vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 17 mars 2024 — 5e dim. du Carême — Frère Basile
Cycle : Année B
Info :

Année B - 5° Dimanche Carême - 17 mars 2024

Jérémie 31, 31-34 / ps 50 - Hébreux 5, 7-9 - Jean 12, 20-33

Homélie de F. Basile

Texte :

« L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié… Maintenant mon âme est bouleversée - Père, sauve-moi de cette heure ! Mais non, Père, glorifie ton Nom. »

F et S, c’est dans ces termes que l’évangile de Jean nous rapporte l’affrontement de Jésus à sa propre mort, ce que les autres évangiles situent un peu plus tard au jardin de Gethsémani, juste avant son arrestation.

Le 4° évangile n’a pas fini de nous étonner si nous essayons d’en saisir le sens et la progression. Nous savons comment cet évangile est sous-tendu par « l’heure qui vient ». C’est à Cana, tout au début de sa vie publique, que Jésus disait à Marie : Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue », et pourtant ce jour-là, à la prière de Marie, le vin a coulé et la gloire du Christ s’est manifestée pour la 1° fois.

Aujourd’hui, nous voilà au ch 12, et ce sont des grecs, des païens qui font cette demande : « Nous voulons voir Jésus »; de Philippe à André, la demande remonte à Jésus et elle reçoit une réponse solennelle : « L’heure est venue, l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié. » C’est la Croix qui est visée bien sûr, à l’heure de l’accomplissement total, mais c’est aussi pour l’évangéliste l’heure de la Gloire, l’heure de l’exaltation, l’heure où le prince de ce monde va être jeté dehors et où le Christ attirera tout à lui, l’heure de la nouvelle Alliance.

La perspective ouverte ici offre un horizon infini et rassemble toutes choses, alors que dans le passage parallèle de l’évangile de Marc, Jésus déclare à la fin de son agonie :

« C’en est fait, l’heure est venue : voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs » et la lettre aux Hébreux, que nous avions en 2° lecture, souligne elle aussi le grand cri et les larmes de Jésus

Au contraire, dans l’évangile de Jean, la Gloire et la Croix sont désormais liées. Jésus crucifié, c’est Jésus glorifié : depuis que le Fils de l’homme a été élevé, c’est la seule manière pour Jean d’envisager la mort du Christ, et cela peut nous interroger.

C’est dans ce même passage que Jésus cite la parabole de la semence, le grain qui meurt et porte beaucoup de fruit : parabole familière chez Marc et Matthieu, mais ainsi placée par Jean au début de la Passion, elle brille d’une lumière nouvelle ! L’accent n’est pas mis sur le rendement, mais sur la graine enfouie, sur la mort et la vie, sur la mort lucidement acceptée et la vie entièrement donnée, sur le service qui peut aller jusqu’à la mort. C’est pour lui, mais aussi pour nous que Jésus prononce ces paroles : « Là où je suis, là aussi sera mon serviteur, et mon Père l’honorera, le glorifiera. »

Comment ne pas évoquer ici tous les martyrs, connus ou inconnus, tous ceux qui ont semé l’Eglise en donnant leur vie. Tout près de nous, je pense au P. Jacques Hamel assassiné en juillet 2016 ; il y a, bien sûr, nos 7 frères de Tibhirine, enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars, et retrouvés morts 2 mois plus tard. Même si cela est plus loin de nous, je voudrais mettre en lumière saint Oscar Romero, canonisé en 2015 par le pape François : archevêque de San Salvador, il fut assassiné au cours de l’eucharistie en pleine homélie le 24 mars 1980. Comme le Christ, il est allé jusqu’au bout ; en prenant le parti des pauvres, c’est là qu’il s’est converti, il savait les risques qu’il courait, les menaces qui pesaient sur lui et qui ne l’empêcheront plus de parler. Dans une de ses dernières homélies, il avait dit : « Comme chrétien, je ne crois pas à la mort sans la résurrection. S’ils me tuent, je ressusciterai dans le peuple du Salvador. »

Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Les fruits, nous les connaissons : c’est l‘espérance des pauvres, l’espérance de tous ceux qui se sont relevés et remis debout à cause de sa vie offerte, par la force de l’évangile vécu. Oui, l’heure est venue avec la mort de Jésus lucidement acceptée, avec son élévation sur la croix et son souffle remis entre les mains du Père, l’heure est venue où la gloire du Fils de l’homme ne cessera plus d’être manifestée, jusqu’à nous aujourd’hui. « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore »

Voilà bien l’Alliance nouvelle, annoncée par le prophète Jérémie, réalisée pleinement à la mort de Jésus, où tous les hommes sont appelés à entrer ; la présence des grecs, des païens au début de l’évangile aujourd’hui, en est le signe avant-coureur. « J’attirerai à moi tous les hommes. »

Cette Alliance nouvelle, dit le prophète, c’est Dieu qui inscrira sa Loi au plus profond des cœurs, non plus sur des tables de pierre, mais sur des cœurs de chair, et tous, nous connaîtrons le Seigneur. Celui qui n’est pas nommé, c’est l’Esprit Saint, mais Paul dira qu’Il est la Loi nouvelle inscrite dans nos cœurs.

Nous voyons combien toutes ces paroles convergent dans l’heure de Jésus : l’heure de la Croix, mais aussi de la Gloire, l’heure de la mort, mais aussi de la Vie donnée, l’heure du souffle remis au Père, mais aussi de l’Esprit répandu. C’est tout le mystère pascal, la Pâque nouvelle que nous allons célébrer dans quelques jours, mais déjà dans chaque eucharistie.

Frères et sœurs, n’oublions pas que même dans la souffrance, la maladie ou l’échec, si nous les vivons avec Jésus, nous ne dirons pas : « Père, sauve-moi de cette heure », mais comme Jésus : « Père, glorifie ton Nom. »

Homélie du 10 mars 2024 — 4e dim. du Carême — Frère Jean-Louis
Cycle : Année B
Info :

Année B - 4e dimanche de Carême - (10/03/2024)

(2 Ch 36, 14-16.19-23 – Ps 136 – Ep 2, 4-10 – Jn 3, 14-21)

Homélie du F. Jean-Louis

Texte :

Frères et sœurs,

En ce quatrième dimanche de carême, l’Eglise a choisi des lectures soulignant bien la joie dont ce jour est marqué. Joie qui tranche avec la gravité générale du carême mais qui nous indique déjà l’horizon de tout carême : la Pâques, la Résurrection du Christ.

Pourtant, la première lecture commence plutôt mal, et même très mal. Cette relecture de l’histoire d’Israël faite bien après les événements nous rappelle en effet une période sombre de l’histoire du peuple élu de Dieu. Son élection ne l’a pas protégé de l’infidélité envers son Dieu qui, lui, restait toujours fidèle à son Alliance, essayant d’envoyer des messagers, les prophètes, pour faire prendre conscience au peuple de son égarement. Or, ces prophètes ont été sans cesse moqués, méprisés, rejetés. Et pourtant, Dieu continuait à avoir pitié de son peuple. Cependant, à force d’idolâtrie, le peuple a fini par se détourner de son Dieu. L’auteur du livre des Chroniques, relisant, sans doute au 3e siècle avant le Christ, l’histoire religieuse du peuple d’Israël avec les critères de son époque a donc attribué à la colère de Dieu la chute de Jérusalem, en 587 avant le Christ, sous les coups des armées de Nabuchodonosor, roi de Babylone. Dans la mentalité du temps, si l’on était vaincu par une armée étrangère, c’est que le ou les dieux de la nation avaient abandonné la cause du vaincu. Si Jérusalem avait été prise et le peuple déporté à Babylone, c’est que le Dieu d’Israël avait pris acte de l’infidélité de son peuple et l’abandonnait aux conséquences de ses errements.

Il ne restait plus alors au peuple d’Israël qu’à adopter les dieux des vainqueurs et à s’assimiler à ces derniers. Mais un prophète, Jérémie, s’est levé pour dire que la colère du Seigneur n’était pas définitive et que le peuple serait à nouveau l’objet de son amour et c’est ce qui arrivera quelques 70 ans après.

En effet, les armées babyloniennes seront à leur tour vaincues par un autre roi, Cyrus, roi de Perse. Un roi païen mais qui va, de façon tout à fait inattendue, permettre aux exilés de revenir à Jérusalem et même de reconstruire le Temple. Ainsi, le peuple juif fera l’expérience très forte de la fidélité de son Dieu qui se manifeste au-delà des infidélités du peuple. L’alliance de Dieu avec son peuple est vraiment éternelle et sans retour.

La splendide seconde lecture de ce dimanche exprime, en un autre temps la même réalité de la fidélité sans faille de Dieu envers les pécheurs. Nous étions des morts par suite de nos fautes et Dieu nous a donné la vie avec le Christ, avec cette merveilleuse exclamation qui revient deux fois au cas où nous n’aurions pas compris :

« C’est bien par grâce que vous êtes sauvés ». Et au cas où nous nous acharnerions à nous trouver des motifs de mériter le salut de Dieu, Paul insiste et précise : « Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas de nos actes : personne ne peut en tirer orgueil. » En fait, tout le projet créateur de Dieu est ici exposé : Il nous a créés pour la communion avec lui et ce ne sont pas nos fautes qui peuvent l’empêcher de réaliser son projet.

Et l’évangile nous redit enfin comment, concrètement, Dieu est intervenu en notre faveur. C’est par le Christ Jésus. Avec cet optimisme incroyable : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. » Et l’évangile nous dit également que Dieu a envoyé son Fils dans le monde pour le sauver et non pas pour le juger.

Certes, il faut la foi. Mais la réflexion théologique récente qui a approfondi la révélation chrétienne a pu mettre en évidence que ce qui importe, c’est de vivre selon l’esprit de l’évangile, faire le bien et s’écarter du mal, respecter le prochain…

Nous savons que Dieu ne peut tenir rigueur à des gens qui ne connaissent pas le Christ parce qu’ils n’ont pas rencontré de témoins pour l’annoncer ou parce que les témoins rencontrés ne leur ont pas donné envie de croire.

Le dialogue interreligieux nous a appris aussi à respecter la foi de ceux qui suivent avec sincérité une autre voie religieuse que la voie chrétienne.

Le concile Vatican II a affirmé que l’humanité entière était appelée à la sainteté, et que tous pouvaient être unis au mystère pascal de mort et de résurrection du Christ, les chrétiens, par le baptême et ceux qui ne le sont pas par des moyens que Dieu seul connaît. Le Salut est donc offert à tous et c’est cela la bonne nouvelle.

Nous pourrions objecter : « À quoi sert alors d’annoncer l’évangile ? » Je pense que ce n’est pas rien que tout être humain aie connaissance d’être aimé à ce point par Dieu, par le Christ et c’est notre rôle de baptisés que de l’annoncer, non de l’imposer.

Bien sûr, il reste à agir en rejetant le mal qui déteste la lumière, qui déteste Dieu. Là aussi, nous avons la responsabilité d’agir de telle sorte que ceux qui nous entourent sentent que nous sommes habités par plus grand que nous.

Frères et sœurs, les lectures de ce jour nous révèlent que nous sommes dépositaires, par la foi que nous avons reçue, d’un immense trésor à partager avec nos frères et sœurs en humanité.

Puisse la deuxième partie du Carême qui a commencé nous aider à trouver, dans l’Esprit Saint, les moyens de le faire.

AMEN

Homélie du 03 mars 2024 — 3e dim. du Carême — Frère Vincent
Cycle : Année B
Info :

Année B - 3° dimanche de Carême - 03 mars 2024

Ex 20 1-17 ; Ps 18 ; 1 Co 1 22-25 ; Jn 2 13-25

Homélie du F. Vincent

Texte :



Les lectures bibliques de ce dimanche forment un tout. Il s’agit d’abord de Dieu qui fait alliance avec les Hébreux au temps de Moïse. Ces derniers n’étaient pas encore un peuple. C’était un ramassis de pauvres gens, esclaves en Egypte et menacés de génocide. Or voilà que Dieu leur parle. Il leur donne sa loi pour leur apprendre à vivre en cohérence les uns avec les autres. Nous trouvons dans le Livre de l’Exode de nombreux textes qui traitent de cas concrets. Mais le plus important c’est ce que nous appelons “les dix commandements”. Ces dix paroles de vie sont comme des balises qui indiquent la route pour aller vers Dieu. Ces dix commandements se résument à deux : Respect de Dieu et respect des autres. Dans un monde marqué par des intolérances de toutes sortes, ce texte biblique vient nous ramener à l’essentiel : Dieu et les autres. Plus tard, Jésus nous dira : Amour de Dieu et amour du prochain. Il précisera même que le prochain c’est celui dont je me fais proche. Saint Jean résumera ces deux commandements en un seul : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés”. Il précisera que la seule façon d’aimer Dieu c’est d’aimer les autres. Celui qui prétend aimer Dieu qu’il ne voit pas et n’aime pas son prochain qu’il voit est un menteur. Voilà ce programme qui nous est proposé pour ce temps du carême : Revenir vers Dieu, nous laisser guider par sa Parole et le suivre sur le chemin qu’il nous montre.

Dans la seconde lecture saint Paul nous invite à faire un pas de plus. La loi de Moïse c’est quelque chose d’important car elle ouvre à la vie. L’homme est appelé à s’y conformer. Cette loi nous montre le péché mais elle ne sauve pas. Le seul qui peut nous sauver c’est Dieu. Si nous voulons comprendre quelque chose à l’amour de Dieu c’est vers la croix du Christ qu’il nous faut regarder. A l’époque, c’était absolument impensable de prêcher un Messie crucifié. Les crucifiés de l’époque étaient soit des terroristes, soit des assassins. Or Jésus a accepté la mort la plus redoutée et la plus méprisée. Il voulait ainsi signifier que l’amour du Père pour l’humanité allait jusqu’au bout de l’infinie tendresse. C’est la folie de Dieu qui fait confiance à tout homme. Aimer comme Dieu aime ne se comprend qu’en regardant la croix. /// Dans l’évangile de saint Jean, nous voyons Jésus très en colère contre les vendeurs du temple. Pourtant ce commerce était bien commode pour les sacrifices. Mais Jésus s’en prend précisément à ceux qui confondent commerce et religion. A cause d’eux, la maison de Dieu est devenue “une maison de trafic”. Il ne supporte pas que les vendeurs de colombes pressurent les fidèles les plus pauvres ni que le culte rendu à Dieu devienne une source de profit illicite.

Il nous faut aller plus loin dans la compréhension de l’évangile. En purifiant le temple, Jésus veut nous apprendre à purifier notre prière. Au temps de Jésus, beaucoup venaient offrir le mouton pour que Dieu les fasse réussir dans leurs affaires. Or Dieu n’a que faire de la boucherie des autels. Il nous appelle à convertir notre prière. Se convertir c’est faire un demi-tour. Les bruits d’argent, tous les calculs que nous pouvons faire sont une insulte à la grandeur de Dieu.

Concernant la prière, il nous faut remettre les choses en place : On ne prie pas pour faire connaître nos besoins à Dieu mais parce qu’il les connaît. On ne prie pas pour être aimés de lui mais parce qu’il nous aime. On ne prie pas pour qu’il soit avec nous dans les bons et les mauvais jours mais parce qu’il est avec nous. Ce n’est pas l’homme qui agit sur Dieu. C’est Dieu qui voudrait bien agir dans le cœur de l’homme. C’est un peu comme lorsque nous ouvrons les volets d’une maison : ce n’est pas nous qui avons fait lever le soleil. C’est nous qui lui avons permis d’entrer dans la maison et de l’illuminer. Pour la prière c’est pareil : ce n’est pas nous qui rappelons à Dieu qu’il doit nous éclairer, mais c’est nous qui lui permettons de nous éclairer. Prier c’est ouvrir les portes et les fenêtres de notre cœur pour accueillir la lumière de Dieu. Cette prière n’est pas un trafic avec Dieu. Elle est accueil de son amour gratuit.

Le seul sacrifice agréable à Dieu c’est celui que le Christ fait de lui-même. De plus le temple dont les juifs sont si fiers n’est qu’un temple de pierre construit par un païen. Plus tard, il sera détruit. Jésus nous annonce que le seul vrai temple de Dieu c’est son corps. Il est la présence de Dieu parmi les hommes. Tout cela, les disciples ne l’ont compris qu’après la résurrection du Christ.

Autre message de ce jour : notre cœur est lui aussi un temple. Un temple dans lequel nous sommes invités à accueillir Dieu, et dans lequel il y a sans doute bien des choses encombrantes, des choses à jeter, d’autres qui nous polluent et menacent de nous étouffer. Ce n’est qu’en faisant le ménage en nous que nous pourrons y retrouver Dieu. C’est à ce prix que nous pourrons éviter l’étouffement de notre vie et notre relation avec Lui. Ayons le courage de faire ce ménage de Pâques pour accueillir dignement en nous le Christ ressuscité !

Homélie du 25 février 2024 — 2e dim. du Carême — Frère Hubert
Cycle : Année B
Info :

Année B - 2° dim de Carême - 25 février 2024

Gen 22 1-2,9-13, 15-18 ; Rom 8 31-34 ; Mc 9 2-10

Homélie du F. Hubert

Texte :

Il est heureux que la réforme liturgique de Vatican II ait placé le récit de la Transfiguration

au 2e dimanche de Carême, à chacune des trois années liturgiques.

Car la Transfiguration de Jésus n’est pas un en-soi – une « bulle » dirait -on aujourd’hui –

ce qu’avec erreur nous pourrions conclure de la fête du 6 août :

elle n’a son sens qu’au sein de l’itinéraire entier de Jésus et de son compagnonnage avec ses disciples.

Jésus en effet venait de questionner ses disciples : « Pour vous, qui suis-je ? »

Pierre, après avoir répondu : « Tu es le Christ »,

s’était violemment opposé à son maître qui, pour la première fois leur annonçait :

« Le Fils de l’homme doit souffrir beaucoup, être rejeté et tué ».

Annonce incompréhensible, inacceptable.

Jésus avait réagi vivement : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu. »

La Transfiguration est une réponse existentielle à ce carrefour de routes,

tant pour Jésus que pour les disciples.

Jésus est transfiguré, resplendissant de gloire ; de la nuée, la voix divine se fait entendre :

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ».

La Transfiguration à ce moment-là, après cette première annonce de de la Pâque de Jésus,

vient confirmer que les pensées de Dieu sont des pensées de vie et de plénitude.

Jésus, en annonçant sa Pâque, y adhère.

Par ce chemin d’épreuve et de mort, il choisit non la mort mais la vie, pour lui

et pour la multitude des hommes qu’il est venu chercher pour les emmener dans le cœur de Dieu.

Face à cette adhésion de Jésus, le Père exulte, de la communion d’amour de son Fils avec lui,

de la communion d’amour de son Fils avec l’humanité.

Jésus, vrai homme, adhère sans réserve au projet de la Trinité : sauver, sanctifier toute l’humanité.

Cela ne s’est pas fait sans combat.

Dans son humanité, Jésus a dû écouter son Père,

choisir sa volonté, au vu des évènements qui lui étaient donné de vivre.

S’il a traité Simon de « Satan », c’st qu’il était tentation, pierre d’achoppement, à ce moment-là.

Comme nous, il a dû choisir entre sa volonté propre et sa volonté profonde unie à celle de son Père. Les tentations que les évangélistes placent aussitôt après son baptême, sont bien le témoignage qu’il a dû combattre et choisir, dans son être d’homme tout au long de sa vie.

La Transfiguration est la manifestation, en ce moment crucial,

que Jésus a choisi le chemin de la vie et de l’amour,

non celui de son « petit moi », pourrait-on dire, qui est stérile et ne conduit qu’à la mort.

Jésus a dû se dépouiller de lui-même, dépasser ses peurs d’homme,

ses peurs de la souffrance et de la mort, ses angoisses,

pour choisir le chemin qui ouvrirait la vie divine à toute l’humanité

et lui donnerait de la ramener vivante et aimante dans le sein du Père.

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ».

Écoutez-le en toute circonstance, mais en particulier quand il vous dit :

« Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté et tué »…

Déjà, au seuil de l’Evangile,

c’est alors que Jésus, le seul Juste, venait de faire corps

avec tous ceux qui se faisaient baptiser par Jean « en reconnaissant leurs péchés »,

que la voix divine s’était fait entendre :

« Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie ».

Jésus a reçu la manifestation de sa filiation et de sa gloire

aux moments où le récit évangélique nous le montre prendre la place des hommes

auxquels il vient révéler l’amour du Père,

prendre la place des pécheurs, faire corps avec eux,

prendre sur lui leur fardeau de mal, de péché, de malheur.

« Tel père, tel fils », dit le dicton populaire.

Pour Jésus, on peut l’inverser en toute vérité et dire : tel est le Fils, tel est le Père.

« Qui me voit, voit le Père ».

Le Père se reconnaît en Jésus qui fait corps avec les pécheurs que nous sommes.

Jésus a pris sur lui notre mal et nos refus

pour nous guérir et nous faire accéder à la vie.

« Dieu l’a fait péché pour que nous devenions justice » dit Paul.

Jésus n’a pas choisi la souffrance et la mort, mais la vie, la vie en abondance pour la multitude.

Dieu ne dit à personne : « Je ne veux pas de toi ».

Aussi, Jésus a accepté d’être défiguré pour que nous soyons transfigurés.

« Qui est-il celui-ci ? » est la grande question qui traverse tout l’Evangile de Marc.

Jésus se révèle au rebours de toute la compréhension que l’on avait – que nous avons -

du Messie et de sa venue.

Nos chemins sont tellement loin des chemins de Dieu, nos pensées loin des pensées de Dieu,

nos réflexes de pouvoir et de puissance loin de l’humilité de Dieu.

Entre les pensées des hommes et les pensées de Dieu, il faut choisir.

La logique de Dieu n’est pas notre logique du pouvoir, de la puissance qui domine,

mais celle du Don.

Jésus a choisi.

« Le Christ s’est abaissé jusqu’à la mort. C’est pourquoi Dieu l’a exalté ».

Au jardin des Oliviers, Jésus a choisi la vie offerte à tous, partagée à tous,

il a accepté de boire la coupe amère pour que tous aient part au vin du Royaume.

Il a accepté la déréliction pour que tous aient part à la bénédiction.

Il a traversé la mort pour ramener un peuple de vivants.

Tout à l’heure, nous allons chanter :

Jésus, Christ et Seigneur, Librement, tu t'es engagé Sur la voie du Serviteur Mourant dans l'ombre. L'amour a donné sa réponse : Ton corps se transfigure, Il tient tout dans sa clarté.

La Transfiguration est une fenêtre ouverte momentanément sur la gloire de la Résurrection,

lorsque la Parole sera retournée à son origine en ayant accompli toute sa mission.

Que l’Esprit Saint nous apprenne, jour après jour, à devenir chrétiens !

Homélie du 18 février 2024 — 1er dim. du Carême — Frère Cyprien
Cycle : Année B
Info :

Année B - 1er Dim Carême - 18 février 2024

Gen 9/8-15, 1 Pi 3/18-22, Mc 1/12-15

Homélie du F. Cyprien

Texte :

" je me souviendrai de mon alliance entre moi, vous et tout être vivant quel qu'il soit; les eaux ne deviendront plus jamais un Déluge qui détruirait toute chair. (Genèse (TOB) 9)

18 En effet, le Christ lui-même a souffert pour les péchés, quand se prolongeait la patience de Dieu

12 Aussitôt l'Esprit pousse Jésus au désert. 13 Durant quarante jours, au désert, il fut tenté par Satan.

14 Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l'Évangile de Dieu et disait:

15 " Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approche, convertissez-vous et croyez à l'Évangile.

En accrochant son arc dans le ciel, Dieu suspend sa colère : avant le régime de la Grâce, avant l’envoi de l’Esprit Saint, répandu en abondance, déjà Dieu fait grâce.

Et le temps du Carême c’est pour nous chrétiens le temps de prendre parti pour Dieu, de reprendre parti pour Lui.

Ne vivons-nous pas, encore maintenant, un temps où se prolonge la patience de Dieu ?

L’année liturgique, l’organisation de la prière de l’Eglise est un bel et bon chemin pour nous aider dans l’attention, dans la foi, dans la confiance que le Seigneur nous fait.

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= Il y a le temps ordinaire qui couvre une bonne partie de l’année …jusqu’à la perspective du retour du Christ, l’Avent.

= Il y a surtout Pâques : nous y fêtons la Vie avec Dieu, la Vie redonnée, la vie du Ressuscité qui nous est communiquée. Il y a le, le temps du Carême est un temps de la préparation… Le mot Carême est la transformation du mot « Quadragesima », qui est devenu « quarantaine » dans notre vocabulaire : avant Pâques les chrétiens se mettent en quarantaine… comme Jésus qui s’est retiré quarante jours au désert.

Est-ce que cela parle encore aux chrétiens comme préparation, comme montée vers Pâques ? Pour les pratiquants les plus réguliers, oui, bien sûr, et pour beaucoup, le Carême évoque plus en comparaison le Ramadan des musulmans, …ramadan temps moins long et très typé. C’est bien de relier les pratiques religieuses pour les comprendre …Ce qui surprend avec l’Evangile et Jésus, c’est la liberté de Jésus face aux pratiques de ses contemporains…Pour le jeûne, il en parle sans donner de consignes pour le temps qui viendra ; après lui ses disciples jeûneront, oui et Jésus met surtout en garde contre le formalisme, contre l’hypocrisie qui guettent toutes les pratiques…

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En fait la vie chrétienne dans l’Esprit de Jésus implique une façon de vivre où la prière, l’aumône et le jeûne sont liés : ils sont une seule et même pratique pour aider le fidèle à ne pas oublier sa vie de baptisé : rien d’étonnant de retrouver cela dans les autres religions…

La liturgie et la prière nous demandent une cohérence dans notre vie de foi : les dangers sont connus : le formalisme, la bonne conscience, et tout ce qui éloigne d’une démarche vraiment personnelle, vraiment spirituelle, foi et espérance vivantes, pratique de charité authentique. C’était déjà la prédication du prophète Isaïe sur le jeûne,…« le jeûne qui plait à Dieu ».

Prière, Aumône, Jeûne

= Prière : c’est prendre le parti de Dieu, mettre Dieu en premier dans sa vie ;

= L’aumône, c’est prendre le parti de l’autre, de celui qu’on oublie si facilement…!

= Le jeûne, c’est prendre le parti de l’Esprit dans notre condition d’hommes, de femmes : nous n’avons pas le droit d’abuser des biens et nous abimer nous-mêmes.

Jeûner ne serait-ce pas apprendre à lutter contre la peur de manquer… ?

Prendre le parti de la « sobriété heureuse » (expression du pape François), faire attention à Dieu et aux autres en restant à notre place de modeste consommateur, d’habitant de la

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maison commune, sachant nous priver pour ne jamais oublier celui à qui manque le nécessaire ?

Partant de tout cela, il faut évoquer aussi la place de la il ne va pas nous dispenser de lutter pour mieux vivre et pour vivre à son service : le temps du Carême sera le temps de mendier sa Grâce pour être forts et joyeux dans la fuite du mal, dans cette joie d’être un peu mieux ajustés à sa Volonté. Nous sommes sûrs qu’Il nous donnera sa paix dans le combat, si nous voulons avancer avec Lui.

Oui, Dieu est un Père qui nous veut vivants : il ne va pas nous dispenser d’être vivants et désirants … il veut nous conduire vers une liberté authentique, non pas une liberté sans tentation ni échec, mais une vie où la relation à Lui, aux autres, à nous-mêmes rend nos cœurs de plus en plus heureux, parce qu’il y a « plus de joie à donner qu’à recevoir », parce qu’…il n’y aura jamais que Dieu pour nous combler…

Chers f. et S., nous savons bien que c’est Lui qui nous prépare cette béatitude… ce bonheur d’être et de vivre en fils et filles de Dieu. Nous avons besoin de ce temps pour apprendre la vraie Vie, la Vie de Jésus ressuscité, celle que nous recevons déjà dans l’Eucharistie, la vie divine qui advient dans nos cœurs, coeurs qui veulent croire, espérer, aimer…

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Homélie du 14 février 2024 — Mercredi des Cendres — Père Abbé Luc
Cycle : Année B
Info :

B - Mercredi des CENDRES - 14.02.2024

Jl 2, 12-18 ; 2 Co 5, 20-6, 2 ; Mt 6,1-6, 16-18

Homélie du Père Abbé

Texte :

Frères et Sœurs,

Dans sa règle, St Benoit invite les moines à « attendre la sainte Pâque dans la joie du désir spirituel ». En d’autres termes, il nous entraine à raviver notre désir en sa dimension la plus profonde, sa dimension vitale et existentielle : le désir de vivre pleinement dans la vie du Christ Ressuscité. Ce carême s’offre à nous comme une pédagogie pour revenir au lieu de notre désir spirituel, au lieu de notre cœur, ce foyer qui concentre toutes nos énergies d’amour et d’intelligence, de volonté.

Le prophète Joël nous a adressé des mots forts de la part du Seigneur : « revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne les larmes et le deuil, déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements… » Comment comprendre cette parole « déchirez vos cœurs », nous qui voulons retrouver le lieu de notre cœur ? D’un point de vue physique, si on déchire notre cœur, on le fait périr, c’est la mort immédiate. Le parallèle fait avec le vêtement rappelle cette coutume, dont on a trace dans les évangiles, selon laquelle on déchire ses vêtements, en signe d’indignation face à une atteinte faite à la majesté de Dieu, et sûrement aussi en signe de pénitence. On déchire son vêtement comme pour signifier que quelque chose est brisé dans la relation entre l’homme et Dieu. En invitant à déchirer son cœur, le prophète invite de la même manière le peuple et chacun de nous à prendre conscience que par notre péché nous avons rompu l’alliance avec Dieu. Et il poursuit, en espérant qu’une relation pourra se rétablir : « Qui sait, le Seigneur pourrait revenir, il pourrait renoncer au châtiment et laisser derrière lui sa bénédiction, alors vous pourrez présenter offrandes et libations au Seigneur votre Dieu ».

Déchirer nos cœurs pour mieux retrouver une vivante alliance avec notre Dieu et avec nos frères… Déchirer nos cœurs par le jeûne, les larmes et le deuil. Aujourd’hui nous dirions peut-être davantage avec la tradition de l’Eglise, déchirer nos cœurs par le jeûne, la prière et le partage. Par le jeûne, déchirer cette part insouciante en nous qui peut oublier qu’elle reçoit tout des mains de son Créateur, ou bien qui peut penser que tout son plaisir est dans l’assouvissement de ses désirs immédiats de consommer… Par la prière, déchirer cette part de superbe qui peine à demeurer dans la relation de confiance et de gratitude avec son Dieu ou bien encore qui s’estime pouvoir se débrouiller seule… Par le partage, déchirer cette part qui nous centre sur nous comme si nous étions seul au monde pour reprendre conscience que nous sommes faits pour l’échange et le don. Avec les jours qui passent, notre cœur a tendance à se draper dans toutes sortes de protection ou de justifications, qui obscurcissent son jugement, ralentissent son élan et finalement peuvent l’enferment sur lui-même… toutes ces protections ou justifications sont comme les mauvaises herbes de notre jardin, qu’il faut sans cesse recommencer à enlever. Ce temps de Carême s’offre à nous comme un chemin de grâce, la grâce du Seigneur qui nous accompagne pour retrouver la joie profonde de notre cœur d’être en alliance avec lui, la joie d’être fait pour vivre de sa vie de ressuscité. En marche vers Pâques, acceptons d’aller avec lui au désert de notre cœur parfois bien enherbé et désolé. Acceptons maintenant d’être marqué par la cendre en signe de notre désir de revenir à Dieu et vers nos frères. Le Seigneur veut nous sauver.

Homélie du 11 février 2024 — 6e dim. ordinaire — Frère Charles Andreu
Cycle : Année B
Info :

Année B - 6e dimanche Temps Ordinaire - 11 février 2024

— Lv 13, 1...46 ; 1 Co 10,31-11 ,1 ; Mc 1, 40-45

Homélie du F. Charles Andreu

Texte :

En ce temps là, un lépreux vint auprès de Jésus.

Alors que dimanche dernier nous avons vu Jésus guérir toutes sortes de maladies, aujourd’hui c’est un mal bien particulier qu’il guérit, la lèpre : un mal qui suscite la peur, et dont la charge symbolique est très forte. Car la lèpre est bien plus qu’une maladie de la chair : elle est un mal social, un symbole terrible de l’exclusion.

Considérons un instant le tableau dressé par la première lecture. Non seulement le lépreux est condamné à habiter à part, hors du camp, mais il est affecté en sa dignité humaine. Ses vêtements déchirés, ses cheveux en désordre expriment une désocialisation, mais encore une sorte de régression à l’état sauvage, une déshumanisation. Le voile qui le couvre en fait un être sans visage, et donc privé de lui-même, puisque le visage est l’espace où chacun se dit et se donne, par le regard, le sourire, la parole ; l’espace encore où s’accueille le visage de l’autre qui, plus que la nourriture, donne la vie : que serions-nous sans le visage de l’ami qui offre ensemble l’estime et l’appel à se dépasser ? Privé de la bénédiction du visage, privé de toute bénédiction, le lépreux qu’on a maudit en vient à se maudire lui-même, n’existant plus qu’à reprendre la condamnation qu’on lui a imposée comme une identité : « Impur ! Impur ! »

Ce rapt de la fraternité, de la dignité humaine, du visage, du nom, se reproduit en toute forme d’exclusion. Combien de lépreux faisons-nous ainsi chaque jour ! Lépreux, ce migrant qui ne trouve nul espace d’accueil ; lépreux, ce pauvre, ce vieillard, ce malade qui nul regard ne considère ; lépreux, celui dont la différence – religieuse, ethnique, sexuelle – rencontre la peur et le rejet. Toute société qui n’est pas encore pleinement travaillée par l’Évangile – et ce peut être nos églises –, tout cœur qui choisit de maudire plutôt que de bénir, répand la lèpre dans le monde, la lèpre terrible de l’exclusion.

Or voici qu’un lépreux vint auprès de Jésus. Il sait qu’il trouvera auprès de lui l’accueil, la considération, l’amour ; il sait qu’il rencontrera le visage qui lui rendra un visage. Sommes-nous, comme Jésus, accessibles aux lépreux que créent la dureté des cœurs ? Si nous osons les rencontrer, alors dans cette rencontre même, comme Jésus, nous les libérerons de leur lèpre, de leur seule véritable lèpre, celle qui leur a été infligée : la lèpre de l’exclusion. Et ce sera pour les gens un témoignage, témoignage d’un Évangile vivant, vécu, qui donne la vie.

Mais n’y a-t-il pas une autre forme de lèpre ? Le livre des Nombres rapporte l’histoire surprenante de Myriam, la sœur Moïse et d’Aaron, devenue soudain lépreuse ; et pas d’une petite tache sur la peau, mais d’une lèpre terrible, qui la rendit toute blanche, comme la neige (Nb 12). Or à la différence de la lèpre de la première lecture, à la différence des lèpres de l’exclusion qui frappent en général une condition et non pas une faute, l’écriture fait clairement de cette lèpre la conséquence d’un péché, le péché de médisance : Myriam est devenue lépreuse pour avoir mal parlé de Moïse, pour l’avoir méprisé.

Cette histoire nous apprend que si nos malédictions peuvent faire de l’autre un lépreux, elles le font d’abord de nous-même, d’une lèpre plus terrible encore. Car celui qui rejette un frère ou une sœur s’ampute d’un membre qui aurait pu le rendre plus humain. À savoir les entendre, les anathèmes que nous proférons contre les autres, sont autant de cris qui nous accusent : « Impur ! Impur ! ». Plus largement, une église qui penserait se construire sur la pureté supposée de ses membres, une pureté qui juge et exclue, est en fait une église gravement impure ; blanche de lèpre, et non pas de la robe baptismale ; le visage et le corps rongés par un enfermement qui la prive d’une part d’elle-même.

Double lèpre de l’exclusion : lèpre de celui qui est rejeté ; lèpre de celui qui rejette. Sans doute chacun d’entre nous est-il affecté, peu ou prou, par ces deux lèpres. Alors soyons ce lépreux qui vient auprès de Jésus, celui que Jésus accueille, celui à qui il apprend à accueillir. Alors l’Évangile nous aura purifié. Alors il pourra purifier le monde de toute lèpre.

Homélie du 04 février 2024 — 5e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année B - Homélie 5ème dimanche du T.O. – 04-02-2024

Job 7,1-7 ; 1 Cor. 16, 9-23 ; Marc 1, 29-39)

Homélie du F. Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

La 1ère lecture et l’Evangile choisis pour la liturgie de ce dimanche abordent la question de la souffrance, du malheur dans les maladies, les possessions par des démons, les deuils et les épreuves de toutes natures qui marquent notre condition humaine. Un ancien archevêque de Paris, Mgr Veuillot conseillait à ses prêtres de ne pas trop parler de cette réalité dans leurs prédications : le silence, la seule présence aimante, un geste fraternel étant les attitudes les plus appropriées face à une personne en souffrance. Oui, bien sûr, et pourtant il faut bien s’y risquer avec prudence et délicatesse, si nous ne voulons pas perdre le cap essentiel : la proclamation de l’Evangile du Christ, comme une Bonne Nouvelle. Car, comme nous le dit Saint Paul dans la 2ème lecture : « malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile. C’est une mission, un devoir qui m’a été confié » et j’ajouterai qui a été confié à tout baptisé, à chacun de nous, en tant que disciple missionnaire, en actes et en paroles.

Nous connaissons tous l’histoire de Job, et ses cris ont traversé les siècles. Ceux d’un homme déchiré dans son corps et dans son âme, aux prises avec le malheur et des questions sans réponses. Job n’est sans doute pas un personnage historique Il n’a peut-être jamais existé, mais en réalité, il existe à des millions d’exemplaires. Job est l’homme de douleurs, celui que nous sommes tous, plus ou moins, un jour ou l’autre. Certains d’entre nous, ou parmi nos proches pourraient reprendre les mots si forts que nous avons entendus, ces cris de souffrance, sans en changer une ligne. Job, en fait c’est Mr tout le monde, sauf que personne n’a connu sur terre autant de bonheurs et personne non plus n’a connu autant de malheurs. Et tout ce livre de la Bible qui nous a été conservé tourne et retourne la question du Pourquoi, Pourquoi ? Quel sens donner à ce qui est arrivé à Job ? Les discours de ses amis ne cessent de buter sur ce mystère du mal, incompréhensible à notre intelligence, mettant à dure épreuve la foi et l’espérance en Dieu

Est-ce du côté du péché qu’il faut trouver une explication ? Non, dit Job qui se sait juste, et qui plaide non-coupable avec obstination. Il n’y a pas de réponse : le livre de Job ne donne pas de solution au problème de la souffrance. Mais il indique un chemin, une attitude décentrée, à savoir la contemplation de la création, de sa beauté, l’admiration devant la grandeur de Dieu, au lieu du seul repliement sur sa misère et son malheur. Cela n’enlève rien à la validité de la plainte. Dieu donne raison à Job d’avoir poussé ses cris, et Job est récompensé au final, car il a gardé confiance et tenu fort la main de Dieu, sûr qu’il était avec lui jusqu’à son dernier souffle.

Tel sera aussi le message de Jésus et de l’incarnation glorieuse de Dieu sur la terre. Car Jésus n’est pas venu expliquer la souffrance, mais l’habiter par sa présence et par sa vie donnée à tous, pour notre salut et notre guérison.

Si Jésus guérit les malades, c’est parce que la maladie est un mal. S’il guérit, en même temps qu’il annonce le Royaume, c’est parce que le mal contre-carre le projet de Dieu et donc qu’il faut nous en débarrasser, le chasser loin de nous, faire tout notre possible pour cela. La souffrance, en soi, est toujours un mal. Osons le crier aujourd’hui, comme au temps de Job et de Jésus. Il faudrait être fou pour dire en face à un malade : ce qui t’arrive est très bon. Même s’il est vrai que certains, mais en infime minorité et avec une grâce spéciale de Dieu, trouvent dans leurs souffrances un chemin qui les fait grandir. La souffrance reste un mal. Et tous les efforts pour lutter contre elle vont dans le sens du projet de Dieu. La proclamation de l’Evangile n’est pas que paroles adressées à nos intelligences et à nos cœurs : elle est inséparablement action et lutte contre ce qui fait souffrir notre prochain. Frère Roger, quand il avait lancé le Concile des jeunes à Taizé dans les années 80 leur avait fixé un programme « Lutte et Contemplation ». Un programme qui consonne bien avec le livre de Job et l’Evangile. Nourri par cette « invincible espérance » que le mal et la mort sont à jamais vaincus par la Passion, la Résurrection et la Glorification du Christ. Alors avec une foi renouvelée en Dieu, nous pouvons affirmer la promesse finale de l’Apocalypse aux élus bien-aimés du Père : « Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. La mort ne sera plus. Il n’y aura plus ni deuil, ni cris, ni souffrance, car le monde ancien a disparu. Et celui qui siège sur le Trône dit : voici, je fais toute chose nouvelle. »

AMEN

Homélie du 02 février 2024 — Présentation du Seigneur — Frère Hubert
Cycle : Année B
Info :

2 février 2024 - Fête de la présentation

Ml 3 1-4 ; Heb 2 14-18 ; Luc 2 22-40

Homélie du F. Hubert

Texte :

Les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem

pour le présenter au Seigneur.

Non seulement tout premier-né appartient au Seigneur, mais tout être,

pas seulement le premier-né de sexe masculin, mais tout homme, toute femme.

Cette appartenance n’est pas un esclavage, mais une communion d’amour et de vie,

une plénitude de bonheur.

Si nous pouvons nous offrir à Dieu,

c’est parce que Dieu s’est offert et s’offre toujours à nous le premier.

Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est Dieu qui nous a aimés le premier.

Jésus, Homme-Dieu, est celui en qui Dieu s’offre à l’homme et en qui l’homme s’offre à Dieu.

Offrande parfaite, échange parfait.

C'est un oui sans réserve, Père,

Que tu dis sur nous par Jésus-Christ ;

Et par lui tu nous donnes encore

De répondre amen à ton appel.

Marie et Joseph, remplis de l’Esprit saint, offrent leur enfant ;

ils ne savent pas encore jusqu’où ira son offrande à lui.

Entrant dans le monde, le Christ dit : « Me voici pour faire ta volonté » ;

à Gethsémani, il dira : « Non pas ma volonté, mais la tienne ».

En s’offrant à son Père, il réconcilie toute l’humanité et l’élève dans le sein vivifiant de son Père.

Il est le Temple vivant dans lequel le Père et toute l’humanité sont unis et respirent du même Esprit.

Il entre dans le Temple,

Marie le porte à Dieu :

C'est lui

Le temple où Dieu se dit

À ceux qui déjà le contemplent.

En l’offrant dans le Temple, Marie et Joseph se dépossèdent symboliquement de lui,

pour qu’il soit totalement à Dieu.

Au pied de la croix, Marie sera transpercée : son Fils lui sera arraché

pour qu’elle devienne la Mère de toute l’humanité, rachetée et sanctifiée par l’offrande de son Fils.

C’est par son offrande que Jésus est la gloire d’Israël – le peuple dont il est né –

et la lumière des nations.

Notre baptême, notre profession monastique, le quotidien de nos vies,

s’inscrivent dans ce don total du Christ, et dans l’offrande de Marie et Joseph.

Offrons-nous et laissons-nous offrir.

Attire-nous vers cette Pâque

Où Jésus Christ te glorifie

En nous sauvant.

Par lui ton œuvre s’accomplit,

Qu'il nous accueille en son offrande,

Et nous conduise jusqu’à toi,

O Dieu vivant !

Homélie du 28 janvier 2024 — 4e dim. ordinaire — Frère Basile
Cycle : Année B
Info :

Année B - 4° Dimanche Ord - 28 janvier 2024

Deutéronome 18, 15-20 ; Psaume 94 ; 1 Cor 7 2-35 ; Marc 1, 21-28

Homélie du F. Basile

Texte :

Frères et soeurs, de la lettre de st Paul, la 2° lecture, je ne dirai pas grand-chose, simplement qu’il y a dans l’Eglise une belle diversité de charismes et d’attachement au Seigneur, que ce soit dans le célibat ou bien dans le mariage, même si Paul met l’accent sur le célibat ; mais que nous soyons mariés, moines ou célibataires, pour vivre notre relation au Seigneur, nous avons besoin de l’Evangile, du Christ, Parole vivante de Dieu ; alors écoutons-le dans ce premier chapitre de l’évangile de Marc.

Jésus arrive à Capharnaüm, accompagné de ses 4 premiers disciples, Simon et André, Jacques et Jean. Et avec eux, devant eux, il va prendre la parole en public, mais pas n’importe où, à la synagogue et le jour du sabbat. Les gens sont stupéfaits de la manière dont il parle, mais plus spécialement les 4 qui l’accompagnent ; ils entendent son enseignement pour la 1° fois et il y a vraiment de la stupeur, un choc, dit le P. David d’En Calcat dans son livre auquel je me réfère : Marc, l’histoire d’un choc, un commentaire qui n’est pas comme les autres. Jésus parle d’une manière toute nouvelle ; Marc ne nous dit pas, hélas, quelles sont ses paroles, mais il relève très bien la question que se posent les gens : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! »

Si Marc insiste bien plus que Matthieu sur la nouveauté radicale du Christ, c’est que tout son évangile tient dans une question : Qui est-il ? Quel est cet homme ? Quel est ce prophète venu de Nazareth ?

Dans le récit de la tempête apaisée, que nous avions hier, au ch 4 de st Marc, ce sont les 12 disciples qui s’interrogent : « Qui donc est-il pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » Ils sont vraiment retournés. Ce n’est qu’au ch 8 que Jésus leur posera lui-même la question : « Qui dites-vous que je suis ? » et Simon-Pierre répondra au nom des autres sous la motion de l’Esprit : « Tu es le Christ. ».

Et c’est tout à la fin de l’Evangile que le dernier à répondre sera le centurion romain : en voyant mourir Jésus, il s’écrie : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu »

Dans le passage d’aujourd’hui, l’homme tourmenté par un esprit mauvais, crie à Jésus : « Nous savons qui tu es : le Saint de Dieu» ; cet homme ne savait sans doute pas ce qu’il disait, c’est le démon qui parlait en lui et Jésus le menace : « Tais-toi ! » Mais les 4 disciples sont témoins aujourd’hui, que ce Jésus qui les a appelés à le suivre, porte vraiment en lui quelque chose de neuf. Et nous-mêmes, avons-nous compris cette nouveauté du Christ ? F et S, nous sommes beaucoup trop des habitués de l’évangile : peut-être qu’en écoutant ce passage, vous vous êtes dit ce matin : « Oh il ne se passe pas grand-chose dans l’évangile de ce dimanche ! »

Eh bien non, il y a au moins 2 choses marquantes: d’abord Jésus parle avec autorité, et tous sont frappés, ce qui est plus qu’étonnés : le mot « frapper » en grec a comme en français un sens à la fois physique et psychologique : ils sont sous le coup de la parole de Jésus, ébahis, stupéfaits. Nous devrions l’être toujours quand nous écoutons Jésus dans l’Evangile. Et il faut prendre le mot « autorité » dans toute sa profondeur, c’est ce qui fait naître, le mot « auteur » en français a la même racine, ou encore le mot « augmenter », ce qui donne un plus.

Cette autorité de Jésus n’est pas un pouvoir qui tombe du ciel, qui domine ou qui enferme, mais c’est une force qui libère et qui fait vivre, qui permet de reprendre sa vie en mains. On ne nous dit pas d’où vient cette autorité, il la porte en lui. Il ne parle pas comme les scribes, qui se contentent de répéter la même parole comme une leçon apprise par cœur. C’est là que la 1° lecture, cette parole prophétique de Moïse dans le Deutéronome, prend tout son sens et son actualité : « Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur fera se lever un prophète comme moi. Et vous l’écouterez. Je mettrai mes paroles dans sa bouche, dit le Seigneur. » Les scribes connaissaient-ils cette annonce qui rejoignait l’attente du Messie ? Ceux qui la reconnaissent les premiers, ce sont les esprits impurs, ces forces du mal qui en ont peur : « Tu es venu pour nous perdre. »

Voilà donc la 2° cause d’étonnement de ce passage : Jésus n’a pas peur d’affronter l’esprit du mal et il va montrer d’une autre manière son autorité pour libérer par sa parole cet homme, malade, détraqué. « Tais-toi, Sors de cet homme. » Et tous furent à nouveau frappés de stupeur.

Nous pourrions rester insensibles ou indifférents devant ce miracle, qui n’a plus cours aujourd’hui, dans notre monde où les médicaments peuvent suffire à soigner les malades psychiques. Mais le sens de ce 1° exorcisme est très important dans l’évangile de Marc. Cette nouveauté du Christ n’est pas seulement celle d’une parole à entendre, mais celle d’une personne, du Fils de Dieu lui-même, prenant notre condition d’homme, pour sauver et libérer l’humanité blessée par le péché. « Qu’est-ce que cela veut dire ? » Cela veut dire que désormais tout est changé et que l’Adversaire, celui qui tient les hommes enchaînés sous son pouvoir, n’aura pas le dernier mot. Jésus vient nous rendre libres et cela a du sens aujourd’hui, où tant d’hommes et de femmes sont comme aliénés, emprisonnés d’une façon ou d’une autre, fût-ce par la drogue ou par l’argent.

Nous appuyant sur le Christ, venu pour nous sauver et non pas pour nous perdre, nous pouvons lui dire avec le psalmiste : « Dieu, mon libérateur, mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire, louange à toi ! Seigneur Jésus !»