vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 02 février 2011 — Présentation du Seigneur — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année ABC - PRESENTATION DU SEIGNEUR - 2 février 2011

Mal 3 1-4; Héb 2 14-18; Lc 2 22-40

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs

Dans l’évangile selon St Luc, il est fait mention de plusieurs montées de Jésus à Jérusalem. Celle de la Présentation au Temple par ses parents, que nous fêtons aujourd’hui serait la première, si on estime que Marie et Joseph n’y sont pas passés pour se rendre à Bethléem, à la naissance de l’enfant. Jésus y reviendra à 12 ans dans l’épisode de sa fugue au milieu des docteurs et des scribes. Puis, à l’âge adulte, St Luc nous dit qu’il prend résolument la route de Jérusalem pour y accomplir sa Pâques, et c’est là qu’il mourra sur la Croix et qu’il ressuscitera le 3ème jour.

C’est dire l’importance toute théologique que l’évangéliste accorde à la Ville Sainte qui est pour lui le lieu par excellence de la rencontre de Dieu avec son peuple, de Dieu avec l’humanité.

La fête de la Présentation est célébrée selon diverses modalités ou accentuations. C’est une fête de la lumière en raison de la parole de Siméon qui voit dans l’enfant la lumière qui éclairera toutes les nations païennes. C’est aussi la fête de la consécration de l’enfant selon les rites de la Loi en usage et auxquels les parents viennent se plier, ce qui a valu de faire de ce 2 février la journée de la vie consacrée. C’est enfin et surtout la fête de la Rencontre, comme aiment à l’appeler nos frères d’Orient, car en ce jour Dieu vient visiter son peuple d’une manière toute nouvelle, ainsi que le prophète Malachie l’annonçait dans la 1ère lecture : « le messager de l’Alliance que vous désirez, le voici qu’il vient. Il purifiera les fils de Lévi, ainsi pourront-ils, aux yeux du Seigneur, présenter l’offrande en toute justice. »

Une rencontre qui n’a rien de formel : tout se passe dans la simplicité d’un dialogue, d’un échange de regard, d’un sourire, d’un geste respectueux, dans lesquels Dieu et l’homme s’approchent, s’apprivoisent et s’engagent mutuellement. Car c’est bien le Seigneur qui, porté dans les bras de sa mère, Marie, entre dans son Temple. Il est chez lui dans cet édifice : c’est lui qu’on y adore. Et pourtant, seuls deux vieillards aux yeux déjà éteints, Siméon et Anne, vont le reconnaître, là où il se donne à contempler. Rencontre de 2 humilités, de 2 fragilités. Rencontre déconcertante. Ce ne sont pas les prêtres, chargés du culte du Temple, ni des docteurs chargés de l’interprétation de la Thora, les uns et les autres trop sûrs d’eux-mêmes, qui viennent l’accueillir, mais deux anawims, ces pauvres que Dieu aime en raison de leur humilité de cœur, tout comme les bergers de Bethléem ou les mages venus d’Orient, venus adorer humblement l’enfant de la crèche.

C’est parce qu’ils ont le cœur pur, purifié de tout orgueil, qu’ils peuvent voir Dieu et reconnaître la présence du Messie dans l’enfant présenté. Ils réalisent pleinement la béatitude des cœurs purs que nous entendions dans l’évangile de dimanche dernier.

Cette fête de la Présentation de Jésus au Temple nous invite alors à une grande conversion Nous laisser surprendre par un Dieu déconcertant, qui cherche à engager avec nous un dialogue empreint de simplicité, de douce familiarité. Ce que fera Jésus tout au long de sa vie terrestre avec ses disciples, avec tous ceux qui se présenteront sur son passage : les malades, les pécheurs, les exclus de tous genres.

Notre cœur est-il suffisamment simplifié pour laisser à Dieu la liberté de nous visiter de manière aussi déconcertante ?

Notre regard est-il assez purifié de l’orgueil pour le reconnaître dans un enfant ?

Notre désir de la rencontre est-il assez fort pour lui faire une place et lui répondre amour pour amour ?

En ce jour de la vie consacrée, ce sont des questions à nous poser, en tant que moines ou religieuses. Des réponses que nous leur apportons dépend alors le témoignage que nous rendons à la Bonne Nouvelle de l’Evangile, de même que la crédibilité de nos célébrations liturgiques et du culte que nous offrons au Seigneur, jour après jour, et en particulier dans toute eucharistie, dans cette eucharistie.

AMEN (2011-02-02)

Homélie du 30 janvier 2011 — 4e dim. ordinaire — Frère Ghislain
Cycle : Année A
Info :

4e Dimanche du Temps Ordinaire - année A

Soph. 2,3 ; 3,12-13. I Cor. 1, 26-31. Mt. 5, 1-12a

Homélie du F.Ghislain

Texte :

Les trois textes que nous venons d’entendre manifestent une grande unité. Ils nous parlent de ce que, dans un passé récent, on appelait « l’option préférentielle pour les pauvres » , et ils nous disent que c’est là l’option même de Dieu. Le peuple qui aura refuge dans le Nom du Seigneur, c’est un peuple humble, petit et pauvre, nous dit le prophète Sophonie, qui parlait vers la fin de l’indépendance du peuple d’Israël. Au début, pour conclure une alliance avec ce peuple et lui donner sa Loi, Dieu avait choisi un prince égyptien d’origine hébraïque réfugié politique, déchu, devenu berger de brebis dans une nation étrangère, Moïse (Ex.3). Plus tard, pour sauver ce peuple dans une circonstance difficile, Dieu avait choisi un homme, qui se reconnaissait le plus petit de tous les membres du clan le plus dépourvu de la tribu de Manassé, Gédéon (Jug.6). Au moment d’établir une royauté enfin durable en Israël, Dieu avait choisi le dernier-né d’une phratrie, berger lui aussi alors que ses aînés étaient des militaires aguerris, David (I Sam. 16). – Dans la seconde lecture, saint Paul fait nettement comprendre aux néophytes de Corinthe qu’ils sont des gens de peu, faibles, sans culture, il va jusqu’à dire des « riens » : mais ce sont ceux-là précisément que Dieu a choisis ! - Dans l’évangile enfin, c’est, son propre portrait que Jésus trace dans les Béatitudes : Heureux les pauvres, heureux les doux, ce qui nous rappelle : « apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ». Heureux ceux qui pleurent : ne l’avons-nous pas vu pleurer au moins deux fois : sur Jérusalem qui ne veut pas de lui, sur son ami Lazare qui est mort ? Heureux ceux qui ont faim et soif de justice : et lui est venu, ainsi qu’il le dit à Jean-Baptiste « accomplir toute justice ». Heureux les miséricordieux dit celui qui n’est pas venu appeler les justes mais les pécheurs, Heureux les cœurs purs dit celui qui demande aux pharisiens : « qui de vous me convaincra de péché ? » Jésus, Modèle unique disait le Père de Foucauld, était lui aussi humble et pauvre, et c’était sa béatitude.

La caractéristique commune de toutes ces personnes qui apparaissent aujourd’hui dans les lectures ou que nous pouvons rappeler à leur occasion, est que Dieu s’est révélé à elles et qu’il leur a confié une mission : dans l’épisode du Buisson Ardent, pour Moïse, par l’Ange du Seigneur pour Gédéon, par un prophète pour David et pour le peuple décimé à la fin de la Royauté. Les Corinthiens ont été témoins de la puissance de l’Esprit liée à la prédication de Paul. Jésus, enfin et surtout, a entendu son Père l’appeler par son Nom et l’envoyer, que ce soit au Baptême (que nous avons commémoré ces dimanches précédents) ou à la Transfiguration. Comme si un statut de sobriété, de modestie, de vie humble, parfois aussi de souffrances ou de persécution ouvrait à l’Evangile et qualifiait de telles personnes pour l’annoncer.

Chacun de nous, il me semble, s’il est attentif à lui-même, peut découvrir en soi des espaces de pauvreté, d’impuissance, de souffrance, ou, plus simplement de modestie et de simplicité. On peut les découvrir aussi dans tel ou tel groupe auquel on appartient qui se maintient plus ou moins facilement. L’Eglise elle-même était apparemment plus florissante autrefois qu’aujourd’hui ; elle connaît en ce moment des zones d’apparent déclin, mais cela correspond peut-être à ce quelle disait d’elle-même au temps du Concile : servante et pauvre. L’enseignement de l’Ecriture lue aujourd’hui est que ces situations ne sont pas tellement négatives : elles forment une sorte de toile de fond sur laquelle peut se dessiner une Révélation renouvelée, un sens inédit de l’Evangile.

Ne nous est-il pas alors demandé aujourd’hui, en ce dimanche précisément, de faire un peu le point de notre existence, de discerner les éléments de ressemblance avec ce que nous ont dit les textes que nous avons entendus ? Alors, je le crois sincèrement, nous serons conduits par l’Esprit-Saint à mieux connaître Dieu et à comprendre où le Père nous envoie pour que son Règne arrive.

Homélie du 16 janvier 2011 — 2e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - 2e dimanche ord –

Isaïe 49,3,6 – 1 Co 1,1-3 – Jn 1,29-34

Homélie du F.Sébastien

Texte :

L’un ne va pas sans l’autre. Pas de moi sans un toi. Serait-ce qu’une personne ne peut être vraiment connue qu’au sein d’une relation ?

Jésus, tous nous le connaissons un peu, et pourtant il nous reste à découvrir, et d’autant plus que nous avançons dans la vie...

L’évangile lu à l’instant nous l’a montré dans sa relation à son cousin, son aîné de six mois. Pas d’accès à Jésus sans Jean, ce Jean qui proclame ouvertement : « Je ne suis pas le messie attendu, ni Élie, ni le grand prophète annoncé... » Ni, ni, ni... rien que le creux qu’un autre vient remplir... « Celui-là je ne le connaissais pas, mais c’est en vue de sa manifestation à Israël que je suis venu baptiser dans l’eau ».

Et du coup nous voilà, nous aussi, plongés dans les eaux du mystère de Jésus.

Le moment est venu pour le Baptiste de s’expliquer. Mais comment parler d’un mystère, sinon d’abord par des images ? Spontanément, le prophète prend deux symboles simples et il les associe : l’agneau et la colombe.

Commençons par bien les regarder. L’agneau blanc comme laine, la colombe blanche comme neige. L’agneau, le plus petit du troupeau, à terre. La colombe, encore plus petite, dans les hauteurs du ciel. Donc deux tout petits, que leur petitesse rapproche. Il y a plus : l’agneau est la faiblesse même. La colombe, plus encore !

Et voilà que la théologie affleure. N’est-ce pas dans la faiblesse, la vulnérabilité que se manifeste la force venue d’ailleurs ?

L’agneau ne se défend pas sous le couteau du boucher, ou du sacrificateur, pas plus que les deux petits de colombe, décapités d’un geste rapide. Au fil des siècles, le sang des saints innocents aura taché de rouge bien des vêtements blancs. On avait alors besoin de ces sacrifices.

Un jour le visionnaire de l’Apocalypse s’écriera : « Ces gens aperçus dans le ciel, vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d’où sont-ils venus ?... » – « Monseigneur, tu le sais, ils viennent de la grande épreuve. Ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau... L’Agneau se tient au milieu du trône. Il sera leur berger, il les conduira vers des sources d’eau vive. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. »

Cet Agneau s’offre à la contemplation, dans le ciel ouvert, égorgé, debout : éternellement plus fort que la mort!

Il nous renvoie à un autre fort, le Baptiste évoluant sur terre, dans le désert, sous son accoutrement de poil de chameau. Dans la symbolique palestinienne, comparé au plus petit, le chameau est proverbialement le plus gros et le plus fort des animaux terrestres. On disait : « Filtrer le moustique et avaler le chameau ». Jean mangeait des sauterelles, des minimes comme le moustique. Jean le plus grand des prophètes se fait le plus petit lorsque Jésus apparaît : « Après moi vient un homme qui m’a devancé, parce que avant moi il était ». Le chameau s’efface devant celui qui, pris sous ses ailes de la petite colombe, ne fait plus qu’un avec elle. Jean jubile, baigné dans la lumière dont il voit que Jésus est baigné. Sa grande voix emplit encore le désert, jusqu’à nos oreilles : « J’ai vu et je témoigne qu’il est, lui, le Fils de Dieu... Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue. Telle est ma joie et elle est parfaite. » Telle peut devenir la nôtre, si nous entrons en scène.

Le chameau passera par le trou de l’aiguille. Jésus son précurseur pascal lui aura préparé le passage, la porte étroite où ne passent que les devenus rien. Jean ne va pas sans Jésus.

Nous-mêmes, nous ne pouvons aller sans eux, sans un Jean nous préparant à Jésus, sans Jésus cherchant à faire de nous des fils de Dieu. Ce Jésus ne cesse de passer devant. Il nous tend la main pour que nous le suivions jusque dans ses diminutions. N’est-il pas venu faire de chacun de nous un petit selon l’évangile ? Un homme, une femme qu’il appelle à cheminer sans peur, à ses côtés, sous les ailes de la colombe divine ? Les deux ne formeront plus qu’un, accomplissant la figure du serviteur de Dieu selon Isaïe : l’agneau humilié souvent, sinon toujours, un faible... Un faible plus fort que toutes les morts d’ici-bas, un vainqueur aux couleurs de « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », que Jean déclare être le Fils de Dieu.

C’est en lui que peut se faire entendre la voix très douce : « Toi aussi, tu es mon fils bien-aimé, et toi, ma fille, mon unique ».

(2011-01-16)

Homélie du 02 janvier 2011 — Epiphanie du Seigneur — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

EPIPHANIE 02.01.2011

Is 60, 1-6 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12

Père Abbé Luc

Texte :

« Debout Jérusalem. Resplendis : elle est venue ta lumière ! »

Frères et soeurs, c’est ce cri vigoureux du prophète que nous pouvons entendre ce matin dans notre liturgie. On pourrait le traduire : « Debout Pierre qui Vire ! Debout St Léger Vauban ! Debout Auxerre ! Debout Brazzaville ! Debout Saïgon ! ». Oui, car elle est venue notre Lumière, le Christ, venu dans notre chair. Lui le Verbe qui est la vraie Lumière.

« Debout. Resplendis » C’est à une joyeuse fierté qu’exhorte le prophète qui parle à un peuple humilié par les épreuves de l’exil. Une joyeuse fierté qui ne tire pas sa force d’elle-même, mais du Seigneur qui fait lever sur elle sa Gloire. Et de cette Gloire, de cette Lumière, Jérusalem va pouvoir resplendir. C’est ainsi que le prophète poursuit en disant que les « nations marcheront vers ta lumière, et les rois vers la clarté de ton aurore ». Jérusalem va tellement resplendir qu’elle sera elle-même toute radieuse, toute lumineuse et que l’on se tournera vers elle de partout…en apportant des présents.

L’Eglise nous donne de relire cette prophétie comme l’annonce du mystère du Christ qui s’est manifesté aux nations. Si on rapproche cette prophétie de l’évangile, on voit que les choses ne se sont pas passées exactement comme cela. Le Christ Lumière est apparu de manière plus cachée, sans grand éclat. Jérusalem n’en a rien vu, et même a été étonnée, prise de court… Seuls quelques chercheurs lointains semblent avoir pris la mesure de l’évènement. Leur recherche scientifique et leur audace confiante, mais obscure, les a conduits jusqu’à l’enfant. C’est que cette Lumière si grande et si belle ne se donne pas à voir comme l’éclat du soleil. Seule une petite étoile perçue dans le secret d’une recherche attentive a pu conduire jusqu’à Celui qui est la Lumière d’Israël. Oui, cette Lumière ne se laisse pas reconnaitre comme l’évidence du jour qui succède à la nuit. Elle ne s’impose pas à la vue, ni à aucun de nos sens.

Ainsi en sera-t-il durant toute la vie du Christ. Lui, la Lumière du monde, ne choisira jamais les moyens éclatants pour faire connaitre son identité. Ses signes, ses miracles et ses paroles n’auront jamais la force d’une persuasion qui s’impose. Le Christ savait que la révélation de la Lumière devait passer par la croix et par la mort pour atteindre toute sa plénitude. Le Christ, notre vraie Lumière, c’est le Christ ressuscité ! Autrement dit, en ce jour, la Lumière que l’on reconnait dans l’enfant de l’Epiphanie n’est que les prémices de la Lumière du Christ ressuscité qui illumine et sauve tout homme.

Debout. Resplendis ! Comme je le disais, c’est à une joyeuse fierté que nous sommes appelés. Mais quelle est cette joyeuse fierté ? C’est la joyeuse fierté de croire en Jésus, le Verbe de Dieu fait chair, le Christ mort et ressuscité pour nous. C’est la joyeuse fierté d’avoir reconnu combien sa Lumière peut changer notre vie et lui donner une profonde paix. Oui, frères et sœurs depuis 2000 ans, c’est ainsi que s’est répandue la Lumière du Christ, de main en main, de bouche à oreille. Oui, à travers l’Eglise, la nouvelle Jérusalem, en chacun de ses membres, a resplendi cette Lumière qui donne la Vie au monde. Que l’on pense aux premiers chrétiens, aux premiers martyrs, aux générations qui se sont succédé dans nos pays, aux chrétiens d’Afrique, d’Asie, d’Amérique et de tous les continents qui ont porté humblement cette Lumière qui les dépasse. Oui, la Lumière s’est transmis, de luciole en luciole, de chrétien en chrétien qui avait le souci de garder vivant le trésor dont ils étaient porteurs.

En ces temps, frères et sœurs, où le sentiment de n’être qu’un petit reste peut parfois nous écraser, ne perdons pas cette joyeuse fierté. Elle est le cadeau que Dieu nous fait, non pour nous glorifier, mais pour mieux nous confier dans sa Force. La joie n’est pas à la mesure de notre nombre ou de nos forces, mais la joie chrétienne est toujours à la mesure de l’amour reçu et donné. Le Christ est avec nous et veut illuminer notre vie pour qu’elle parle de Lui. Ce matin, en cette Eucharistie, venons refaire nos forces à la Source de la Lumière, le Christ ressuscité, notre joyeuse fierté… (2011-01-02)

Homélie du 01 janvier 2011 — Marie, Mère de Dieu — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

SAINTE MARIE MERE DE DIEU

Nb 6, 22-27 ; Ga 4, 4-7 ; Lc 2, 16-21

Père Abbé Luc

Texte :

Frères et soeurs,

L’Eglise, et tout particulièrement les Eglises d’Orient, aime honorer Marie du titre de Mère de Dieu. Un titre étrange et paradoxal : Dieu peut-il avoir une mère, lui qui est à l’origine de tout, lui qui est le Père unique source de vie ? Mais nous le savons, ce titre donné à Marie, l’a été au concile d’Ephèse en 431, pour exprimer d’abord le mystère de Jésus, le Fils de Dieu venu dans la chair, né d’une femme. C’est pour mieux souligner la réalité de cette naissance de Dieu devenu homme que les Pères ont voulu qualifier Marie, Mère de Dieu, afin de mieux honorer la gloire de son fils Jésus, le Fils de Dieu…

Notre foi nous fait entrer dans un mystère qui nous demande sans cesse d’accepter d’être déplacé, non pas déplacé n’importe comment ou encore vers le non-sens. Non, notre foi nous engage à accepter de laisser certains raisonnements trop immédiatement logiques, pour entrer plus avant dans une autre logique, celle de Dieu. Une logique qui se révèle être encore bien plus profonde, bien plus humaine parce que toute divine. L’Incarnation, comme la Passion de Jésus, sa Résurrection, le don de l’Esprit, comme le mystère de l’Eglise sont autant de points de repère forts qui, mis les uns en lien avec les autres, nous découvrent l’étonnant projet de Dieu sur l’humanité. Oui, à travers tout cela se dessine une profonde logique d’amour, logique divine qui déplace notre logique humaine. Logique divine qui ouvre tout d’un coup des perspectives insondables à notre logique humaine. L’Amour de Dieu manifesté dans notre chair fait alors éclater notre Amour humain pour lui donner de nouvelles dimensions.

St Paul essaie de dire cela à sa manière quand il affirme que Dieu a envoyé son Fils, qu’Il est né d’une femme, qu’Il a été sujet de la Loi juive pour faire de nous des fils qui peuvent comme le Fils unique appelé Dieu « Abba-Papa »…En trois phrases, Paul a dit pratiquement tout le mystère du salut. Quelques phrases qu’il faudra pourtant développer en des milliards de pages à travers les siècles et sous toutes les latitudes pour que tout homme puisse chacun à sa place essayer de mieux entrer dans le mystère…Quelques phrases qu’il faudra sans cesse répéter pour permettre à tous d’entendre de ses propres oreilles cette Bonne Nouvelle inédite : Dieu, le Maitre de toute chose, nous envoie son Fils, celui qui partage son intimité pour partager notre humanité. Dans ce partage d’amour, c’est toute notre humanité qui retrouve une nouvelle beauté. De sa laideur, de son péché, elle est lavée. De son esclavage, elle est rachetée, par le seul fait que le Fils qui est libre a accepté de devenir comme un esclave. Il a accepté de nous libérer de l’intérieur de notre esclavage. Par sa présence totalement libre jusque dans nos chaines de souffrances et de mort, il a redonné à notre humanité sa dignité de fils et de filles de Dieu. Il nous a laissé son Esprit pour que, du plus intime de notre cœur, nous puissions dire en toute confiance : Abba-Papa…à notre Dieu.

Voilà notre foi, voilà notre manière de comprendre cette formidable logique divine. Voilà cette belle lumière offerte à notre cœur et à notre intelligence. Et en même temps, nous faisons l’expérience qu’il n’est pas facile de rester toujours sous cette lumière. Le quotidien et ses soucis, les découragements ou les moments de doute peuvent parfois éclipser cette lumière que nous avons reconnue et à laquelle nous croyons. Nous faisons l’expérience qu’il nous est difficile de laisser l’Esprit dire en nos cœurs Abba-Papa-Père, au travers de toutes nos situations de vie.

C’est ici que nous pouvons regarder Marie, telle que nous la présente aujourd’hui St Luc. D’une certaine manière, Marie n’avait pas tout l’éclairage du mystère de Jésus que nous avons, quand elle l’a mis au monde, quand elle l’a allaité et peu à peu accompagné dans sa croissance humaine, jusqu’à son âge adulte. Elle avait entendu des paroles mystérieuses de l’Ange qui lui donnait un éclairage sur toute l’histoire de son peuple en attente du Messie. Elle pouvait comprendre que cet enfant était celui que son peuple attendait depuis si longtemps. Mais de là à penser tout ce que nous pensons sur Jésus, Marie devait en être bien loin. Et cependant, « elle retenait tous ces évènements et les méditait dans son cœur ». Marie n’a pas fait de grand développement intellectuel, mais elle a laissé résonner tous ces évènements dans lesquels sa vie a été prise et totalement bouleversée. Elle s’est donnée toute entière à ce qu’elle avait à vivre. Elle a fait confiance à la Parole entendue et s’est laissé guider par elle sans tout comprendre. Avancer avec confiance sans tout bien comprendre. Demeurer à l’écoute de l’Esprit et de la Parole humblement sans tout maitriser. Voilà la lumière de vie que nous offre Marie. Voilà ce savoir faire du croyant qu’elle a expérimenté et qui lui a permis de remplir sa mission unique et irremplaçable.

En l’honorant ce matin, nous rendons grâce à Dieu de ce qu’il a fait en elle, et par elle pour que se réalise son projet d’amour en Jésus. Réjouissons-nous de pouvoir maintenant, à la suite de Marie, entrer dans la vie pleine des fils en nous unissant à l’action de grâce du Christ mort et ressuscité.

(2011-01-01)

Homélie du 24 décembre 2010 — Noël - Messe de minuit — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Messe de la nuit de NOEL 2010

Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14

Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs,

En ces temps de fête, une chose m’étonne chaque année un peu plus, c’est le besoin que nous avons les uns et les autres, notamment entre chrétiens, de nous souhaiter un joyeux Noël. De même à Pâques, nous aimons nous adresser les vœux de « Joyeuses Pâques ». Nous reçevons beaucoup de vœux de joyeux Noël, auquel on ajoute les vœux pour l’année nouvelle. Le contraste est fort par exemple avec les fêtes civiles : nous ne nous souhaitons pas un joyeux 14 juillet, ni un joyeux 11 novembre…!! On peut se demander : est-ce nous nous souhaitons un « joyeux Noël » parce que l’on craindrait que la fête se déroule mal ou qu’elle ne soit pas « joyeuse » ? N’est-ce pas plutôt une conviction très simple et très chrétienne qui s’exprime là ? La conviction que ces fêtes doivent nous apporter une joie à ne pas manquer…Comme si par les vœux que nous échangeons de « joyeux Noël ou de joyeuses Pâques » nous voulions nous aider à aller au cœur de ce que la fête doit nous apporter : la Joie qui est signe de la grâce à l’oeuvre…

Chaque année, les fêtes liturgiques nous donnent de faire mémoire des grands évènements de la vie de Jésus. Par là, elles veulent nous permettre de communier à la Joie profonde du salut que Jésus a apporté. En effet, ces fêtes ne sont pas de simples rappels biographiques. Non, à chaque fois que nous faisons mémoire de la mort et de la résurrection du Christ, de sa naissance à Bethléem, de son Ascension, de la venue de l’Esprit Saint à la Pentecôte, etc…nous accueillons et nous revivons dans notre aujourd’hui la grâce de salut qui a animé la vie de Jésus et de ses disciples. Ainsi nous sommes au cœur du mystère de la liturgie chrétienne : nous rappelons qui s’est passé hier, cela devient présent dans notre aujourd’hui et déjà cela annonce notre avenir en Dieu quand tout sera récapitulé dans le Christ. Car en Eglise, nous sommes le Corps du Christ. En nous son mystère prend peu à peu toute sa mesure.

Ainsi en ce jour, nous fêtons la naissance de Jésus dans l’histoire des hommes. Nous nous émerveillons de l’amour fou de notre Dieu qui a désiré partager notre condition humaine. Cela nous réjouit beaucoup. Mais la grande joie qu’il nous faut aussi recueillir à travers cette naissance du Christ, c’est la joie de notre propre naissance qui est à l’œuvre. Comme nous le chanterons lors de la préface : « Par lui, le Christ, s’accomplit en ce jour l’échange merveilleux où nous sommes régénérés. Lorsque ton Fils prend la condition de l’homme, la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse. Il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels ».

Elle est là, la joie qu’il nous faut recueillir en ce Noël 2010. C’est la joie de mesurer que cette naissance de Jésus nous entraine dans un échange merveilleux où notre nature humaine reçoit une incomparable noblesse. Oui, par cette naissance de Jésus, nous devenons éternels… Nous balbutions en disant cela. C’est la foi de l’Eglise, c’est notre foi qui donne un éclairage fantastique à notre vie humaine. Sous cette belle et grande lumière, nous pouvons goûter cette joie et méditer ce qu’elle peut signifier. Oui, par notre baptême, nous sommes déjà renés dans le Christ. Le péché et le mal, la mort n’ont plus sur nous l’emprise d’une fatalité implacable. Ils sont là comme un poids que le Christ a déjà pris sur lui. Notre nouvelle naissance est à l’œuvre comme un ferment discret qui traverse toute notre histoire, nos échecs, notre péché et nos souffrances. Paul dirait que l’homme ancien s’en est allé et que l’homme nouveau est déjà là…

Bien sûr, nous faisons l’expérience que la joie n’est pas toujours notre quotidien, que la grisaille du quotidien semble parfois avoir plus de prise…Mais justement, cette fête de Noël nous redit qu’il y a, en notre cœur de croyant, une joie qui est là bien plus profonde. Cette joie ne demande qu’à grandir et à illuminer notre quotidien. C’est la joie de savoir que notre vie est déjà sauvée et aimée par Dieu, jamais abandonnée. Nous l’oublions souvent, et nous vivons trop comme si Dieu n’était pas venu au milieu de nous en Jésus. Comme s’il n’était pas à nos côtés. Ce soir, réapprenons le goût de cette joie simple et profonde de notre foi. Comme une nappe souterraine, elle est là en nous qui ne demande qu’à libérer des énergies de vie.

En cette Eucharistie, accueillons pleinement la Vie du Christ Ressuscité qui nous est offerte. Il est à la source de notre Vie nouvelle, et de notre Joie. (2010-12-25)

Homélie du 12 décembre 2010 — 3e dim. de l'Avent — Frère Ghislain
Cycle : Année A
Info :

3° Dimanche de l'Avent

Homélie du F.Ghislain

Texte :

Délaissant un peu les textes de ce jour, je voudrais vous parler de l’Avent, que nous célébrons en ce moment et qui va bientôt finir.

Dans l’esprit et les textes de la liturgie, durant l’Avent, nous attendons moins la fête de Noël, en nous retournant vers le passé de la Nativité de Jésus, que le Retour du Christ dans la Gloire au dernier jour, et le début, pour toute la création de Dieu, du bonheur qui ne finira pas et où nous serons pour toujours dans la charité et dans la louange. S’il est vrai, comme dit l’Ecriture que, aux yeux du Seigneur, mille ans sont comme un jour, cela ne tardera pas. Bientôt, selon l’évangile de saint Matthieu que nous lisons cette année, « comme l’éclair part du levant et brille jusqu’au couchant, ainsi sera l’avènement du Fils de l’homme ».

Une telle attente, pourtant, est-elle possible ? On ne peut attendre que ce qui va arriver, et le même évangile nous dit que , de ce retour, personne ne connaît ni le jour ni l’heure. L’Eglise primitive pensait que Jésus reviendrait vite, dans l’espace d’une ou deux générations, et voici deux mille ans écoulés. Le projet de l’Avent est-il réel ou d’une piété toute théorique ?

Pour répondre, je ferai une supposition. Si le Christ revenait, comme l’éclair, à Noël prochain, il pourrait nous dire : « Je vous avais annoncé comme signes de grands troubles à Jérusalem » ; or ils sont aujourd’hui si grands que personne ne sait comment la paix reviendra ; tout au contraire semble enfoncer la Ville et la Terre Saintes dans la guerre et la haine. Je vous avais annoncé « des guerres, des famines, des tremblements de terre ». Or les medias ne vous ont rien laissé ignorer de tout cela. Depuis un demi-siècle, quand une guerre est finie à un endroit de la terre, une autre commence à un autre, et elles sont meurtrières comme elles ne l’ont jamais été. Pour ce qui est des famines et des séismes, les ONG ne suffisent pas à la besogne de venir en aide à des victimes littéralement innombrables. Quant au futur immédiat, des esprits, pessimistes certes, vous disent, malheureusement non sans fondement, que le XXe siècle serait sans doute celui du terrorisme biochimique, pratiquement imparable. Les signes que je vous avais donnés se sont largement réalisés. Vous pouviez donc m’attendre.

En vous rappelant ces paroles du Christ, je ne veux pas dire que la fin du monde soit pour demain. L’humanité durera peut-être encore des milliers d’années. Mais je dis que, si le Christ revenait maintenant, nous n’aurions pas à être étonnés, car ce qui se passe aujourd’hui suffit largement à correspondre aux signes donnés par Jésus. Donc, on peut , on doit réellement se préparer à sa venue, comme si celle-ci avait lieu demain. Et c’est ce que nous rappelle l’Avent.

Mais alors, que signifie se préparer ? Qu’avons-nous à faire, toutes affaires cessantes, pour manifester notre attente ? Ici encore l’évangile de saint Matthieu est tout à fait clair : « Tout ce que vous aurez fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’aurez fait. Venez, les bénis de mon Père ». Les chrétiens en attente se préoccupent des petits et des pauvres : c’est suffisant pour un Avent véritable et c’est absolument nécessaire. Cela peut s’entendre littéralement, et il ne manque pas de personnes et de groupes qui partagent effectivement la condition des pauvres, un à un, et cherchent à les aider, ce qui d’ailleurs leur fait découvrit qu’ils reçoivent d’eux plus qu’ils ne leur donnent. Mais cela peut s’entendre aussi de tout effort que nous faisons pour rendre plus humaine et plus équitable la communauté des hommes :la manière dont nous gérons notre vie de famille et notre vie professionnelle, l’engagement que nous prenons dans une action quelconque, éventuellement une militance politique…, et, en tout temps, notre prière, car il n’est pas en notre pouvoir de faire advenir pleinement la justice et la paix.

L’Eglise n’est pas sans péché, le Pape Jean-Paul II ne cesse de le rappeler par ses multiples demandes de pardon. Elle aurait certes pu faire beaucoup mieux pour répondre à l’injonction de Jésus au chapitre 25 de saint Matthieu. Et, pourtant, imparfaite et lente comme elle est, elle a tout de même fait beaucoup durant les siècles passés dans le sens de l’Evangile. Et maintenant, l’Eglise, c’est nous, et le souci des pauvres nous est confié, non pas comme une bonne œuvre parmi d’autres, mais comme le signe unique de l’attente du Seigneur, la caractéristique de l’Avent permanent d’un retour du Seigneur, qui peut se produire d’une minute à l’autre. A chacun de nous de vérifier, sans anxiété ni scrupule, mais avec loyauté, que le souci des hommes, surtout les plus démunis, est humblement présent au cœur de sa vie personnelle et de sa communauté chrétienne. Le Seigneur alors peut venir, il nous trouvera vigilants.

Homélie du 28 novembre 2010 — 1er dim. de l'Avent — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A - Avent 1° Dimanche - 28/11/1999

Isaïe 63,16b-17 64,2b-7 ; 1Cor 1,3-9 ; Marc 13,33-37

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

C’est à 4 reprises que nous venons d’entendre le verbe « veiller » dans ce court passage de l’Evangile de St Marc. Et par 3 fois, à l’impératif présent : « veillez ! », comme un ordre commandé par Jésus au petit groupe de ses disciples d’abord, et en finale à tous.

La liturgie de ce 1er dimanche de l’Avent nous invite donc une nouvelle fois à méditer sur ce thème de la vigilance, de l’attente du retour du Seigneur, comme s’il n’avait pas été suffisant d’écouter les paraboles du même type durant tous les derniers dimanches du cycle liturgique précédent depuis la Toussaint.

J’aimerais ce matin insister sur quelques notes plus spécifiques à cet évangile de Marc la place de la nuit, avec son corollaire du sommeil, le rôle particulier confié au portier qui par fonction ne doit pas dormir, enfin l’effet de surprise, « à l’improviste » dit la traduction, du retour du Maître.

La nuit – le sommeil.

La nuit, opposée au jour est le symbole de l’obscurité, des ténèbres, de la mort. Bien qu’elle puisse avoir un aspect positif, tout comme le désert, l’eau, le feu, c’est le côté symbolique négatif qui domine le plus souvent dans les textes bibliques.

La nuit, hier comme aujourd’hui, c’est le temps de toutes les atrocités, des vols, des crimes, des violences. Je ne sais si vous avez lu le très beau livre d’Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix, où il donne son témoignage personnel de rescapé des camps de concentration nazis. Le titre du livre est « la nuit » et en voici un passage :

« Jamais je n’oublierai cette nuit, la première nuit de camp qui a fait de ma vie une nuit longue et sept fois verrouillée.

Jamais je n’oublierai cette fumée.

Jamais je n’oublierai les petits visages des enfants dont j’avais vu les corps se transformer en volutes sous un azur muet.

Jamais je n’oublierai ces flammes qui consumèrent pour toujours ma Foi.

Jamais je n’oublierai ce silence nocturne qui m’a privé pour l’éternité du désir de vivre.

Jamais je n’oublierai cela, même si j’étais condamné à vivre aussi longtemps que Dieu lui-même. Jamais. »

Saint Marc, lui, évoque les 4 veilles qui découpaient le temps de la nuit pour les romains (un peu comme les 4 quarts des marins) : le soir, à minuit, au chant du coq, le petit matin. Et l’on peut associer ces 4 veilles à 4 moments de la Passion et de la Résurrection de Jésus, ce qui confère alors une note éminemment pascale à ce texte.

- la première veille, c’est le soir, à la tombée du jour, au commencement de la nuit : Jeudi Saint, le temps des derniers entretiens de Jésus avec ses disciples : c’est le don de l’eucharistie,

- la deuxième veille, au milieu de la nuit, après la sortie de Judas (« il faisait nuit » rapporte Saint Jean), c’est le moment de la prière de Jésus à Gethsémani. Jésus veille, les disciples dorment, accablés. C’est le temps du procès, des interrogatoires de Jésus avec Caïphe, avec Pilate, le temps des deux premiers reniements de Pierre, au coin du feu. En plus de l’obscurité, il faisait froid, cette nuit-là,

- la troisième veille, au chant du coq :le troisième reniement de Pierre et le regard de Jésus. Repentir de Pierre qui pleure, accueillant le pardon, tandis que Judas va se pendre à la même heure, enfermé dans son péché et son désespoir,

- la quatrième veille enfin, au petit matin, à l’aube. C’est le temps de toutes les scènes de la Résurrection, avec Marie Madeleine, Pierre et Jean, les anges, etc.

A chacun de ces moments, Jésus est présent. Il veille, il est attentif aux situations, à ses disciples, il vient, il re-vient vers eux. Ces derniers, qu’ils soient endormis ou éveillés, ne sont pas vraiment présents. Ils vivent à côté des événements. Ils sont du côté du sommeil, de la mort. Ce n’est qu’à la lumière de la rencontre du Ressuscité, le Jour de Pâques, qu’ils vont réaliser toute l’ampleur de la nuit dans laquelle ils avaient été plongés.

Ensuite, il y a la mention du portier. Dans la parabole, c’est au portier seul qu’il est recommandé de veiller. Aux autres serviteurs, le maître, à son départ, assigne un travail qui semble être plutôt de jour ; la nuit, ils peuvent dormir en paix, le portier monte la garde, au service de tous

Mais après la parabole, quand Jésus reprend son adresse aux disciples, il étend cette fonction propre au portier, à tous : « ce que je vous dis là, je le dis à tous : veillez ! »

La porte, nous le savons par l’évangile de Jean, c’est le Christ lui-même, pasteur de son troupeau. Il monte la garde, jour et nuit, contre les loups et les voleurs. Le portier, c’est non seulement celui qui veille, mais c’est celui qui fait entrer ou sortir, qui exerce un discernement, un jugement.

Tous alors, nous avons à devenir ce portier-berger pour les troupeaux, petits ou grands qui nous sont confiés et sur lesquels nous avons à veiller. Dans l’Eglise, nous ne devons pas nous reposer sur tel ou tel ministre de la veille ; ce n’est même pas à tour de rôle que nous avons à veiller ; tous ensemble, à tout moment, veillons.

Enfin, la mention de l’improviste « » propre à Marc. Par surprise, ou plus exactement dans un « non-savoir », car l’expression revient par deux fois : « vous ne savez pas quand viendra le moment », « vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra ». Non savoir, non-programmé de l’avenir, où se joue le retour du Seigneur et l’événement de sa rencontre avec nous.

Aujourd’hui, 28 Novembre, nous commençons une nouvelle année liturgique, et dans un mois et deux jours, nous entrerons dans un nouveau siècle et même un nouveau millénaire. Que seront-ils ? Radicalement, nous ne le savons pas, alors que nous savons que trop bien ce qu’ont été les précédents. Certains prédisent que le XXI° siècle sera religieux, spirituel, ou alors qu’il ne sera pas. Sera-t-il le siècle des catastrophes nucléaires ou biologiques, de l’anéantissement de la vie, ou alors sera-t-il celui de la réconciliation entre les peuples, les nations et les religions, comme nous pouvons, nous devons l’espérer ? En fait, nous ne le savons pas, et c’est très bien ainsi.

L’Evangile ne commande qu’une seule chose : acceptant de nous tenir dans ce radical non-savoir, qui est aussi un non-pouvoir et un non-avoir, il nous faut nous « tenir éveillés, sans reproche, solidement établis dans le Christ jusqu’au bout », comme le dit Saint Paul, dans la 2° lecture aux corinthiens, dans « l’espérance que Dieu est fidèle, lui qui nous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus-Christ, Notre Seigneur ».

Et comme le disait tout aussi bien à sa manière le prophète Isaïe, dans la connaissance bienheureuse que :

« Tu es Seigneur, notre Père, notre Rédempteur,

nous sommes l’argile, et tu es le potier,

nous sommes tous l’ouvrage de tes mains ».

AMEN (1999-11-28)

Homélie du 19 septembre 2010 — 25e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - 25° Dimanche du Temps Ordinaire - 19-09-2010

Amos 8, 4-7 ; 1 Timothée 2, 1-8 ; Luc 16, 1-13

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs, avouons-le, le texte de l’évangile que nous venons d’entendre a de quoi nous surprendre, voire même nous choquer, nous scandaliser. Quoi donc ? Jésus ferait-il l’éloge de la malhonnêteté, de l’escroquerie en donnant en exemple un intendant qui fait le généreux aux dépens de son maître, en gaspillant ses biens ?

Quel contraste entre cet homme riche et le maître de la parabole des talents, qui, lui, fait l’éloge de ses serviteurs qui ont fait fructifier l’argent qu’il leur avait confié : 5 talents supplémentaires pour celui qui en avait reçu 5, 2 autres pour celui qui en avait reçu 2. Félicitations et accueil dans la joie pour ces 2 bons gestionnaires, malédiction et reproche au contraire pour le malheureux qui a fait perdre de l’argent à son maître avec son seul talent reçu, mais enfoui en terre, alors qu’il aurait pu rapporter des intérêts à la banque ;

Remarquons que ces textes appartiennent au genre des paraboles. Le propre de ce genre de récit est de dégager une leçon, au-delà de la 1ère impression, laquelle a pour but de surprendre, de dérouter (au sens étymologique de paraballein en grec), de piquer la curiosité, un peu comme le genre des énigmes ou des Proverbes que pratiquaient beaucoup les sages et les rabbins au temps de Jésus et qui ont toujours cours dans la tradition juive. Plusieurs de ces paraboles (tout spécialement dans l’évangile de Luc) ont pour objectif de faire réfléchir sur la question de l’argent. Une question de tous les temps, hier comme aujourd’hui.

En préparant cette homélie, il m’est revenu en mémoire une nouvelle que j’ai lue, il y a un mois environ dans le journal et qui avait alors frappé ma curiosité, comme la vôtre aussi peut-être.

Un homme actuel, considéré depuis des années comme le plus riche du monde, M. Bill Gates, fondateur de la Sté Microsoft qui équipe les logiciels de plus de 90% des ordinateurs de la planète, cet homme a invité et il a réussi à persuader une quarantaine de milliardaires comme lui, d’abandonner la moitié de leur fortune personnelle, soit de leur vivant, soit à leur mort, afin de le donner à des fondations ou des ONG en faveur des malades des pays pauvres, en Afrique, en Asie ou ailleurs. Et le journal donnait publiquement les noms de ces riches qui s’engageaient par promesse à faire cet abandon de leurs biens. On sait que M. Bill Gates et sa femme œuvrent déjà depuis plusieurs années à travers une telle fondation.

Avec tout cet argent, faut-il le qualifier nécessairement de « trompeur », en soupçonnant la façon dont il a été acquis, les programmes de santé dépasseraient largement les budgets nationaux de certains pays aidés.

Mais j’en reviens à l’habileté du gérant de notre parabole, face à l’argent qui lui a été confié par son maître. Son intelligence est de se servir de cet argent pour se préparer des bons contacts, une fois qu’il sera sans emploi, au chômage. Or, les auditeurs de Jésus, ces pharisiens qui aimaient l’argent (St Luc nous le dit au verset suivant), n’ont pas su, eux, se servir de leur richesse pour se préparer des contacts dans l’au-delà. Ces contacts, ce sont les pauvres, qu’ils méprisent, comme le décrit si bien une autre parabole : celle du riche qui faisait des festins somptueux tous les jours, sans voir le pauvre Lazare, à sa porte, mais qu’il retrouvera, à sa mort, dans l’au-delà, en situation inversée, aux cotés d’Abraham.

L’habileté du gérant trompeur est donc d’avoir su investir dans le domaine des relations ou des ressources humaines. Il s’est fait des amis avec l’argent trompeur, afin que, le jour où l’argent ne sera plus là, ces amis l’accueillent dans les demeures éternelles à côté d’Abraham et de Lazare.

C’est cela le bon choix et c’est cela le sens des félicitations de ce propriétaire riche et désintéressé, prêt à sacrifier 50% ou 20% de ses bénéfices (il lui en restera encore une bonne somme). Il a reconnu dans son gérant un sens des relations humaines, à l’opposé de l’égoïsme d’un gestionnaire dont le seul objectif aurait été d’augmenter ses profits ou ses capitaux financiers.

La morale de cette parabole est donc d’élargir notre regard à propos de l’usage de l’argent. L’argent est-il pour nous une idole qui peut nous faire perdre de vue notre vrai destin, à savoir l’entrée dans une relation de vie avec les autres, avec les pauvres, avec Dieu lui-même ?

Il faut se servir de l’argent, sans jamais être asservi par lui. L’argent en lui-même est neutre. Il ne peut jamais être une fin en soi, mais seulement un moyen en vue d’une seule fin : le Royaume annoncé et promis à tous.

Saint Paul nous le dit fort bien dans la seconde lecture : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à connaître pleinement la vérité ». Tous, c’est-à-dire aussi bien les riches milliardaires avec M. Bill Gates, que les millions de malades à qui ils souhaitent venir en aide.

A chacun de nous maintenant d’examiner quel rapport il entretient avec l’argent, et quel usage en fait-il .

L’évangile, les paraboles ne sont pas d’abord des textes moralisants. Ils ne visent en fait que l’urgence de notre conversion, de notre salut et de notre bonheur. Dieu ou l’argent font-ils notre bonheur ? Voilà la vraie question qui nous est posée aujourd’hui. (2010-09-19)

Homélie du 11 juillet 2010 — Saint Benoît — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année ABC - Fête de st Benoît - 11 Juillet 2010

Pro 2 1-9; Col 3 12-19; Mt 5 1-12a

Homélie de F.Guillaume

Texte :

Les 3 lectures que nous venons d’entendre évoquent chacune à leur manière la recherche du bonheur par l’homme et pour l’homme. La vie monastique selon Saint Benoît, qui n’est qu’une forme de vie chrétienne parmi d’autres, est bien une vie de recherche du bonheur qui implique le désir de Dieu, le désir d’aimer et d’être aimé.

Le livre des Proverbes nous dit que rechercher le bonheur, c’est rechercher et accueillir la Sagesse, en faisant appel à la raison et à l’intelligence. Le sage, mais peut-être est-ce la Sagesse elle-même en personne, éduque ainsi son fils : « mon fils, si tu acceptes mes paroles, si mes préceptes sont pour toi un trésor, alors tu comprendras ce que sont la justice, l’équité, la droiture, toutes choses qui conduisent au bonheur ».

Ces versets de l’Ecriture dans l’Ancien Testament ont fortement inspiré Saint Benoît quand il a entrepris la rédaction de sa Règle et en particulier son Prologue et les premiers mots : « Ecoute ô mon fils les préceptes du Maître et prête l’oreille de ton cœur… Le Seigneur cherchant son ouvrier dans la multitude du peuple à laquelle il fait entendre ses appels dit : qui est celui qui désire la vie et souhaite voir des jours heureux, connaître le bonheur ? Que si, à cette demande, tu lui réponds : c’est moi, me voici, alors Dieu te réplique : si tu veux jouir de la vie véritable et éternelle, garde ta langue de tout mal et fais le bien. Cherche la paix et poursuis-la !

Et St Benoît ajoute : voyez comme le Seigneur, dans sa bonté, nous montre le chemin de la Vie.

La seconde lecture, tirée de la lettre de Saint Paul aux Colossiens développe ce programme d’une vie authentiquement chrétienne, dans l’amour, la recherche et l’accueil de la paix du Christ. Ces versets sont en consonance parfaite avec la Règle de Saint Benoît. Le chemin de la vie monastique est un chemin où le moine n’a rien de plus cher que l’amour du Christ et il cherche à accueillir la paix dans son cœur en combattant toutes les formes de murmure et de ressentiment, toujours possibles dans une vie communautaire entre frères. « Par-dessus tout, revêtez l’amour. C’est le lien parfait. Que règne en vos cœurs la paix du Christ à laquelle vous avez été appelés tous en un seul corps, une seule communauté. Vivez dans l’action de grâces ! ».

Pour Benoît, cette vie dans l’action de grâces a son lieu privilégié dans la célébration de l’office divin, cet Opus Dei qui est la liturgie des Heures, le jour et la nuit. Rien ne devra être préféré à l’œuvre de Dieu. Tout l’horaire, le travail, la lecture et l’étude, l’accueil sont ordonnés à la priorité de la prière, quelle soit prière liturgique communautaire ou prière personnelle, privée. Et si Benoît n’ignore pas que la prière peut prendre l’aspect d’un combat, un combat spirituel, il sait qu’elle est pour le moine un authentique chemin de bonheur aussi.

Enfin l’Evangile qui a été choisi pour cette fête est celui que nous avons à la Toussaint : les béatitudes.

Jésus, au début de son enseignement public, trace à ses disciples le chemin sur lequel il les invite à le suivre, à marcher, comme Chouraqui traduit ce passage, en s’inspirant de l’hébreu : « en marche, vous les pauvres de cœur, en marche, vous les artisans de paix… »

Chacune des ces béatitudes est aussi tout à fait en consonance avec la Règle de Saint Benoît. La vie monastique, comme toute vie chrétienne, comme la vie du Peuple de Dieu est une longue marche, orientée par le désir du vrai bonheur. Et ce vrai bonheur, nous dit Jésus, est tout en paradoxe, car il vient contester les fausses promesses de richesse, de gloire, de plaisir et de rires humains, trop terrestres. Saint Benoît transcrit ce texte évangélique en rédigeant des chapitres sur l’humilité, la retenue dans les paroles, l’obéissance à un Abbé et à ses frères, et dans une longue section détaillant ce qu’il appelle les instruments de l’art spirituel. Il ne fait pas du renoncement à sa volonté propre une fin en soi, mais un moyen pour accéder à une plus grande liberté d’aimer. Rien ne lui tient davantage à cœur que cette liberté du moine dans l’amour.

Frères et sœurs, en cette belle fête, rendons grâces au Seigneur pour le don qu’il a fait à son Eglise de la vie et de l’œuvre de son ami Benoît, ainsi que pour toute la tradition religieuse qu’il a entraînée à sa suite. Rendons grâces pour tous les fruits de sagesse, de paix et de bonheur dont cette tradition bénédictine s’est enrichie à travers les siècles jusqu’à nous, en Europe, mais aussi sur les tous les continents, dans les pays de mission. Rendons grâces pour ces espaces de liberté, de charité et de paix profondes que les monastères peuvent encore offrir aujourd’hui à tous les hommes de bonne volonté et à tous les chercheurs de vrai bonheur. AMEN (2010-07-11)