Homélies
Liste des Homélies
EPIPHANIE 08.01.2012
Is 60, 1-6 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
Père Abbé Luc
Où est le Roi des juifs qui vient de naitre ? Voilà la question, frères et soeurs, que des mages se posent. Ces hommes de science veulent être guidés. Ils ne demandent pas : Y a-t-il un Roi des juifs qui vient de naitre ? ou le Roi des juifs est-il né ? Non, ils souhaitent simplement qu’on leur donne le dernier renseignement nécessaire à leur recherche : Où est-ce qu’il se trouve ? …Spontanément, ils viennent le chercher dans la capitale à Jérusalem, auprès du palais royal. Mais il n’est pas là. Et plus étonnant, même là sa naissance est ignorée.
Ces hommes qui ont mené une recherche attentive, avec les moyens à leur disposition, surprennent ceux qui les premiers devraient savoir cela. Mieux ils les réveillent. Ils les bousculent et les mettent en route d’une certaine manière. Hérode comprend que ce Roi ne peut être que le Messie, quand il s’informe sur le lieu où il devait naitre. Le roi, c’est lui. Il ne peut donc s’agir que du Messie que l’on attend. Les mages bousculent aussi les chefs des prêtres et les scribes en les obligeant à aller chercher dans leurs Ecritures. Et là ils trouvent le lieu où effectivement le Messie doit naître : c’est Bethléem de Judée, selon la prophétie du prophète Michée.
Ce récit de la venue des Mages n’est-il pas une belle parabole de la manière avec laquelle l’Esprit du Seigneur est à l’œuvre dans notre monde ? Il agit à travers tous les hommes, sans que les uns plus que les autres puissent être assurés de posséder toute la vérité. Personne ne peut se suffire à soi-même dans la découverte du mystère du Christ. Les mages ont reconnu avec certitude la venue du Roi des Juifs, mais ils ne savent pas où il se trouve. Hérode reconnait qu’il s’agit du Messie, mais il ne sait pas où il se trouve, ni quand il doit venir. Et les prêtres et les scribes, surpris, doivent aller rechercher dans leur propre tradition scripturaire, où le Messie doit naître. Ainsi les mages ont-ils besoin d’Hérode, des prêtres et des scribes, et ces derniers ont-ils besoin de la question et de la connaissance des mages pour reconnaitre l’évènement qui est en train de se vivre.
La manifestation du mystère du Christ est pour tous et en même temps elle échappe à tous. Elle invite chacun là où il est à se mettre en route avec les indices qu’il a à sa portée. Mais chacun va avoir besoin des autres pour avancer dans sa découverte du mystère du Christ : les païens ont besoin des juifs, et les juifs des païens. Les païens cherchent avec toute l’acuité de leurs moyens humains. Ils posent les bonnes questions au bon moment. Les juifs ont les Ecritures comme un trésor qui contient les clefs du mystère. Mais encore faut-il connaitre ce trésor. Et surtout, encore faut-il reconnaitre le moment opportun de la réalisation des promesses de Dieu.
N’en est-il pas encore ainsi pour nous aujourd’hui dans notre approche du mystère du Christ ? Nous autres chrétiens, comme dit Paul, nous connaissons qu’en Christ se trouve la plénitude de la Révélation. En Eglise, nous le croyons. Mais est-ce que cela signifie que nous pouvons nous reposer, dans une certaine suffisance de penser que nous n’avons plus à chercher ? Notre foi elle-même, ainsi que la réalité nous disent le contraire. Notre foi nous engage à poursuivre le chemin à la rencontre du Christ qui va venir pour récapituler toute l’histoire. Nous ne possédons pas le Christ, nous l’attendons. Nous cherchons aussi à le reconnaitre déjà à travers la rencontre de chaque être humain, les plus petits, surtout…Ensuite, la réalité complexe de notre monde actuel nous engage dans une recherche toujours plus profonde du mystère du Christ. La découverte et la rencontre des autres religions, mais aussi la quête des hommes de bonne volonté qui se disent non-croyants, peuvent nous stimuler. Elles nous stimulent à élargir notre vision et notre conception du salut réalisé dans le Christ.
L’Eglise et les théologiens en son sein, s’interrogent aujourd’hui pour savoir comment le Christ et sa Lumière peuvent rejoindre ces milliards d’hommes vivant d’autres traditions et d’autres expériences religieuses. La question est délicate et la réponse balbutiante. Là encore ces autres traditions religieuses nous stimulent pour une meilleure et plus profonde compréhension du mystère du Christ. Parfois, des personnes de ces traditions ou des personnes non croyantes viennent nous interroger sur le Christ et sur notre foi. Sommes-nous prêts à partager simplement notre foi ? Sommes-nous disposés à nous laisser stimuler par leur questions pour aller nous-mêmes plus loin dans notre propre recherche du Christ ? Heureux sommes-nous quand nous sommes ainsi réveillés et stimulés dans notre foi.
Ce matin, dans cette eucharistie, nous allons célébrons le mystère du Christ, son Amour pour nous et la Vie qu’il nous offre. Nous le célébrons, sans le saisir, mais plutôt pour mieux nous laisser saisir par lui. Comme nous le demanderons après la communion : Que ta clarté d’en haut, Seigneur nous dirige en tous temps et tous lieux, et puisque tu nous as fait communier à ce mystère, puissions-nous désormais le pénétrer d’un regard pur et l’accueillir d’un cœur plus aimant .
(2012-01-08)
Année B - 1° janvier 2012 - Sainte Marie, Mère de Dieu
Nb 6 22-27; Gal 4 4-7; Lc 2 16-21
Homélie du F.Sébastien
En préparant cette messe, j’ai cru apercevoir, je voyais, tout là-haut, et sans doute le voyez-vous encore, dans le ciel, au-dessus de nos têtes, toute une activité : des anges artistes occupés à peindre sur un grand nuage blanc, en lettres multicolores, indélébiles, une banderole sur laquelle on peut lire les vœux que tous ceux qui sont là-haut adressent chaleureusement à tous ceux qui sont ici-bas :
GLOIRE A Dieu AU PLUS HAUT DES CIEUX
ET PAIX SUR LA TERRE AUX HOMMES QU’IL AIME
et en-dessous encore
UNE ANNEE PLEINE DE GRACES POUR VOUS TOUS.
Ces grâces Dieu, notre Père les offre aujourd’hui sans compter à tous ses enfants, de quoi illuminer tous les jours qui vont suivre. Elles sont préparées. Il n’y a plus qu’à les désirer, à les accueillir ; mais ensuite il ne suffit pas de dire MERCI, c’est banal, il faut dire : ENCORE, ENCORE ! Pourquoi ? Mais parce que c’est à nous maintenant d’exaucer notre Dieu dans son immense désir, dans son besoin de donner, de combler ses enfants, de les secourir dans leurs détresses, leurs épreuves visibles ou cachées, de les accompagner en tout, comme le meilleur des pères.
Ce désir fou de Dieu, la Vierge Marie, la meilleure des mères, penchée de là-haut sur nous, le fait totalement sien, spécialement en ce jour qui est sa fête à elle, sa fête de Mère de Dieu, de Mère de l’Église, de mère de chacun de nous, mère de toute grâce, de toutes les grâces dont notre monde a tant besoin.
Mais comment fêter une mère, sinon en fêtant tous ceux qui sont sa raison d’être, sa fierté, son bonheur,
en commençant bien sûr par Celui qui, un jour, en devenant son fils la fit Mère à jamais : Jésus, le Fils unique du Père, notre frère ?
Cette fête doit continuer d’agrandir nos cœurs à la dimension des mystères que nous célébrons en ce temps de Noël, les agrandir notamment sous la puissante poussée de la liturgie.
J’aime à nouveau fermer les yeux et voir se rapprocher, en imagination, deux enfances : celle de Dieu qui s’est fait bébé dans la paille et celle de la divine mère de Dieu lorsqu’elle était encore enfant.
Cette enfant, regardons-la émerger de la 1ère lecture lorsque le prêtre d’Israël bénissait avec ferveur la famille de la petite Marie accompagnée de ses parents, peut-être parfois au temple où retentissait alors, avec des sonorités particulières, la formule prévue par la loi de Moïse et qui les enveloppait tous les trois:
« Que le Seigneur te bénisse et te garde !
Qu’il fasse briller sur toi son visage
Qu’il te prenne en grâce...
Qu’il t’apporte la paix ! » La plénitude !
Sans le savoir il prophétisait, pour nos oreilles d’aujourd’hui.
Sa parole pénétrait particulièrement l’enfant attentive qui captivait son regard, une petite brunette, espiègle, rieuse, sérieuse, bien en place dans son destin et à son heure, déjà prête à tout :
« Et toi, petite Marie, que le Seigneur te bénisse... »
Et voilà qu’à son insu la bénédiction lui échappe et envahit l’avenir : « Tu seras la femme bénie entre toutes les femmes,
Oui - « Qu’il fasse briller sur toi son Visage ».Tu seras la femme revêtue de soleil.
« Qu’il te prenne en grâce », toi qui es déjà la comblée des grâces reçues et à répandre,
« Qu’il t’apporte la paix », à toi qui deviendras la reine de la paix. »
Et devant le prêtre, sans tout savoir, l’enfant acquiesce.
La première à être touchée aujourd’hui par notre liturgie, c’est cette Reine de la paix. En cette journée mondiale de prière pour la Paix elle nous entraîne à prier avec confiance pour que notre monde connaisse cette paix qui est le don suprême, le don de l’Esprit Saint en personne.
Le psaume chanté tout à l’heure y fait écho avec ses mots inspirés qu’il glisse dans nos cœurs ouverts. Que dit le psaume ? :
« Que Dieu nous prenne en grâce », – des mots chargés d’une immense tendresse,
« Que les nations chantent leur joie, – toutes, sans exception –
car toi, Dieu, tu gouvernes le monde avec justice » – par la paix –
« La terre a donné son fruit », son fruit de Noël.
Et j’aperçois Marie qui en ce moment, là-haut, sourit et se reconnaît, à jamais surprise – elle n’en reviendra jamais – émerveillée ;
elle se reconnaît dans notre terre maternelle qui sans bruit a enfanté son fruit, son Dieu en son propre Enfant, son fils, Jésus.
Le psaume continue comme s’il ne pouvait plus s’arrêter :
« Que Dieu nous bénisse
et que la terre entière l’adore. »
L’adore ! C’est là notre vocation ultime, notre chant, le chant des fils et des filles de la Mère sur laquelle repose en permanence l’Esprit de l’Annonciation, auquel Saint Paul apporte son robuste écho dans la deuxième lecture, en une des formules les plus envoûtantes de toute la Bible :
« Envoyé par Dieu, l’Esprit de son Fils est dans nos cœurs, et il crie vers le Père en l’appelant Abba »,
pour la plus grande joie de la Mère de Dieu et la nôtre, qui, unie au Père, reflète sur nous le Visage divin.
Mon vœu, notre vœu, en ce jour, est que ce reflet divin brille effectivement sur chacun de nous tout au long de l’année, dès aujourd’hui.
Ouvrons nos yeux ! (2012-01-01)
Messe de la nuit de NOEL 2011
Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
En cette nuit, nous fêtons la venue de Dieu parmi les hommes. Mais quelle étonnante discrétion dans la manière avec laquelle tout cela s’est déroulé !!! Dieu aurait-il pu se faire plus discret pour se révéler aux hommes ? Il y a peu, je lisais que le club de foot, le PSG, préparait avec grande pompe la venue de sa nouvelle vedette, un joueur anglais très fameux, avec défilé sur les Champs Elysées etc…à grand renfort médiatique…
Visiblement, ces manières humaines ne sont pas celles de Dieu. Ou encore même quand nous accueillons le Saint Père, on mobilise les foules sur son passage…on désire que cela se sache pour mieux lui manifester notre respect…Certainement, nous les hommes, nous aurions pensé une autre entrée dans notre monde pour notre Dieu, le Dieu de l’univers…Et Dieu, lui, comment s’y prend-t-il quand il vient à nous ? Pas de grande démonstration de puissance, mais il vient dans la faiblesse d’un enfant. Pas d’accueil prévu en grande pompe, mais Dieu est plutôt sommé de rester à la rue pour naître finalement dans une étable. Pas de médias ni de grands moyens de diffusion, seulement quelques bergers ignorants à qui des anges révèlent l’évènement pourtant inouï qui est en train de se dérouler…Oui, quand Dieu vient parmi les hommes, il choisit de le faire quasiment incognito…
Aussi quand nous faisons mémoire de son avènement dans notre monde à chaque Noël, que faisons-nous ? Voulons-nous redonner davantage d’éclat à quelque chose qui en a eu si peu ? Ou bien voulons-nous nous mettre à l’écoute et ouvrir nos yeux pour mieux entendre et voir la belle manière avec laquelle Dieu désire entrer en relation avec les hommes ?
Oui, elle est belle cette manière avec laquelle Dieu entre en relation avec l’humanité, avec chacun de nous. Elle est toute en discrétion, mais aussi toute en proximité. C’est sa manière à lui de nous manifester son amour. Rien d’extraordinaire, ni de fracassant. Un frère parmi nous aime bien répéter cette conviction : c’est dans le visible que l’invisible se donne à connaitre et à reconnaitre. Oui, notre Dieu a choisi de s’enfoncer totalement dans notre visible humain, au point de s’y confondre, en devenant un homme comme nous, Jésus. Un homme né d’une femme, qui a grandi et qui est passé par toutes les étapes de la lente maturation humaine. Dieu n’a pas triché avec le temps. Il s’est inséré dans le temps de la grande histoire dominée alors par l’empereur Auguste, mais aussi dans le temps de la petite histoire de Marie et de Joseph. Et notre Dieu a alors pris le temps de devenir un homme, de bébé à enfant, d’adolescent à adulte. Dieu n’a pas triché non plus avec l’espace. Tout homme a besoin d’un lieu où s’enraciner. Le Dieu d’Israël est né à Bethléem et sera appelé Jésus de Nazareth. Mais plus humblement encore, le Dieu infini a accepté l’espace combien limité d’une mangeoire…Notre Dieu n’a pas triché avec notre condition humaine. En Jésus, vrai Dieu et vrai homme, il est venu jusqu’à nous. Par là, il nous redit deux choses : que tout homme est digne de Dieu, et même très digne quel qu’il soit et qu’entre l’homme et Dieu il ne peut qu’y avoir un lien très profond, une vraie relation d’amitié.
Depuis ce premier avènement qui a conduit Jésus jusqu’à la mort et la résurrection, nous croyons que notre vie humaine a reçu une noblesse incomparable. Ce soir, nous voulons rendre grâce pour cette beauté de notre vie humaine renouvelée dans le Christ. Quand nous échangerons le baiser de paix dans quelques instants, pensons que mon voisin, ce frère et cette sœur ont, comme moi beaucoup de prix aux yeux du Seigneur. Quand nous recevrons le corps et le sang du Christ, accueillons avec beaucoup de reconnaissance notre Dieu qui vient nous visiter aujourd’hui encore. Il veut rendre notre vie humaine pareille à la sienne, toute transfigurée par son Esprit d’Amour.
(2011-11-25)
Immaculée Conception - Gn 3,9-15.20 ; Ep 1,3-6.11-12 ; Lc 1,26-38
Père Abbé Luc
Ce matin, je voudrais simplement dire quelques mots sur Marie, que nous fêtons aujourd’hui. L’Eglise aime honorer Marie à la fois comme l’une d’entre nous en chemin et à la fois comme sa Mère et notre Mère. En l’honorant ainsi, elle veut mettre en relief l’unique célébration du Mystère du Christ qui en elle atteint sa plénitude, sa perfection. En Marie pleine de grâce, aucune peur, aucun refus ne vient troubler l’œuvre de grâce , chantons-nous. Dans son humble acquiescement, elle se donne et se laisse conduire à l’ombre de l’Esprit.
Si elle n’a pas connu la résistance, fruit du péché, elle a mesuré et éprouvé dans sa chair de femme le prix du don total de soi à la Parole. Don total qui va transformer sa chair pour faire d’elle la Mère de Dieu, Mère virginale, Mère inépousée . Don total qui va la déplacer pour en faire peu à peu une disciple de son propre Fils, disciple qui aura aussi ses jours d’incompréhension, comme Luc ou Marc peuvent nous le laisser pressentir. Don total qui va l’unir d’une manière unique à la passion de son Fils ; là au pied de la Croix, elle entre pleinement dans la mission du Christ en recevant de lui la garde maternelle de tous les disciples.
Aux grandes étapes de la vie et de l’œuvre du Christ, Marie est là comme celle qui écoute et se reçoit de la parole. Elle est mère sans jamais cesser d’être disciple, elle est disciple au cœur de sa mission maternelle. Elle n’est pas celle qui sait ou celle qui serait supérieure. Elle est celle qui demeure à l’écoute, son cœur est rempli d’une ineffable attente .
Sa présence auprès de Jésus, sa vie durant, nous révèle combien l’humanité a été approchée par Dieu, et comment notre humanité peut se tenir proche de son Dieu. En honorant Marie, disponible et donnée pleine de grâce, nous comprenons mieux et nous accueillons mieux ce don de grâce, reçu au baptême qui veut faire de nous des fils bien-aimés du Père en Jésus.
Marie, pleine de grâce nous devance sur le chemin. Elle qui est déjà revêtue des vêtements du salut en plénitude, elle se tient maintenant auprès du Seigneur. Elle tient éveillée sa mémoire en notre faveur jusqu’à ce que tout son peuple devienne inébranlable en lui , pour reprendre les mots d’Isaïe entendus hier soir.
Oui comme des enfants, nous pouvons nous confier à sa présence et à sa prière maternelle. Elle veut nous aider à prendre part à sa joie en Jésus, son Fils.
(2011-12-08 )
B – 2011 – Avent 2° Dimanche 4 décembre 2011
Is 40, 1-5.9-11 ; 2 Pi 3, 8-14 ; Mc 1, 1-8.
Homélie de frère Matthieu
« Commencement de l’Evangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu ».
Tout commence et tout commence dans les Ecritures.
Notre texte multiplie les allusions bibliques :
Allusion au nouvel Exode, sous la conduite du nouveau Moïse, le prophète eschatologique.
Évocation, avec la figure de Jean, du Prophète Elie, qui doit venir en précurseur.
Dans le judaïsme la figure d’Elie jouait déjà un rôle important, son retour était attendu dans la nuit pascale, pour ouvrir la voie au Messie promis.
Et si vous poursuivez la lecture de l’Evangile de Marc, vous continuerez avec lui, votre parcours dans les Ecritures : allusion à Isaac avec la nomination de Jésus comme « Fils bien aimé » au baptême, allusion au paradis à la fin des tentations de Jésus au désert…
Ainsi tout montre ce commencement de l’Evangile comme aboutissement et fruit de tout un cheminement d’intelligence des Ecritures.
Remarquons-le, dans les Ecritures citées, la forme mise en avant est de l’ordre du dialogue : un « Je » parle à un « Tu », le Père parle à son Fils.
- Voici que J’envoie mon messager au devant de Toi (Is 40, 1).
- « Tu es mon Fils bien-aimé ; en Toi, j’ai mis ma complaisance » (Ps 2, 7).
Marc nous rend témoin de ce dialogue initial entre le Père et son Fils, qui est l’origine, la source de toute Bonne Nouvelle au sujet de Jésus, le seul vrai « commencement ».
Mais, dans cette invite initiale, il y a plus, si l’on peut dire : le lecteur/auditeur de l’Evangile de Dieu – nous-mêmes aujourd’hui – l’auditeur est appelé à se mettre en route et à accueillir un baptême de conversion ; en vue du pardon des péchés .
La figure de Jean, le Baptiste, prédicateur de cette conversion dernière, est au centre de ce Prologue ; c’est lui qui nous convie à préparer les chemins du Seigneur , à mettre aujourd’hui encore, à nouveau, nos pas à la suite de Celui qu’il nous montre, le Christ, Jésus, Fils de Dieu, Sauveur, par qui nous avons été baptisés dans l’Esprit Saint.
Car aujourd’hui, nous sommes déjà baptisés dans l’Esprit, car aujourd’hui, nous avons déjà entendu cet Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu. Alors, il s’agit pour nous de replonger à cette source, de revenir au « commencement ».
Revenir au commencement , c’est toujours nous remettre à l’écoute.
- Écoute et méditation des Ecritures : en ce début d’avent, nous pourrions peut-être nous engager dans la lecture continue de cet évangile de Marc que l’église va nous proposer au long de cette année, dimanche après dimanche. Notre évêque nous y invite : un livret spécial pour aider à la lecture a été fait par le diocèse, il suffit, je crois, de le demander…
Avec Marc, laissons-nous conduire dans les Ecritures en allant lire dans leur contexte les citations du Premier Testament qu’il nous propose abondamment…
- Écoute et attention au Christ Jésus, notre Sauveur dans la prière personnelle : en ce début d’avent, pourquoi ne pas prendre un temps hebdomadaire peut-être – un quart d’heure peut suffire – pour nous mettre en présence de notre Seigneur, lui demander personnellement la grâce de la conversion, le pardon de nos péchés, l’accueil de son Esprit Saint… et plus radicalement peut-être, simplement s’essayer au silence en sa présence ?
Oui, en ce « commencement », mettons-nous résolument et personnellement en route, en attente du Seigneur qui vient pour nous.
Frère Matthieu Collin
A 1996 TO 33e Dim
Prov 31, 10-13.19-20.30-31 / Ps 127 / 1 Th 5,1-6 / Mt 25, 14-30
Homélie de frère Matthieu
Jésus parlait à ses disciples de sa venue... Jésus nous parle de sa venue...
MAIS c’est surtout de l’attente de sa venue dont nous parle cette parabole des talents, c’est surtout de notre attente, de notre façon d’attendre, de ce qui doit remplir et habiter notre vie dans l’attente de la venue du Seigneur; de ce qui doit être notre vie de tous les jours dans l’attente du Seigneur et de sa venue.
Cette parabole prend la suite directe de la parabole des dix jeunes filles que nous avons entendu dimanche dernier: elle nous dit en quelque sorte ce que c’est que cette huile de nos lampes, si indispensable pour être reçus par le Maître dans la salle des noces éternelles...
Et la première chose à retenir aujourd’hui, c’est que cette huile précieuse, c’est comme les talents, un DON fait par le maître, un don qui nous est fait en fonction de nos CAPACITES, nous dit l’évangile...
Il vaut la peine de nous y arrêter un instant...
Le maître donne cinq, deux ou un talent, et nous suspectons le favoritisme et nous supputons l’inégalité, voire l’injustice...
Eh bien! non, le maître donne à chacun selon ses capacités,
ce qui nous dit bien sûr qu’il les connaît, et s’il les connaît c’est qu’il nous connaît et nous regarde avec un amour créateur... il nous donne à notre mesure parce qu’il n’attend de nous que ce que nous pouvons donner nous-mêmes...
ce qui nous dit qu’il faudrait aussi que nous nous connaissions nous-mêmes et que nous sachions, nous aussi, nous regarder avec l’amour dont nous sommes aimés: il s’agit d’être ce que nous sommes, de devenir ce que nous sommes, d’accomplir ces capacités qui sont notre être profond aux yeux de notre Dieu.
Mais revenons à notre parabole...
Le maître s’en va... et chacun réagit à sa façon...
Les deux premiers « s’occupent à faire valoir » ce qu’ils ont reçu et ils doublent leurs talents...
Le troisième « creuse la terre et enfouit l’argent de son maître ».
A son retour, le maître « demande des comptes » et c’est ici qu’il faut être attentif aux mots prononcés par chacun des trois... ou plutôt par les deux premiers, car ils disent exactement la même chose, et par le troisième. Ces mots là révèlent le fond de leur coeur...
Ecoutons les deux premiers : « Seigneur, tu m’as confié cinq talents... »
Voilà tout est dit... tu m’as confié; j’ai la claire conscience de n’être qu’un gérant, un intendant, un serviteur - et le maître va les reconnaître comme de « bons serviteurs » -, je sais que je ne suis en rien propriétaire de ce que tu m’as pourtant donné...
Ecoutons le troisième : « J’ai eu peur... voici ton talent. Tu as ce qui t’appartient. »
Voilà, je t’ai pris pour un propriétaire par ce que j’ai moi-même l’âme d’un propriétaire, au sens le plus triste de ce terme: je suis replié sur ce que je possède et ne veux surtout pas le risqué... alors, et c’est bien le pire, j’imagine que tout le monde est comme moi... même le maître et le Seigneur! et le monde est si triste, si fermé, si invivable que moi-même je ne vis que dans la peur de perdre même ce qui ne m’appartient pas...
Et ce qu’il nous faut remarquer, c’est que l’attitude des deux premiers, qui se savent seulement des gérants, les libère pour leur service... mais plus encore les configure à l’image du maître, à l’image de Dieu; car le maître, Dieu, est celui qui donne toujours tout ce qu’il a; et la fin de l’histoire le confirme, il redonne tout ce qu’il vient de recevoir, et même ce talent qu’il pourrait garder, il le donne aussi en surplus...
Et l’attitude du troisième l’enferme sur ce talent qu’il ne lui appartient même pas - et c’est bien ce qui le mine et l’enferme - qu’il aimerait tant avoir dans sa mentalité de petit propriétaire refermé sur son bien! Et ce qui est plus grave encore, c’est que tout cela, cette infirmité du coeur, le conduit à ne voir Dieu qu’à son image: comme un maître injuste et accapareur...
Et le seul remède est sans doute de lui enlever tout ce qu’il a, de le priver de tout, pour que peut-être l’extrême dénuement lui fasse quitter sa mentalité de propriétaire mesquin... mais ce serait une autre histoire...
Ne quittons pas celle-ci, sans nous demander: « en vérité quel homme, quelle femme suis-je? lequel des deux modèles donnés par la parabole correspond-t-il le mieux à ce qui fait le fond de mon coeur? ne suis-je pas encore trop propriétaire de mes dons, de mes capacités, suis-je seulement en train d’essayer de devenir un bon intendant des dons que le Seigneur ne cesse de me faire?
Car voilà bien le chemin de notre conversion:
quitter cette mentalité de « propriétaire » qui nous installe dans la peur de vivre et de donner
pour devenir simplement les intendants de Dieu, les serviteurs des autres, gérant nos biens en les donnant à notre tour, sûrs alors de les recevoir à nouveau en retour...
Oui, la vie chrétienne, la vie selon le Christ et son évangile, c’est bien de devenir comme Dieu, lui qui donne tout sans compter, jusqu’à son propre Fils, sans attendre rien d’autre que notre bon vouloir... mendiant jusqu’au bout d’un amour dont il nous laisse la liberté...
Frère Matthieu Collin
Année A - 32e dimanche ordinaire – La parabole des dix vierges –
Sg 6 12-16 ; 1 Th 4 13-18 ; Mt 25 1-13
Homélie de F.Sébastien
« Dis-moi comment tu te prépares à ta fin, et à la fin des temps, les deux vont ensemble, et tu sauras qui tu es, et en même temps tes risques et tes chances d’avenir »...
N’est-ce pas ce que saint Matthieu semble nous dire ces dimanches-ci dans les évangiles de la fin de l’année liturgique ?
Pour nous aider, il nous raconte en enfilade quatre paraboles, alternativement masculines et centrées sur le travail –, et féminines centrées sur l’amour. Pourquoi cela ? Tout simplement pour faire droit à la part de masculin et de féminin qu’il y a en toute personne humaine. Car c’est bien de nous qu’il s’agit.
Matthieu commence son quatuor par la parabole du serviteur avisé que le maître a établi sur ses domestiques pour leur donner la nourriture en temps voulu. Au travail ! Fais-le bien, tu t’en féliciteras ! Sinon, gare !
Deuxième parabole, celle de l’évangile d’aujourd’hui : féminine, centrée sur l’amour.
« Le Royaume des cieux est semblable à dix jeunes filles qui prirent leurs lampes et sortirent à la rencontre de l’Époux ». Amoureuses, évidemment, donnant figure à l’unique Épouse dont l’image se diffracte ici en dix, cent, mille, en chacune et chacun d’entre nous. En tous ceux qu’habite l’ardent désir d’aimer et d’être aimé, à la mesure sans mesure des promesses de Dieu tout au long de la Bible.
Et voilà le drame. Nous venons de l’entendre : cinq seulement entrent avec l’Époux dans la salle des noces. Les cinq autres se voient fermer la porte au nez, avec une parole de l’Époux, terrible : « Je ne vous connais pas » ; sous-entendu : « C’est que vous, vous ne m’avez jamais connu, en langage biblique, jamais aimé en vérité ». Stupeur ! Que comprendre ?
Toutes ont pareillement apporté leurs lampes, toutes se sont endormies, en tout bien tout honneur, puis se sont réveillées, toutes ont préparé leurs lampes pour aller à la rencontre de l’Époux annoncé. Alors où est la différence ?
L’évangéliste a bien précisé. Les cinq prévoyantes ont emporté une réserve d’huile dans des vases, les insensées rien. Autrement dit : les premières ont bien lu dans leur évangile, avec foi, les pages précédentes : « Le Fils de l’homme viendra… à un moment que nul ne peut connaître ». Elles ont compris que l’Époux désiré n’est pas comme les époux de la terre, mais le “Fils de l'homme”, et que la durée de l’attente de sa venue n’a rien à voir avec le temps des horloges et des calendriers : un temps imprévisible, certainement long, très long, à vivre jusqu’au bout du temps de l’attente. En réponse jaillit le cri de l’amour vrai : « C’est toi, toi seul que je veux ! Je t’attendrai aussi longtemps qu’il le faudra ! » Facile à dire ! Où est la preuve ? La preuve, elle est dans les actes, dans les moyens concrets mis en œuvre pour atteindre le but : ici, les vases avec la réserve d’huile emportée pour durer aussi longtemps qu’il le faudra… En contraste, les cinq filles insensées avaient des pensées terrestres, à la fois sur l’identité de l’Époux et sur la durée de l’attente : une lampe bien garnie suffira largement ! Le démenti fut cruel.
Troisième parabole. Retour au masculin avec le travail requis. C’est la parabole des talents confiés à des hommes qui doivent les faire fructifier et ils seront récompensés. Sinon, gare !
Quatrième parabole, féminine, centrée sur l’amour : celle du jugement dernier, universel. Elle prolonge et complète celle du jugement qui sépara en deux groupes les dix jeunes filles.
Ce sont elles que nous voyons réapparaître sous la forme féminine, inattendue, mais pourquoi pas ? des brebis et des chèvres que le jugement dernier sépare, pour des destinées opposées. Le critère n’est plus l’authenticité de l’amour pour le véritable Époux, en lui-même, tel que l’annoncent les Écritures. Mais le caractère concret de l’amour envers les petits, les démunis, les délaissés de tous les temps, qui ont crié et crient encore : « J’ai soif, j’ai faim, je suis nu… ». Ce sont ces agneaux qui avaient soif, que les cinq jeunes filles devenues brebis mères ont spontanément, amoureusement, allaité et soigné de mille manières, sans avoir réalisé qu’en eux c’était à l’Agneau de Dieu lui-même qu’elles prodiguaient leur amour : l’Agneau qui se révèle maintenant comme leur Berger, Roi et juge, l’Époux incognito déjà follement aimé ! Un éblouissement !
Concluons. Quatre paraboles entrelacées, qui tentent de nous apprendre comment peut être accompli dès maintenant, en plénitude, le double amour de Dieu et du prochain, celui qui doit finaliser chacune de nos existences, pour un bonheur éternel.
Alors, nous dit Matthieu: « Et toi, attends-tu quelqu’un ? Qui ? Penses-tu à apporter ton vase pour qu’il soit rempli de l’huile inépuisable, celle de l’amour que Dieu seul peut donner, comme à la veuve de Sarepta, pour attendre le jour où apparaîtra Celui en qui tout amour sera définitivement révélé.
TOUSSAINT 2011
Ap 7, 2-4. 9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Père Abbé Luc
« J’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues ».
Ainsi parle, frères et sœurs, saint Jean dans son apocalypse. A l’heure de la mondialisation, où les relations se resserrent entre tous les peuples, cette vision prophétique nous apporte une lumière sur notre monde en marche. Là où nous pouvons avoir peur devant l’évolution du monde que personne ne semble maitriser, la parole de Dieu nous laisse entrevoir le beau projet de Dieu qui est de rassembler tous les hommes, comme un Père de famille désire rassembler tous ses enfants. Nous savons déjà apprécier ces grands rassemblements où les nations et les peuples se retrouvent dans la paix, que ce soit pour les Jeux olympiques, ou la Coupe du monde, ou encore pour les JMJ. A travers ces moments exceptionnels, nous touchons de plus en plus la réalité de l’unité de la famille humaine ainsi que le désir qui l’habite de se retrouver tous ensemble dans la concorde… Ce désir, c’est aussi, et surtout d’abord celui de Dieu notre Père. Si récemment, on nous annonçait dans les journaux, que nous étions 7 milliards d’être humains, le rassemblement que Dieu souhaite réaliser regroupera « une foule que nul ne peut dénombrer ». Une foule non seulement de toutes races et langues, mais de toutes les époques et toutes les cultures qui ont jalonné l’histoire et le temps des hommes…Immense projet de Dieu, immense espérance aussi pour nous de pouvoir être associé à cette grande fête…
Nos lectures nous donnent encore d’autres éléments pour apprécier et mieux comprendre ce projet de Dieu. Ce rassemblement de tous les peuples se fait et se fera grâce au Christ, grâce à « son sang versé pour la multitude en rémission des péchés », comme nous en ferons mémoire dans quelques instants. Jésus le Christ est à la fois le trait d’union entre Dieu et les hommes, et le trait d’union entre tous les hommes. En Jésus, nous comprenons que l’unité entre tous les hommes ne peut-être qu’une unité en Dieu. Laissés à eux-mêmes, les hommes restent sous la loi de Babel et sous la loi de l’opposition à Dieu. En Jésus, mort et ressuscité pour nous, la réconciliation s’opère dans le même temps avec Dieu et entre les hommes. Oui, en Jésus, Dieu a voulu que nous soyons appelés ses enfants, et il a voulu que nous devenions vraiment frères les uns des autres. Même si cela ne parait pas encore clairement, nous dit St Jean dans son épitre, « nous savons que lorsque le Fils de Dieu paraitra, nous lui serons semblables parce que nous le verrons tel qu’il est ». Oui, c’est en devenant semblable à Jésus, dans son être de fils, que nous pourrons devenir vraiment un, vraiment frères les uns des autres.
Et comment lui devenir semblable ? En fait, nous ne le savons pas bien. C’est le secret de la grâce à l’œuvre dans chacune de nos vies. Mais Jésus nous a laissé son enseignement pour nous apprendre à demeurer dans une relation vivante d’amitié avec lui, et pour vivre pleinement de son Esprit. Et ce matin, entre tous ses enseignements, il nous offre la voie royale des béatitudes. Ici, il ne s’agit pas de commandements, mais plutôt d’une profonde invitation à chercher le bonheur dans la bonne direction. Car Jésus désire nous voir communier à son propre bonheur à lui. Le bonheur de la pauvreté de cœur, de la douceur, le bonheur de la miséricorde, de l’œuvre de paix, le bonheur de la quête de la justice, ou de l’annonce de l’évangile…Bonheur paradoxal car il peut s’accompagner de larmes, de persécutions et d’oppositions. Mais ce bonheur-là, nous dit Jésus, il porte en germe le bonheur du Royaume de Dieu, celui de la vie dans la lumière de Dieu. C’est le bonheur des enfants de Dieu.
Ce matin, nous voulons remercier Dieu pour son projet de rassembler tous les hommes en Jésus son Fils. Nous rendons grâce pour ce bonheur du Royaume à venir qu’il nous donne d’entrevoir déjà dans la vie des saints, mais aussi dans nos propres vies. Bonheur secret et contagieux à la fois. Bonheur dont la lumière éclaire et fortifie le cœur. Dans cette eucharistie, demandons les uns pour les autres, la grâce de croire davantage à la vérité de ce bonheur. (2011-11-01)
Année A - 31E DIM DU TO
Ml 1 14, 2 1-2, 8-10 ; 1 Th 4 13-18 ; Mt 25 1-13 ;
Homélie du F.Sébastien
Je voudrais prendre le temps de m’enfoncer avec vous dans la première lecture de ce dimanche, prise dans le livre de Malachie. Pourquoi ? Parce qu’elle nous offre l’occasion de mieux connaître notre Dieu, de mieux percevoir ce qu’il peut vivre au cours des péripéties de son histoire avec son peuple.
Malachie nous reporte aux derniers siècles de l’Ancien Testament. Le peuple est rentré d’exil, mais les désillusions s’accumulent : la nation est affaiblie, les ennemis la menacent, le temple est reconstruit mais en petit, les prêtres n’offrent qu’un service de mauvaise qualité. Ils trichent sur les offrandes. La loi n’est pas bien observée. Et Dieu en souffre, tout cela l’atteint personnellement, au point qu’en ouverture du livre, il laisse échapper un cri poignant, pour qui sait entendre, un cri de protestation : « Mais je vous ai aimés. » À quoi le peuple répond avec une insolence provocante : « En quoi nous as-tu aimés ? » Les parents qui ont attrapé en pleine figure des répliques semblables savent combien elles peuvent faire mal. Dieu est plus sensible que des parents humains. Mais loin de se décourager, il continue de ramener à lui son peuple chéri, ses enfants.
Mais ce peuple se durcit, se justifie et reprend même l’attaque : « Tu nous as aimés, mais en quoi ? » C’est la première des dramatiques joutes qui vont ponctuer tout le livre, des joutes entre des enfants rebelles et leur Père qui reste père plus que jamais. Il ne peut pas faire autrement, il est comme ça, il n’est qu’amour, ici amour blessé.
La lecture de ce dimanche relate une altercation incroyable avec les prêtres indignes de l’époque. Excusez-moi si je vais oser restituer ce que la lecture liturgique a prudemment supprimé. Pourquoi l’oser ? Bien sûr, pas pour provoquer. Mais parce que la violence verbale mise par le prophète dans la bouche de Dieu fait entrevoir quelque chose de la violence faite à Dieu et de la souffrance qu’elle lui cause. Quand on est trop blessé, les mots s’échappent. Et c’est mieux ainsi.
Je lis les reproches fulminés par Dieu contre les prêtres du temple, leur responsabilité est grande : « Vous, les prêtres, si vous ne prenez pas à cœur de me glorifier dignement, si vous continuez de m’offrir pour les sacrifices des bêtes boiteuses ou malades, j’enverrai chez vous la malédiction et je maudirai votre bénédiction... Je vais vous jeter à la figure la fiente que je ramasserai derrière les bêtes de rebut que vous m’offrez, et je vous balaierai avec elles». On pourrait gloser : Aux ordures les ordures. Ce n’est pas tout.
« Vous avez perverti mon Alliance, entre vous vous avez agi avec partialité, avec discrimination. » Autrement dit : “en ne vous traitant pas comme des frères, vous avez méprisé votre Père du Ciel”. Et le réquisitoire continue... j’abrège.
Malachie le prophète porte parole de son Dieu fait cause commune avec lui, avec sa douloureuse expérience. Aussi reprend-il personnellement la parole pour essayer à son tour de toucher ses compatriotes, pour leur faire prendre conscience de ce qu’ils font, de ce qu’ils sont et surtout de qui est leur Dieu. Leur Dieu il le leur présente par son plus beau nom, un nom qui devrait les toucher : « N’avons-nous pas tous un seul Père ? »
Un Père en qui se dévoile, à travers ses tentatives de rapprochement avec ses fils dévoyés, un grand sensible, vulnérable, comme tous ceux qui aiment envers et contre tout. Un vrai Père glorieux et douloureux. Sans défense, à portée de main de ses enfants. Il ne se retire pas, il ne pourrait pas. Il est Père.
Ici, il faudrait s’arrêter, prier, se rendre vulnérable... faire un avec Lui.
Mais non, homélie oblige, il faut continuer.
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Continuer maintenant avec Jésus qui prend le relai dans le chapitre 23 de St Matthieu entendu partiellement tout à l’heure et qu’il faudrait prendre le temps de lire intégralement. Devant les comportements dévoyés des scribes et des pharisiens Jésus apparaît tout aussi indigné que son Père au temps de Malachie. Ces autorités religieuses pervertissent les pratiques de la religion, ils fourvoient le peuple en le détournant du vrai Dieu. Insupportable ! Ce qui déclenche chez le Fils comme chez son Père de semblables violences verbales, des violences qui, à travers les torts faits à leur peuple bien aimé, les atteignent eux-mêmes. « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Vous ressemblez à des tombes blanchies à la chaux : en dehors elles ont belle apparence, mais à l’intérieur elles sont pleines d’ossements de morts, et d’impuretés de toutes sortes. 28 Et vous êtes pareils! »
Jésus se tourne alors vers ses disciples, pour qu’ils ne tombent pas dans ces travers qui pourraient les tenter, et nous de même :
« Quiconque s’élèvera sera abaissé, mais qui s’abaissera sera élevé. » Il sera élevé comme et avec Jésus. En lui il aura part à l’expérience que le Fils partage avec son Père, ce Père qui est aussi le nôtre, tantôt glorifié tantôt humilié par ses propres enfants, sans que rien ne puisse jamais le faire cesser de les aimer comme le meilleur des pères. (2011-10-30)
28e dimanche du Temps Ordinaire - Année A
13 Octobre 1996
Homélie du F.Ghislain
Un Roi célébrait les noces de son fils.
Vous n'êtes pas des rois, mais il est arrivé à certains d'entre vous de célébrer le mariage de vos enfants. Ou de célébrer, en famille et avec vos amis, votre propre mariage.
Et, de fait, il y a eu une liturgie, célébrée avec conviction, mais avec le plus de beauté possible, de la musique, de la lumière, la parole de Dieu, le Corps et le Sang du Christ. Puis il y a eu une ou plusieurs réceptions, un vin d'honneur, un repas festif, des chants et des danses. Une fête, impossible si les parents et les amis ne viennent pas, ne contribuent pas d'une manière ou de l'autre.
Mais pourquoi donc une fête? Pourquoi la célébration d'un mariage entraîne-t-elle ce déploiement, cette dépense, ces signes et ces symboles? Pourquoi est-ce à ce moment précisément du mariage qu'on se dépense ainsi avec solennité, vie, joie, richesse ... en l'honneur et pour un jeune homme et une jeune fille?
A cause d'eux certes et à cause de l'amitié qu'on leur porte, mais à cause aussi d'une sorte de perception implicite que le mariage signifie le sens ultime de la vie: il rend concret, palpable le sens de mots comme amour, bonheur, vie.
Ensuite, une fois la fête terminée, il faudra faire un apprentissage de ces réalités : apprendre à aimer, savoir donner et éduquer la vie, cultiver le bonheur, trouver le lieu de sa liberté avec, en tout cela, un mélange étonnant de renoncements profonds auxquels peut-être on ne s'attendait pas, et d'attachements... Et, de temps à autre, la fête revient qui dit le sens de ce qu'on vit, parfois difficilement. La fête fait émerger
Le Roi fait des noces pour son fils. Dieu prépare un festin pour tous les peuples. Ce qui est en question, c'est l'union nuptiale du Fils de Dieu avec chacune des créatures humaines que Dieu a faites, précisément dans cette intention de les unir à son fils, et avec tous les hommes ensemble afin qu'ils soient un en lui dans un échange heureux et définitif.
Or, selon l'Evangile, les gens ne viennent pas à cette fête. Ils ne sont pas partie prenante de la joie offerte. Ils préfèrent autre chose: il y a tellement d'autres propositions d'utilité et de bonheur plus restreints peut-être, mais sans doute plus immédiatement attractifs : le tennis, l'équitation, la danse, la musique et toutes sortes d'autres choses, culturelles ou sportives.