Homélies
Liste des Homélies
Année B – Carême 4° Dimanche - 18 mars 2012 –
2 Ch 36 14-23 ; Ep 2 4-10 ; Jn 3 14-21
Homélie du F.Servan
Faut-il rappeler que ce 4e dim du carême (à la mi-temps) s'appelait ( et s'appelle encore) le Dimanche LAETARE .. .Laetare Jerusalem ... Réjouis-toi Jérusalem. Et réjouissez-vous tous qui montez vers Jérusalem, en vous hâtant avec amour vers les fêtes pascales qui approchent, et, à travers elles, vers la Jérusalem à venir, cité de paix « où tout ensemble fait corps » : élan, allégresse de notre foi et espérance chrétiennes.
« Tous ceux d'entre vous qui font partie de son peuple, que le Seigneur leur Dieu soit avec eux, et qu'ils montent à Jérusalem ». (C'était notre première lecture) et en finale du Psaume 136 (de l'exil) : nos chants nous les réservons pour Jérusalem : « Jérusalem à l'intime de mon cœur – Jérusalem au sommet de ma joie »! Et en écho, nous avons ces beaux Ps des montées (des pèlerins de Jérusalem) que les frères moines aiment chanter à leur prière de midi: « Quelle joie quand on m'a dit: Allons à la maison du Seigneur » ! (Ps 121). « Jérusalem ... c'est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur ».
« Tous ceux qui font partie de son peuple ». Nous le savons, notre vie chrétienne, ce n'est pas du chacun pour soi, mais, « grand angle » « avec tout un peuple » d'hier, d'aujourd’hui et de demain qui monte vers Jérusalem. Notre petite vie est partie prenante de cette grande histoire sainte (de
libération et d'alliance) qui se déploie à l'intérieur même de l'histoire terrestre et politique, avec ses événements marquants, comme ici avec l'avènement-événement favorable de Cyrus, le fondateur de l'empire Perse.
Vous aurez peut-être remarqué que cette année les premières lectures de nos dimanches de Carême sont comme autant de jalons de cette Histoire sainte (de libération et d’alliance).
Ont été ainsi évoqués: Noé (sauvé des eaux mortifères et recevant une Alliance cosmique) - Abraham et Isaac (libérés d'une situation de mort et renouvelant l'Alliance) - Moïse (recevant la Loi de l'Alliance, le décalogue après avoir été libéré de l'esclavage en Egypte) ... c'était dimanche dernier.
Aujourd'hui, libération de l'exil et montée à Jérusalem. Dimanche prochain, annonce d'une
Alliance nouvelle, (les lectures de la Vigile pascale reprendront de semblables jalons de cette histoire sainte qui culmine (mais ne s'achève pas, ça continue!) dans la Pâque du Christ et s'étend alors à toute l'humanité: dans l'évangile de ce dimanche l'expression « tout homme » revient trois fois : « tout homme qui croit en lui ne périra pas » car en lui « Dieu a tant aimé le monde ».
Histoire sainte qui monte vers la joie de Jérusalem : Oui, mais ce n’est pas un long fleuve tranquille. Puisque ponctuée par les refus (possibles mais aussi bien réels) de la liberté
humaine: « les chefs des prêtres et le peuple tournaient en dérision les envoyés de Dieu,
méprisaient ses paroles et se moquaient de ses prophètes » - « tout homme qui fait le mal
déteste la lumière et ne vient pas à elle »- « nous qui étions des morts par suite de nos
fautes (deuxième lecture) ». Sans oublier les murmures et révoltes du peuple lors de l'Exode dans le désert, qui amenèrent sur lui une invasion de serpents à la morsure brûlante. D'où cette histoire du serpent de bronze élevé sur un poteau comme un contrepoison (Le caducée des médecins), à regarder pour avoir la vie sauve (Nb 21,4-9).
L'évangéliste a vu là une figure et une annonce du Fils de l'Homme, du Fils unique élevé sur la croix (mais aussi élevé dans la gloire-ressuscité) et qu'il faut regarder pour avoir la vie. L'évangile de Jean reviendra plusieurs fois sur cette image : « Lorsque vous aurez élevé le Fils de l'h, vous connaîtrez que Je suis (8.28) » - « Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai à moi tous les hommes (12.32) » - « Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé » (19,37) ...
Frères et sœurs, en ce temps du Carême préparatoire à la Pâques, avec beaucoup de par le monde, nous regardons la Croix du Christ, où par-delà une image de violence envers un corps d'homme, notre foi reconnaît une source de salut et de vie et plus encore la révélation du dessein d'amour de Dieu «riche en miséricorde » « qui a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique ". (La lettre aux Ephésiens dont nous avons entendu un passage est une célébration très fervente de cela !).
Fortifiés par ce regard sur la Croix nous continuons avec élan et vraie joie chrétienne notre montée vers Jérusalem « avec tout un peuple » en évacuant la culpabilité, cette paralysie du cœur (Lytta Basset) et ce repli dépité sur soi à distinguer de la contrition d'un cœur qui se sait aimé et désire aimer en retour. Laetare Jerusalem !
(2012-03018)
Année B - 3e dimanche de carême 11 mars 2012
Ex 20,1-17 ; 1 Co 1,22-25 ; Jn 2,13-25.
Homélie du F.Sébastien
Frères et sœurs. Nous avons beaucoup de chance,
oui, une chance qui pourrait illuminer cette belle journée,
la chance inouïe d’avoir un Dieu qui nous parle.
D’abord en la parole qui ouvre les lectures de ce dimanche :
« JE SUIS le Seigneur, ton Dieu.» JE SUIS...
une plénitude d’existence, celle qui te permet d’exister vraiment.
Ton Dieu, pour toi, avec toi, qui t’aime envers et contre tout.
Je suis et toi tu es, nous sommes l’un pour l’autre. Et tout est changé !
Une parole pleine de force, mais tout autant de faiblesse.
La parole de quelqu’un qui, dans notre monde d’aujourd’hui, a un besoin vital de redire qu’il existe vraiment,
solidaire de tant d’hommes et de femmes méprisés, froidement rayés des listes, et qui protestent: « Mais j’existe, je suis quelqu’un, je ne suis pas rien ! »
Durant ce carême, pouvons-nous ignorer toutes les formes de négation de l’autre, fût-il Dieu en personne ?
Tel cet ami qui me dit avec sa gentillesse tranquille: « Dieu, mais pourquoi faire ? »
Il y a plus, mais n’ayons pas peur, au contraire, nous voulons la vérité qui rend libre.
« Tu n’auras pas d’autres dieux que moi. Tu ne te feras aucune idole ». Notre Dieu si fort est-il donc si faible qu’il ait besoin de se défendre de ses concurrents ?
« Je suis un Dieu jaloux ». C’est là le cri d’un amoureux, menacé du pire qui puisse arriver à un amoureux ! La jalousie est faiblesse, car passion d’amour rend vulnérable. Notre Dieu est trop passionné pour y échapper, d’ailleurs il ne le voudrait pas. Ce qu’il veut, c’est être comme nous, avec nous, surtout avec les plus menacés.
Les lectures de ce dimanche nous conduisent à ce Dieu-là, le seul vrai, à la fois fort et faible, et du même coup au refus des idoles que saint Paul démasque, sous deux formes :
d’une part le pseudo miraculeux, et, d’autre part, selon la belle expression de François Mauriac, « la fausse sagesse du monde », celle qui, pour croire, exige des preuves, surtout scientifiques.
Je pense à cette universitaire, brillante, qui répète avec satisfaction: « Aujourd’hui, pour croire en Dieu, il faut être débile, ou de mauvaise foi ». Et je la crois de bonne foi, sincère au milieu de ses évidences.
Et je me demande : notre Dieu, qu’en pense-t-il ?
Eh bien ! Ce qui est sûr, c’est qu’il pense à elle, avec une certaine prédilection, et à tant d’autres semblables, parfois de ceux qui nous sont les plus chers.
Tous nous sommes les enfants bien aimés de notre Dieu, tous enveloppés de sa tendre jalousie relayée par l’Église,
une Église qui nous invite à vider nos petits temples de leurs idoles pour faire de la place...
Je termine avec une anecdote. New York, la nuit. Un étudiant erre dans les rues et finit par échouer chez son curé. « Mon Père, je ne crois plus à aucun des articles du credo, à l’exception du premier. Je crois encore en Dieu ».
Le prêtre : « Mon ami, je sais ce que c’est,
mais souviens-toi toujours que l’Église croit pour toi. »
L’Église croit pour moi. Pour tous.
Oui, L’Église est une mère. La foi est une mystérieuse solidarité qui ne se vit qu’en grappe, tous nourris de la même sève divine. Ce qu’on vit ici est aussi pour toi là-bas, l’inconnu, notre frère, on partage.
Alors, bon dimanche à tous,
en grappe, sous le regard chaleureux de notre Dieu et Père. (2012-03-11)
Dimanche 4 mars 2012 / 2ème Dimanche de carême (B)
Gn 22, 1-2.9a.10-13.15-18 ; Rm 8, 31b-34 ; Mc 9,2-10.
Homélie de frère Matthieu
« Tu l’offriras en sacrifice sur la montagne … »
« Jésus les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne… »
Tout se tient, tout se répond dans les Ecritures, mais aujourd’hui, nous pouvons légitimement nous demander comment le sacrifice d’Isaac, notre première lecture, peut bien entrer en résonance avec la Transfiguration de Jésus telle que nous l’a fait entendre l’évangile de Marc…
Je l’ai souligné par les citations faites en commençant : les deux évènements se passent sur « la » montagne et ce n’est peut-être déjà pas un hasard si elle est nommée au livre de la Genèse et pas dans l’évangile de Marc. Dieu désigne à Abraham comme lieu du sacrifice à venir, le mont Morriyah, que la tradition biblique identifiera au mont du Temple à Jérusalem (2 Ch 3,1), lieu des sacrifices offerts jour après jour au Seigneur. Et n’oublions pas que Jésus sera crucifié sur « la montagne » du Golgotha et qu’il attendra ses disciples après sa résurrection sur « une montagne » de Galilée.
Enfin la présence de Moïse et d’Elie au côté de Jésus sur cette montagne de la transfiguration fait immédiatement penser au mont Sinaï, lieu du don de la Loi, qui est aussi le mont Horeb, lieu de la révélation du nom de miséricorde du Seigneur à son prophète, nous dit le second livre des Rois.
Ainsi tout nous parle ici du Don de Dieu, de la Révélation de son amour, du sacrifice de Jésus sur la Croix et de sa Résurrection d’entre les morts comme accomplissement de la Révélation de l’amour du Père…
Mais revenons à notre comparaison de nos deux textes…
On peut donc noter encore, qu’il est question dans les deux cas « du » fils unique, du « fils bien aimé » et Isaac reçoit ces qualificatifs de la bouche même du Seigneur, comme Jésus lors de la théophanie dans la nuée.
Et il faut évidemment noter encore cette présence du Seigneur dans les deux récits, présence transcendante manifestée, par des paroles impératives et qui doivent être écoutées !
Dans le récit de la Genèse, Abraham se révèle comme le parfait « écoutant » et Isaac par son silence même se montre le parfait disciple. Dans l’évangile de Marc, ce sont les disciples qui sont invités à l’écoute et à l’obéissance.
Ainsi peut-on voir dans ces deux récits les deux faces d’un même mystère, celui de la mort et de la résurrection de Jésus ; mort préfigurée dans le sacrifice d’Isaac, résurrection anticipée par la transfiguration, où la présence de Moïse et d’Elie nous place déjà dans le monde à venir.
Deux faces d’un même mystère dont l’essentiel est le plan de Dieu, qui mène le jeu ici et là, en révélant toujours son amour et sa miséricorde inlassables au service du salut du monde et de tous les hommes.
Car pour que le monde échappe au mal, pour que nous échappions au mal qui nous domine et nous tient encore, il faut que le « Fils unique » ouvre à nouveau le chemin de l’obéissance parfaite, le chemin de cet acte de foi absolu en l’amour inconditionnel du Seigneur, quelque soient les apparences.
Le Diable trompeur avait suggéré à Eve et à Adam que Dieu n’agissait pas par amour mais par intérêt propre… et la relation en avait été radicalement blessée : le mal était entré dans l’homme, la crainte et la défiance avant la suffisance et le désir de s’en sortir tout seul… Tout ce qui fait notre malheur !
Il fallait rouvrir le chemin de la Foi, inconditionnelle, absolue. Jésus, le Fils bien-aimé, devenu homme avec notre chair de péché, a pu, lui seul, accomplir en plénitude ce qu’Abraham et Isaac et tous les grands obéissants de la Loi du Seigneur avaient seulement esquissé.
Sa mort n’est que le signe accompli de cette foi retrouvée, totale reconnaissance que Dieu n’offre que son amour, même dans la Croix, et qu’il n’y a qu’à l’accueillir pour devenir des « vivants », créatures animées de l’Esprit vivifiant que seul Dieu peut donner par son Fils à ceux qui essaie de croire en son amour et en sa miséricorde qui sont de toujours.
FRERE MATTHIEU COLLIN
Mercredi des Cendres 22 février 2012
Jl 2, 12-18 ; 2 Co 5, 20-6,2 ; Mt 6, 1-6, 16-18
Père Abbé Luc
Au début de l’année, durant notre retraite communautaire, le prédicateur nous a invités à nous laisser conduire par la pensée et la vie de Newman, ce cardinal anglais du 19°s, béatifié l’an passé par Benoit XVI. En ce mercredi des Cendres, me revient une parole forte de Newman qui peut éclairer notre entrée en Carême. « Qu’est-ce qui manque, à nous autres qui faisons profession de religion ? C’est ceci : une volonté d’être changé, une volonté de permettre à Dieu tout-puissant de nous changer. Nous n’aimons pas lâcher prise sur nous-mêmes, et partiellement ou totalement, bien que tout nous soit offert gratuitement, nous nous accrochons à notre vieux « moi »…Nous n’aimons pas à être recréés, nous en avons peur…. »
Je crois que tous, si nous sommes un peu lucides, nous pourrions faire ce constat : il nous en coûte d’être changé, nous avons peur d’être recréés, même si cela nous est offert gratuitement par Dieu. Ce constat nous touche tout particulièrement, nous les moines, qui faisons vœu de conversion, c’est-à-dire vœu de changer notre manière de vivre et de penser pour être davantage accordé à la volonté de notre Dieu. Newman ne met-il pas effectivement le doigt sur la difficulté qui est la nôtre : cette résistance profonde et tenace à nous laisser rejoindre vraiment par notre Dieu et par sa grâce pour marcher en amitié avec Lui et avec nos frères…
Allons-nous rester pour autant paralysés par ce constat ? Voire découragés par notre impuissance à avancer ? C’est la grâce de la liturgie de nous permettre d’oser commencer à nouveau. Tel un patient pédagogue, la liturgie nous propose année après année la grâce de la conversion, et tout particulièrement en ce jour des Cendres.
La liturgie nous entraine tout d’abord à demander la grâce dont nous avons besoin. Elle met sur les lèvres la prière qui nous tourne vers Notre Père par Jésus son Fils. Nous avons ainsi demandé de « savoir commencer saintement par une journée de jeune, notre entrainement au combat spirituel ». Nous prierons encore que le Seigneur nous inspire « des actes de pénitence et de charité qui nous détourne de nous-mêmes ». Laissons-nous guider tout au long de ce Carême par les oraisons que la liturgie nous offre. Elles nous disposent à nous tourner vers notre Dieu pour demander et recevoir sa grâce sans laquelle nous nous impuissants à avancer.
Puis, la liturgie nous offre la nourriture de la Parole. Nous avons ainsi entendu les paroles aux accents incroyables de tendresse du prophète Joël qui nous redit de la part de Dieu : « Revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment ». Entendons aussi la parole vigoureuse de Paul : « Au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez vous réconcilier avec Dieu ». Oui, écoutons ces invitations pressantes. Notre Dieu, tendre et miséricordieux est affecté de nous voir nous égarer ou nous tenir dans une vie qui reste à notre petite mesure, alors qu’elle est appelée à prendre la mesure de Dieu et de son Amour…Il veut des cendres que nous sommes faire resplendir sa vie et sa gloire. En venant dans quelques instants recevoir les cendres, nous accomplirons un acte de foi et de confiance en la puissance de la résurrection offerte par le Christ. Et nous recevrons cette parole : « Convertis-toi et crois à l’évangile ». Oui, tourne-toi vers Dieu et accueille la Bonne Nouvelle de sa grâce qui est puissance de résurrection pour toi, dès maintenant.
Que cette quarantaine nous donne d’accueillir la grâce de renouveau que le Seigneur veut nous offrir, dans la mort et la résurrection de son Fils. (2012-02-22)
Année B - 6e dimanche ordinaire - La purification du lépreux
Lv 13 1-2, 45-46 ; 1 Co 10 31-11 1 ; Mc 1 40-45
Homélie du F.Sébastien
« Jésus, si tu veux, tu peux me purifier ! – moi, le lépreux –
Jésus étendit la main et le toucha… »
Ce texte, si beau, ne peut manquer de nous poser question. Aujourd’hui, qui est le lépreux ? Qui est le Christ, et où est-il ? Plus profondément : qu’est-ce qui se passe entre eux ?
La lèpre, dans notre société, c’est le mal sournois et dangereux, contagieux, multiforme, dont on se défend lâchement en excluant celui qui en est atteint : la mort sociale, la plus douloureuse, précède la mort tout court.
De quoi le Christ est-il venu guérir l’humanité? Serait-ce d’abord de la lèpre ? Certainement pas ! Jésus a laissé derrière lui beaucoup de lépreux. De quoi alors ? Mais d’abord de ce réflexe qui fait de l’autre, homme ou femme, enfant ou vieillard, malade ou non, un être à fuir, à abandonner à son triste sort : tant pis pour lui, d’ailleurs n’est-ce pas toujours plus ou moins de sa faute ! Quant à nous, sauvons-nous ! D’ailleurs, nous n’y pouvons rien.
La seule question, libératrice : Comment le Christ, lui, vient-il se glisser concrètement dans nos histoires de lèpre ?
Un fait vécu. J’étais au monastère bénédictin de Dzogbégan, au Togo. Un certain Frère Eugène, venu de France, partait tous les quinze jours en vespa pour aller passer l’après-midi à la léproserie d’Ataka. Un homme au grand cœur, mort récemment. Il consignait ce qu’il vivait dans des poèmes pleins d’humanité.
Pour terminer je vous en lis un :
« Seigneur, pour le lépreux tu m’as fait tendre.
Ce geste, qui pourra jamais le comprendre ?
Aujourd’hui, mes lèvres, sur le visage du lépreux,
De ton amour sont le plus tendre aveu.
[…]
Lépreuse, abandonnée, comme une bête immonde,
Sans pieds, sans mains, vers moi ses yeux se sont levés,
Des yeux tristes où se lit toute la souffrance du monde.
En silence, je l’ai regardée et je l’ai embrassée.
Je ne sais ce qui s’est passé dans son cœur,
Il y a si longtemps qu’elle n’avait pas eu ce bonheur,
Il y a si longtemps que cette joie lui était refusée,
D’un ami qui se penche pour l’embrasser. »
Puisse l’Esprit Saint toucher notre cœur comme il en a touché tant d’autres !
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Année B - 3e dimanche du Temps Ordinaire – 29 janvier 2012
Jon 3 1-5,10 ; 1 Co 7 29-31 ; Marc 1,14-20
Homélie du F.Servan
"Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche!"
Nous sommes encore au début de l'évangile de Marc. Après de rapides mentions du
Baptême, de la tentation, puis de l'arrestation de Jean, Jésus prend le relai du baptiste et inaugure sa prédication de la Bonne Nouvelle du règne de Dieu qui maintenant s'est fait proche. Et il appelle des hommes (les premiers mais pas les derniers) à l'accompagner: « Venez derrière moi, je vous ferai pêcheurs d'hommes ». Faut-il rappeler que l'évangile de Mc va nous accompagner durant un bon nombre de dimanches de cette année et que plusieurs diocèses (dont le nôtre) invitent à bien faire route avec cet évangile (le plus bref mais pas le moins énergique). Par exemple, petit exercice (valable aussi pour les frères moines): en faire (en une ou deux fois) une lecture complète et suivie, comme on lit une histoire, un récit (sans tomber en méditation à chaque page) pour le recevoir autrement qu'en petits morceaux, dimanche après dimanche!
Un mot rapide (à la manière de Marc) sur l'Unité des chrétiens: dans le Concile Vatican II (dont on va faire en octobre le 50e anniversaire (de son ouverture en 1962), il y a une belle
expression: à propos de l'Eglise on y parle de « l'ensemble de ceux qui regardent avec la foi
vers Jésus » accueillent sa parole et essaient dans leur vie de marcher à sa suite.
L'ENSEMBLE ... donc pas seulement les chrétiens catho/catholiques.
Ce dimanche, dans l'ensemble des trois paroles de Dieu entendues, plusieurs mots ont retenu mon attention: le mot TEMPS - AUSSITOT - et ces COMME SI un peu agaçants et dérangeants.
« Les temps sont accomplis », le temps de Dieu, le projet de Dieu sur l'humanité et ses promesses sont arrivés à maturité. Le temps est venu de la moisson ou (pour des marins) de la pêche au filet. Mais, le temps humain, lui « est limité » (littéralement: le temps est venu de carguer les voiles, pour le bateau qui se prépare à entrer dans le port - autre image maritime) et « ce monde tel que nous le voyons est en train de passer ». Il y a le calendrier des postes (utile) mais il y a le calendrier de l'année liturgique ( cf celui de Fr Yves) et les deux sont mêlés ensemble !
Alors on pourrait s'expliquer ces « comme si » un peu provoquants! Il ne s'agit pas pour le chrétien de faire semblant d'être du monde tout en étant ailleurs, d'être assis entre deux chaises (situation inconfortable et risquée et qui peut faire rire ou sourire les autres) « du monde et pas du monde ». Mais si on reste dans le sens du temps chrono ou solaire, alors Qohelet peut constater « sous le soleil-tout est vanité ». « ce monde tel que nous le voyons est en train de passer ».
Aux rieurs de ce monde, le chrétien peut répondre : Vous pouvez rire, mais si vous restez dans le seul temps chrono ou solaire (avec le rythme des saisons), alors, comme le note un commentaire juif de Qohelet : « si vous restez » sous le soleil », dans le seul horizon terrestre. Alors, tout est vanité ». Ce monde tel que nous le voyons est en train de passer ».
Par contre si je fais entrer la parole de Jésus: « les temps sont accomplis » et ses autres paroles (les Béatitudes) dans mon temps limité (dans ma vie humaine avec ses situations heureuses ou malheureuses (pleurs-deuil-joies), activités, commerce etc, alors, dans ma petite maison, trop fermée sur elle-même, j'ouvre des fenêtres grandes ou petites, des velux, des vasistas, bref, ce qu'en langage technique on appelle des « comme si » ou si vous préférez des « aussitôt » !
« Aussitôt les gens de Ninive crurent en Dieu », « Aussitôt laissant là leurs filets ils le suivirent », et la lumière du Christ pénètre avec tout à la fois son appel à la sainteté de vie, à la conversion, et, la puissance de sa miséricorde. (cf le cas des Ninivites qui étaient quand même des drôles de jojo plutôt violents) ! L'Esprit du Christ vient sans cesse éclairer, purifier, rectifier, fortifier, consoler notre vie humaine en ses diverses situations. « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».
Par exemple, quand nous venons à l'Eucharistie du dimanche et que nous communions à la vie du Christ, c'est toute notre semaine, avec ses activités et ce que nous pourrons vivre qui est sauvée de « l'à quoi bon » et du périssable.
« Dans cette existence de chaque jour, Seigneur,
la vie éternelle est déjà commencée.
Nous avons reçu les premiers dons de l'Esprit
Par qui tu as ressuscité Jésus d'entre les morts
Et nous vivons dans l'espérance
Que s'accomplisse en nous le mystère de Pâques."
(2012-01-29)
EPIPHANIE 08.01.2012
Is 60, 1-6 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
Père Abbé Luc
Où est le Roi des juifs qui vient de naitre ? Voilà la question, frères et soeurs, que des mages se posent. Ces hommes de science veulent être guidés. Ils ne demandent pas : Y a-t-il un Roi des juifs qui vient de naitre ? ou le Roi des juifs est-il né ? Non, ils souhaitent simplement qu’on leur donne le dernier renseignement nécessaire à leur recherche : Où est-ce qu’il se trouve ? …Spontanément, ils viennent le chercher dans la capitale à Jérusalem, auprès du palais royal. Mais il n’est pas là. Et plus étonnant, même là sa naissance est ignorée.
Ces hommes qui ont mené une recherche attentive, avec les moyens à leur disposition, surprennent ceux qui les premiers devraient savoir cela. Mieux ils les réveillent. Ils les bousculent et les mettent en route d’une certaine manière. Hérode comprend que ce Roi ne peut être que le Messie, quand il s’informe sur le lieu où il devait naitre. Le roi, c’est lui. Il ne peut donc s’agir que du Messie que l’on attend. Les mages bousculent aussi les chefs des prêtres et les scribes en les obligeant à aller chercher dans leurs Ecritures. Et là ils trouvent le lieu où effectivement le Messie doit naître : c’est Bethléem de Judée, selon la prophétie du prophète Michée.
Ce récit de la venue des Mages n’est-il pas une belle parabole de la manière avec laquelle l’Esprit du Seigneur est à l’œuvre dans notre monde ? Il agit à travers tous les hommes, sans que les uns plus que les autres puissent être assurés de posséder toute la vérité. Personne ne peut se suffire à soi-même dans la découverte du mystère du Christ. Les mages ont reconnu avec certitude la venue du Roi des Juifs, mais ils ne savent pas où il se trouve. Hérode reconnait qu’il s’agit du Messie, mais il ne sait pas où il se trouve, ni quand il doit venir. Et les prêtres et les scribes, surpris, doivent aller rechercher dans leur propre tradition scripturaire, où le Messie doit naître. Ainsi les mages ont-ils besoin d’Hérode, des prêtres et des scribes, et ces derniers ont-ils besoin de la question et de la connaissance des mages pour reconnaitre l’évènement qui est en train de se vivre.
La manifestation du mystère du Christ est pour tous et en même temps elle échappe à tous. Elle invite chacun là où il est à se mettre en route avec les indices qu’il a à sa portée. Mais chacun va avoir besoin des autres pour avancer dans sa découverte du mystère du Christ : les païens ont besoin des juifs, et les juifs des païens. Les païens cherchent avec toute l’acuité de leurs moyens humains. Ils posent les bonnes questions au bon moment. Les juifs ont les Ecritures comme un trésor qui contient les clefs du mystère. Mais encore faut-il connaitre ce trésor. Et surtout, encore faut-il reconnaitre le moment opportun de la réalisation des promesses de Dieu.
N’en est-il pas encore ainsi pour nous aujourd’hui dans notre approche du mystère du Christ ? Nous autres chrétiens, comme dit Paul, nous connaissons qu’en Christ se trouve la plénitude de la Révélation. En Eglise, nous le croyons. Mais est-ce que cela signifie que nous pouvons nous reposer, dans une certaine suffisance de penser que nous n’avons plus à chercher ? Notre foi elle-même, ainsi que la réalité nous disent le contraire. Notre foi nous engage à poursuivre le chemin à la rencontre du Christ qui va venir pour récapituler toute l’histoire. Nous ne possédons pas le Christ, nous l’attendons. Nous cherchons aussi à le reconnaitre déjà à travers la rencontre de chaque être humain, les plus petits, surtout…Ensuite, la réalité complexe de notre monde actuel nous engage dans une recherche toujours plus profonde du mystère du Christ. La découverte et la rencontre des autres religions, mais aussi la quête des hommes de bonne volonté qui se disent non-croyants, peuvent nous stimuler. Elles nous stimulent à élargir notre vision et notre conception du salut réalisé dans le Christ.
L’Eglise et les théologiens en son sein, s’interrogent aujourd’hui pour savoir comment le Christ et sa Lumière peuvent rejoindre ces milliards d’hommes vivant d’autres traditions et d’autres expériences religieuses. La question est délicate et la réponse balbutiante. Là encore ces autres traditions religieuses nous stimulent pour une meilleure et plus profonde compréhension du mystère du Christ. Parfois, des personnes de ces traditions ou des personnes non croyantes viennent nous interroger sur le Christ et sur notre foi. Sommes-nous prêts à partager simplement notre foi ? Sommes-nous disposés à nous laisser stimuler par leur questions pour aller nous-mêmes plus loin dans notre propre recherche du Christ ? Heureux sommes-nous quand nous sommes ainsi réveillés et stimulés dans notre foi.
Ce matin, dans cette eucharistie, nous allons célébrons le mystère du Christ, son Amour pour nous et la Vie qu’il nous offre. Nous le célébrons, sans le saisir, mais plutôt pour mieux nous laisser saisir par lui. Comme nous le demanderons après la communion : Que ta clarté d’en haut, Seigneur nous dirige en tous temps et tous lieux, et puisque tu nous as fait communier à ce mystère, puissions-nous désormais le pénétrer d’un regard pur et l’accueillir d’un cœur plus aimant .
(2012-01-08)
Année B - 1° janvier 2012 - Sainte Marie, Mère de Dieu
Nb 6 22-27; Gal 4 4-7; Lc 2 16-21
Homélie du F.Sébastien
En préparant cette messe, j’ai cru apercevoir, je voyais, tout là-haut, et sans doute le voyez-vous encore, dans le ciel, au-dessus de nos têtes, toute une activité : des anges artistes occupés à peindre sur un grand nuage blanc, en lettres multicolores, indélébiles, une banderole sur laquelle on peut lire les vœux que tous ceux qui sont là-haut adressent chaleureusement à tous ceux qui sont ici-bas :
GLOIRE A Dieu AU PLUS HAUT DES CIEUX
ET PAIX SUR LA TERRE AUX HOMMES QU’IL AIME
et en-dessous encore
UNE ANNEE PLEINE DE GRACES POUR VOUS TOUS.
Ces grâces Dieu, notre Père les offre aujourd’hui sans compter à tous ses enfants, de quoi illuminer tous les jours qui vont suivre. Elles sont préparées. Il n’y a plus qu’à les désirer, à les accueillir ; mais ensuite il ne suffit pas de dire MERCI, c’est banal, il faut dire : ENCORE, ENCORE ! Pourquoi ? Mais parce que c’est à nous maintenant d’exaucer notre Dieu dans son immense désir, dans son besoin de donner, de combler ses enfants, de les secourir dans leurs détresses, leurs épreuves visibles ou cachées, de les accompagner en tout, comme le meilleur des pères.
Ce désir fou de Dieu, la Vierge Marie, la meilleure des mères, penchée de là-haut sur nous, le fait totalement sien, spécialement en ce jour qui est sa fête à elle, sa fête de Mère de Dieu, de Mère de l’Église, de mère de chacun de nous, mère de toute grâce, de toutes les grâces dont notre monde a tant besoin.
Mais comment fêter une mère, sinon en fêtant tous ceux qui sont sa raison d’être, sa fierté, son bonheur,
en commençant bien sûr par Celui qui, un jour, en devenant son fils la fit Mère à jamais : Jésus, le Fils unique du Père, notre frère ?
Cette fête doit continuer d’agrandir nos cœurs à la dimension des mystères que nous célébrons en ce temps de Noël, les agrandir notamment sous la puissante poussée de la liturgie.
J’aime à nouveau fermer les yeux et voir se rapprocher, en imagination, deux enfances : celle de Dieu qui s’est fait bébé dans la paille et celle de la divine mère de Dieu lorsqu’elle était encore enfant.
Cette enfant, regardons-la émerger de la 1ère lecture lorsque le prêtre d’Israël bénissait avec ferveur la famille de la petite Marie accompagnée de ses parents, peut-être parfois au temple où retentissait alors, avec des sonorités particulières, la formule prévue par la loi de Moïse et qui les enveloppait tous les trois:
« Que le Seigneur te bénisse et te garde !
Qu’il fasse briller sur toi son visage
Qu’il te prenne en grâce...
Qu’il t’apporte la paix ! » La plénitude !
Sans le savoir il prophétisait, pour nos oreilles d’aujourd’hui.
Sa parole pénétrait particulièrement l’enfant attentive qui captivait son regard, une petite brunette, espiègle, rieuse, sérieuse, bien en place dans son destin et à son heure, déjà prête à tout :
« Et toi, petite Marie, que le Seigneur te bénisse... »
Et voilà qu’à son insu la bénédiction lui échappe et envahit l’avenir : « Tu seras la femme bénie entre toutes les femmes,
Oui - « Qu’il fasse briller sur toi son Visage ».Tu seras la femme revêtue de soleil.
« Qu’il te prenne en grâce », toi qui es déjà la comblée des grâces reçues et à répandre,
« Qu’il t’apporte la paix », à toi qui deviendras la reine de la paix. »
Et devant le prêtre, sans tout savoir, l’enfant acquiesce.
La première à être touchée aujourd’hui par notre liturgie, c’est cette Reine de la paix. En cette journée mondiale de prière pour la Paix elle nous entraîne à prier avec confiance pour que notre monde connaisse cette paix qui est le don suprême, le don de l’Esprit Saint en personne.
Le psaume chanté tout à l’heure y fait écho avec ses mots inspirés qu’il glisse dans nos cœurs ouverts. Que dit le psaume ? :
« Que Dieu nous prenne en grâce », – des mots chargés d’une immense tendresse,
« Que les nations chantent leur joie, – toutes, sans exception –
car toi, Dieu, tu gouvernes le monde avec justice » – par la paix –
« La terre a donné son fruit », son fruit de Noël.
Et j’aperçois Marie qui en ce moment, là-haut, sourit et se reconnaît, à jamais surprise – elle n’en reviendra jamais – émerveillée ;
elle se reconnaît dans notre terre maternelle qui sans bruit a enfanté son fruit, son Dieu en son propre Enfant, son fils, Jésus.
Le psaume continue comme s’il ne pouvait plus s’arrêter :
« Que Dieu nous bénisse
et que la terre entière l’adore. »
L’adore ! C’est là notre vocation ultime, notre chant, le chant des fils et des filles de la Mère sur laquelle repose en permanence l’Esprit de l’Annonciation, auquel Saint Paul apporte son robuste écho dans la deuxième lecture, en une des formules les plus envoûtantes de toute la Bible :
« Envoyé par Dieu, l’Esprit de son Fils est dans nos cœurs, et il crie vers le Père en l’appelant Abba »,
pour la plus grande joie de la Mère de Dieu et la nôtre, qui, unie au Père, reflète sur nous le Visage divin.
Mon vœu, notre vœu, en ce jour, est que ce reflet divin brille effectivement sur chacun de nous tout au long de l’année, dès aujourd’hui.
Ouvrons nos yeux ! (2012-01-01)
Messe de la nuit de NOEL 2011
Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
En cette nuit, nous fêtons la venue de Dieu parmi les hommes. Mais quelle étonnante discrétion dans la manière avec laquelle tout cela s’est déroulé !!! Dieu aurait-il pu se faire plus discret pour se révéler aux hommes ? Il y a peu, je lisais que le club de foot, le PSG, préparait avec grande pompe la venue de sa nouvelle vedette, un joueur anglais très fameux, avec défilé sur les Champs Elysées etc…à grand renfort médiatique…
Visiblement, ces manières humaines ne sont pas celles de Dieu. Ou encore même quand nous accueillons le Saint Père, on mobilise les foules sur son passage…on désire que cela se sache pour mieux lui manifester notre respect…Certainement, nous les hommes, nous aurions pensé une autre entrée dans notre monde pour notre Dieu, le Dieu de l’univers…Et Dieu, lui, comment s’y prend-t-il quand il vient à nous ? Pas de grande démonstration de puissance, mais il vient dans la faiblesse d’un enfant. Pas d’accueil prévu en grande pompe, mais Dieu est plutôt sommé de rester à la rue pour naître finalement dans une étable. Pas de médias ni de grands moyens de diffusion, seulement quelques bergers ignorants à qui des anges révèlent l’évènement pourtant inouï qui est en train de se dérouler…Oui, quand Dieu vient parmi les hommes, il choisit de le faire quasiment incognito…
Aussi quand nous faisons mémoire de son avènement dans notre monde à chaque Noël, que faisons-nous ? Voulons-nous redonner davantage d’éclat à quelque chose qui en a eu si peu ? Ou bien voulons-nous nous mettre à l’écoute et ouvrir nos yeux pour mieux entendre et voir la belle manière avec laquelle Dieu désire entrer en relation avec les hommes ?
Oui, elle est belle cette manière avec laquelle Dieu entre en relation avec l’humanité, avec chacun de nous. Elle est toute en discrétion, mais aussi toute en proximité. C’est sa manière à lui de nous manifester son amour. Rien d’extraordinaire, ni de fracassant. Un frère parmi nous aime bien répéter cette conviction : c’est dans le visible que l’invisible se donne à connaitre et à reconnaitre. Oui, notre Dieu a choisi de s’enfoncer totalement dans notre visible humain, au point de s’y confondre, en devenant un homme comme nous, Jésus. Un homme né d’une femme, qui a grandi et qui est passé par toutes les étapes de la lente maturation humaine. Dieu n’a pas triché avec le temps. Il s’est inséré dans le temps de la grande histoire dominée alors par l’empereur Auguste, mais aussi dans le temps de la petite histoire de Marie et de Joseph. Et notre Dieu a alors pris le temps de devenir un homme, de bébé à enfant, d’adolescent à adulte. Dieu n’a pas triché non plus avec l’espace. Tout homme a besoin d’un lieu où s’enraciner. Le Dieu d’Israël est né à Bethléem et sera appelé Jésus de Nazareth. Mais plus humblement encore, le Dieu infini a accepté l’espace combien limité d’une mangeoire…Notre Dieu n’a pas triché avec notre condition humaine. En Jésus, vrai Dieu et vrai homme, il est venu jusqu’à nous. Par là, il nous redit deux choses : que tout homme est digne de Dieu, et même très digne quel qu’il soit et qu’entre l’homme et Dieu il ne peut qu’y avoir un lien très profond, une vraie relation d’amitié.
Depuis ce premier avènement qui a conduit Jésus jusqu’à la mort et la résurrection, nous croyons que notre vie humaine a reçu une noblesse incomparable. Ce soir, nous voulons rendre grâce pour cette beauté de notre vie humaine renouvelée dans le Christ. Quand nous échangerons le baiser de paix dans quelques instants, pensons que mon voisin, ce frère et cette sœur ont, comme moi beaucoup de prix aux yeux du Seigneur. Quand nous recevrons le corps et le sang du Christ, accueillons avec beaucoup de reconnaissance notre Dieu qui vient nous visiter aujourd’hui encore. Il veut rendre notre vie humaine pareille à la sienne, toute transfigurée par son Esprit d’Amour.
(2011-11-25)
Immaculée Conception - Gn 3,9-15.20 ; Ep 1,3-6.11-12 ; Lc 1,26-38
Père Abbé Luc
Ce matin, je voudrais simplement dire quelques mots sur Marie, que nous fêtons aujourd’hui. L’Eglise aime honorer Marie à la fois comme l’une d’entre nous en chemin et à la fois comme sa Mère et notre Mère. En l’honorant ainsi, elle veut mettre en relief l’unique célébration du Mystère du Christ qui en elle atteint sa plénitude, sa perfection. En Marie pleine de grâce, aucune peur, aucun refus ne vient troubler l’œuvre de grâce , chantons-nous. Dans son humble acquiescement, elle se donne et se laisse conduire à l’ombre de l’Esprit.
Si elle n’a pas connu la résistance, fruit du péché, elle a mesuré et éprouvé dans sa chair de femme le prix du don total de soi à la Parole. Don total qui va transformer sa chair pour faire d’elle la Mère de Dieu, Mère virginale, Mère inépousée . Don total qui va la déplacer pour en faire peu à peu une disciple de son propre Fils, disciple qui aura aussi ses jours d’incompréhension, comme Luc ou Marc peuvent nous le laisser pressentir. Don total qui va l’unir d’une manière unique à la passion de son Fils ; là au pied de la Croix, elle entre pleinement dans la mission du Christ en recevant de lui la garde maternelle de tous les disciples.
Aux grandes étapes de la vie et de l’œuvre du Christ, Marie est là comme celle qui écoute et se reçoit de la parole. Elle est mère sans jamais cesser d’être disciple, elle est disciple au cœur de sa mission maternelle. Elle n’est pas celle qui sait ou celle qui serait supérieure. Elle est celle qui demeure à l’écoute, son cœur est rempli d’une ineffable attente .
Sa présence auprès de Jésus, sa vie durant, nous révèle combien l’humanité a été approchée par Dieu, et comment notre humanité peut se tenir proche de son Dieu. En honorant Marie, disponible et donnée pleine de grâce, nous comprenons mieux et nous accueillons mieux ce don de grâce, reçu au baptême qui veut faire de nous des fils bien-aimés du Père en Jésus.
Marie, pleine de grâce nous devance sur le chemin. Elle qui est déjà revêtue des vêtements du salut en plénitude, elle se tient maintenant auprès du Seigneur. Elle tient éveillée sa mémoire en notre faveur jusqu’à ce que tout son peuple devienne inébranlable en lui , pour reprendre les mots d’Isaïe entendus hier soir.
Oui comme des enfants, nous pouvons nous confier à sa présence et à sa prière maternelle. Elle veut nous aider à prendre part à sa joie en Jésus, son Fils.
(2011-12-08 )