vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 24 avril 2011 — 17e dim. ordinaire — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Année A - 17° Dim du Tps Ord - Profession solennelle du F.Jean-Paul Albertini

Tb 12 6-7,17-18; Ps 39; Eph 2 19-22; Jn 21 15-19

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

En ce jour de profession, f. Jean Paul vit une étape importante de sa vie humaine et

chrétienne. Pour en mesurer toute la portée, il nous faut nous arrêter sur ces textes choisis par

notre frère. Je le ferai en prenant trois mots, qui nous serviront de clefs pour entrer plus

profondément dans cette célébration. Voici ces trois mots: aimer, construire, chanter. ..

Aimer... Est-il incongru de parler d'amour en ce jour où se scelle une profession religieuse

par laquelle un homme renonce à jamais à la joie et à la beauté de l'amour conjugal ? Non, il faut

même insister pour dire que lorsque l'on fait profession, on ne s'engage pas à renoncer à aimer.

Au contraire. Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? demande Jésus à celui qui vient de le

renier. .. La question est insistante, voire dérangeante.

Que fait Jésus ici ?

Est-il en train de vouloir à tout prix se concilier l'amitié de son disciple ?

Veut-il faire une sorte de pression affective sur son ami ? Ou bien s'agit-il de tout autre chose ?

M'aimes-tu ? , Cette question ramène Pierre au lieu du cœur, lieu qu'il avait déserté par sa triple trahison. Elle le ramène au lieu du cœur pour l'ouvrir à une autre dimension de l'amour : Sois le pasteur de mes brebis . Loin d'attirer Pierre à Lui, Jésus est en train de lui apprendre sa propre manière d'aimer qui est d'aimer tout homme.

Aimer Jésus vraiment et totalement va engager Pierre sur les voies d'un amour toujours plus large de tout homme. M'aimes-tu ? : c'est cette question que chaque religieux a entendu un jour d'une manière ou d'une autre. Profonde question qui vient ouvrir très grand en nous, le désir de nous attacher au Christ sans retard et sans partage.

Dans quelques instants, la première question posée à f. Jean-Paul viendra vérifier si telle est bien sa motivation profonde : Fils de Dieu, veux-tu donner ta vie par amour du Christ, et en communion avec tes frères dans ce monastère ? .

On ne peut s'engager dans notre vie monastique, si nous n'avons pas reconnu cet Amour du Christ pour nous qui suscite en retour notre propre Amour pour Lui, et pour les frères de la communauté, ainsi que pour tout homme.

M'aimes-tu ? F. Jean Paul, cette question n'est pas seulement une question du passé. Le Christ te la poses aujourd'hui, et te la poseras demain encore pour t'entrainer toujours plus loin sur la voie de l'amour. Elle est là comme un aiguillon. Par-là, le Christ ne cesse de te renouveler son amour et sa confiance. En t'engageant à ne rien préférer à l'amour du Christ, tu deviens un témoin de son amour pour tes frères , et pour tout homme que tu rencontreras. Ne cesse pas de laisser résonner cette question dans le secret de la prière, dans

l'écoute et l'étude de la Parole, dans la présence très quotidienne aux frères, dans les bons et les

mauvais jours, dans l'abondance et la pauvreté, dans la souffrance et la joie .

Construire ... Construire une maison, ne se fait pas n'importe comment. Il y a des règles, des méthodes et des procédés précis. Il y a une multitude de matériaux à rassembler et à assembler pour que s'élève peu à peu l'édifice. Ainsi en va-t-il de l'Eglise comme le suggère si bien St Paul dans la lettre aux Ephésiens : Vous êtes citoyens du peuple saint, membres de la famille de Dieu, car vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les apôtres et les

prophètes .

La venue du Nonce, hier, nous a rendu plus sensible notre appartenance à cette grande maison qu'est l'Eglise, fondée sur les apôtres, sur Pierre, ainsi que la présence de Mgr

Patenôtre ce matin avec nous. C'est dans cette grande construction que s'insère notre communauté pour vivre de la vie du Christ et devenir un temple saint dans le Seigneur . Et ce matin, c'est dans la petite construction de notre communauté que tu viens t'adjoindre, f. Jean-Paul. Comme

une pierre dans l'édifice, tu viens prendre place et sceller l'alliance. Dans un édifice de pierres, une fois le béton et le ciment pris, normalement l'ensemble garde sa cohésion et ne bouge pas trop.

Dans un édifice de pierres vivantes, comme peut l'être une communauté monastique, il en va tout autrement. La pierre vivante que chacun de nous est ne cesse de devenir et du coup de devoir s'ajuster aux autres, et les autres à elles. Il peut même y avoir des frottements, des blocages parfois. Faire communauté, construire l'édifice pour ensemble devenir le Temple de l'Esprit, demande beaucoup de travail à chacun, travail sur soi-même, travail sur sa manière de voir et de

vivre les choses. C'est le sens des vœux que tu prononceras dans quelques instants.

En faisant vœu d'obéissance, de conversion de tes mœurs, et de stabilité, tu exprimes ton désir de demeurer une pierre vivante, toujours en travail d'ajustement et d'affinement.

Par les vœux, tu manifestes ta volonté de prendre pleinement ta part dans la communauté, en respectant les règles de sa

construction, que sont la Règle de St Benoit et les Constitutions de la Congrégation de Subiaco.

F. Jean-Paul, prends ta part généreusement et joyeusement dans la construction de la communauté, sans t'effrayer ni te décourager devant les difficultés de relation qui ne manqueront pas.

St Paul nous laisse cette affirmation comme une promesse: En lui, vous êtes, vous aussi des éléments de la construction, pour devenir par l'Esprit Saint, la demeure de Dieu . Oui, avec toi, ensemble, nous voudrions que notre monastère soit vraiment la maison de Dieu, comme St Benoît aime le

désigner.

Chanter. L'ange Raphaël qui a accompagné Tobie et son père les invite à bénir et à chanter Dieu pour tous ses bienfaits. Faites connaitre à tous les hommes les actions de Dieu comme

elles le méritent. Ne soyez pas lents à le célébrer ! .

Ces paroles de l'Ecriture ne sont pas sans rappeler plusieurs passages de la Règle où Benoît invite le moine à se hâter pour quitter son lit ou ses activités afin d'aller chanter l'office, car il ne doit rien préférer à l’œuvre de Dieu. La première

part de notre vie monastique est là : dans la présence à Dieu pour le chanter au rythme des heures du jour et de la nuit, pour le célébrer aussi dans l'eucharistie. Chanter Dieu et le célébrer pour toutes ses merveilles, celle du don de la vie, et celle plus grande encore du don de son Fils, mort et ressuscité pour nous, comme nous en ferons mémoire dans quelques instants.

Chanter Dieu avec toute l'Eglise parce qu'il est Dieu et parce que là s'exprime le secret bonheur de l'homme de pouvoir se tourner vers Lui, comme nous le ferons lorsque nous serons devant sa face.

Dans un chœur monastique, toutes les voix sont importantes. Chacun apporte sa part unique à l'ensemble.

F. Jean-Paul, tu aimes chanter, tu aimes la musique. Tu apportes ainsi ta contribution à notre chant. La qualité et la beauté de la liturgie nous aident à unir nos cœurs pour entrer plus avant dans le mystère de notre Dieu, avec tous les hommes. Oui, notre prière et notre chant, à travers

l'Eglise, nous unit à la quête mystérieuse de tout homme. Quête qui ne sait pas toujours trouver les mots, qui ne sait pas bien vers qui crier sa souffrance ou dire son bonheur. C'est uni à tous, f. Jean-Paul, qu'avec nous tu vas apprendre à chanter jour et nuit, pour porter vers Dieu la vie des hommes.

Aimer, construire, chanter, voilà quelques balises pour repérer le chemin qui s'ouvre devant le f. Jean-Paul. Ensemble, prions pour lui, et avec lui unissons-nous par l'offrande de nos vies, à l'offrande du Christ.

(2011-07-24)

Homélie du 22 avril 2011 — Vendredi Saint — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

VENDREDI SAINT

Is 52,13 - 53,12 ; He 4, 14-16 ; 5, 7-9 ; Jn 18,1 - 19,42

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Ce matin à l'office, nous chantions dans une hymne: « Pour embrasser toutes les

races, dans sa bénédiction de feu, Jésus étendit les bras: le monde est attiré au centre du

foyer où l'on peut voir brûler le cœur de Dieu ». Et comme en écho, nous entendions la

réplique d'un musulman soufi, parlant de la croix de Jésus avec Christian de Chergé : «quand

j'étends les bras, c'est pour embrasser, c'est pour aimer» ...

C'est de cet amour brûlant dont nous voulons faire mémoire, ce soir, frères et sœurs.

Sur la croix hideuse, Jésus a dessiné avec ces deux bras, une autre croix qui embrasse le

monde et voudrait le rassembler tout entier sans perdre un seul de ses enfants. Aucun être n'est

exclu de la bonté du Père. C'est la certitude de notre foi quand elle regarde la croix. Dans

quelques instants, nous pourrons vénérer avec respect cette croix, parce que Jésus, élevé de

terre, en a fait le lieu de rassemblement des enfants de Dieu dispersés. Là, il a brisé les

frontières qu'érigent les hommes. Là s'écroule le mur de haine qui les sépare. Au pied de ce

bois de malédiction, s'offre à tous la bénédiction de feu du Christ mort et ressuscité. C'est la

raison pour laquelle l'Eglise en ce jour voudrait n'oublier personne dans sa prière. Elle

présente toutes les intentions des hommes à la bénédiction de feu du Christ. Tous ont place

dans le cœur de Dieu.

Que cette célébration de la Croix nous réconforte, frères et sœurs, sur notre chemin

parfois peineux. Au cœur de nos lieux d'épreuve et de souffrance, le Christ nous rejoint et

nous donne sa vie nouvelle. Acceptons aussi frères et sœurs, d'être dérangés par la croix du

Christ. La croix qu'il a dessinée avec ses bras sera toujours une croix qui nous bouscule. Car

elle élargit notre regard et notre cœur. Si elle est notre fierté, notre signe d'identité chrétienne,

elle ne le sera jamais pour exclure l'autre. La croix du Christ ouvre une brèche sur nos

frontières, nos limites, nos protections à l'égard des autres. Cette brèche ne se refermera

jamais.

Homélie du 21 avril 2011 — Jeudi Saint — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

JEUDI SAINT

Ex 12, 1-8.11-14; 1 Co 11,23-26; Jn 13, 1-15-

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et Sœurs,

Elle est belle et étonnante, la page d'évangile que nous venons d'entendre, en ce soir

où nous faisons mémoire du dernier repas de Jésus avec ses disciples. Etonnante, car elle se

présente à nous, à la fois très solennelle et très familière. Solennelle par le ton et la hauteur de

vue qu'elle nous invite à prendre: «Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde les

aima jusqu'au bout ... sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu'il est venu de Dieu

et qu'il retourne à Dieu» ... Le cadre est posé. En cet instant, c'est toute la mission de Jésus

qui est comme récapitulée, concentrée ... Mais cette page est aussi très familière en nous

donnant à voir Jésus qui accomplit une tâche si quotidienne, quand il lave les pieds de ses

disciples. Le contraste entre les deux registres solennel et familier est saisissant. On aurait

attendu après la solennité du début, une action d'éclat ou une grande déclaration. Rien de tout

, cela, Jésus se met à laver les pieds des disciples. Avec ce contraste, nous sommes au cœur du

mystère de la Pâque de Jésus. Essayons de mieux le comprendre, en contemplant les mains de

Jésus à l'œuvre ...

En ce soir, Jean affirme que Jésus sait que« le Père a tout remis entre ses mains ». Et

Jésus, avec ses mains, va lentement laver et essuyer les pieds de ses disciples. Le Père a tout

remis entre ses mains. Cette expression en d'autres passages de l'évangile laisse entendre que

tout le dessein du salut, initié en faveur du peuple d'Israël, est désormais confié à Jésus. C'est

lui qui, ici et maintenant, en porte la responsabilité: il est le Fils aimé du Père qui reçoit de lui

l'Esprit sans compter, pour dire les paroles de Dieu (Jn 3,35) ; il est le bon pasteur dont la

sollicitude pour toutes ses brebis est telle que personne ne peut les arracher de sa main (Jn 10,

28). Mains du Fils qui reçoivent tout du Père, mains du pasteur qui soignent les brebis pour

leur donner la vie éternelle.. .et ce soir, mains du serviteur qui lavent et essuient les pieds des

disciples.

.

En aucun autre passage de l'évangile, nous voyons Jésus s'engager aussi physiquement

dans une action concrète. Lui, le charpentier avait laissé ses activités manuelles pour devenir

un prédicateur, un maitre itinérant. .. Il avait bien fait une fois de la boue avec sa salive pour

ouvrir les yeux de l'aveugle-né. Mais ce soir, il est tout entier donné, à genoux aux pieds de

ses disciples. Et il les lave ... Les disciples ne comprennent pas ... « Tu comprendras plus

tard» : lance Jésus à Pierre. Et l'explication sur l'exemple,' donnée par Jésus en fin.de récit,

n'épuise pas toute la portée du geste ... Il y a quelque chose à comprendre plus tard. Plus tard,

quand les mains de Jésus seront crucifiées, percées sur le bois. Plus tard quand là sur. la croix,

totalement impuissantes ses mains engageront l'ultime action, leur ultime travail. Liées sur le

bois, elles vont délier le nœud très profond du mal et du péché dont la main humaine se rend si

souvent coupable. L'énigmatique geste du lavement des pieds s'éclairera alors peu à peu. Les

mains attachées à la Croix signeront le don total du corps de Jésus; et ses 'mains percées qui

laissent couler le sang laveront définitivement l'homme de tout mal ... Oui, les mains qui

lavent les pieds des disciples expriment le même mystère que les mains qui offrent le pain et le

vin. «Ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous ». C'est le

mystère de l'ultime remise de soi. Jésus, à qui le Père avait tout remis, se remet à son tour

totalement au Père pout porter à son achèvement l'œuvre de salut du monde ... En nous lavant,

en s'offrant pour nous jusque dans la mort, il nous purifie et il nous donne la vie ...

Dans quelques instants, nous a1lons recevoir dans nos mains (ce Corps où rien ne peut cacher le cœur du Père », pour reprendre une hymne que nous chantons en Carême. Nos

mains humaines sont appelées à former « comme un trône» pour accueillir notre Seigneur,

selon la belle expression de St Cyrille de Jérusalem. Le Fils nous donne tout en se-donnant lui-

même. Il se remet entre nos mains. Mains humaines, mains de pécheurs pardonnés et mains sauvés pour participer à la construction du Royaume que le Christ poursuit à travers son Eglise.

Apprenons ce soir de Jésus, à vivre le don de nous-mêmes comme lui-même l’a vécu. Laissons-le nous entrainer à sa suite sur son chemin de mort et de résurrection.

Homélie du 10 avril 2011 — 5e dim. du Carême — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - 5° dimanche de Carême - LA RÉSURRECTION DE LAZARE

Ez 37 12-14 ; Rm 8 8-11 ; Jean 11 1-45

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Le père Philippe Maillard que vous connaissez peut-être, nous racontait un jour qu’au début de son ministère d’aumônier de prison, lorsqu’il visitait un détenu accablé par une condamnation très lourde, il essayait de le consoler. Vingt ans plus tard, il lui passait un savon,

: « ce n’est pas parce que tu as fait des âneries, que tu vas rester couché ! Non ! Debout ! Il s’agit maintenant de devenir un homme. Si tu veux, je suis là pour t’aider ».

C’est ce qui s’appelle : aider quelqu’un à ressusciter. C’est, plus ou moins, notre tâche à tous. C’est ce que veut nous apprendre l’évangile d’aujourd’hui. Voyons cela.

A l’arrière plan, l’immense amour du Père, de notre Père. Jésus nous a déjà beaucoup parlé de lui. C’est lui qui nous a donné la vie, c’est lui qui nous a envoyé son Fils, c’est en lui qu’il veut nous arracher à nos morts, nous faire sortir de nos tombeaux d’aujourd’hui et de demain. Nos tombeaux, vous le savez, sont de toute sorte… Mais finalement ils se ramènent tous à trois types essentiels.

Le premier tombeau, c’est celui de la peur de la mort, celui où sont enfermés les disciples de Jésus au début du récit, lorsque nous les voyons morts de peur. Et qui d’entre nous n’a jamais connu, plus ou moins cela ? La peur étreint les disciples à l’idée que Jésus, leur maître, leur sécurité, leur avenir, va se jeter dans la gueule du loup s’il cherche à rejoindre Marthe et Marie. Là bas ses ennemis mortels le guettent, et son sort est réglé d’avance… Les disciples se mettent donc en travers de sa route : « Rabbi, tout récemment les juifs de Jérusalem cherchaient à te lapider, et tu retournes là bas. C’est de la folie ! » Oui, Jésus est fou, fou d’amour pour Marthe, pour Marie, pour Lazare, pour nous tous, et c’est pourquoi il domine sa peur. « N’ayez pas peur, je vais aller le réveiller. Entendant cette voix qui balaie les objections, Thomas, est comme réveillé, il sort du tombeau de sa propre peur, puis, immédiatement aide ses compagnons à sortir du leur, par ces mots courageux, entraînants : « Allons nous aussi, pour mourir avec lui ». Debout les morts ! Et tous partent avec Jésus. C’est la première résurrection, celle des futurs apôtres, qui commencent à entrer dans la mystère pascal de leur Maître.

Le deuxième tombeau, ce n’est plus la peur de la mort, mais la troublante fascination de la mort. Une fois la mort survenue, la difficulté à s’en détacher pour repartir vers la vie. C’est le tombeau où Marthe et Marie sont enfermées avec leur frère mort sur le cœur, ce cadavre dont elles ne savent pas quoi faire, puisque c’est trop tard : si Jésus avait été présent, il aurait pu guérir le malade – on le croit, elles le disent – mais de là à ressusciter maintenant celui qui est mort et enseveli ! Impensable, impensé. Depuis quatre jours la maison des deux sœurs n’est plus qu’un catafalque tendu de noir refermé sur les trois membres de la famille. Pas seulement sur eux trois, mais aussi sur la foule des juifs accourus de Jérusalem pour consoler Marthe et Marie, autrement dit, pour se désoler avec elles, comme elles, dans le même tombeau. La mort tient ses captifs.

Tout est prêt pour l’intervention de Jésus. « L’heure est venue » où, pour la seconde fois dans ce récit, « des morts vont entendre la voix du Fils de Dieu, où tous ceux qui sont dans les tombeaux sortiront...(5, 25-29).

Cette voix, c’est l’appel de Jésus murmuré tout bas par Marthe à l’oreille de Marie : « Le Maître est là et il t’appelle ». A la voix de Jésus, Marie passe soudain de son deuil sans issue à une nouvelle vie. Elle s’élance hors de la maison funéraire, et entraîne à sa suite la foule des juifs qu’elle amène, sans l’avoir cherché, à Jésus. Elle se jette à ses pieds. Jésus voit ses larmes, les larmes aussi des juifs. Tout cet amour déclenche le sien et fait couler ses propres larmes… et sans doute, encore plus, celles du Père qui est au ciel. Le Sauveur ne s’appartient plus, il faut y aller même si la mort le guette dans cette affaire ; et il le sait parfaitement. « Où l’avez-vous mis ? » C’est gagné, il y va, et toute la foule avec lui…

Et tout le monde se rassemble devant le troisième tombeau, bien matériel, bien concret celui-là, fermé par une pierre, le tombeau où gît le cadavre de Lazare. La troisième résurrection s’annonce, imminente…

Pas sans que Jésus se soit d’abord tourné vers son Père qui l’a envoyé et qui le suit des yeux du haut du ciel, vers son Père qui l’exauce toujours, vers son Père qui a la vie en lui-même et qui a donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même. Moment prodigieux où l’on voit, pour ainsi dire, la terre et le ciel agissant de concert.

L’heure est venue, celle de Jésus, celle du Père. Alors retentit pour la troisième fois la voix du Fils de l’homme : « Lazare viens dehors ! » Le mort sort, les pieds et les mains liés de bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire : Lazare, revenu à la vie, mais encore tout lié. Pourquoi ce détail ? Mais parce que nous devons apprendre qu’il n’est de libération que par la médiation de notre entourage humain, continuant l’action propre de Dieu. Jésus, lui, n’aura besoin de personne, les linges étant restés dans son tombeau.

L’entourage, ce fut d’abord Thomas, déliant les autres disciples des liens de leurs peurs. C’est ensuite Marie déliant les juifs de leur compassion sans issue et finalement mortifère. C’est enfin la communauté, toute communauté, entourant le frère retrouvé, la sœur revenue à la vie, l’aidant à faire tomber ses liens, à reprendre sa place, à retrouver son autonomie, obéissant à Jésus : « Déliez-le et laissez-le aller ! Laissez-la aller ».

Que nous reste-t-il à faire ?

Peut-être reprendre notre évangile, regarder Jésus et l’écouter, aimer nos Lazare frères ou sœurs, avec une compassion toujours plus vraie, plus dynamisante,

travailler à faire de nous tous de vrais ressuscités, pour mieux nous délier mutuellement de nos liens

et surtout, et c’est le plus important, faire au quotidien la joie de notre Père du ciel.

Homélie du 20 mars 2011 — 2e dim. du Carême — Frère Hubert
Cycle : Année A
Info :

Année A - 2° dimanche de Carême - 20 mars 2011

Gn 12, 1-4 ‘ “ 2 Tim 1, 8b-10 - Mt 17, 1-9

Homélie du F.Hubert

Texte :

La Transfiguration de Jésus se situe au milieu de sa vie publique, entre son baptême, ses tentations au désert, d’une part, sa passion, sa résurrection, de l’autre.

Elle vient aussi six jours après la confession de Pierre à Césarée et l’incapacité de ce même apôtre à comprendre et à accepter l’annonce par Jésus de sa Passion.

Au désert, le démon avait cherché à détourner Jésus de sa filiation : Jésus a déjoué son mensonge.

Pierre, à son insu, a endossé le rôle de Satan en rabrouant Jésus : « Non, cela ne t’arrivera pas !»

La réaction de Jésus a été cinglante : il ne pouvait transiger : « Retire-toi, Satan ! Tu es un obstacle sur ma route. »

Pierre n’est pas Satan pour autant, et six jours plus tard, Jésus l’ emmène avec Jacques et Jean sur une haute montagne.

Là, tous les trois sont témoins : « Nous l’avons vu de nos yeux dans tout son éclat » Écrira-t-il plus tard.

Le visage de Jésus devint brillant comme le soleil, ses vêtements, blancs comme la lumière.

La voix du baptême se fait à nouveau entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour ; Écoutez-le ! »

Ecoutez-le quand il vous annonce sa passion et sa résurrection d’entre les morts.

Ecoutez-le quand sa parole vous déconcerte. C’est bien lui le Christ, le

Fils du Dieu vivant ; le chemin qu’il vous indique, celui qu’il vous annonce pour lui-même, le chemin de sa pâque, est le vrai et bon chemin.

Il est ma Parole, toute ma Parole.

Par lui, je vous dis : N’ayez pas peur !

Désormais, la voix venue du ciel ne se fera plus entendre.

Pour toutes les générations, il n’y a pas d’autre parole à attendre et à entendre que celle du Fils de l’homme, Jésus, le Fils bien-aimé.

Sorti victorieux du combat avec le démon au désert, Jésus sort victorieux du combat suscité par la parole tentatrice de Pierre : son union à la volonté du Père engendre en lui une telle béatitude que son visage resplendit comme le soleil ; ses vêtements eux-mêmes, objets bien ordinaires de notre vie terrestre, deviennent blancs comme la lumière.

Les trois disciples contemplent cette gloire qui lui vient, non des royaumes de la terre proposés par le diable, mais de son union parfaite avec son Père.

La vie à sa source. La vie dans tout son Éclat. La vie qui est communion et amour.

A Gethsémani, la tentation et le combat seront poussés à leur paroxysme :

« Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! » Ces paroles, à la fois si proches et si différentes de celles de Pierre expriment toute l’amertume de la coupe que Jésus doit boire.

Mais Jésus demeure dans la fidélité à son Père, en communion parfaite avec lui : Il refuse de l’invoquer pour qu’il lui fournisse à l’instant douze légions d’anges.

Déjà, il est victorieux, mais sa victoire est cachée. Ce n’est qu’après trois jours, que l’ange du Seigneur, dont l’aspect est comme l’éclair et le vêtement blanc comme la neige, dira aux femmes : « Soyez sans crainte. Jésus le crucifié que vous cherchez n’est pas ici dans le tombeau : il est ressuscité comme il l’avait dit.»

Le diable voulait donner à Jésus tous les royaumes du monde et leur gloire, s’il se prosternait devant lui.

Au terme de l’Évangile, ce seront les disciples qui se prosterneront devant Jésus et celui-ci leur dira : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre ». Ce pouvoir ne vient pas de la promesse fallacieuse du diable, mais du déploiement de la parole vraie du Père : « Celui-ci est mon Fils en qui j’ai mis tout mon amour ».

Eric-Emmanuel Schmitt fait dire à Jésus :

A l’intérieur de moi, je ne trouvais pas moi mais bien plus que moi. J’éprouvais un rassasiement essentiel. J’avais trouvé Dieu

Je descendais au fond de moi pour y trouver mon Père, et j’en revenais avec un inépuisable amour. Je m’asseyais près des infirmes et des malades, je tentais de trouver une issue à leur souffrance et je les engageais à prier, à trouver le puits d’amour en eux. Ceux qui y parvenaient allaient mieux.

Frères et soeurs, prenons le temps de contempler Jésus, dans son visage brillant comme le soleil, et dans son visage défiguré ; prenons le temps de laisser sa parole pénétrer en nous, adhérons avec lui à l’amour du Père, descendons dans notre puits d’amour : alors, une lumière intérieure apaisera notre visage, notre coeur sera purifié et rayonnera d’une beauté venue d’ailleurs que de nous. Alors, nous pourrons aider aussi les autres à trouver au fond d’eux-mêmes leur puits d’amour et à expérimenter que la vie, au travers même des épreuves et de la souffrance, est une source jaillissante de bénédiction. (20 mars 2011)

Homélie du 09 mars 2011 — Mercredi des Cendres — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Entrée en Carême 2011

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

« Nous vous invitons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu », ainsi frères et sœurs, Paul s’adresse aux Corinthiens et à nous ce matin. « Ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu ». Et si cette invitation pouvait être notre programme de carême 2011 ? Et si cette invitation pouvait nous rappeler, au début de cette quarantaine d’entrainement au combat spirituel, que notre vie chrétienne est d’abord une vie de grâce ? Une vie de grâce reçue comme un cadeau gratuitement depuis notre baptême. Oui, nous chrétiens, nous sommes gratifiés d’un magnifique cadeau : celui d’une vie humaine qui est illuminée par la connaissance du Christ ressuscité. Cadeau d’une vie humaine qui est fortifiée par le don de l’Esprit Saint. Cadeau d’une vie humaine promise à la joie des fils et filles d’un même Père. Tout ceci est cadeau gratuit de la part de notre Dieu, dont nous ne pouvons que nous réjouir. Et en commençant notre montée vers Pâques, avec tous ceux qui se préparent au baptême, nous pouvons rendre grâce pour ce don de vie qui nous est fait.

« Ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu » Paul nous invite à aller encore un peu plus loin. La grâce reçue de Dieu est en nous un don jaillissant qu’on ne peut pas contenir, ni enfermer, ni limiter. Car ce don est à la mesure de Dieu même, il est sans mesure. Non seulement Dieu donne gratuitement, mais il donne sans mesure. Il pourrait y avoir le risque, pour nous chrétiens, de mal comprendre ce don de grâce qui nous est fait. Ce serait de vouloir bien le délimiter ou de l’enfermer dans des cases. La grâce, oui, je veux bien, mais à certaines heures, aux offices et à la messe, mais en dehors je mène mes affaires comme je veux. La grâce, je veux bien, oui mais dans certains domaines. Un autre risque peut guetter les chrétiens, c’est de penser que si tout est don gratuit de Dieu, il n’ya pas à s’en faire, tout finira bien, il n’y a qu’à attendre, Dieu donnera. C’est ce que l’on pourrait appeler « la grâce à bon marché », une vision de grâce qui endort et qui finalement permet un bon nombre de compromissions sans état d’âme.

Telle n’est pas la vision de Paul : « La grâce reçue de Dieu » est un don qui ne peut que produire la vie en nous, et une vie toujours plus abondante, car elle n’est rien moins que la vie de l’Esprit du Christ ressuscité qui veut nous arracher à nos morts et à nos esclavages de toute sorte et nous en connaissons bien le poids dans nos vies quotidiennes. Si Dieu notre Père désire ardemment nous communiquer cette vie, il ne veut pas nous l’imposer. Il attend notre consentement, il nous invite à ne pas laisser sans effet la grâce reçue, ou encore pour être plus proche de l’expression grecque à « ne pas recevoir dans le vide la grâce reçue ». Allons-nous laisser la grâce couler dans le vide de notre insensibilité, ou de notre oubli ou de nos préoccupations inquiètes et aveugles ? Ou bien allons-nous recueillir cette grâce pour qu’elle ne tombe pas dans le vide ? Allons-nous lui offrir l’espace de notre écoute, l’espace de la prière et de la lecture soignée des Ecritures, l’espace d’une vie plus attentive par rapport à la nourriture à notre façon de consommer, l’espace d’une vie plus ouverte aux relations dans l’écoute et le partage ? La grâce reçue à notre baptême est fragile. Elle a cette fragilité d’un « je t’aime » inséparable d’un « veux-tu ? ». C’est la grâce d’une relation d’amour avec un Dieu qui aime sans mesure. Ne soyons pas surpris, si cette grâce nous bouscule tout autant qu’elle nous dilate. L’Amour de Dieu appelle notre amour à grandir toujours plus librement et plus généreusement. Durant ce Carême, chacun, apprenons à ôter tel lien ou tel obstacle que nous mettons à l’œuvre de la grâce. Comme nous le chanterons dans la préface, « Livrons nous davantage à l’Esprit saint » durant ce temps de grâce et de réconciliation qui commence. (2011-03-09)

Homélie du 06 mars 2011 — 9e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - 9° Dimanche du Temps Ordinaire - 6 mars 2011

Dt 11 18,26-28; Tom 3 21-25,28; Mt 7 21-27

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Une liturgie, c’est une chance de parole. Une chance parce que, nous le savons bien, c’est par la parole échangée que la personne humaine devient peu à peu elle-même.

Mais Qui donc est-il Celui qui, du fond de son mystère, cherche à me parler et à me faire parler, à l’improviste de mes journées, ou... en ce moment ?

Dieu et sa créature

Mais Qui donc est-il CE DIEU qui, du fond de son mystère, veut se révéler à moi, se donner à voir, et me révéler à moi-même ? Et moi qui suis-je ?

Deux questions qui conduisent à une rencontre semblable à celle qui marqua à jamais Sainte Catherine de Sienne. Elle avait demandé au Christ : « Seigneur, qui suis-je pour toi ? ». Elle reçut cette réponse : « JE SUIS CELUI QUI SUIS... et tu es... celle qui n’est pas. »

Dans la bouche du diable une telle réponse serait foudroyante. Dans la bouche de Jésus c’est une réponse grisante, réellement créatrice, dans laquelle je me plonge comme dans un océan de bonheur, encore plus lorsqu’il ajoute : «Catherine, si tu existes, c’est parce que je t’ai voulue [...]. L’ÊTRE QUE JE TE DONNE vient de L’AMOUR QUE JE SUIS. » Hors de moi tu n’es rien. Avec moi, tu es TOI.

Qui est-il ? Et moi qui suis-je ? Deux questions qui portent la chance d’une rencontre au plus profond. Une rencontre que j’aime éclairer par celle qui marqua à jamais Sainte Catherine de Sienne.

Elle avait demandé au Christ : « Seigneur, qui suis-je pour toi ? ». Elle reçut cette réponse, secouante : « JE SUIS CELUI QUI SUIS... et tu es... celle qui n’est pas. »

Dans la bouche du diable une telle réponse serait foudroyante, luciférienne. Cela peut arriver...

Dans la bouche de Jésus c’est une réponse grisante, réellement créatrice, dans laquelle je me plonge comme dans un océan de bonheur,

encore plus lorsqu’il ajoute : «Catherine, si tu existes, c’est parce que je t’ai voulue [...]. L’ÊTRE QUE JE TE DONNE vient de L’AMOUR QUE JE SUIS. »

Cette réponse est en ce moment murmurée au fond de nos cœurs...s’ils s’ouvrent grand.

En entendant cela, le malin, toujours à l’affût, attrape une attaque ...

et contre attaque, insidieusement, en moi, avec ma propre voix intérieure : « Tout cela c’est bien joli en théorie, mais en pratique ! Sois réaliste, tu n’es pas Catherine de Sienne, mais un pécheur, tu n’arrêtes pas de le répéter... Alors sois courageux.... décourage-toi un bon coup en te débarrassant de toutes ces illusions qui t’aliènent, sois libre ! Je suis là pour t’aider....»

Mais notre Père des cieux a l’oreille fine, il a tout entendu. Il saisit la balle au bond et prend la parole dans la 1ère lecture : «Écoute-Moi, Israël, Moi qui te parle ! Aujourd’hui je vous donne le choix entre la bénédiction et la malédiction, entre la vie et la mort, entre Moi et les idoles.» Choisissez l’obéissance, heureuse, aux commandements que je vous donne pour votre bonheur. »

Jésus y fera écho dans la troisième lecture : « Il vous faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. » C’est un ordre, certes, mais qui s’offre au choix de notre liberté, pour nous apprendre à devenir vraiment des fils et des filles de Dieu.

Du coup nous voici à la chance et aux risques de nos choix, mais pas abandonnés, au contraire, sous la conduite attentive de l’Esprit Saint. Lui ne nous lâche pas d’une semelle, tout au long de nos journées, pour nous aider à discerner les choix qui sont bons, qui nous construisent, et ceux qui sont mauvais, qui nous détruisent. C’est par là qu’il nous aide à devenir vraiment adultes par l’exercice de notre liberté, selon la formule géniale de Saint Paul : « C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés.» (Galates 5,1).

Ainsi se fait peu à peu la lumière sur la vérité de notre condition humaine, telle que Saint Paul la résume non moins génialement dans la 2ème lecture :

« Tous les hommes sont dominés par le péché dire oui est libérant, parce que c’est vrai .

mais Dieu leur donne, gratuitement, d’être des justes par sa seule grâce, par la foi. » C’est inouï, comme la suite : « Notre salut a été accompli en Jésus Christ », – c’est fait ! – Dieu a fait de lui la victime dont le sang nous obtient le pardon grâce à la foi. ... Alors, où est la gloriole (de nos mérites) ? On l’a mise dehors !

À nous maintenant de prendre possession du salut qui nous est acquis. La porte s’ouvre toute grande, celle de la liberté par l’obéissance joyeuse aux commandements de l’amour, comme un ballon captif qui a cassé sa corde et, sous le Souffle de l’Esprit, s’élève, léger, dans le ciel bleu, vers le Soleil en fête ! (2011-03-06)

Homélie du 27 février 2011 — 8e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année A
Info :

Année A - 8° dimanche du Temps Ordinaire – 27 février 2011

Is 49 14-15 ; 1 Co 4 1-5 ; Mt 6,24-34

Homélie du F.Servan

Texte :

Nous venons d'entendre un évangile tout à la fois sympathique, bucolique, écologique, de tonalité franciscaine (les oiseaux du ciel, les fleurs des champs), et en même temps dérangeant, car il touche l'usage de l'argent, la consommation des biens qui soutiennent la vie, nos polices d'assurance et nos prévisions pour l'avenir, pour nos vieux jours et l'économie moderne de nos sociétés. Terrain vital, terrain sensible!

Pour en venir au texte de l'évangile, dans ces paroles, comme dans toute la composition du Discours sur la montagne dont elles font partie, le regard, la pensée de Jésus se porte tout à la fois:

et sur l'homme (ceux qui l’écoutent - en premier lieu le groupe de ses disciples - mais par-delà, l'humanité de tous les temps, donc nous-mêmes) ...

et sur Dieu, qu'il appelle son Père, votre Père, celui avec qui il est en relation intime et qu'il veut nous faire connaître (la prière du Notre Père est d'ailleurs au centre, au milieu du Sermon sur la Montagne).

Jésus est venu pour renouer une relation d'alliance confiante et aimante entre le Père et l'homme, et si on reçoit les paroles de Jésus, si on essaie comme lui de vivre dans la lumière du Père, alors ce sera toujours plus ce que Jésus appelle" le Royaume" : l'homme en Dieu - Dieu en l'homme (l'homme miséricordieux comme le Père).

Et de fait, la pointe, la phrase la plus importante de cet évangile, c'est, en finale: « Votre Père céleste sait (d’un savoir aimant) que vous en avez besoin. Cherchez d'abord son royaume et sa justice ». Relation réciproque, privilégiée!

Le Père a créé les oiseaux du ciel et les fleurs des champs, mais pour lui vous valez beaucoup plus qu'eux !

.

Votre Père, vous aurez noté que ce dimanche il y a une heureuse et belle rencontre de ces paroles sur le Père avec celle d'Isaïe où Dieu se présente comme une Mère qui chérit ses enfants avec une forte tendresse d'entrailles (rahamin en hébreu). Richesse de Dieu: le très haut - le très bas. Au-delà de tout et en nous, en notre secret :

« Père dont le nom est Père / et même dont le nom est mère

Père qui guette le retour / ouvre-moi le secret de ton Nom"

En face du Père, voici l'homme: créature à part et au centre de la création riche de créativité et d'avenir certes, mais aussi fragile, avec ses besoins vitaux: manger, boire, se

vêtir (se chauffer).

Et au-delà de ces besoins, ses désirs infinis de toujours mieux, toujours plus. Ce qui risque de le mettre en soucis pour le présent et pour l'avenir. SOUCIS, inquiétudes qui le rongent parfois et pèsent lourd.

Le mot revient cinq fois dans cet évangile, et trois fois dans le répons " Ne vous faites donc pas tant de soucis!

Le bon sens ou le sens droit (plus ou moins inspiré par l'évangile) pourra déjà ici inciter l'homme à la prudence, à la sobriété et au discernement dans l'usage des biens et de l'argent qui permet de les acquérir, pour ne pas multiplier les soucis. Cf le dicton « l'argent ne fait pas le bonheur » et, je ne saurai trop vous inviter à relire la bonne fable de La Fontaine: « le Savetier (le cordonnier) et le financier »!

.

" Un savetier chantait du matin jusqu'au soir / c'était merveille de le voir

Son voisin, au contraire, étant tout cousu d'or,/ chantait peu, dormait moins encore

C'était un homme de finance !

Mais fragile, l'homme est faible aussi et se laisse séduire, et prendre dans bien des complications ; alors que l'évangile et que les paroles quelque peu humoristiques de Jésus lues avec saint Paul, saint Benoit, saint Ignace viennent au secours du bon sens !

L'argent ! Certes, une invention de l'homme, favorisant commerce et échange économique. Mais qu'il ne devienne pas trompeur, séducteur et maître tyrannique. S'en servir, oui ; ne pas s'y asservir ! En faire usage sans esclavage ! « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'Argent ! » nous redit Jésus.

Jésus ne demande pas que nous vivions en écervelés irresponsables, ni sans prévoir et encore moins sans travailler (« celui qui ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas! » dit saint Paul). D'ailleurs même les oiseaux se donnent quelque mal pour trouver leur nourriture, mais faisant chaque jour notre travail. Le matin mettons notre journée dans la lumière de la Parole de Dieu (comme beaucoup de chrétiens le font de plus en plus depuis le Concile) et le soir déposons les fatigues et les soucis du jour en redisant le Notre Père ou le Psaume (« En Dieu je me repose »)

« Seigneur, apprends-nous à travailler comme si tout dépendait de nous;

apprends-nous à nous dépenser en attendant tout de ta grâce »

- c'est une sentence chère aux Jésuites !!

De même pour ce qui est de la providence divine, suggérée dans cet évangile. Faut-il préciser que le plus souvent, elle ne vient pas du ciel, en forme de miracle permanent, mais qu'elle nous vient de la main des autres hommes inspirés par Dieu. C'est le père et la mère qui donnent le pain à l'enfant. C'est Dieu qui nous inspire de partager, d'être attentif à secourir ceux qui sont dans le besoin, qui suscite toutes ces associations d'entraide, secours catholique, restos du cœur etc ... sans oublier l'action des responsables de la Cité et du bien commun.

Frères et Sœurs, vivons de plus en plus dans la confiance et la lumière du Père, attentifs au besoin des hommes et recevant d'eux avec reconnaissance, remplaçant le souci par le murmure de l'Esprit qui habite en nos cœurs, cherchant d'abord le Royaume de Dieu et sa justice! (2011-02-27)

Homélie du 20 février 2011 — 7e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A - 7° Dimanche Temps Ordinaire (20 Février 2011)

Lv 19 1-2, 17-18; 1 Co 3 16-23; Mt 5 38-48

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Les 3 lectures de ce dimanche, que nous venons d’entendre nous placent devant ce que nous pourrions appeler « les fondamentaux » de notre foi, de notre vie de croyant.

- Sainteté de Dieu et sainteté de l’homme : « soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, Je suis Saint »

- Sacralité de l’homme : « le Temple de Dieu est sacré, et ce Temple, c’est vous »

- Universalité de l’amour : « aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent », ce qui entraine à la perfection pour le chrétien : « soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait ».

Remarquons que dans ces 3 passages, la Parole de Dieu s’adresse à la 2ème personne du pluriel, et sous le mode verbal de l’impératif. Ces fondamentaux sont autant des ordres, des commandements qui valent pour le peuple (Israël), pour une communauté (celle de Corinthe) ou pour un groupe de disciples rassemblés sur la Montagne. Et à chaque fois cette Parole de Dieu mentionne un médiateur entre le Seigneur et la collectivité : Moïse, Paul, Jésus.

Dire que la sainteté de Dieu, la sacralité de l’homme et l’universalité de l’amour sont des fondamentaux, cela n’invite pas, bien au contraire au fondamentalisme. Ce serait une erreur, voire une trahison de la Parole de Dieu de lire et d’interpréter ces textes à la lettre, de les réduire à de simples injonctions morales ou moralisantes.

Il y a là tout l’enjeu d’une bonne compréhension des Ecritures et tout particulièrement de l’Evangile qui ne sont pas d’abord des codes de morale, des règles en un sens étroit, même s’il s’agit bien de Lois : Loi de Sainteté pour le Lévitique, Loi du culte véritable et du vrai Temple de Dieu pour Saint Paul, Loi de l’Amour inconditionnel dans le Sermon sur la Montagne.

Certes, la traduction de notre évangile : « soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait », peut nous induire en erreur, voire à faire un gros contre-sens. De quelle perfection s’agit-il ? Saint Paul, lui-même, en pharisien zélé et observant de la Loi, était à la recherche de l’accomplissement parfait de cette Loi jusqu’à ce qu’il connaisse l’expérience du Christ sur le chemin de Damas et qu’il réalise que cette recherche était vaine et représentait une impasse.

Le registre de la perfection renvoie en effet à celui de la morale, de l’effort et du culte de la performance, de la supériorité et du comparatif. On est là dans un sens élitiste du mot « perfection », et ce n’est pas ce sens-là que vise Jésus quand il s’adresse à ses disciples. Il vaudrait mieux traduire : « soyez achevés en sainteté, accomplis dans l’amour, pleinement réalisés dans votre vocation, dans l’état de vie auquel Dieu vous appelle.

L’appel universel à la sainteté a bien été rappelé par le Concile Vatican II dans la Constitution dogmatique sur l’Eglise : « Lumen Gentium ». D’une rédaction peut-être moins heureuse, ce même Concile a réservé pour la vie religieuse un décret intitulé : « perfectae caritatis », qui pourrait laisser croire que la perfection de l’amour (de la charité) s’adresse seulement aux religieux, alors qu’il n’en est rien. Les laïcs et tout le Peuple de Dieu sont concernés dans l’accomplissement de l’amour, et il faut écarter absolument toute ambiguïté. La sainteté, ce n’est donc pas la perfection selon une morale, par nos efforts, c’est un accomplissement selon l’amour, dans la grâce. Un amour qui va jusqu’à pardonner à ceux qui nous persécutent, à prier pour eux. Un amour qui n’hésite pas non plus à réprimander son compagnon, qui fuit toute velléité de vengeance et qui ne garde pas de rancune contre son prochain. C’était déjà la Loi de Sainteté dans l’Ancienne Alliance. Jésus demande à ses disciples de dépasser le cadre de la seule communauté des frères partageant la même foi. L’amour va jusqu’à pardonner à tous ceux qui nous veulent du mal. L’amour vise vraiment l’universalité, l’inconditionnalité.

Tel aura bien été l’exemple donné par les frères de Tibbhérine et que le film « Des hommes et des Dieux » a contribué à faire connaître à un large public. Et nous pouvons être dans l’action de grâces devant ces paroles de testament du frère Christian, qui sont tellement en consonance avec l’Evangile d’aujourd’hui, et que je me permets de redire en terminant. Elles en sont la plus magnifique actualisation et nous ne pouvons y rester insensibles :

« Cette vie perdue, totalement mienne, je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette joie secrète qui sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences.

Dans ce merci où tout est dit, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais. Oui, pour toi aussi, je le veux ce merci, et cet ‘à Dieu’ en-visagé de toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en Paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. Amen ! Incha Allah (2011-02-20)

Homélie du 13 février 2011 — 6e dim. ordinaire — Frère Ghislain
Cycle : Année A
Info :

Dimanche 11 février 1996

6° Dimanche du Temps Ordinaire - Année A

Homélie du F.Ghislain

Matthieu 5, 17-37

Texte :

Nous venons d'entendre un évangile long et austère.

Un évangile qui nous fait un peu peur, parce qu'il nous condamne plus ou moins ou, si par hasard il ne nous condamnait pas, parce qu'il nous met devant les yeux notre fragilité, notre capacité toujours présente de le transgresser, de faire, plus ou moins, ce qu'il nous dit justement de ne pas faire.

Cependant, puisque cet Evangile est écrit et que l'Eglise nous le fait lire, il doit être une parole de salut plutôt que de condamnation, de vie plutôt que de mort... Et, en réalité, si nous nous exprimons de façon positive, que nous dit cet Evangile ? En fait, il ne nous dit rien, il nous montre quelqu'un: un homme [ou une femme] qui, non seulement ne serait pas homicide, mais serait toujours bienveillant, prenant les choses en bien, faisant valoir les personnes: ce genre d'homme dont la rencontre vous rend meilleur avant même que vous lui ayez parlé. C'est aussi un homme [ou une femme] qui, non seulement n'est pas adultère, mais qui est délicat, réservé, dont la tendresse bien réelle reste mesurée: un homme dont l'équilibre affectif et la droiture souriante rayonnent sur nous. C'est enfin quelqu'un qui non seulement ne ment pas, mais ne biaise pas, et sait dire les paroles qu'il faut au bon moment: un homme fiable, sur qui on puisse compter, s'appuyer parce qu'il est vrai.

Est-ce que cela ne nous fait pas du bien de dessiner ainsi devant nous l'image de cet homme de vérité et de bien que nous montre l'Evangile? Est-ce que, au fond, nous ne désirerions pas ressembler à une telle personne, sachant que nous y trouverions le bonheur et que , étant ainsi, nous serions aimés, sinon de tous du moins de beaucoup?

Je pense que c'est là peut-être le premier enseignement de cet Evangile: nous ne ferons rien de ce qu'il nous commande si nous n'en avons pas envie, et, pour en avoir envie, il faut contempler la beauté de ce qu'il nous propose et la désirer.

Cette beauté n'est pas théorique, ce n'est pas un dessin accroché à un mur. C'est la beauté du Christ, celle de la Vierge Marie. Je me dis peut-être que, si nous avions vécu au temps de Jésus et en Palestine, peut-être aurions-nous été, au moins au début, de ceux qui l'avaient suivi: nous aurions été séduits pas sa sainteté simple, fraternelle et forte. Soudain, nous aurions compris ce que cela veut dire, réellement, en chair et en os, de ne pas tuer, de ne pas commettre l'adultère, de ne pas jurer ou mentir: cela veut dire: être comme lui, Jésus, comme elle, Marie. Nous en aurions eu envie.

Mais, je vous le demande, qu'est-ce qui nous empêche aujourd'hui de regarder Jésus et Marie, grâce à l'Esprit qui est dans notre cœur et à l'Evangile qui nous les raconte? Nous pouvons, dans le secret de la prière, nous attarder sur leur visage, ce qui nous entraînera à vouloir leur ressembler. Il y a aussi un autre lieu où nous pouvons rencontrer Jésus et voir s'incarner le Discours sur la Montagne: ce sont les saints. Les saints canonisés, comme Ste Thérèse de l'Enfant Jésus, dont les reliques en ce moment parcourent la France (et qu'on vénère ce week-end à Oelenberg, pas loin d'ici), mais les saints non canonisés, ceux qui nous entourent, vieux ou plus jeunes, que nous aimons parce que ce sont des justes, qui nous donnent l'exemple et qui suscitent en nous l'envie d'être comme eux.

Et, certes, ce n'est pas facile de suivre les commandements de l'Evangile, de suivre Jésus et les saints, d'imiter les meilleurs d'entre nous. Dans aucun domaine de la vie, il n'y a de réussite facile. Mais la première lecture nous rappelle qu'il dépend de nous de prendre, de reprendre ou simplement de continuer ce chemin de sainteté, et la seconde lecture nous dit que l'Esprit-Saint est en nous pour nous faire aimer cette sagesse divine et nous y conformer.

Voilà. N'ayons donc plus peur lorsque nous entendons cette lecture de l'Evangile. Même si, une fois ou l'autre ou souvent, nous avons été infidèles à l'un ou l'autre des commandements qui y sont écrits, ne nous troublons pas et essayons de repartir avec désir, avec envie sur un chemin ascendant dont le Christ est le terme et la lumière.