Homélies
Liste des Homélies
Année A – Dimanche Sainte Famille - 30 décembre 2007
Si 3 2-16 ; Col 3 12-21 ; Mt 2 13-23
Homélie du F.Servan
Cette célébration de la sainte Famille aux lendemains de Noel a été instituée dans les années
1890 ,à la fin du XIXe siècle pour encourager et soutenir les familles qui certes sont porteuses d'un bel idéal, mais dont la réalité, comme chacun sait, est plus contrastée: tissée de lumière et d'ombre, de joies et d'épreuves, de liens forts mais aussi de disputes et de blessures, lieu de vie mais parfois d'enfermement. Les sciences humaines analysent ses évolutions: de la famille patriarcale à la famille nucléaire, adoptive, recomposée, monoparentale etc. Probable que Dieu, par-delà les étiquettes sociales ou canoniques, s'intéresse plus aux personnes et à leurs relations dans une histoire (qui inclut pardons et redéparts, retrouvailles, pacification).
De nos jours, un certain nombre de familles aiment faire leur généalogie, en consultant les archives départementales (on arrive à remonter à Napoléon, plus difficilement jusqu'à François 1er). La Bible aussi aime les généalogies (celle de Jésus, par exemple, plus ou moins catholique d'ailleurs !), mais ce n'est pas tant pour se replier sur un passé plus ou moins idéalisé, que pour ouvrir ce passé à une nouveauté, une promesse, à la vie pour aller « plus avant» !
Déjà, au début de la Bible, il était dit « l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme (pour fonder une nouvelle famille) ». .A la fin de la révélation biblique, Jésus ira plus
loin: « Toi, quitte ton père et ta mère et va annoncer la Royaume! ». Certes, il rappelle la parole du décalogue sur l'honneur dû aux parents, mais il l'ouvre à une communauté de frères et de sœurs dans la foi qui témoignent du Royaume qu'il est venu inaugurer. « Et qui est ma mère? Femme, voici ton fils ! Les disciples de Jésus étaient en prière avec Marie sa mère et avec ses frères ».
Sainte famille ! A ce sujet, deux images se présentent à mes yeux ! Toutes deux d'ailleurs des
années 1890, du temps de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de mes arrière-grands-mères. Fleurissaient alors ces images pieuses bordées de dentelles, avec un enfant Jésus bien sage et bien gentil entre Joseph et Mari, autre image, qu'il me soit permis de préférer: un tableau de van Gogh, à la fin de sa vie intitulé « les premiers pas » . Un couple d'humbles paysans, un enfant que sa mère envoie vers le père qui en face lui ouvre les bras. « Va vers ton père risque toi, apprends la vie! » C'est plus vivant et dynamique que la première image.
Mais laissons les images, pour revenir brièvement sur les lectures entendues. Elles nous donnent motifs de louange et aussi intentions de prière. L'évangile a souligné la fonction de protection de l'enfant (Matthieu soulignant sur ce point le rôle majeur de Joseph: « Lève-toi; prends l'enfant et sa mère! »)
La lettre de l'apôtre a évoqué l'éducation à la louange et à la prière au sein de la famille: c'est d'abord de ses parents que Jésus l'enfant juif apprend les psaumes et les hymnes d'Israël, son peuple. On y parle aussi de ce beau concours où l'on s'entraîne à la soumission réciproque (le
concours reste ouvert: vous pouvez y participer) ! « Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth et il leur était soumis ».
Du passage tiré du livre du sage Ben Sirac nous pouvons enfin retenir ces paroles: « Mon fils, soutiens ton père dans sa vieillesse, même si son esprit l'abandonne »,car cela nous fait penser à l'importance aujourd'hui du souci et de la prise en charge des parents âgés, vu l'allongement de la vie ! Pour tous ces motifs, que le Seigneur vienne en aide aux familles et les bénisse ! (2007-12-30)
Année ABC - Messe de la nuit de Noël - 24 décembre 2007
Is 9 1-6; Tit 2 11-14; Lc 2 1-14;
Homélie du Père Abbé Luc
2007
Frères et sœurs,
Comme chaque année, des frères ont réalisé la crèche de l’Eglise. Celle que vous avez sous vos yeux a été faite par nos trois frères vietnamiens arrivés parmi nous durant l’année. C’est l’habitude de confier aux derniers venus, étudiants ou postulants, le soin de faire la crèche. Ainsi d’année en année, la confection de la crèche a donné lieu à une belle créativité et une variété de styles et de situation.
De la crèche vietnamienne, africaine, sud américaine ou malgache, à la crèche située dans un décor zen, dans la rue St Denis, à Paris, sur un chantier de construction ou encore dans une maison sur pilotis…Une étonnante variété qui veut exprimer à travers les décors la conviction de notre foi chrétienne que Dieu ne rechigne à s’approcher d’aucune de nos réalités humaines, et qu’Il vient encore tout près de nous aujourd’hui même…
La crèche, les textes entendus, et la liturgie que nous célébrons maintenant veulent chacun avec des accents différents nous faire entrer dans le mystère d’une rencontre…La rencontre de Dieu avec les hommes, et celle de l’homme avec Dieu, en Jésus.
Quand Dieu vient à la rencontre de l’homme, il va jusqu’à choisir de se faire l’un de nous et de naitre comme un enfant. Dieu échange les prérogatives de sa majesté, et sa gloire pour prendre notre faiblesse et pour être au milieu de nous comme l’un des nôtres, sans rien qui le distingue des autres. C’est ainsi que sans s’en rendre compte, l’empereur Auguste a compté parmi ses sujets recensés le Dieu de l’univers… !
Etonnant mystère que nous ne cessons depuis 2000 ans de méditer à la lumière de la vie de Jésus. Car la vie de Jésus est tout aussi étonnante que sa naissance, jusqu’à sa mort infâme sur une croix, et sa résurrection dans la discrétion au matin de Pâques. Chaque année, nous fêtons Noël pour nous familiariser davantage avec ce mystère de Dieu, le Tout Autre qui peut se faire si proche. Oui, il nous faut sans cesse quitter nos manières spontanées de penser Dieu, un Dieu qui serait ailleurs et Tout puissant, qui serait toujours surplombant voire inquiétant.
En cette nuit de Noël, Dieu nous laisse entrevoir dans cet enfant fragile qu’il est tout proche, et toujours à nos côtés…Lui le Créateur de toute chose nous rejoint au plus intime de nos vies, au plus fragile et aussi au plus banal pour faire un bout de chemin avec nous…
En regardant ainsi Jésus, et à travers lui Dieu, venir à notre rencontre, nous pouvons nous aussi mieux apprendre comment aller à la rencontre de notre Dieu, sans peur, sans méfiance aussi. A-t-on peur d’un enfant, ou d’un homme sur une croix ? Un enfant, ou un homme blessé demande d’abord le respect, l’humble respect envers un être unique et plein de dignité. Dans la rencontre des plus démunis face à la vie, nous trouvons une voie royale pour aller au devant de Dieu.
Un enfant ou un homme blessé par la vie, demande que l’on sache prendre du temps pour l’écouter et l’accueillir vraiment. Dans ce temps passé avec ceux qui croisent nos chemins, dans cette écoute patiente et aimante, nous sommes assurés de croiser le regard de Dieu. Sur ce chemin de rencontre, il n’est pas toujours aisé de marcher. Il nous faut sans cesse demander la grâce.
L’Eucharistie que nous poursuivons maintenant, va nous donner d’aller avec confiance à la rencontre avec notre Dieu. En rappelant la mort et la résurrection de Jésus, le sacrifice qu’il a fait de sa vie pour nous, nous accueillons en échange la Vie de Dieu qui nous est largement offerte, car Il veut venir encore parmi nous, en nous aujourd’hui.
(2007-12-25)
Année A - 3° Dimanche de l'Avent - 12 décembre 2010
Is 35 1-10; Jacq 5 7-10; Mt 11 2-11
Homélie du F.Servan
La JOIE - la PATIENCE (la patience éprouvée ; la patiente espérance). Deux mots (à retenir ce dimanche) et qui disent ce qu'est notre vie chrétienne, telle que vécue et ressentie par nous.
GAUDETE - « Soyez dans la joie du Seigneur toujours! » - c'était une consigne de saint Paul pour notre chant d'entrée.
Et Esaïe (annonçant la joie d'une libération, d'un retour d'exil). « Qu'il se réjouisse ! Le pays aride, qu'il exulte et crie de joie !" le désert et la terre de la soif. Et, dans la prière que j'ai dite en votre nom au début, nous avions cette expression un peu curieuse : « Dirige notre joie vers la joie d'un si grand mystère » (notre joie humaine et chrétienne).
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Le Messie bien sûr, que nous allons célébrer dans quinze jours à Noël (et je crois savoir que les plus jeunes viendront) : la venue parmi les hommes de Dieu lui-même ("il vient lui-même
et va vous sauver "), petit enfant pour nous sauver et nous conduire aux chemins de la vie.
Et, selon la double visée du temps de l'Avent, ce Messie c'est, au-delà ! La joie de
l'humanité délivrée se pressant dans la Jérusalem du ciel pour acclamer debout le
Fils de l'homme: « Ils reviendront les captifs rachetés par le Seigneur, ils arriveront à
Jérusalem dans une clameur de joie ».
La joie donc et l'orgue qui accompagne et encourage nos liturgies, sait produire
des notes heureuses, légères, joyeuses, mais il peut avoir aussi un jeu et des notes
plus graves, nous rappelant qu'ici-bas, joie va avec patience éprouvée.
Dans le bref passage de la Lettre de Jacques, le mot de patience est revenu quatre fois
(Endurance, patience, être ferme, pas gémir) avec l'image bien de saison de la
graine semée en automne dans les champs ou les jardins et qui, avant de germer et
de sortir au printemps, a bien un peu froid dans le sol gelé: « voyez le cultivateur »
Quant au prophète Esaïe, n’oublions pas qu’il annonce la joie, à un peuple en exil, à des gens humiliés, opprimés qui peuvent rêver de vengeance, aux mains défaillantes aux genoux qui fléchissent, qui s'affolent, se découragent...: l'épreuve!
Dans l'évangile, enfin, nous voyons Jean Baptiste dans l'épreuve, dans un cachot obscur de
la citadelle de Machéronte, au-dessus de la mer morte, et qui est pris de doute (le doute de la foi) et de découragement: « Es-tu Celui qui doit venir? Me suis-je trompé sur ton compte ? ». Jean annonçait un Messie justicier par le feu, messager en quelque sorte de la colère et de la revanche de Dieu.
Or, la pratique de Jésus nous révèle le visage de miséricorde du Père : en son nom il accueille les pécheurs, partage leurs repas, accueille tout homme et toute femme de désir...Réponse de Jésus : « La Bonne nouvelle est annoncée aux pauvres ! » c'est-à-dire à chacun de nous avec ses pauvretés, ses limites, ce qui l'humilie, ce que chacun connaît et que nous confions au Sauveur en ce temps de l'Avent.
Nous revient aussi la tâche de porter cette Bonne Nouvelle aux plus petits et plus pauvres. Mais cette Bonne Nouvelle n’est pas seulement aide et secours, c’est aussi le don d’une joie profonde et imprenable dira Jésus à la Cène, celle qui se cache sans doute dans la dernière phrase de notre évangile : « Grand est Jean Baptiste certes, et cependant le plus petit dans le Royaume est plus grand que lui » !
Qu'est-ce à dire?
Il me semble trouver la réponse à peine une page plus loin, dans ce même Chapitre 11 de
l'évangile de Matthieu : « Jésus dit (Luc écrit: « Il exulta de joie sous l'action de l'Esprit Saint ») « Je te loue, Père, d'avoir caché cela aux sages et de l'avoir révélé aux tout petits. Nul ne connaît le Père et sa bienveillance, sinon le Fils et celui à qui il veut le révéler. Venez à moi vous tous qui peinez, je vous donnerai le repos (la joie imprenable).
Dans nos vies humaines et chrétiennes, il y a des moments de joie qui s'extériorise et aime se partager, mais caché dans nos cœurs (comme un beau lac de montagne, une réserve inépuisable) il y a une joie que fait grandir l'Esprit qui « habite en nos cœurs ». « La joie toujours » disait St Paul au sein même des épreuves joie de l'Esprit, capable de résilience, de rebond rapide, de pardon, qui ne s'attarde pas au négatif, mais s’attarde plutôt sur ce qui est beau et bon.
« Le Seigneur est avec toi, tu es aimé ; la paix soit avec toi, tu aimeras toi aussi ». C'est sans doute pour cela que les moines chrétiens inclinent souvent leur corps (autant que leur âge le permet) en disant :
« Gloire au Père - tel que nous l'a révélé Jésus
Gloire à son Fils Jésus Christ, le Seigneur - qui nous conduit au chemin de la Vie
Gloire à l'Esprit qui habite en nos cœurs. »
Mais c’est aussi cette même joie des enfants de Dieu que nous allons réveiller et alimenter, petits et grands, en regardant nos crèches de Noël. L'enfant, Marie et Joseph, sans oublier l'âne et le bœuf, si patient : dirige notre joie vers la joie d'un si grand Mystère ! Amen
(2010-12-12)
Année C - Avent 1° Dimanche (2/12/2007)
Isaïe 2 : 1-5, Romains 13 : 11-14 ; Matthieu 24 : 37-44
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Les trois lectures de la liturgie de ce 1er dimanche de l’Avent orientent nos regards et nos cœurs vers l’avenir. Ils cherchent à nous présenter ce temps liturgique comme celui d’un temps de désir, un temps d’espérance, porté par une double attente :
- attente des temps messianiques contenue dans l’Ancien Testament, et c’est le prophète Isaïe qui nous accompagnera dans notre préparation à Noël, fête de l’incarnation de Dieu dans notre monde, avec la naissance de Jésus, reconnu comme le Messie, Fils de Dieu, Emmanuel, Dieu avec nous,
- mais aussi attente des derniers temps et de la nouvelle venue de ce même Messie pour le jugement final et l’accomplissement du Royaume de Justice et de Paix.
Dans la première lecture, Isaïe nous fait part de la révélation qu’il a eue au sujet de l’avenir de Jérusalem. Il entrevoit le temps messianique comme celui d’un rassemblement de peuples en marche, vers la montagne de Sion. 2 caractéristiques sont frappantes dans le texte et il nous faut les retenir :
- l’universalité de ce rassemblement qui ne concerne pas seulement Israël, le peuple élu de Dieu, mais toute l’humanité, toutes les nations, invitées à écouter les enseignements du Seigneur et à suivre ses chemins, c’est-à-dire obéir à sa Loi, à sa Parole ;
- et la seconde caractéristique, c’est l’établissement de la paix, en ce temps de bénédiction, où les armes d’entraînement à la guerre (épées, lances) céderont la place aux outils de production agricole (socs de charrue, faucilles).
- Toute cette marche, tout ce rassemblement s’effectuera dans la lumière et la joie du Seigneur.
Saint Paul, dans la seconde lecture, lui, écrit à des chrétiens qui ont cru que le salut est déjà arrivé pour eux. Ils ont confessé Jésus comme le Messie, mort et ressuscité, et en un sens tout a été accompli avec la Croix et la Résurrection. Mais le Christ est remonté au Ciel, avec la promesse d’une seconde venue dans la Gloire pour le jugement définitif, dans les derniers temps. Saint Paul semble penser que ces derniers temps sont imminents. L’aurore va bientôt se lever : le jour est tout proche et le moment est venu de sortir de son sommeil. C’est une invitation à vivre le présent comme une urgence pour se convertir et se débarrasser de toute conduite mauvaise. Appel positif à revêtir les sentiments du Christ, à vivre dans l’amour, dans la lumière et la vérité. L’avenir du chrétien éclaire et donne tout son sens à l’action du présent et à l’espérance qui la porte.
L’Evangile enfin, est en consonance avec les deux premiers textes ; c’est Jésus lui-même qui parle à ses disciples de sa venue. A trois reprises, en quelques lignes, il mentionne la figure du Fils de l’Homme et de son Avènement, imprévisible, à l’heure où les gens ne se doutent de rien.
Ce Fils de l’homme fait référence au livre du prophète Daniel, qui annonçait la venue, dans les nuées du Ciel d’un personnage mystérieux, à qui sera confié la Souveraineté, la Gloire et la Royauté, et cela pour toujours. Ce personnage mystérieux dans le récit de Daniel a un double aspect : individuel et en cela il s’apparente à un ange ou à un être divin, mais aussi collectif, en tant que représentant « le peuple des Saints du Très-Haut », à qui sera confié la Royauté éternelle. Cette venue du Fils de l’Homme rejoint alors la vision du prophète Isaïe de la 1ère lecture, avec le rassemblement final à Jérusalem.
Mais si Jésus annonce à ses disciples cette venue du Fils de l’Homme, ce n’est pas pour leur faire peur ou pour la présenter comme une catastrophe. C’est pour les inviter à la vigilance, et à la confiance dans une attitude d’attente sereine. « Tenez donc vous prêts : ne craignez pas, mais examinez-vous pour le bon discernement de votre quotidien. Alors quand il surviendra, vous ne serez pas surpris ».
Que retenir alors, frères et sœurs de ces 3 textes comme leçon d’espérance ? Nos existences sont tissées d’ombre et de lumière. Elles sont tantôt tirées vers le passé, tantôt apeurées par l’avenir, souvent encombrées dans le présent. Le temps de l’Avent est le temps où Dieu vient nous rejoindre pour l’annonce d’une Bonne Nouvelle, aujourd’hui.
Laissons-nous porter pour conclure par les mots du poète jésuite Didier Rimaud, dans cette belle hymne que nous chantons à l’office :
« Dieu est à l’œuvre en cet âge
Ces temps sont les derniers…
Ne doutons pas du Jour qui Vient
La nuit touche à sa fin
Et l’éclat du Seigneur remplira l’Univers
Mieux que l’eau ne couvre les mers.
Quelle est la tâche des hommes
Que Dieu vient rassembler ?
Que peut-on faire pour hâter
Ce jour tant espéré ?
Pour que ce jour ne nous perde,
Ce jour comme un voleur,
Ne dormons pas aux ténèbres
Veillons dans le Seigneur !
Dieu est Amour pour son peuple
Il aime pardonner
Il veut sa liberté
Déchirons notre cœur, revenons au Seigneur
Car Il est le Dieu qui revient. »
(2007-12-02)
C 2007 – 32° Dimanche 11 novembre 2007
Lectures : 2 M 7,1-2.9-14/ / 2 Th 2,16-3,5 / Lc 20, 27 38
Homélie de frère Matthieu
Les textes de ce jour nous parlent de résurrection des morts, de la vie au-delà de la mort…
Question existentielle s’il en est ; question difficile et sur laquelle nous n’avons pas forcément d’idées bien claires, de paroles très assurées, même si nous sommes chrétiens et même chrétiens convaincus… Face à la mort concrète, celle de nos proches, la nôtre envisagée, comment ne pas entendre toujours la question : et après ? … et peut-être aussi le murmure : s’il y a un après ?
Que nous disent donc les textes que nous venons d’entendre ?
Le premier nous parle du martyre d’une famille entière dans un contexte de violente persécution contre le peuple d’Israël et contre sa fidélité à la Loi de Dieu qui se veut fidélité à son Alliance.
Une première constatation, ce récit qui date du IIème siècle avant Jésus, qui est un des tout derniers de notre Ancien Testament est pourtant un des premiers, sinon le premier de toute la Bible, où s’affirme clairement l’espérance d’une résurrection des morts.
Signe que la question pour être de toujours n’est pas de celle dont la solution se trouve d’emblée… Pas étonnant donc si la question demeure pour nous et si l’espérance, la foi en la résurrection des morts est lente à émerger dans nos propres réponses, dans nos propres vies.
Que dit le texte ?
Il parle de « résurrection pour une vie éternelle » : nous changeons de monde et c’est du monde de Dieu dont il est question ici maintenant.
Il parle d’une résurrection très concrète pourtant : il s’agit bien de « retrouver ses membres » rompus par la torture : résurrection des corps donc.
Il parle de cette résurrection des corps comme d’une création nouvelle dont Dieu seul a le secret.
L’évangile de Luc reprend la question de la résurrection des morts dans un contexte polémique. Les Saducéens s’en tiennent à la Révélation contenue dans la seule Loi – les cinq premiers livres de notre Bible… et ils n’y trouvent pas d’énoncé sur la résurrection… pas plus d’ailleurs que l’existence d’anges…
Jésus leur réplique dans la plus pure tradition pharisienne qui est la sienne : il y va de la juste interprétation des écritures !
Il coupe court d’abord à l’ironie méprisante des Saducéens qui inventent une histoire ridicule pour rendre invraisemblable l’idée même d’une résurrection des morts. Il affirme d’emblée que le monde de la résurrection n’est plus notre monde d’aujourd’hui : il est celui de la vie éternelle, on n’y meurt plus ; dans ce monde de Dieu, ce sont les anges qui sont les modèles des vivants, des « fils de Dieu ».
Les anges ? Qu’est-ce à dire ?
Non pas notre imagerie populaire, non pas de purs esprits – et c’est quoi au juste un pur esprit ?! Non pas des angelots de notre art baroque…
Dans la Bible, les anges sont ceux qui vivent en présence de Dieu, ceux « qui voient la face de Dieu », ce sont aussi les messagers de Dieu, porteurs de sa Parole… Nous n’en savons pas plus, mais c’est l’essentiel : ce sont des vivants pour Dieu ; vivants de la vie même de Dieu, ils vivent dans la Parole de Dieu reçue et échangée, reçue et célébrée dans la louange.
Quant à la résurrection des morts, Jésus la lit dans la Loi, au livre de l’Exode, dans l’épisode du Buisson ardent. Qu’est-ce à dire ?
Que le Seigneur se nomme lui-même, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, Dieu des vivants et non pas des morts. « Tous vivent pour lui » ; c’est la création et l’alliance qui se trouvent accomplies : la vie de Dieu est leur vie, notre vie, elle circule en liberté et plénitude, elle circule entre toutes les créatures, elle circule en nous et entre nous.
Tout est-il clair pour autant en matière de résurrection des morts ?
Sans doute pas, mais le mystère de notre résurrection, qui est encore à venir et dont nous ne pouvons encore avoir le dernier mot est mis dans sa vraie lumière, celle de Dieu.
La vie aura le dernier mot ; la mort n’existera plus, ce qui fait le meilleur de nos vies, de nos corps, la beauté de la création, la beauté de la relation – ce que la Bible appelle l’Alliance – seront vécus en plénitude et pour toujours.
Nous pouvons espérer être en Dieu plénitude de vie et de relation, corps ressuscités dans le Christ ressuscité, Corps du Christ, Création nouvelle dans la Nouvelle alliance qui est la vie de l’Esprit en nous.
Frère Matthieu Collin
Année ABC - Messe de la Toussaint - 1 Novembre 2007
Ap 7 2-4, 9-14; 1 Jn 3 1-3; Mt 5 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
b]2007
Frères et soeurs,
Illusion ou réalité ? Telle est la question qui peut surgir de notre esprit après avoir écouté cet évangile des béatitudes.
Illusion que ces promesses faites aux pauvres, aux doux, à ceux qui pleurent, aux cœurs purs ? ou bien réalité ?
Est-ce là un doux rêve ou bien est-ce la révélation d’une vérité plus profonde sur ce que nous sommes ?
La question n’est pas neuve, et elle nous est souvent renvoyée à nous chrétiens. Parler comme le fait Jésus, n’est-ce pas une manière facile d’éviter les nécessaires combats d’ici-bas en projetant dans l’au-delà un futur radieux ? Ne fait-on pas la promotion de la faiblesse et de la démission, comme pouvait le reprocher Nietzsche au christianisme ?
Oui, ces questions nous traversent tous, autant que nos contemporains sceptiques, car la parole du Christ vient renverser nos repères habituels et nos échelles de valeurs communes.
Le Christ porte sur notre vie humaine une lumière nouvelle : pauvreté, pleurs, pureté, persécutions, tout cela est appelé à trouver sens.
Là nous sommes immédiatement portés à trouver cela insensé, Jésus nous révèle que de là peut s’ouvrir une porte vers le bonheur. Là nous sommes inclinés à rechercher notre assurance dans l’affirmation de soi ou dans les rapports de force, Jésus nous dit que tout cela est illusion. Seuls ont de l’avenir, les hommes et les femmes qui cultivent la pauvreté de cœur, la douceur, la paix ou la quête de la justice.
Oui, cet évangile des Béatitudes nous révèle la réalité de notre vie humaine, ce qui lui donne du poids, un poids d’éternité. Sous l’apparence de la faiblesse ou de l’échec, une réalité se cache qui se dévoilera pleinement dans la lumière de Dieu : c’est la réalité d’une humanité bâtie, non sur la puissance, le succès immédiat ou l’éclat, mais la réalité d’une humanité vraie, profondément ouverte et donnée à autrui, sans soucis angoissé d’elle-même. Alors ce qui semblait réalité à nos yeux de chair deviendra illusion et ce qui semblait illusoire ou négligeable deviendra réalité.
Dans la seconde lecture, st Jean nous laisse entendre cela avec d’autres mots quand il dit : Bien aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne parait pas encore clairement .
Dès maintenant nous sommes, mais ce que nous serons ne parait pas encore clairement. La réalité de notre condition d’enfant de Dieu est là, mais elle est encore voilée. Quelque chose est encore à dévoiler. Par notre baptême, nous sommes devenus enfants de Dieu et toute la vie divine nous est donnée.
Une énergie formidable nous est offerte en Jésus, l’Esprit Saint, pour transformer notre histoire humaine blessée. Mais les fruits de cette transformation n’apparaitront pleinement que dans la lumière de Dieu. Notre condition d’enfant de Dieu est pour une part cachée, à nos yeux et à ceux d’autrui. Pas d’éclat ou de grande manifestation glorieuse, mais plutôt une lente croissance à la mesure de la grâce et de notre libre consentement.
C’est le dynamisme du Royaume à la manière d’un levain ou d’une petite graine. La tentation pour nous les enfants de Dieu, est de ne pas croire à ce dynamisme caché dont nous sommes porteurs. Nous voudrions qu’il soit immédiatement visible et manifeste. Nous voudrions qu’il s’impose à tous. Et nous pouvons être tentés de vouloir rechercher le succès à la manière humaine.
Mais ce serait alors retomber dans l’illusion, et délaisser la réalité cachée du Royaume qui grandit d’abord dans les cœurs pauvres, doux et purs…
Quand l’Eglise nous donne de célébrer la fête de tous les saints, elle nous donne de porter nos regards vers cet avenir qui nous est promis et que les saints et tous les amis de Dieu goûtent déjà.
Ce regard ne nous fait pas échapper au réel. Il veut au contraire nous encourager à laisser grandir, dans notre aujourd’hui, dans nos vies d’enfants de Dieu, ce qui a vraiment de l’avenir, ce qui construit le Royaume : heureux les pauvres de cœurs, heureux les doux, les artisans de paix, les affamés de justice.
Que l’exemple et l’intercession de tous les amis de Dieu, nous affermisse dans notre foi et dans notre marche
(2007-11-01)
Année C - 26e dimanche du Temps Ordinaire – 30 septembre 2007
Am 8 4-7 ; 1 Tim 6 11-16 ; Lc 16 19-31
Homélie du F.Servan
Voici une belle histoire ! Il semble que l'évangile selon saint Luc plaise à beaucoup (petits et
grands), entre autres parce qu'il est le seul des évangiles à nous rapporter ces paraboles ou histoires
imagées telles que le Bon samaritain, le Père prodigue et ses deux fils, et aujourd'hui, le riche et le pauvre Lazare.
Il se peut qu'il plaise moins aux riches de ce monde, parce qu'il semble souvent leur
chercher des « crosses » ou tel un bon toréador évangélique, il leur envoie des banderilles à
répétition (mais ils ont la peau dure !)
Luc avait bien annoncé la couleur du programme dans sa version des Béatitudes de Jésus:
" Heureux les pauvres, le Royaume de Dieu est à eux !
Hélas ! Vous les riches, vous avez votre consolation !
Hélas ! Vous qui êtes repus maintenant vous aurez faim (et soif) ... "
Et dans le Magnificat de Marie, toujours selon Saint Luc, on entend :"Il comble de biens les affamés - renvoie les riches les mains vides"
Pour en revenir à l'évangile de ce jour, Jésus y reprend une de ces histoires en forme de conte
populaire familière au Proche Orient (un peu genre .conte des mille et une nuits). Dans un conte pour capter l'attention, les traits sont forcés, parfois jusqu'à la caricature), à gros coups de pinceau ou de fusain (un peu comme dans ces tableaux ou gravures du Miserere de Rouault).
Ainsi notre riche n'est pas seulement riche mais étale un luxe outrageant (ce qu'on n'aime pas, aujourd'hui comme hier): littéralement il est dit qu'il s'habille de Bissus, de lin fin, pour son vêtement de dessous et pour l'extérieur, d'une tunique pourpre, splendide ... et, il fait CHAQUE JOUR la fête! "Chaque jour" ... c'est quand même excessif ... et dangereux pour sa santé!
En contraste, pour le pauvre, qui seul est nommé, connu de Dieu (Lazare : El-Azar : Dieu aide!) c'est le comble de la misère: petite digression sur le coup de pinceau final :" C'était plutôt les chiens qui venaient lécher ses plaies ». S'agit-il de gentils toutous compatissants ... précurseurs des anges qui le conduiront au paradis? Vu que dans la Bible, à l'exception du chien de Tobie, les chiens n'ont pas bonne presse ... il s'agirait plutôt de ces « clebs » (en hébreu ! keleb ... ou en arabe dialectal) de ces chiens errants dans les ruelles du Proche Orient, familiers des poubelles et du reste. Donc, le comble de la misère…
Laissons les chiens ... pour revenir aux hommes! Notons que le pauvre Lazare voit la fête quand le portail est ouvert, puisqu'il voit tout ce qui tombe de la table du Riche. Celui-ci ne le voit pas, ou ne veut pas le voir, enfermé dans sa tour d'ivoire, comme les riches de Samarie dénoncés par le prophète Amos: « Rappelle-toi de Lazare » lui dira Abraham. Au séjour des morts, il lève enfin les yeux, mais c'est trop tard : il voit de loin celui qu'il n'avait pas vu ou pas voulu voir de près. La distance établie par lui sur la terre devient un grand abîme. Une fois de plus, on en revient au mot si important de RELATION! « Je crois à la résurrection de la relation »
Faire attention à la qualité évangélique de nos relations humaines sur la terre, c'est sûrement plus important que l'imagerie du conte populaire sur l'Au-delà ... que Jésus reprend simplement en restant dans les limites de son incarnation dans un temps et une culture donnée.
On peut d'ailleurs noter que cette imagerie ne correspond pas tout à fait à nos représentations enfantines du ciel et de l'enfer! Il s'agirait plutôt de salles d'attente avant le jugement et la résurrection collective. Pour Lazare, salle d'attente de Première classe, dans une sorte d'Eden, de jardin agréable aux eaux abondantes ... d'où la demande du riche: « que Lazare trempe donc son doigt dans cette eau fraîche et me rafraîchisse la langue ! » ... car lui, dans l'Hadès, sous terre est dans une salle d'attente beaucoup trop chauffée dont on ne peut pas ouvrir les fenêtres ...
Quoiqu'il en soit, ce qui importe, encore une fois, c'est la qualité évangélique de nos relations humaines ici-bas, en particulier avec ceux qui ont besoin de notre aide et de notre secours.
Pour ce faire il importe d'ECOUTER et de REGARDER.
Ecouter la Loi et les prophètes (les Ecritures du temps de Jésus) et, pour faire bonne mesure, le chrétien y ajoutera l’Evangile et le Nouveau Testament : écouter et obéir, y revenir souvent, s’en laisser imprégner, se tenir sous leur lumière aux chemins de notre vie ...
Mais écouter les Ecritures ne suffit pas; il faut aussi regarder la réalité autour de nous : voir juger, agir. Regarder la réalité des richesses dans le monde de ce temps (il y a quand même des medias valables pour informer l'opinion sur ce point). Bien sûr, nous n'avons pas de solution magique pour réformer l'économie mondialisée, mais on peut soutenir, encourager telle ou telle amélioration et entraide ...
Et autour de soi, voir, regarder toujours mieux qui a besoin de mon aide, attention, regard, écoute, entrée en relation ... que ce soit l'enfant, la personne âgée ou malade, le plus pauvre, ou tout simplement mes compagnons ou compagnes de vie.
"Faites-vous des amis avec l'argent trompeur, afin qu'au jour où il n'aura plus cours, ceux-ci vous accueillent dans les demeures éternelles" nous conseillera Saint Luc, dans un autre passage ...
Et, puissions-nous, avec beaucoup, entendre un jour le Christ Seigneur nous dire:" Venez
les bénis de mon Père ... venez prendre place avec Abraham et Lazare; car j'ai eu faim et
vous m'avez donné à manger, j'étais nu et vous m'avez vêtu ... " (2007-09-30)
Année C - 24° dimanche du Temps Ordinaire - 16/09/2007
Exode 32,7-14 ; 1 Timothée 1,12-17 ; Luc 15,1-32
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Les trois textes que nous venons d’entendre évoquent des situations de péché et de pardon. J’entends peut-être certains parmi vous murmurer : pourquoi l’Eglise met-elle toujours en avant le péché des hommes, ne vaudrait-il pas mieux ne parler que d’amour, de joie de liberté ? En fait, à bien lire les textes d’aujourd’hui nous sommes invités à lever ce malentendu.
Dans le livre de l’Exode, le péché, qui est péché du peuple tout entier, c’est avant tout l’idolâtrie : idolâtrie symbolisée par la confiance portée à un veau d’or, c’est-à-dire à un dieu fabriqué, facile, bien repérable, mais qui n’est qu’illusion et sans vraie puissance, si ce n’est une Toute Puissance Imaginaire. C’est le péché qui détourne Israël de son Alliance avec le Seigneur : péché d’oubli, de faiblesse, de paresse. Face à ce péché du peuple, la première réaction du Seigneur est de sanctionner et de détruire. Image d’un Dieu Juge, Coléreux, qui veut marquer sa Force et son Pouvoir absolu. C’est alors que Moïse, l’homme le plus humble que la terre portait en ce temps-là, Moïse, l’homme juste et droit, se lève, seul. Il a, lui, la connaissance d’un autre aspect de Dieu : un Dieu qui n’est que relation, désir d’alliance et de communication d’amour et de tendresse. Moïse va rappeler à Dieu, par une prière instante, qu’il ne peut se laisser aller à sa colère, que la mémoire de l’Alliance et de la Promesse faite aux Pères autrefois est plus forte que l’égarement et la défaillance passagère des enfants d’aujourd’hui. Admirable foi de Moïse qui fait revenir Dieu sur sa décision, et qui l’apaise. Dieu renouvelle son Alliance et sa confiance ; il pardonne, à cause du serviteur fidèle : il se révèle dans sa miséricorde, bien plus que dans sa Justice et sa Force, selon une première vue trop humaine.
Dans la seconde lecture, Saint Paul nous livre une confession très personnelle : «moi, le premier, je suis pécheur, mais si le Christ Jésus m’a pardonné, c’est pour que je soie le premier en qui toute sa générosité se manifesterait ».
Le péché avoué de Paul était avant tout un péché d’ignorance. Il n’avait pas la foi, il n’avait pas été saisi par l’amour du Christ. Au contraire, il n’avait que haine pour lui : il le blasphémait, le persécutait, l’insultait, lui et ses disciples. Mais la grâce du Seigneur a été plus forte que tout ce déferlement de passion et de violence aveugle, de fanatisme religieux. Car c’était au nom d’une interprétation pharisienne de la Loi, qu’il agissait ainsi. « Là où le péché avait abondé, dira-t-il dans une autre épître, là, la grâce a surabondé ». Et Paul ne peut, après coup, qu’avoir un cœur débordant de reconnaissance pour Celui qui lui a fait confiance, Jésus-Christ. Il lui a ouvert un avenir, en lui donnant une force nouvelle, et en le chargeant du ministère d’annonce de la Parole du Salut.
Avec l’Evangile, nous sommes en présence d’un autre type de récit : non plus historique, comme l’Exode, non plus existentiel, comme la confession de Paul, mais une série de paraboles, rapportées par Saint Luc, dans le style rabbinique du temps de Jésus.
La situation de péché, dans chacune de ces paraboles est figurée par une perte : perte d’une brebis, d’une pièce d’argent, ou plus grave, perte d’un fils, voire de deux fils. Et en regard, la grâce, la miséricorde nous est représentée comme des retrouvailles, invitant tout le monde à la fête, à la joie. Déjà les psaumes avaient bien conscience que le pécheur, l’impie, l’homme sûr de lui et auto-satisfait, ne peut que courir à sa perte, alors que le juste, le pauvre, l’humilié, trouve sa joie dans le Seigneur. Pour bien saisir la portée et la force de ces trois paraboles, il est important d’être attentif au contexte du récit : « les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux. Alors Jésus leur dit cette parabole : ».
Pour Saint Luc, Jésus, l’envoyé de Dieu, ne vient pas pour condamner, mais pour sauver, pour guérir les malades, pour ramener ceux qui s’égarent. Car la situation du pécheur est une situation de malheur, d’isolement et finalement de mort, de non-vie.
Que retenir de la lecture et de la méditation de ces trois textes, à propos du péché de l’homme, et de la grâce divine, sinon que tout se joue au niveau de la confiance ?
Israël n’avait pas fait confiance à Dieu et à sa Loi d’Alliance donnée au Sinaï, mais Moïse, le serviteur fidèle a su gagner la confiance et de Dieu, et du Peuple. Alors, la grâce a pu se frayer un chemin dans les cœurs, et le péché du veau d’or a pu être pardonné.
Paul, avant sa rencontre décisive avec le Christ, sur le chemin de Damas, n’avait pas confiance en cette nouvelle secte des chrétiens, et, en bon pharisien qu’il était, les persécutait sans état d’âme. Mais quand il a senti la confiance que le Seigneur lui faisait, quand il fut saisi par l’amour et la miséricorde de Celui qu’il persécutait, alors il fut retourné, et à son tour, il a mis sa confiance, sa foi, dans ce Jésus-Christ qu’il reconnaissait comme Sauveur du monde.
Enfin le fils cadet de la parabole, au fond de sa misère et dans l’examen de sa conscience, a gardé confiance en son Père, capable, se disait-il de l’accueillir à nouveau, ne fut-ce que comme un de ses ouvriers. Le fils aîné, en revanche, n’était pas dans ce registre de la confiance et de l’abandon. Et c’est bien là son plus grand malheur. Le Père de cette parabole, lui, fait confiance à ses deux enfants : il se tient toujours ouvert à la miséricorde et au pardon, et l’on peut espérer que le fils aîné, lui aussi sera un jour touché par cet amour paternel, puisque le texte reste ouvert dans sa finale.
A chacun de nous, aujourd’hui, il nous est demandé de passer de la méfiance à la confiance, de l’ignorance et de l’oubli, qui sont des composants du péché, à la connaissance et à la vie dans la grâce. C’est cela, la vie chrétienne au quotidien, et nous savons que cela n’est jamais facile, que le combat n’est jamais définitivement gagné. Bien des peurs, bien des défaillances et des obstacles sont au rendez-vous de nos projets et de nos relations humaines. Pourtant une joie nous habite : la joie de l’espérance et de l’expérience de la fête ; fête dans le ciel, chez les anges de Dieu, et fête sur terre aussi, par anticipation, car le Royaume est déjà là, tout près de nous.
Célébrons donc cette eucharistie aujourd’hui comme une fête à laquelle Dieu, à l’image du Père de la Parabole, nous invite tous, que nous soyons ses cadets ou ses aînés. A défaut de chevreuil, allons chercher le pain et le vin, offrons la grande prière d’action de grâce du Christ à son Père, puis mangeons, buvons et festoyons, car : «Si le Christ est mort, à cause de notre péché, Il a été rendu à la vie, par la Puissance de la Résurrection ».
AMEN (2007-09-16)
Année C - Messe du Jour de Pâques - 8 avril 2007
Ac 10 34-43; Col 3 1-4; Jn 20 1-9
Homélie du F.Sébastien
Notre Père du ciel sait parfaitement de quoi nous avons besoin, de quelle résurrection, petite ou grande.
Mais qui va nous aider à ouvrir notre cœur ? Je pense à une femme, un bel exemple de ce que la grâce pascale peut faire en quiconque joue le jeu. Regardons Marie de Magdala, telle qu’elle vient de sortir de l’évangile, pour nous accompagner.
« Elle arrive au tombeau, avant l’aube, alors qu’il fait encore sombre ». Elle est encore plongée dans l’obscurité d’une foi en déroute, une foi qui ne va s’éclairer que peu à peu, au cours de la journée.
Marie de Magdala, c’est l’amoureuse inconsolable. L’avant-veille, elle a vu mourir sous ses yeux, supplicié, sur une horrible croix, celui qui était devenu tout pour elle. Celui qui, un jour, l’avait surprise au coin de son trottoir. Celui qui en avait tiré sept démons, une plénitude ! L’esclavage qui la tenait enchaînée. Peu à peu, il en avait fait une femme de plus en plus libre, de plus en plus possédée par l’amour de son bien-aimé Sauveur. Mêlée avec d’autres femmes au groupe des Douze, elle l’avait suivi partout. J’aime l’imaginer, après la résurrection de Lazare, observant longuement la tombe restée ouverte, la pierre enlevée, les bandelettes abandonnées dehors après qu’on eut délié le mort ressorti vivant.... Sa mémoire était en train de devenir ce que sont devenues pour nous les Écritures : un passé qui parle d’avenir.
Au pied de la croix elle était là, bien sûr, intensément présente, dans le partage d’amour où tout est consommé : « Jésus, tout ce qui est à toi est à moi ». Le filet d’eau qui coule du cœur ouvert la baptise doucement, comme nous-mêmes chaque fois que nous recevons la vie d’en haut en recevant le pardon qui recrée. Le sang versé lui donne la communion. Tout comme à nous. Tout semble accompli, achevé. En un sens c’est vrai.
Mais pratiquement, tout reste à faire. Pour renaître, il faut d’abord vraiment mourir, à travers le dur travail du deuil. La femme doit accepter non seulement le fait brutal que son bien-aimé est bel et bien mort, mais aussi l’inacceptable de la séparation. Marie de Magdala quitte donc le tombeau refermé, mais son cœur y reste uni à celui dont le souvenir l’habite plus que jamais. Tous deux ne font qu’un, c’est le mystère de l’amour vrai. Le mystère d’une nouvelle forme de présence que seule l’absence peut provoquer...
Alors, Marie de Magdala que représente-t-elle ? Je pense qu’elle représente cette part qui, en chacun de nous, a commencé d’être délivrée de ses démons, la part qui a été pardonnée, baptisée, qui a connu l’amour du Christ, qui a déjà vécu bien des liturgies... La part qui en nous se reconnaît dans cette femme fragile et forte, lancée sur son chemin de foi. Après une nuit sans sommeil, la gorge nouée, comme une automate aimantée, elle se retrouve sur le chemin qui mène à la tombe...
Ce qui la ramène au tombeau avant l’aube, « alors qu’il fait encore sombre », c’est son amour inapaisé. « Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau ». Et que se passe-t-il ? Son instinct bondit dans sa poitrine. Elle ne réalise certainement pas ce qu’elle dit aux deux disciples : « On a enlevé le Seigneur du tombeau ». Il faut entendre : Elle ne dit pas : « le cadavre, le mort », mais : « Le Seigneur ». « On a enlevé »… Cette nuit, dans la nuit, la pierre a été « enlevée », le Seigneur a été « enlevé », comme en un seul et même enlèvement, un enlèvement derrière lequel on devine la même main ! Mais pour le mettre où ? Marie le dit : « Nous ne savons pas où on l’a mis… » Où est-il ? Par qui a-t-il été enlevé ? Ces deux grandes questions vont remplir la journée !
Mais revenons à Marie. Lors de son arrivée matinale au tombeau, qu’avait-elle vu ? Rien, rien d’autre que « la pierre enlevée », c'est dire qu’à la place de la pierre elle ne voyait qu’un trou, un vide, autrement dit rien, rien qu’une une bouche béante qui lui parlait, sans mots, d’une disparition : une disparition qui appelait une recherche.
Elle court chercher de l’aide, avertir Simon-Pierre et l’autre Disciple. Tous trois s’élancent. Le Disciple bien-aimé, arrive le premier au tombeau, avant Simon-Pierre, mais en fait le second, après la femme arrivée la première, aux aurores. « Il voit les bandelettes restées là », mais ne s’y intéresse pas spécialement, insignifiantes.
Simon-Pierre entre ensuite. Comme un policier qui mène soigneusement son enquête, il scrute tous les détails du lieu et des linges restés là : son enquête va peut-être expliquer l’énigme de la disparition du cadavre. Mais un tel regard tout terrestre, une recherche seulement humaine se trompe d’objectif : elle ne peut atteindre ce qui relève de la foi pure, ce qui appartient au mystère qui est sur le point de se dévoiler.
Pierre doit donc faire place au Disciple bien-aimé qui entre à son tour. Exactement comme la Magdaléenne aux aurores, il ne voit rien, que le vide du tombeau, la disparition, l’absence, l’espace ouvert sur l’invisible... Et c’est là que jaillit soudain, venu d’en haut, l’éclair qui illumine sa foi : « Il vit et il crut ». Il adhère par pure grâce à ce qu’aucun homme jusqu’ici n’avait pu découvrir dans les Écritures, à savoir que « Jésus devait ressusciter d’entre les morts ». Il est ressuscité ! Il est ressuscité !
Mais les deux grandes questions du jour demeurent. Où est-il ? Par qui a-t-il été enlevé ?
La plénitude de la révélation n’a été donnée ni à Simon-Pierre ni au Disciple bien-aimé. Elle est donnée par après, dans le jardin, par le Maître lui-même apparaissant en personne à Marie, à Marie dont l’amour l’avait tant cherché, et à travers tant de larmes. Il est là, mais déjà autrement, sans s’arrêter. « Marie, ne me touche pas ! Je monte vers mon Père ».
« Je monte, Marie. Je m’en vais, ne pleure pas. Il t’est bon que je m’en aille. Je viendrai bientôt, ce soir même, pour répandre en ton cœur assoiffé le souffle de l’Amour divin, et ce sera pour toujours, toi en moi et moi en toi. Va, cours annoncer la nouvelle à mes frères ! Tu es leur sœur et tu vas devenir leur mère ! »
« Je monte vers mon Père » Des mots que Marie médite et méditera indéfiniment dans son cœur. Tout est dit. Il n’y a plus à demander quelle main a procédé à l’enlèvement, il faudrait dire à l’élévation commencée sur la croix et qui s’est terminée dans la gloire, à la droite du Père. Le Père, c’est lui qui a tout fait ! C’est lui qui nous attire à lui, en son Fils Bien aimé.
Toute la grâce pascale est là. Elle nous est offerte pour que nous devenions frères de Marie de Magdala, qui nous fait frères de Jésus, de Jésus qui nous fait fils du Père par le don de leur Esprit d’Amour qui veut nous diviniser.
Année C - Carême 3° Dimanche - 11-03-2007
Ex 3 :1-15 ; 1Cor 10 :1-6.10-12 ; Luc 13,1-9
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
L’intention qui a pu conduire les liturgistes au choix des lectures de ce dimanche de Carême semble bien avoir été celle d’inviter le peuple chrétien à méditer sur le thème de la conversion. Reprenons donc chacun de ces textes sous cet angle.
Au début du livre de l’Exode, après sa jeunesse en Egypte, à la cour de Pharaon, et après un premier échec avec ses frères de race, Moïse devient berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madian. Que sait-il de Dieu alors, sinon qu’il est le Dieu de son peuple Israël, Dieu des patriarches Abraham, Isaac et Jacob ? Un Dieu un peu lointain et distant dans l’espace et dans l’histoire, plus ou moins à l’image des autres dieux environnants.
La Révélation de ce Dieu à l’Horeb, un jour ordinaire de pâturage va marquer une étape capitale dans la Vie de Moïse. Sa représentation du Dieu auquel il croit depuis son enfance va être radicalement transformée : il est appelé à une totale conversion. Dieu a pris l’initiative de venir à lui, de se manifester dans cette rencontre où Il révèle son Nom et où il dit quel est son projet envers lui, Moïse et envers le peuple auquel il l’envoie. Dieu n’est plus un dieu distant et indifférent à la souffrance des fils d’Israël. Au contraire il se fait proche, il va accompagner leur chemin de libération d’une terre d’esclavage vers une terre où ruissellent le lait et le miel. Dieu d’une Promesse, Dieu de fidélité et de tendresse, et non pas Dieu terrible que l’on doit redouter. Il est Celui qui est et qui sera toujours avec.
Si nous écoutons ce texte de l’exode aujourd’hui, c’est bien parce que cette révélation faite à Moïse nous concerne tout aussi bien et qu’elle nous invite à la même conversion de notre représentation de Dieu. En ces jours de Carême prenons le temps de nous interroger : qui est Dieu pour moi ? Est-il proche ou non de moi ?
Dans la seconde lecture, Saint Paul invite les chrétiens turbulents de Corinthe à se tourner vers le Christ. Le Christ en effet est ce Rocher préfiguré dans le livre de l’Exode, d’où l’eau rafraîchissante et pure a jailli quant Moïse l’a frappé de son bâton. Et comme les hébreux dans le désert qui alors avaient mangé la même nourriture et bu à la même source, les chrétiens de Corinthe doivent cesser de récriminer contre Dieu, cesser de désirer le mal, comme certains de leurs pères l’avaient fait, et ils avaient péri.
Cette histoire ancienne du peuple au désert doit servir d’exemple pour tous les baptisés qui voient arriver la fin des temps. Elle nous concerne nous aussi, chrétiens du XXI° siècle, dans nos efforts de conversion et de renonciation aux forces du mal qui nous détournent de Dieu. La situation de l’église de Corinthe et les troubles qui l’agitaient au temps de Paul est-elle si différente de l’église de notre temps, affrontée elle aussi à de multiples questions d’ordre moral ? La parole de Paul dans ces deux épitres aux Corinthiens est toujours d’actualité et il nous est bon de la ré-entendre en ce temps de Carême.
Enfin dans l’Evangile aussi, Jésus reprend ses contemporains et les appelle à la conversion, quand on lui rapporte deux faits divers : le massacre de galiléens par Pilate et la mort accidentelle de 18 personnes écrasées par la chute de la tour de Siloé à Jérusalem. Jésus semble dire qu’il n’y a pas de lien direct entre ces malheurs et le péché de ceux qui en ont été victimes. Car tous, nous sommes pécheurs, tous nous avons à nous convertir.
Et la petite parabole du figuier dans la vigne en fournit une application pour le propriétaire. Lui aussi est appelé à convertir sa manière de voir, de juger la situation de sa plantation. Pour un rendement plus grand et plus immédiat, il veut couper un arbre qui est trop lent à porter du fruit et qui risque de nuire à la fertilité du sol. Mais son vigneron a davantage que lui le sens du temps. Il exhorte son maître à la patience, à la confiance en l’avenir. Il espère un sursis, une nouvelle chance pour cet arbre apparemment stérile.
A travers la parabole, c’est l’image d’un Dieu patient, lent à la colère et plein d’amour qui est figurée ici. Et il est remarquable de voir combien un serviteur, un inférieur peut toucher son maître en l’appelant à réviser sa manière de voir les choses, en l’invitant à convertir son impatience et sa dureté en patience et en douceur, à l’égard d’un être handicapé, inutile et sans fruit à ses yeux.
Bien sûr, ce texte s’adresse à nous aussi, frères et sœurs, car nous sommes si souvent tentés de juger notre prochain lorsqu’il ne marche pas à notre rythme ou qu’il ne partage pas notre manière de voir. Aurons-nous la charité et la patience de laisser du temps au temps ? Le Carême est bien l’occasion favorable de nous re-positionner, de nous re-situer face à Dieu, face aux autres et face à nous-mêmes.
Et en conclusion, je laisserai la parole à l’apôtre Saint Pierre qui nous dit dans sa seconde épitre : « Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa Promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Mais il fait preuve de patience envers nous, en voulant pas que quelques uns périssent mais que tous parviennent à la conversion. » (2Pi 3,9)
AMEN
(2007-03-11)