vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 11 novembre 2007 — 32e dim. ordinaire — Frère Matthieu
Cycle : Année C
Info :

C 2007 – 32° Dimanche 11 novembre 2007

Lectures : 2 M 7,1-2.9-14/ / 2 Th 2,16-3,5 / Lc 20, 27 38

Homélie de frère Matthieu

Texte :

Les textes de ce jour nous parlent de résurrection des morts, de la vie au-delà de la mort…

Question existentielle s’il en est ; question difficile et sur laquelle nous n’avons pas forcément d’idées bien claires, de paroles très assurées, même si nous sommes chrétiens et même chrétiens convaincus… Face à la mort concrète, celle de nos proches, la nôtre envisagée, comment ne pas entendre toujours la question : et après ? … et peut-être aussi le murmure : s’il y a un après ?

Que nous disent donc les textes que nous venons d’entendre ?

Le premier nous parle du martyre d’une famille entière dans un contexte de violente persécution contre le peuple d’Israël et contre sa fidélité à la Loi de Dieu qui se veut fidélité à son Alliance.

Une première constatation, ce récit qui date du IIème siècle avant Jésus, qui est un des tout derniers de notre Ancien Testament est pourtant un des premiers, sinon le premier de toute la Bible, où s’affirme clairement l’espérance d’une résurrection des morts.

Signe que la question pour être de toujours n’est pas de celle dont la solution se trouve d’emblée… Pas étonnant donc si la question demeure pour nous et si l’espérance, la foi en la résurrection des morts est lente à émerger dans nos propres réponses, dans nos propres vies.

Que dit le texte ?

Il parle de « résurrection pour une vie éternelle » : nous changeons de monde et c’est du monde de Dieu dont il est question ici maintenant.

Il parle d’une résurrection très concrète pourtant : il s’agit bien de « retrouver ses membres » rompus par la torture : résurrection des corps donc.

Il parle de cette résurrection des corps comme d’une création nouvelle dont Dieu seul a le secret.

L’évangile de Luc reprend la question de la résurrection des morts dans un contexte polémique. Les Saducéens s’en tiennent à la Révélation contenue dans la seule Loi – les cinq premiers livres de notre Bible… et ils n’y trouvent pas d’énoncé sur la résurrection… pas plus d’ailleurs que l’existence d’anges…

Jésus leur réplique dans la plus pure tradition pharisienne qui est la sienne : il y va de la juste interprétation des écritures !

Il coupe court d’abord à l’ironie méprisante des Saducéens qui inventent une histoire ridicule pour rendre invraisemblable l’idée même d’une résurrection des morts. Il affirme d’emblée que le monde de la résurrection n’est plus notre monde d’aujourd’hui : il est celui de la vie éternelle, on n’y meurt plus ; dans ce monde de Dieu, ce sont les anges qui sont les modèles des vivants, des « fils de Dieu ».

Les anges ? Qu’est-ce à dire ?

Non pas notre imagerie populaire, non pas de purs esprits – et c’est quoi au juste un pur esprit ?! Non pas des angelots de notre art baroque…

Dans la Bible, les anges sont ceux qui vivent en présence de Dieu, ceux « qui voient la face de Dieu », ce sont aussi les messagers de Dieu, porteurs de sa Parole… Nous n’en savons pas plus, mais c’est l’essentiel : ce sont des vivants pour Dieu ; vivants de la vie même de Dieu, ils vivent dans la Parole de Dieu reçue et échangée, reçue et célébrée dans la louange.

Quant à la résurrection des morts, Jésus la lit dans la Loi, au livre de l’Exode, dans l’épisode du Buisson ardent. Qu’est-ce à dire ?

Que le Seigneur se nomme lui-même, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, Dieu des vivants et non pas des morts. « Tous vivent pour lui » ; c’est la création et l’alliance qui se trouvent accomplies : la vie de Dieu est leur vie, notre vie, elle circule en liberté et plénitude, elle circule entre toutes les créatures, elle circule en nous et entre nous.

Tout est-il clair pour autant en matière de résurrection des morts ?

Sans doute pas, mais le mystère de notre résurrection, qui est encore à venir et dont nous ne pouvons encore avoir le dernier mot est mis dans sa vraie lumière, celle de Dieu.

La vie aura le dernier mot ; la mort n’existera plus, ce qui fait le meilleur de nos vies, de nos corps, la beauté de la création, la beauté de la relation – ce que la Bible appelle l’Alliance – seront vécus en plénitude et pour toujours.

Nous pouvons espérer être en Dieu plénitude de vie et de relation, corps ressuscités dans le Christ ressuscité, Corps du Christ, Création nouvelle dans la Nouvelle alliance qui est la vie de l’Esprit en nous.

Frère Matthieu Collin

Homélie du 01 novembre 2007 — Toussaint — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Messe de la Toussaint - 1 Novembre 2007

Ap 7 2-4, 9-14; 1 Jn 3 1-3; Mt 5 1-12a

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

b]2007

Frères et soeurs,

Illusion ou réalité ? Telle est la question qui peut surgir de notre esprit après avoir écouté cet évangile des béatitudes.

Illusion que ces promesses faites aux pauvres, aux doux, à ceux qui pleurent, aux cœurs purs ? ou bien réalité ?

Est-ce là un doux rêve ou bien est-ce la révélation d’une vérité plus profonde sur ce que nous sommes ?

La question n’est pas neuve, et elle nous est souvent renvoyée à nous chrétiens. Parler comme le fait Jésus, n’est-ce pas une manière facile d’éviter les nécessaires combats d’ici-bas en projetant dans l’au-delà un futur radieux ? Ne fait-on pas la promotion de la faiblesse et de la démission, comme pouvait le reprocher Nietzsche au christianisme ?

Oui, ces questions nous traversent tous, autant que nos contemporains sceptiques, car la parole du Christ vient renverser nos repères habituels et nos échelles de valeurs communes.

Le Christ porte sur notre vie humaine une lumière nouvelle : pauvreté, pleurs, pureté, persécutions, tout cela est appelé à trouver sens.

Là nous sommes immédiatement portés à trouver cela insensé, Jésus nous révèle que de là peut s’ouvrir une porte vers le bonheur. Là nous sommes inclinés à rechercher notre assurance dans l’affirmation de soi ou dans les rapports de force, Jésus nous dit que tout cela est illusion. Seuls ont de l’avenir, les hommes et les femmes qui cultivent la pauvreté de cœur, la douceur, la paix ou la quête de la justice.

Oui, cet évangile des Béatitudes nous révèle la réalité de notre vie humaine, ce qui lui donne du poids, un poids d’éternité. Sous l’apparence de la faiblesse ou de l’échec, une réalité se cache qui se dévoilera pleinement dans la lumière de Dieu : c’est la réalité d’une humanité bâtie, non sur la puissance, le succès immédiat ou l’éclat, mais la réalité d’une humanité vraie, profondément ouverte et donnée à autrui, sans soucis angoissé d’elle-même. Alors ce qui semblait réalité à nos yeux de chair deviendra illusion et ce qui semblait illusoire ou négligeable deviendra réalité.

Dans la seconde lecture, st Jean nous laisse entendre cela avec d’autres mots quand il dit : Bien aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne parait pas encore clairement .

Dès maintenant nous sommes, mais ce que nous serons ne parait pas encore clairement. La réalité de notre condition d’enfant de Dieu est là, mais elle est encore voilée. Quelque chose est encore à dévoiler. Par notre baptême, nous sommes devenus enfants de Dieu et toute la vie divine nous est donnée.

Une énergie formidable nous est offerte en Jésus, l’Esprit Saint, pour transformer notre histoire humaine blessée. Mais les fruits de cette transformation n’apparaitront pleinement que dans la lumière de Dieu. Notre condition d’enfant de Dieu est pour une part cachée, à nos yeux et à ceux d’autrui. Pas d’éclat ou de grande manifestation glorieuse, mais plutôt une lente croissance à la mesure de la grâce et de notre libre consentement.

C’est le dynamisme du Royaume à la manière d’un levain ou d’une petite graine. La tentation pour nous les enfants de Dieu, est de ne pas croire à ce dynamisme caché dont nous sommes porteurs. Nous voudrions qu’il soit immédiatement visible et manifeste. Nous voudrions qu’il s’impose à tous. Et nous pouvons être tentés de vouloir rechercher le succès à la manière humaine.

Mais ce serait alors retomber dans l’illusion, et délaisser la réalité cachée du Royaume qui grandit d’abord dans les cœurs pauvres, doux et purs…

Quand l’Eglise nous donne de célébrer la fête de tous les saints, elle nous donne de porter nos regards vers cet avenir qui nous est promis et que les saints et tous les amis de Dieu goûtent déjà.

Ce regard ne nous fait pas échapper au réel. Il veut au contraire nous encourager à laisser grandir, dans notre aujourd’hui, dans nos vies d’enfants de Dieu, ce qui a vraiment de l’avenir, ce qui construit le Royaume : heureux les pauvres de cœurs, heureux les doux, les artisans de paix, les affamés de justice.

Que l’exemple et l’intercession de tous les amis de Dieu, nous affermisse dans notre foi et dans notre marche

(2007-11-01)

Homélie du 30 septembre 2007 — 26e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année C
Info :

Année C - 26e dimanche du Temps Ordinaire – 30 septembre 2007

Am 8 4-7 ; 1 Tim 6 11-16 ; Lc 16 19-31

Homélie du F.Servan

Texte :

Voici une belle histoire ! Il semble que l'évangile selon saint Luc plaise à beaucoup (petits et

grands), entre autres parce qu'il est le seul des évangiles à nous rapporter ces paraboles ou histoires

imagées telles que le Bon samaritain, le Père prodigue et ses deux fils, et aujourd'hui, le riche et le pauvre Lazare.

Il se peut qu'il plaise moins aux riches de ce monde, parce qu'il semble souvent leur

chercher des « crosses » ou tel un bon toréador évangélique, il leur envoie des banderilles à

répétition (mais ils ont la peau dure !)

Luc avait bien annoncé la couleur du programme dans sa version des Béatitudes de Jésus:

" Heureux les pauvres, le Royaume de Dieu est à eux !

Hélas ! Vous les riches, vous avez votre consolation !

Hélas ! Vous qui êtes repus maintenant vous aurez faim (et soif) ... "

Et dans le Magnificat de Marie, toujours selon Saint Luc, on entend :"Il comble de biens les affamés - renvoie les riches les mains vides"

Pour en revenir à l'évangile de ce jour, Jésus y reprend une de ces histoires en forme de conte

populaire familière au Proche Orient (un peu genre .conte des mille et une nuits). Dans un conte pour capter l'attention, les traits sont forcés, parfois jusqu'à la caricature), à gros coups de pinceau ou de fusain (un peu comme dans ces tableaux ou gravures du Miserere de Rouault).

Ainsi notre riche n'est pas seulement riche mais étale un luxe outrageant (ce qu'on n'aime pas, aujourd'hui comme hier): littéralement il est dit qu'il s'habille de Bissus, de lin fin, pour son vêtement de dessous et pour l'extérieur, d'une tunique pourpre, splendide ... et, il fait CHAQUE JOUR la fête! "Chaque jour" ... c'est quand même excessif ... et dangereux pour sa santé!

En contraste, pour le pauvre, qui seul est nommé, connu de Dieu (Lazare : El-Azar : Dieu aide!) c'est le comble de la misère: petite digression sur le coup de pinceau final :" C'était plutôt les chiens qui venaient lécher ses plaies ». S'agit-il de gentils toutous compatissants ... précurseurs des anges qui le conduiront au paradis? Vu que dans la Bible, à l'exception du chien de Tobie, les chiens n'ont pas bonne presse ... il s'agirait plutôt de ces « clebs » (en hébreu ! keleb ... ou en arabe dialectal) de ces chiens errants dans les ruelles du Proche Orient, familiers des poubelles et du reste. Donc, le comble de la misère…

Laissons les chiens ... pour revenir aux hommes! Notons que le pauvre Lazare voit la fête quand le portail est ouvert, puisqu'il voit tout ce qui tombe de la table du Riche. Celui-ci ne le voit pas, ou ne veut pas le voir, enfermé dans sa tour d'ivoire, comme les riches de Samarie dénoncés par le prophète Amos: « Rappelle-toi de Lazare » lui dira Abraham. Au séjour des morts, il lève enfin les yeux, mais c'est trop tard : il voit de loin celui qu'il n'avait pas vu ou pas voulu voir de près. La distance établie par lui sur la terre devient un grand abîme. Une fois de plus, on en revient au mot si important de RELATION! « Je crois à la résurrection de la relation »

Faire attention à la qualité évangélique de nos relations humaines sur la terre, c'est sûrement plus important que l'imagerie du conte populaire sur l'Au-delà ... que Jésus reprend simplement en restant dans les limites de son incarnation dans un temps et une culture donnée.

On peut d'ailleurs noter que cette imagerie ne correspond pas tout à fait à nos représentations enfantines du ciel et de l'enfer! Il s'agirait plutôt de salles d'attente avant le jugement et la résurrection collective. Pour Lazare, salle d'attente de Première classe, dans une sorte d'Eden, de jardin agréable aux eaux abondantes ... d'où la demande du riche: « que Lazare trempe donc son doigt dans cette eau fraîche et me rafraîchisse la langue ! » ... car lui, dans l'Hadès, sous terre est dans une salle d'attente beaucoup trop chauffée dont on ne peut pas ouvrir les fenêtres ...

Quoiqu'il en soit, ce qui importe, encore une fois, c'est la qualité évangélique de nos relations humaines ici-bas, en particulier avec ceux qui ont besoin de notre aide et de notre secours.

Pour ce faire il importe d'ECOUTER et de REGARDER.

Ecouter la Loi et les prophètes (les Ecritures du temps de Jésus) et, pour faire bonne mesure, le chrétien y ajoutera l’Evangile et le Nouveau Testament : écouter et obéir, y revenir souvent, s’en laisser imprégner, se tenir sous leur lumière aux chemins de notre vie ...

Mais écouter les Ecritures ne suffit pas; il faut aussi regarder la réalité autour de nous : voir juger, agir. Regarder la réalité des richesses dans le monde de ce temps (il y a quand même des medias valables pour informer l'opinion sur ce point). Bien sûr, nous n'avons pas de solution magique pour réformer l'économie mondialisée, mais on peut soutenir, encourager telle ou telle amélioration et entraide ...

Et autour de soi, voir, regarder toujours mieux qui a besoin de mon aide, attention, regard, écoute, entrée en relation ... que ce soit l'enfant, la personne âgée ou malade, le plus pauvre, ou tout simplement mes compagnons ou compagnes de vie.

"Faites-vous des amis avec l'argent trompeur, afin qu'au jour où il n'aura plus cours, ceux-ci vous accueillent dans les demeures éternelles" nous conseillera Saint Luc, dans un autre passage ...

Et, puissions-nous, avec beaucoup, entendre un jour le Christ Seigneur nous dire:" Venez

les bénis de mon Père ... venez prendre place avec Abraham et Lazare; car j'ai eu faim et

vous m'avez donné à manger, j'étais nu et vous m'avez vêtu ... " (2007-09-30)

Homélie du 16 septembre 2007 — 24e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - 24° dimanche du Temps Ordinaire - 16/09/2007

Exode 32,7-14 ; 1 Timothée 1,12-17 ; Luc 15,1-32

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

Les trois textes que nous venons d’entendre évoquent des situations de péché et de pardon. J’entends peut-être certains parmi vous murmurer : pourquoi l’Eglise met-elle toujours en avant le péché des hommes, ne vaudrait-il pas mieux ne parler que d’amour, de joie de liberté ? En fait, à bien lire les textes d’aujourd’hui nous sommes invités à lever ce malentendu.

Dans le livre de l’Exode, le péché, qui est péché du peuple tout entier, c’est avant tout l’idolâtrie : idolâtrie symbolisée par la confiance portée à un veau d’or, c’est-à-dire à un dieu fabriqué, facile, bien repérable, mais qui n’est qu’illusion et sans vraie puissance, si ce n’est une Toute Puissance Imaginaire. C’est le péché qui détourne Israël de son Alliance avec le Seigneur : péché d’oubli, de faiblesse, de paresse. Face à ce péché du peuple, la première réaction du Seigneur est de sanctionner et de détruire. Image d’un Dieu Juge, Coléreux, qui veut marquer sa Force et son Pouvoir absolu. C’est alors que Moïse, l’homme le plus humble que la terre portait en ce temps-là, Moïse, l’homme juste et droit, se lève, seul. Il a, lui, la connaissance d’un autre aspect de Dieu : un Dieu qui n’est que relation, désir d’alliance et de communication d’amour et de tendresse. Moïse va rappeler à Dieu, par une prière instante, qu’il ne peut se laisser aller à sa colère, que la mémoire de l’Alliance et de la Promesse faite aux Pères autrefois est plus forte que l’égarement et la défaillance passagère des enfants d’aujourd’hui. Admirable foi de Moïse qui fait revenir Dieu sur sa décision, et qui l’apaise. Dieu renouvelle son Alliance et sa confiance ; il pardonne, à cause du serviteur fidèle : il se révèle dans sa miséricorde, bien plus que dans sa Justice et sa Force, selon une première vue trop humaine.

Dans la seconde lecture, Saint Paul nous livre une confession très personnelle : «moi, le premier, je suis pécheur, mais si le Christ Jésus m’a pardonné, c’est pour que je soie le premier en qui toute sa générosité se manifesterait ».

Le péché avoué de Paul était avant tout un péché d’ignorance. Il n’avait pas la foi, il n’avait pas été saisi par l’amour du Christ. Au contraire, il n’avait que haine pour lui : il le blasphémait, le persécutait, l’insultait, lui et ses disciples. Mais la grâce du Seigneur a été plus forte que tout ce déferlement de passion et de violence aveugle, de fanatisme religieux. Car c’était au nom d’une interprétation pharisienne de la Loi, qu’il agissait ainsi. « Là où le péché avait abondé, dira-t-il dans une autre épître, là, la grâce a surabondé ». Et Paul ne peut, après coup, qu’avoir un cœur débordant de reconnaissance pour Celui qui lui a fait confiance, Jésus-Christ. Il lui a ouvert un avenir, en lui donnant une force nouvelle, et en le chargeant du ministère d’annonce de la Parole du Salut.

Avec l’Evangile, nous sommes en présence d’un autre type de récit : non plus historique, comme l’Exode, non plus existentiel, comme la confession de Paul, mais une série de paraboles, rapportées par Saint Luc, dans le style rabbinique du temps de Jésus.

La situation de péché, dans chacune de ces paraboles est figurée par une perte : perte d’une brebis, d’une pièce d’argent, ou plus grave, perte d’un fils, voire de deux fils. Et en regard, la grâce, la miséricorde nous est représentée comme des retrouvailles, invitant tout le monde à la fête, à la joie. Déjà les psaumes avaient bien conscience que le pécheur, l’impie, l’homme sûr de lui et auto-satisfait, ne peut que courir à sa perte, alors que le juste, le pauvre, l’humilié, trouve sa joie dans le Seigneur. Pour bien saisir la portée et la force de ces trois paraboles, il est important d’être attentif au contexte du récit : « les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux. Alors Jésus leur dit cette parabole : ».

Pour Saint Luc, Jésus, l’envoyé de Dieu, ne vient pas pour condamner, mais pour sauver, pour guérir les malades, pour ramener ceux qui s’égarent. Car la situation du pécheur est une situation de malheur, d’isolement et finalement de mort, de non-vie.

Que retenir de la lecture et de la méditation de ces trois textes, à propos du péché de l’homme, et de la grâce divine, sinon que tout se joue au niveau de la confiance ?

Israël n’avait pas fait confiance à Dieu et à sa Loi d’Alliance donnée au Sinaï, mais Moïse, le serviteur fidèle a su gagner la confiance et de Dieu, et du Peuple. Alors, la grâce a pu se frayer un chemin dans les cœurs, et le péché du veau d’or a pu être pardonné.

Paul, avant sa rencontre décisive avec le Christ, sur le chemin de Damas, n’avait pas confiance en cette nouvelle secte des chrétiens, et, en bon pharisien qu’il était, les persécutait sans état d’âme. Mais quand il a senti la confiance que le Seigneur lui faisait, quand il fut saisi par l’amour et la miséricorde de Celui qu’il persécutait, alors il fut retourné, et à son tour, il a mis sa confiance, sa foi, dans ce Jésus-Christ qu’il reconnaissait comme Sauveur du monde.

Enfin le fils cadet de la parabole, au fond de sa misère et dans l’examen de sa conscience, a gardé confiance en son Père, capable, se disait-il de l’accueillir à nouveau, ne fut-ce que comme un de ses ouvriers. Le fils aîné, en revanche, n’était pas dans ce registre de la confiance et de l’abandon. Et c’est bien là son plus grand malheur. Le Père de cette parabole, lui, fait confiance à ses deux enfants : il se tient toujours ouvert à la miséricorde et au pardon, et l’on peut espérer que le fils aîné, lui aussi sera un jour touché par cet amour paternel, puisque le texte reste ouvert dans sa finale.

A chacun de nous, aujourd’hui, il nous est demandé de passer de la méfiance à la confiance, de l’ignorance et de l’oubli, qui sont des composants du péché, à la connaissance et à la vie dans la grâce. C’est cela, la vie chrétienne au quotidien, et nous savons que cela n’est jamais facile, que le combat n’est jamais définitivement gagné. Bien des peurs, bien des défaillances et des obstacles sont au rendez-vous de nos projets et de nos relations humaines. Pourtant une joie nous habite : la joie de l’espérance et de l’expérience de la fête ; fête dans le ciel, chez les anges de Dieu, et fête sur terre aussi, par anticipation, car le Royaume est déjà là, tout près de nous.

Célébrons donc cette eucharistie aujourd’hui comme une fête à laquelle Dieu, à l’image du Père de la Parabole, nous invite tous, que nous soyons ses cadets ou ses aînés. A défaut de chevreuil, allons chercher le pain et le vin, offrons la grande prière d’action de grâce du Christ à son Père, puis mangeons, buvons et festoyons, car : «Si le Christ est mort, à cause de notre péché, Il a été rendu à la vie, par la Puissance de la Résurrection ».

AMEN (2007-09-16)

Homélie du 08 avril 2007 — Dimanche de Pâques — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C - Messe du Jour de Pâques - 8 avril 2007

Ac 10 34-43; Col 3 1-4; Jn 20 1-9

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Notre Père du ciel sait parfaitement de quoi nous avons besoin, de quelle résurrection, petite ou grande.

Mais qui va nous aider à ouvrir notre cœur ? Je pense à une femme, un bel exemple de ce que la grâce pascale peut faire en quiconque joue le jeu. Regardons Marie de Magdala, telle qu’elle vient de sortir de l’évangile, pour nous accompagner.

« Elle arrive au tombeau, avant l’aube, alors qu’il fait encore sombre ». Elle est encore plongée dans l’obscurité d’une foi en déroute, une foi qui ne va s’éclairer que peu à peu, au cours de la journée.

Marie de Magdala, c’est l’amoureuse inconsolable. L’avant-veille, elle a vu mourir sous ses yeux, supplicié, sur une horrible croix, celui qui était devenu tout pour elle. Celui qui, un jour, l’avait surprise au coin de son trottoir. Celui qui en avait tiré sept démons, une plénitude ! L’esclavage qui la tenait enchaînée. Peu à peu, il en avait fait une femme de plus en plus libre, de plus en plus possédée par l’amour de son bien-aimé Sauveur. Mêlée avec d’autres femmes au groupe des Douze, elle l’avait suivi partout. J’aime l’imaginer, après la résurrection de Lazare, observant longuement la tombe restée ouverte, la pierre enlevée, les bandelettes abandonnées dehors après qu’on eut délié le mort ressorti vivant.... Sa mémoire était en train de devenir ce que sont devenues pour nous les Écritures : un passé qui parle d’avenir.

Au pied de la croix elle était là, bien sûr, intensément présente, dans le partage d’amour où tout est consommé : « Jésus, tout ce qui est à toi est à moi ». Le filet d’eau qui coule du cœur ouvert la baptise doucement, comme nous-mêmes chaque fois que nous recevons la vie d’en haut en recevant le pardon qui recrée. Le sang versé lui donne la communion. Tout comme à nous. Tout semble accompli, achevé. En un sens c’est vrai.

Mais pratiquement, tout reste à faire. Pour renaître, il faut d’abord vraiment mourir, à travers le dur travail du deuil. La femme doit accepter non seulement le fait brutal que son bien-aimé est bel et bien mort, mais aussi l’inacceptable de la séparation. Marie de Magdala quitte donc le tombeau refermé, mais son cœur y reste uni à celui dont le souvenir l’habite plus que jamais. Tous deux ne font qu’un, c’est le mystère de l’amour vrai. Le mystère d’une nouvelle forme de présence que seule l’absence peut provoquer...

Alors, Marie de Magdala que représente-t-elle ? Je pense qu’elle représente cette part qui, en chacun de nous, a commencé d’être délivrée de ses démons, la part qui a été pardonnée, baptisée, qui a connu l’amour du Christ, qui a déjà vécu bien des liturgies... La part qui en nous se reconnaît dans cette femme fragile et forte, lancée sur son chemin de foi. Après une nuit sans sommeil, la gorge nouée, comme une automate aimantée, elle se retrouve sur le chemin qui mène à la tombe...

Ce qui la ramène au tombeau avant l’aube, « alors qu’il fait encore sombre », c’est son amour inapaisé. « Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau ». Et que se passe-t-il ? Son instinct bondit dans sa poitrine. Elle ne réalise certainement pas ce qu’elle dit aux deux disciples : « On a enlevé le Seigneur du tombeau ». Il faut entendre : Elle ne dit pas : « le cadavre, le mort », mais : « Le Seigneur ». « On a enlevé »… Cette nuit, dans la nuit, la pierre a été « enlevée », le Seigneur a été « enlevé », comme en un seul et même enlèvement, un enlèvement derrière lequel on devine la même main ! Mais pour le mettre où ? Marie le dit : « Nous ne savons pas où on l’a mis… » Où est-il ? Par qui a-t-il été enlevé ? Ces deux grandes questions vont remplir la journée !

Mais revenons à Marie. Lors de son arrivée matinale au tombeau, qu’avait-elle vu ? Rien, rien d’autre que « la pierre enlevée », c'est dire qu’à la place de la pierre elle ne voyait qu’un trou, un vide, autrement dit rien, rien qu’une une bouche béante qui lui parlait, sans mots, d’une disparition : une disparition qui appelait une recherche.

Elle court chercher de l’aide, avertir Simon-Pierre et l’autre Disciple. Tous trois s’élancent. Le Disciple bien-aimé, arrive le premier au tombeau, avant Simon-Pierre, mais en fait le second, après la femme arrivée la première, aux aurores. « Il voit les bandelettes restées là », mais ne s’y intéresse pas spécialement, insignifiantes.

Simon-Pierre entre ensuite. Comme un policier qui mène soigneusement son enquête, il scrute tous les détails du lieu et des linges restés là : son enquête va peut-être expliquer l’énigme de la disparition du cadavre. Mais un tel regard tout terrestre, une recherche seulement humaine se trompe d’objectif : elle ne peut atteindre ce qui relève de la foi pure, ce qui appartient au mystère qui est sur le point de se dévoiler.

Pierre doit donc faire place au Disciple bien-aimé qui entre à son tour. Exactement comme la Magdaléenne aux aurores, il ne voit rien, que le vide du tombeau, la disparition, l’absence, l’espace ouvert sur l’invisible... Et c’est là que jaillit soudain, venu d’en haut, l’éclair qui illumine sa foi : « Il vit et il crut ». Il adhère par pure grâce à ce qu’aucun homme jusqu’ici n’avait pu découvrir dans les Écritures, à savoir que « Jésus devait ressusciter d’entre les morts ». Il est ressuscité ! Il est ressuscité !

Mais les deux grandes questions du jour demeurent. Où est-il ? Par qui a-t-il été enlevé ?

La plénitude de la révélation n’a été donnée ni à Simon-Pierre ni au Disciple bien-aimé. Elle est donnée par après, dans le jardin, par le Maître lui-même apparaissant en personne à Marie, à Marie dont l’amour l’avait tant cherché, et à travers tant de larmes. Il est là, mais déjà autrement, sans s’arrêter. « Marie, ne me touche pas ! Je monte vers mon Père ».

« Je monte, Marie. Je m’en vais, ne pleure pas. Il t’est bon que je m’en aille. Je viendrai bientôt, ce soir même, pour répandre en ton cœur assoiffé le souffle de l’Amour divin, et ce sera pour toujours, toi en moi et moi en toi. Va, cours annoncer la nouvelle à mes frères ! Tu es leur sœur et tu vas devenir leur mère ! »

« Je monte vers mon Père » Des mots que Marie médite et méditera indéfiniment dans son cœur. Tout est dit. Il n’y a plus à demander quelle main a procédé à l’enlèvement, il faudrait dire à l’élévation commencée sur la croix et qui s’est terminée dans la gloire, à la droite du Père. Le Père, c’est lui qui a tout fait ! C’est lui qui nous attire à lui, en son Fils Bien aimé.

Toute la grâce pascale est là. Elle nous est offerte pour que nous devenions frères de Marie de Magdala, qui nous fait frères de Jésus, de Jésus qui nous fait fils du Père par le don de leur Esprit d’Amour qui veut nous diviniser.

Homélie du 11 mars 2007 — 3e dim. du Carême — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - Carême 3° Dimanche - 11-03-2007

Ex 3 :1-15 ; 1Cor 10 :1-6.10-12 ; Luc 13,1-9

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

L’intention qui a pu conduire les liturgistes au choix des lectures de ce dimanche de Carême semble bien avoir été celle d’inviter le peuple chrétien à méditer sur le thème de la conversion. Reprenons donc chacun de ces textes sous cet angle.

Au début du livre de l’Exode, après sa jeunesse en Egypte, à la cour de Pharaon, et après un premier échec avec ses frères de race, Moïse devient berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madian. Que sait-il de Dieu alors, sinon qu’il est le Dieu de son peuple Israël, Dieu des patriarches Abraham, Isaac et Jacob ? Un Dieu un peu lointain et distant dans l’espace et dans l’histoire, plus ou moins à l’image des autres dieux environnants.

La Révélation de ce Dieu à l’Horeb, un jour ordinaire de pâturage va marquer une étape capitale dans la Vie de Moïse. Sa représentation du Dieu auquel il croit depuis son enfance va être radicalement transformée : il est appelé à une totale conversion. Dieu a pris l’initiative de venir à lui, de se manifester dans cette rencontre où Il révèle son Nom et où il dit quel est son projet envers lui, Moïse et envers le peuple auquel il l’envoie. Dieu n’est plus un dieu distant et indifférent à la souffrance des fils d’Israël. Au contraire il se fait proche, il va accompagner leur chemin de libération d’une terre d’esclavage vers une terre où ruissellent le lait et le miel. Dieu d’une Promesse, Dieu de fidélité et de tendresse, et non pas Dieu terrible que l’on doit redouter. Il est Celui qui est et qui sera toujours avec.

Si nous écoutons ce texte de l’exode aujourd’hui, c’est bien parce que cette révélation faite à Moïse nous concerne tout aussi bien et qu’elle nous invite à la même conversion de notre représentation de Dieu. En ces jours de Carême prenons le temps de nous interroger : qui est Dieu pour moi ? Est-il proche ou non de moi ?

Dans la seconde lecture, Saint Paul invite les chrétiens turbulents de Corinthe à se tourner vers le Christ. Le Christ en effet est ce Rocher préfiguré dans le livre de l’Exode, d’où l’eau rafraîchissante et pure a jailli quant Moïse l’a frappé de son bâton. Et comme les hébreux dans le désert qui alors avaient mangé la même nourriture et bu à la même source, les chrétiens de Corinthe doivent cesser de récriminer contre Dieu, cesser de désirer le mal, comme certains de leurs pères l’avaient fait, et ils avaient péri.

Cette histoire ancienne du peuple au désert doit servir d’exemple pour tous les baptisés qui voient arriver la fin des temps. Elle nous concerne nous aussi, chrétiens du XXI° siècle, dans nos efforts de conversion et de renonciation aux forces du mal qui nous détournent de Dieu. La situation de l’église de Corinthe et les troubles qui l’agitaient au temps de Paul est-elle si différente de l’église de notre temps, affrontée elle aussi à de multiples questions d’ordre moral ? La parole de Paul dans ces deux épitres aux Corinthiens est toujours d’actualité et il nous est bon de la ré-entendre en ce temps de Carême.

Enfin dans l’Evangile aussi, Jésus reprend ses contemporains et les appelle à la conversion, quand on lui rapporte deux faits divers : le massacre de galiléens par Pilate et la mort accidentelle de 18 personnes écrasées par la chute de la tour de Siloé à Jérusalem. Jésus semble dire qu’il n’y a pas de lien direct entre ces malheurs et le péché de ceux qui en ont été victimes. Car tous, nous sommes pécheurs, tous nous avons à nous convertir.

Et la petite parabole du figuier dans la vigne en fournit une application pour le propriétaire. Lui aussi est appelé à convertir sa manière de voir, de juger la situation de sa plantation. Pour un rendement plus grand et plus immédiat, il veut couper un arbre qui est trop lent à porter du fruit et qui risque de nuire à la fertilité du sol. Mais son vigneron a davantage que lui le sens du temps. Il exhorte son maître à la patience, à la confiance en l’avenir. Il espère un sursis, une nouvelle chance pour cet arbre apparemment stérile.

A travers la parabole, c’est l’image d’un Dieu patient, lent à la colère et plein d’amour qui est figurée ici. Et il est remarquable de voir combien un serviteur, un inférieur peut toucher son maître en l’appelant à réviser sa manière de voir les choses, en l’invitant à convertir son impatience et sa dureté en patience et en douceur, à l’égard d’un être handicapé, inutile et sans fruit à ses yeux.

Bien sûr, ce texte s’adresse à nous aussi, frères et sœurs, car nous sommes si souvent tentés de juger notre prochain lorsqu’il ne marche pas à notre rythme ou qu’il ne partage pas notre manière de voir. Aurons-nous la charité et la patience de laisser du temps au temps ? Le Carême est bien l’occasion favorable de nous re-positionner, de nous re-situer face à Dieu, face aux autres et face à nous-mêmes.

Et en conclusion, je laisserai la parole à l’apôtre Saint Pierre qui nous dit dans sa seconde épitre : « Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa Promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Mais il fait preuve de patience envers nous, en voulant pas que quelques uns périssent mais que tous parviennent à la conversion. » (2Pi 3,9)

AMEN

(2007-03-11)

Homélie du 07 janvier 2007 — Épiphanie du Seigneur — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Epiphanie du Seigneur 2007

Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2007

Frères et soeurs,

Pour ce jour de fête, notre frère Jean Chrysostome a ajouté les mages dans la crèche de l’église...Nous aimons retrouver ces personnages hauts en couleur, avec leurs beaux vêtements, leurs présents...Ainsi les a-t-on imaginés à la manière de rois distingués et de races différentes. Ainsi aime-t-on les retrouver chaque année dans les crèches de nos églises...surtout en n’oubliant pas le chameau !

Depuis que Dieu s’est fait chair, les images ont acquis tout leur titre de noblesse pour nous aider à entrer dans le mystère de sa présence si proche et si cachée à la fois...Déjà l’AT ne manquait pas d’essayer d’exprimer l’espérance d’Israël avec des images très concrètes, parfois presqu’exubérantes. Ainsi en ce jour, le prophète Isaïe voit une belle lumière et la gloire du Seigneur qui se lève sur Jérusalem. Il décrit alors Jérusalem qui resplendit à la manière d’une femme radieuse, avec des rois et des nations qui se dirigent vers elle, avec des chameaux, des dromadaires chargés d’or et d’encens. Le prophète veut suggérer par là son espérance du temps qui verra l’unification de tous les peuples autour de Jérusalem pour proclamer les louanges du Seigneur...

Mt dans son évangile reprend ces images bibliques dans le récit que nous venons d’entendre. Il s’insère dans la même espérance du prophète Isaïe. A sa suite, il comprend que la manifestation de Dieu est en train de s’accomplir en ce nouveau-né de la crèche. Ces mages venus d’Orient avec l’or, l’encens et la myrrhe sont les représentants de ces nations annoncées par Isaïe. Dans l’humble naissance de Jésus, Mt le reconnaît le mystère entrevu par Isaïe. Mais le ton est plus sobre. La gloire de Dieu brille d’un éclat caché : seule une étoile fait signe. Et Jérusalem ne semble pas se réjouir complètement à la venue de ses mages. Elle s’inquiète même plutôt qu’un roi soit né, alors qu’on ne l’attendait pas, ou que parmi les personnalités en place on ne l’attendait plus...Mt se fait une autre image de la manifestation de Dieu à toutes les nations. Image plus en nuance qui ne fait pas l’économie de la contradiction et de l’opposition qu’Israël fait au salut de Dieu et que la croix de Jésus mettra en lumière...Il n’est pas encore venu le temps où Jérusalem sera pleinement radieuse et toute entière unifiée pour accueillir les nations et chanter avec elles les louanges du Seigneur...L’espérance est encore en chemin, en attente de son plein accomplissement...Elle devra passer l’épreuve de la croix et de la résurrection du Christ.

Paul à son tour, dira qu’il a eu par révélation la connaissance du mystère du Christ et que ce mystère Dieu l’a manifesté à toutes les nations par l’annonce de l’évangile...Paul se fait une autre image de la révélation du mystère du Christ à toutes les nations : à travers la prédication de l’évangile dont il est un des apôtres fervents, les nations enfin peuvent avoir part à l’héritage d’Israël, et aux promesses de Dieu.

Frères et soeurs, cette fête de la manifestation de Dieu en la crèche nous donne de célébrer la manière avec laquelle Dieu patiemment rejoint les hommes et les fait entrer dans sa vie et dans lumière peu à peu. Et cette oeuvre de salut continue jusqu’à nos jours. Nous continuons d’accueillir le mystère du Christ pour que sa vie triomphe de toutes nos morts, pour que sa lumière vienne illuminer nos faces sombres...pour que sa joie nous habite et habite tous les hommes. Oui, frères et soeurs, cette fête peut-être une belle occasion pour nous demander : quelles sont mes images de Dieu et du déploiement de son salut, de son règne ? Comment j’essaie de reconnaître dans ma vie et dans celle du monde ce mystère à l’oeuvre ? Suis-je accroché à une image tellement élevé que je suis aveugle pour reconnaître Dieu présent dans la simplicité des jours, déjà à l’oeuvre ? Les Ecritures nous apprennent à faire dialoguer entre elles nos images de Dieu et de son salut...Laissons-nous enseigner par elles...(2007-01-07)

Homélie du 24 décembre 2006 — Noël - Messe de minuit — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Messe de la nuit de Noël 2006

Is 9 1-6; Tit 2 11-14; Lc 2 1-14

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2006

Frères et soeurs,

Il y a quelque temps, je recevais une carte, comme on en reçoit parfois avec une phrase à méditer...Elle portait une citation du pasteur protestant allemand, D. Bonhoeffer, mort pour avoir résisté à Hitler, et qui disait : “Dieu ne remplit pas tous nos désirs, mais il tient toutes ses promesses”...Il me semble que cette citation peut nous aider à entrer par la bonne porte dans cette fête de Noël. En effet, chargée de symbole et d’un poids affectif fort, cette fête peut réveiller en nous toutes sortes de désirs, des plus démesurés aux plus profonds...Et c’est heureux, car certainement la fête de Noël vient rejoindre la belle part de nous-même qui aspire à la nouveauté et à la vérité. Mais cela peut nous laisser un goût d’insatisfaction plus ou moins amer si nous ne prenons pas garde, et si nous nous laissons déborder par nos désirs d’harmonie, ou de tranquillité ou de réconciliation immédiate, demandant à cette fête ce qu’elle ne peut donner... “Dieu ne remplit pas tous nos désirs...”

“Mais il tient toutes ses promesses...” La seconde partie de la phrase de D. Bonhoeffer nous suggère de regarder les choses du côté de Dieu dans une attitude de foi. Oui, c’est à un autre regard que nous sommes conviés, non plus le regard superficiel du consommateur satisfait ou insatisfait, toujours prompt à réclamer ou à se plaindre...qui comme l’enfant voudrait tout tout de suite...Oui, Dieu a tenu ses promesses en envoyant “un Sauveur dans la ville de David, le Messie le Seigneur” comme l’ont révélé les anges aux bergers... En Jésus, il a tenu ses promesses, et il les tient encore. Car les promesses de Dieu sont encore en voie de réalisation.

Comme le suggérait Paul dans la seconde lecture, nous attendons “le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur”. Notre vraie bonheur est encore à venir, quand nous “goûterons dans le ciel la plénitude de la joie” de Dieu, comme nous l’avons prié au début de cette eucharistie.

Frères et soeurs, oui, cette nuit de Noël nous invite regarder les choses comme Dieu les regarde, et à prendre nos réalités humaines comme il les prend...Sans rêver, mais dans l’espérance...Qu’il ait choisi de se manifester à travers la naissance d’un enfant, dans cette grande dépendance que connaît tout petit d’homme, est une manière de réaliser ses promesses, bien au delà de ce que l’homme pouvait imaginer...Dans la simplicité et dans l’épaisseur de notre vie humaine, Dieu a choisi de se faire tout proche. En Jésus, il a marché avec nous et il nous a montré comment mener une vie vraiment belle et humaine. Il n’est pas venu à la manière d’un souverain puissant qui s’imposerait par son pouvoir ou par sa force. Non, il est venu caché comme pour mieux faire comprendre aux hommes de quelle nature est sa force et son pouvoir, “pour que la faiblesse se transforme en force et que la force devienne faiblesse” dirait St Augustin. Jusqu’à la faiblesse de la Croix, et la discrétion de la résurrection, Dieu a témoigné en Jésus de quelle manière il entendait établir la paix et la justice auxquelles nous aspirons tant. C’est de l’intérieur du coeur de l’homme, non de l’extérieur, par le don de son Esprit, qu’il vient nous apprendre à construire une vie d’amour et de vérité...

Oui, elles sont là en train de se réaliser les promesses de Dieu, quand chacun de nous se laisse guider par le Christ, jour après jour sur le chemin de la paix. Depuis que Dieu s’est fait homme, chaque pas humain compte et chaque geste humain a un rôle unique à jouer dans l’avènement du royaume de Dieu. Le Christ compte sur nous pour oeuvrer avec lui à plus de paix, de vérité et d’amour. Sans nous, il ne peut rien faire et rien ne se fera. En cette nuit, laissons le Christ faire sa demeure en notre vie. Je vous propose deux manières concrètes de prendre le Christ dans votre vie : prenez du temps pour le rencontrer dans la prière, comme on converse avec un ami. Lisez, relisez les textes des Ecritures, ceux reçus au cours des célébrations ou bien en prenant votre bible. Dans la prière et les Ecritures, le Christ vous donnera force et lumière pour la vie quotidienne, pour mieux comprendre sa façon à lui de conduire nos vies et le monde. Ses pensées sont tellement différentes des nôtres, qu’il nous faut toujours nous mettre à son écoute...

(2006-12-25)

Homélie du 08 décembre 2006 — Immaculée Conception — Frère Servan
Cycle : Année C
Info :

Année ABC – Immaculée Concept - 8 décembre 2006

Gen 3 9-15,20 ; Eph 1 3-6, 11-12 ; Lc 1 26-38

Homélie de F.Servan

Texte :

Le frère Marian m'a délégué son pouvoir et son devoir d'Homélie ! Il pense sans doute (et f.Romaric avec lui) qu'il est plus important de prier « avec Marie » ( chacun à sa manière) sur nos chemins de vie et de foi à la suite du Christ ... que de faire des discours « sur Marie ». Je me risque à quelques notations.

Je pense que nous ne courons pas grand risque en estimant que durant sa vie terrestre, Marie, mère de Jésus ne s'est jamais dit : « Je suis l'immaculée conception », mais bien plutôt : « Je suis l'humble servante du Seigneur. Qu'il me soit fait selon sa parole » - « Elle a bâti sa demeure dans les vouloirs du Père », aimons-nous chanter.

Vous connaissez quasi par cœur ces lignes de Bernanos: « Son Fils n'a pas permis que la gloire humaine l’effleura, même du plus fin bout de sa grande aile sauvage. Personne n'a vécu, n'a souffert, n'est mort aussi simplement et dans une ignorance aussi profonde de sa propre dignité, d’une dignité qui la met pourtant au-dessus des anges. Car, enfin elle était née sans péché : quelle solitude étonnante ! Une source si pure, si limpide, si limpide et si pure, qu'elle ne pouvait même pas y voir refléter sa propre image, faite pour la seule joie du Père.

Autre notation : si le sang de l'Agneau purifie et sanctifie toute l'humanité, depuis Adam et Eve, et Caïn et Abel, notre foi peut comprendre qu'il ait préservé sa mère de tout ces repliements et ces refus qui constituent le péché (ce qui n'exclue pas la souffrance de corps et d'âme, au fil des événements ni l'obscur de la foi)

« AUCUN REFUS NE VIENT TROUBLER L'OEUVRE DE GRACE. Le sang du Christ la rachète, mais elle en est la source ».

Autre notation : Dans la Bible, quand il y a privilège, élection, mise à part, c'est toujours pour le bien de tout un peuple et du plus grand nombre.

Marie est une fille d'Israël, de ce peuple auquel il a été dit : « Soyez saints, car Moi je suis saint », un peuple de pécheurs certes, mais aussi écoutant la Parole, poursuivi par elle. Marie est fleur unique, mais sur la souche et l'arbre de Jessé: « Toute une race de croyants guettait son jour » - « Il s'est souvenu de son amour, de la promesse faite à nos pères ».

La sainteté de Marie est aussi étroitement liée au peuple de la nouvelle alliance dont toutes les générations la disent bienheureuse.

Dans nos évangiles, nous constatons qu'elle se trouve bien mentionnée aux moments de la naissance de ce peuple : debout, au pied de la croix, telle que l'évangile de Jean contemple celle-ci (Jn 19), scène de naissance bien plus que de mort! Ou recueillie en prière avec les premiers disciples, en la veille de la Pentecôte.

Alors, en ce jour, et tous les jours de notre vie, redisons avec confiance et reconnaissance : « Sainte Marie, mère de Dieu, prie pour nous, pécheurs, mais comme toi, appelés à la sainteté »,comme cela nous a été si bien rappelé par la lettre aux Ephésiens ( 2e lecture) :

« Dans le Christ, le Père nous a choisis et appelés pour être, dans l'amour, saints et irréprochables, sous son regard, à la louange de sa gloire ». (2006-12-08)

Homélie du 26 novembre 2006 — 34e dim. ordinaire : Christ Roi — Frère Servan
Cycle : Année B
Info :

Année B - 34° Dimanche du Temps Ordinaire - Christ Roi - 26 novembre 2006

Dn 7 13-14; Ap 1 5-8; Jn 18 33-37

Homélie du F.Servan

Texte :

Alors, tu es roi? ..... Comme pour toute réalité humaine, les Rois, il y en a des bons et des moins bons! Je vous renvoie par exemple à notre histoire de France !

Dans la Bible, nous avons la figure idéalisée du Roi David, mais nous avons aussi des réserves par rapport à l'institution royale, tant dans le Premier Testament, dans le Livre de Samuel, alors que s'inaugure la royauté en Israël, que dans le Nouveau Testament où l'on entend le Christ mettre en garde ses disciples: « Les rois des nations païennes leur commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler illustres bienfaiteurs. Pour vous, rien de tel. Faites plutôt comme moi: je suis au milieu de vous comme celui qui sert à table » (Lc.22,25)

Alors, tu es Roi? De Roi serviteur, Jésus descend encore plus bas, devant Pilate un tantinet goguenard et méprisant, le voici Roi dérisoire, tel que dans ces images ou gravures de Georges Rouault, bientôt livré à la soldatesque : « Salut, roi des juifs ! »

Pour nous ici, un premier apprentissage du voir : voir ce roi humilité dans les hommes et les femmes en détresse, marqué par la faiblesse. C'était la scène relatée par notre Evangile, à un moment précis de l'histoire !

En contraste total, les deux autres lectures de ce dimanche (prises au livre de Daniel et à l'Apocalypse) nous transportent dans le monde de la gloire céleste, au-delà de l'histoire: sur les nuées une image de gloire remplace la dérision.

Deux images contrastées, que nous retrouvons dans notre Credo : « Humilié, crucifié sous Ponce Pilate. Il règne à la droite du Père, d'où il viendra juger les vivants et les morts !

Pour en revenir à la visions céleste et glorieuse ; comme il convient, le mot "voir" est souligné: « au cours des visions de la nuit, je voyais venir comme un Fils d'Homme » - « tous les hommes le verront et en le voyant ».

En ces derniers jours d'une année liturgique, nous pouvons penser à cette vision qui nous attend et que peut-être vous espérer un peu.

Qu'il nous soit donné d'avoir part un jour à ce « voir », de nous tenir debout devant ce Fils de l'Homme, regardés par lui et le regardant comme « celui qui nous aime et nous a délivrés de nos péchés par son sang » et ensuite, qu'il nous fasse passer à sa table et qu'il nous serve à tour de rôle (car dans la Gloire il demeure serviteur; c'est son être profond) pour reprendre une belle image de saint Luc que nous aimons chanter le dimanche soir avant d'entrer dans le repos de la nuit : « Bienheureux celui qui veillera - quand tu paraîtras nimbé de gloire - tu l'inviteras, lui dresseras la table - tu le serviras - qu'il prenne la plus belle place » !

Regardé-regardant, non pas dévisagés, jugés, pesés, mais envisagés, encouragés, accueillis (faut-il rappeler ici une belle définition de l'Eglise faite au Concile Vatican II : « l'ensemble de ceux qui regardent avec foi vers Jésus »)

Roi dérisoire - Roi de gloire ! Entre ces deux images contrastées, c'est le temps de l’histoire humaine et le temps de l'Eglise (depuis deux mille ans). Or, concernant la manière dont le Fils de l'homme exerce sa royauté durant ce temps-là (qui est le nôtre) l’évangéliste nous donne des indications avec les deux paroles importantes qu’il met dans la bouche de Jésus devant le

gouverneur Pilate.

« Ma royauté, dit le Christ, ne vient pas de ce monde », et ne s'exerce pas à la manière du

monde, c'est-à-dire pas sous la contrainte d'hommes portant des armes, mais par des hommes et

des femmes qui cherchant la vérité « écoutent ma voix » (cf.Jn 10).

Ecouter sa voix, ses paroles, ses enseignements, les Béatitudes et le sermon sur la montagne; les laisser germer, grandir et régner dans notre cœur, puis du cœur, les faire déborder, non seulement dans l'espace limité des églises, des sacristies ou des cloîtres, mais bien dans le monde et son histoire présente, avec ses valeurs et ses aliénations, ses pesanteurs. Oui, qu'elles rayonnent et portent du fruit, dans la vie familiale, sociale, économique, politique, culturelle, artistique, caritative etc et que sais-je encore.

Ici encore il y a une école du voir, juger et agis. Entendons le Fils de l’homme nous redire en ce dimanche : « vous comptez sur moi, en moi vous puisez secours et force pour votre vie. Eh bien ! Moi aussi je compte sur vous (car Dieu a besoin des hommes) ! Non pas tout seuls mais avec le secours de l’Esprit Saint. Soyez un peu plus aimants, plus attentifs, plus inventifs et intelligents – (mais bien sûr, selon la capacité de vos divers récipients) ». C’est entendu, Seigneur ! Vous pouvez compter sur nous et avec toi nous prions : « Que ton règne vienne » ! (2006-11-26)