Homélies
Liste des Homélies
PRESENTATION DU SEIGNEUR 02.02.2008
Ml 3, 1-4; Lc 2, 22-40
Pre Abbé Luc
Frères et soeurs,
« Mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé à la face de tous les peuples » s’écrie Syméon. Oui, les yeux usés d’un homme avancé en âge ont reconnu dans cet enfant porté par ses parents pour accomplir les rites de la Loi, « le salut offert par Dieu, la Lumière des nations et la Gloire d’Israël »…Syméon, homme juste et religieux, avait certainement beaucoup usé ses yeux à la lecture des Ecritures. Reprenant le psaume 118 (81-82), il a dû redire bien des fois la prière du psalmiste : « Usé par l’attente du salut, j’espère encore ta parole. L’œil usé d’attendre tes promesses, j’ai dit : ‘Quand vas-tu me consoler ?’ » Syméon attendait la Consolation d’Israël, nous dit St Luc…Il a scruté les Ecritures, il a cherché, il a veillé et attendu dans la prière. Aujourd’hui, il voit, et il reconnaît celui qu’il attendait avec beaucoup d’autres, Anne et tous les pauvres du Seigneur comme lui.
Avec Syméon et Anne, St Luc nous place au cœur de la recherche du peuple d’Israël en ce qu’elle a de plus profond : l’attente amoureuse du salut promis par les prophètes. Peuple de veilleurs qui usent ses yeux et son cœur dans le service de son Dieu. Et ce service n’est pas servile. Non, nous sommes en présence de personnes très libres. Syméon sait se mettre en marche vers le Temple, d’un pas qui n’est peut-être plus tellement assuré, pour être fidèle à l’inspiration de l’Esprit-Saint. Il se laisse conduire par un Autre, car toute sa vie lui est consacrée. Et Anne, elle, est remplie de la louange de Dieu. Elle est pleine de cette allégresse, si souvent présente dans les Ps : « Mon cœur exulte, mon âme est en fête (15, 9) ».
Oui, la venue de Jésus dans le Temple, met en mouvement ces anciens et leur fait donner le meilleur d’eux-mêmes. Toute leur attente aimante et patiente s’exprime en paroles de louange et de reconnaissance pour Dieu qui est toujours fidèle à ses promesses.
Et en même temps, ces anciens pétris par leur expérience spirituelle et par leur méditation des Ecritures peuvent aussi déjà entrevoir l’épaisseur de ce salut qui va se déployer en cet enfant. « Ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division »…Annonce douloureuse de l’incompréhension dont sera l’objet Jésus en sa mission. Tous ne le reconnaîtront pas comme ces deux anciens. Il sera même rejeté. Le salut passe par cette contradiction, il en constitue même la traversée victorieuse dans l’Amour que Jésus offrira par sa vie donnée. Sans bien le savoir, les parents de Jésus en venant au Temple avec leur enfant, participent déjà à cette offrande que Jésus fera de sa vie pour le salut de tous.
Ce matin, avec Syméon et Anne, ouvrons nos yeux et notre cœur à cette venue de Jésus lumière pour nos vies ; avec Marie et Joseph consentons à faire de nos actes quotidiens, tous nos devoirs d’état, une offrande unie à celle de Jésus, comme nous le célébrons maintenant dans cette eucharistie. (2008-02-02)
Année ABC - Epiphanie du Seigneur 2008
Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12
Homélie du Père Abbé Luc
2008
Frères et soeurs,
Quel contraste dans les textes que nous venons d’entendre, entre le prophète Isaïe et l’évangile de Matthieu ! D’un côté, une lumière et une gloire éclatante, de l’autre une étoile à peine reconnue. D’un côté une foule qui monte à Jérusalem avec des chameaux en grand nombre, de l’autre trois sages qui cherchent presque secrètement, et avaient-ils des chameaux ? D’un côté, on voit une Jérusalem radieuse, de l’autre une Jérusalem anxieuse…Seul trait d’union qui unit vraiment ces deux textes : la mention de l’or et de l’encens que de part et d’autre on apporte. Que veut nous dire la liturgie en rapprochant ces deux textes si différents, le premier qui est une promesse de consolation au peuple récemment rentré d’Exil, et le second un récit, celui l’adoration des mages devant l’enfant Jésus ? Par ce rapprochement, la liturgie veut, comme souvent, nous apprendre à éclairer les textes des Ecritures, les uns par les autres, pour essayer d’approcher le mystère de Dieu et du Christ qui se déploie dans toute la Bible, d’une façon symphonique plus que rationnelle ou linéaire.
Si on regarde l’évangile à travers le texte d’Isaïe, la scène modeste et presque secrète de l’humble adoration des mages se trouve comme placée sous un fort projecteur. Elle est toute illuminée de ce que le prophète suggérait de l’exultation, de la profusion et de l’éclat de l’honneur rendu à Jérusalem. Les trois mages deviennent les représentants de toutes les nations dont il était question. Leur adoration devient celle de tout homme. Quand à l’identité du nouveau-né, elle se trouve manifestée et chargée d’une gloire immense. Il est la lumière qui s’est levée sur Jérusalem…
A l’inverse, si on projette sur le texte d’Isaïe, le discret éclairage de l’évangile, on mesure alors que la Gloire attendue ne s’est pas manifestée dans la profusion entrevue. Celui qui est toute Lumière, et toute Gloire a choisi de voiler sa présence, de la tenir cachée et discrète. Seuls quelques uns la reconnaissent. La Gloire éclatante que le prophète entrevoyait a brillé d’un autre éclat que celui qu’il avait imaginé. La joie que les mages éprouvent à la vue de l’étoile, apportent un autre éclairage à l’exultation et à l’exubérance promise par Isaïe. La gloire annoncée se manifeste et se perçoit d’une façon autre, cachée presque secrète.
Tout se passe donc, comme si d’un côté le fort éclairage du texte du prophète sur l’évangile nous assurait qu’effectivement, la venue de Jésus est bien celle qui apporte la Lumière et la Gloire que l’on attendait ; et de l’autre côté le modeste éclairage donné par l’évangile sur le texte d’Isaïe nous dit que Dieu a une manière à lui, très discrète, de se révéler. A la fois, c’est la même lumière divine, et à la fois, cette lumière n’est pas comme celle qu’on pouvait imaginer.
Frères et sœurs, comme déjà Noël, cette fête de l’épiphanie nous redit la profondeur du mystère de notre foi chrétienne. Le Dieu auquel nous croyons est vraiment le Dieu de Gloire, mais dans sa manifestation, en Jésus le Christ son Fils, il se dévoile dans la discrétion et la pauvreté de notre vie humaine.
Autrement dit, il désire que nous allions à sa rencontre, comme les mages, humblement, au gré de nos recherches humaines, pour l’adorer en Jésus notre Seigneur, et pour le servir dans nos frères. Dans l’Eucharistie que nous célébrons maintenant, c’est le même mystère qui est à l’œuvre. Le Seigneur Jésus Ressuscité se donne à nous sous les modestes signes du pain et du vin. Et sa Vie offerte veut faire de nous des Vivants de son Esprit. (2008-01-06)
SAINTE MARIE, MERE DE DIEU 1er janvier 2008
Nb 6, 22-27 ; Ga 4,4-7 ; Lc 2, 16-21
Père Abbé Luc
Frères et soeurs,
En célébrant ce matin, la Mère de Dieu, c’est toujours le même mystère de Noël que nous contemplons, en rendant grâce à Dieu pour celle qui a porté et mis au monde le Fils de Dieu. Je disais que nous aimons chanter Marie comme celle qui est pour nous la Porte du Ciel, mais pour Dieu, elle est la Porte de la Terre. Il a suffi qu’elle s’ouvre à l’œuvre de l’Esprit pour laisser grandir en elle, puis à ses côtés, ce Fils venu de Dieu. Marie est Mère car elle est toute ouverture à Dieu qui se fraye à travers elle un passage dans notre pâte humaine. Ce petit de Dieu, et ce petit d’homme, elle va le conduire des balbutiements de l’enfance à la sagesse de l’âge adulte. Oui, le Fils de Dieu a eu besoin d’une mère.
En regardant, la Mère de Dieu, nous aimons surtout regarder celle qui a accepté de tenir son rôle dans la docilité à l’œuvre de l’Esprit. L’évangile nous montre en Marie une figure de mère qui n’est en rien imbue de son rôle ou de ses prérogatives. Elle s’est laissé conduire par les évènements médités en son cœur. Elle a appris peu à peu à obéir à la Parole de son Fils, jusqu’à consentir au pied de la Croix à élargir son cœur à d’autres fils. En regardant Marie, on entrevoit mieux le mystère de toute maternité, mais aussi de toute paternité. C’est un mystère d’accueil de la vie, d’écoute de la vie, et finalement d’obéissance à la vie. Elle est peu à peu devenue la Mère de Dieu, en découvrant tout du début à la fin, ce que cela pouvait signifier. De l’Annonciation jusqu’à la Pentecôte, elle a appris à être là, bien présente et disponible, au bon moment et au bon endroit. Marie est devenue vraiment la Mère de Dieu, puis des hommes, car elle a accepté de rester toujours la servante et la fille de Dieu. C’est dans cette disposition du cœur humble et filial qu’elle a appris à être Mère. Ainsi quand Elisabeth s’émerveille de recevoir la Mère de son Seigneur , Marie ne sait que confesser les merveilles de Dieu pour son humble servante.
En ce temps de Noël, nous ne cessons de chanter le merveilleux échange , celui du Fils de Dieu qui se fait l’un de nous pour faire de nous des fils , comme nous le rappelait Paul. Dieu prend notre nature pour que nous prenions part à sa nature divine. Et en ce jour, le mystère de ce merveilleux échange s’élargit en incluant Marie dans son mouvement. Comme nous l’avons chanté dans l’hymne d’entrée, le Verbe en se donnant nous donne une mère . Le Verbe venu dans la chair fait de Marie la Mère de Dieu. Et inséparablement en faisant de nous des fils, il nous donne sa Mère pour accompagner notre propre devenir de fils de Dieu. Et tout homme en la priant, se sait l’enfant de Dieu , poursuit notre hymne. C’est le merveilleux échange initié par le Verbe de Dieu et qui passe par Marie.
Nous n’avons pas fini de scruter, de méditer les choses de Dieu. Marie est là toute simple à nos côtés pour nous apprendre à le faire avec elle. Elle est Mère de Dieu, elle est notre Mère…N’ayons pas peur de la prier, ne nous tourner vers elle, en la priant, nous nous saurons enfant de Dieu.
(2008-01-01)
Année A – Dimanche Sainte Famille - 30 décembre 2007
Si 3 2-16 ; Col 3 12-21 ; Mt 2 13-23
Homélie du F.Servan
Cette célébration de la sainte Famille aux lendemains de Noel a été instituée dans les années
1890 ,à la fin du XIXe siècle pour encourager et soutenir les familles qui certes sont porteuses d'un bel idéal, mais dont la réalité, comme chacun sait, est plus contrastée: tissée de lumière et d'ombre, de joies et d'épreuves, de liens forts mais aussi de disputes et de blessures, lieu de vie mais parfois d'enfermement. Les sciences humaines analysent ses évolutions: de la famille patriarcale à la famille nucléaire, adoptive, recomposée, monoparentale etc. Probable que Dieu, par-delà les étiquettes sociales ou canoniques, s'intéresse plus aux personnes et à leurs relations dans une histoire (qui inclut pardons et redéparts, retrouvailles, pacification).
De nos jours, un certain nombre de familles aiment faire leur généalogie, en consultant les archives départementales (on arrive à remonter à Napoléon, plus difficilement jusqu'à François 1er). La Bible aussi aime les généalogies (celle de Jésus, par exemple, plus ou moins catholique d'ailleurs !), mais ce n'est pas tant pour se replier sur un passé plus ou moins idéalisé, que pour ouvrir ce passé à une nouveauté, une promesse, à la vie pour aller « plus avant» !
Déjà, au début de la Bible, il était dit « l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme (pour fonder une nouvelle famille) ». .A la fin de la révélation biblique, Jésus ira plus
loin: « Toi, quitte ton père et ta mère et va annoncer la Royaume! ». Certes, il rappelle la parole du décalogue sur l'honneur dû aux parents, mais il l'ouvre à une communauté de frères et de sœurs dans la foi qui témoignent du Royaume qu'il est venu inaugurer. « Et qui est ma mère? Femme, voici ton fils ! Les disciples de Jésus étaient en prière avec Marie sa mère et avec ses frères ».
Sainte famille ! A ce sujet, deux images se présentent à mes yeux ! Toutes deux d'ailleurs des
années 1890, du temps de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de mes arrière-grands-mères. Fleurissaient alors ces images pieuses bordées de dentelles, avec un enfant Jésus bien sage et bien gentil entre Joseph et Mari, autre image, qu'il me soit permis de préférer: un tableau de van Gogh, à la fin de sa vie intitulé « les premiers pas » . Un couple d'humbles paysans, un enfant que sa mère envoie vers le père qui en face lui ouvre les bras. « Va vers ton père risque toi, apprends la vie! » C'est plus vivant et dynamique que la première image.
Mais laissons les images, pour revenir brièvement sur les lectures entendues. Elles nous donnent motifs de louange et aussi intentions de prière. L'évangile a souligné la fonction de protection de l'enfant (Matthieu soulignant sur ce point le rôle majeur de Joseph: « Lève-toi; prends l'enfant et sa mère! »)
La lettre de l'apôtre a évoqué l'éducation à la louange et à la prière au sein de la famille: c'est d'abord de ses parents que Jésus l'enfant juif apprend les psaumes et les hymnes d'Israël, son peuple. On y parle aussi de ce beau concours où l'on s'entraîne à la soumission réciproque (le
concours reste ouvert: vous pouvez y participer) ! « Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth et il leur était soumis ».
Du passage tiré du livre du sage Ben Sirac nous pouvons enfin retenir ces paroles: « Mon fils, soutiens ton père dans sa vieillesse, même si son esprit l'abandonne »,car cela nous fait penser à l'importance aujourd'hui du souci et de la prise en charge des parents âgés, vu l'allongement de la vie ! Pour tous ces motifs, que le Seigneur vienne en aide aux familles et les bénisse ! (2007-12-30)
Année ABC - Messe de la nuit de Noël - 24 décembre 2007
Is 9 1-6; Tit 2 11-14; Lc 2 1-14;
Homélie du Père Abbé Luc
2007
Frères et sœurs,
Comme chaque année, des frères ont réalisé la crèche de l’Eglise. Celle que vous avez sous vos yeux a été faite par nos trois frères vietnamiens arrivés parmi nous durant l’année. C’est l’habitude de confier aux derniers venus, étudiants ou postulants, le soin de faire la crèche. Ainsi d’année en année, la confection de la crèche a donné lieu à une belle créativité et une variété de styles et de situation.
De la crèche vietnamienne, africaine, sud américaine ou malgache, à la crèche située dans un décor zen, dans la rue St Denis, à Paris, sur un chantier de construction ou encore dans une maison sur pilotis…Une étonnante variété qui veut exprimer à travers les décors la conviction de notre foi chrétienne que Dieu ne rechigne à s’approcher d’aucune de nos réalités humaines, et qu’Il vient encore tout près de nous aujourd’hui même…
La crèche, les textes entendus, et la liturgie que nous célébrons maintenant veulent chacun avec des accents différents nous faire entrer dans le mystère d’une rencontre…La rencontre de Dieu avec les hommes, et celle de l’homme avec Dieu, en Jésus.
Quand Dieu vient à la rencontre de l’homme, il va jusqu’à choisir de se faire l’un de nous et de naitre comme un enfant. Dieu échange les prérogatives de sa majesté, et sa gloire pour prendre notre faiblesse et pour être au milieu de nous comme l’un des nôtres, sans rien qui le distingue des autres. C’est ainsi que sans s’en rendre compte, l’empereur Auguste a compté parmi ses sujets recensés le Dieu de l’univers… !
Etonnant mystère que nous ne cessons depuis 2000 ans de méditer à la lumière de la vie de Jésus. Car la vie de Jésus est tout aussi étonnante que sa naissance, jusqu’à sa mort infâme sur une croix, et sa résurrection dans la discrétion au matin de Pâques. Chaque année, nous fêtons Noël pour nous familiariser davantage avec ce mystère de Dieu, le Tout Autre qui peut se faire si proche. Oui, il nous faut sans cesse quitter nos manières spontanées de penser Dieu, un Dieu qui serait ailleurs et Tout puissant, qui serait toujours surplombant voire inquiétant.
En cette nuit de Noël, Dieu nous laisse entrevoir dans cet enfant fragile qu’il est tout proche, et toujours à nos côtés…Lui le Créateur de toute chose nous rejoint au plus intime de nos vies, au plus fragile et aussi au plus banal pour faire un bout de chemin avec nous…
En regardant ainsi Jésus, et à travers lui Dieu, venir à notre rencontre, nous pouvons nous aussi mieux apprendre comment aller à la rencontre de notre Dieu, sans peur, sans méfiance aussi. A-t-on peur d’un enfant, ou d’un homme sur une croix ? Un enfant, ou un homme blessé demande d’abord le respect, l’humble respect envers un être unique et plein de dignité. Dans la rencontre des plus démunis face à la vie, nous trouvons une voie royale pour aller au devant de Dieu.
Un enfant ou un homme blessé par la vie, demande que l’on sache prendre du temps pour l’écouter et l’accueillir vraiment. Dans ce temps passé avec ceux qui croisent nos chemins, dans cette écoute patiente et aimante, nous sommes assurés de croiser le regard de Dieu. Sur ce chemin de rencontre, il n’est pas toujours aisé de marcher. Il nous faut sans cesse demander la grâce.
L’Eucharistie que nous poursuivons maintenant, va nous donner d’aller avec confiance à la rencontre avec notre Dieu. En rappelant la mort et la résurrection de Jésus, le sacrifice qu’il a fait de sa vie pour nous, nous accueillons en échange la Vie de Dieu qui nous est largement offerte, car Il veut venir encore parmi nous, en nous aujourd’hui.
(2007-12-25)
Année A - 3° Dimanche de l'Avent - 12 décembre 2010
Is 35 1-10; Jacq 5 7-10; Mt 11 2-11
Homélie du F.Servan
La JOIE - la PATIENCE (la patience éprouvée ; la patiente espérance). Deux mots (à retenir ce dimanche) et qui disent ce qu'est notre vie chrétienne, telle que vécue et ressentie par nous.
GAUDETE - « Soyez dans la joie du Seigneur toujours! » - c'était une consigne de saint Paul pour notre chant d'entrée.
Et Esaïe (annonçant la joie d'une libération, d'un retour d'exil). « Qu'il se réjouisse ! Le pays aride, qu'il exulte et crie de joie !" le désert et la terre de la soif. Et, dans la prière que j'ai dite en votre nom au début, nous avions cette expression un peu curieuse : « Dirige notre joie vers la joie d'un si grand mystère » (notre joie humaine et chrétienne).
,
Le Messie bien sûr, que nous allons célébrer dans quinze jours à Noël (et je crois savoir que les plus jeunes viendront) : la venue parmi les hommes de Dieu lui-même ("il vient lui-même
et va vous sauver "), petit enfant pour nous sauver et nous conduire aux chemins de la vie.
Et, selon la double visée du temps de l'Avent, ce Messie c'est, au-delà ! La joie de
l'humanité délivrée se pressant dans la Jérusalem du ciel pour acclamer debout le
Fils de l'homme: « Ils reviendront les captifs rachetés par le Seigneur, ils arriveront à
Jérusalem dans une clameur de joie ».
La joie donc et l'orgue qui accompagne et encourage nos liturgies, sait produire
des notes heureuses, légères, joyeuses, mais il peut avoir aussi un jeu et des notes
plus graves, nous rappelant qu'ici-bas, joie va avec patience éprouvée.
Dans le bref passage de la Lettre de Jacques, le mot de patience est revenu quatre fois
(Endurance, patience, être ferme, pas gémir) avec l'image bien de saison de la
graine semée en automne dans les champs ou les jardins et qui, avant de germer et
de sortir au printemps, a bien un peu froid dans le sol gelé: « voyez le cultivateur »
Quant au prophète Esaïe, n’oublions pas qu’il annonce la joie, à un peuple en exil, à des gens humiliés, opprimés qui peuvent rêver de vengeance, aux mains défaillantes aux genoux qui fléchissent, qui s'affolent, se découragent...: l'épreuve!
Dans l'évangile, enfin, nous voyons Jean Baptiste dans l'épreuve, dans un cachot obscur de
la citadelle de Machéronte, au-dessus de la mer morte, et qui est pris de doute (le doute de la foi) et de découragement: « Es-tu Celui qui doit venir? Me suis-je trompé sur ton compte ? ». Jean annonçait un Messie justicier par le feu, messager en quelque sorte de la colère et de la revanche de Dieu.
Or, la pratique de Jésus nous révèle le visage de miséricorde du Père : en son nom il accueille les pécheurs, partage leurs repas, accueille tout homme et toute femme de désir...Réponse de Jésus : « La Bonne nouvelle est annoncée aux pauvres ! » c'est-à-dire à chacun de nous avec ses pauvretés, ses limites, ce qui l'humilie, ce que chacun connaît et que nous confions au Sauveur en ce temps de l'Avent.
Nous revient aussi la tâche de porter cette Bonne Nouvelle aux plus petits et plus pauvres. Mais cette Bonne Nouvelle n’est pas seulement aide et secours, c’est aussi le don d’une joie profonde et imprenable dira Jésus à la Cène, celle qui se cache sans doute dans la dernière phrase de notre évangile : « Grand est Jean Baptiste certes, et cependant le plus petit dans le Royaume est plus grand que lui » !
Qu'est-ce à dire?
Il me semble trouver la réponse à peine une page plus loin, dans ce même Chapitre 11 de
l'évangile de Matthieu : « Jésus dit (Luc écrit: « Il exulta de joie sous l'action de l'Esprit Saint ») « Je te loue, Père, d'avoir caché cela aux sages et de l'avoir révélé aux tout petits. Nul ne connaît le Père et sa bienveillance, sinon le Fils et celui à qui il veut le révéler. Venez à moi vous tous qui peinez, je vous donnerai le repos (la joie imprenable).
Dans nos vies humaines et chrétiennes, il y a des moments de joie qui s'extériorise et aime se partager, mais caché dans nos cœurs (comme un beau lac de montagne, une réserve inépuisable) il y a une joie que fait grandir l'Esprit qui « habite en nos cœurs ». « La joie toujours » disait St Paul au sein même des épreuves joie de l'Esprit, capable de résilience, de rebond rapide, de pardon, qui ne s'attarde pas au négatif, mais s’attarde plutôt sur ce qui est beau et bon.
« Le Seigneur est avec toi, tu es aimé ; la paix soit avec toi, tu aimeras toi aussi ». C'est sans doute pour cela que les moines chrétiens inclinent souvent leur corps (autant que leur âge le permet) en disant :
« Gloire au Père - tel que nous l'a révélé Jésus
Gloire à son Fils Jésus Christ, le Seigneur - qui nous conduit au chemin de la Vie
Gloire à l'Esprit qui habite en nos cœurs. »
Mais c’est aussi cette même joie des enfants de Dieu que nous allons réveiller et alimenter, petits et grands, en regardant nos crèches de Noël. L'enfant, Marie et Joseph, sans oublier l'âne et le bœuf, si patient : dirige notre joie vers la joie d'un si grand Mystère ! Amen
(2010-12-12)
Année C - Avent 1° Dimanche (2/12/2007)
Isaïe 2 : 1-5, Romains 13 : 11-14 ; Matthieu 24 : 37-44
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Les trois lectures de la liturgie de ce 1er dimanche de l’Avent orientent nos regards et nos cœurs vers l’avenir. Ils cherchent à nous présenter ce temps liturgique comme celui d’un temps de désir, un temps d’espérance, porté par une double attente :
- attente des temps messianiques contenue dans l’Ancien Testament, et c’est le prophète Isaïe qui nous accompagnera dans notre préparation à Noël, fête de l’incarnation de Dieu dans notre monde, avec la naissance de Jésus, reconnu comme le Messie, Fils de Dieu, Emmanuel, Dieu avec nous,
- mais aussi attente des derniers temps et de la nouvelle venue de ce même Messie pour le jugement final et l’accomplissement du Royaume de Justice et de Paix.
Dans la première lecture, Isaïe nous fait part de la révélation qu’il a eue au sujet de l’avenir de Jérusalem. Il entrevoit le temps messianique comme celui d’un rassemblement de peuples en marche, vers la montagne de Sion. 2 caractéristiques sont frappantes dans le texte et il nous faut les retenir :
- l’universalité de ce rassemblement qui ne concerne pas seulement Israël, le peuple élu de Dieu, mais toute l’humanité, toutes les nations, invitées à écouter les enseignements du Seigneur et à suivre ses chemins, c’est-à-dire obéir à sa Loi, à sa Parole ;
- et la seconde caractéristique, c’est l’établissement de la paix, en ce temps de bénédiction, où les armes d’entraînement à la guerre (épées, lances) céderont la place aux outils de production agricole (socs de charrue, faucilles).
- Toute cette marche, tout ce rassemblement s’effectuera dans la lumière et la joie du Seigneur.
Saint Paul, dans la seconde lecture, lui, écrit à des chrétiens qui ont cru que le salut est déjà arrivé pour eux. Ils ont confessé Jésus comme le Messie, mort et ressuscité, et en un sens tout a été accompli avec la Croix et la Résurrection. Mais le Christ est remonté au Ciel, avec la promesse d’une seconde venue dans la Gloire pour le jugement définitif, dans les derniers temps. Saint Paul semble penser que ces derniers temps sont imminents. L’aurore va bientôt se lever : le jour est tout proche et le moment est venu de sortir de son sommeil. C’est une invitation à vivre le présent comme une urgence pour se convertir et se débarrasser de toute conduite mauvaise. Appel positif à revêtir les sentiments du Christ, à vivre dans l’amour, dans la lumière et la vérité. L’avenir du chrétien éclaire et donne tout son sens à l’action du présent et à l’espérance qui la porte.
L’Evangile enfin, est en consonance avec les deux premiers textes ; c’est Jésus lui-même qui parle à ses disciples de sa venue. A trois reprises, en quelques lignes, il mentionne la figure du Fils de l’Homme et de son Avènement, imprévisible, à l’heure où les gens ne se doutent de rien.
Ce Fils de l’homme fait référence au livre du prophète Daniel, qui annonçait la venue, dans les nuées du Ciel d’un personnage mystérieux, à qui sera confié la Souveraineté, la Gloire et la Royauté, et cela pour toujours. Ce personnage mystérieux dans le récit de Daniel a un double aspect : individuel et en cela il s’apparente à un ange ou à un être divin, mais aussi collectif, en tant que représentant « le peuple des Saints du Très-Haut », à qui sera confié la Royauté éternelle. Cette venue du Fils de l’Homme rejoint alors la vision du prophète Isaïe de la 1ère lecture, avec le rassemblement final à Jérusalem.
Mais si Jésus annonce à ses disciples cette venue du Fils de l’Homme, ce n’est pas pour leur faire peur ou pour la présenter comme une catastrophe. C’est pour les inviter à la vigilance, et à la confiance dans une attitude d’attente sereine. « Tenez donc vous prêts : ne craignez pas, mais examinez-vous pour le bon discernement de votre quotidien. Alors quand il surviendra, vous ne serez pas surpris ».
Que retenir alors, frères et sœurs de ces 3 textes comme leçon d’espérance ? Nos existences sont tissées d’ombre et de lumière. Elles sont tantôt tirées vers le passé, tantôt apeurées par l’avenir, souvent encombrées dans le présent. Le temps de l’Avent est le temps où Dieu vient nous rejoindre pour l’annonce d’une Bonne Nouvelle, aujourd’hui.
Laissons-nous porter pour conclure par les mots du poète jésuite Didier Rimaud, dans cette belle hymne que nous chantons à l’office :
« Dieu est à l’œuvre en cet âge
Ces temps sont les derniers…
Ne doutons pas du Jour qui Vient
La nuit touche à sa fin
Et l’éclat du Seigneur remplira l’Univers
Mieux que l’eau ne couvre les mers.
Quelle est la tâche des hommes
Que Dieu vient rassembler ?
Que peut-on faire pour hâter
Ce jour tant espéré ?
Pour que ce jour ne nous perde,
Ce jour comme un voleur,
Ne dormons pas aux ténèbres
Veillons dans le Seigneur !
Dieu est Amour pour son peuple
Il aime pardonner
Il veut sa liberté
Déchirons notre cœur, revenons au Seigneur
Car Il est le Dieu qui revient. »
(2007-12-02)
C 2007 – 32° Dimanche 11 novembre 2007
Lectures : 2 M 7,1-2.9-14/ / 2 Th 2,16-3,5 / Lc 20, 27 38
Homélie de frère Matthieu
Les textes de ce jour nous parlent de résurrection des morts, de la vie au-delà de la mort…
Question existentielle s’il en est ; question difficile et sur laquelle nous n’avons pas forcément d’idées bien claires, de paroles très assurées, même si nous sommes chrétiens et même chrétiens convaincus… Face à la mort concrète, celle de nos proches, la nôtre envisagée, comment ne pas entendre toujours la question : et après ? … et peut-être aussi le murmure : s’il y a un après ?
Que nous disent donc les textes que nous venons d’entendre ?
Le premier nous parle du martyre d’une famille entière dans un contexte de violente persécution contre le peuple d’Israël et contre sa fidélité à la Loi de Dieu qui se veut fidélité à son Alliance.
Une première constatation, ce récit qui date du IIème siècle avant Jésus, qui est un des tout derniers de notre Ancien Testament est pourtant un des premiers, sinon le premier de toute la Bible, où s’affirme clairement l’espérance d’une résurrection des morts.
Signe que la question pour être de toujours n’est pas de celle dont la solution se trouve d’emblée… Pas étonnant donc si la question demeure pour nous et si l’espérance, la foi en la résurrection des morts est lente à émerger dans nos propres réponses, dans nos propres vies.
Que dit le texte ?
Il parle de « résurrection pour une vie éternelle » : nous changeons de monde et c’est du monde de Dieu dont il est question ici maintenant.
Il parle d’une résurrection très concrète pourtant : il s’agit bien de « retrouver ses membres » rompus par la torture : résurrection des corps donc.
Il parle de cette résurrection des corps comme d’une création nouvelle dont Dieu seul a le secret.
L’évangile de Luc reprend la question de la résurrection des morts dans un contexte polémique. Les Saducéens s’en tiennent à la Révélation contenue dans la seule Loi – les cinq premiers livres de notre Bible… et ils n’y trouvent pas d’énoncé sur la résurrection… pas plus d’ailleurs que l’existence d’anges…
Jésus leur réplique dans la plus pure tradition pharisienne qui est la sienne : il y va de la juste interprétation des écritures !
Il coupe court d’abord à l’ironie méprisante des Saducéens qui inventent une histoire ridicule pour rendre invraisemblable l’idée même d’une résurrection des morts. Il affirme d’emblée que le monde de la résurrection n’est plus notre monde d’aujourd’hui : il est celui de la vie éternelle, on n’y meurt plus ; dans ce monde de Dieu, ce sont les anges qui sont les modèles des vivants, des « fils de Dieu ».
Les anges ? Qu’est-ce à dire ?
Non pas notre imagerie populaire, non pas de purs esprits – et c’est quoi au juste un pur esprit ?! Non pas des angelots de notre art baroque…
Dans la Bible, les anges sont ceux qui vivent en présence de Dieu, ceux « qui voient la face de Dieu », ce sont aussi les messagers de Dieu, porteurs de sa Parole… Nous n’en savons pas plus, mais c’est l’essentiel : ce sont des vivants pour Dieu ; vivants de la vie même de Dieu, ils vivent dans la Parole de Dieu reçue et échangée, reçue et célébrée dans la louange.
Quant à la résurrection des morts, Jésus la lit dans la Loi, au livre de l’Exode, dans l’épisode du Buisson ardent. Qu’est-ce à dire ?
Que le Seigneur se nomme lui-même, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, Dieu des vivants et non pas des morts. « Tous vivent pour lui » ; c’est la création et l’alliance qui se trouvent accomplies : la vie de Dieu est leur vie, notre vie, elle circule en liberté et plénitude, elle circule entre toutes les créatures, elle circule en nous et entre nous.
Tout est-il clair pour autant en matière de résurrection des morts ?
Sans doute pas, mais le mystère de notre résurrection, qui est encore à venir et dont nous ne pouvons encore avoir le dernier mot est mis dans sa vraie lumière, celle de Dieu.
La vie aura le dernier mot ; la mort n’existera plus, ce qui fait le meilleur de nos vies, de nos corps, la beauté de la création, la beauté de la relation – ce que la Bible appelle l’Alliance – seront vécus en plénitude et pour toujours.
Nous pouvons espérer être en Dieu plénitude de vie et de relation, corps ressuscités dans le Christ ressuscité, Corps du Christ, Création nouvelle dans la Nouvelle alliance qui est la vie de l’Esprit en nous.
Frère Matthieu Collin
Année ABC - Messe de la Toussaint - 1 Novembre 2007
Ap 7 2-4, 9-14; 1 Jn 3 1-3; Mt 5 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
b]2007
Frères et soeurs,
Illusion ou réalité ? Telle est la question qui peut surgir de notre esprit après avoir écouté cet évangile des béatitudes.
Illusion que ces promesses faites aux pauvres, aux doux, à ceux qui pleurent, aux cœurs purs ? ou bien réalité ?
Est-ce là un doux rêve ou bien est-ce la révélation d’une vérité plus profonde sur ce que nous sommes ?
La question n’est pas neuve, et elle nous est souvent renvoyée à nous chrétiens. Parler comme le fait Jésus, n’est-ce pas une manière facile d’éviter les nécessaires combats d’ici-bas en projetant dans l’au-delà un futur radieux ? Ne fait-on pas la promotion de la faiblesse et de la démission, comme pouvait le reprocher Nietzsche au christianisme ?
Oui, ces questions nous traversent tous, autant que nos contemporains sceptiques, car la parole du Christ vient renverser nos repères habituels et nos échelles de valeurs communes.
Le Christ porte sur notre vie humaine une lumière nouvelle : pauvreté, pleurs, pureté, persécutions, tout cela est appelé à trouver sens.
Là nous sommes immédiatement portés à trouver cela insensé, Jésus nous révèle que de là peut s’ouvrir une porte vers le bonheur. Là nous sommes inclinés à rechercher notre assurance dans l’affirmation de soi ou dans les rapports de force, Jésus nous dit que tout cela est illusion. Seuls ont de l’avenir, les hommes et les femmes qui cultivent la pauvreté de cœur, la douceur, la paix ou la quête de la justice.
Oui, cet évangile des Béatitudes nous révèle la réalité de notre vie humaine, ce qui lui donne du poids, un poids d’éternité. Sous l’apparence de la faiblesse ou de l’échec, une réalité se cache qui se dévoilera pleinement dans la lumière de Dieu : c’est la réalité d’une humanité bâtie, non sur la puissance, le succès immédiat ou l’éclat, mais la réalité d’une humanité vraie, profondément ouverte et donnée à autrui, sans soucis angoissé d’elle-même. Alors ce qui semblait réalité à nos yeux de chair deviendra illusion et ce qui semblait illusoire ou négligeable deviendra réalité.
Dans la seconde lecture, st Jean nous laisse entendre cela avec d’autres mots quand il dit : Bien aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne parait pas encore clairement .
Dès maintenant nous sommes, mais ce que nous serons ne parait pas encore clairement. La réalité de notre condition d’enfant de Dieu est là, mais elle est encore voilée. Quelque chose est encore à dévoiler. Par notre baptême, nous sommes devenus enfants de Dieu et toute la vie divine nous est donnée.
Une énergie formidable nous est offerte en Jésus, l’Esprit Saint, pour transformer notre histoire humaine blessée. Mais les fruits de cette transformation n’apparaitront pleinement que dans la lumière de Dieu. Notre condition d’enfant de Dieu est pour une part cachée, à nos yeux et à ceux d’autrui. Pas d’éclat ou de grande manifestation glorieuse, mais plutôt une lente croissance à la mesure de la grâce et de notre libre consentement.
C’est le dynamisme du Royaume à la manière d’un levain ou d’une petite graine. La tentation pour nous les enfants de Dieu, est de ne pas croire à ce dynamisme caché dont nous sommes porteurs. Nous voudrions qu’il soit immédiatement visible et manifeste. Nous voudrions qu’il s’impose à tous. Et nous pouvons être tentés de vouloir rechercher le succès à la manière humaine.
Mais ce serait alors retomber dans l’illusion, et délaisser la réalité cachée du Royaume qui grandit d’abord dans les cœurs pauvres, doux et purs…
Quand l’Eglise nous donne de célébrer la fête de tous les saints, elle nous donne de porter nos regards vers cet avenir qui nous est promis et que les saints et tous les amis de Dieu goûtent déjà.
Ce regard ne nous fait pas échapper au réel. Il veut au contraire nous encourager à laisser grandir, dans notre aujourd’hui, dans nos vies d’enfants de Dieu, ce qui a vraiment de l’avenir, ce qui construit le Royaume : heureux les pauvres de cœurs, heureux les doux, les artisans de paix, les affamés de justice.
Que l’exemple et l’intercession de tous les amis de Dieu, nous affermisse dans notre foi et dans notre marche
(2007-11-01)
Année C - 26e dimanche du Temps Ordinaire – 30 septembre 2007
Am 8 4-7 ; 1 Tim 6 11-16 ; Lc 16 19-31
Homélie du F.Servan
Voici une belle histoire ! Il semble que l'évangile selon saint Luc plaise à beaucoup (petits et
grands), entre autres parce qu'il est le seul des évangiles à nous rapporter ces paraboles ou histoires
imagées telles que le Bon samaritain, le Père prodigue et ses deux fils, et aujourd'hui, le riche et le pauvre Lazare.
Il se peut qu'il plaise moins aux riches de ce monde, parce qu'il semble souvent leur
chercher des « crosses » ou tel un bon toréador évangélique, il leur envoie des banderilles à
répétition (mais ils ont la peau dure !)
Luc avait bien annoncé la couleur du programme dans sa version des Béatitudes de Jésus:
" Heureux les pauvres, le Royaume de Dieu est à eux !
Hélas ! Vous les riches, vous avez votre consolation !
Hélas ! Vous qui êtes repus maintenant vous aurez faim (et soif) ... "
Et dans le Magnificat de Marie, toujours selon Saint Luc, on entend :"Il comble de biens les affamés - renvoie les riches les mains vides"
Pour en revenir à l'évangile de ce jour, Jésus y reprend une de ces histoires en forme de conte
populaire familière au Proche Orient (un peu genre .conte des mille et une nuits). Dans un conte pour capter l'attention, les traits sont forcés, parfois jusqu'à la caricature), à gros coups de pinceau ou de fusain (un peu comme dans ces tableaux ou gravures du Miserere de Rouault).
Ainsi notre riche n'est pas seulement riche mais étale un luxe outrageant (ce qu'on n'aime pas, aujourd'hui comme hier): littéralement il est dit qu'il s'habille de Bissus, de lin fin, pour son vêtement de dessous et pour l'extérieur, d'une tunique pourpre, splendide ... et, il fait CHAQUE JOUR la fête! "Chaque jour" ... c'est quand même excessif ... et dangereux pour sa santé!
En contraste, pour le pauvre, qui seul est nommé, connu de Dieu (Lazare : El-Azar : Dieu aide!) c'est le comble de la misère: petite digression sur le coup de pinceau final :" C'était plutôt les chiens qui venaient lécher ses plaies ». S'agit-il de gentils toutous compatissants ... précurseurs des anges qui le conduiront au paradis? Vu que dans la Bible, à l'exception du chien de Tobie, les chiens n'ont pas bonne presse ... il s'agirait plutôt de ces « clebs » (en hébreu ! keleb ... ou en arabe dialectal) de ces chiens errants dans les ruelles du Proche Orient, familiers des poubelles et du reste. Donc, le comble de la misère…
Laissons les chiens ... pour revenir aux hommes! Notons que le pauvre Lazare voit la fête quand le portail est ouvert, puisqu'il voit tout ce qui tombe de la table du Riche. Celui-ci ne le voit pas, ou ne veut pas le voir, enfermé dans sa tour d'ivoire, comme les riches de Samarie dénoncés par le prophète Amos: « Rappelle-toi de Lazare » lui dira Abraham. Au séjour des morts, il lève enfin les yeux, mais c'est trop tard : il voit de loin celui qu'il n'avait pas vu ou pas voulu voir de près. La distance établie par lui sur la terre devient un grand abîme. Une fois de plus, on en revient au mot si important de RELATION! « Je crois à la résurrection de la relation »
Faire attention à la qualité évangélique de nos relations humaines sur la terre, c'est sûrement plus important que l'imagerie du conte populaire sur l'Au-delà ... que Jésus reprend simplement en restant dans les limites de son incarnation dans un temps et une culture donnée.
On peut d'ailleurs noter que cette imagerie ne correspond pas tout à fait à nos représentations enfantines du ciel et de l'enfer! Il s'agirait plutôt de salles d'attente avant le jugement et la résurrection collective. Pour Lazare, salle d'attente de Première classe, dans une sorte d'Eden, de jardin agréable aux eaux abondantes ... d'où la demande du riche: « que Lazare trempe donc son doigt dans cette eau fraîche et me rafraîchisse la langue ! » ... car lui, dans l'Hadès, sous terre est dans une salle d'attente beaucoup trop chauffée dont on ne peut pas ouvrir les fenêtres ...
Quoiqu'il en soit, ce qui importe, encore une fois, c'est la qualité évangélique de nos relations humaines ici-bas, en particulier avec ceux qui ont besoin de notre aide et de notre secours.
Pour ce faire il importe d'ECOUTER et de REGARDER.
Ecouter la Loi et les prophètes (les Ecritures du temps de Jésus) et, pour faire bonne mesure, le chrétien y ajoutera l’Evangile et le Nouveau Testament : écouter et obéir, y revenir souvent, s’en laisser imprégner, se tenir sous leur lumière aux chemins de notre vie ...
Mais écouter les Ecritures ne suffit pas; il faut aussi regarder la réalité autour de nous : voir juger, agir. Regarder la réalité des richesses dans le monde de ce temps (il y a quand même des medias valables pour informer l'opinion sur ce point). Bien sûr, nous n'avons pas de solution magique pour réformer l'économie mondialisée, mais on peut soutenir, encourager telle ou telle amélioration et entraide ...
Et autour de soi, voir, regarder toujours mieux qui a besoin de mon aide, attention, regard, écoute, entrée en relation ... que ce soit l'enfant, la personne âgée ou malade, le plus pauvre, ou tout simplement mes compagnons ou compagnes de vie.
"Faites-vous des amis avec l'argent trompeur, afin qu'au jour où il n'aura plus cours, ceux-ci vous accueillent dans les demeures éternelles" nous conseillera Saint Luc, dans un autre passage ...
Et, puissions-nous, avec beaucoup, entendre un jour le Christ Seigneur nous dire:" Venez
les bénis de mon Père ... venez prendre place avec Abraham et Lazare; car j'ai eu faim et
vous m'avez donné à manger, j'étais nu et vous m'avez vêtu ... " (2007-09-30)