vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 28 novembre 2010 — 1er dim. de l'Avent — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A - Avent 1° Dimanche - 28/11/1999

Isaïe 63,16b-17 64,2b-7 ; 1Cor 1,3-9 ; Marc 13,33-37

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

C’est à 4 reprises que nous venons d’entendre le verbe « veiller » dans ce court passage de l’Evangile de St Marc. Et par 3 fois, à l’impératif présent : « veillez ! », comme un ordre commandé par Jésus au petit groupe de ses disciples d’abord, et en finale à tous.

La liturgie de ce 1er dimanche de l’Avent nous invite donc une nouvelle fois à méditer sur ce thème de la vigilance, de l’attente du retour du Seigneur, comme s’il n’avait pas été suffisant d’écouter les paraboles du même type durant tous les derniers dimanches du cycle liturgique précédent depuis la Toussaint.

J’aimerais ce matin insister sur quelques notes plus spécifiques à cet évangile de Marc la place de la nuit, avec son corollaire du sommeil, le rôle particulier confié au portier qui par fonction ne doit pas dormir, enfin l’effet de surprise, « à l’improviste » dit la traduction, du retour du Maître.

La nuit – le sommeil.

La nuit, opposée au jour est le symbole de l’obscurité, des ténèbres, de la mort. Bien qu’elle puisse avoir un aspect positif, tout comme le désert, l’eau, le feu, c’est le côté symbolique négatif qui domine le plus souvent dans les textes bibliques.

La nuit, hier comme aujourd’hui, c’est le temps de toutes les atrocités, des vols, des crimes, des violences. Je ne sais si vous avez lu le très beau livre d’Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix, où il donne son témoignage personnel de rescapé des camps de concentration nazis. Le titre du livre est « la nuit » et en voici un passage :

« Jamais je n’oublierai cette nuit, la première nuit de camp qui a fait de ma vie une nuit longue et sept fois verrouillée.

Jamais je n’oublierai cette fumée.

Jamais je n’oublierai les petits visages des enfants dont j’avais vu les corps se transformer en volutes sous un azur muet.

Jamais je n’oublierai ces flammes qui consumèrent pour toujours ma Foi.

Jamais je n’oublierai ce silence nocturne qui m’a privé pour l’éternité du désir de vivre.

Jamais je n’oublierai cela, même si j’étais condamné à vivre aussi longtemps que Dieu lui-même. Jamais. »

Saint Marc, lui, évoque les 4 veilles qui découpaient le temps de la nuit pour les romains (un peu comme les 4 quarts des marins) : le soir, à minuit, au chant du coq, le petit matin. Et l’on peut associer ces 4 veilles à 4 moments de la Passion et de la Résurrection de Jésus, ce qui confère alors une note éminemment pascale à ce texte.

- la première veille, c’est le soir, à la tombée du jour, au commencement de la nuit : Jeudi Saint, le temps des derniers entretiens de Jésus avec ses disciples : c’est le don de l’eucharistie,

- la deuxième veille, au milieu de la nuit, après la sortie de Judas (« il faisait nuit » rapporte Saint Jean), c’est le moment de la prière de Jésus à Gethsémani. Jésus veille, les disciples dorment, accablés. C’est le temps du procès, des interrogatoires de Jésus avec Caïphe, avec Pilate, le temps des deux premiers reniements de Pierre, au coin du feu. En plus de l’obscurité, il faisait froid, cette nuit-là,

- la troisième veille, au chant du coq :le troisième reniement de Pierre et le regard de Jésus. Repentir de Pierre qui pleure, accueillant le pardon, tandis que Judas va se pendre à la même heure, enfermé dans son péché et son désespoir,

- la quatrième veille enfin, au petit matin, à l’aube. C’est le temps de toutes les scènes de la Résurrection, avec Marie Madeleine, Pierre et Jean, les anges, etc.

A chacun de ces moments, Jésus est présent. Il veille, il est attentif aux situations, à ses disciples, il vient, il re-vient vers eux. Ces derniers, qu’ils soient endormis ou éveillés, ne sont pas vraiment présents. Ils vivent à côté des événements. Ils sont du côté du sommeil, de la mort. Ce n’est qu’à la lumière de la rencontre du Ressuscité, le Jour de Pâques, qu’ils vont réaliser toute l’ampleur de la nuit dans laquelle ils avaient été plongés.

Ensuite, il y a la mention du portier. Dans la parabole, c’est au portier seul qu’il est recommandé de veiller. Aux autres serviteurs, le maître, à son départ, assigne un travail qui semble être plutôt de jour ; la nuit, ils peuvent dormir en paix, le portier monte la garde, au service de tous

Mais après la parabole, quand Jésus reprend son adresse aux disciples, il étend cette fonction propre au portier, à tous : « ce que je vous dis là, je le dis à tous : veillez ! »

La porte, nous le savons par l’évangile de Jean, c’est le Christ lui-même, pasteur de son troupeau. Il monte la garde, jour et nuit, contre les loups et les voleurs. Le portier, c’est non seulement celui qui veille, mais c’est celui qui fait entrer ou sortir, qui exerce un discernement, un jugement.

Tous alors, nous avons à devenir ce portier-berger pour les troupeaux, petits ou grands qui nous sont confiés et sur lesquels nous avons à veiller. Dans l’Eglise, nous ne devons pas nous reposer sur tel ou tel ministre de la veille ; ce n’est même pas à tour de rôle que nous avons à veiller ; tous ensemble, à tout moment, veillons.

Enfin, la mention de l’improviste « » propre à Marc. Par surprise, ou plus exactement dans un « non-savoir », car l’expression revient par deux fois : « vous ne savez pas quand viendra le moment », « vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra ». Non savoir, non-programmé de l’avenir, où se joue le retour du Seigneur et l’événement de sa rencontre avec nous.

Aujourd’hui, 28 Novembre, nous commençons une nouvelle année liturgique, et dans un mois et deux jours, nous entrerons dans un nouveau siècle et même un nouveau millénaire. Que seront-ils ? Radicalement, nous ne le savons pas, alors que nous savons que trop bien ce qu’ont été les précédents. Certains prédisent que le XXI° siècle sera religieux, spirituel, ou alors qu’il ne sera pas. Sera-t-il le siècle des catastrophes nucléaires ou biologiques, de l’anéantissement de la vie, ou alors sera-t-il celui de la réconciliation entre les peuples, les nations et les religions, comme nous pouvons, nous devons l’espérer ? En fait, nous ne le savons pas, et c’est très bien ainsi.

L’Evangile ne commande qu’une seule chose : acceptant de nous tenir dans ce radical non-savoir, qui est aussi un non-pouvoir et un non-avoir, il nous faut nous « tenir éveillés, sans reproche, solidement établis dans le Christ jusqu’au bout », comme le dit Saint Paul, dans la 2° lecture aux corinthiens, dans « l’espérance que Dieu est fidèle, lui qui nous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus-Christ, Notre Seigneur ».

Et comme le disait tout aussi bien à sa manière le prophète Isaïe, dans la connaissance bienheureuse que :

« Tu es Seigneur, notre Père, notre Rédempteur,

nous sommes l’argile, et tu es le potier,

nous sommes tous l’ouvrage de tes mains ».

AMEN (1999-11-28)

Homélie du 19 septembre 2010 — 25e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - 25° Dimanche du Temps Ordinaire - 19-09-2010

Amos 8, 4-7 ; 1 Timothée 2, 1-8 ; Luc 16, 1-13

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs, avouons-le, le texte de l’évangile que nous venons d’entendre a de quoi nous surprendre, voire même nous choquer, nous scandaliser. Quoi donc ? Jésus ferait-il l’éloge de la malhonnêteté, de l’escroquerie en donnant en exemple un intendant qui fait le généreux aux dépens de son maître, en gaspillant ses biens ?

Quel contraste entre cet homme riche et le maître de la parabole des talents, qui, lui, fait l’éloge de ses serviteurs qui ont fait fructifier l’argent qu’il leur avait confié : 5 talents supplémentaires pour celui qui en avait reçu 5, 2 autres pour celui qui en avait reçu 2. Félicitations et accueil dans la joie pour ces 2 bons gestionnaires, malédiction et reproche au contraire pour le malheureux qui a fait perdre de l’argent à son maître avec son seul talent reçu, mais enfoui en terre, alors qu’il aurait pu rapporter des intérêts à la banque ;

Remarquons que ces textes appartiennent au genre des paraboles. Le propre de ce genre de récit est de dégager une leçon, au-delà de la 1ère impression, laquelle a pour but de surprendre, de dérouter (au sens étymologique de paraballein en grec), de piquer la curiosité, un peu comme le genre des énigmes ou des Proverbes que pratiquaient beaucoup les sages et les rabbins au temps de Jésus et qui ont toujours cours dans la tradition juive. Plusieurs de ces paraboles (tout spécialement dans l’évangile de Luc) ont pour objectif de faire réfléchir sur la question de l’argent. Une question de tous les temps, hier comme aujourd’hui.

En préparant cette homélie, il m’est revenu en mémoire une nouvelle que j’ai lue, il y a un mois environ dans le journal et qui avait alors frappé ma curiosité, comme la vôtre aussi peut-être.

Un homme actuel, considéré depuis des années comme le plus riche du monde, M. Bill Gates, fondateur de la Sté Microsoft qui équipe les logiciels de plus de 90% des ordinateurs de la planète, cet homme a invité et il a réussi à persuader une quarantaine de milliardaires comme lui, d’abandonner la moitié de leur fortune personnelle, soit de leur vivant, soit à leur mort, afin de le donner à des fondations ou des ONG en faveur des malades des pays pauvres, en Afrique, en Asie ou ailleurs. Et le journal donnait publiquement les noms de ces riches qui s’engageaient par promesse à faire cet abandon de leurs biens. On sait que M. Bill Gates et sa femme œuvrent déjà depuis plusieurs années à travers une telle fondation.

Avec tout cet argent, faut-il le qualifier nécessairement de « trompeur », en soupçonnant la façon dont il a été acquis, les programmes de santé dépasseraient largement les budgets nationaux de certains pays aidés.

Mais j’en reviens à l’habileté du gérant de notre parabole, face à l’argent qui lui a été confié par son maître. Son intelligence est de se servir de cet argent pour se préparer des bons contacts, une fois qu’il sera sans emploi, au chômage. Or, les auditeurs de Jésus, ces pharisiens qui aimaient l’argent (St Luc nous le dit au verset suivant), n’ont pas su, eux, se servir de leur richesse pour se préparer des contacts dans l’au-delà. Ces contacts, ce sont les pauvres, qu’ils méprisent, comme le décrit si bien une autre parabole : celle du riche qui faisait des festins somptueux tous les jours, sans voir le pauvre Lazare, à sa porte, mais qu’il retrouvera, à sa mort, dans l’au-delà, en situation inversée, aux cotés d’Abraham.

L’habileté du gérant trompeur est donc d’avoir su investir dans le domaine des relations ou des ressources humaines. Il s’est fait des amis avec l’argent trompeur, afin que, le jour où l’argent ne sera plus là, ces amis l’accueillent dans les demeures éternelles à côté d’Abraham et de Lazare.

C’est cela le bon choix et c’est cela le sens des félicitations de ce propriétaire riche et désintéressé, prêt à sacrifier 50% ou 20% de ses bénéfices (il lui en restera encore une bonne somme). Il a reconnu dans son gérant un sens des relations humaines, à l’opposé de l’égoïsme d’un gestionnaire dont le seul objectif aurait été d’augmenter ses profits ou ses capitaux financiers.

La morale de cette parabole est donc d’élargir notre regard à propos de l’usage de l’argent. L’argent est-il pour nous une idole qui peut nous faire perdre de vue notre vrai destin, à savoir l’entrée dans une relation de vie avec les autres, avec les pauvres, avec Dieu lui-même ?

Il faut se servir de l’argent, sans jamais être asservi par lui. L’argent en lui-même est neutre. Il ne peut jamais être une fin en soi, mais seulement un moyen en vue d’une seule fin : le Royaume annoncé et promis à tous.

Saint Paul nous le dit fort bien dans la seconde lecture : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à connaître pleinement la vérité ». Tous, c’est-à-dire aussi bien les riches milliardaires avec M. Bill Gates, que les millions de malades à qui ils souhaitent venir en aide.

A chacun de nous maintenant d’examiner quel rapport il entretient avec l’argent, et quel usage en fait-il .

L’évangile, les paraboles ne sont pas d’abord des textes moralisants. Ils ne visent en fait que l’urgence de notre conversion, de notre salut et de notre bonheur. Dieu ou l’argent font-ils notre bonheur ? Voilà la vraie question qui nous est posée aujourd’hui. (2010-09-19)

Homélie du 11 juillet 2010 — Saint Benoît — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Fête de st Benoît - 11 Juillet 2010

Pro 2 1-9; Col 3 12-19; Mt 5 1-12a

Homélie de F.Guillaume

Texte :

Les 3 lectures que nous venons d’entendre évoquent chacune à leur manière la recherche du bonheur par l’homme et pour l’homme. La vie monastique selon Saint Benoît, qui n’est qu’une forme de vie chrétienne parmi d’autres, est bien une vie de recherche du bonheur qui implique le désir de Dieu, le désir d’aimer et d’être aimé.

Le livre des Proverbes nous dit que rechercher le bonheur, c’est rechercher et accueillir la Sagesse, en faisant appel à la raison et à l’intelligence. Le sage, mais peut-être est-ce la Sagesse elle-même en personne, éduque ainsi son fils : « mon fils, si tu acceptes mes paroles, si mes préceptes sont pour toi un trésor, alors tu comprendras ce que sont la justice, l’équité, la droiture, toutes choses qui conduisent au bonheur ».

Ces versets de l’Ecriture dans l’Ancien Testament ont fortement inspiré Saint Benoît quand il a entrepris la rédaction de sa Règle et en particulier son Prologue et les premiers mots : « Ecoute ô mon fils les préceptes du Maître et prête l’oreille de ton cœur… Le Seigneur cherchant son ouvrier dans la multitude du peuple à laquelle il fait entendre ses appels dit : qui est celui qui désire la vie et souhaite voir des jours heureux, connaître le bonheur ? Que si, à cette demande, tu lui réponds : c’est moi, me voici, alors Dieu te réplique : si tu veux jouir de la vie véritable et éternelle, garde ta langue de tout mal et fais le bien. Cherche la paix et poursuis-la !

Et St Benoît ajoute : voyez comme le Seigneur, dans sa bonté, nous montre le chemin de la Vie.

La seconde lecture, tirée de la lettre de Saint Paul aux Colossiens développe ce programme d’une vie authentiquement chrétienne, dans l’amour, la recherche et l’accueil de la paix du Christ. Ces versets sont en consonance parfaite avec la Règle de Saint Benoît. Le chemin de la vie monastique est un chemin où le moine n’a rien de plus cher que l’amour du Christ et il cherche à accueillir la paix dans son cœur en combattant toutes les formes de murmure et de ressentiment, toujours possibles dans une vie communautaire entre frères. « Par-dessus tout, revêtez l’amour. C’est le lien parfait. Que règne en vos cœurs la paix du Christ à laquelle vous avez été appelés tous en un seul corps, une seule communauté. Vivez dans l’action de grâces ! ».

Pour Benoît, cette vie dans l’action de grâces a son lieu privilégié dans la célébration de l’office divin, cet Opus Dei qui est la liturgie des Heures, le jour et la nuit. Rien ne devra être préféré à l’œuvre de Dieu. Tout l’horaire, le travail, la lecture et l’étude, l’accueil sont ordonnés à la priorité de la prière, quelle soit prière liturgique communautaire ou prière personnelle, privée. Et si Benoît n’ignore pas que la prière peut prendre l’aspect d’un combat, un combat spirituel, il sait qu’elle est pour le moine un authentique chemin de bonheur aussi.

Enfin l’Evangile qui a été choisi pour cette fête est celui que nous avons à la Toussaint : les béatitudes.

Jésus, au début de son enseignement public, trace à ses disciples le chemin sur lequel il les invite à le suivre, à marcher, comme Chouraqui traduit ce passage, en s’inspirant de l’hébreu : « en marche, vous les pauvres de cœur, en marche, vous les artisans de paix… »

Chacune des ces béatitudes est aussi tout à fait en consonance avec la Règle de Saint Benoît. La vie monastique, comme toute vie chrétienne, comme la vie du Peuple de Dieu est une longue marche, orientée par le désir du vrai bonheur. Et ce vrai bonheur, nous dit Jésus, est tout en paradoxe, car il vient contester les fausses promesses de richesse, de gloire, de plaisir et de rires humains, trop terrestres. Saint Benoît transcrit ce texte évangélique en rédigeant des chapitres sur l’humilité, la retenue dans les paroles, l’obéissance à un Abbé et à ses frères, et dans une longue section détaillant ce qu’il appelle les instruments de l’art spirituel. Il ne fait pas du renoncement à sa volonté propre une fin en soi, mais un moyen pour accéder à une plus grande liberté d’aimer. Rien ne lui tient davantage à cœur que cette liberté du moine dans l’amour.

Frères et sœurs, en cette belle fête, rendons grâces au Seigneur pour le don qu’il a fait à son Eglise de la vie et de l’œuvre de son ami Benoît, ainsi que pour toute la tradition religieuse qu’il a entraînée à sa suite. Rendons grâces pour tous les fruits de sagesse, de paix et de bonheur dont cette tradition bénédictine s’est enrichie à travers les siècles jusqu’à nous, en Europe, mais aussi sur les tous les continents, dans les pays de mission. Rendons grâces pour ces espaces de liberté, de charité et de paix profondes que les monastères peuvent encore offrir aujourd’hui à tous les hommes de bonne volonté et à tous les chercheurs de vrai bonheur. AMEN (2010-07-11)

Homélie du 04 juillet 2010 — 14e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C - 14° Dimanche du Temps Ordinaire

IS 66 10-14; Gal 6 10-18; Lc 10 1-12,17-20

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Comme deux cerfs-volants qui s’élèvent de la terre

et se mettent à évoluer joyeusement dans le ciel,

j’ai vu deux mots se détacher et s’élever des lectures de ce jour

et nous faire signe là-haut.

Deux mots, très humbles qui sont deux forces,

les plus puissantes au monde.

Deux forces désarmées, et à cause de cela désarmantes.

Vous l’avez deviné : La joie et la paix.

Deux armes puissantes contre tout ce qui fait mal, abîme ou décourage.

Il y a trop de tristesses dans notre monde pour que nous ne nous soyons pas des artisans de cette joie,

de cette paix

qui dopent la vie et gonflent les voiles de l’espérance.

C’est pour chacun, chacune d’entre nous, la plus belle des tâches, comme aussi le plus simple et le plus efficace de tous les programmes de vie spirituelle. Pas si facile ! ce qui est une garantie d’authenticité.

Mais il y faut des convictions.

Les lectures de ce jour sont là pour les enraciner dans nos cœurs.

Dans la première lecture, nous écoutons le prophète qui se cache derrière Isaïe, au retour de l’exil, à une époque où Jérusalem est rongée par les désillusions.

Le prophète travaille à encourager ses compatriotes.

Comment ? Pas avec des programmes compliqués.

D’emblée, il prend les grands moyens :

il les invite à pratiquer la joie par la paix, et la paix par la joie. C’est génial ! Écoutons-le :

Isaïe 66, 10-14 « Réjouissez-vous avec Jérusalem, soyez dans la joie à cause d’elle, vous tous qui l’aimez ; que vos cris de joie se mêlent aux siens, vous tous qui pleuriez sur elle ...

12 Car voici ce que dit le Seigneur Dieu : « Je fais que la paix, comme un fleuve se dirige vers elle, .... Je vous consolerai comme celui que sa mère console,.... Vous allez voir, votre cœur sera dans la joie ! ».

Effectivement, Dieu, notre Dieu, est un être de bonheur,

un bonheur en Trois personnes,

toutes portes ouvertes, accueillant,

ne songeant qu’à partager avec qui veut.... Le voulons-nous ?

pour nous, et pour ceux que nous aimons.

Est-ce fermer les yeux

Sur les misères de notre monde, les ravages du péché, les désespoirs ?

ou les ouvrir sur ce qui permet de les traverser ?

Tous nous avons besoin d’un refuge où l’on peut se reposer à l’abri des attaques du mal. Je pense à la magnifique parole de Néhémie, en son chapitre huit : « La joie de Dieu est notre forteresse. » ! La joie même de Dieu, notre forteresse ! Et si c’était vrai ! Eh bien ! C’est vrai !

Un jour, j’ai entendu un homme qui témoignait. Il avait traversé un long temps d’épreuve et y avait appris à se battre. « Maintenant, disait-il, quand je sens monter l’angoisse, je m’efforce de faire le sous-marin. Je pense au récit de la tempête apaisée – les disciples affolés, abandonnés par Jésus qui dort à l’arrière du bateau sur le coussin. Moi, je ne sais pas affronter la tempête en surface, alors je descends dans mon sous-marin, je ferme le capot. Au-dessus la mer est agitée, mais j’ai foi qu’au-dessous c’est le calme, la paix, que Jésus est là : “Ne crains pas, je suis avec toi”, Il concluait. « C’est efficace.... mais il y faut une certaine détermination, si l’on peut ».

Oui, mystérieusement Jésus est toujours là avec sa paix divine, sa joie imprenable, celle qui apaise la tempête, jusqu’à la prochaine....

Dans l’évangile que nous venons d’écouter,

Jésus apprend à ses disciples à se faire artisans de sa paix, au milieu des turbulences de la vie.

Il commence de façon déroutante :

« Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ! ». C’est clair et réaliste, on peut donc écouter la suite :

«En quelque maison que vous entriez, – où et à qui que vous alliez –

dites d’abord « Paix à cette maison ! »

C’est la raison de notre venue. Que ce soit votre programme de vie, toujours et partout.

Cette paix offerte, c’est la grande paix de Dieu apportée au monde par Jésus, par ses disciples,

par quiconque en fait son programme de vie.

Cette paix, à nous de la recevoir, afin de la donner,

elle va combler notre cœur de joie,

de la joie même de Dieu, qui est notre forteresse,

imprenable ! (2013)

Homélie du 27 juin 2010 — 13e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année C
Info :

Année C - 13° Dimanche du Temps Ordinaire - 27 juin 2010

1 R 19 16-21; Gal 5 13-18; Lc 9 51-62

Homélie du F.Servan

Texte :

" Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde ... "

... et enlever le péché du monde, ouvrir à notre humanité un chemin de

libération et d'humanisation sous la conduite de l'Esprit. ..

" ... il prit avec courage la route de Jérusalem." (littéralement : il durcit sa face, son visage) ... avec courage, car il sait qu'il va vers la ville qui tue les prophètes.

Avec ces paroles commence une très longue section de l'Evangile de Luc que l'on a précisément intitulé: " En route vers Jérusalem" ; dix chapitres, depuis ici le ch 9 jusqu'au ch 19 ... où sont regroupés divers enseignements, paroles et rencontres de Jésus, comme les trois paroles regroupées ici sur la suite du Fils de l'Homme pour jeter avec lui la semence du Règne de Dieu parmi les hommes.

Si la première petite scène liée au refus d'accueil par un village de Samaritains

convient plutôt bien à nos esprits démocratiques et tolérants, et encouragés par notre Eglise à respecter la liberté religieuse – ce qui est à vérifier dans le concret ! ..... " Pas de violence en matière de religion!" (il y en a déjà assez comme cela sur la terre des hommes), « Remets ton épée au fourreau » dira encore Jésus. Pas de messianisme, de force et de violence, à la manière du prophète Elie qui, selon un récit pittoresque du Livre des Rois, avait fait descendre le feu du ciel pour détruire deux sections de soldats chargés de l'arrêter (Tel un superman avec ses rayons laser).

Par contre, les trois brèves paroles qui suivent nous déconcertent par leur radicalisme.

Ici, l'on n'a plus affaire au bon Jésus ( celui qu'on privilégie, je pense, au Catéchisme!), l'homme aux paraboles si vivantes, qui guérit les malades, béni les enfants, fréquente les pécheurs, hommes et femmes, et leur annonce le pardon de Dieu surabondant

en miséricorde ( c'est d'ailleurs un aspect bien souligné dans l'Evangile de Luc) ... mais à un

Jésus radical, qui entraîne à sa suite dans l'urgence de ce qu'il appelle le Royaume de

Dieu, qu'il est venu semer sur la terre, qui est la grande affaire de sa vie:" Je suis venu

allumer un feu sur la terre !" -" Cherchez d'abord le royaume de Dieu "

Trois paroles où l'on reconnaît le langage imagé, radical et en excès qui était celui

du Seigneur :" Les renards ont des terriers ... " mais Jésus, lui, est un itinérant, " l'Homme

qui marche" (c'est le titre d'une méditation de Christian Bobin) ...

.. . et cette perle d'ironie christique:" Laisse les morts enterrer leurs morts"

-(entendez: les morts spirituels qui n'ont pas voulu renaître en accueillant ma parole)

- cela ne vise donc pas les bons chrétiens qui se dévouent pour célébrer les obsèques et annoncer l'espérance de la résurrection aux familles en deuil « et qui met la main à la charrue ... " Quand on commence à labourer le champ où Dieu va faire éclore son Règne, on ne peut regarder en arrière ... pas de d'abord ni de en arrière! C'est le cas de dire:" Vivante est la Parole de Dieu, énergique et plus tranchante qu'aucun glaive à double tranchant!"

Sans prétendre émousser le tranchant de ce glaive, il nous faut cependant dépasser la lettre - ici comme ailleurs- une lecture littéraliste de ces trois exemples de suite du Christ : nous faudrait-il tous partir sur les routes? Plus que des normes de conduite applicables a tout un chacun nous aurions plutôt là, avec ces paroles imagées des avertisseurs bien sonores, à entendre par chacun dans sa vie, à tel moment, en telle situation, sous la conduite de l'Esprit. Le plus important c'est le "SUIS-MOI" adressé à chacun, que l'on soit vigoureux ou malade et diminué ... que sais-je encore! Vis ta vie avec moi, marche ta vie avec moi, et, quand ça devient trop dur, je te prends sur mon dos pour un bout du chemin (cf l'histoire bien connue des traces de pas sur le sable). C'est forcément courage, c'est aussi paix et joie." Et l'homme découvre, s'il fait route en Lui une vie nouvelle".

Des missionnaires itinérants qui quittent maison et famille pour annoncer l'Evangile, bien sûr qu'il en faut... mais il faut aussi des maisons, des familles, des villages, des communautés qui accueillent la semence du Règne de Dieu pour la faire fructifier dans leur vie courante. A ceux-là l'apôtre Paul a rappelé: "Marchez sous la conduite de l'Esprit, libérez-vous de l'égoïsme, mettez-vous par amour au service les uns des autres" ... alors des chemins de liberté s'ouvriront dans vos cœurs .. et s'épanouiront les beaux fruits de l'Esprit!

Pour marcher à la suite du Christ sur les routes du monde ou dans vos maisons, vos activités dans la cité ou au monastère: " courez avec endurance (je cite la Lettre aux Hébreux), les regards fixés sur celui qui est l'initiateur de la foi et qui la mène à son accomplissement, Jésus, lui qui a enduré de la part des pécheurs (à Jérusalem) une belle opposition contre lui, afin de ne pas vous laisser accabler par le découragement.

(Quand nous communions à l'Eucharistie; nous avons part à son courage!) et aussi, regardez cette

nuée de témoins de la première et de la Nouvelle Alliance (tous ces bons entraîneurs qui ont

suivi Jésus sur la route)

Parmi beaucoup, un seul exemple, celui de Dietrich Bonhoeffer, ce pasteur luthérien allemand qui en 1937, donc en pleine dictature nazie, a écrit un vigoureux commentaire du Sermon sur la Montagne et des paroles que venons d'entendre, pour secouer son église endormie: Pas de grâce à bon marché, mais la grâce qui coûte et fait prendre parti ( "Nachfolge" en allemand, ce qui donne en français " vivre en disciple" ou la "suivance", la marche à la suite du Christ.

Et, ce qu'il a écrit il l'a vécu, arrêté en 1943, éloigné de sa famille et de sa fiancée, exécuté par pendaison le 9 avril 1945, à l'âge de 39 ans. Mais ses écrits et son témoignage auront un grand rayonnement entre autres sur ces communautés œcuméniques que nous connaissons: Taizé, Grandchamp, Bose. A lire et relire son beau livre de 1939 " de la vie communautaire"

En guise de conclusion - une fois n'est pas coutume - je me permets de vous conseiller un petit livre, venu justement de Taizé. Un petit livre, pour moi tombé du ciel et qui ne m'est pas tombé des mains. Au contraire cela a réveillé ma foi. Sous le titre" CHERCHEZ ET VOUS TROUVEREZ" c'est un recueil de réponses brèves, mais pleines d'expérience et de ton sympathique aux questions posées par les jeunes qui prennent part aux rencontres internationales de Taizé. Glissé entre deux romans dans votre sac de vacances, je pense que cela peut nous aider à marcher plus dynamiques sur la route de notre vie à la suite du Christ. (2010-06-27)

Homélie du 11 juin 2010 — Sacré Cœur — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - Fête du Sacré-Coeur - 11 Juin 2010

Ez 34 11-16; Rom 5 5-11; Lc 15 3-7

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Fête du Sacré Cœur du Christ Jésus. Fête de la manifestation de l’amour de Dieu le Père pour nous, à travers son Fils et par l’œuvre de l’Esprit Saint. Fête de l’incarnation, si nous prenons le temps d’examiner le sens que nous donnons à ce mot de cœur, tant au plan anthropologique que théologique.

Dieu s’est fait chair. Il a pris un corps d’homme. On pourrait dire aussi Dieu s’est fait cœur. Son amour s’est incarné dans un cœur, un cœur sacré, un cœur divin, très pur, très saint.

Dans toutes les cultures, et la Bible n’y échappe pas, le cœur est considéré comme le lieu où résident les sentiments, l’affectivité, l’amour.

Certes, il est d’abord un organe physique, où circule le sang, nécessaire à toute vie. Arrêt du cœur, crise cardiaque ou AVC sont synonymes de mort physique, on le sait que trop bien.

Ce mot de cœur revient à longueur de pages dans les textes bibliques et il offre une grande richesse pour dire l’Alliance, l’Amour de Dieu pour son Peuple et pour chacune de ses créatures.

La liturgie d’aujourd’hui retient l’image un peu bucolique du Bon berger qui prend soin avec amour de chacune des brebis de son troupeau. Une image que le Christ s’appliquera à lui-même, dans l’Evangile de Jean. Une image qui risque de paraître un peu décalée et peu parlante pour la majorité de nos contemporains (surtout les jeunes) qui vivent dans les villes et non plus dans les campagnes.

Le prophète Ezéchiel, par delà l’image cherche à dire combien le bon, le vrai berger est touché dans son cœur par la blessure, l’égarement ou la malnutrition d’une seule de ses brebis. Et il fera tout pour la ramener au bercail. L’évangile de Luc qui le reprend, insiste, lui sue la joie que ce berger ressent et qu’il cherche à faire partager à ses proches, quand il l’a retrouvée et qu’il l’a remise en communion avec les autres brebis non égarées et non souffrantes du troupeau. Ainsi le cœur est aussi le siège de la joie possible, d’une joie profonde et non pas de surface.

C’est la joie de la réconciliation du pêcheur et de son salut par la vie du Christ Ressuscité, comme nous le rappelle aussi Saint Paul dans la seconde lecture : « la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pêcheurs. Et si Dieu nous a réconciliés avec lui par la mort de son Fils, quand nous étions encore ses ennemis, à plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés, nous serons sauvés par la vie du Christ Ressuscité. »

Le cœur du Bon Berger qui se laisse émouvoir, le cœur du Transpercé sur la Croix qui laisse échapper du sang et de l’eau, le cœur du Ressuscité qui se laisse approcher et toucher par la main de l’apôtre Thomas, ne sont qu’un seul et même cœur qui dit le même amour de Dieu pour nous les hommes et pour notre salut.

Cette fête du Sacré Cœur du Christ ne peut alors que nous renvoyer à l’essentiel de notre foi et de notre engagement, à savoir le double commandement de l’Amour. Aimer le Seigneur de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre force, et nous aimer les uns les autres tout aussi cordialement. « Diligite alterutrum » : tel était l’invitation du Père Muard à ses fils avec le souhait d’en faire la devise de notre monastère, en l’inscrivant non pas seulement sur des montants de pierre, mais bien dans des cœurs de chair, des cœurs de frères.

Oui, vraiment, l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. Entrons avec joie et action de grâces dans cette eucharistie de jour de fête.

(2010-06-11)

Homélie du 18 avril 2010 — 3e dim. de Pâques — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C - 3° Dimanche de Pâques

Ac 5 27-32, 40-41; Ap 5 11-14; Jn 21 1-19

Homélie du F.Sébastien

Texte :

« Pierre, un jour, tu étendras les mains, un autre te mettra ta ceinture et te mènera là où tu ne voudrais pas aller... » C’est cette finale de l’évangile que nous venons d’entendre qui m’a arrêté.

Le fait est qu’ un jour, il y a bien longtemps, après un incident douloureux qui m’avait surpris, je cherchais confusément à comprendre, mais je n’y arrivais pas. Je m’en suis ouvert à une amie, une protestante, – en ce moment elle m’écoute du haut du ciel. Trois jours plus tard une lettre m’arrivait, avec ces quelques mots : « Dans la vie, il n’est pas impossible que ce qui nous arrive soit l’exaucement d’une ancienne prière oubliée. » Cela m’a fait beaucoup réfléchir,...

Qui, dans le passé, n’a pas eu ses petits ou ses grands élans de générosité ? Au début du mariage, au moment d’un engagement, sous le dynamiste d’un exemple enthousiasmant, on pense grand, on s’y voit déjà...

Le P. Muard, le fondateur de notre monastère, rêvait du martyre, Thérèse de l’Enfant Jésus aussi...

Plus banalement, dans la prière, on peut s’être donné à Dieu avec confiance, en lui laissant carte blanche, parfois en imaginant ce qui pourrait arriver. C’était très sérieux. Et Dieu nous prenait très au sérieux… Mais l’heure n’était pas venue, ni la grâce donnée.

Et voilà qu’un jour, sans crier gare, Dieu exauce, sous une toute autre forme, souvent pas spectaculaire du tout. L’ancienne prière oubliée est exaucée. Tel fut le cas pour Simon Pierre, le Simon-Pierre de la finale de notre évangile.

Dans la cour du grand prêtre, par trois fois, Pierre, le compagnon de la première heure, renie son maître : « Je ne connais pas cet homme ».

Jésus, qui est sur le point d’être condamné à mort, sait parfaitement que celui qu’il a choisi un jour au bord du lac pour lui confier la responsabilité de l’équipe apostolique vient de le renier, par trois fois.

En passant près de lui, Jésus se retourne et regarde furtivement son homme, qui se voit regardé. Dans les yeux de son maître il n’y a pas l’ombre d’un reproche. Pierre s’enfonce alors dans une affreuse solitude ; c’est l’heure de son jugement, avec son péché affiché sur son front, et Jésus qui sait tout, et se tait.

Il préférerait mille fois que Jésus parle, qu’il dénonce son péché, qu’il le blâme, lui donne une punition, le condamne, ce serait juste, cela le soulagerait. Mais non, Jésus ne regarde plus Pierre qui ne le quitte pas des yeux. Silence de l’amour qui refuse d’accabler, qui laisse son ami seul avec sa conscience en pleine lumière, la lumière aveuglante de l’amour qui le pénètre jusqu’au cœur.

C’est l’heure du choc affreux de tout le mal que j’ai fait, et je ne le savais pas, avec l’amour miséricordieux qui se tient là, en silence, et m’encourage.

L’homme n’est plus que sa conscience douloureuse, hyper sensibilisée, brûlée par le feu dans lequel il se jette lui-même pour être purifié.

C’est la plus grande souffrance qui se puisse connaître parce que c’est la souffrance même de l’amour plongé dans l’expérience de son non-amour. Et c’est en même temps le début de la plus grande joie jamais connue, parce que l’amour est là, c’est lui qui agit. Il ne rejette pas, ne condamne pas ! Au contraire il m’aime plus que jamais. Il me sauve ! C’est de la folie !

Pierre vient de faire l’expérience brûlante du passage par l’enfer de son non-amour ; il lui reste à faire, au bord du lac, l’expérience d’un pardon qui n’est qu’amour.

Ce fut au bord du lac, un soir qu’il n’oubliera jamais, Ce soir-là, Pierre a été totalement pardonné par son maître, recréé à neuf, remis en charge.

Par la suite, dans ses prières, que de fois a-t-il dû repenser à son Maître cloué sur la croix, pour lui, avant tout pour lui Pierre, pour effacer ses affreux reniements et le remettre avec confiance à la tête de son troupeau !

N’a-t-il jamais été soulevé par un désir fou de remonter le temps, de rejoindre Jésus mourant pour lui, de ne pas le laisser seul sur la croix ? Il l’avait dit autrefois : «Jésus, je suis prêt aller en prison avec toi, à donner ma vie pour toi » Et c’était sincère !

Mais l’heure n’était pas venue, ni la grâce donnée comme ce soir-là, au bord du lac. Maintenant Jésus peut parler clair à son ami : « Un jour tu étendras les mains, un autre te ceindra et te mènera là où tu ne voudrais pas... »

Ce fut à Rome, lors de la persécution, lorsque le cri de Jésus devint celui de Pierre, et des chrétiens autour de lui : « Père sauve-moi de cette heure ! Mais non, c’est pour cette heure que je suis venu ». L’heure de l’ancienne prière oubliée.

Pour Pierre ce fut les bras en croix, la tête en bas, emporté au ciel par l’Esprit qui murmurait en lui :

« Jésus, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ! » (2013)

Homélie du 11 avril 2010 — Dimanche de la Miséricorde — Frère Servan
Cycle : Année C
Info :

Année C - 2° Dimanche de Pâques - 11 avril 2010

Ac 5 12-16; Ap 1 9-19; Jn 20 19-31

Homélie du F.Servan

Texte :

"C'était le soir du premier jour de la semaine"

Depuis les origines, les communautés chrétiennes se rassemblent (font église) le premier jour de la semaine (jour de la création, au récit de la Genèse - et le premier jour, c'est" que soit la Lumière! " ... " et Dieu sépara la lumière et les ténèbres" (voyez la grande Croix derrière moi !) ... premier jour! "Voici le jour que fit le Seigneur alleluia!" ... mais jour aussi de la nouvelle création, dans le souffle de l'Esprit et la rémission des péchés) jour qui va s'appeler de plus en plus le " jour du Seigneur" (Apocalypse). Le Seigneur = en latin c'est" DOMINUS " ... d'où notre Dimanche (dies dominica) . ... à Jérusalem, le groupe des disciples se rassemble, d'abord calfeutré dans une maison, puis au grand jour, sur l'esplanade du Temple sous la colonnade de Salomon" tous les croyants, d'un seul cœur "

Puis, vers la fin du premier siècle, ... jour de la vision inaugurale du voyant de l'Apocalypse, le jour même où les sept églises (sept petites communautés dans les cités grecques et cosmopolites d'Asie mineure avec lesquelles il est lié ... mais sept, c'est aussi l'universalité des églises !)

Et nous, aujourd'hui, avec tant d'autres de par le monde, nous prenons le relai aujourd'hui.

Huit jours plus tard (donc encore le premier jour de la semaine) Jésus est de nouveau là au milieu d'eux ( au milieu de nous) ... avec cette fois Thomas l'incrédule (Un disciple qui pourtant aimait bien son Maître,

puisque peu de temps avant la Passion il avait dit :" Allons y ... allons vers Béthanie et Jérusalem et mourons avec lui".

L'on sait que pas mal de gens se disent disciples de Thomas ( première manière) de celui qui déclare: moi, je ne crois que ce que je vois : " si je ne vois ... si je ne mets ... si je ne touche ... " ... mais ils devraient

aussi imiter Thomas (deuxième manière), celui qui à partir du visible (Jésus le crucifié, avec ses plaies, ses blessures par lesquelles nous sommes guéris ( France Quéré écrivait :" Il ne se fait pas reconnaître à son visage mais à ses blessures. Il pense aussi aux nôtres lorsqu'il souffle sur ses disciples ") De ce visible ... Thomas fait un saut, un bond de géant vers l'invisible de la foi " Mon Seigneur et mon Dieu " ... et St Augustin de commenter:" il a touché l'homme et il reconnaît Dieu"

(Faut-il signaler ici, comme en passant, que, pour la réflexion chrétienne récente, après St Paul, Martin Luther, Maurice Zundel et bien d'autres, cet homme avec ses blessures de crucifié colore, voire modifie profondément ces notions et ces mots de Seigneur et de Dieu! Seigneur, comment ? .. Dieu, comment ?.Theologia crucis ... )

De nous, maintenant, qui n'avons pas eu comme Thomas cette vue du Crucifié Ressuscité, il est dit : " Heureux ceux qui croient sans avoir vu " (mais qui croient ... les témoins qui nous ont transmis :" Nous avons vu le Seigneur et avec lui nous avons relu les Ecritures". " Sans avoir vu " ... Oui ... et cependant, dans nos liturgies, nos célébrations du dimanche, ne sommes-nous pas entraînés et aidés à faire ce même passage du visible à l'invisible (Registre du symbole et du sacrement) en prenant appui sur des choses sensibles (auditives (paroles, chants) ou visibles( gestes, images, couleurs ... ) !

"II était là au milieu d'eux (visible) - Il est là au milieu de nous (invisible mais bien présent !) Sur cette présence du Christ dans nos célébrations ... vous pourriez relire quelques phrases excellentes du Concile Vatican II ! (liturgie S C 7)

Il est là bien sûr pour nous tourner avec Lui vers son Père et notre Père dans un instant ce sera la Prière Eucharistique) mais qui commencera par" Le Seigneur soit avec vous" comme cela a été dit au début de la messe ... et ailleurs encore ...

Après l'Evangile proclamé et encensé, l'on nous a dit :" Acclamons la Parole de Dieu!" ... mais nous n'avons pas répondu " Amen Amen alléluia" ou je ne sais quoi ... mais bien" Gloire à TOI Seigneur !" (il est là présent dans sa parole).

Après les paroles du Mémorial sur le pain et le vin où le prêtre en quelque sorte prêtera sa voix au Christ pour redire" Ceci est mon corps livré ... mon sang versé" ... nous acclamerons celui qui est présent: "Gloire à TOI qui était mort - gloire à Toi qui es vivant"

Après le Notre Père, nous lui dirons :" Seigneur Jésus, TOI qui as dit à tes disciples" Je vous laisse la paix je vous donne ma paix ... " (dans l'Evangile de ce dimanche par deux fois Jésus a dit " la paix soit avec vous" ) -

A la communion, nous avancerons avec des gestes de respect (car Il est présent surtout là dans le pain et le vin consacrés par l'Esprit saint) et en disant" Seigneur, je ne suis pas digne de TE recevoir. .. "

Pour finir nous n'oublierons pas les deux si belles litanies chantées du Kyrie-Christe et de l'Agnus Dei. Où avec affection (d'où les vocalises) on s'adresse au Christ présent ... et il me semble que l'on peut facilement les mettre en relation avec les deux images que nous avons dans nos lectures de ce Dimanche. Avec le Kyrie eleison, ... la vision de l'Apocalypse : " je vis sept chandeliers d'or (image liturgique) et au milieu d'eux comme un fils d'homme; vêtu d'une longue tunique -(la belle tunique sacerdotale et royale comme on peut en voir sur ces grands crucifix romans du IXe au XIIe s )- " Seigneur Jésus élevé dans la gloire du Père où tu

intercèdes pour nous prends pitié de nous!"

Avec l'Agnus Dei " Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ... donne-nous la Paix", c'est l'image de l'Evangile de ce dimanche: " il leur montra ses mains et son côté et leur dit de nouveau: la paix soit avec vous !"

Frères et sœurs, sans oublier le rôle modeste mais bien visible des bouquets de fleurs que l'un de nous a disposé avec foi avec goût et pour dire la joie (" les disciples _ furent remplis de joie " ... et nous aussi ... nous la redisons avec des fleurs) ... , jetons un dernier regard sur la grande croix de lumière qui est dans mon dos. Nous n'avons pas ici de saintes icônes comme nos frères des églises orientales ... mais cette grande toile est tellement forte et parlante! Ce n'est pas seulement une belle œuvre d'art, comme dans un musée mais une image qui nous dit : " Sois sans crainte, Je suis le Vivant; j'étais mort, mais me voici vivant, vainqueur de la mort et de tout le noir ... en vous et autour de vous ... et où chacun de nous peut mettre ses propres expériences de vie humaine et chrétienne.. Quand par la main du Seigneur et avec l'aide de nos frères et de nos sœurs, nous traversé l'épreuve.

"Voici le jour que fit le Seigneur " où nous recevons la Paix du ressuscité, avec mission de la répandre autour de nous: moi aussi je vous envoie!" (2010-04-11)

Homélie du 04 avril 2010 — Dimanche de Pâques — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année B - Dimanche de Pâques - messe du Jour - 4 avril 2010

Ac 10 34-43; 1 Co 5 6-8; Jn 20 1-9

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Peu de temps avant sa mort, on posa cette question à Confucius, le Grand Sage de la Chine : « mais à quoi passeriez-vous votre vie, si elle était à refaire ? » Et Confucius de répondre simplement : « si elle était à refaire, je passerais ma vie à réinventer la signification originelle des mots »

Frères et sœurs, en ce dimanche de Pâques, où nous célébrons dans la foi et dans la joie, la Résurrection du Christ, notre Seigneur, arrêtons-nous un instant, si vous le voulez bien à la signification originelle de ce mot de résurrection. Quel sens lui donnons-nous, à partir de notre expérience de croyant, à la lumière des Ecritures, et en confrontation avec l’expérience des premiers témoins : Marie Madeleine, Pierre, Jean, Paul ?

Saint Paul nous en avertit dans sa lettre aux Corinthiens : « si le Christ n’est pas ressuscité, votre prédication est vide, et vide aussi votre foi : vous êtes encore dans vos péchés ».

Ce mot de résurrection provient du verbe ressusciter, qu’il conviendrait mieux de prononcer re-susciter, c’est-à-dire susciter à nouveau ou de nouveau. Avec l’idée que confère le préfixe « re », soit d’un retour en arrière, restauration d’une situation antérieure, soit au contraire de renouvellement, de recommencement, voire de re-création pour une situation totalement inédite et différente de toutes les situations précédentes.

Le verbe « susciter » évoque aussi la naissance, l’éveil à un monde encore inconnu, en rapport avec la vie. Jésus d’ailleurs n’a-t-il pas associé les deux termes quand il dit à Marthe, à la mort de son frère Lazare : « Je suis la Résurrection et la Vie » ?

Ainsi l’étymologie de ce mot de résurrection nous place dans le registre vital du temps et de l’histoire, selon les dimensions du passé, du présent et de l’avenir.

Entre le passé et le présent, il définit une rupture, une rupture instauratrice, qui conserve quelque chose d’essentiel du passé. Christ ressuscité, au matin de Pâques et après Pâques, est à la fois le même et un autre pour les disciples qui l’ont connu avant sa mort sur la Croix. Marie Madeleine dans le jardin le prend pour un jardinier, les pèlerins d’Emmaüs cheminent avec lui sans le savoir. Et les pêcheurs de Tibériade ne reconnaissent pas immédiatement l’étranger sur le rivage, près du feu. C’est dire que le Corps glorieux du Christ ressuscité et différent de celui qui parcourait les routes de Palestine, en enseignant les foules et guérissant les malades. Pourtant il garde les marques de sa Passion, et Thomas, l’incrédule, pourra le reconnaître en avançant sa main et en la portant dans le coté transpercé de son Seigneur. Ce toucher sera refusé à Marie Madeleine : Jésus l’invite à entretenir désormais avec lui un nouveau type de rapport où le corps est investi autrement que par le contact sensible. Elle a pour mission d’annoncer par la parole et dans la foi le message de la Résurrection aux apôtres.

Pour les disciples d’Emmaüs, c’est à la fraction du pain que le Christ ressuscité se fait reconnaître, tout en disparaissant aussitôt à leurs yeux de chair. Là encore, invitation à un nouveau rapport, dans le mystère sacramentel de l’eucharistie, où le Christ Ressuscité présent réellement en son Corps et en son Sang, se donne dans les signes du pain et du vin : nouveau contact, nouveau toucher.

Mais si la Résurrection instaure une certaine rupture avec le passé, elle entraîne dans le même mouvement l’ irruption du monde humain, terrestre dans le monde divin, céleste, dans le Royaume annoncé et promis. Elle engage alors un nouveau rapport aussi entre le présent et l’avenir, entre le déjà-là et le pas encore.

Saint Paul dans la seconde lecture que nous avons entendue aujourd’hui nous l’affirme : « du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. C’est en effet en haut qu’est votre but, non sur la terre ; en effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors, vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire ».

Notre propre résurrection est ainsi engagée dès maintenant avec celle du Christ. Nous sommes entrés avec lui, par le baptême, dans le Royaume, dans la vie éternelle. Nous avons part à la connaissance du mystère de la mort et de la résurrection du Christ, à partir du moment où, comme le disciple Jean, nous croyons, même sans avoir vu. Et nous sommes appelés à vivre dans l’Esprit Saint une vie nouvelle, une nouvelle création.

La résurrection implique une tension entre le déjà-là du Royaume inauguré par elle, et le pas-encore du Royaume achevé du Dernier Jour. L’enjeu de cette tension se situe dans la responsabilité de notre engagement présent, ici et maintenant. Elle met en acte notre espérance, « une espérance pleine d’immortalité », comme le disait déjà le livre de la Sagesse, dans l’Ancien Testament. Car, « si nous avons mis notre espérance dans le Christ pour ce monde-ci seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non, Christ est ressuscité, prémisse de tous ceux qui doivent aussi ressusciter avec lui au Dernier Jour ». Il nous faut alors espérer contre toute espérance, comme Abraham quand il fut soumis à l’épreuve. Il nous faut croire à l’impossible qui reconstitue un réel plus réel que toutes les réalités de notre imaginaire. Il nous faut enfin aimer de cet amour qui nous vient de l’Esprit Saint et qui est la puissance première et dernière à l’œuvre dans la Résurrection.

Croire à la Résurrection, c’est donc croire au poids de ce qui fait l’importance de notre vie : les événements, les rencontres, les expériences profondes que nous pouvons faire ici-bas, sans nous y attacher outre mesure, car la figure de ce monde est appelée à passer. Tout sera suscité à nouveau, re-suscité : notre vie sera reprise et récapitulée dans le Christ, dans la lumière et la communion définitives, dégagée de tout péché, quand le Christ soumettra tout à son Père et qu’il sera tout en tous.

Méditer sur le mystère de la Résurrection, ré-inventer la signification originelle du mot, c’est donc être invité à porter un regard sérieux sur notre existence, lui donner un sens, au-delà des échecs, de l’absurde, du péché et des petites morts que nous connaissons tous plus ou moins.

Sans déserter le quotidien, c’est vivre dans l’attente, dans la confiance et l’espérance. C’est croire en vérité à ce que nous allons confesser tous ensemble dans un instant :

« j’attends la résurrection des morts et j’attends la vie du monde à venir ». AMEN (2010-04-04)

Homélie du 28 février 2010 — 2e dim. du Carême — Frère Hubert
Cycle : Année C
Info :

ANNEE C – 2° DIMANCHE DE CAREME - 28 février 2010

Luc 9, 28-36 - La Transfiguration

Homélie du F.Hubert

Texte :

Il y a deux semaines, f. Jean-Noël nous disait que les Béatitudes étaient une balise de lumière, avant l’entrée en carême. L’évènement de la Transfiguration en est maintenant une autre, combien précieuse, qui nous tourne vers l’accomplissement et vient confirmer la justesse des choix de Jésus.

Nous l’avons vu, dimanche dernier, éconduire le démon en choisissant, dans l’épreuve, la fidélité à son Père. Il a refusé d’être Fils de Dieu à son compte, de ne plus dépendre du Père, ne plus être en communion avec lui, en fait, ne plus être Fils.

La Transfiguration vient attester qu’il est effectivement « bienheureux » et transfiguré d’une lumière éclatante, ce Jésus qui a fait un tel choix ; elle vient attester que nous pouvons lui faire confiance, et que nous serons nous aussi, bienheureux et transfigurés, si à sa suite, nous sommes fidèles à notre Père. Mais, ces choix, cette fidélité, n’ont rien d’évident pour nos cœurs d’hommes.

Jésus est à un moment décisif de sa vie publique. Son chemin est de n’accepter aucune forme du mal, aucune forme de vie qui le séparerait de son Père et des hommes ses frères. Il n’est pas fait pour vivre à son compte mais pour établir la communion. Jour après jour, il a continué de renoncer aux chemins de facilité proposés par le démon, et il a pressenti de plus en plus le chemin de sa pâque : un chemin conduisant à prendre sur lui l’absolu du mal, pour que l’homme en soit délivré, et que l’amour soit le dernier mot.

« Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté, qu’il soit mis à mort et qu’il ressuscite ». Il a commencé à parler de tout cela à ses disciples. Ce chemin à travers l’épreuve, et la mort envisagée, ne va pas de soi, sans combat. Pour lui comme pour ses disciples. Alors, il monte sur la montagne pour prier, pour adhérer à son Père et recevoir de lui la force d’être fidèle à l’Esprit qui les unit et qui repose sur lui.

D’ordinaire, il prie seul. Cette fois-ci, il prend avec lui Pierre, Jean et Jacques. Car il n’est pas seul à être concerné. Déjà son corps ecclésial se forme et les trois disciples en sont les représentants. Pour eux tous aussi le chemin va être rude. S’il doit livrer sa vie et vivre sa Pâque, les membres de son corps doivent aussi livrer la leur. « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix chaque jour ».

Aussi, Il veut les associer à sa prière, les y plonger. Se livrant à son Père, il les lui offre, eux aussi, pour qu’il les remplisse de son Esprit.

« Simon, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas ». « Or, pendant qu’il priait, son visage apparut tout autre, et deux hommes s’entretenaient avec lui : Moïse et Elie, apparus dans la gloire ». Au coeur de son adhésion à la volonté du Père, Jésus devient rayonnant de lumière jusque dans son corps et ses vêtements. En ce moment intense où il ne fait qu’un avec la Compassion du Père pour les hommes, le Père fait éclater en lui sa joie. Le rayonnement de lumière, en son corps d’homme, est comme le tressaillement de joie du Père répondant au don total de son Fils Unique.

Pour les apôtres, et pour Jésus lui-même, il est attestation que les choix que Jésus a fait sont les bons, que c’est bien vers la vie qu’il va et qu’il emmène ses disciples. Que le chemin qu’il a choisi est le bon, qu’il passe par la mort, mais qu’il n’est pas mortifère : au contraire, il est source inépuisable de vie: il conduit à la beauté, à la lumière de gloire de ce qui n’existe plus que dans l’amour.

Annonce de la Résurrection.

Il faut que le Fils de l’homme souffre, et qu’il ressuscite. Jésus cependant n’est pas encore au but. Ce tressaillement de lumière ne le tire pas hors de sa vie et de sa mission. Moïse et Elie s’entretiennent avec lui de son exode qui allait se réaliser à Jérusalem. C’est sa communion parfaite avec le Père, dans l’adhésion à sa mission de Serviteur, souffrant pour le salut de tous, qui est la source de la lumière d’amour que le Père laisse transparaître en son corps d’homme. La voix du Père qui ensuite se fait entendre du milieu de la nuée, nous oriente encore dans le même sens.

« Celui-ci est mon Fils, mon Elu : Écoutez-le ». Ce qualificatif, « mon Elu », celui que j’ai choisi, renvoie directement aux poèmes du Serviteur souffrant, du prophète Isaïe, que Luc reprendra au moment de la crucifixion. Le « Ecoutez-le » vient corroborer l’enseignement de Jésus.

« Ecoutez-le, quand il vous dit qu’il doit souffrir beaucoup, être rejeté, être mis mort, et aussi ressusciter le troisième jour. C’est bien lui mon Fils, celui que j’ai choisi pour assumer « le poids perdu de la souffrance », et offrir sa vie en sacrifice pour la justification des multitudes.

Ecoutez-le : il est l’alliance du peuple et la lumière des nations ; par delà l’épreuve, il verra la lumière et sera comblé. Ecoutez-le, car je n’ai pas d’autre Parole que lui ».

« Quand la voix eut retenti, on ne vit plus que Jésus seul ». A nouveau, pas d’évasion hors du monde. Le mystère de l’enfouissement du grain, qui meurt pour donner la vie, continue, en Jésus, dans l’Eglise, en nous.

« Ne cherchons pas hors de nos vies à retrouver son passage ».

La mission du Serviteur est maintenant la nôtre. Nos vies sont une pâque que nous avons à offrir pour faire advenir la communion. Si nos vies manquent de lumière, de transfiguration, de tressaillement de joie, n’est-ce pas parce que notre nourriture est autre que la volonté du Père, notre pain autre que la Parole de sa bouche, notre regard fixé ailleurs que sur son Visage, et notre coeur sans souci du salut, c’est à dire de la vie et de la gloire de tous les hommes ?

Contemplons donc Jésus qui, dans l’acceptation de la défiguration qui sera la sienne, est transfiguré par la puissance de communion qui l’unit à son Père. Contemplons Jésus, en qui habite corporellement la plénitude de la divinité, son corps et son sang vont nous être offerts pour que nous soyons transformés en lui. (28 Février 2010)