vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 14 juin 2009 — Saint Sacrement - Fête Dieu — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année B - Corps et Sang du Christ - 14 juin 2009

Ex 24 3-8; Heb 9 11-15; Mc 14 12-16,22-26

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

Lorsque nous célébrons une fête du Christ, nous commémorons habituellement un événement historique de la vie de Jésus : il en est ainsi à Noël, à Pâques, à l’Ascension… Aujourd’hui, la célébration de la fête du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ ne se situe pas dans le même registre. C’est le Jeudi Saint que nous commémorons l’institution de l’Eucharistie. La fête d’aujourd’hui évoque davantage notre conviction chrétienne en la présence réelle du Christ Vivant dans le Pain de Vie et le vin de la coupe de communion. Elle nous rappelle que, par l’action de l’Esprit Saint et par les paroles prononcées par le prêtre, au nom du Christ et de l’Eglise, sur le pain et sur le vin, nous sommes vraiment en présence du Corps et du Sang du Christ ressuscité et glorieux. Les paroles que Jésus a prononcées au soir de la Cène et que nous rapporte l’évangile de Marc lu en ce jour sont des paroles fortes : « Ceci est mon corps », « ceci est mon sang ». Lorsqu’elles sont redites par le célébrant au cours de la messe, dans l’obéissance à l’ordre du Seigneur : « Faites cela en mémoire de moi », c’est-à-dire « refaites-le comme moi je l’ai fait », ce n’est pas une simple évocation symbolique de la venue du Christ Jésus ou de sa présence, mais c’est la réalité sacramentelle de son Corps livré et de son Sang versé, sous les espèces du pain et du vin consacrés.

Depuis le XIIIème siècle, cette fête du Saint Sacrement, appelée couramment « Fête Dieu », a véhiculé la dévotion et la foi de nombreuses générations de chrétiens. Une fête avec ses processions et manifestations publiques a aidé un peuple immense à faire mémoire. Elle nous oriente vers ce qui fait le cœur de l’Eglise et que le Concile Vatican II a qualifié de « source et de sommet de toute la vie chrétienne ». L’Eucharistie perpétue ainsi la présence du Christ au milieu de son peuple, et elle réalise la promesse que Jésus avait faite à ses apôtres : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ».

La célébration eucharistique ne fait donc pas qu’évoquer un souvenir, un événement du passé, mais elle actualise, elle rend présent le geste même du Christ qui, le soir du Jeudi Saint, anticipe le sacrifice de sa vie remise à son Père pour le salut de tous les hommes : « Poussé par l’Esprit éternel, nous dit la seconde lecture, dans l’épitre aux hébreux, Jésus s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tâche… » Et le pape Jean-Paul II dans une de ses dernières encycliques écrivait : « Quand l’Eglise célèbre l’Eucharistie, mémorial de la mort et de la résurrection de son Seigneur, cet événement central du salut est rendu réellement présent… Ce sacrifice est tellement décisif pour le salut du genre humain que Jésus-Christ ne l’a accompli et n’est retourné vers le Père, qu’après nous avoir laissé le moyen d’y participer comme si nous avions été présents ».

L’Eucharistie n’est donc pas un simple repas de convivialité fraternelle comme le serait un repas entre amis. Elle est l’offrande du sacrifice du Christ rendu présent et elle est participation à ce sacrifice.

En ce jour de fête, nous sommes alors appelés à remercier Dieu pour le don de ce sacrement que Jésus nous a fait à la veille de sa mort. Animés d’une profonde reconnaissance, nous sommes invités à contempler le Christ présent dans ces signes du mystère de la foi. Nous sommes invités à « savourer » ce que nous vivons dans chaque célébration eucharistique. Car elle est le « don par excellence » de la personne même du Christ en son humanité et en son œuvre de salut. Nous sommes conviés à adorer le Christ vivant, déjà venu et encore à venir, et toujours présent dans son Corps qui est l’Eglise, comme l’affirme si fortement Saint Paul dans ses lettres.

Commentant la profession de foi que nous sommes invités à exprimer chaque fois que nous approchons pour recevoir l’eucharistie, Saint Augustin écrivait ceci : « C’est votre propre mystère que vous recevez. C’est à l’affirmation de ce que vous êtes que vous répondez ‘AMEN’. Et votre réponse est comme une signature. Soyez donc les membres du Corps du Christ afin que soit vrai votre AMEN… Soyez ce que voyez et recevez ce que vous êtes ».

L’Eucharistie n’est donc pas une communion en solitaire, individualiste, entre Dieu, Lui, et moi. Elle est essentiellement partage, c’est pourquoi de même que « l’Eglise fait l’eucharistie », « l’eucharistie édifie l’Eglise ». Les deux affirmations sont interchangeables. Nourris du Corps du Christ, nous renforçons la communion entre les membres de notre communauté et de toute l’Eglise pour ne faire qu’un, ainsi que le dit encore Saint Paul : « Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul et même pain ».

Communiant à un tel don, à un tel signe d’amour, frères et sœurs, dans la mesure où nous restons ouverts et disponibles à la grâce qui nous est offerte, ne demeurons pas insensibles, et soyons nous aussi entraînés, à la suite de Jésus, à faire don de nous-mêmes, à devenir nous aussi, comme les premiers disciples, témoins du Christ Ressuscité en tous les lieux de notre vie. Nous pouvons y apporter l’amour même du Christ, attentifs à devenir des artisans de paix, à nous montrer solidaires particulièrement des plus démunis, à collaborer à l’édification d’un monde plus juste, plus humain, plus en harmonie avec le projet de notre Dieu.

C’est dans l’Eucharistie que nous puisons nos forces : elle est Source de Vie. Négliger de s’y approcher, négliger de la célébrer, négliger d’y participer, c’est prendre le risque de laisser notre foi s’affadir, c’est prendre le risque de nous éloigner peu à peu de Dieu qui nous deviendra alors un étranger.

En cette fête du Corps et du Sang du Christ, redécouvrons et reconnaissons en ces signes du pain et du vin consacrés, l’amour infini du Christ qui ne cesse de se donner afin que nous vivions.

AMEN (2009-06-14)

Homélie du 07 juin 2009 — Sainte Trinité — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année B - Dimanche de la Trinité - 3 juin 2012

Dt 4 32-34,39-40; Rom 8 14-17; Mt 28 16-20

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs

Les lignes d’évangile que nous venons d’entendre sont les dernières du texte de Saint Matthieu :

« Allez, dit Jésus aux onze apôtres : de toutes les nations, faites des disciples, baptisez-les au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ! Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »

L’Evangile selon Saint Matthieu, si l’on met à part les 2 premiers chapitres relatifs à la naissance et à l’enfance de Jésus, commence avec une scène de baptême dans les eaux du Jourdain, avec le dernier des prophètes : Jean-le-Baptiste. Le baptême de Jésus par Jean est le moment de la première et claire manifestation du Dieu Père, Fils et Esprit. L’Esprit descend sur Jésus sous la forme d’une colombe et la voix du Père, venant des cieux atteste : Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute ma complaisance.

On peut ainsi établir dans cet évangile de Matthieu une inclusion significative de la mention de la Trinité, manifesté à l’occasion du baptême reçu au Nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Cette formulation a été retenue par la tradition de l’Eglise dans la célébration du sacrement et dans sa liturgie. Il n’en avait pas été toujours ainsi. Les toutes premières générations chrétiennes pratiquaient le baptême au Nom de Jésus seul (ainsi faisait Saint Paul dans les Actes) ou le baptême dans l’Esprit et le feu.

Baptiser au Nom du Père , du Fils et du Saint Esprit, c’est faire entrer le nouveau disciple dans un mystère de relations, qui unit dans l’amour trois réalités divines, comme l’énoncera plus tard le dogme de l’Eglise à propos de ce mystère de la Trinité : unité de nature en Dieu et distinction de personnes.

Car, ce que nous apprend la Révélation Chrétienne, c’est qu’il ne suffit pas d’être deux pour bien aimer, pour aimer en vérité. Le risque d’un amour à 2 personnes seulement, c’est la fusion, une certaine fermeture ou repliement sur soi, voire un étouffement, alors que l’Esprit, en tant que 3ème personne apporte un souffle, une respiration. Il entretient la communication, la vie, la circulation et l’ouverture de l’amour aux autres. Oui, Dieu est Amour, communion d’amour entre trois personnes : Qui demeure dans l’amour, demeure en Dieu et Dieu demeure en lui, dira Saint Jean.

C’est bien ce mystère de relations en Dieu, en trois personnes qui distingue le christianisme de toutes les autres religions ou recherches de sagesse. Il est la marque de son identité propre. Et confesser la foi en la Trinité, comme nous sommes invités à le faire chaque année durant la Vigile Pascale, avec le renouvellement de l’engagement de notre baptême, et comme nous le faisons chaque dimanche, en récitant ou en chantant le Credo de l’Eglise, c’est s’ouvrir et entrer dans ce mystère de relations divines, que le Christ est venu nous révéler et nous partager, pour que nous en vivions avec lui et en Lui.

Un auteur contemporain, engagé dans le dialogue inter-religieux, surtout avec le bouddhisme, Dennis Gira, a pu écrire que l’expérience fondamentale de tout homme est celle de ses relations, de ses relations interpersonnelles. Or la foi chrétienne, dit-il, met en valeur de manière exceptionnelle cette dimension relationnelle de l’existence de tout être humain, en y voyant sa source et sa fin en Dieu lui-même, Etre de relations par excellence.

Dennis Gira, dans son dialogue avec ses amis bouddhistes explique alors les raisons de son choix dans son livre : « le Lotus ou la Croix ». Il s’engage résolument dans sa relation avec le Dieu Trinité révélé en Jésus-Christ. Nous ne pouvons que le suivre et adhérer à ses convictions.

Frères et sœurs, la fête de la Trinité que nous célébrons ce matin, n’est pas d’abord une fête réservée à des théologiens, habiles en spéculations intellectuelles. C’est la fête de tout baptisé au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. C’est notre fête à tous, au lendemain de la Pentecôte, où nous avons reçu l’Esprit qui envoie en mission chacun de nous. Et nous avons l’assurance joyeuse que Jésus est avec nous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde.

AMEN

(2012-06-03)

Homélie du 08 mars 2009 — 2e dim. du Carême — Frère Sébastien
Cycle : Année B
Info :

Année B - 2° Dimanche de Carême - 8 mars 2009

Gen 22 1-18; Rom 8 31-34; Mc 9 2-10

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Ce matin même je suis tombé sur un poème de Guillevic et je ne résiste pas au plaisir de vous le lire, comme une introduction à l’évangile de la Transfiguration.

La beauté doit venir

D’un autre monde

Qui s’avance

Jusqu’au nôtre

Et parfois même

L’enveloppe.

Regarde

Cette chapelle romane,

Les prés alentour,

Le ciel qui s’incline,

Regarde et maintenant

Ose dire où nous sommes.

Aujourd’hui, on aurait envie de n’être plus qu’accueil de « la beauté venue d’un autre monde », de se laisser « envelopper » par elle, de voir « le ciel qui s’incline », de rester là, « sans oser dire où nous sommes » !...

Ne rien faire d’autre qu’écouter, comme jamais. Quoi ? La parole la plus riche de toute la Bible, celle qui nous offre tout ce que nous avons tous le plus besoin d’entendre, une parole de père, la Parole de Dieu le Père qui nous désigne et nous présente Jésus :

« Celui-ci est mon Fils Bien-Aimé, écoutez-le !».

Je vous le donne !

« Et comment avec lui ne nous donnerait-il pas tout ? »

Il n’y a plus qu’à recevoir, à se faire tout écoute, comme disait Élisabeth de la Trinité. En ce moment, elle est avec nous, pour nous entraîner à sa suite dans « les profondeurs de ce mystère ».

Comme Jésus entraîne ses disciples sur la montagne ; il faut tout quitter pour le suivre, monter jusqu’au sommet, là où la terre et le ciel se rejoignent,

le ciel dans lequel apparaissent Moïse et Élie,

la terre qui est sous nos pieds, la nôtre, celle où Jésus s’est incarné.

Et là, aux confins des deux mondes, Jésus apparaît transfiguré : « Ses vêtements deviennent étincelants, d’une blancheur extrême, tels que foulon sur terre ne peut ainsi blanchir ». N’est-on pas au ciel ?

Il faut fermer les yeux pour voir ce qui ne se voit pas.

Faire silence pour entendre ce qui ne s’entend pas avec des oreilles pleines des bruits de ce monde, ouvrir les oreilles intérieures pour entendre la voix du Père qui nous murmure à l’oreille son secret : « Celui-ci est mon Fils ». Ce Jésus que vous suivez, votre maître, c’est mon Fils, mon unique.

Cette parole du Père devrait littéralement nous priver de parole. Mais la Bible nous fait un devoir de la faire tellement nôtre que nous puissions rejoindre le Père, et surtout ce qu’il vit.

Une parole chargée de fierté, d’admiration, de chaleur, d’interrogation aussi : « Mon Fils, mon unique, que je risque, comment va-t-il vivre sa mission ? » Comment ? Il suffit d’être père – ou mère – pour entrevoir le poids d’une telle interrogation,… sans pouvoir aller plus loin : Dieu seul sait ce que Dieu vit en lui-même! Et pourtant…

En cette circonstance, comment ne penserait-il pas à la fin de l’aventure ? Non plus sur la haute montagne, mais sur la petite colline de Sion, la petite butte du Calvaire, sous un ciel vide ?

Comment le Père n’entendrait-il pas déjà le cri de son Fils appelant son Dieu : « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Pourquoi ?

Le Père sait déjà qu’il ne répondra pas à Jésus de Nazareth. C’est dans les Écritures que son Fils devra lire sa volonté de Père et de Dieu, et la faire sienne, pour parvenir à faire, à deux, leur propre et unique volonté. C’est le mystère de l’obéissance, quand elle est une œuvre d’amour.

De son côté, le Père, lui aussi, relit les Écritures sans sauter une seule page. Comment, en son cœur de Père, ne serait-il pas remué aux entrailles au souvenir de ce que lui-même a vécu à travers le drame de son enfant Abraham ? Abraham qu’il venait de faire père d’un fils, que maintenant il lui fallait sacrifier, par obéissance à son Dieu et Père, et donc en profonde communion avec lui.

Deux pères plongés dans le même drame de leur “paternité maternité” ouverte par le couteau, en vue de la nouvelle naissance d’un fils qui serait l’avenir de tout un peuple de fils de Dieu. C’est dur d’être père !

D’écho en écho, comment ce Père céleste oublierait-il le cri de douleur de David sanglotant en apprenant que son fils Absalom, resté accroché dans un arbre, comme crucifié, vient d’être mis à mort le cœur transpercé de trois javelots : « Mon fils Absalom! mon fils, mon fils Absalom ! Que ne suis-je mort à ta place !» (2 Samuel chap. 19)

C’est le réflexe de l’amour paternel. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime », et d’abord pour son fils.

Mais il y a amour plus grand encore. C’est, pour un père, de donner ce qu’il a de plus cher que lui-même : son propre fils, de le livrer pour ceux qu’il aime, afin d’en faire l’aîné d’une multitude de frères.

Deux dons en un seul, le Père et le Fils en totale communion dans l’amour, sous la nuée.

C’est fini. Tout s’efface. Seule demeure une parole, pour chacun de nous, pour chacune.

« Celui-ci est mon Fils ! Écoutez-le ! » Prenez-le !

« Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus personne, sinon Jésus, seul avec eux ».

Restons là, restons avec eux, écoutons, de cette écoute qui est la plus aimante des réponses.

Homélie du 15 février 2009 — 6e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année B - 6° Dimanche du Temps Ordinaire - 12 février 2012

Lev 13 1-46; 1 Co 10 31- 11 1; Mc 1 40-45

Homélie du F.Guillaume

Texte :

« Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main et le toucha… »

Frères et sœurs, vous n’êtes pas sans ignorer le succès considérable du film « Intouchables» ces dernières semaines. Il est en passe de battre tous les records d’entrées en salle de cinéma, en France et aussi à l’étranger : histoire de la rencontre de 2 hommes, l’un riche handicapé d’un beau quartier de Paris, l’autre, jeune de banlieue, immigré plus ou moins délinquant : 2 figures d’exclus, d’intouchables, handicap physique, handicap social, 2 aspects de lèpres de notre société moderne, pourrait-on dire. C’est sur cette réalité du toucher, de l’intouchable que j’aimerais m’arrêter avec vous ce matin, à partir de l’évangile bien sûr mais aussi de notre expérience humaine, corporelle et spirituelle. Qu’en est-il de ce sens du toucher pour nous ?

En touchant un malade, et qui plus est, un lépreux, Jésus pose un geste fort, de transgression, car dans la mentalité biblique, telle qu’elle nous est rapportée par le Livre du Lévitique en 1ère lecture, un tel malade est un être impur, nécessairement un pécheur, et, en le touchant, on est contaminé, on devient soi-même impur, on risque l’exclusion de groupe, et c’est d’ailleurs bien ce qui nous est dit à la fin de notre passage : il n’était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville, il était obligé d’éviter les lieux habités.

L’évangile de Marc que nous écoutons tous les dimanches cette année, insiste particulièrement sur ces gestes de toucher, de contact physique, que Jésus pose sur différentes personnes ou que d’autres personnes posent sur lui. Déjà, dimanche dernier, nous avions le récit de la guérison de la belle-mère de Pierre, atteinte d’une grosse fièvre. Jésus lui prend la main (la touche donc), la guérit et aussitôt la fièvre quitte la femme qui se lève (le verbe évoque la résurrection) et elle peut reprendre son service.

Un peu plus loin, nous avons le récit étrange de cette femme, souffrant de pertes de sang depuis 12 ans et qui cherche, dans la foule, à s’approcher de Jésus pour toucher ne serait-ce que son vêtement, sûre, que par ce toucher elle pourra être guérie. Et Jésus, se retournant, surpris dit : « qui a touché mes vêtements ? » car il a senti une force sortie de lui par ce contact avec cette femme.

A d’autres endroits, on amène des enfants à Jésus pour qu’il les touche, au grand déplaisir des disciples qui cherchent à les écarter. Mais Jésus prend les enfants dans ses bras, il les bénit, leur impose ses mains, les embrasse. O scandale, oui, aujourd’hui, Jésus serait bien évidemment soupçonné de pédophilie !

Tous ces touchers de Jésus pour guérir, pour bénir, pour communiquer la vie sont des gestes essentiels de son activité apostolique. Il a été envoyé dans le monde pour guérir et sauver tous les hommes. En ce sens, le toucher du Christ a une signification théologique de première importance dans le mystère de l’incarnation. Dieu, en prenant chair peut venir toucher la chair de l’homme. Le Verbe divin ne vient pas seulement parler aux hommes et les entendre, ne vient pas seulement se faire voir d’eux et les voir, respirer et se laisser respirer comme la bonne odeur du Christ, manger, goûter et se laisser manger et boire. Le Christ vient aussi et d’abord toucher et se laisser toucher, au double sens, propre et figuré. Le début de la première épitre de Saint Jean le dira ainsi : « ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos propres yeux, ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie, car la Vie s’est manifestée… cela, nous vous l’annonçons afin que vous soyez en communion avec nous et afin que notre joie soit complète ».

Toucher, se laisser toucher, au sens propre et au sens figuré aussi.

Et c’est le second verbe de la citation de notre évangile qui est ici important : « pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main et le toucha » . Pris de pitié : le verbe grec est en réalité plus fort : Jésus fut remué au plus profond de lui-même, jusqu’aux entrailles, comme les entrailles d’une mère. On retrouve ce verbe à d’autres endroits-clé de l’évangile de Marc, pour exprimer la compassion et la miséricorde de Dieu face à la misère humaine. Quand Jésus voit une foule rassemblée devant lui, comme un troupeau sans pasteur, ou qui n’a pas mangé depuis 3 jours. Dans l’évangile de Luc, dans les paraboles du bon samaritain et de l’enfant prodigue, on retrouve ce verbe. A chaque fois, il nous est suggéré que Dieu, l’intouchable par excellence se laisse toucher, saisir jusqu’au plus profond de lui-même. Jésus-Christ, et son Père dont il est venu révéler l’amour ne sont pas impassibles, insensibles, invulnérables, devant la détresse humaine.

Ce que nous pouvons lire dans ces textes de l’Ecriture (on pourrait les multiplier), à propos du toucher et de l’intouchable, beaucoup de chrétiens, mais aussi de non-chrétiens ont cherché à le faire passer dans leur vie, et ils nous invitent à faire de même.

Je ne mentionnerai pour terminer que 2 témoins de l’Eglise qui ont été en particulière consonance avec cet évangile d’aujourd’hui. Saint François d’Assise, le fils d’un riche marchand de son temps, promis à une belle carrière et qui fut saisi jusqu’aux entrailles par la détresse des pauvres de son entourage, allant lui aussi au devant d’un lépreux pour l’embrasser au risque de la contamination.

Et plus proche de nous encore, la Bienheureuse Mère Térésa de Calcutta, qui a vécu la plus grande partie de sa vie en Inde, un pays de castes, séparées de toute une partie de la société, la plus pauvre, dénommée «les intouchables » (les dalits). Mère Térésa s’est approchée des plus démunis, des mourants des trottoirs des grandes villes. Et elle écrivait à ses sœurs en avril 1974, ces lignes que je trouve particulièrement fortes :

« les exclus, ceux qui sont rejetés, ceux qui ne sont pas aimés, les prisonniers, les alcooliques, les mourants, ceux qui sont seuls et abandonnés, les marginalisés, les intouchables et les lépreux…, ceux qui sont dans le doute et la confusion, ceux qui n’ont pas été touchés par la lumière du Christ, les affamés de la parole et de la paix de Dieu, les âmes tristes et affligées…, ceux qui sont un fardeau pour la société, qui ont perdu toute espérance et foi dans la vie, qui ont oublié comment sourire et qui ne savent plus ce que c’est que de recevoir un peu de chaleur humaine, un geste d’amour et d’amitié… tous, ils se tournent vers nous pour recevoir un réconfort. Si nous leur tournons le dos, nous tournons le dos au Christ.

AMEN (2012-02-12)

Homélie du 04 janvier 2009 — Epiphanie du Seigneur — Père Abbé Luc
Cycle : Année B
Info :

Année ABC - Epiphanie du Seigneur 2009

Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2009

Frères et sœurs,

Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue, ta lumière ! N’est-ce pas cette exhortation vigoureuse que les mages lancent malgré eux à Jérusalem, quand ils viennent s’informer sur le lieu de naissance du Roi des Juifs ? En effet, ces hommes étrangers à la foi d’Israël, viennent sortir Jérusalem de sa torpeur. Ils la bousculent, ils la « prennent de court », comme nous aimons chanter dans une hymne. Hérode et ses courtisans ont oublié cette Bonne Nouvelle annoncée jadis par le prophète Isaïe : « Debout resplendis, elle est venue ta lumière et la Gloire du Seigneur s’est levée sur toi! ». Du coup, ils prennent la mauvaise attitude : ils ont peur. Au lieu de se réjouir, de cette naissance du Messie tant attendue, ils paniquent. Ils connaissent les Ecritures, mais de façon partielle. Ils savent où le Messie doit naître, mais ils n’ont pas compris toute la largeur et la profondeur de son mystère. Ils ont retenu ce qu’il est possible de maitriser, et non ce qui pourrait les déplacer…

Debout Jérusalem ! Resplendis : elle est venue, ta lumière ! N’est-ce pas aussi à cette Bonne Nouvelle que nous renvoient bon nombre de nos contemporains quand ils viennent nous poser des questions sur la vie et son sens, sur notre foi, sur le Christ auquel nous croyons. Par leur recherche tâtonnante, voire provocante parfois, ils nous disent à leur insu : « Debout ! Parlez-nous de cette lumière à laquelle vous croyez, c’est d’elle dont nous avons besoin »…A leur insu, ils nous engagent à mieux connaitre le Christ et son mystère, pour pouvoir mieux en partager la connaissance. Allons-nous être comme Hérode, trop courts dans nos réponses, trop étroits dans notre vision au risque de limiter l’accès de la rencontre de Celui qui est la Vraie Lumière, celle qui éclaire tout homme ? Ici, chacun, nous sommes renvoyés au sérieux de notre vie chrétienne et de notre vie de moine. Nous sommes porteurs d’une lumière que nous ne pouvons pas réduire et enfermer dans un espace trop clos. En Eglise, nous sommes appelés à approfondir sans cesse le sens et la portée de notre foi au Christ qui veut parler à tout homme, à toutes les nations. Nous sommes comme les photophores fabriqués par nos frères potiers : ces cylindres percés de trous et d’ouvertures pour laisser passer la lumière que l’on met à l’intérieur. Si le cylindre est complètement fermé, non seulement la lumière ne se diffuse pas, mais elle s’éteint. S’il est ouvert grâce aux ouvertures qui sont faites, l’air passe de l’extérieur et la lumière diffuse… N’ayons donc pas peur des questions, voire des critiques qui viennent de l’extérieur, elles nous permettent de demeurer ouverts à la recherche des autres. Si elles nous percent, ou nous creusent, elles peuvent aussi apporter de l’oxygène, et nous permettre de nous renouveler dans notre recherche du Christ, et dans notre compréhension de son mystère. Plus le photophore est ouvert, plus il diffuse.

Debout Jérusalem ! Resplendis : elle est venue, ta lumière ! Frères et sœurs, ce matin, laissons cette Bonne Nouvelle nous réveiller dans la conviction que notre foi brille d’une lumière bien plus grande que nous ne pouvons imaginer. Dieu notre Père a daigné nous illuminer par la venue de son Fils. Il nous offre ainsi un cadeau sans mesure, cadeau que nous ne cessons d’ouvrir et de découvrir à travers notre lecture de la Bible, dans notre prière, au cours de chaque Eucharistie, dans les rencontres avec les autres. Demeurons ces chercheurs, toujours désireux d’approfondir notre connaissance intime du Christ, toujours ouverts aux interrogations de nos contemporains. Car nous aussi, nous sommes en chemin, comme nous l’avons prié au début de cette célébration : « daigne, nous accorder, à nous qui te connaissons déjà par la foi, d’être conduits à la claire vision de ta splendeur ». (2009-01-04)

Homélie du 28 décembre 2008 — Sainte Famille — Frère Sébastien
Cycle : Année B
Info :

Année B - Fête de la Sainte Famille - 28 décembre 2008

Si 3 2-16; Col 3 12-21; Lc 2 22-40

Homélie du F.Sébastien

Texte :

J’ai encore devant les yeux un grand tableau. En bas, une plaque de cuivre où je lis : Sainte Famille. Auteur inconnu. XIXe siècle.

Trois auréoles illuminent la peinture. La plus grande est pour le petit, un délicieux blondinet aux cheveux bouclés, bouclés comme les copeaux dorés qui sortent sagement du rabot de son père, qui menuise, sans avoir besoin d’enlever son auréole. L’Enfant, précoce, ajuste avec soin deux bouts de bois en forme de croix. La mère, silencieuse, recueillie, fait le lien. La famille au complet.

Une famille pieuse du XIXe siècle..., à la fois bien loin de celles de notre XXIe,.... et étonnamment proche à bien des égards....

À mille lieues en tout cas de celles de la Palestine du temps de Jésus. Les enfants n’y vivaient qu’en bande, comme de joyeuses volées de moineaux : Jésus jouait parmi ses « frères et sœurs », pour reprendre les mots de l’Évangile.

Aujourd’hui l’Église célèbre la Sainte Famille : Jésus, Marie, Joseph. La famille toute sainte, hors normes, à trois, c’est tout : le père, la mère, l’enfant unique. Un certain modèle, qui doit donner à penser. À certaines conditions. Mais allons plus loin.

Tout en réfléchissant avec vous, je me demande ce qu’en pense en ce moment notre Père du Ciel. Comme d’habitude, il participe à notre eucharistie – la liturgie, cela le passionne, et il n’en manque aucune, – se réservant le rôle qui lui revient, comme le demande Vatican II.

Il est le Père, « celui de qui vient toute paternité, toute vie de famille, aussi bien dans les cieux que sur la terre ». Il est le chef de toutes les familles, mais en premier lieu de l’éternelle, de la Sainte Trinité.

C’est dans ce foyer rayonnant d’amour que, nous, les humains, « nous avons été conçus, choisis, dans le Christ, dès avant la création du monde », – comme le dit magnifiquement saint Paul.

Dans le Christ, nous n’avons pas été seulement appelés mais aussi divinement adoptés, avec la plénitude des droits de la famille. Ce qui n’est pas sans nous rapprocher étonnamment de ce Jésus qu’adopta un jour un homme de Nazareth du nom de Joseph. C’est sur l’ordre du Très Haut que ce jeune fiancé « prit l’enfant et sa mère », l’enfant qui n’était ni de sa chair ni de son sang. « Et il partit sans savoir où il allait », à l’aveuglette, comme Abraham, son ancêtre, et avec la même foi. La foi offerte, comme super cadeau de mariage, à tout ménage qui se lance.

Une telle aventure ne peut être que bousculée, creusée, renvoyée à ce que l’évangile vient de nous rappeler, lorsque Joseph et son épouse offrent leur enfant à Dieu dans le temple, puis lorsque, douze ans plus tard, ils le perdent dans la foule, à Jérusalem : trois jours d’angoisse mortelle, avant de le retrouver, encore dans le temple, mais pour s’entendre dire sans ménagement : « Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ?» Choc pour le papa confronté par son enfant à un autre Père, un enfant qui éduque virilement ses deux parents désemparés.

« Vos enfants ne sont pas vos enfants, dira le poète Kalil Gilbran, ils sont les fils de la Vie en vous ». L’enfant est toujours un mystère de contestation et de construction au sein duquel ses parents naissent à une nouvelle vie, non sans souffrances.

Jésus, le Fils même de Dieu fit de Joseph à la fois son père adoptif et notre père universel,

comme il fit de Marie sa mère à Nazareth, avant de la faire notre mère universelle, au pied de la croix.

Concluons.

Célébrer la Sainte Famille nous plonge dans le mystère de nos propres familles, de toutes sortes, les temporelles comme les spirituelles, avec leurs réussites et leurs échecs, leurs épreuves et leurs grands bonheurs, leurs parcours aux ressorts imprévisibles. Tout cela vécu entre les immenses bras de notre Dieu et Père, des bras accueillants à tous et à tout, inlassablement encourageants, un Père qui ne songe qu’à une chose : « Il faut que la vie gagne ». Et il s’y emploie ! Fort bien.

Voilà qui peut donner à rêver à ceux et celles qui, du coin de l’œil, observent leurs blondinets et blondinettes, cheveux crépus, yeux bridés, teint de cuivre ou de porcelaine, plongés dans la profondeur mystérieuse de leurs jeux. « Tous ceux-là sont les miens », dit Dieu.

Et nous : « Que sera donc cet enfant ? »

« Que seront nos descendants ? »

Ils seront les fils du Dieu vivant, si nous nous engageons, comme Joseph et comme Marie.

(2008-12-28)

Homélie du 25 décembre 2008 — Noël - Messe du jour — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année ABC - Messe du Jour de Noël - 25 décembre 2008

Is 52 7-10; Heb 1 1-6; Jn 1 1-18

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

En ce jour de Noël, jour de grande fête et de joie nous ne célébrons pas que la seule naissance de Jésus à Bethléem, mais une tripe naissance de Dieu, selon un thème traditionnel de la spiritualité chrétienne. Il y a en effet une naissance de Dieu en lui-même, il y a la naissance du Fils de Dieu en notre chair, et il y a la naissance du Verbe de Dieu en nous-même, en notre âme.

La 1ère naissance sans doute la plus profonde et la plus mystérieuse est celle que nous contemplons dans le Prologue du 4ème Evangile, qui vient d’être chanté solennellement. Naissance éternelle du Verbe au cœur de la Trinité. Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. La suite du texte précise que ce Verbe est le Fils du Père, plein de grâce et de vérité.

Chaque dimanche et aujourd’hui encore dans un instant, nous professons dans le Credo de l’Eglise que le Christ est le Fils Unique de Dieu né du Père avant tous les siècles. Il est Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu engendré, non pas créé et de même nature que son Père. Cet engendrement, cette naissance dans l’éternité échappe au temps et à l’histoire. Elle échappe aussi à notre compréhension et dépasse infiniment les limites de notre entendement, mais nous l’affirmons cependant dans la foi et dans l’amour. Pour nous chrétiens, cette 1ère naissance de Dieu doit demeurer l’objet de notre émerveillement et de notre adoration. Elle est source de joie.

La seconde naissance, celle de l’enfant Dieu à Bethléem qui nous a été rapportée par l’évangile de la messe de minuit, nous est plus familière. Il est plus facile de la raconter aux enfants et elle a été préparée par les calendriers de l’Avent et la réalisation des crèches. Pourtant, cette seconde naissance n’en est pas moins paradoxale ou scandaleuse, voire même folle et impossible à admettre pour qui ne partage pas notre foi. Aucune sagesse païenne, aucune religion ne peut envisager une telle naissance d’un Dieu sur la terre des humains. C’est le mystère de l’Incarnation.

Jésus, le Christ, est né d’une femme, la Vierge Marie, lorsque les temps furent accomplis. Et Dieu a pris les traits de visage d’un bébé, d’un garçon, d’un homme.

Saint Paul dans sa lettre aux Philippiens dira qu’il n’a pas retenu jalousement son rang d’être l’égal de Dieu, mais qu’il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes et par son aspect, il était reconnu comme un homme, et il s’est abaissé dans l’obéissance à son Père, jusqu’à mourir sur une croix.

Autant que pour la 1ère naissance du Verbe dans son éternité, nous avons à nous émerveiller et à nous réjouir de cette 2nde naissance du Verbe dans notre humanité.

Mais ces deux naissances ne présenteraient guère d’intérêt et resteraient extérieures et étrangères à nous, si elles ne s’actualisaient pas présentement en chacun de nous, à l’intime de chacune de nos âmes. C’est le dominicain Maître Echkart qui au Moyen Age, en reprenant une idée d’Origène a longuement développé cette naissance de Dieu qui se produit en nous, en notre âme, et c’est cela qui importe, dit-il. Dieu pénètre ici le fond de l’âme. Personne d’autre ne peut entrer dans le fond de l’âme sinon Dieu seul.

Cette 3ème naissance du Verbe de Dieu à l’intime de notre être permet de rendre compte du vouloir profond de Dieu en s’incarnant. Dieu se fait homme afin que l’homme puisse devenir Dieu, comme l’affirmaient les Pères de l’Eglise. Dieu veut rendre à l’homme sa dignité d’être créé à son image et à sa ressemblance, dignité qu’il a perdue et qu’il perd encore par le péché et c’est toute la raison du sacrifice pascal du Christ dans sa naissance, sa vie, sa mort et sa résurrection. Noël et Pâques sont ainsi inséparables et nous les célébrons ensemble à chaque eucharistie.

Pour terminer, je reprendrai les termes de l’une des préfaces de la nativité qui nous fait chanter à Dieu : « lorsque ton Fils prend la condition de l’homme, la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse ; il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels » .

Amen (2008-12-25)

Homélie du 24 décembre 2008 — Noël - Messe de minuit — Frère Sébastien
Cycle : Année B
Info :

Année B - Messe de Minuit de Noël - 24 décembre 2008

Is 9 1-9; Tt 2 11-14; Lc 2 1-14

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Pourquoi sommes-nous ici, en ce 25 décembre 2008, sinon pour fêter Celui qui offre à notre monde le salut tant attendu par certains, cordialement méconnu, voire méprisé par tant d’autres ?

Mais comment célébrer en vérité une telle fête alors que tous ici nous portons dans notre cœur le monde qui nous entoure, avec ses violences, ses larmes, ses désespoirs ? Comment, sinon en nous plongeant dans la merveille des merveilles qu’est la liturgie. C’est là que Dieu peut, en cette nuit, faire de nous ses vrais enfants, des enfants qu’il désire tellement conduire, un par un, à son Fils unique, ce Fils qu’il a déposé pour nous dans une mangeoire : venez, venez, devenez ce que vous allez contempler. Et en vous le monde accueillera le salut dont il a tant besoin.

Ce que je voudrais partager avec vous, cette nuit, peut se résumer en trois petits tableaux,

Le premier tableau, – que vous connaissez peut-être – est un fait historique, rapporté par Sœur Emmanuelle, celle des chiffonniers du Caire. Les armées du communisme russe envahissent la Hongrie. Un de leurs soldat est tué. Par représailles, l’officier lance ses hommes sur le village avec ordre de piller, violer, massacrer sans pitié avant de mettre le feu. Des hommes, leurs armes ensanglantées à la main, poussent la porte d’une maison et se trouvent nez-à-nez... avec une femme qui les arrête d’un geste en disant : « Pas de bruit, le bébé dort ! »...

Ces brutes, des assassins, touchés au cœur, – on devine pourquoi – , surpris, restent figés sur place, en silence, devant le bébé, puis l’un d’eux dit : « Madame, on a faim ». Elle les fait asseoir, sans bruit, leur réchauffe un reste de soupe et se met à les faire parler sur leurs familles. Une fois rassasiés, ils se lèvent: « Merci, Madame », puis ils s’en vont.

Voilà. Que ce soit au XXe siècle en Hongrie, ou au premier siècle en Palestine, ou encore aujourd’hui, il n’y a rien de plus désarmant qu’un homme désarmé, a fortiori qu’un nourrisson endormi veillé par une jeune femme sans défense. Dieu le sait et il sait en jouer. C’est ce qu’il fait en la nuit de Noël...

C’est ce nourrisson et sa mère que j’ai vu réapparaître dans mon deuxième tableau, un tableau venu se superposer sur le premier comme une clé de lecture. Une simple carte postale dans mon courrier de Noël, représentant une Nativité d’un maître de l’école flamande du XVe siècle (Geertgen). Regardons ensemble. À l’arrière plan, dans les ténèbres, on devine le grouillement des puissances du mal rameutées pour dévorer l’Enfant dès sa naissance. Au premier-plan devant la crèche mangeoire, un petit espace bien éclairé, dégagé, pour que l’on puisse venir s’agenouiller. La mangeoire est une sorte d’auge de pierre, taillée et polie, aux arêtes vives, glaciale. Posé au fond sur quelques brins de paille clairsemés, un minuscule bébé, complètement nu, nu comme au sortir du sein, posé là comme tant d’enfants qu’on abandonnait autrefois aux portes des églises. Sa jeune mère nous regarde en coin, pour qu’on regarde son enfant. On sait que, dans la Bible, la nudité est signe de vulnérabilité, de fragilité, de dénuement. Ici, c’est celle du Fils de Dieu incarné, image en notre terre de son Père du Ciel, Dieu né de Dieu, né nu comme il mourra nu sur une croix, totalement désarmé.

De la petite boule de chair pâle, phosphorescente comme un ver luisant, partent des rayons de lumière en forme d’ostensoir. Leur rayonnement illumine les visages de la mère et des anges adorateurs ; ceux-ci nous représentent et il suffit de les regarder pour être gagnés par une terrible nostalgie de vraie prière, de profonde adoration. La Lumière née de la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.

Mais il faut aller plus loin avec le troisième tableau.

Celui-ci est dû au pinceau littéraire de saint Luc. C’est l’extraordinaire évangile que nous venons d’entendre. Il nous fait comprendre que, si l’Enfant divin est venu sur terre, c’est pour les bergers, des rustres, voleurs, quasi hors la loi, et pour nous, des comme eux. C’est à ces bergers qu’est envoyé l’Ange du Seigneur pour leur annonciation. « L’ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa clarté ». Il faut réaliser. L’ange les habille, il les enveloppe dans la lumière de la gloire divine, les en revêt. Tout est dit du mystère de Noël, en quelques mots. Alors que l’Enfant divin a pris sur lui leur humble condition humaine, alors qu’il se retrouve lui-même dans de très pauvres langes, les bergers eux sont revêtus, habillés, enveloppés dans la gloire même du Seigneur, cette gloire qui est le propre de Dieu. Ils rayonnent dans la nuit, ils n’ont plus besoin de chiens et de bâtons pour éloigner les loups de l’adversaire. Ils deviennent des artisans du salut de Dieu sur notre terre.

Cette nuit, Dieu se fait homme pour que l’homme devienne Dieu. C’est fait, et nous pouvons chanter « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime », aux hommes qu’il aime à ce point ! C’est la nuit de Noël, la nuit des désarmés plus forts que toutes les puissances du mal.

Et nous ? Nous, nous n’avons plus qu’à retourner à la crèche, pour nous charger de lumière céleste en contemplant longuement l’Enfant qui nous attend, sous le regard de son Père, qui est notre Père. (2008-12-25)

Homélie du 21 décembre 2008 — 4e dim. de l'Avent — Frère Servan
Cycle : Année B
Info :

Année B - Avent - 4e Dimanche - 21 Décembre 2008

2 S 7 1-16 ; Rm 16 25-27 ; Lc 1 26-38

Texte :

Cet évangile de l'annonciation a inspiré tant de peintres (Fra Angelico), et tant de poètes (l'hymne Acathiste en Orient, en Occident les homélies ferventes d'un Bernard de Clairvaux sur

le Missus est, la méditation d'un Charles Péguy).

Cela peut nous inviter à rester dans le même registre, et, par exemple à composer et méditer

le tableau suivant:

Au centre, une image familière aux vitraux de nos cathédrales (Chartres) : un bel

arbre de Jessé le père de David ; donc, montant, à partir de cette racine (nos racines). A travers David le roi idéal et idéalisé, jusqu'à la fleur, la Vierge Marie, et à son fruit (et béni soit le fruit de vos entrailles), Jésus de Nazareth, fils de Dieu et fils de David.

De chaque côté, en médaillons, les prophètes entourent cet arbre généalogique, dont bien sûr, Isaïe, que nous avons relu durant ce temps de l'Avent: « Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel ».

Pour faire bonne mesure, nous pourrions attribuer un médaillon à un poète-prophète laïc, notre Victor Hugo national. Il va chercher encore plus profond les racines jusqu'à la belle histoire de Booz et Ruth, les grands parents de Jessé: (Booz endormi fit un songe)

« Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne

qui, sorti de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu.

Une race y montait comme une longue chaîne

Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu ».

Mais il manque encore quelque chose d'important à notre tableau! N'oublions pas en bas, de chaque côté, Mr et Mme les Donateurs, les mains jointes, comme on en voit sur les tableaux des XIVe et XVe s. Ils nous représentent, nous et toutes les générations de croyants qui nous ont précédé depuis cette première communauté des Romains à qui l'apôtre Paul adressait ce résumé de son évangile « Resté dans le silence depuis toujours, ce mystère (Jésus-Christ) est aujourd'hui manifesté. Par ordre du Dieu éternel et grâce aux écrits des prophètes, il est porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l'obéissance de la foi ». (deuxième lecture).

Nous ne regardons plus le tableau de l'extérieur, comme dans un musée; mais nous sommes dedans, comme les donateurs appelés à « l'obéissance de la foi » dans notre vie de chaque jour, comme Marie la croyante qui dit OUI: « Que tout se fasse pour moi selon ta parole ». - cela peut nous être rappelé par les trois Angélus qui rythment le jour –

Nous savons que le plus important dans la piété et spiritualités mariales, c'est bien d'être entraînés par Marie à dire Oui dans notre quotidien dans l'écoute et l'obéissance à la parole de Dieu.

Jésus l'avait bien dit lorsque regardant ceux qui étaient assis en rond autour de lui, il déclara: « Ma mère et mes frères ? Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m'est un frère, une sœur, une mère ». ( Mc 3,31)

Cela, tous les grands spirituels chrétiens l'ont rappelé, depuis Origène et saint Augustin, jusqu'aux mystiques rhénans et Angélus Silesius :" L'œuvre que Dieu préfère et désire au plus profond, c'est d'engendrer son Fils en toi (et autour de toi) et pour terminer nous pouvons citer Péguy (que nous avions mentionné au début) :

« Jésus Christ ne nous a point donné des conserves de paroles, mais des paroles vivantes qui ne peuvent se conserver que vivantes, nourries, portées, chauffées, chaudes dans un cœur vivant, comme une mère charnelle nourrit et porte sur son cœur son dernier-né ». (Porche du mystère, 2°vertu)

Frères et sœurs, telle est la grâce et le programme de Noël : Que nous nous souhaitons mutuellement. (2008-12-21)

Homélie du 16 novembre 2008 — 33e dim. ordinaire — Frère Ghislain
Cycle : Année A
Info :

Année A - 33° Dimanche du Temps Ordinaire

Sg 31; 1 Th 5 1-6; Mt 25 14-30

Homélie du F.Ghislain

Texte :

L’homme qui partait en voyage possédait, nous dit le texte, trois serviteurs et huit talents. En s’en allant, il répartit sa fortune entre ses serviteurs. C’est un acte de confiance généreuse et intelligente, puisqu’il s’en remet à eux pour la gestion de tout son bien, en tenant compte des capacités de chacun.

Normalement, affermis par la confiance qui leur est faite, les serviteurs devraient se livrer avec détermination à la tâche qui leur est confiée. Et c’est bien ce qui se passe pour les deux premiers, dont la performance est impressionnante. Le troisième, lui, ne réussit pas à vaincre sa peur et se pose des tas de questions : s’il n’arrivait pas à gérer correctement le gros lingot ? Si ses opérations tournaient mal, de sorte qu’il ne puisse même pas rendre la totalité de ce qu’on lui avait confié ? Le plus prudent n’est-il pas alors d’enterrer cet or ? Il le rendrait du moins en entier, et on ne pourrait pas lui reprocher d’avoir rien perdu. Le point à relever ici est que sa peur se projette sur l’image qu’il se fait de son maître. Parce qu’il craint de ne pas réussir, il imagine un maître qui le juge froidement sur ses performances. Celui-ci peut alors répondre : « De deux choses l’une : ou bien je suis un patron dur et exigeant, alors il y a intérêt à réaliser des bénéfices, pour éviter des conséquences désagréables. Ou bien, je sais faire confiance et je n’exige rien qu’on ne puisse normalement réaliser, et alors, comme l’ont compris les autres serviteurs, il fallait se mettre au travail, pour plaire à celui qui fait confiance ». « Je savais que tu es un homme dur », dit le serviteur. Mais ce n’est pas vrai ! Plus haut, dans l’évangile de saint Matthieu, Jésus dit qu’il est, au contraire doux et humble de cœur, que son joug est bon, sa charge légère. Si donc nous voulons porter du fruit dans le labeur de l’Évangile, il faut commencer par nous demander qui est Jésus et, peut-être nous laisser séduire par sa douceur. Si nous avons l’impression de peiner sous la charge, n’est-ce pas le moment d’entendre son appel : « Venez à moi » ?

Je voudrais vous laisser maintenant avec deux suggestions. Le première serait de regarder votre vie telle qu’elle est, concrètement. Est-ce que, par hasard vous ne pourriez pas dire au Christ : « Seigneur tu m’as donné deux talents, j’en ai gagné deux autres ». Je crois vraiment que la plupart d’entre nous le pourrait ; effectivement, le travail est parfois dur, mais n’essayons-nous pas, moment après moment, de faire face ? Portons donc sur notre vie un regard positif, et, au lieu de nous lamenter, pourquoi ne pas plutôt rendre grâces, ce qui nous permettra de persévérer, voire de faire plus ? Et, si par hasard nous pensons honnêtement que nous demeurons en deçà de l’attente du Christ, alors de nouveau entendons son appel, et ne craignons pas de mettre la barre assez haut : rendre à 100% ce que nous avons reçu, puisque c’est ce que le Christ attend et que son Esprit en nous le rend possible.