Homélies
Liste des Homélies
Année A - Dimanche de la Trinité - 19 Juin 2011
Ex 35 4-9; 2 Co 13 11-13; Jn 3 16-18
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Il faut bien l’avouer : il n’est pas facile de parler du mystère de la Trinité en Dieu. Et pourtant, c’est là un des articles les plus essentiels de notre foi chrétienne, de notre foi de baptisé, puisque le baptême ne se reçoit qu’au nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint.
Et puis, dans le dialogue avec les autres religions ou les autres sagesses du monde, dialogue si fortement engagé en notre temps, la foi en la Trinité, inséparable de celle en l’Incarnation de Dieu en Jésus-Christ est ce qui nous différencie et nous identifie d’une manière radicale et incontournable, en tant que chrétiens.
Il faut donc prendre le temps de s’arrêter pour approfondir cette réalité que nous confessons chaque dimanche dans le Credo de l’Eglise, et pour cela, la liturgie et les textes proposés en ce jour peuvent et doivent nous y aider.
La 1ère lecture, tirée de l’Ancien Testament dans le livre de l’Exode nous apprend que Dieu a un Nom. Il prend soin de le révéler lui-même à ceux qu’Il choisit : à Moïse en particulier, et à travers lui, à tout un peuple élu. Dieu a l’initiative d’un dialogue, d’une Alliance avec les hommes. Le christianisme s’inscrit ainsi dans la foi juive en un Dieu personnel, qui n’est pas anonyme ; et ce Nom de Dieu est qualifié : « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité ». Il n’a rien d’une réalité lointaine, terrifiante ou indifférente, insensible. Au contraire, le Dieu de la Bible accepte de marcher au milieu de son peuple, à la demande de Moïse. Il s’engage : « Moi, Je serai avec vous Celui qui est »
En réponse à cet engagement, le croyant est invité à partager ces mêmes sentiments :
« on t’a fait savoir, homme ce que le Seigneur attend de toi : rien d’autre qu’aimer la justice, pratiquer la miséricorde, et marcher humblement avec ton Dieu ».
Tout au long de cette 1ère Alliance, les qualifications du Nom de Dieu vont se préciser, s’affiner. Les Prophètes lui accorderont les sentiments d’un Père, d’une Mère, d’un Epoux, d’un Ami
Mais c’est avec l’Evangile qu’une nouvelle révélation de ce Nom de Dieu advient : une révélation plus décisive encore dans la connaissance du Mystère de Dieu.
« Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières parlé autrefois aux pères dans les Prophètes, Dieu, en ces temps qui sont les derniers, nous a parlé à nous, en un Fils, qu’il a établi héritier de tout, par qui aussi il a créé les mondes »
Et Saint Jean dans l’Evangile que nous avons entendu nous donne la raison de nouvelle manifestation : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils Unique ; ainsi, tout homme qui croit en Lui ne périra pas, mais il obtiendra la Vie Eternelle »
Le Dieu plein d’amour et de fidélité, révélé à Moïse et déjà si proche des hommes vient lui-même partager la condition des hommes. Il se fait encore plus proche : Emmanuel, Dieu avec nous. Dieu Sauveur en Jésus, Christ et Seigneur. Un Dieu qui se fait homme depuis sa naissance à Bethléem, engendré, non pas créé, d’une femme, Marie, jusqu’à sa mort sur la Croix, par amour pour nous, en toute grâce, en rémission de nos péchés.
Les disciples de ce Jésus, les chrétiens que nous sommes, sont appelés à reconnaître désormais en Dieu, le grand mystère d’une relation entre 2 personnes : un Père et un Fils, unis de toute éternité, dans un parfait amour qu’ils veulent nous faire partager.
Alors un dernier pas dans la Révélation de ce mystère divin est accompli avec la communication intime de ce don d’amour à tout homme qui croit. C’est la communion de l’Esprit. Dieu est Esprit Saint, personne à part entière, distincte du Père et du Fils, de même nature qu’eux, dont il procède. Cet Esprit est Seigneur et Il donne la vie. C’est lui qui a parlé par les Prophètes.
Saint Paul peut ainsi résumer dans un seul verset de la seconde lecture : l’amour de Dieu le Père, la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ et la communion de l’Esprit soit toujours avec nous. Dieu est donc relation, relation de personnes, dans une parfaite égalité et unité de nature. Les théologiens avec leurs concepts, les artistes avec leurs pinceaux (on pense bien sûr à la célèbre icône de Roublev) ont cherché à exprimer ce mystère de relation entre les 3 personnes divines. Ils n’ont pu et ne pourront jamais l’épuiser totalement.
Et dans la liturgie, c’est au moyen des doxologies, des hymnes et des antiennes que nous unissons nos voix à celles des anges et des saints. C’est sans doute encore la manière qui convient le mieux pour le célébrer. Aussi en terminant, je reprendrai l’antienne du Magnificat de ce jour de fête, que nous chantons aux Vêpres :
« Mystère du Dieu Vivant et de son Amour pour les hommes, le Très-Haut nous envoie son Fils, et se révèle notre Père. Le Christ exalté dans la Gloire nous donne son Esprit, en qui nous te louons, Dieu qui es, qui étais, et qui viens ! » AMEN (2011-06-19)
Année A - 4e dimanche de Pâques
Ac 2 14, 36-41 ; 1 P 2 20-25 ; Jn 10 1-10
Homélie du F.Sébastien
Ce dimanche pourrait s’appeler le dimanche des trois appels, une trilogie de chances,
une par lecture.
Avec la première lecture nous sommes au jour de la Pentecôte. La Colombe de l’Esprit Saint vient de faire son nid au fond des cœurs bien disposés.
Saint Pierre saisit l’occasion. Il lance son premier appel, en réalité celui de la Colombe qui, par la voix de l’apôtre, éveille en nous son poussin : « Convertissez-vous... », – c'est-à-dire “changez de maître” – « et faites vous baptiser au nom de Jésus Christ pour le pardon de vos péchés ; – le pardon qui va vous délier de vos liens, ouf ! – « vous recevrez alors le don du Saint Esprit » – l’Esprit qui apporte la grande vie, celle de Dieu en l’homme». C’est le temps de naître, de commencer, la chance offerte, à saisir.
Deuxième lecture, deuxième appel, du même saint Pierre.
Il ne s’agit plus de commencer mais de continuer, ce qui est plus important. Pierre, qui s’y connaissait, veut nous aider à traverser les inévitables souffrances de la vie, en particulier celles qu’il évoque clairement, les épreuves qui peuvent survenir du fait qu’on est disciples de Jésus.
Il s’écrie : « Si l’on vous fait souffrir alors que vous avez bien agi, vous rendrez hommage à Dieu en tenant bon.
C’est bien à cela que vous êtes appelés... à l’exemple de Jésus Christ ... Insulté, il n’insultait pas, accablé de souffrances, il ne menaçait pas, mais il confiait sa cause à Celui qui juge avec justice ».
Suivre l’exemple de Jésus ? Ce n’est pas l’imiter de l’extérieur. C’est lui demander de venir en nous, pour nous donner de vivre en lui, et comme lui, nos épreuves et même nos détresses. Une évangélisation de la souffrance.
Est-ce bien réaliste ?
En guise de réponse, voici un témoignage. Celui d’un évêque de l’église anglicane, en Iran, un certain Hassan Dehqani-Tafti, avec son épouse. C’était il y a vingt ou trente ans, dans des circonstances qui se laissent deviner. Voici la prière qu’ils firent tous deux.
«Ô Seigneur, nous nous rappelons notre fils,
mais aussi ses meurtriers.
Non parce qu’ils l’ont tué dans sa jeunesse à peine éclose,
ou parce qu’ils ont fait saigner notre cœur et pleurer nos yeux,
non parce que leur acte de barbarie a couvert d’infamie notre pays aux yeux des autres nations :
non parce que leur crime nous a appris à te suivre dans la voie du sacrifice,
mais parce que le feu terrible de cette calamité brûle en nous tout égoïsme...
Ô Dieu, le sang de notre fils a fait croître en nos âmes les racines de l’Esprit.
Alors, quand ses assassins se présenteront devant toi au jour du jugement,
n’oublie pas qu’ils ont enrichi nos vies,
et pardonne-leur ».
Une prière sous les ailes de la Colombe.
Pourrait-t-on prier ainsi sans avoir entendu, comme dans l’Évangile proclamé tout à l’heure, le troisième appel,
celui que Jésus lance à chacune de ses brebis pour qu’elles le suivent jusque dans sa traversée du mystère pascal ?
Oui, mais par où traverser? Jésus nous le dit au creux de l’oreille : « JE SUIS la porte », je suis la brèche. Je viens vous prendre par la main pour vous faire passer de la mort à la vie ».
Ce « JE SUIS, divin » suscite un “TU ES, humain”, le nôtre. La brebis se sent alors regardée, choisie, connue jusqu’à l’intime, appelée par son nom pour une vocation qui la dépasse : celle de se faire “porte pour les autres”, avec le Christ et en lui.
Nous sommes appelés à devenir, chacun à sa manière,
des bergers, des passeurs qui ouvrent les grilles des cimetières, qui font traverser les torrents en furie, qui font sortir, pour faire entrer...
Bref, en ce dimanche, nous est lancé en pleine face un joyeux appel à nous ouvrir tout grand, à deux battants, pour accueillir le Christ porte et portier, pour accueillir avec lui nos frères et nos sœurs, sans trier, sans juger, comme lui-même le fait dans l’évangile,
un évangile qu’il nous appartient de continuer dans le quotidien de nos porte à porte. (2011-05-15)
Année A – Pâques 2° Dimanche – 1 mai 2011
Ac 2 42-47 ; 1 P 1 3-9 ; Jn 20 19-31
Homélie du F.Servan
Quelle que soit l'année, A B ou C, le deuxième dimanche de Pâques, nous entendons toujours ce même évangile. Si bien qu'on l'a appelé ("Le dimanche de Thomas ». On l’appelait encore « in albis », car les baptisés de la nuit pascal y portaient une dernière fois le vêtement blanc, signe de leur nouvelle naissance dans le Christ. Depuis peu, sous l'impulsion de Jean Paul II (honoré en ce jour comme bon serviteur du Christ et de l'évangile) on l'appelle aussi : « dimanche de la miséricorde ». « Dieu riche en miséricorde », c'était en 1980 la première lettre encyclique du pape Jean Paul II.
(Certains ne sont peut-être pas très friands de ces étiquettes, collées comme des post-it sur l'essentiel, le Dimanche (Le premier jour de la semaine, huitième jour plus tard et ainsi de suite) le Jour où le Seigneur, le Ressuscité se tient au milieu de ceux qui se rassemblent en son Nom pour les instruire et leur partager sa vie.
« Et il était là au milieu d'eux »- « Et il est là au milieu de nous ».
Mais ne faisons pas la fine bouche quand on nous parle de Miséricorde, du Cœur de notre Dieu (cela importe à chacun de nous et à toute l'humanité). Nous avons entendu la Lettre de Pierre (la deuxième lecture) nous le redire: « Béni soit Dieu le Père de Jésus Christ, notre Seigneur : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître grâce à la Résurrection de Jésus Christ pour une vivante espérance ». Et si l'évangile par trois fois a mentionné « les mains et le côté transpercés », c'est que ces saintes plaies, ces cicatrices éternelles sont le signe et la source de la Miséricorde grande ouverte, toujours offerte, celle de l'AGNEAU DE Dieu qui enlève le péché du monde : « Il leur montra ses mains et son côté - Vois mes mains et mon côté » !
La lecture des Actes ne nous montrait-elle pas la première communauté chrétienne non seulement comme lieu de prière fervente mais aussi comme lieu d'exercice de la communion fraternelle, du partage et de l'entraide, bref de la miséricorde ! à faire rayonner bientôt parmi tous les hommes !
Je reviens maintenant sur quelques mots ou expressions privilégiés de cet évangile ....
« Il leur dit : La Paix soit avec vous » ! - de nouveau « La Paix soit avec vous – huit jours plus tard: « La Paix soit avec vous » ! Dépassant la salutation ordinaire, le Schalom familier au peuple juif (ou, si vous préférez, l'accomplissant en plénitude) il s'agit ici du don messianique celui promis par Jésus au cours du dernier repas: « C'est la Paix, la mienne, que je vous donne », non pas à la manière du monde, la paix profonde fruit de l'Esprit, qui grandit dans nos cœurs, au long de notre vie. A noter ici que dans la liturgie catholique, c'est le propre de l'Evêque de reprendre cette salutation au début de la messe, comme pour nous rattacher à la communauté apostolique des origines, nous brancher sur l'élan vital jailli de la nuit de Pâques.
Et le don de se multiplier en abondance: « Je vous envoie – Il répandit sur eux son
souffle - Recevez l'Esprit Saint -la rémission des péchés » !
Recevant l'Esprit pour communier à la mission de Jésus, à son annonce de la bonne nouvelle: la communauté des disciples est le lieu où l'humanité (tout homme) commence à se refaire une santé spirituelle, germe d'une nouvelle création (« tu envoies ton souffle, ils sont créés ») !
Et n'est-il pas important de remarquer comment la « rémission des péchés » est
toujours à replacer dans ce contexte plus large et plus dynamique de l'Envoi, de l'annonce et du don de la bonne nouvelle, de la Paix, de la création nouvelle, de l'élan de l'Esprit : il s’agit d’enlever, de purifier ce qui fait obstacle à l'élan de la vie, pur qu’elle circule mieux en abondance.
Pour en venir à Thomas, huit jours plus tard, dont le surnom « Didyme » pourrait ne pas tant signifier « Jumeau » que « double » ou « dédoublé » : (celui qui doute-celui qui croit) - c'est donc bien notre saint patron et notre frère ! - Il n'est pas précisé qu'il ait
effectivement touché les plaies, mais à coup sûr il a été touché ! Et à partir de sa vision de Jésus le crucifié, il fait un bond de géant : de la vision à la confession de foi: « Il a vu
l'homme, il a confessé Dieu (Augustin) ».
Et, avec plus d'un aujourd'hui, ne peut-on pas suggérer que les mots de « SEIGNEUR
et de DIEU », de par leur rencontre et leur association avec les plaies d'un homme, prennent un sens profondément renouvelé !
Pensons à la méditation des saintes plaies par tant de mystiques et de fidèles au long
des siècles, sans oublier le meilleur de la dévotion au Cœur du Christ!
Bien sûr, méditation n'est pas vision!
« Heureux ceux qui croient sans avoir vu » Non pas saut dans le grand vide d'une crédulité aveugle, faut-il préciser, mais en ouvrant nos expériences et nos attentes de vie humaine (ce que nous observons en nous, à l'intime, et autour de nous) en les ouvrant à la parole et au témoignage de ceux qui ont dit « Nous avons vu le Seigneur » et qui, ainsi qu'il est dit en finale de notre texte, ont rapporté dans ce livre (et dans les autres livres du Nouveau Testament) les signes et les paroles de Jésus, le Christ le Fils de Dieu.
« Je prie pour ceux qui grâce à leur parole croiront en moi »(Jn 17,20) cf Rom 10,17
pour recevoir la vie en abondance. (2011-05-01)
Année A - 17° Dim du Tps Ord - Profession solennelle du F.Jean-Paul Albertini
Tb 12 6-7,17-18; Ps 39; Eph 2 19-22; Jn 21 15-19
Homélie du Père Abbé Luc
En ce jour de profession, f. Jean Paul vit une étape importante de sa vie humaine et
chrétienne. Pour en mesurer toute la portée, il nous faut nous arrêter sur ces textes choisis par
notre frère. Je le ferai en prenant trois mots, qui nous serviront de clefs pour entrer plus
profondément dans cette célébration. Voici ces trois mots: aimer, construire, chanter. ..
Aimer... Est-il incongru de parler d'amour en ce jour où se scelle une profession religieuse
par laquelle un homme renonce à jamais à la joie et à la beauté de l'amour conjugal ? Non, il faut
même insister pour dire que lorsque l'on fait profession, on ne s'engage pas à renoncer à aimer.
Au contraire. Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? demande Jésus à celui qui vient de le
renier. .. La question est insistante, voire dérangeante.
Que fait Jésus ici ?
Est-il en train de vouloir à tout prix se concilier l'amitié de son disciple ?
Veut-il faire une sorte de pression affective sur son ami ? Ou bien s'agit-il de tout autre chose ?
M'aimes-tu ? , Cette question ramène Pierre au lieu du cœur, lieu qu'il avait déserté par sa triple trahison. Elle le ramène au lieu du cœur pour l'ouvrir à une autre dimension de l'amour : Sois le pasteur de mes brebis . Loin d'attirer Pierre à Lui, Jésus est en train de lui apprendre sa propre manière d'aimer qui est d'aimer tout homme.
Aimer Jésus vraiment et totalement va engager Pierre sur les voies d'un amour toujours plus large de tout homme. M'aimes-tu ? : c'est cette question que chaque religieux a entendu un jour d'une manière ou d'une autre. Profonde question qui vient ouvrir très grand en nous, le désir de nous attacher au Christ sans retard et sans partage.
Dans quelques instants, la première question posée à f. Jean-Paul viendra vérifier si telle est bien sa motivation profonde : Fils de Dieu, veux-tu donner ta vie par amour du Christ, et en communion avec tes frères dans ce monastère ? .
On ne peut s'engager dans notre vie monastique, si nous n'avons pas reconnu cet Amour du Christ pour nous qui suscite en retour notre propre Amour pour Lui, et pour les frères de la communauté, ainsi que pour tout homme.
M'aimes-tu ? F. Jean Paul, cette question n'est pas seulement une question du passé. Le Christ te la poses aujourd'hui, et te la poseras demain encore pour t'entrainer toujours plus loin sur la voie de l'amour. Elle est là comme un aiguillon. Par-là, le Christ ne cesse de te renouveler son amour et sa confiance. En t'engageant à ne rien préférer à l'amour du Christ, tu deviens un témoin de son amour pour tes frères , et pour tout homme que tu rencontreras. Ne cesse pas de laisser résonner cette question dans le secret de la prière, dans
l'écoute et l'étude de la Parole, dans la présence très quotidienne aux frères, dans les bons et les
mauvais jours, dans l'abondance et la pauvreté, dans la souffrance et la joie .
Construire ... Construire une maison, ne se fait pas n'importe comment. Il y a des règles, des méthodes et des procédés précis. Il y a une multitude de matériaux à rassembler et à assembler pour que s'élève peu à peu l'édifice. Ainsi en va-t-il de l'Eglise comme le suggère si bien St Paul dans la lettre aux Ephésiens : Vous êtes citoyens du peuple saint, membres de la famille de Dieu, car vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les apôtres et les
prophètes .
La venue du Nonce, hier, nous a rendu plus sensible notre appartenance à cette grande maison qu'est l'Eglise, fondée sur les apôtres, sur Pierre, ainsi que la présence de Mgr
Patenôtre ce matin avec nous. C'est dans cette grande construction que s'insère notre communauté pour vivre de la vie du Christ et devenir un temple saint dans le Seigneur . Et ce matin, c'est dans la petite construction de notre communauté que tu viens t'adjoindre, f. Jean-Paul. Comme
une pierre dans l'édifice, tu viens prendre place et sceller l'alliance. Dans un édifice de pierres, une fois le béton et le ciment pris, normalement l'ensemble garde sa cohésion et ne bouge pas trop.
Dans un édifice de pierres vivantes, comme peut l'être une communauté monastique, il en va tout autrement. La pierre vivante que chacun de nous est ne cesse de devenir et du coup de devoir s'ajuster aux autres, et les autres à elles. Il peut même y avoir des frottements, des blocages parfois. Faire communauté, construire l'édifice pour ensemble devenir le Temple de l'Esprit, demande beaucoup de travail à chacun, travail sur soi-même, travail sur sa manière de voir et de
vivre les choses. C'est le sens des vœux que tu prononceras dans quelques instants.
En faisant vœu d'obéissance, de conversion de tes mœurs, et de stabilité, tu exprimes ton désir de demeurer une pierre vivante, toujours en travail d'ajustement et d'affinement.
Par les vœux, tu manifestes ta volonté de prendre pleinement ta part dans la communauté, en respectant les règles de sa
construction, que sont la Règle de St Benoit et les Constitutions de la Congrégation de Subiaco.
F. Jean-Paul, prends ta part généreusement et joyeusement dans la construction de la communauté, sans t'effrayer ni te décourager devant les difficultés de relation qui ne manqueront pas.
St Paul nous laisse cette affirmation comme une promesse: En lui, vous êtes, vous aussi des éléments de la construction, pour devenir par l'Esprit Saint, la demeure de Dieu . Oui, avec toi, ensemble, nous voudrions que notre monastère soit vraiment la maison de Dieu, comme St Benoît aime le
désigner.
Chanter. L'ange Raphaël qui a accompagné Tobie et son père les invite à bénir et à chanter Dieu pour tous ses bienfaits. Faites connaitre à tous les hommes les actions de Dieu comme
elles le méritent. Ne soyez pas lents à le célébrer ! .
Ces paroles de l'Ecriture ne sont pas sans rappeler plusieurs passages de la Règle où Benoît invite le moine à se hâter pour quitter son lit ou ses activités afin d'aller chanter l'office, car il ne doit rien préférer à l’œuvre de Dieu. La première
part de notre vie monastique est là : dans la présence à Dieu pour le chanter au rythme des heures du jour et de la nuit, pour le célébrer aussi dans l'eucharistie. Chanter Dieu et le célébrer pour toutes ses merveilles, celle du don de la vie, et celle plus grande encore du don de son Fils, mort et ressuscité pour nous, comme nous en ferons mémoire dans quelques instants.
Chanter Dieu avec toute l'Eglise parce qu'il est Dieu et parce que là s'exprime le secret bonheur de l'homme de pouvoir se tourner vers Lui, comme nous le ferons lorsque nous serons devant sa face.
Dans un chœur monastique, toutes les voix sont importantes. Chacun apporte sa part unique à l'ensemble.
F. Jean-Paul, tu aimes chanter, tu aimes la musique. Tu apportes ainsi ta contribution à notre chant. La qualité et la beauté de la liturgie nous aident à unir nos cœurs pour entrer plus avant dans le mystère de notre Dieu, avec tous les hommes. Oui, notre prière et notre chant, à travers
l'Eglise, nous unit à la quête mystérieuse de tout homme. Quête qui ne sait pas toujours trouver les mots, qui ne sait pas bien vers qui crier sa souffrance ou dire son bonheur. C'est uni à tous, f. Jean-Paul, qu'avec nous tu vas apprendre à chanter jour et nuit, pour porter vers Dieu la vie des hommes.
Aimer, construire, chanter, voilà quelques balises pour repérer le chemin qui s'ouvre devant le f. Jean-Paul. Ensemble, prions pour lui, et avec lui unissons-nous par l'offrande de nos vies, à l'offrande du Christ.
(2011-07-24)
VENDREDI SAINT
Is 52,13 - 53,12 ; He 4, 14-16 ; 5, 7-9 ; Jn 18,1 - 19,42
Homélie du Père Abbé Luc
Ce matin à l'office, nous chantions dans une hymne: « Pour embrasser toutes les
races, dans sa bénédiction de feu, Jésus étendit les bras: le monde est attiré au centre du
foyer où l'on peut voir brûler le cœur de Dieu ». Et comme en écho, nous entendions la
réplique d'un musulman soufi, parlant de la croix de Jésus avec Christian de Chergé : «quand
j'étends les bras, c'est pour embrasser, c'est pour aimer» ...
C'est de cet amour brûlant dont nous voulons faire mémoire, ce soir, frères et sœurs.
Sur la croix hideuse, Jésus a dessiné avec ces deux bras, une autre croix qui embrasse le
monde et voudrait le rassembler tout entier sans perdre un seul de ses enfants. Aucun être n'est
exclu de la bonté du Père. C'est la certitude de notre foi quand elle regarde la croix. Dans
quelques instants, nous pourrons vénérer avec respect cette croix, parce que Jésus, élevé de
terre, en a fait le lieu de rassemblement des enfants de Dieu dispersés. Là, il a brisé les
frontières qu'érigent les hommes. Là s'écroule le mur de haine qui les sépare. Au pied de ce
bois de malédiction, s'offre à tous la bénédiction de feu du Christ mort et ressuscité. C'est la
raison pour laquelle l'Eglise en ce jour voudrait n'oublier personne dans sa prière. Elle
présente toutes les intentions des hommes à la bénédiction de feu du Christ. Tous ont place
dans le cœur de Dieu.
Que cette célébration de la Croix nous réconforte, frères et sœurs, sur notre chemin
parfois peineux. Au cœur de nos lieux d'épreuve et de souffrance, le Christ nous rejoint et
nous donne sa vie nouvelle. Acceptons aussi frères et sœurs, d'être dérangés par la croix du
Christ. La croix qu'il a dessinée avec ses bras sera toujours une croix qui nous bouscule. Car
elle élargit notre regard et notre cœur. Si elle est notre fierté, notre signe d'identité chrétienne,
elle ne le sera jamais pour exclure l'autre. La croix du Christ ouvre une brèche sur nos
frontières, nos limites, nos protections à l'égard des autres. Cette brèche ne se refermera
jamais.
JEUDI SAINT
Ex 12, 1-8.11-14; 1 Co 11,23-26; Jn 13, 1-15-
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et Sœurs,
Elle est belle et étonnante, la page d'évangile que nous venons d'entendre, en ce soir
où nous faisons mémoire du dernier repas de Jésus avec ses disciples. Etonnante, car elle se
présente à nous, à la fois très solennelle et très familière. Solennelle par le ton et la hauteur de
vue qu'elle nous invite à prendre: «Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde les
aima jusqu'au bout ... sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu'il est venu de Dieu
et qu'il retourne à Dieu» ... Le cadre est posé. En cet instant, c'est toute la mission de Jésus
qui est comme récapitulée, concentrée ... Mais cette page est aussi très familière en nous
donnant à voir Jésus qui accomplit une tâche si quotidienne, quand il lave les pieds de ses
disciples. Le contraste entre les deux registres solennel et familier est saisissant. On aurait
attendu après la solennité du début, une action d'éclat ou une grande déclaration. Rien de tout
, cela, Jésus se met à laver les pieds des disciples. Avec ce contraste, nous sommes au cœur du
mystère de la Pâque de Jésus. Essayons de mieux le comprendre, en contemplant les mains de
Jésus à l'œuvre ...
En ce soir, Jean affirme que Jésus sait que« le Père a tout remis entre ses mains ». Et
Jésus, avec ses mains, va lentement laver et essuyer les pieds de ses disciples. Le Père a tout
remis entre ses mains. Cette expression en d'autres passages de l'évangile laisse entendre que
tout le dessein du salut, initié en faveur du peuple d'Israël, est désormais confié à Jésus. C'est
lui qui, ici et maintenant, en porte la responsabilité: il est le Fils aimé du Père qui reçoit de lui
l'Esprit sans compter, pour dire les paroles de Dieu (Jn 3,35) ; il est le bon pasteur dont la
sollicitude pour toutes ses brebis est telle que personne ne peut les arracher de sa main (Jn 10,
28). Mains du Fils qui reçoivent tout du Père, mains du pasteur qui soignent les brebis pour
leur donner la vie éternelle.. .et ce soir, mains du serviteur qui lavent et essuient les pieds des
disciples.
.
En aucun autre passage de l'évangile, nous voyons Jésus s'engager aussi physiquement
dans une action concrète. Lui, le charpentier avait laissé ses activités manuelles pour devenir
un prédicateur, un maitre itinérant. .. Il avait bien fait une fois de la boue avec sa salive pour
ouvrir les yeux de l'aveugle-né. Mais ce soir, il est tout entier donné, à genoux aux pieds de
ses disciples. Et il les lave ... Les disciples ne comprennent pas ... « Tu comprendras plus
tard» : lance Jésus à Pierre. Et l'explication sur l'exemple,' donnée par Jésus en fin.de récit,
n'épuise pas toute la portée du geste ... Il y a quelque chose à comprendre plus tard. Plus tard,
quand les mains de Jésus seront crucifiées, percées sur le bois. Plus tard quand là sur. la croix,
totalement impuissantes ses mains engageront l'ultime action, leur ultime travail. Liées sur le
bois, elles vont délier le nœud très profond du mal et du péché dont la main humaine se rend si
souvent coupable. L'énigmatique geste du lavement des pieds s'éclairera alors peu à peu. Les
mains attachées à la Croix signeront le don total du corps de Jésus; et ses 'mains percées qui
laissent couler le sang laveront définitivement l'homme de tout mal ... Oui, les mains qui
lavent les pieds des disciples expriment le même mystère que les mains qui offrent le pain et le
vin. «Ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous ». C'est le
mystère de l'ultime remise de soi. Jésus, à qui le Père avait tout remis, se remet à son tour
totalement au Père pout porter à son achèvement l'œuvre de salut du monde ... En nous lavant,
en s'offrant pour nous jusque dans la mort, il nous purifie et il nous donne la vie ...
Dans quelques instants, nous a1lons recevoir dans nos mains (ce Corps où rien ne peut cacher le cœur du Père », pour reprendre une hymne que nous chantons en Carême. Nos
mains humaines sont appelées à former « comme un trône» pour accueillir notre Seigneur,
selon la belle expression de St Cyrille de Jérusalem. Le Fils nous donne tout en se-donnant lui-
même. Il se remet entre nos mains. Mains humaines, mains de pécheurs pardonnés et mains sauvés pour participer à la construction du Royaume que le Christ poursuit à travers son Eglise.
Apprenons ce soir de Jésus, à vivre le don de nous-mêmes comme lui-même l’a vécu. Laissons-le nous entrainer à sa suite sur son chemin de mort et de résurrection.
Année A - 5° dimanche de Carême - LA RÉSURRECTION DE LAZARE
Ez 37 12-14 ; Rm 8 8-11 ; Jean 11 1-45
Homélie du F.Sébastien
Le père Philippe Maillard que vous connaissez peut-être, nous racontait un jour qu’au début de son ministère d’aumônier de prison, lorsqu’il visitait un détenu accablé par une condamnation très lourde, il essayait de le consoler. Vingt ans plus tard, il lui passait un savon,
: « ce n’est pas parce que tu as fait des âneries, que tu vas rester couché ! Non ! Debout ! Il s’agit maintenant de devenir un homme. Si tu veux, je suis là pour t’aider ».
C’est ce qui s’appelle : aider quelqu’un à ressusciter. C’est, plus ou moins, notre tâche à tous. C’est ce que veut nous apprendre l’évangile d’aujourd’hui. Voyons cela.
A l’arrière plan, l’immense amour du Père, de notre Père. Jésus nous a déjà beaucoup parlé de lui. C’est lui qui nous a donné la vie, c’est lui qui nous a envoyé son Fils, c’est en lui qu’il veut nous arracher à nos morts, nous faire sortir de nos tombeaux d’aujourd’hui et de demain. Nos tombeaux, vous le savez, sont de toute sorte… Mais finalement ils se ramènent tous à trois types essentiels.
Le premier tombeau, c’est celui de la peur de la mort, celui où sont enfermés les disciples de Jésus au début du récit, lorsque nous les voyons morts de peur. Et qui d’entre nous n’a jamais connu, plus ou moins cela ? La peur étreint les disciples à l’idée que Jésus, leur maître, leur sécurité, leur avenir, va se jeter dans la gueule du loup s’il cherche à rejoindre Marthe et Marie. Là bas ses ennemis mortels le guettent, et son sort est réglé d’avance… Les disciples se mettent donc en travers de sa route : « Rabbi, tout récemment les juifs de Jérusalem cherchaient à te lapider, et tu retournes là bas. C’est de la folie ! » Oui, Jésus est fou, fou d’amour pour Marthe, pour Marie, pour Lazare, pour nous tous, et c’est pourquoi il domine sa peur. « N’ayez pas peur, je vais aller le réveiller. Entendant cette voix qui balaie les objections, Thomas, est comme réveillé, il sort du tombeau de sa propre peur, puis, immédiatement aide ses compagnons à sortir du leur, par ces mots courageux, entraînants : « Allons nous aussi, pour mourir avec lui ». Debout les morts ! Et tous partent avec Jésus. C’est la première résurrection, celle des futurs apôtres, qui commencent à entrer dans la mystère pascal de leur Maître.
Le deuxième tombeau, ce n’est plus la peur de la mort, mais la troublante fascination de la mort. Une fois la mort survenue, la difficulté à s’en détacher pour repartir vers la vie. C’est le tombeau où Marthe et Marie sont enfermées avec leur frère mort sur le cœur, ce cadavre dont elles ne savent pas quoi faire, puisque c’est trop tard : si Jésus avait été présent, il aurait pu guérir le malade – on le croit, elles le disent – mais de là à ressusciter maintenant celui qui est mort et enseveli ! Impensable, impensé. Depuis quatre jours la maison des deux sœurs n’est plus qu’un catafalque tendu de noir refermé sur les trois membres de la famille. Pas seulement sur eux trois, mais aussi sur la foule des juifs accourus de Jérusalem pour consoler Marthe et Marie, autrement dit, pour se désoler avec elles, comme elles, dans le même tombeau. La mort tient ses captifs.
Tout est prêt pour l’intervention de Jésus. « L’heure est venue » où, pour la seconde fois dans ce récit, « des morts vont entendre la voix du Fils de Dieu, où tous ceux qui sont dans les tombeaux sortiront...(5, 25-29).
Cette voix, c’est l’appel de Jésus murmuré tout bas par Marthe à l’oreille de Marie : « Le Maître est là et il t’appelle ». A la voix de Jésus, Marie passe soudain de son deuil sans issue à une nouvelle vie. Elle s’élance hors de la maison funéraire, et entraîne à sa suite la foule des juifs qu’elle amène, sans l’avoir cherché, à Jésus. Elle se jette à ses pieds. Jésus voit ses larmes, les larmes aussi des juifs. Tout cet amour déclenche le sien et fait couler ses propres larmes… et sans doute, encore plus, celles du Père qui est au ciel. Le Sauveur ne s’appartient plus, il faut y aller même si la mort le guette dans cette affaire ; et il le sait parfaitement. « Où l’avez-vous mis ? » C’est gagné, il y va, et toute la foule avec lui…
Et tout le monde se rassemble devant le troisième tombeau, bien matériel, bien concret celui-là, fermé par une pierre, le tombeau où gît le cadavre de Lazare. La troisième résurrection s’annonce, imminente…
Pas sans que Jésus se soit d’abord tourné vers son Père qui l’a envoyé et qui le suit des yeux du haut du ciel, vers son Père qui l’exauce toujours, vers son Père qui a la vie en lui-même et qui a donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même. Moment prodigieux où l’on voit, pour ainsi dire, la terre et le ciel agissant de concert.
L’heure est venue, celle de Jésus, celle du Père. Alors retentit pour la troisième fois la voix du Fils de l’homme : « Lazare viens dehors ! » Le mort sort, les pieds et les mains liés de bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire : Lazare, revenu à la vie, mais encore tout lié. Pourquoi ce détail ? Mais parce que nous devons apprendre qu’il n’est de libération que par la médiation de notre entourage humain, continuant l’action propre de Dieu. Jésus, lui, n’aura besoin de personne, les linges étant restés dans son tombeau.
L’entourage, ce fut d’abord Thomas, déliant les autres disciples des liens de leurs peurs. C’est ensuite Marie déliant les juifs de leur compassion sans issue et finalement mortifère. C’est enfin la communauté, toute communauté, entourant le frère retrouvé, la sœur revenue à la vie, l’aidant à faire tomber ses liens, à reprendre sa place, à retrouver son autonomie, obéissant à Jésus : « Déliez-le et laissez-le aller ! Laissez-la aller ».
Que nous reste-t-il à faire ?
Peut-être reprendre notre évangile, regarder Jésus et l’écouter, aimer nos Lazare frères ou sœurs, avec une compassion toujours plus vraie, plus dynamisante,
travailler à faire de nous tous de vrais ressuscités, pour mieux nous délier mutuellement de nos liens
et surtout, et c’est le plus important, faire au quotidien la joie de notre Père du ciel.
Année A - 2° dimanche de Carême - 20 mars 2011
Gn 12, 1-4 ‘ “ 2 Tim 1, 8b-10 - Mt 17, 1-9
Homélie du F.Hubert
La Transfiguration de Jésus se situe au milieu de sa vie publique, entre son baptême, ses tentations au désert, d’une part, sa passion, sa résurrection, de l’autre.
Elle vient aussi six jours après la confession de Pierre à Césarée et l’incapacité de ce même apôtre à comprendre et à accepter l’annonce par Jésus de sa Passion.
Au désert, le démon avait cherché à détourner Jésus de sa filiation : Jésus a déjoué son mensonge.
Pierre, à son insu, a endossé le rôle de Satan en rabrouant Jésus : « Non, cela ne t’arrivera pas !»
La réaction de Jésus a été cinglante : il ne pouvait transiger : « Retire-toi, Satan ! Tu es un obstacle sur ma route. »
Pierre n’est pas Satan pour autant, et six jours plus tard, Jésus l’ emmène avec Jacques et Jean sur une haute montagne.
Là, tous les trois sont témoins : « Nous l’avons vu de nos yeux dans tout son éclat » Écrira-t-il plus tard.
Le visage de Jésus devint brillant comme le soleil, ses vêtements, blancs comme la lumière.
La voix du baptême se fait à nouveau entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour ; Écoutez-le ! »
Ecoutez-le quand il vous annonce sa passion et sa résurrection d’entre les morts.
Ecoutez-le quand sa parole vous déconcerte. C’est bien lui le Christ, le
Fils du Dieu vivant ; le chemin qu’il vous indique, celui qu’il vous annonce pour lui-même, le chemin de sa pâque, est le vrai et bon chemin.
Il est ma Parole, toute ma Parole.
Par lui, je vous dis : N’ayez pas peur !
Désormais, la voix venue du ciel ne se fera plus entendre.
Pour toutes les générations, il n’y a pas d’autre parole à attendre et à entendre que celle du Fils de l’homme, Jésus, le Fils bien-aimé.
Sorti victorieux du combat avec le démon au désert, Jésus sort victorieux du combat suscité par la parole tentatrice de Pierre : son union à la volonté du Père engendre en lui une telle béatitude que son visage resplendit comme le soleil ; ses vêtements eux-mêmes, objets bien ordinaires de notre vie terrestre, deviennent blancs comme la lumière.
Les trois disciples contemplent cette gloire qui lui vient, non des royaumes de la terre proposés par le diable, mais de son union parfaite avec son Père.
La vie à sa source. La vie dans tout son Éclat. La vie qui est communion et amour.
A Gethsémani, la tentation et le combat seront poussés à leur paroxysme :
« Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! » Ces paroles, à la fois si proches et si différentes de celles de Pierre expriment toute l’amertume de la coupe que Jésus doit boire.
Mais Jésus demeure dans la fidélité à son Père, en communion parfaite avec lui : Il refuse de l’invoquer pour qu’il lui fournisse à l’instant douze légions d’anges.
Déjà, il est victorieux, mais sa victoire est cachée. Ce n’est qu’après trois jours, que l’ange du Seigneur, dont l’aspect est comme l’éclair et le vêtement blanc comme la neige, dira aux femmes : « Soyez sans crainte. Jésus le crucifié que vous cherchez n’est pas ici dans le tombeau : il est ressuscité comme il l’avait dit.»
Le diable voulait donner à Jésus tous les royaumes du monde et leur gloire, s’il se prosternait devant lui.
Au terme de l’Évangile, ce seront les disciples qui se prosterneront devant Jésus et celui-ci leur dira : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre ». Ce pouvoir ne vient pas de la promesse fallacieuse du diable, mais du déploiement de la parole vraie du Père : « Celui-ci est mon Fils en qui j’ai mis tout mon amour ».
Eric-Emmanuel Schmitt fait dire à Jésus :
A l’intérieur de moi, je ne trouvais pas moi mais bien plus que moi. J’éprouvais un rassasiement essentiel. J’avais trouvé Dieu
Je descendais au fond de moi pour y trouver mon Père, et j’en revenais avec un inépuisable amour. Je m’asseyais près des infirmes et des malades, je tentais de trouver une issue à leur souffrance et je les engageais à prier, à trouver le puits d’amour en eux. Ceux qui y parvenaient allaient mieux.
Frères et soeurs, prenons le temps de contempler Jésus, dans son visage brillant comme le soleil, et dans son visage défiguré ; prenons le temps de laisser sa parole pénétrer en nous, adhérons avec lui à l’amour du Père, descendons dans notre puits d’amour : alors, une lumière intérieure apaisera notre visage, notre coeur sera purifié et rayonnera d’une beauté venue d’ailleurs que de nous. Alors, nous pourrons aider aussi les autres à trouver au fond d’eux-mêmes leur puits d’amour et à expérimenter que la vie, au travers même des épreuves et de la souffrance, est une source jaillissante de bénédiction. (20 mars 2011)
Entrée en Carême 2011
Homélie du Père Abbé Luc
« Nous vous invitons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu », ainsi frères et sœurs, Paul s’adresse aux Corinthiens et à nous ce matin. « Ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu ». Et si cette invitation pouvait être notre programme de carême 2011 ? Et si cette invitation pouvait nous rappeler, au début de cette quarantaine d’entrainement au combat spirituel, que notre vie chrétienne est d’abord une vie de grâce ? Une vie de grâce reçue comme un cadeau gratuitement depuis notre baptême. Oui, nous chrétiens, nous sommes gratifiés d’un magnifique cadeau : celui d’une vie humaine qui est illuminée par la connaissance du Christ ressuscité. Cadeau d’une vie humaine qui est fortifiée par le don de l’Esprit Saint. Cadeau d’une vie humaine promise à la joie des fils et filles d’un même Père. Tout ceci est cadeau gratuit de la part de notre Dieu, dont nous ne pouvons que nous réjouir. Et en commençant notre montée vers Pâques, avec tous ceux qui se préparent au baptême, nous pouvons rendre grâce pour ce don de vie qui nous est fait.
« Ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu » Paul nous invite à aller encore un peu plus loin. La grâce reçue de Dieu est en nous un don jaillissant qu’on ne peut pas contenir, ni enfermer, ni limiter. Car ce don est à la mesure de Dieu même, il est sans mesure. Non seulement Dieu donne gratuitement, mais il donne sans mesure. Il pourrait y avoir le risque, pour nous chrétiens, de mal comprendre ce don de grâce qui nous est fait. Ce serait de vouloir bien le délimiter ou de l’enfermer dans des cases. La grâce, oui, je veux bien, mais à certaines heures, aux offices et à la messe, mais en dehors je mène mes affaires comme je veux. La grâce, je veux bien, oui mais dans certains domaines. Un autre risque peut guetter les chrétiens, c’est de penser que si tout est don gratuit de Dieu, il n’ya pas à s’en faire, tout finira bien, il n’y a qu’à attendre, Dieu donnera. C’est ce que l’on pourrait appeler « la grâce à bon marché », une vision de grâce qui endort et qui finalement permet un bon nombre de compromissions sans état d’âme.
Telle n’est pas la vision de Paul : « La grâce reçue de Dieu » est un don qui ne peut que produire la vie en nous, et une vie toujours plus abondante, car elle n’est rien moins que la vie de l’Esprit du Christ ressuscité qui veut nous arracher à nos morts et à nos esclavages de toute sorte et nous en connaissons bien le poids dans nos vies quotidiennes. Si Dieu notre Père désire ardemment nous communiquer cette vie, il ne veut pas nous l’imposer. Il attend notre consentement, il nous invite à ne pas laisser sans effet la grâce reçue, ou encore pour être plus proche de l’expression grecque à « ne pas recevoir dans le vide la grâce reçue ». Allons-nous laisser la grâce couler dans le vide de notre insensibilité, ou de notre oubli ou de nos préoccupations inquiètes et aveugles ? Ou bien allons-nous recueillir cette grâce pour qu’elle ne tombe pas dans le vide ? Allons-nous lui offrir l’espace de notre écoute, l’espace de la prière et de la lecture soignée des Ecritures, l’espace d’une vie plus attentive par rapport à la nourriture à notre façon de consommer, l’espace d’une vie plus ouverte aux relations dans l’écoute et le partage ? La grâce reçue à notre baptême est fragile. Elle a cette fragilité d’un « je t’aime » inséparable d’un « veux-tu ? ». C’est la grâce d’une relation d’amour avec un Dieu qui aime sans mesure. Ne soyons pas surpris, si cette grâce nous bouscule tout autant qu’elle nous dilate. L’Amour de Dieu appelle notre amour à grandir toujours plus librement et plus généreusement. Durant ce Carême, chacun, apprenons à ôter tel lien ou tel obstacle que nous mettons à l’œuvre de la grâce. Comme nous le chanterons dans la préface, « Livrons nous davantage à l’Esprit saint » durant ce temps de grâce et de réconciliation qui commence. (2011-03-09)
Année A - 9° Dimanche du Temps Ordinaire - 6 mars 2011
Dt 11 18,26-28; Tom 3 21-25,28; Mt 7 21-27
Homélie du F.Sébastien
Une liturgie, c’est une chance de parole. Une chance parce que, nous le savons bien, c’est par la parole échangée que la personne humaine devient peu à peu elle-même.
Mais Qui donc est-il Celui qui, du fond de son mystère, cherche à me parler et à me faire parler, à l’improviste de mes journées, ou... en ce moment ?
Dieu et sa créature
Mais Qui donc est-il CE DIEU qui, du fond de son mystère, veut se révéler à moi, se donner à voir, et me révéler à moi-même ? Et moi qui suis-je ?
Deux questions qui conduisent à une rencontre semblable à celle qui marqua à jamais Sainte Catherine de Sienne. Elle avait demandé au Christ : « Seigneur, qui suis-je pour toi ? ». Elle reçut cette réponse : « JE SUIS CELUI QUI SUIS... et tu es... celle qui n’est pas. »
Dans la bouche du diable une telle réponse serait foudroyante. Dans la bouche de Jésus c’est une réponse grisante, réellement créatrice, dans laquelle je me plonge comme dans un océan de bonheur, encore plus lorsqu’il ajoute : «Catherine, si tu existes, c’est parce que je t’ai voulue [...]. L’ÊTRE QUE JE TE DONNE vient de L’AMOUR QUE JE SUIS. » Hors de moi tu n’es rien. Avec moi, tu es TOI.
Qui est-il ? Et moi qui suis-je ? Deux questions qui portent la chance d’une rencontre au plus profond. Une rencontre que j’aime éclairer par celle qui marqua à jamais Sainte Catherine de Sienne.
Elle avait demandé au Christ : « Seigneur, qui suis-je pour toi ? ». Elle reçut cette réponse, secouante : « JE SUIS CELUI QUI SUIS... et tu es... celle qui n’est pas. »
Dans la bouche du diable une telle réponse serait foudroyante, luciférienne. Cela peut arriver...
Dans la bouche de Jésus c’est une réponse grisante, réellement créatrice, dans laquelle je me plonge comme dans un océan de bonheur,
encore plus lorsqu’il ajoute : «Catherine, si tu existes, c’est parce que je t’ai voulue [...]. L’ÊTRE QUE JE TE DONNE vient de L’AMOUR QUE JE SUIS. »
Cette réponse est en ce moment murmurée au fond de nos cœurs...s’ils s’ouvrent grand.
En entendant cela, le malin, toujours à l’affût, attrape une attaque ...
et contre attaque, insidieusement, en moi, avec ma propre voix intérieure : « Tout cela c’est bien joli en théorie, mais en pratique ! Sois réaliste, tu n’es pas Catherine de Sienne, mais un pécheur, tu n’arrêtes pas de le répéter... Alors sois courageux.... décourage-toi un bon coup en te débarrassant de toutes ces illusions qui t’aliènent, sois libre ! Je suis là pour t’aider....»
Mais notre Père des cieux a l’oreille fine, il a tout entendu. Il saisit la balle au bond et prend la parole dans la 1ère lecture : «Écoute-Moi, Israël, Moi qui te parle ! Aujourd’hui je vous donne le choix entre la bénédiction et la malédiction, entre la vie et la mort, entre Moi et les idoles.» Choisissez l’obéissance, heureuse, aux commandements que je vous donne pour votre bonheur. »
Jésus y fera écho dans la troisième lecture : « Il vous faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. » C’est un ordre, certes, mais qui s’offre au choix de notre liberté, pour nous apprendre à devenir vraiment des fils et des filles de Dieu.
Du coup nous voici à la chance et aux risques de nos choix, mais pas abandonnés, au contraire, sous la conduite attentive de l’Esprit Saint. Lui ne nous lâche pas d’une semelle, tout au long de nos journées, pour nous aider à discerner les choix qui sont bons, qui nous construisent, et ceux qui sont mauvais, qui nous détruisent. C’est par là qu’il nous aide à devenir vraiment adultes par l’exercice de notre liberté, selon la formule géniale de Saint Paul : « C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés.» (Galates 5,1).
Ainsi se fait peu à peu la lumière sur la vérité de notre condition humaine, telle que Saint Paul la résume non moins génialement dans la 2ème lecture :
« Tous les hommes sont dominés par le péché dire oui est libérant, parce que c’est vrai .
mais Dieu leur donne, gratuitement, d’être des justes par sa seule grâce, par la foi. » C’est inouï, comme la suite : « Notre salut a été accompli en Jésus Christ », – c’est fait ! – Dieu a fait de lui la victime dont le sang nous obtient le pardon grâce à la foi. ... Alors, où est la gloriole (de nos mérites) ? On l’a mise dehors !
À nous maintenant de prendre possession du salut qui nous est acquis. La porte s’ouvre toute grande, celle de la liberté par l’obéissance joyeuse aux commandements de l’amour, comme un ballon captif qui a cassé sa corde et, sous le Souffle de l’Esprit, s’élève, léger, dans le ciel bleu, vers le Soleil en fête ! (2011-03-06)