vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 15 février 2009 — 6e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année B - 6° Dimanche du Temps Ordinaire - 12 février 2012

Lev 13 1-46; 1 Co 10 31- 11 1; Mc 1 40-45

Homélie du F.Guillaume

Texte :

« Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main et le toucha… »

Frères et sœurs, vous n’êtes pas sans ignorer le succès considérable du film « Intouchables» ces dernières semaines. Il est en passe de battre tous les records d’entrées en salle de cinéma, en France et aussi à l’étranger : histoire de la rencontre de 2 hommes, l’un riche handicapé d’un beau quartier de Paris, l’autre, jeune de banlieue, immigré plus ou moins délinquant : 2 figures d’exclus, d’intouchables, handicap physique, handicap social, 2 aspects de lèpres de notre société moderne, pourrait-on dire. C’est sur cette réalité du toucher, de l’intouchable que j’aimerais m’arrêter avec vous ce matin, à partir de l’évangile bien sûr mais aussi de notre expérience humaine, corporelle et spirituelle. Qu’en est-il de ce sens du toucher pour nous ?

En touchant un malade, et qui plus est, un lépreux, Jésus pose un geste fort, de transgression, car dans la mentalité biblique, telle qu’elle nous est rapportée par le Livre du Lévitique en 1ère lecture, un tel malade est un être impur, nécessairement un pécheur, et, en le touchant, on est contaminé, on devient soi-même impur, on risque l’exclusion de groupe, et c’est d’ailleurs bien ce qui nous est dit à la fin de notre passage : il n’était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville, il était obligé d’éviter les lieux habités.

L’évangile de Marc que nous écoutons tous les dimanches cette année, insiste particulièrement sur ces gestes de toucher, de contact physique, que Jésus pose sur différentes personnes ou que d’autres personnes posent sur lui. Déjà, dimanche dernier, nous avions le récit de la guérison de la belle-mère de Pierre, atteinte d’une grosse fièvre. Jésus lui prend la main (la touche donc), la guérit et aussitôt la fièvre quitte la femme qui se lève (le verbe évoque la résurrection) et elle peut reprendre son service.

Un peu plus loin, nous avons le récit étrange de cette femme, souffrant de pertes de sang depuis 12 ans et qui cherche, dans la foule, à s’approcher de Jésus pour toucher ne serait-ce que son vêtement, sûre, que par ce toucher elle pourra être guérie. Et Jésus, se retournant, surpris dit : « qui a touché mes vêtements ? » car il a senti une force sortie de lui par ce contact avec cette femme.

A d’autres endroits, on amène des enfants à Jésus pour qu’il les touche, au grand déplaisir des disciples qui cherchent à les écarter. Mais Jésus prend les enfants dans ses bras, il les bénit, leur impose ses mains, les embrasse. O scandale, oui, aujourd’hui, Jésus serait bien évidemment soupçonné de pédophilie !

Tous ces touchers de Jésus pour guérir, pour bénir, pour communiquer la vie sont des gestes essentiels de son activité apostolique. Il a été envoyé dans le monde pour guérir et sauver tous les hommes. En ce sens, le toucher du Christ a une signification théologique de première importance dans le mystère de l’incarnation. Dieu, en prenant chair peut venir toucher la chair de l’homme. Le Verbe divin ne vient pas seulement parler aux hommes et les entendre, ne vient pas seulement se faire voir d’eux et les voir, respirer et se laisser respirer comme la bonne odeur du Christ, manger, goûter et se laisser manger et boire. Le Christ vient aussi et d’abord toucher et se laisser toucher, au double sens, propre et figuré. Le début de la première épitre de Saint Jean le dira ainsi : « ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos propres yeux, ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie, car la Vie s’est manifestée… cela, nous vous l’annonçons afin que vous soyez en communion avec nous et afin que notre joie soit complète ».

Toucher, se laisser toucher, au sens propre et au sens figuré aussi.

Et c’est le second verbe de la citation de notre évangile qui est ici important : « pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main et le toucha » . Pris de pitié : le verbe grec est en réalité plus fort : Jésus fut remué au plus profond de lui-même, jusqu’aux entrailles, comme les entrailles d’une mère. On retrouve ce verbe à d’autres endroits-clé de l’évangile de Marc, pour exprimer la compassion et la miséricorde de Dieu face à la misère humaine. Quand Jésus voit une foule rassemblée devant lui, comme un troupeau sans pasteur, ou qui n’a pas mangé depuis 3 jours. Dans l’évangile de Luc, dans les paraboles du bon samaritain et de l’enfant prodigue, on retrouve ce verbe. A chaque fois, il nous est suggéré que Dieu, l’intouchable par excellence se laisse toucher, saisir jusqu’au plus profond de lui-même. Jésus-Christ, et son Père dont il est venu révéler l’amour ne sont pas impassibles, insensibles, invulnérables, devant la détresse humaine.

Ce que nous pouvons lire dans ces textes de l’Ecriture (on pourrait les multiplier), à propos du toucher et de l’intouchable, beaucoup de chrétiens, mais aussi de non-chrétiens ont cherché à le faire passer dans leur vie, et ils nous invitent à faire de même.

Je ne mentionnerai pour terminer que 2 témoins de l’Eglise qui ont été en particulière consonance avec cet évangile d’aujourd’hui. Saint François d’Assise, le fils d’un riche marchand de son temps, promis à une belle carrière et qui fut saisi jusqu’aux entrailles par la détresse des pauvres de son entourage, allant lui aussi au devant d’un lépreux pour l’embrasser au risque de la contamination.

Et plus proche de nous encore, la Bienheureuse Mère Térésa de Calcutta, qui a vécu la plus grande partie de sa vie en Inde, un pays de castes, séparées de toute une partie de la société, la plus pauvre, dénommée «les intouchables » (les dalits). Mère Térésa s’est approchée des plus démunis, des mourants des trottoirs des grandes villes. Et elle écrivait à ses sœurs en avril 1974, ces lignes que je trouve particulièrement fortes :

« les exclus, ceux qui sont rejetés, ceux qui ne sont pas aimés, les prisonniers, les alcooliques, les mourants, ceux qui sont seuls et abandonnés, les marginalisés, les intouchables et les lépreux…, ceux qui sont dans le doute et la confusion, ceux qui n’ont pas été touchés par la lumière du Christ, les affamés de la parole et de la paix de Dieu, les âmes tristes et affligées…, ceux qui sont un fardeau pour la société, qui ont perdu toute espérance et foi dans la vie, qui ont oublié comment sourire et qui ne savent plus ce que c’est que de recevoir un peu de chaleur humaine, un geste d’amour et d’amitié… tous, ils se tournent vers nous pour recevoir un réconfort. Si nous leur tournons le dos, nous tournons le dos au Christ.

AMEN (2012-02-12)

Homélie du 04 janvier 2009 — Epiphanie du Seigneur — Père Abbé Luc
Cycle : Année B
Info :

Année ABC - Epiphanie du Seigneur 2009

Is 60 1-6; Eph 3 2-3a, 5-6; Mt 2 1-12

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

2009

Frères et sœurs,

Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue, ta lumière ! N’est-ce pas cette exhortation vigoureuse que les mages lancent malgré eux à Jérusalem, quand ils viennent s’informer sur le lieu de naissance du Roi des Juifs ? En effet, ces hommes étrangers à la foi d’Israël, viennent sortir Jérusalem de sa torpeur. Ils la bousculent, ils la « prennent de court », comme nous aimons chanter dans une hymne. Hérode et ses courtisans ont oublié cette Bonne Nouvelle annoncée jadis par le prophète Isaïe : « Debout resplendis, elle est venue ta lumière et la Gloire du Seigneur s’est levée sur toi! ». Du coup, ils prennent la mauvaise attitude : ils ont peur. Au lieu de se réjouir, de cette naissance du Messie tant attendue, ils paniquent. Ils connaissent les Ecritures, mais de façon partielle. Ils savent où le Messie doit naître, mais ils n’ont pas compris toute la largeur et la profondeur de son mystère. Ils ont retenu ce qu’il est possible de maitriser, et non ce qui pourrait les déplacer…

Debout Jérusalem ! Resplendis : elle est venue, ta lumière ! N’est-ce pas aussi à cette Bonne Nouvelle que nous renvoient bon nombre de nos contemporains quand ils viennent nous poser des questions sur la vie et son sens, sur notre foi, sur le Christ auquel nous croyons. Par leur recherche tâtonnante, voire provocante parfois, ils nous disent à leur insu : « Debout ! Parlez-nous de cette lumière à laquelle vous croyez, c’est d’elle dont nous avons besoin »…A leur insu, ils nous engagent à mieux connaitre le Christ et son mystère, pour pouvoir mieux en partager la connaissance. Allons-nous être comme Hérode, trop courts dans nos réponses, trop étroits dans notre vision au risque de limiter l’accès de la rencontre de Celui qui est la Vraie Lumière, celle qui éclaire tout homme ? Ici, chacun, nous sommes renvoyés au sérieux de notre vie chrétienne et de notre vie de moine. Nous sommes porteurs d’une lumière que nous ne pouvons pas réduire et enfermer dans un espace trop clos. En Eglise, nous sommes appelés à approfondir sans cesse le sens et la portée de notre foi au Christ qui veut parler à tout homme, à toutes les nations. Nous sommes comme les photophores fabriqués par nos frères potiers : ces cylindres percés de trous et d’ouvertures pour laisser passer la lumière que l’on met à l’intérieur. Si le cylindre est complètement fermé, non seulement la lumière ne se diffuse pas, mais elle s’éteint. S’il est ouvert grâce aux ouvertures qui sont faites, l’air passe de l’extérieur et la lumière diffuse… N’ayons donc pas peur des questions, voire des critiques qui viennent de l’extérieur, elles nous permettent de demeurer ouverts à la recherche des autres. Si elles nous percent, ou nous creusent, elles peuvent aussi apporter de l’oxygène, et nous permettre de nous renouveler dans notre recherche du Christ, et dans notre compréhension de son mystère. Plus le photophore est ouvert, plus il diffuse.

Debout Jérusalem ! Resplendis : elle est venue, ta lumière ! Frères et sœurs, ce matin, laissons cette Bonne Nouvelle nous réveiller dans la conviction que notre foi brille d’une lumière bien plus grande que nous ne pouvons imaginer. Dieu notre Père a daigné nous illuminer par la venue de son Fils. Il nous offre ainsi un cadeau sans mesure, cadeau que nous ne cessons d’ouvrir et de découvrir à travers notre lecture de la Bible, dans notre prière, au cours de chaque Eucharistie, dans les rencontres avec les autres. Demeurons ces chercheurs, toujours désireux d’approfondir notre connaissance intime du Christ, toujours ouverts aux interrogations de nos contemporains. Car nous aussi, nous sommes en chemin, comme nous l’avons prié au début de cette célébration : « daigne, nous accorder, à nous qui te connaissons déjà par la foi, d’être conduits à la claire vision de ta splendeur ». (2009-01-04)

Homélie du 28 décembre 2008 — Sainte Famille — Frère Sébastien
Cycle : Année B
Info :

Année B - Fête de la Sainte Famille - 28 décembre 2008

Si 3 2-16; Col 3 12-21; Lc 2 22-40

Homélie du F.Sébastien

Texte :

J’ai encore devant les yeux un grand tableau. En bas, une plaque de cuivre où je lis : Sainte Famille. Auteur inconnu. XIXe siècle.

Trois auréoles illuminent la peinture. La plus grande est pour le petit, un délicieux blondinet aux cheveux bouclés, bouclés comme les copeaux dorés qui sortent sagement du rabot de son père, qui menuise, sans avoir besoin d’enlever son auréole. L’Enfant, précoce, ajuste avec soin deux bouts de bois en forme de croix. La mère, silencieuse, recueillie, fait le lien. La famille au complet.

Une famille pieuse du XIXe siècle..., à la fois bien loin de celles de notre XXIe,.... et étonnamment proche à bien des égards....

À mille lieues en tout cas de celles de la Palestine du temps de Jésus. Les enfants n’y vivaient qu’en bande, comme de joyeuses volées de moineaux : Jésus jouait parmi ses « frères et sœurs », pour reprendre les mots de l’Évangile.

Aujourd’hui l’Église célèbre la Sainte Famille : Jésus, Marie, Joseph. La famille toute sainte, hors normes, à trois, c’est tout : le père, la mère, l’enfant unique. Un certain modèle, qui doit donner à penser. À certaines conditions. Mais allons plus loin.

Tout en réfléchissant avec vous, je me demande ce qu’en pense en ce moment notre Père du Ciel. Comme d’habitude, il participe à notre eucharistie – la liturgie, cela le passionne, et il n’en manque aucune, – se réservant le rôle qui lui revient, comme le demande Vatican II.

Il est le Père, « celui de qui vient toute paternité, toute vie de famille, aussi bien dans les cieux que sur la terre ». Il est le chef de toutes les familles, mais en premier lieu de l’éternelle, de la Sainte Trinité.

C’est dans ce foyer rayonnant d’amour que, nous, les humains, « nous avons été conçus, choisis, dans le Christ, dès avant la création du monde », – comme le dit magnifiquement saint Paul.

Dans le Christ, nous n’avons pas été seulement appelés mais aussi divinement adoptés, avec la plénitude des droits de la famille. Ce qui n’est pas sans nous rapprocher étonnamment de ce Jésus qu’adopta un jour un homme de Nazareth du nom de Joseph. C’est sur l’ordre du Très Haut que ce jeune fiancé « prit l’enfant et sa mère », l’enfant qui n’était ni de sa chair ni de son sang. « Et il partit sans savoir où il allait », à l’aveuglette, comme Abraham, son ancêtre, et avec la même foi. La foi offerte, comme super cadeau de mariage, à tout ménage qui se lance.

Une telle aventure ne peut être que bousculée, creusée, renvoyée à ce que l’évangile vient de nous rappeler, lorsque Joseph et son épouse offrent leur enfant à Dieu dans le temple, puis lorsque, douze ans plus tard, ils le perdent dans la foule, à Jérusalem : trois jours d’angoisse mortelle, avant de le retrouver, encore dans le temple, mais pour s’entendre dire sans ménagement : « Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ?» Choc pour le papa confronté par son enfant à un autre Père, un enfant qui éduque virilement ses deux parents désemparés.

« Vos enfants ne sont pas vos enfants, dira le poète Kalil Gilbran, ils sont les fils de la Vie en vous ». L’enfant est toujours un mystère de contestation et de construction au sein duquel ses parents naissent à une nouvelle vie, non sans souffrances.

Jésus, le Fils même de Dieu fit de Joseph à la fois son père adoptif et notre père universel,

comme il fit de Marie sa mère à Nazareth, avant de la faire notre mère universelle, au pied de la croix.

Concluons.

Célébrer la Sainte Famille nous plonge dans le mystère de nos propres familles, de toutes sortes, les temporelles comme les spirituelles, avec leurs réussites et leurs échecs, leurs épreuves et leurs grands bonheurs, leurs parcours aux ressorts imprévisibles. Tout cela vécu entre les immenses bras de notre Dieu et Père, des bras accueillants à tous et à tout, inlassablement encourageants, un Père qui ne songe qu’à une chose : « Il faut que la vie gagne ». Et il s’y emploie ! Fort bien.

Voilà qui peut donner à rêver à ceux et celles qui, du coin de l’œil, observent leurs blondinets et blondinettes, cheveux crépus, yeux bridés, teint de cuivre ou de porcelaine, plongés dans la profondeur mystérieuse de leurs jeux. « Tous ceux-là sont les miens », dit Dieu.

Et nous : « Que sera donc cet enfant ? »

« Que seront nos descendants ? »

Ils seront les fils du Dieu vivant, si nous nous engageons, comme Joseph et comme Marie.

(2008-12-28)

Homélie du 25 décembre 2008 — Noël - Messe du jour — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année ABC - Messe du Jour de Noël - 25 décembre 2008

Is 52 7-10; Heb 1 1-6; Jn 1 1-18

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

En ce jour de Noël, jour de grande fête et de joie nous ne célébrons pas que la seule naissance de Jésus à Bethléem, mais une tripe naissance de Dieu, selon un thème traditionnel de la spiritualité chrétienne. Il y a en effet une naissance de Dieu en lui-même, il y a la naissance du Fils de Dieu en notre chair, et il y a la naissance du Verbe de Dieu en nous-même, en notre âme.

La 1ère naissance sans doute la plus profonde et la plus mystérieuse est celle que nous contemplons dans le Prologue du 4ème Evangile, qui vient d’être chanté solennellement. Naissance éternelle du Verbe au cœur de la Trinité. Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. La suite du texte précise que ce Verbe est le Fils du Père, plein de grâce et de vérité.

Chaque dimanche et aujourd’hui encore dans un instant, nous professons dans le Credo de l’Eglise que le Christ est le Fils Unique de Dieu né du Père avant tous les siècles. Il est Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu engendré, non pas créé et de même nature que son Père. Cet engendrement, cette naissance dans l’éternité échappe au temps et à l’histoire. Elle échappe aussi à notre compréhension et dépasse infiniment les limites de notre entendement, mais nous l’affirmons cependant dans la foi et dans l’amour. Pour nous chrétiens, cette 1ère naissance de Dieu doit demeurer l’objet de notre émerveillement et de notre adoration. Elle est source de joie.

La seconde naissance, celle de l’enfant Dieu à Bethléem qui nous a été rapportée par l’évangile de la messe de minuit, nous est plus familière. Il est plus facile de la raconter aux enfants et elle a été préparée par les calendriers de l’Avent et la réalisation des crèches. Pourtant, cette seconde naissance n’en est pas moins paradoxale ou scandaleuse, voire même folle et impossible à admettre pour qui ne partage pas notre foi. Aucune sagesse païenne, aucune religion ne peut envisager une telle naissance d’un Dieu sur la terre des humains. C’est le mystère de l’Incarnation.

Jésus, le Christ, est né d’une femme, la Vierge Marie, lorsque les temps furent accomplis. Et Dieu a pris les traits de visage d’un bébé, d’un garçon, d’un homme.

Saint Paul dans sa lettre aux Philippiens dira qu’il n’a pas retenu jalousement son rang d’être l’égal de Dieu, mais qu’il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes et par son aspect, il était reconnu comme un homme, et il s’est abaissé dans l’obéissance à son Père, jusqu’à mourir sur une croix.

Autant que pour la 1ère naissance du Verbe dans son éternité, nous avons à nous émerveiller et à nous réjouir de cette 2nde naissance du Verbe dans notre humanité.

Mais ces deux naissances ne présenteraient guère d’intérêt et resteraient extérieures et étrangères à nous, si elles ne s’actualisaient pas présentement en chacun de nous, à l’intime de chacune de nos âmes. C’est le dominicain Maître Echkart qui au Moyen Age, en reprenant une idée d’Origène a longuement développé cette naissance de Dieu qui se produit en nous, en notre âme, et c’est cela qui importe, dit-il. Dieu pénètre ici le fond de l’âme. Personne d’autre ne peut entrer dans le fond de l’âme sinon Dieu seul.

Cette 3ème naissance du Verbe de Dieu à l’intime de notre être permet de rendre compte du vouloir profond de Dieu en s’incarnant. Dieu se fait homme afin que l’homme puisse devenir Dieu, comme l’affirmaient les Pères de l’Eglise. Dieu veut rendre à l’homme sa dignité d’être créé à son image et à sa ressemblance, dignité qu’il a perdue et qu’il perd encore par le péché et c’est toute la raison du sacrifice pascal du Christ dans sa naissance, sa vie, sa mort et sa résurrection. Noël et Pâques sont ainsi inséparables et nous les célébrons ensemble à chaque eucharistie.

Pour terminer, je reprendrai les termes de l’une des préfaces de la nativité qui nous fait chanter à Dieu : « lorsque ton Fils prend la condition de l’homme, la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse ; il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels » .

Amen (2008-12-25)

Homélie du 24 décembre 2008 — Noël - Messe de minuit — Frère Sébastien
Cycle : Année B
Info :

Année B - Messe de Minuit de Noël - 24 décembre 2008

Is 9 1-9; Tt 2 11-14; Lc 2 1-14

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Pourquoi sommes-nous ici, en ce 25 décembre 2008, sinon pour fêter Celui qui offre à notre monde le salut tant attendu par certains, cordialement méconnu, voire méprisé par tant d’autres ?

Mais comment célébrer en vérité une telle fête alors que tous ici nous portons dans notre cœur le monde qui nous entoure, avec ses violences, ses larmes, ses désespoirs ? Comment, sinon en nous plongeant dans la merveille des merveilles qu’est la liturgie. C’est là que Dieu peut, en cette nuit, faire de nous ses vrais enfants, des enfants qu’il désire tellement conduire, un par un, à son Fils unique, ce Fils qu’il a déposé pour nous dans une mangeoire : venez, venez, devenez ce que vous allez contempler. Et en vous le monde accueillera le salut dont il a tant besoin.

Ce que je voudrais partager avec vous, cette nuit, peut se résumer en trois petits tableaux,

Le premier tableau, – que vous connaissez peut-être – est un fait historique, rapporté par Sœur Emmanuelle, celle des chiffonniers du Caire. Les armées du communisme russe envahissent la Hongrie. Un de leurs soldat est tué. Par représailles, l’officier lance ses hommes sur le village avec ordre de piller, violer, massacrer sans pitié avant de mettre le feu. Des hommes, leurs armes ensanglantées à la main, poussent la porte d’une maison et se trouvent nez-à-nez... avec une femme qui les arrête d’un geste en disant : « Pas de bruit, le bébé dort ! »...

Ces brutes, des assassins, touchés au cœur, – on devine pourquoi – , surpris, restent figés sur place, en silence, devant le bébé, puis l’un d’eux dit : « Madame, on a faim ». Elle les fait asseoir, sans bruit, leur réchauffe un reste de soupe et se met à les faire parler sur leurs familles. Une fois rassasiés, ils se lèvent: « Merci, Madame », puis ils s’en vont.

Voilà. Que ce soit au XXe siècle en Hongrie, ou au premier siècle en Palestine, ou encore aujourd’hui, il n’y a rien de plus désarmant qu’un homme désarmé, a fortiori qu’un nourrisson endormi veillé par une jeune femme sans défense. Dieu le sait et il sait en jouer. C’est ce qu’il fait en la nuit de Noël...

C’est ce nourrisson et sa mère que j’ai vu réapparaître dans mon deuxième tableau, un tableau venu se superposer sur le premier comme une clé de lecture. Une simple carte postale dans mon courrier de Noël, représentant une Nativité d’un maître de l’école flamande du XVe siècle (Geertgen). Regardons ensemble. À l’arrière plan, dans les ténèbres, on devine le grouillement des puissances du mal rameutées pour dévorer l’Enfant dès sa naissance. Au premier-plan devant la crèche mangeoire, un petit espace bien éclairé, dégagé, pour que l’on puisse venir s’agenouiller. La mangeoire est une sorte d’auge de pierre, taillée et polie, aux arêtes vives, glaciale. Posé au fond sur quelques brins de paille clairsemés, un minuscule bébé, complètement nu, nu comme au sortir du sein, posé là comme tant d’enfants qu’on abandonnait autrefois aux portes des églises. Sa jeune mère nous regarde en coin, pour qu’on regarde son enfant. On sait que, dans la Bible, la nudité est signe de vulnérabilité, de fragilité, de dénuement. Ici, c’est celle du Fils de Dieu incarné, image en notre terre de son Père du Ciel, Dieu né de Dieu, né nu comme il mourra nu sur une croix, totalement désarmé.

De la petite boule de chair pâle, phosphorescente comme un ver luisant, partent des rayons de lumière en forme d’ostensoir. Leur rayonnement illumine les visages de la mère et des anges adorateurs ; ceux-ci nous représentent et il suffit de les regarder pour être gagnés par une terrible nostalgie de vraie prière, de profonde adoration. La Lumière née de la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.

Mais il faut aller plus loin avec le troisième tableau.

Celui-ci est dû au pinceau littéraire de saint Luc. C’est l’extraordinaire évangile que nous venons d’entendre. Il nous fait comprendre que, si l’Enfant divin est venu sur terre, c’est pour les bergers, des rustres, voleurs, quasi hors la loi, et pour nous, des comme eux. C’est à ces bergers qu’est envoyé l’Ange du Seigneur pour leur annonciation. « L’ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa clarté ». Il faut réaliser. L’ange les habille, il les enveloppe dans la lumière de la gloire divine, les en revêt. Tout est dit du mystère de Noël, en quelques mots. Alors que l’Enfant divin a pris sur lui leur humble condition humaine, alors qu’il se retrouve lui-même dans de très pauvres langes, les bergers eux sont revêtus, habillés, enveloppés dans la gloire même du Seigneur, cette gloire qui est le propre de Dieu. Ils rayonnent dans la nuit, ils n’ont plus besoin de chiens et de bâtons pour éloigner les loups de l’adversaire. Ils deviennent des artisans du salut de Dieu sur notre terre.

Cette nuit, Dieu se fait homme pour que l’homme devienne Dieu. C’est fait, et nous pouvons chanter « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime », aux hommes qu’il aime à ce point ! C’est la nuit de Noël, la nuit des désarmés plus forts que toutes les puissances du mal.

Et nous ? Nous, nous n’avons plus qu’à retourner à la crèche, pour nous charger de lumière céleste en contemplant longuement l’Enfant qui nous attend, sous le regard de son Père, qui est notre Père. (2008-12-25)

Homélie du 21 décembre 2008 — 4e dim. de l'Avent — Frère Servan
Cycle : Année B
Info :

Année B - Avent - 4e Dimanche - 21 Décembre 2008

2 S 7 1-16 ; Rm 16 25-27 ; Lc 1 26-38

Texte :

Cet évangile de l'annonciation a inspiré tant de peintres (Fra Angelico), et tant de poètes (l'hymne Acathiste en Orient, en Occident les homélies ferventes d'un Bernard de Clairvaux sur

le Missus est, la méditation d'un Charles Péguy).

Cela peut nous inviter à rester dans le même registre, et, par exemple à composer et méditer

le tableau suivant:

Au centre, une image familière aux vitraux de nos cathédrales (Chartres) : un bel

arbre de Jessé le père de David ; donc, montant, à partir de cette racine (nos racines). A travers David le roi idéal et idéalisé, jusqu'à la fleur, la Vierge Marie, et à son fruit (et béni soit le fruit de vos entrailles), Jésus de Nazareth, fils de Dieu et fils de David.

De chaque côté, en médaillons, les prophètes entourent cet arbre généalogique, dont bien sûr, Isaïe, que nous avons relu durant ce temps de l'Avent: « Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel ».

Pour faire bonne mesure, nous pourrions attribuer un médaillon à un poète-prophète laïc, notre Victor Hugo national. Il va chercher encore plus profond les racines jusqu'à la belle histoire de Booz et Ruth, les grands parents de Jessé: (Booz endormi fit un songe)

« Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne

qui, sorti de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu.

Une race y montait comme une longue chaîne

Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu ».

Mais il manque encore quelque chose d'important à notre tableau! N'oublions pas en bas, de chaque côté, Mr et Mme les Donateurs, les mains jointes, comme on en voit sur les tableaux des XIVe et XVe s. Ils nous représentent, nous et toutes les générations de croyants qui nous ont précédé depuis cette première communauté des Romains à qui l'apôtre Paul adressait ce résumé de son évangile « Resté dans le silence depuis toujours, ce mystère (Jésus-Christ) est aujourd'hui manifesté. Par ordre du Dieu éternel et grâce aux écrits des prophètes, il est porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l'obéissance de la foi ». (deuxième lecture).

Nous ne regardons plus le tableau de l'extérieur, comme dans un musée; mais nous sommes dedans, comme les donateurs appelés à « l'obéissance de la foi » dans notre vie de chaque jour, comme Marie la croyante qui dit OUI: « Que tout se fasse pour moi selon ta parole ». - cela peut nous être rappelé par les trois Angélus qui rythment le jour –

Nous savons que le plus important dans la piété et spiritualités mariales, c'est bien d'être entraînés par Marie à dire Oui dans notre quotidien dans l'écoute et l'obéissance à la parole de Dieu.

Jésus l'avait bien dit lorsque regardant ceux qui étaient assis en rond autour de lui, il déclara: « Ma mère et mes frères ? Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m'est un frère, une sœur, une mère ». ( Mc 3,31)

Cela, tous les grands spirituels chrétiens l'ont rappelé, depuis Origène et saint Augustin, jusqu'aux mystiques rhénans et Angélus Silesius :" L'œuvre que Dieu préfère et désire au plus profond, c'est d'engendrer son Fils en toi (et autour de toi) et pour terminer nous pouvons citer Péguy (que nous avions mentionné au début) :

« Jésus Christ ne nous a point donné des conserves de paroles, mais des paroles vivantes qui ne peuvent se conserver que vivantes, nourries, portées, chauffées, chaudes dans un cœur vivant, comme une mère charnelle nourrit et porte sur son cœur son dernier-né ». (Porche du mystère, 2°vertu)

Frères et sœurs, telle est la grâce et le programme de Noël : Que nous nous souhaitons mutuellement. (2008-12-21)

Homélie du 16 novembre 2008 — 33e dim. ordinaire — Frère Ghislain
Cycle : Année A
Info :

Année A - 33° Dimanche du Temps Ordinaire

Sg 31; 1 Th 5 1-6; Mt 25 14-30

Homélie du F.Ghislain

Texte :

L’homme qui partait en voyage possédait, nous dit le texte, trois serviteurs et huit talents. En s’en allant, il répartit sa fortune entre ses serviteurs. C’est un acte de confiance généreuse et intelligente, puisqu’il s’en remet à eux pour la gestion de tout son bien, en tenant compte des capacités de chacun.

Normalement, affermis par la confiance qui leur est faite, les serviteurs devraient se livrer avec détermination à la tâche qui leur est confiée. Et c’est bien ce qui se passe pour les deux premiers, dont la performance est impressionnante. Le troisième, lui, ne réussit pas à vaincre sa peur et se pose des tas de questions : s’il n’arrivait pas à gérer correctement le gros lingot ? Si ses opérations tournaient mal, de sorte qu’il ne puisse même pas rendre la totalité de ce qu’on lui avait confié ? Le plus prudent n’est-il pas alors d’enterrer cet or ? Il le rendrait du moins en entier, et on ne pourrait pas lui reprocher d’avoir rien perdu. Le point à relever ici est que sa peur se projette sur l’image qu’il se fait de son maître. Parce qu’il craint de ne pas réussir, il imagine un maître qui le juge froidement sur ses performances. Celui-ci peut alors répondre : « De deux choses l’une : ou bien je suis un patron dur et exigeant, alors il y a intérêt à réaliser des bénéfices, pour éviter des conséquences désagréables. Ou bien, je sais faire confiance et je n’exige rien qu’on ne puisse normalement réaliser, et alors, comme l’ont compris les autres serviteurs, il fallait se mettre au travail, pour plaire à celui qui fait confiance ». « Je savais que tu es un homme dur », dit le serviteur. Mais ce n’est pas vrai ! Plus haut, dans l’évangile de saint Matthieu, Jésus dit qu’il est, au contraire doux et humble de cœur, que son joug est bon, sa charge légère. Si donc nous voulons porter du fruit dans le labeur de l’Évangile, il faut commencer par nous demander qui est Jésus et, peut-être nous laisser séduire par sa douceur. Si nous avons l’impression de peiner sous la charge, n’est-ce pas le moment d’entendre son appel : « Venez à moi » ?

Je voudrais vous laisser maintenant avec deux suggestions. Le première serait de regarder votre vie telle qu’elle est, concrètement. Est-ce que, par hasard vous ne pourriez pas dire au Christ : « Seigneur tu m’as donné deux talents, j’en ai gagné deux autres ». Je crois vraiment que la plupart d’entre nous le pourrait ; effectivement, le travail est parfois dur, mais n’essayons-nous pas, moment après moment, de faire face ? Portons donc sur notre vie un regard positif, et, au lieu de nous lamenter, pourquoi ne pas plutôt rendre grâces, ce qui nous permettra de persévérer, voire de faire plus ? Et, si par hasard nous pensons honnêtement que nous demeurons en deçà de l’attente du Christ, alors de nouveau entendons son appel, et ne craignons pas de mettre la barre assez haut : rendre à 100% ce que nous avons reçu, puisque c’est ce que le Christ attend et que son Esprit en nous le rend possible.

Homélie du 09 novembre 2008 — 32e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A - 32° Dimanche du Temps Ordinaire

Sg 6 12-16; 1 Th 4 13-18; Mt 25 1-13

Homélie du F.Guillaume

le 6 nov 2011

Texte :

Frères et sœurs,

Cette parabole bien connue des dix jeunes filles invitées à des noces et allant à la rencontre de l’époux en pleine nuit, avec leurs lampes, nous est proposée par l’Eglise, alors que nous approchons de la fin d’une Année liturgique.

Tout comme la parabole des talents que nous entendrons dimanche prochain, ou celle de ces invités à une autre noce qu’un roi a du mal à rassembler pour faire la fête, et parmi lesquels il se trouve un homme qui n’a pas revêtu le vêtement de noce, ces textes nous situent dans la perspective du Royaume des Cieux. Ils sont des avertissements avant un Jugement final, un jugement Dernier, sans recours possible.

Nous sont-ils lors adressés pour susciter en nous la peur, la culpabilité et nous donner une image d’un Dieu redoutable, qui nous paraîtrait injuste, avec nos catégories de justice humaine. Oui, c’est une lecture possible, et elle a eu cours dans la prédication de l’Eglise à bien des époques. Mais c’est une lecture à un premier degré, et nous devons apprendre à lire les paraboles de l’évangile à un niveau plus profond, plus spirituel.

C’est tout l’enjeu d’une bonne compréhension de cette parabole des dix vierges ou jeunes filles, dont 5 étaient sensées (ou sages) et 5 étaient folles selon une fidèle traduction du terme grec (morai). Oui, folles, ce qui est bien plus fort que simplement étourdies ou sottes. Le fou, dans la Bible ne désigne pas seulement le sot qui n’a pas d’intelligence, mais d’abord l’impie qui s’oppose à la Loi de Dieu et qui va jusqu’à dire en son cœur : il n’y a pas de Dieu.

L’évangéliste Matthieu applique ce terme de fou ou d’insensé à l’homme qui bâtit sa maison sur le sable, c’est-à-dire celui qui écoute bien les paroles de Jésus, sans les mettre en pratique. Un peu aussi comme ces graines semées au bord du chemin ou dans les rocailles ou dans les épines et qui, sans racines ou étouffées, sont incapables de porter du fruit.

Loin donc d’être « étourdies », les 5 vierges « folles » sont en réalité « insensées » devant Dieu. Ce n’est pas leur manque d’attention qui se trouve mis en cause, mais bien leur attitude spirituelle.

Quelle est donc alors l’attitude de 5 autres, « sages » ou « sensées » ? Le même qualificatif (fronimai) renvoie à cet homme « avisé » qui a bâti sa maison sur le roc, parce qu’il a écouté les paroles de Jésus et il les a mises en pratique. Plus qu’une simple sagesse humaine, faite de prudence et de prévoyance (on pourrait même faire appel au principe de précaution, mis en avant aujourd’hui), c’est d’une certaine intelligence du mystère de Dieu dont il s’agit là. Les 5 vierges sages sont plus que des filles intelligentes et futées : elles possèdent en même temps cette suprême ouverture du cœur au Royaume de Jésus.

Toutes ces jeunes filles avaient emporté des lampes, mais c’est l’huile qui fait défaut à 5 d’entre elles. Qu’est-ce donc que cette huile ? Une interprétation spirituelle peut y voir cette réserve de vie intérieure qui doit accompagner la veille, voire même le sommeil. Car la parabole ne reproche pas aux jeunes filles fatiguées de s’être endormies. Les 10 ont failli à ce niveau de vigilance. Mais la vigilance demandée par l’Evangile n’est pas de l’ordre de la performance physiologique ou corporelle. Elle réside dans l’attitude spirituelle de celui ou celle qui se tient prêt, et qui en prend les moyens. Prêt pour l’arrivée de l’époux qui peut survenir à tout moment : vous ne savez ni le jour, ni l’heure. Tout comme l’épouse du Cantique peut s’écrier : « je dors, mais mon cœur veille ».

Les vierges folles, elles, n’ont pas su être prêtes. Pourtant, comme les autres, elles se sont donné de la peine, mais trop tard ! Comme les autres, elle ont fini par rallumer leurs lampes, mais trop tard ! Comme les autres, elles sont arrivées à la porte de la salle des noces, mais trop tard !

Voilà ce que Jésus veut nous dire. Ce n’est pas nous qui choisissons ou maîtrisons l’heure de sa Venue. Il nous renvoie alors au sérieux de notre liberté humaine et à notre responsabilité. Ce n’est pas pour rire que nous avons été aimés par lui et qu’il nous sauvera. Selon la perspective biblique, les « folles » ne sont rejetées hors de la salle des noces que parce que d’abord, elles ont rejeté Dieu. Le jugement rendu par Dieu ne fait que traduire ce qu’elles ont mérité par leur propre comportement. Et les pharisiens du temps de Jésus qui écoutaient ces paroles ont dû très bien comprendre. Les chrétiens que nous sommes aujourd’hui sont tout autant appelés à les comprendre. Car, à travers ces 10 jeunes filles, il nous faut voir la figure de l’église, sortant à la rencontre de son Epoux, le Christ. Et c’est donc bien de nous, de chacun d’entre nous qu’il s’agit maintenant.

Suis-je prêt ? Est-ce que je veille ? Et comment ?

Ma communauté, ma paroisse, mon église sont-elles prêtes ? Veillent-elles ? Et comment ? (2011-11-06)

Homélie du 02 novembre 2008 — Défunts — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

COMMEMORAISON DE TOUS LES FIDELES DEFUNTS

Dimanche 02.11.08

Sg 2, 1-4, 22-23 – 3, 1-9 ; Rm 8, 18-23 ; Lc 12, 35-38, 40

Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs,

Prier pour nos défunts comme nous le faisons aujourd’hui est toujours une occasion pour nous les vivants, de méditer sur notre vie et sur notre mort. La mort n’est-elle pas pour tout humain comme le grand point d’interrogation à la fin d’une phrase ? En nous souvenant de tous ceux qui nous ont précédés, connus ou inconnus, en appelant sur eux la miséricorde de Dieu, nous confessons déjà que ce point d’interrogation n’est pas la fin du grand récit de l’histoire humaine. Nous le faisons en nous appuyant sur la foi et l’espérance de ces hommes et de ces femmes qui, depuis Abraham, se savent accompagnés et guidés par un Dieu d’Amour. Chacune des lectures nous offrent le témoignage de foi de trois croyants, l’auteur du livre de la Sagesse, Paul et Luc qui nous partagent leur vision de la vie et de la mort.

L’auteur du livre de la Sagesse entend se distancer des incroyants de son époque qui disent : « Nous sommes nés du hasard, et après, nous serons comme si nous n’avions pas existé ». Face à ce discours très humain que l’on peut encore entendre aujourd’hui, il dit modestement sa foi : « Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable ». Hasard ou vie sensée et ordonnée à un but ? Devant ce grand point d’interrogation de notre destinée humaine, le sage de la Bible invite son lecteur à un regard contemplatif de la réalité. Ce monde, tel qu’il se donne à voir est sensé, étonnement sensé. La Sagesse divine lui a impulsé un ordre. Si l’athée s’appuie sur le constat de l’impasse de la mort et sur l’intolérable de la souffrance pour fonder son incroyance, le sage de la Bible enracine sa foi sur son émerveillement devant cette création si richement déployée. La douleur face à l’arbre qui tombe ne peut masquer la beauté de toute la forêt qui pousse.

Paul nous donne une autre vision dans la lumière de sa foi au Christ mort et ressuscité. Il pense que toute l’histoire de la création est comme l’histoire d’un grand enfantement. « La création toute entière crie sa souffrance, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore ». Notre vie humaine inséparable de celle du cosmos est en travail d’enfantement, elle est en perpétuelle naissance. Tout le regard de Paul se porte donc vers cet avenir où la réalité sera pleinement accomplie. C’est cet avenir qui donne sens au présent. Notre présent ne reflète qu’une pâle figure de ce qu’est la réalité. De même notre vrai visage, celui de fils de Dieu, doit encore être manifesté. Et il le sera quand notre corps sera ressaisi lui aussi dans la lumière de Dieu, lors de la résurrection finale. Un enfantement ne peut se faire sans douleur. De même, c’est en passant par la mort que le Christ nous a ouvert le chemin de la Vie. Une Vie dont la mesure dépasse infiniment celle que nous pouvons connaitre.

Après ces deux grandes visions sur le mystère de notre vie et de notre mort, Luc nous propose une manière très concrète d’aborder notre mort : « veiller en tenue de service ». Veiller comme on attend un être aimé. Le Christ ne souhaite qu’une chose de notre part : que l’attendions comme un ami, dans la confiance. Il nous indique, avec humour pourrait-on dire, quel costume on doit mettre, non notre plus beau complet veston ou notre plus belle robe, mais l’humble habit de service, celui de la vie quotidienne, celui par lequel nous nous faisons proches de nos frères et sœurs en humanité. Que notre cœur soit soucieux d’être non beau en apparence, mais profondément donné à ceux qui nous entourent, tel sera notre meilleure façon de recevoir le Christ quand il viendra à notre rencontre. De manière très simple, Luc nous redit que notre vie est ordonnée à cette rencontre heureuse du Christ qui nous trouvant en tenue de service, nous servira lui-même, ce qu’il ne cesse déjà de faire depuis la dernière Cène.

En cette Eucharistie, entrons avec confiance dans l’offrande du Christ Serviteur, unissons-nous à lui, en nous offrant avec lui pour le salut de tous nos frères les hommes. (2008-11-02)

Homélie du 12 octobre 2008 — 28e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année A
Info :

Année A - 28° Dimanche du Temps Ordinaire - 12 Octobre 2008

Is 25 6-9; Ph 4 12-14, 19-20; Mt 22 1-14

Homélie du F.Servan

Texte :

Quand j'arriverai au ciel bien sûr, grâce à la miséricorde de mon Dieu et soutenu par la communion priante de mes frères, j'irai d'abord et avant tout rencontrer et remercier le Fils de l'Homme : « Mon Seigneur et mon Dieu », mon Sauveur, élan du cœur, rencontre intime et indicible! Tous mes petits secrets et évanouies les milliers de pages historico-criques et tâtonnantes sur Jésus de l'histoire et Christ de la foi ; « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t'aime! »

Après un certain temps d'acclimatation (si tant est que le temps ait quelque chose à voir dans ce monde-là !), il se pourrait bien que je demande à rencontrer l'évangéliste Matthieu pour lui demander quelques explications. Par exemple : « Ce fameux vêtement de noce, c'était quoi, au juste, pour vous? et, cette huile qui est venue à manquer dans la lampe d'un certain nombre de demoiselles d'honneur? » Et lui (d'une voix céleste mais quand même un peu bourrue) : « Je vois que vous avez la tenue réglementaire, bien qu'elle me semble un peu fantaisiste, pas très bien repassée et là, des reprises et il manque plusieurs boutons! - Une fois de plus le préposé à la porte du ciel a fait preuve de son indulgence coutumière. Bon, passons. Mais à propos de votre demande, je pense que vous, nouveau-venu vous pourriez déjà me dire votre idée sur la question à partir de votre petite expérience chrétienne éclairée par la Parole de Dieu!

.

J'ai hésité, mais au ciel les examens sont beaucoup moins stressants que sur la terre ; on est en confiance, on n'a plus peur de dire des bêtises même avec un professeur sévère comme l'évangéliste Matthieu. Je me suis donc lancé :

" Durant ma petite vie sur la terre, où j'ai tant de fois écouté, lu et relu votre évangile, j'ai constaté que

vous insistiez fortement et souvent sur une « mise en pratique » efficace, courageuse des commandements. Ceux par exemple de votre chapitre 19 que Jésus rappelle au jeune homme riche « Tu ne tueras pas, tu

aimeras ton prochain comme toi-même » ( c'est important pour tout le monde mais spécialement pour les

chrétiens qui agissent pour l'abolition de la torture!) et mise en pratique d'autres enseignements de Jésus, par exemple au chapitre 18, « pardonner jusqu'à soixante-dix-sept fois sept fois et du fond du cœur » et puis, tout le Sermon sur la Montagne « qui accomplit la loi et les prophètes » mais se conclue ainsi: « qui entend mes paroles sans les mettre en pratique est semblable à moins que rien! »

Bon! Mais, attention! On nous a souvent répété: pas de légalisme comptable et comparatif du genre: « je

jeûne deux fois la semaine, je prie sept fois ou trois fois par jour, c'est pas comme celui-ci ou celle-là etc » -

excusez-moi, cela, c'est plutôt du Saint Luc! Donc, pas de religion des œuvres seules ou des vertus, ce serait du pain sec sans confiture dessus!

Je peux également vous citer St Paul (là j'ai vu Matthieu froncer les sourcils), car quand j'ai quitté

la terre, dans mon Eglise, c'était l'Année st Paul et, tout le monde s'était mis à le relire avec une ferveur

étonnante!

C'est qu'il a de très bonnes formulations. Par exemple, dans sa lettre aux Galates, celle-ci qui m'a toujours bien parlé: « Pour celui qui est en Jésus Christ et qu'anime son Esprit, ni la circoncision (ni la Loi) ne sont efficaces, mais la foi agissant par l'Amour ».

« Agissant » Il y a bien un agir, une pratique mais encadré, et surtout dynamisé par la Foi au Christ

sauveur et par l'Esprit répandu en nos cœurs!

Le grand saint Augustin (qui a dit beaucoup de choses) a dit entre autres: la tenue de noce, c'est l'Amour. Celui qui est célébré dans l'Hymne à l'Amour (1 Co 13) « j'aurai beau faire ceci ou cela, si je n'ai pas l'Amour, je ne vaux rien! "

Un grand spirituel russe, Séraphin de Sarov dira que l'huile dans les lampes c'est l'Esprit saint habitant et

inspirant nos cœurs. Amour - Esprit saint, c'est pareil!

J'ajouterai le mot de générosité (reflet de cette générosité et surabondance qui est notre Dieu révélé

par Jésus Christ) et j'ai toujours eu plaisir à retrouver ce mot dans le Ps 50 que j'ai tant de fois prié et chanté avec mes frères:

« Crée en moi un cœur pur, restaure en moi un esprit ferme; que l'Esprit généreux me conduise ! » ou encore ce verset du Ps 118 cher aux disciples de saint Benoit:

« Je cours dans la voie de tes volontés - car tu mets au large (tu dilates) mon cœur »

Voie étroite pour mes pulsions et mes petits désirs, mais l'Esprit généreux repousse les murs de mon espace intérieur ; mets si besoin de l'huile, beaucoup d'huile dans mes rouages un peu usés!

J'ai mentionné Benoit que sur terre j'ai eu la chance d'avoir comme entraîneur sportif et qui nous a

donné de bons conseils techniques: généreux, d'accord ... mais pas à l'aveuglette, du genre : « tout pour

Jésus! », pas sans discernement ni intelligence, sans connaissance expérimentale de moi-même, des autres et de l'humanité qui ressemble parfois à une jungle un peu folle, pas sans jouer collectif avec les autres

membres de mon équipe ni écouter le capitaine de l'équipe. (On dit qu'un certain Dietrich Bonhoeffer était aussi un bon entraîneur pour la vie communautaire !)

Matthieu l'évangéliste m'a alors interrompu : « Cà suffit comme çà ! Je vous donne la mention passable. Je vois que vous lisez un peu trop saint Paul et que (sans tomber pourtant dans la grâce « à bon

marché ») vous êtes un de ces braves pagano-chrétiens de tendance libérale-optimiste. Moi je suis fier d'être un judéo-chrétien un peu plus énergique et exigeant. Mais; comme dirait Jésus, il faut de tout pour faire un paradis! Je vous souhaite donc un agréable séjour! ».

(2008-10-12)