en communion avec tes frères dans ce monastère ? .

On ne peut s'engager dans notre vie monastique, si nous n'avons pas reconnu cet Amour du Christ pour nous qui suscite en retour notre propre Amour pour Lui, et pour les frères de la communauté, ainsi que pour tout homme.

M'aimes-tu ? F. Jean Paul, cette question n'est pas seulement une question du passé. Le Christ te la poses aujourd'hui, et te la poseras demain encore pour t'entrainer toujours plus loin sur la voie de l'amour. Elle est là comme un aiguillon. Par-là, le Christ ne cesse de te renouveler son amour et sa confiance. En t'engageant à ne rien préférer à l'amour du Christ, tu deviens un témoin de son amour pour tes frères , et pour tout homme que tu rencontreras. Ne cesse pas de laisser résonner cette question dans le secret de la prière, dans

l'écoute et l'étude de la Parole, dans la présence très quotidienne aux frères, dans les bons et les

mauvais jours, dans l'abondance et la pauvreté, dans la souffrance et la joie .

Construire ... Construire une maison, ne se fait pas n'importe comment. Il y a des règles, des méthodes et des procédés précis. Il y a une multitude de matériaux à rassembler et à assembler pour que s'élève peu à peu l'édifice. Ainsi en va-t-il de l'Eglise comme le suggère si bien St Paul dans la lettre aux Ephésiens : Vous êtes citoyens du peuple saint, membres de la famille de Dieu, car vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les apôtres et les

prophètes .

La venue du Nonce, hier, nous a rendu plus sensible notre appartenance à cette grande maison qu'est l'Eglise, fondée sur les apôtres, sur Pierre, ainsi que la présence de Mgr

Patenôtre ce matin avec nous. C'est dans cette grande construction que s'insère notre communauté pour vivre de la vie du Christ et devenir un temple saint dans le Seigneur . Et ce matin, c'est dans la petite construction de notre communauté que tu viens t'adjoindre, f. Jean-Paul. Comme

une pierre dans l'édifice, tu viens prendre place et sceller l'alliance. Dans un édifice de pierres, une fois le béton et le ciment pris, normalement l'ensemble garde sa cohésion et ne bouge pas trop.

Dans un édifice de pierres vivantes, comme peut l'être une communauté monastique, il en va tout autrement. La pierre vivante que chacun de nous est ne cesse de devenir et du coup de devoir s'ajuster aux autres, et les autres à elles. Il peut même y avoir des frottements, des blocages parfois. Faire communauté, construire l'édifice pour ensemble devenir le Temple de l'Esprit, demande beaucoup de travail à chacun, travail sur soi-même, travail sur sa manière de voir et de

vivre les choses. C'est le sens des vœux que tu prononceras dans quelques instants.

En faisant vœu d'obéissance, de conversion de tes mœurs, et de stabilité, tu exprimes ton désir de demeurer une pierre vivante, toujours en travail d'ajustement et d'affinement.

Par les vœux, tu manifestes ta volonté de prendre pleinement ta part dans la communauté, en respectant les règles de sa

construction, que sont la Règle de St Benoit et les Constitutions de la Congrégation de Subiaco.

F. Jean-Paul, prends ta part généreusement et joyeusement dans la construction de la communauté, sans t'effrayer ni te décourager devant les difficultés de relation qui ne manqueront pas.

St Paul nous laisse cette affirmation comme une promesse: En lui, vous êtes, vous aussi des éléments de la construction, pour devenir par l'Esprit Saint, la demeure de Dieu . Oui, avec toi, ensemble, nous voudrions que notre monastère soit vraiment la maison de Dieu, comme St Benoît aime le

désigner.

Chanter. L'ange Raphaël qui a accompagné Tobie et son père les invite à bénir et à chanter Dieu pour tous ses bienfaits. Faites connaitre à tous les hommes les actions de Dieu comme

elles le méritent. Ne soyez pas lents à le célébrer ! .

Ces paroles de l'Ecriture ne sont pas sans rappeler plusieurs passages de la Règle où Benoît invite le moine à se hâter pour quitter son lit ou ses activités afin d'aller chanter l'office, car il ne doit rien préférer à l’œuvre de Dieu. La première

part de notre vie monastique est là : dans la présence à Dieu pour le chanter au rythme des heures du jour et de la nuit, pour le célébrer aussi dans l'eucharistie. Chanter Dieu et le célébrer pour toutes ses merveilles, celle du don de la vie, et celle plus grande encore du don de son Fils, mort et ressuscité pour nous, comme nous en ferons mémoire dans quelques instants.

Chanter Dieu avec toute l'Eglise parce qu'il est Dieu et parce que là s'exprime le secret bonheur de l'homme de pouvoir se tourner vers Lui, comme nous le ferons lorsque nous serons devant sa face.

Dans un chœur monastique, toutes les voix sont importantes. Chacun apporte sa part unique à l'ensemble.

F. Jean-Paul, tu aimes chanter, tu aimes la musique. Tu apportes ainsi ta contribution à notre chant. La qualité et la beauté de la liturgie nous aident à unir nos cœurs pour entrer plus avant dans le mystère de notre Dieu, avec tous les hommes. Oui, notre prière et notre chant, à travers

l'Eglise, nous unit à la quête mystérieuse de tout homme. Quête qui ne sait pas toujours trouver les mots, qui ne sait pas bien vers qui crier sa souffrance ou dire son bonheur. C'est uni à tous, f. Jean-Paul, qu'avec nous tu vas apprendre à chanter jour et nuit, pour porter vers Dieu la vie des hommes.

Aimer, construire, chanter, voilà quelques balises pour repérer le chemin qui s'ouvre devant le f. Jean-Paul. Ensemble, prions pour lui, et avec lui unissons-nous par l'offrande de nos vies, à l'offrande du Christ.

(2011-07-24)

Homélie du 22 avril 2011 — Vendredi Saint — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

VENDREDI SAINT

Is 52,13 - 53,12 ; He 4, 14-16 ; 5, 7-9 ; Jn 18,1 - 19,42

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Ce matin à l'office, nous chantions dans une hymne: « Pour embrasser toutes les

races, dans sa bénédiction de feu, Jésus étendit les bras: le monde est attiré au centre du

foyer où l'on peut voir brûler le cœur de Dieu ». Et comme en écho, nous entendions la

réplique d'un musulman soufi, parlant de la croix de Jésus avec Christian de Chergé : «quand

j'étends les bras, c'est pour embrasser, c'est pour aimer» ...

C'est de cet amour brûlant dont nous voulons faire mémoire, ce soir, frères et sœurs.

Sur la croix hideuse, Jésus a dessiné avec ces deux bras, une autre croix qui embrasse le

monde et voudrait le rassembler tout entier sans perdre un seul de ses enfants. Aucun être n'est

exclu de la bonté du Père. C'est la certitude de notre foi quand elle regarde la croix. Dans

quelques instants, nous pourrons vénérer avec respect cette croix, parce que Jésus, élevé de

terre, en a fait le lieu de rassemblement des enfants de Dieu dispersés. Là, il a brisé les

frontières qu'érigent les hommes. Là s'écroule le mur de haine qui les sépare. Au pied de ce

bois de malédiction, s'offre à tous la bénédiction de feu du Christ mort et ressuscité. C'est la

raison pour laquelle l'Eglise en ce jour voudrait n'oublier personne dans sa prière. Elle

présente toutes les intentions des hommes à la bénédiction de feu du Christ. Tous ont place

dans le cœur de Dieu.

Que cette célébration de la Croix nous réconforte, frères et sœurs, sur notre chemin

parfois peineux. Au cœur de nos lieux d'épreuve et de souffrance, le Christ nous rejoint et

nous donne sa vie nouvelle. Acceptons aussi frères et sœurs, d'être dérangés par la croix du

Christ. La croix qu'il a dessinée avec ses bras sera toujours une croix qui nous bouscule. Car

elle élargit notre regard et notre cœur. Si elle est notre fierté, notre signe d'identité chrétienne,

elle ne le sera jamais pour exclure l'autre. La croix du Christ ouvre une brèche sur nos

frontières, nos limites, nos protections à l'égard des autres. Cette brèche ne se refermera

jamais.

Homélie du 21 avril 2011 — Jeudi Saint — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

JEUDI SAINT

Ex 12, 1-8.11-14; 1 Co 11,23-26; Jn 13, 1-15-

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et Sœurs,

Elle est belle et étonnante, la page d'évangile que nous venons d'entendre, en ce soir

où nous faisons mémoire du dernier repas de Jésus avec ses disciples. Etonnante, car elle se

présente à nous, à la fois très solennelle et très familière. Solennelle par le ton et la hauteur de

vue qu'elle nous invite à prendre: «Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde les

aima jusqu'au bout ... sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu'il est venu de Dieu

et qu'il retourne à Dieu» ... Le cadre est posé. En cet instant, c'est toute la mission de Jésus

qui est comme récapitulée, concentrée ... Mais cette page est aussi très familière en nous

donnant à voir Jésus qui accomplit une tâche si quotidienne, quand il lave les pieds de ses

disciples. Le contraste entre les deux registres solennel et familier est saisissant. On aurait

attendu après la solennité du début, une action d'éclat ou une grande déclaration. Rien de tout

, cela, Jésus se met à laver les pieds des disciples. Avec ce contraste, nous sommes au cœur du

mystère de la Pâque de Jésus. Essayons de mieux le comprendre, en contemplant les mains de

Jésus à l'œuvre ...

En ce soir, Jean affirme que Jésus sait que« le Père a tout remis entre ses mains ». Et

Jésus, avec ses mains, va lentement laver et essuyer les pieds de ses disciples. Le Père a tout

remis entre ses mains. Cette expression en d'autres passages de l'évangile laisse entendre que

tout le dessein du salut, initié en faveur du peuple d'Israël, est désormais confié à Jésus. C'est

lui qui, ici et maintenant, en porte la responsabilité: il est le Fils aimé du Père qui reçoit de lui

l'Esprit sans compter, pour dire les paroles de Dieu (Jn 3,35) ; il est le bon pasteur dont la

sollicitude pour toutes ses brebis est telle que personne ne peut les arracher de sa main (Jn 10,

28). Mains du Fils qui reçoivent tout du Père, mains du pasteur qui soignent les brebis pour

leur donner la vie éternelle.. .et ce soir, mains du serviteur qui lavent et essuient les pieds des

disciples.

.

En aucun autre passage de l'évangile, nous voyons Jésus s'engager aussi physiquement

dans une action concrète. Lui, le charpentier avait laissé ses activités manuelles pour devenir

un prédicateur, un maitre itinérant. .. Il avait bien fait une fois de la boue avec sa salive pour

ouvrir les yeux de l'aveugle-né. Mais ce soir, il est tout entier donné, à genoux aux pieds de

ses disciples. Et il les lave ... Les disciples ne comprennent pas ... « Tu comprendras plus

tard» : lance Jésus à Pierre. Et l'explication sur l'exemple,' donnée par Jésus en fin.de récit,

n'épuise pas toute la portée du geste ... Il y a quelque chose à comprendre plus tard. Plus tard,

quand les mains de Jésus seront crucifiées, percées sur le bois. Plus tard quand là sur. la croix,

totalement impuissantes ses mains engageront l'ultime action, leur ultime travail. Liées sur le

bois, elles vont délier le nœud très profond du mal et du péché dont la main humaine se rend si

souvent coupable. L'énigmatique geste du lavement des pieds s'éclairera alors peu à peu. Les

mains attachées à la Croix signeront le don total du corps de Jésus; et ses 'mains percées qui

laissent couler le sang laveront définitivement l'homme de tout mal ... Oui, les mains qui

lavent les pieds des disciples expriment le même mystère que les mains qui offrent le pain et le

vin. «Ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous ». C'est le

mystère de l'ultime remise de soi. Jésus, à qui le Père avait tout remis, se remet à son tour

totalement au Père pout porter à son achèvement l'œuvre de salut du monde ... En nous lavant,

en s'offrant pour nous jusque dans la mort, il nous purifie et il nous donne la vie ...

Dans quelques instants, nous a1lons recevoir dans nos mains (ce Corps où rien ne peut cacher le cœur du Père », pour reprendre une hymne que nous chantons en Carême. Nos

mains humaines sont appelées à former « comme un trône» pour accueillir notre Seigneur,

selon la belle expression de St Cyrille de Jérusalem. Le Fils nous donne tout en se-donnant lui-

même. Il se remet entre nos mains. Mains humaines, mains de pécheurs pardonnés et mains sauvés pour participer à la construction du Royaume que le Christ poursuit à travers son Eglise.

Apprenons ce soir de Jésus, à vivre le don de nous-mêmes comme lui-même l’a vécu. Laissons-le nous entrainer à sa suite sur son chemin de mort et de résurrection.

Homélie du 10 avril 2011 — 5e dim. du Carême — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - 5° dimanche de Carême - LA RÉSURRECTION DE LAZARE

Ez 37 12-14 ; Rm 8 8-11 ; Jean 11 1-45

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Le père Philippe Maillard que vous connaissez peut-être, nous racontait un jour qu’au début de son ministère d’aumônier de prison, lorsqu’il visitait un détenu accablé par une condamnation très lourde, il essayait de le consoler. Vingt ans plus tard, il lui passait un savon,

: « ce n’est pas parce que tu as fait des âneries, que tu vas rester couché ! Non ! Debout ! Il s’agit maintenant de devenir un homme. Si tu veux, je suis là pour t’aider ».

C’est ce qui s’appelle : aider quelqu’un à ressusciter. C’est, plus ou moins, notre tâche à tous. C’est ce que veut nous apprendre l’évangile d’aujourd’hui. Voyons cela.

A l’arrière plan, l’immense amour du Père, de notre Père. Jésus nous a déjà beaucoup parlé de lui. C’est lui qui nous a donné la vie, c’est lui qui nous a envoyé son Fils, c’est en lui qu’il veut nous arracher à nos morts, nous faire sortir de nos tombeaux d’aujourd’hui et de demain. Nos tombeaux, vous le savez, sont de toute sorte… Mais finalement ils se ramènent tous à trois types essentiels.

Le premier tombeau, c’est celui de la peur de la mort, celui où sont enfermés les disciples de Jésus au début du récit, lorsque nous les voyons morts de peur. Et qui d’entre nous n’a jamais connu, plus ou moins cela ? La peur étreint les disciples à l’idée que Jésus, leur maître, leur sécurité, leur avenir, va se jeter dans la gueule du loup s’il cherche à rejoindre Marthe et Marie. Là bas ses ennemis mortels le guettent, et son sort est réglé d’avance… Les disciples se mettent donc en travers de sa route : « Rabbi, tout récemment les juifs de Jérusalem cherchaient à te lapider, et tu retournes là bas. C’est de la folie ! » Oui, Jésus est fou, fou d’amour pour Marthe, pour Marie, pour Lazare, pour nous tous, et c’est pourquoi il domine sa peur. « N’ayez pas peur, je vais aller le réveiller. Entendant cette voix qui balaie les objections, Thomas, est comme réveillé, il sort du tombeau de sa propre peur, puis, immédiatement aide ses compagnons à sortir du leur, par ces mots courageux, entraînants : « Allons nous aussi, pour mourir avec lui ». Debout les morts ! Et tous partent avec Jésus. C’est la première résurrection, celle des futurs apôtres, qui commencent à entrer dans la mystère pascal de leur Maître.

Le deuxième tombeau, ce n’est plus la peur de la mort, mais la troublante fascination de la mort. Une fois la mort survenue, la difficulté à s’en détacher pour repartir vers la vie. C’est le tombeau où Marthe et Marie sont enfermées avec leur frère mort sur le cœur, ce cadavre dont elles ne savent pas quoi faire, puisque c’est trop tard : si Jésus avait été présent, il aurait pu guérir le malade – on le croit, elles le disent – mais de là à ressusciter maintenant celui qui est mort et enseveli ! Impensable, impensé. Depuis quatre jours la maison des deux sœurs n’est plus qu’un catafalque tendu de noir refermé sur les trois membres de la famille. Pas seulement sur eux trois, mais aussi sur la foule des juifs accourus de Jérusalem pour consoler Marthe et Marie, autrement dit, pour se désoler avec elles, comme elles, dans le même tombeau. La mort tient ses captifs.

Tout est prêt pour l’intervention de Jésus. « L’heure est venue » où, pour la seconde fois dans ce récit, « des morts vont entendre la voix du Fils de Dieu, où tous ceux qui sont dans les tombeaux sortiront...(5, 25-29).

Cette voix, c’est l’appel de Jésus murmuré tout bas par Marthe à l’oreille de Marie : « Le Maître est là et il t’appelle ». A la voix de Jésus, Marie passe soudain de son deuil sans issue à une nouvelle vie. Elle s’élance hors de la maison funéraire, et entraîne à sa suite la foule des juifs qu’elle amène, sans l’avoir cherché, à Jésus. Elle se jette à ses pieds. Jésus voit ses larmes, les larmes aussi des juifs. Tout cet amour déclenche le sien et fait couler ses propres larmes… et sans doute, encore plus, celles du Père qui est au ciel. Le Sauveur ne s’appartient plus, il faut y aller même si la mort le guette dans cette affaire ; et il le sait parfaitement. « Où l’avez-vous mis ? » C’est gagné, il y va, et toute la foule avec lui…

Et tout le monde se rassemble devant le troisième tombeau, bien matériel, bien concret celui-là, fermé par une pierre, le tombeau où gît le cadavre de Lazare. La troisième résurrection s’annonce, imminente…

Pas sans que Jésus se soit d’abord tourné vers son Père qui l’a envoyé et qui le suit des yeux du haut du ciel, vers son Père qui l’exauce toujours, vers son Père qui a la vie en lui-même et qui a donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même. Moment prodigieux où l’on voit, pour ainsi dire, la terre et le ciel agissant de concert.

L’heure est venue, celle de Jésus, celle du Père. Alors retentit pour la troisième fois la voix du Fils de l’homme : « Lazare viens dehors ! » Le mort sort, les pieds et les mains liés de bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire : Lazare, revenu à la vie, mais encore tout lié. Pourquoi ce détail ? Mais parce que nous devons apprendre qu’il n’est de libération que par la médiation de notre entourage humain, continuant l’action propre de Dieu. Jésus, lui, n’aura besoin de personne, les linges étant restés dans son tombeau.

L’entourage, ce fut d’abord Thomas, déliant les autres disciples des liens de leurs peurs. C’est ensuite Marie déliant les juifs de leur compassion sans issue et finalement mortifère. C’est enfin la communauté, toute communauté, entourant le frère retrouvé, la sœur revenue à la vie, l’aidant à faire tomber ses liens, à reprendre sa place, à retrouver son autonomie, obéissant à Jésus : « Déliez-le et laissez-le aller ! Laissez-la aller ».

Que nous reste-t-il à faire ?

Peut-être reprendre notre évangile, regarder Jésus et l’écouter, aimer nos Lazare frères ou sœurs, avec une compassion toujours plus vraie, plus dynamisante,

travailler à faire de nous tous de vrais ressuscités, pour mieux nous délier mutuellement de nos liens

et surtout, et c’est le plus important, faire au quotidien la joie de notre Père du ciel.