vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 20 mars 2011 — 2e dim. du Carême — Frère Hubert
Cycle : Année A
Info :

Année A - 2° dimanche de Carême - 20 mars 2011

Gn 12, 1-4 ‘ “ 2 Tim 1, 8b-10 - Mt 17, 1-9

Homélie du F.Hubert

Texte :

La Transfiguration de Jésus se situe au milieu de sa vie publique, entre son baptême, ses tentations au désert, d’une part, sa passion, sa résurrection, de l’autre.

Elle vient aussi six jours après la confession de Pierre à Césarée et l’incapacité de ce même apôtre à comprendre et à accepter l’annonce par Jésus de sa Passion.

Au désert, le démon avait cherché à détourner Jésus de sa filiation : Jésus a déjoué son mensonge.

Pierre, à son insu, a endossé le rôle de Satan en rabrouant Jésus : « Non, cela ne t’arrivera pas !»

La réaction de Jésus a été cinglante : il ne pouvait transiger : « Retire-toi, Satan ! Tu es un obstacle sur ma route. »

Pierre n’est pas Satan pour autant, et six jours plus tard, Jésus l’ emmène avec Jacques et Jean sur une haute montagne.

Là, tous les trois sont témoins : « Nous l’avons vu de nos yeux dans tout son éclat » Écrira-t-il plus tard.

Le visage de Jésus devint brillant comme le soleil, ses vêtements, blancs comme la lumière.

La voix du baptême se fait à nouveau entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour ; Écoutez-le ! »

Ecoutez-le quand il vous annonce sa passion et sa résurrection d’entre les morts.

Ecoutez-le quand sa parole vous déconcerte. C’est bien lui le Christ, le

Fils du Dieu vivant ; le chemin qu’il vous indique, celui qu’il vous annonce pour lui-même, le chemin de sa pâque, est le vrai et bon chemin.

Il est ma Parole, toute ma Parole.

Par lui, je vous dis : N’ayez pas peur !

Désormais, la voix venue du ciel ne se fera plus entendre.

Pour toutes les générations, il n’y a pas d’autre parole à attendre et à entendre que celle du Fils de l’homme, Jésus, le Fils bien-aimé.

Sorti victorieux du combat avec le démon au désert, Jésus sort victorieux du combat suscité par la parole tentatrice de Pierre : son union à la volonté du Père engendre en lui une telle béatitude que son visage resplendit comme le soleil ; ses vêtements eux-mêmes, objets bien ordinaires de notre vie terrestre, deviennent blancs comme la lumière.

Les trois disciples contemplent cette gloire qui lui vient, non des royaumes de la terre proposés par le diable, mais de son union parfaite avec son Père.

La vie à sa source. La vie dans tout son Éclat. La vie qui est communion et amour.

A Gethsémani, la tentation et le combat seront poussés à leur paroxysme :

« Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! » Ces paroles, à la fois si proches et si différentes de celles de Pierre expriment toute l’amertume de la coupe que Jésus doit boire.

Mais Jésus demeure dans la fidélité à son Père, en communion parfaite avec lui : Il refuse de l’invoquer pour qu’il lui fournisse à l’instant douze légions d’anges.

Déjà, il est victorieux, mais sa victoire est cachée. Ce n’est qu’après trois jours, que l’ange du Seigneur, dont l’aspect est comme l’éclair et le vêtement blanc comme la neige, dira aux femmes : « Soyez sans crainte. Jésus le crucifié que vous cherchez n’est pas ici dans le tombeau : il est ressuscité comme il l’avait dit.»

Le diable voulait donner à Jésus tous les royaumes du monde et leur gloire, s’il se prosternait devant lui.

Au terme de l’Évangile, ce seront les disciples qui se prosterneront devant Jésus et celui-ci leur dira : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre ». Ce pouvoir ne vient pas de la promesse fallacieuse du diable, mais du déploiement de la parole vraie du Père : « Celui-ci est mon Fils en qui j’ai mis tout mon amour ».

Eric-Emmanuel Schmitt fait dire à Jésus :

A l’intérieur de moi, je ne trouvais pas moi mais bien plus que moi. J’éprouvais un rassasiement essentiel. J’avais trouvé Dieu

Je descendais au fond de moi pour y trouver mon Père, et j’en revenais avec un inépuisable amour. Je m’asseyais près des infirmes et des malades, je tentais de trouver une issue à leur souffrance et je les engageais à prier, à trouver le puits d’amour en eux. Ceux qui y parvenaient allaient mieux.

Frères et soeurs, prenons le temps de contempler Jésus, dans son visage brillant comme le soleil, et dans son visage défiguré ; prenons le temps de laisser sa parole pénétrer en nous, adhérons avec lui à l’amour du Père, descendons dans notre puits d’amour : alors, une lumière intérieure apaisera notre visage, notre coeur sera purifié et rayonnera d’une beauté venue d’ailleurs que de nous. Alors, nous pourrons aider aussi les autres à trouver au fond d’eux-mêmes leur puits d’amour et à expérimenter que la vie, au travers même des épreuves et de la souffrance, est une source jaillissante de bénédiction. (20 mars 2011)

Homélie du 09 mars 2011 — Mercredi des Cendres — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Entrée en Carême 2011

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

« Nous vous invitons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu », ainsi frères et sœurs, Paul s’adresse aux Corinthiens et à nous ce matin. « Ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu ». Et si cette invitation pouvait être notre programme de carême 2011 ? Et si cette invitation pouvait nous rappeler, au début de cette quarantaine d’entrainement au combat spirituel, que notre vie chrétienne est d’abord une vie de grâce ? Une vie de grâce reçue comme un cadeau gratuitement depuis notre baptême. Oui, nous chrétiens, nous sommes gratifiés d’un magnifique cadeau : celui d’une vie humaine qui est illuminée par la connaissance du Christ ressuscité. Cadeau d’une vie humaine qui est fortifiée par le don de l’Esprit Saint. Cadeau d’une vie humaine promise à la joie des fils et filles d’un même Père. Tout ceci est cadeau gratuit de la part de notre Dieu, dont nous ne pouvons que nous réjouir. Et en commençant notre montée vers Pâques, avec tous ceux qui se préparent au baptême, nous pouvons rendre grâce pour ce don de vie qui nous est fait.

« Ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu » Paul nous invite à aller encore un peu plus loin. La grâce reçue de Dieu est en nous un don jaillissant qu’on ne peut pas contenir, ni enfermer, ni limiter. Car ce don est à la mesure de Dieu même, il est sans mesure. Non seulement Dieu donne gratuitement, mais il donne sans mesure. Il pourrait y avoir le risque, pour nous chrétiens, de mal comprendre ce don de grâce qui nous est fait. Ce serait de vouloir bien le délimiter ou de l’enfermer dans des cases. La grâce, oui, je veux bien, mais à certaines heures, aux offices et à la messe, mais en dehors je mène mes affaires comme je veux. La grâce, je veux bien, oui mais dans certains domaines. Un autre risque peut guetter les chrétiens, c’est de penser que si tout est don gratuit de Dieu, il n’ya pas à s’en faire, tout finira bien, il n’y a qu’à attendre, Dieu donnera. C’est ce que l’on pourrait appeler « la grâce à bon marché », une vision de grâce qui endort et qui finalement permet un bon nombre de compromissions sans état d’âme.

Telle n’est pas la vision de Paul : « La grâce reçue de Dieu » est un don qui ne peut que produire la vie en nous, et une vie toujours plus abondante, car elle n’est rien moins que la vie de l’Esprit du Christ ressuscité qui veut nous arracher à nos morts et à nos esclavages de toute sorte et nous en connaissons bien le poids dans nos vies quotidiennes. Si Dieu notre Père désire ardemment nous communiquer cette vie, il ne veut pas nous l’imposer. Il attend notre consentement, il nous invite à ne pas laisser sans effet la grâce reçue, ou encore pour être plus proche de l’expression grecque à « ne pas recevoir dans le vide la grâce reçue ». Allons-nous laisser la grâce couler dans le vide de notre insensibilité, ou de notre oubli ou de nos préoccupations inquiètes et aveugles ? Ou bien allons-nous recueillir cette grâce pour qu’elle ne tombe pas dans le vide ? Allons-nous lui offrir l’espace de notre écoute, l’espace de la prière et de la lecture soignée des Ecritures, l’espace d’une vie plus attentive par rapport à la nourriture à notre façon de consommer, l’espace d’une vie plus ouverte aux relations dans l’écoute et le partage ? La grâce reçue à notre baptême est fragile. Elle a cette fragilité d’un « je t’aime » inséparable d’un « veux-tu ? ». C’est la grâce d’une relation d’amour avec un Dieu qui aime sans mesure. Ne soyons pas surpris, si cette grâce nous bouscule tout autant qu’elle nous dilate. L’Amour de Dieu appelle notre amour à grandir toujours plus librement et plus généreusement. Durant ce Carême, chacun, apprenons à ôter tel lien ou tel obstacle que nous mettons à l’œuvre de la grâce. Comme nous le chanterons dans la préface, « Livrons nous davantage à l’Esprit saint » durant ce temps de grâce et de réconciliation qui commence. (2011-03-09)

Homélie du 06 mars 2011 — 9e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - 9° Dimanche du Temps Ordinaire - 6 mars 2011

Dt 11 18,26-28; Tom 3 21-25,28; Mt 7 21-27

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Une liturgie, c’est une chance de parole. Une chance parce que, nous le savons bien, c’est par la parole échangée que la personne humaine devient peu à peu elle-même.

Mais Qui donc est-il Celui qui, du fond de son mystère, cherche à me parler et à me faire parler, à l’improviste de mes journées, ou... en ce moment ?

Dieu et sa créature

Mais Qui donc est-il CE DIEU qui, du fond de son mystère, veut se révéler à moi, se donner à voir, et me révéler à moi-même ? Et moi qui suis-je ?

Deux questions qui conduisent à une rencontre semblable à celle qui marqua à jamais Sainte Catherine de Sienne. Elle avait demandé au Christ : « Seigneur, qui suis-je pour toi ? ». Elle reçut cette réponse : « JE SUIS CELUI QUI SUIS... et tu es... celle qui n’est pas. »

Dans la bouche du diable une telle réponse serait foudroyante. Dans la bouche de Jésus c’est une réponse grisante, réellement créatrice, dans laquelle je me plonge comme dans un océan de bonheur, encore plus lorsqu’il ajoute : «Catherine, si tu existes, c’est parce que je t’ai voulue [...]. L’ÊTRE QUE JE TE DONNE vient de L’AMOUR QUE JE SUIS. » Hors de moi tu n’es rien. Avec moi, tu es TOI.

Qui est-il ? Et moi qui suis-je ? Deux questions qui portent la chance d’une rencontre au plus profond. Une rencontre que j’aime éclairer par celle qui marqua à jamais Sainte Catherine de Sienne.

Elle avait demandé au Christ : « Seigneur, qui suis-je pour toi ? ». Elle reçut cette réponse, secouante : « JE SUIS CELUI QUI SUIS... et tu es... celle qui n’est pas. »

Dans la bouche du diable une telle réponse serait foudroyante, luciférienne. Cela peut arriver...

Dans la bouche de Jésus c’est une réponse grisante, réellement créatrice, dans laquelle je me plonge comme dans un océan de bonheur,

encore plus lorsqu’il ajoute : «Catherine, si tu existes, c’est parce que je t’ai voulue [...]. L’ÊTRE QUE JE TE DONNE vient de L’AMOUR QUE JE SUIS. »

Cette réponse est en ce moment murmurée au fond de nos cœurs...s’ils s’ouvrent grand.

En entendant cela, le malin, toujours à l’affût, attrape une attaque ...

et contre attaque, insidieusement, en moi, avec ma propre voix intérieure : « Tout cela c’est bien joli en théorie, mais en pratique ! Sois réaliste, tu n’es pas Catherine de Sienne, mais un pécheur, tu n’arrêtes pas de le répéter... Alors sois courageux.... décourage-toi un bon coup en te débarrassant de toutes ces illusions qui t’aliènent, sois libre ! Je suis là pour t’aider....»

Mais notre Père des cieux a l’oreille fine, il a tout entendu. Il saisit la balle au bond et prend la parole dans la 1ère lecture : «Écoute-Moi, Israël, Moi qui te parle ! Aujourd’hui je vous donne le choix entre la bénédiction et la malédiction, entre la vie et la mort, entre Moi et les idoles.» Choisissez l’obéissance, heureuse, aux commandements que je vous donne pour votre bonheur. »

Jésus y fera écho dans la troisième lecture : « Il vous faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. » C’est un ordre, certes, mais qui s’offre au choix de notre liberté, pour nous apprendre à devenir vraiment des fils et des filles de Dieu.

Du coup nous voici à la chance et aux risques de nos choix, mais pas abandonnés, au contraire, sous la conduite attentive de l’Esprit Saint. Lui ne nous lâche pas d’une semelle, tout au long de nos journées, pour nous aider à discerner les choix qui sont bons, qui nous construisent, et ceux qui sont mauvais, qui nous détruisent. C’est par là qu’il nous aide à devenir vraiment adultes par l’exercice de notre liberté, selon la formule géniale de Saint Paul : « C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés.» (Galates 5,1).

Ainsi se fait peu à peu la lumière sur la vérité de notre condition humaine, telle que Saint Paul la résume non moins génialement dans la 2ème lecture :

« Tous les hommes sont dominés par le péché dire oui est libérant, parce que c’est vrai .

mais Dieu leur donne, gratuitement, d’être des justes par sa seule grâce, par la foi. » C’est inouï, comme la suite : « Notre salut a été accompli en Jésus Christ », – c’est fait ! – Dieu a fait de lui la victime dont le sang nous obtient le pardon grâce à la foi. ... Alors, où est la gloriole (de nos mérites) ? On l’a mise dehors !

À nous maintenant de prendre possession du salut qui nous est acquis. La porte s’ouvre toute grande, celle de la liberté par l’obéissance joyeuse aux commandements de l’amour, comme un ballon captif qui a cassé sa corde et, sous le Souffle de l’Esprit, s’élève, léger, dans le ciel bleu, vers le Soleil en fête ! (2011-03-06)

Homélie du 27 février 2011 — 8e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année A
Info :

Année A - 8° dimanche du Temps Ordinaire – 27 février 2011

Is 49 14-15 ; 1 Co 4 1-5 ; Mt 6,24-34

Homélie du F.Servan

Texte :

Nous venons d'entendre un évangile tout à la fois sympathique, bucolique, écologique, de tonalité franciscaine (les oiseaux du ciel, les fleurs des champs), et en même temps dérangeant, car il touche l'usage de l'argent, la consommation des biens qui soutiennent la vie, nos polices d'assurance et nos prévisions pour l'avenir, pour nos vieux jours et l'économie moderne de nos sociétés. Terrain vital, terrain sensible!

Pour en venir au texte de l'évangile, dans ces paroles, comme dans toute la composition du Discours sur la montagne dont elles font partie, le regard, la pensée de Jésus se porte tout à la fois:

et sur l'homme (ceux qui l’écoutent - en premier lieu le groupe de ses disciples - mais par-delà, l'humanité de tous les temps, donc nous-mêmes) ...

et sur Dieu, qu'il appelle son Père, votre Père, celui avec qui il est en relation intime et qu'il veut nous faire connaître (la prière du Notre Père est d'ailleurs au centre, au milieu du Sermon sur la Montagne).

Jésus est venu pour renouer une relation d'alliance confiante et aimante entre le Père et l'homme, et si on reçoit les paroles de Jésus, si on essaie comme lui de vivre dans la lumière du Père, alors ce sera toujours plus ce que Jésus appelle" le Royaume" : l'homme en Dieu - Dieu en l'homme (l'homme miséricordieux comme le Père).

Et de fait, la pointe, la phrase la plus importante de cet évangile, c'est, en finale: « Votre Père céleste sait (d’un savoir aimant) que vous en avez besoin. Cherchez d'abord son royaume et sa justice ». Relation réciproque, privilégiée!

Le Père a créé les oiseaux du ciel et les fleurs des champs, mais pour lui vous valez beaucoup plus qu'eux !

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Votre Père, vous aurez noté que ce dimanche il y a une heureuse et belle rencontre de ces paroles sur le Père avec celle d'Isaïe où Dieu se présente comme une Mère qui chérit ses enfants avec une forte tendresse d'entrailles (rahamin en hébreu). Richesse de Dieu: le très haut - le très bas. Au-delà de tout et en nous, en notre secret :

« Père dont le nom est Père / et même dont le nom est mère

Père qui guette le retour / ouvre-moi le secret de ton Nom"

En face du Père, voici l'homme: créature à part et au centre de la création riche de créativité et d'avenir certes, mais aussi fragile, avec ses besoins vitaux: manger, boire, se

vêtir (se chauffer).

Et au-delà de ces besoins, ses désirs infinis de toujours mieux, toujours plus. Ce qui risque de le mettre en soucis pour le présent et pour l'avenir. SOUCIS, inquiétudes qui le rongent parfois et pèsent lourd.

Le mot revient cinq fois dans cet évangile, et trois fois dans le répons " Ne vous faites donc pas tant de soucis!

Le bon sens ou le sens droit (plus ou moins inspiré par l'évangile) pourra déjà ici inciter l'homme à la prudence, à la sobriété et au discernement dans l'usage des biens et de l'argent qui permet de les acquérir, pour ne pas multiplier les soucis. Cf le dicton « l'argent ne fait pas le bonheur » et, je ne saurai trop vous inviter à relire la bonne fable de La Fontaine: « le Savetier (le cordonnier) et le financier »!

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" Un savetier chantait du matin jusqu'au soir / c'était merveille de le voir

Son voisin, au contraire, étant tout cousu d'or,/ chantait peu, dormait moins encore

C'était un homme de finance !

Mais fragile, l'homme est faible aussi et se laisse séduire, et prendre dans bien des complications ; alors que l'évangile et que les paroles quelque peu humoristiques de Jésus lues avec saint Paul, saint Benoit, saint Ignace viennent au secours du bon sens !

L'argent ! Certes, une invention de l'homme, favorisant commerce et échange économique. Mais qu'il ne devienne pas trompeur, séducteur et maître tyrannique. S'en servir, oui ; ne pas s'y asservir ! En faire usage sans esclavage ! « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'Argent ! » nous redit Jésus.

Jésus ne demande pas que nous vivions en écervelés irresponsables, ni sans prévoir et encore moins sans travailler (« celui qui ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas! » dit saint Paul). D'ailleurs même les oiseaux se donnent quelque mal pour trouver leur nourriture, mais faisant chaque jour notre travail. Le matin mettons notre journée dans la lumière de la Parole de Dieu (comme beaucoup de chrétiens le font de plus en plus depuis le Concile) et le soir déposons les fatigues et les soucis du jour en redisant le Notre Père ou le Psaume (« En Dieu je me repose »)

« Seigneur, apprends-nous à travailler comme si tout dépendait de nous;

apprends-nous à nous dépenser en attendant tout de ta grâce »

- c'est une sentence chère aux Jésuites !!

De même pour ce qui est de la providence divine, suggérée dans cet évangile. Faut-il préciser que le plus souvent, elle ne vient pas du ciel, en forme de miracle permanent, mais qu'elle nous vient de la main des autres hommes inspirés par Dieu. C'est le père et la mère qui donnent le pain à l'enfant. C'est Dieu qui nous inspire de partager, d'être attentif à secourir ceux qui sont dans le besoin, qui suscite toutes ces associations d'entraide, secours catholique, restos du cœur etc ... sans oublier l'action des responsables de la Cité et du bien commun.

Frères et Sœurs, vivons de plus en plus dans la confiance et la lumière du Père, attentifs au besoin des hommes et recevant d'eux avec reconnaissance, remplaçant le souci par le murmure de l'Esprit qui habite en nos cœurs, cherchant d'abord le Royaume de Dieu et sa justice! (2011-02-27)

Homélie du 20 février 2011 — 7e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A - 7° Dimanche Temps Ordinaire (20 Février 2011)

Lv 19 1-2, 17-18; 1 Co 3 16-23; Mt 5 38-48

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Les 3 lectures de ce dimanche, que nous venons d’entendre nous placent devant ce que nous pourrions appeler « les fondamentaux » de notre foi, de notre vie de croyant.

- Sainteté de Dieu et sainteté de l’homme : « soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, Je suis Saint »

- Sacralité de l’homme : « le Temple de Dieu est sacré, et ce Temple, c’est vous »

- Universalité de l’amour : « aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent », ce qui entraine à la perfection pour le chrétien : « soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait ».

Remarquons que dans ces 3 passages, la Parole de Dieu s’adresse à la 2ème personne du pluriel, et sous le mode verbal de l’impératif. Ces fondamentaux sont autant des ordres, des commandements qui valent pour le peuple (Israël), pour une communauté (celle de Corinthe) ou pour un groupe de disciples rassemblés sur la Montagne. Et à chaque fois cette Parole de Dieu mentionne un médiateur entre le Seigneur et la collectivité : Moïse, Paul, Jésus.

Dire que la sainteté de Dieu, la sacralité de l’homme et l’universalité de l’amour sont des fondamentaux, cela n’invite pas, bien au contraire au fondamentalisme. Ce serait une erreur, voire une trahison de la Parole de Dieu de lire et d’interpréter ces textes à la lettre, de les réduire à de simples injonctions morales ou moralisantes.

Il y a là tout l’enjeu d’une bonne compréhension des Ecritures et tout particulièrement de l’Evangile qui ne sont pas d’abord des codes de morale, des règles en un sens étroit, même s’il s’agit bien de Lois : Loi de Sainteté pour le Lévitique, Loi du culte véritable et du vrai Temple de Dieu pour Saint Paul, Loi de l’Amour inconditionnel dans le Sermon sur la Montagne.

Certes, la traduction de notre évangile : « soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait », peut nous induire en erreur, voire à faire un gros contre-sens. De quelle perfection s’agit-il ? Saint Paul, lui-même, en pharisien zélé et observant de la Loi, était à la recherche de l’accomplissement parfait de cette Loi jusqu’à ce qu’il connaisse l’expérience du Christ sur le chemin de Damas et qu’il réalise que cette recherche était vaine et représentait une impasse.

Le registre de la perfection renvoie en effet à celui de la morale, de l’effort et du culte de la performance, de la supériorité et du comparatif. On est là dans un sens élitiste du mot « perfection », et ce n’est pas ce sens-là que vise Jésus quand il s’adresse à ses disciples. Il vaudrait mieux traduire : « soyez achevés en sainteté, accomplis dans l’amour, pleinement réalisés dans votre vocation, dans l’état de vie auquel Dieu vous appelle.

L’appel universel à la sainteté a bien été rappelé par le Concile Vatican II dans la Constitution dogmatique sur l’Eglise : « Lumen Gentium ». D’une rédaction peut-être moins heureuse, ce même Concile a réservé pour la vie religieuse un décret intitulé : « perfectae caritatis », qui pourrait laisser croire que la perfection de l’amour (de la charité) s’adresse seulement aux religieux, alors qu’il n’en est rien. Les laïcs et tout le Peuple de Dieu sont concernés dans l’accomplissement de l’amour, et il faut écarter absolument toute ambiguïté. La sainteté, ce n’est donc pas la perfection selon une morale, par nos efforts, c’est un accomplissement selon l’amour, dans la grâce. Un amour qui va jusqu’à pardonner à ceux qui nous persécutent, à prier pour eux. Un amour qui n’hésite pas non plus à réprimander son compagnon, qui fuit toute velléité de vengeance et qui ne garde pas de rancune contre son prochain. C’était déjà la Loi de Sainteté dans l’Ancienne Alliance. Jésus demande à ses disciples de dépasser le cadre de la seule communauté des frères partageant la même foi. L’amour va jusqu’à pardonner à tous ceux qui nous veulent du mal. L’amour vise vraiment l’universalité, l’inconditionnalité.

Tel aura bien été l’exemple donné par les frères de Tibbhérine et que le film « Des hommes et des Dieux » a contribué à faire connaître à un large public. Et nous pouvons être dans l’action de grâces devant ces paroles de testament du frère Christian, qui sont tellement en consonance avec l’Evangile d’aujourd’hui, et que je me permets de redire en terminant. Elles en sont la plus magnifique actualisation et nous ne pouvons y rester insensibles :

« Cette vie perdue, totalement mienne, je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette joie secrète qui sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences.

Dans ce merci où tout est dit, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais. Oui, pour toi aussi, je le veux ce merci, et cet ‘à Dieu’ en-visagé de toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en Paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. Amen ! Incha Allah (2011-02-20)

Homélie du 13 février 2011 — 6e dim. ordinaire — Frère Ghislain
Cycle : Année A
Info :

Dimanche 11 février 1996

6° Dimanche du Temps Ordinaire - Année A

Homélie du F.Ghislain

Matthieu 5, 17-37

Texte :

Nous venons d'entendre un évangile long et austère.

Un évangile qui nous fait un peu peur, parce qu'il nous condamne plus ou moins ou, si par hasard il ne nous condamnait pas, parce qu'il nous met devant les yeux notre fragilité, notre capacité toujours présente de le transgresser, de faire, plus ou moins, ce qu'il nous dit justement de ne pas faire.

Cependant, puisque cet Evangile est écrit et que l'Eglise nous le fait lire, il doit être une parole de salut plutôt que de condamnation, de vie plutôt que de mort... Et, en réalité, si nous nous exprimons de façon positive, que nous dit cet Evangile ? En fait, il ne nous dit rien, il nous montre quelqu'un: un homme [ou une femme] qui, non seulement ne serait pas homicide, mais serait toujours bienveillant, prenant les choses en bien, faisant valoir les personnes: ce genre d'homme dont la rencontre vous rend meilleur avant même que vous lui ayez parlé. C'est aussi un homme [ou une femme] qui, non seulement n'est pas adultère, mais qui est délicat, réservé, dont la tendresse bien réelle reste mesurée: un homme dont l'équilibre affectif et la droiture souriante rayonnent sur nous. C'est enfin quelqu'un qui non seulement ne ment pas, mais ne biaise pas, et sait dire les paroles qu'il faut au bon moment: un homme fiable, sur qui on puisse compter, s'appuyer parce qu'il est vrai.

Est-ce que cela ne nous fait pas du bien de dessiner ainsi devant nous l'image de cet homme de vérité et de bien que nous montre l'Evangile? Est-ce que, au fond, nous ne désirerions pas ressembler à une telle personne, sachant que nous y trouverions le bonheur et que , étant ainsi, nous serions aimés, sinon de tous du moins de beaucoup?

Je pense que c'est là peut-être le premier enseignement de cet Evangile: nous ne ferons rien de ce qu'il nous commande si nous n'en avons pas envie, et, pour en avoir envie, il faut contempler la beauté de ce qu'il nous propose et la désirer.

Cette beauté n'est pas théorique, ce n'est pas un dessin accroché à un mur. C'est la beauté du Christ, celle de la Vierge Marie. Je me dis peut-être que, si nous avions vécu au temps de Jésus et en Palestine, peut-être aurions-nous été, au moins au début, de ceux qui l'avaient suivi: nous aurions été séduits pas sa sainteté simple, fraternelle et forte. Soudain, nous aurions compris ce que cela veut dire, réellement, en chair et en os, de ne pas tuer, de ne pas commettre l'adultère, de ne pas jurer ou mentir: cela veut dire: être comme lui, Jésus, comme elle, Marie. Nous en aurions eu envie.

Mais, je vous le demande, qu'est-ce qui nous empêche aujourd'hui de regarder Jésus et Marie, grâce à l'Esprit qui est dans notre cœur et à l'Evangile qui nous les raconte? Nous pouvons, dans le secret de la prière, nous attarder sur leur visage, ce qui nous entraînera à vouloir leur ressembler. Il y a aussi un autre lieu où nous pouvons rencontrer Jésus et voir s'incarner le Discours sur la Montagne: ce sont les saints. Les saints canonisés, comme Ste Thérèse de l'Enfant Jésus, dont les reliques en ce moment parcourent la France (et qu'on vénère ce week-end à Oelenberg, pas loin d'ici), mais les saints non canonisés, ceux qui nous entourent, vieux ou plus jeunes, que nous aimons parce que ce sont des justes, qui nous donnent l'exemple et qui suscitent en nous l'envie d'être comme eux.

Et, certes, ce n'est pas facile de suivre les commandements de l'Evangile, de suivre Jésus et les saints, d'imiter les meilleurs d'entre nous. Dans aucun domaine de la vie, il n'y a de réussite facile. Mais la première lecture nous rappelle qu'il dépend de nous de prendre, de reprendre ou simplement de continuer ce chemin de sainteté, et la seconde lecture nous dit que l'Esprit-Saint est en nous pour nous faire aimer cette sagesse divine et nous y conformer.

Voilà. N'ayons donc plus peur lorsque nous entendons cette lecture de l'Evangile. Même si, une fois ou l'autre ou souvent, nous avons été infidèles à l'un ou l'autre des commandements qui y sont écrits, ne nous troublons pas et essayons de repartir avec désir, avec envie sur un chemin ascendant dont le Christ est le terme et la lumière.

Homélie du 02 février 2011 — Présentation du Seigneur — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année ABC - PRESENTATION DU SEIGNEUR - 2 février 2011

Mal 3 1-4; Héb 2 14-18; Lc 2 22-40

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs

Dans l’évangile selon St Luc, il est fait mention de plusieurs montées de Jésus à Jérusalem. Celle de la Présentation au Temple par ses parents, que nous fêtons aujourd’hui serait la première, si on estime que Marie et Joseph n’y sont pas passés pour se rendre à Bethléem, à la naissance de l’enfant. Jésus y reviendra à 12 ans dans l’épisode de sa fugue au milieu des docteurs et des scribes. Puis, à l’âge adulte, St Luc nous dit qu’il prend résolument la route de Jérusalem pour y accomplir sa Pâques, et c’est là qu’il mourra sur la Croix et qu’il ressuscitera le 3ème jour.

C’est dire l’importance toute théologique que l’évangéliste accorde à la Ville Sainte qui est pour lui le lieu par excellence de la rencontre de Dieu avec son peuple, de Dieu avec l’humanité.

La fête de la Présentation est célébrée selon diverses modalités ou accentuations. C’est une fête de la lumière en raison de la parole de Siméon qui voit dans l’enfant la lumière qui éclairera toutes les nations païennes. C’est aussi la fête de la consécration de l’enfant selon les rites de la Loi en usage et auxquels les parents viennent se plier, ce qui a valu de faire de ce 2 février la journée de la vie consacrée. C’est enfin et surtout la fête de la Rencontre, comme aiment à l’appeler nos frères d’Orient, car en ce jour Dieu vient visiter son peuple d’une manière toute nouvelle, ainsi que le prophète Malachie l’annonçait dans la 1ère lecture : « le messager de l’Alliance que vous désirez, le voici qu’il vient. Il purifiera les fils de Lévi, ainsi pourront-ils, aux yeux du Seigneur, présenter l’offrande en toute justice. »

Une rencontre qui n’a rien de formel : tout se passe dans la simplicité d’un dialogue, d’un échange de regard, d’un sourire, d’un geste respectueux, dans lesquels Dieu et l’homme s’approchent, s’apprivoisent et s’engagent mutuellement. Car c’est bien le Seigneur qui, porté dans les bras de sa mère, Marie, entre dans son Temple. Il est chez lui dans cet édifice : c’est lui qu’on y adore. Et pourtant, seuls deux vieillards aux yeux déjà éteints, Siméon et Anne, vont le reconnaître, là où il se donne à contempler. Rencontre de 2 humilités, de 2 fragilités. Rencontre déconcertante. Ce ne sont pas les prêtres, chargés du culte du Temple, ni des docteurs chargés de l’interprétation de la Thora, les uns et les autres trop sûrs d’eux-mêmes, qui viennent l’accueillir, mais deux anawims, ces pauvres que Dieu aime en raison de leur humilité de cœur, tout comme les bergers de Bethléem ou les mages venus d’Orient, venus adorer humblement l’enfant de la crèche.

C’est parce qu’ils ont le cœur pur, purifié de tout orgueil, qu’ils peuvent voir Dieu et reconnaître la présence du Messie dans l’enfant présenté. Ils réalisent pleinement la béatitude des cœurs purs que nous entendions dans l’évangile de dimanche dernier.

Cette fête de la Présentation de Jésus au Temple nous invite alors à une grande conversion Nous laisser surprendre par un Dieu déconcertant, qui cherche à engager avec nous un dialogue empreint de simplicité, de douce familiarité. Ce que fera Jésus tout au long de sa vie terrestre avec ses disciples, avec tous ceux qui se présenteront sur son passage : les malades, les pécheurs, les exclus de tous genres.

Notre cœur est-il suffisamment simplifié pour laisser à Dieu la liberté de nous visiter de manière aussi déconcertante ?

Notre regard est-il assez purifié de l’orgueil pour le reconnaître dans un enfant ?

Notre désir de la rencontre est-il assez fort pour lui faire une place et lui répondre amour pour amour ?

En ce jour de la vie consacrée, ce sont des questions à nous poser, en tant que moines ou religieuses. Des réponses que nous leur apportons dépend alors le témoignage que nous rendons à la Bonne Nouvelle de l’Evangile, de même que la crédibilité de nos célébrations liturgiques et du culte que nous offrons au Seigneur, jour après jour, et en particulier dans toute eucharistie, dans cette eucharistie.

AMEN (2011-02-02)

Homélie du 30 janvier 2011 — 4e dim. ordinaire — Frère Ghislain
Cycle : Année A
Info :

4e Dimanche du Temps Ordinaire - année A

Soph. 2,3 ; 3,12-13. I Cor. 1, 26-31. Mt. 5, 1-12a

Homélie du F.Ghislain

Texte :

Les trois textes que nous venons d’entendre manifestent une grande unité. Ils nous parlent de ce que, dans un passé récent, on appelait « l’option préférentielle pour les pauvres » , et ils nous disent que c’est là l’option même de Dieu. Le peuple qui aura refuge dans le Nom du Seigneur, c’est un peuple humble, petit et pauvre, nous dit le prophète Sophonie, qui parlait vers la fin de l’indépendance du peuple d’Israël. Au début, pour conclure une alliance avec ce peuple et lui donner sa Loi, Dieu avait choisi un prince égyptien d’origine hébraïque réfugié politique, déchu, devenu berger de brebis dans une nation étrangère, Moïse (Ex.3). Plus tard, pour sauver ce peuple dans une circonstance difficile, Dieu avait choisi un homme, qui se reconnaissait le plus petit de tous les membres du clan le plus dépourvu de la tribu de Manassé, Gédéon (Jug.6). Au moment d’établir une royauté enfin durable en Israël, Dieu avait choisi le dernier-né d’une phratrie, berger lui aussi alors que ses aînés étaient des militaires aguerris, David (I Sam. 16). – Dans la seconde lecture, saint Paul fait nettement comprendre aux néophytes de Corinthe qu’ils sont des gens de peu, faibles, sans culture, il va jusqu’à dire des « riens » : mais ce sont ceux-là précisément que Dieu a choisis ! - Dans l’évangile enfin, c’est, son propre portrait que Jésus trace dans les Béatitudes : Heureux les pauvres, heureux les doux, ce qui nous rappelle : « apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ». Heureux ceux qui pleurent : ne l’avons-nous pas vu pleurer au moins deux fois : sur Jérusalem qui ne veut pas de lui, sur son ami Lazare qui est mort ? Heureux ceux qui ont faim et soif de justice : et lui est venu, ainsi qu’il le dit à Jean-Baptiste « accomplir toute justice ». Heureux les miséricordieux dit celui qui n’est pas venu appeler les justes mais les pécheurs, Heureux les cœurs purs dit celui qui demande aux pharisiens : « qui de vous me convaincra de péché ? » Jésus, Modèle unique disait le Père de Foucauld, était lui aussi humble et pauvre, et c’était sa béatitude.

La caractéristique commune de toutes ces personnes qui apparaissent aujourd’hui dans les lectures ou que nous pouvons rappeler à leur occasion, est que Dieu s’est révélé à elles et qu’il leur a confié une mission : dans l’épisode du Buisson Ardent, pour Moïse, par l’Ange du Seigneur pour Gédéon, par un prophète pour David et pour le peuple décimé à la fin de la Royauté. Les Corinthiens ont été témoins de la puissance de l’Esprit liée à la prédication de Paul. Jésus, enfin et surtout, a entendu son Père l’appeler par son Nom et l’envoyer, que ce soit au Baptême (que nous avons commémoré ces dimanches précédents) ou à la Transfiguration. Comme si un statut de sobriété, de modestie, de vie humble, parfois aussi de souffrances ou de persécution ouvrait à l’Evangile et qualifiait de telles personnes pour l’annoncer.

Chacun de nous, il me semble, s’il est attentif à lui-même, peut découvrir en soi des espaces de pauvreté, d’impuissance, de souffrance, ou, plus simplement de modestie et de simplicité. On peut les découvrir aussi dans tel ou tel groupe auquel on appartient qui se maintient plus ou moins facilement. L’Eglise elle-même était apparemment plus florissante autrefois qu’aujourd’hui ; elle connaît en ce moment des zones d’apparent déclin, mais cela correspond peut-être à ce quelle disait d’elle-même au temps du Concile : servante et pauvre. L’enseignement de l’Ecriture lue aujourd’hui est que ces situations ne sont pas tellement négatives : elles forment une sorte de toile de fond sur laquelle peut se dessiner une Révélation renouvelée, un sens inédit de l’Evangile.

Ne nous est-il pas alors demandé aujourd’hui, en ce dimanche précisément, de faire un peu le point de notre existence, de discerner les éléments de ressemblance avec ce que nous ont dit les textes que nous avons entendus ? Alors, je le crois sincèrement, nous serons conduits par l’Esprit-Saint à mieux connaître Dieu et à comprendre où le Père nous envoie pour que son Règne arrive.

Homélie du 16 janvier 2011 — 2e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - 2e dimanche ord –

Isaïe 49,3,6 – 1 Co 1,1-3 – Jn 1,29-34

Homélie du F.Sébastien

Texte :

L’un ne va pas sans l’autre. Pas de moi sans un toi. Serait-ce qu’une personne ne peut être vraiment connue qu’au sein d’une relation ?

Jésus, tous nous le connaissons un peu, et pourtant il nous reste à découvrir, et d’autant plus que nous avançons dans la vie...

L’évangile lu à l’instant nous l’a montré dans sa relation à son cousin, son aîné de six mois. Pas d’accès à Jésus sans Jean, ce Jean qui proclame ouvertement : « Je ne suis pas le messie attendu, ni Élie, ni le grand prophète annoncé... » Ni, ni, ni... rien que le creux qu’un autre vient remplir... « Celui-là je ne le connaissais pas, mais c’est en vue de sa manifestation à Israël que je suis venu baptiser dans l’eau ».

Et du coup nous voilà, nous aussi, plongés dans les eaux du mystère de Jésus.

Le moment est venu pour le Baptiste de s’expliquer. Mais comment parler d’un mystère, sinon d’abord par des images ? Spontanément, le prophète prend deux symboles simples et il les associe : l’agneau et la colombe.

Commençons par bien les regarder. L’agneau blanc comme laine, la colombe blanche comme neige. L’agneau, le plus petit du troupeau, à terre. La colombe, encore plus petite, dans les hauteurs du ciel. Donc deux tout petits, que leur petitesse rapproche. Il y a plus : l’agneau est la faiblesse même. La colombe, plus encore !

Et voilà que la théologie affleure. N’est-ce pas dans la faiblesse, la vulnérabilité que se manifeste la force venue d’ailleurs ?

L’agneau ne se défend pas sous le couteau du boucher, ou du sacrificateur, pas plus que les deux petits de colombe, décapités d’un geste rapide. Au fil des siècles, le sang des saints innocents aura taché de rouge bien des vêtements blancs. On avait alors besoin de ces sacrifices.

Un jour le visionnaire de l’Apocalypse s’écriera : « Ces gens aperçus dans le ciel, vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d’où sont-ils venus ?... » – « Monseigneur, tu le sais, ils viennent de la grande épreuve. Ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau... L’Agneau se tient au milieu du trône. Il sera leur berger, il les conduira vers des sources d’eau vive. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. »

Cet Agneau s’offre à la contemplation, dans le ciel ouvert, égorgé, debout : éternellement plus fort que la mort!

Il nous renvoie à un autre fort, le Baptiste évoluant sur terre, dans le désert, sous son accoutrement de poil de chameau. Dans la symbolique palestinienne, comparé au plus petit, le chameau est proverbialement le plus gros et le plus fort des animaux terrestres. On disait : « Filtrer le moustique et avaler le chameau ». Jean mangeait des sauterelles, des minimes comme le moustique. Jean le plus grand des prophètes se fait le plus petit lorsque Jésus apparaît : « Après moi vient un homme qui m’a devancé, parce que avant moi il était ». Le chameau s’efface devant celui qui, pris sous ses ailes de la petite colombe, ne fait plus qu’un avec elle. Jean jubile, baigné dans la lumière dont il voit que Jésus est baigné. Sa grande voix emplit encore le désert, jusqu’à nos oreilles : « J’ai vu et je témoigne qu’il est, lui, le Fils de Dieu... Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue. Telle est ma joie et elle est parfaite. » Telle peut devenir la nôtre, si nous entrons en scène.

Le chameau passera par le trou de l’aiguille. Jésus son précurseur pascal lui aura préparé le passage, la porte étroite où ne passent que les devenus rien. Jean ne va pas sans Jésus.

Nous-mêmes, nous ne pouvons aller sans eux, sans un Jean nous préparant à Jésus, sans Jésus cherchant à faire de nous des fils de Dieu. Ce Jésus ne cesse de passer devant. Il nous tend la main pour que nous le suivions jusque dans ses diminutions. N’est-il pas venu faire de chacun de nous un petit selon l’évangile ? Un homme, une femme qu’il appelle à cheminer sans peur, à ses côtés, sous les ailes de la colombe divine ? Les deux ne formeront plus qu’un, accomplissant la figure du serviteur de Dieu selon Isaïe : l’agneau humilié souvent, sinon toujours, un faible... Un faible plus fort que toutes les morts d’ici-bas, un vainqueur aux couleurs de « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », que Jean déclare être le Fils de Dieu.

C’est en lui que peut se faire entendre la voix très douce : « Toi aussi, tu es mon fils bien-aimé, et toi, ma fille, mon unique ».

(2011-01-16)

Homélie du 02 janvier 2011 — Épiphanie du Seigneur — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

EPIPHANIE 02.01.2011

Is 60, 1-6 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12

Père Abbé Luc

Texte :

« Debout Jérusalem. Resplendis : elle est venue ta lumière ! »

Frères et soeurs, c’est ce cri vigoureux du prophète que nous pouvons entendre ce matin dans notre liturgie. On pourrait le traduire : « Debout Pierre qui Vire ! Debout St Léger Vauban ! Debout Auxerre ! Debout Brazzaville ! Debout Saïgon ! ». Oui, car elle est venue notre Lumière, le Christ, venu dans notre chair. Lui le Verbe qui est la vraie Lumière.

« Debout. Resplendis » C’est à une joyeuse fierté qu’exhorte le prophète qui parle à un peuple humilié par les épreuves de l’exil. Une joyeuse fierté qui ne tire pas sa force d’elle-même, mais du Seigneur qui fait lever sur elle sa Gloire. Et de cette Gloire, de cette Lumière, Jérusalem va pouvoir resplendir. C’est ainsi que le prophète poursuit en disant que les « nations marcheront vers ta lumière, et les rois vers la clarté de ton aurore ». Jérusalem va tellement resplendir qu’elle sera elle-même toute radieuse, toute lumineuse et que l’on se tournera vers elle de partout…en apportant des présents.

L’Eglise nous donne de relire cette prophétie comme l’annonce du mystère du Christ qui s’est manifesté aux nations. Si on rapproche cette prophétie de l’évangile, on voit que les choses ne se sont pas passées exactement comme cela. Le Christ Lumière est apparu de manière plus cachée, sans grand éclat. Jérusalem n’en a rien vu, et même a été étonnée, prise de court… Seuls quelques chercheurs lointains semblent avoir pris la mesure de l’évènement. Leur recherche scientifique et leur audace confiante, mais obscure, les a conduits jusqu’à l’enfant. C’est que cette Lumière si grande et si belle ne se donne pas à voir comme l’éclat du soleil. Seule une petite étoile perçue dans le secret d’une recherche attentive a pu conduire jusqu’à Celui qui est la Lumière d’Israël. Oui, cette Lumière ne se laisse pas reconnaitre comme l’évidence du jour qui succède à la nuit. Elle ne s’impose pas à la vue, ni à aucun de nos sens.

Ainsi en sera-t-il durant toute la vie du Christ. Lui, la Lumière du monde, ne choisira jamais les moyens éclatants pour faire connaitre son identité. Ses signes, ses miracles et ses paroles n’auront jamais la force d’une persuasion qui s’impose. Le Christ savait que la révélation de la Lumière devait passer par la croix et par la mort pour atteindre toute sa plénitude. Le Christ, notre vraie Lumière, c’est le Christ ressuscité ! Autrement dit, en ce jour, la Lumière que l’on reconnait dans l’enfant de l’Epiphanie n’est que les prémices de la Lumière du Christ ressuscité qui illumine et sauve tout homme.

Debout. Resplendis ! Comme je le disais, c’est à une joyeuse fierté que nous sommes appelés. Mais quelle est cette joyeuse fierté ? C’est la joyeuse fierté de croire en Jésus, le Verbe de Dieu fait chair, le Christ mort et ressuscité pour nous. C’est la joyeuse fierté d’avoir reconnu combien sa Lumière peut changer notre vie et lui donner une profonde paix. Oui, frères et sœurs depuis 2000 ans, c’est ainsi que s’est répandue la Lumière du Christ, de main en main, de bouche à oreille. Oui, à travers l’Eglise, la nouvelle Jérusalem, en chacun de ses membres, a resplendi cette Lumière qui donne la Vie au monde. Que l’on pense aux premiers chrétiens, aux premiers martyrs, aux générations qui se sont succédé dans nos pays, aux chrétiens d’Afrique, d’Asie, d’Amérique et de tous les continents qui ont porté humblement cette Lumière qui les dépasse. Oui, la Lumière s’est transmis, de luciole en luciole, de chrétien en chrétien qui avait le souci de garder vivant le trésor dont ils étaient porteurs.

En ces temps, frères et sœurs, où le sentiment de n’être qu’un petit reste peut parfois nous écraser, ne perdons pas cette joyeuse fierté. Elle est le cadeau que Dieu nous fait, non pour nous glorifier, mais pour mieux nous confier dans sa Force. La joie n’est pas à la mesure de notre nombre ou de nos forces, mais la joie chrétienne est toujours à la mesure de l’amour reçu et donné. Le Christ est avec nous et veut illuminer notre vie pour qu’elle parle de Lui. Ce matin, en cette Eucharistie, venons refaire nos forces à la Source de la Lumière, le Christ ressuscité, notre joyeuse fierté… (2011-01-02)