vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 14 septembre 2012 — La Croix glorieuse — Frère Sébastien
Cycle : Année B
Info :

LA CROIX Version longue

(Voir ci-dessous / version abrégée)

Fête de la Sainte Croix

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Peut-on fêter une croix, un instrument de supplice raffiné ? A-t-on le droit ? Même si nous savons bien, trop peut-être, qu'il s'agit d'une croix unique, unique parce que unie à tant d'autres semblables...

La croix sur laquelle fut bel et bien fixé, avec marteau et clous, un certain Jésus de Nazareth, sous sa pancarte« Roi des Juifs).

C'était au temps où le légat de Rome, Varus, faisait crucifier en une seule journée deux mille esclaves révoltés, parfois enduits de poix et allumés à la tombée de la nuit…

Une croix parmi des milliers de milliers. Comme celles de ces 26 chrétiens crucifiés ensemble à Nagasaki, le 6 février 1597 : ¬des Européens, des Japonais, des religieux des laïcs, même des enfants qui encourageaient les adultes. Martyrisés comme Jésus.

Mais, en ce jour, il ne faut pas oublier la croix banale de l'accidenté, cloué sans clous, sur un lit d'hôpital. Dominique, 21 ans, mal parachuté pendant son service militaire, et qui me faisait écrire par sa sœur : « Je me retrouve comme un papillon épinglé sur une planchette de liège, arrêté comme un réveil dont le ressort est cassé. Dominique, le boute en train qui ne tenait pas en place. Il garda toujours une petite croix au cou.

Ce qui me rappelle le lourd crucifix, cuivre et ébène, qu'on offrait autrefois comme cadeau de communion solennelle, pour accompagner la vie chrétienne. On le pose, religieusement, sur la poitrine du mort ou de la morte, avant de fermer le cercueil, et de mettre le tout en terre. On ne sépare pas ceux qui ont vécu tant de choses ensemble tout au long d'une vie.

Et cette photo, inoubliable. Le crucifix entre les mains crispées de Thérèse de l’Enfant Jésus luttant contre l'asphyxie, se cramponnant à lui, comme à la rampe de l'escalier qu'on descend, marche à marche, vers le noir final, le néant ricanant : « Tout en bas, y-a-t-il un ciel ? » Le crucifix que la petite carmélite de 24 ans couvre de baisers, des baisers qui se veulent des réponses.

Thérèse, tellement sœur de cette Jeanne d'Arc de 19 ans liée à son poteau par une chaîne de fer, sur des fagots. Jeanne qui réclame que jusqu'au bout soit tenue devant ses yeux la croix de Celui qu'elle rejoint dans un cri : «Jésus, Jésus Marie). La fumée et les flammes montent vers le ciel. Jeanne est élevée sur sa croix comme Jésus dans l’Évangile de saint Je~ avec lui, et, sans le savoir, partage sa gloire.

En ce jour, peut-on évoquer aussi - est-ce possible ? -le crucifix un jour piétiné rageusement et jeté aux orties par le profanateur qui se bat avec ses fantômes mortifères ? IL faut se dire et se redire : Dieu peut comprendre toutes les formes de souffrance. Pour sauver tous les hommes, il a accepté que son Fils soit mis en croix sur le Golgotha avec un révolté qui le raillait, qui l'insultait... Dans cet affrontement gigantesque de la haine et de la miséricorde, qui aura eu le dernier mot ? Le premier. .. Ils étaient deux larrons, face à un seul et même Amour...

Cet amour qui ouvre la voie devant la croix de procession marchant en tête de la communauté monastique lorsqu'elle porte son mort jusqu'au cimetière. Un lieu baigné de paix, planté déjà de plusieurs rangées de petites croix de bois nu. Le frère y dormira parmi ses frères, ici-bas en la terre comme au ciel, près de la grosse croix de pierre où bat encore le cœur de notre fondateur, le Père Muard.

Une croix massive. Elle me rappelle la croix monumentale que les Chartreux ont plantée sur le Grand Som, le sommet qui domine leur monastère, comme pour illustrer leur devise: « Stat crux dum volvitur orbis ». « La croix demeure tandis que le monde évolue-», tourne en rond autour de son axe.

Un monde qui converge vers la Croix souvent sans le savoir. En disant cela, je ne puis m'empêcher de penser à nos frères juifs d'il y a 2000 ans. À ceux qui montaient à Jérusalem pour y célébrer la Pâque et qui, aux portes de la ville sainte, ont découvert un homme en croix défiguré, mort, sous un écriteau: « Le roi des juifs». De ce roi, quel juif pouvait vouloir ?

C'est de ce roi que, plus tard, plongé dans la lumière venue d'en-haut, un Juif de Tarse osera dire: « Nous, nous prêchons.. un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, c'est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. »

Dieu en croix. Oui, l'Amour a fait cela. Il l'a fait pour nous. Pour une fête éternelle... La sienne d’abord, la nôtre ensuite, en la sienne…

Version abrégée

(Ci-dessus version originale, développée)

Peut-on fêter une croix, un instrument de supplice raffiné ? Même si c’est dans la liturgie, même si c’est celle de Jésus,… au temps où le légat de Rome, Varus, faisait crucifier en une seule journée deux mille esclaves révoltés, enduits de poix et allumés à la tombée de la nuit.

Une croix parmi des centaines de milliers.

Le 6 février 1597 : 26 chrétiens sont crucifiés ensemble à Nagasaki, ¬des Européens, des Japonais, des religieux, des laïcs, des enfants qui encouragent les adultes.

Sans oublier la croix de l'accidenté, cloué sans clous, sur un lit d'hôpital.

Le crucifix de cuivre qu'on pose religieusement sur la poitrine du mort ou, de la morte, avant de fermer le cercueil. On ne sépare pas ceux qui ont vécu tant de choses ensemble.

Le crucifix entre les mains crispées de Thérèse de l’Enfant Jésus luttant contre l'asphyxie, se cramponnant à lui, comme à la rampe de l'escalier qu'on descend, marche à marche, vers le noir final, le néant ricanant : « Tout en bas, y-a-t-il un ciel ? » Le crucifix que la petite carmélite de 24 ans couvre de baisers qui se veulent être des réponses…

Jeanne d'Arc, 19 ans, enchaînée à son poteau, Jeanne qui réclame que jusqu'au bout soit tenue devant ses yeux la croix : «Jésus, Jésus Marie ». Et c’est l’envolée dans la gloire…

Tant de crucifix piétinés rageusement par des profanateurs parfaitement conscients. Sur le Golgotha, Jésus a été raillé comme personne.

Je ne puis m'empêcher de penser à nos frères juifs d'il y a 2000 ans. À ceux qui montaient à Jérusalem pour y célébrer la Pâque et qui, aux portes de la ville sainte, ont découvert un homme crucifié, mort, sous un écriteau: « Le roi des juifs». De ce roi, quel juif pouvait vouloir ?

C'est de ce roi que, plus tard, un Juif de Tarse osera dire: « Nous, nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, c'est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. »

Dieu en croix. L'Amour en croix, rayonnant de gloire.

Venez ! Adorons ! Adorons-le !

Il nous ouvre ses bras, communions !

Laissons-nous emporter dans sa prière de Fils, face à son Père et lui présentant le monde !

Homélie du 02 septembre 2012 — 22e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année B
Info :

Année B – 22° Dimanche du Temps Ordinaire - 2 sept 2012

Dt 4 1-2, 6-8 ; Jc 1 17-22 ; 27 ; Mc 7 1-8, 14-15, 21-23

Homélie du F.Servan

Texte :

Heureux de retrouver l'évangile selon Marc (après une interruption de un mois et demi). Il nous accompagnera désormais tous les dimanches jusqu'à la fin de l'année liturgique, durant trois mois.

Heureux ! Oui mais ! Dans le passage de l'évangile que nous venons d'entendre, mais aussi dans l'ensemble des trois lectures de ce dimanche, sur le thème de la religion authentique fidèle à la Loi de Dieu, il y a quand même pas mal de mots et de réalités qui me dépassent, devant lesquels je me sens assez comme le petit enfant du Ps 130.

Je les énumère: la LOI (la Torah) donnée au peuple de l'Alliance non comme un code de permis-défendus mais comme une lampe sur nos pas, une lumière sur nos routes humaines : « Ecoute Israël, tu es aimé. Tu aimeras en retour - (ici on peut signaler qu'il existe un livre de Paul Beauchamp « La loi de Dieu » sur la Loi de l'alliance telle que accomplie et transmise par Jésus. Cà demande un effort crayon en main, c'est parfois subtil, mais cela peut éclairer le chrétien adulte ! ). LA MISE EN PRATIQUE de la Loi, comment? Quelle est la manière pure et irréprochable de pratiquer la Loi ?

LES TRADITIONS DES ANCIENS, celles des pharisiens, mais aussi les traditions religieuses et humaines de nos églises réglant et précisant le culte, les rites et balisant la vie morale, sans oublier les traditions-de la vie monastique, vénérables, éducatives etc. A vérifier de temps à autres, comme tout ce qui est humain. LE PUR et L'IMPUR. Non pas au sens hygiénique, mais moral et religieux: ce qui va ou ne va pas dans le sens du « Soyez saints comme moi je suis saint » dit le Seigneur.

Enfin, et c'est pas le plus simple: LE CŒUR HUMAIN. Souvent compliqué, fragile, instable voire hypocrite et que Dieu seul connaît bien!

Cela fait beaucoup ! Et cela dépasse de beaucoup le cadre d'une modeste homélie. Je me contenterai d'une réflexion sur cette notation de l'évangéliste: « fidèles à la tradition des anciens, les pharisiens, au retour du marché (ou de la place publique) font de multiples ablutions de purification ». Ce sont des gens religieux et pieux qui font cela pour garder le peuple fidèle à l'Alliance. Or, après les tentations de l'idolâtrie ou du culte sans justice dénoncées jadis par les prophètes, comme Isaïe; ce petit peuple, à partir de l'Exil

et après, est confronté à la menace du monde ambiant et à ses idées, disons pas très catholiques! Ainsi la civilisation romaine au temps de Jésus - (vous aurez noté que ce monde ambiant est évoqué dans nos trois lectures : « Cette Loi, vous la mettrez en pratique aux yeux de tous les peuples » sous leur regard pas forcément aussi admiratif que le dit le rédacteur du Deutéronome – « La religion véritable, c'est de venir en aide et de se garder propre (pur) au milieu du monde ». Nous avons entendu dans l’évangile sur le marché ou la place publique, le juif pieux, pharisien, peut être amené à fréquenter choses et gens impurs, des païens, des publicains.

Il me semble que ce mot de " marché" est très évocateur pour nous, puisque notre monde dominant, celui que vous connaissez; ce n'est pas d'abord un monde d'intériorité et tout simplement d'humanité mais bien d'abord un grand super ou un hypermarché dont on profite peu ou prou. Mais dont on souffre aussi pas mal ! Il ne règle pas seulement l’économie mondiale, il domine et influence grandement la façon de vivre et de penser !

D'où la tentation aujourd'hui pour toutes les traditions religieuses de multiplier les garde fous et les marqueurs identitaires, au risque de se retrouver en ghetto pur et dur. On pense bien sûr à l'Islam et à la Charia version wahhabite, mais il n'est pas interdit de regarder aussi chez soi, de temps à autre et surtout de revenir souvent à la parole de Jésus qui a rappelé à son peuple l'essentiel de la Torah ( le décalogue ou

encore le chapitre 19 du Lévitique sur l'amour concret du prochain) et dont l'enseignement est peut-être plus équilibrée en Mt 23 qu'ici dans saint Marc. Je cite : « Vous purifiez l'extérieur de la

coupe et de l'assiette, mais l'intérieur est plein de cupidité. Purifie d'abord (d'abord) l'intérieur de la coupe afin que l'extérieur aussi (aussi) devienne pur. Vous avez négligé ce qu'il y a de plus grave dans la Loi: la justice, la miséricorde et la fidélité. Voilà ce qu'il fallait pratiquer sans négliger le reste !

Ecouter le Christ : écouter souvent aussi et prier l'Esprit Saint, l'Esprit de notre baptême, qui habite en nos cœurs et qui lui seul est la Loi nouvelle de liberté sachant incarner la Parole dans les événements et la vie d'un chacun.

Pour terminer, je vous partage cette prière que la communauté dira ce soir à l'heure des Vêpres, en conclusion de ce dimanche:

« Seigneur notre Dieu, nous avons besoin de lois pour vivre dans la charité, et de signes pour t'exprimer notre foi. Que ces préceptes et ces rites ne s'opposent jamais à ta volonté mais nous aident à lui conformer notre cœur ». (2012-09-02)

Homélie du 19 août 2012 — 20e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année B
Info :

Année B - 20e dimanche du T. O .

Pr 9 1-6 ; Ep 5 15-20 ; Jn 6 51-58

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Mon œil est de flamme,

mon visage est rond,

je donne mon âme

quand j’offre un citron.

Est-il permis de commencer une homélie par un petit poème – de Francis James, je crois – aussi badin, aussi léger ? Le fait est qu’il m’est remonté à la mémoire lorsque je parcourais les lectures de ce jour, sur le pain de vie qui se donne à travers des choses insignifiantes. Sans compter la saisissante évocation du Christ de l’Apocalypse avec « ses yeux comme une flamme de feu » :

Mon œil est de flamme,

...,

je donne mon âme

quand j’offre un citron.

Peut-on, rien qu’en donnant son visage donner aussi son âme ? En tout cas, Jésus l’a fait ; il a risqué parmi les hommes son visage de fils de Dieu fait homme, ce visage unique où se lisait la flamme d’un amour qui rêvait de se donner tout entier. Ce qu’il réalisa au cours de son dernier repas, lorsqu’il ne nous offrit apparemment guère plus qu’un citron sur la table, en réalité ce que des siècles d’histoire sainte avaient préparé pour cette heure : un peu de pain et de vin, trois fois rien, mais chargé de tout lui-même : corps, sang, âme et divinité. Oui, et divinité !

J’ai pensé à saint Jean Bosco disant à un jour un gamin des bas quartiers de Turin, alors que tous deux avaient l’estomac creux : « Tu vois, si un jour je n’ai plus rien qu’un petit morceau de pain, c’est avec toi que je le partagerai ». Un tel avec toi fait que les deux ne font plus qu’un.

Je ne sais pas si l’enfant a tout compris, – moi non plus – mais je devine que Jésus n’aurait pas dit autre chose. Ce qui est sûr c’est que par la suite Don Bosco et Jésus ont réalisé par des actes ce que leurs paroles avaient annoncé. L’amour est indissociablement parole et acte.

Ce qui rejoint le discours sur le pain de vie que nous méditons ces dimanches-ci dans l’évangile de saint Jean, un discours qui est une prophétie impressionnante, une parole qui passe à l’acte. Nous, il nous arrive de dire et de ne pas faire, de promettre et, le moment venu, de nous dérober. Pas Jésus ! Lui, il n’est que vérité, ses paroles sont des engagements. Tout ce qu’il avait expliqué à ses disciples dans la synagogue de Capharnaüm, il l’a réalisé lors de la dernière cène qui ne faisait qu’un avec la Passion et la résurrection qui suivirent.

La prophétie était réalisée au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer : Jésus, Fils de Dieu, nous offrait sa vie divine, la vie éternelle, à travers le don de son corps livré et de son sang répandu pour tous, pour chacun et chacune d’entre nous.

Telle est la merveille des sacrements : ils font d’immenses choses avec de toutes petites choses, bien adaptées aux enfants que nous sommes : quelques mots bien concrets, des gestes aussi simples que de faire couler un peu d’eau sur un front, de verser à boire un peu de vin, de distribuer des petits morceaux de pain, en laissant Jésus s’occuper des miettes tombées sous la table, pour le bonheur des petits chiens.

À peine une dinette ! Mais une dinette divine, préparée tout au long de la Bible. C’est là qu’il faut en chercher le sens.

Par exemple en revenant sur la première lecture de ce dimanche, le festin de la sagesse, cette sagesse mystérieuse, fascinante, intelligence suprême, assise auprès de Dieu, cette sagesse qui lance son appel aux étourdis que nous sommes : « Venez, mangez mon pain, et buvez du vin que j’ai préparé ! Laissez là votre folie et vous vivrez ». Alors qui veut vivre, la grande vie ? Jésus répond lui-même avec des paroles doucement murmurées à l’intime de l’âme : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, déjà, et moi au dernier jour je le. ressusciterai... Celui-là demeure en moi et moi en lui».

L’amour est indissociablement parole et don. Il s’accomplit dans un “demeurer l’un en l’autre” que Dieu nous offre dans l’eucharistie pour nous l’apprendre. (2012-08-19)

Homélie du 12 août 2012 — 19e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année B - 19° Dimanche du Temps Ordinaire - 12 août 2012

1 Roi 19 4-8; Eph 4 30-5 2; Jn 6 41-51

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs

L’élément qui fait le lien entre la 1ère lecture et l’évangile que nous venons d’entendre, c’est la mention du pain, et c’était déjà le cas les deux derniers dimanches d’été, alors que l’Eglise nous fait méditer sur le grand chapitre 6 de l’évangile selon Saint Jean. Le pain, c’est cette nourriture de base pour l’homme qui lui permet de reprendre de la force physique, mais c’est aussi pour nous chrétiens le pain venu du Ciel, aliment de vie éternelle : Pain de Vie auquel Jésus s’est identifié lui-même en personne.

En fait dans ces deux lectures, plus profondément que de pain, il est question de vie et de mort. Et cette question plus fondamentale nous concerne tous bien évidemment.

Elie est, avec Moïse, l’un des plus grands personnages de l’AT. On les trouve en compagnie de Jésus sur la Montagne de la Transfiguration, avec les 3 grands apôtres Pierre, Jacques et Jean, comme nous le rappelait la liturgie de lundi dernier. Tous deux cependant, si grands soient-ils aux yeux de Dieu et des hommes, ont fait l’expérience de l’échec, du découragement et d’une certaine désillusion sur ce qu’ils pensaient être dans leurs missions de prophète. On peut dire qu’ils ont connu des moments de dépression avec le sentiment d’insuffisance qui la caractérise et la tentation de fuir devant la difficulté. Moïse s’estimait peu doué pour la parole : il aurait préféré que Dieu choisisse un autre que lui pour délivrer son peuple de la servitude d’Egypte. Après le péché du peuple, qui avait sacrifié à un veau d’or dans le désert et qui récriminait sans cesse, rebelle aux commandements, Moïse demande à Dieu de l’effacer du livre qu’il a écrit, s’il n’accorde pas son pardon et s’il n’enlève pas le péché du peuple.

Elie, quant à lui, dans le texte d’aujourd’hui, fuyait l’hostilité de la reine Jézabel, qui lui en voulait à mort, pour avoir exterminé tous les prêtres de Baal, auquel elle vouait un culte. En fait, Elie a peur, pour le dire vulgairement il a la trouille de cette femme qui veut sa perte. Il fuit donc, il marche une journée dans le désert, puis il s’effondre, épuisé et il demande la mort, en s’en prenant à Dieu : «Trop, c’est trop, reprend ma vie. Je me croyais supérieur aux autres, le plus grand parmi les prophètes, mais en réalité, je ne vaux pas mieux que mes pères ». Et il tombe dans le sommeil, près d’un buisson, tout comme le fera aussi le prophète Jonas, à Ninive, dans une expérience parallèle d’échec et de reproche à Dieu pour une mission jugée trop difficile.

Et si je mentionnai tout à l’heure l’épisode de la Transfiguration avec les apôtres Pierre, Jacques et Jean, comment ne pas penser aussi à leur sommeil profond à Gethsémani, à la veille de l’arrestation de leur maître, incapable de veiller et de prier, ne serait-ce qu’une heure ? Eux aussi font une cruelle expérience d’échec et de désillusion, à un moment crucial de leurs existences.

Elie se laisse toucher par un ange qui lui dit de se lever et de manger. Il mange, mais il ne se lève pas et se rendort. Ce que qu’avec un second toucher de l’ange qu’il va manger à nouveau, boire, et se relever pour reprendre la route qui s’annonce longue : 40 jours et 40 nuits, symbolisant les 40 ans de marche du peuple au désert durant l’exode. Avant de parvenir au Mont Horeb, où Elie fera l’expérience d’un Dieu, non pas Tout Puissant et violent, comme il pouvait se le représenter, mais comme un Dieu qui se révèle dans le « bruit d’un fin silence » ou « le vent d’une brise légère ».

Tous ces passages de l’Ecriture s’entrecroisent et peuvent, doivent, nous rejoindre dans nos propres expériences de combat spirituel, ou même de combat humain, face aux échecs, aux découragements, voire même à la perte du goût de vivre. Cela peut nous arriver à un moment ou un autre de nos existences : ce qui est sûr, c’est que cela arrive à des proches autour de nous.

C’est à ces moments-là de l’existence, que l’Evangile du Pain de Vie peut nous apporter Lumière et Force. Sa référence à l’eucharistie est claire : « si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que moi je donnerai, c’est ma chair donnée pour que le monde ait la vie ». Ainsi, le petit pain cuit et la cruche d’eau de l’ange d’Elie, la manne et l’eau du rocher au désert durant l’exode n’étaient encore que des signes. Ils apportaient certes la vie, mais une vie temporaire. Le Pain descendu du Ciel, Jésus en personne qui se donne, lui, apporte une vie qui ne finit pas : la vie éternelle. Celui qui en mange ne mourra pas : il aura part à la Résurrection, au Dernier Jour.

Telle est la foi chrétienne que nous proclamons chaque fois que nous nous rassemblons pour célébrer l’eucharistie, comme ce dimanche. Et cette foi chrétienne nous engage ensuite, quand nous reprenons la route pour une nouvelle étape, une nouvelle semaine, jusqu’à la prochaine eucharistie. Cet engagement, Saint Paul nous le rappelle dans la seconde lecture, quand il s’adresse aux chrétiens d’Ephèse :

« Vivez dans l’amour, comme le Christ. Vivez dans Son Esprit, l’Esprit Saint : ne le contristez pas. Cherchez à imiter le Christ : Il nous a aimés et s’est livré pour nous, en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait Lui plaire »

Alors avec Lui, par Lui et en Lui, offrons à Dieu à notre tour le Sacrifice de louange, offrons ensemble, dans la foi, l’eucharistie de ce dimanche. AMEN (2012-08-12)

Homélie du 14 juillet 2012 — 15e dim. ordinaire — Frère Matthieu
Cycle : Année B
Info :

1 - C – 2001 – 15° Dim du TO -15 juillet 2001

Dt 30, 10-14 ; Col 1, 15-20 ; Lc 10, 25-37

Homélie de frère Matthieu

Texte :

Frère Matthieu

« Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? »

Ce n’est pas une question piège – comme le laisserait entendre la traduction de notre évangile – c’est une question test ; ce nouveau Rabbi, dont on raconte tant de choses, est-il vraiment un bon, un vrai maître, qui entraîne sur les chemins de Dieu ?

Car il s’agit bien de la question essentielle : que faire pour vivre selon la Loi de Dieu, selon la volonté de Dieu, que faire pour être un bon juif, que faire pour être un bon chrétien, que faire pour être un homme vivant de la vraie vie ?

Heureux sommes-nous, si cette question est la nôtre comme celle de ce docteur de la Loi, épris de justice, épris de sainteté… et non pas « voulant montrer qu’il était juste » comme est traduit le texte…

C’est un débat sur l’essentiel entre un Maître galiléen dont on dit le plus grand bien et un disciple épris de sainteté… Alors écoutons bien, car le débat pourrait bien nous apporter une réponse pleine de sens et de vie pour nous mettre nous-aussi sur les chemins de Dieu.

Jésus fait preuve de la meilleure pédagogie rabbinique : il répond à une question par une autre question… et il va faire passer ce disciple du « caté-chisme », bien appris et bien récité à la découverte de l’accomplissement de la Loi : regarder et écouter autrui, son prochain, pour regarder et écouter comme Dieu regarde et écoute et dès lors agir comme Dieu, selon le besoin de l’autre tel qu’il se manifeste devant moi, entrer sur le chemin imprévisible de l’amour véritable qui me laisse à la merci de l’autre… comme Dieu s’est mis à la merci de l’homme jusqu’à en mourir !

Mais reprenons le cheminement pas à pas, car il s’agit bien pour nous d’apprendre aussi ce chemin pour passer de « l’appris » du commandement, de la règle, de ce qu’il faut faire, au regard et à l’écoute qui nous mettrons à la merci de la Parole de Dieu, à la merci de l’Amour…

A la question de Jésus, l’homme récite ce qui est le B.A. BA de la foi biblique et juive : le « petit catéchisme »… et Jésus approuve : oui, il n’y a qu’à faire ainsi… il n’y a qu’à vivre dans l’amour de Dieu et du prochain… il n’y a qu’à… mais justement l’homme, qui est un vrai disciple, épris de sainteté, et nous aussi, nous savons bien que c’est une tâche impossible et plus encore que nous ne savons pas par quel bout la prendre…

Alors, il ose une question : concrètement, concrètement qui est mon prochain… que je sache au moins par qui commencer !

Et Jésus raconte une parabole …

Et le disciple écoute de toutes ses oreilles.

Et il reconnaît le lévite « qui voit et passe de l’autre côté » et il reconnaît le prêtre… qui « voit et passe de l’autre côté »… et peut-être se reconnaît-il dans ce lévite et dans ce prêtre, plutôt que de les condamner comme nous sommes si prompts à le faire…

… / …

Et il voit ce samaritain – qu’attendre de bon d’un samaritain… mais il écoute et sait-on jamais ?

Car ce samaritain, « il voit et il est saisi de pitié » et ce disciple des sages sursaute, car ce mot là, les Ecritures ne l’emploie que de Dieu… et ce mot là dit l’émoi des entrailles maternelles et les Ecritures l’applique à Dieu pour dire ce qu’est l’amour de Dieu pour son peuple et pour tout homme…

Alors, il comprend… il s’agit, comme Dieu, de vivre la Loi au niveau de « ses entrailles », au niveau de « son cœur », il s’agit de se laisser toucher… il n’y a plus de Loi, ou plutôt, nous voilà au-delà de la Loi, dans l’accomplissement de la Loi : il s’agit de « faire preuve de bonté envers l’autre » – et la réponse montre qu’il a bien compris, car lui aussi emploie un mot, « bonté », qui ne s’applique qu’à Dieu –, il s’agit de regarder, de voir, d’écouter, d’entendre l’appel de l’autre et pour cela il n’y a plus que l’attitude de l’écoute, de l’obéissance que la longue pratique de la Loi, du commandement, doit nous avoir appris, doit nous apprendre chaque jour…

« Va et toi aussi, fais de même ! »

L’obéissance des commandements, la pratique du « catéchisme », et des dix commandements, et des commandements de Dieu, et des commandements de l’église, l’obéissance à la Loi a dû t’apprendre, doit t’apprendre à écouter l’autre dans l’imprévu de sa vie à lui, pour « le voir, être saisi et te mettre à sa merci »… Mais n’est-ce pas là, tâche impossible ?

Non, car le Seigneur, l’Esprit de Dieu qui est en toi, t’a été donné pour t’apprendre la vraie vie, juive ou chrétienne… qui conduit à la Vie.

Regarde, écoute, et rends-toi disponible à l’inattendu de l’autre…

Et tu auras la Vie.

Frère Matthieu Collin

Homélie du 17 juin 2012 — 11e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année B
Info :

Année B – 11° Dimanche du Temps ordinaire – 17 juin 2012

Ez 17 22-24 ; 2 Co 5 6-10 ; Mc 4 26-34

Homélie du F.Servan

Texte :

Elles sont belles, les lectures de ce dimanche, toutes bruissantes d'arbres, de rameau verdoyant, de chants d'oiseaux, de champs de blé en pleine croissance où le vent joue avec les bleuets, les coquelicots (point trop n'en faut). Images bien accordées à notre saison, alors que le printemps va passer cette semaine le flambeau à l'été (le 21 juin et puis le 24 dimanche prochain avec les lumières de la saint Jean-Baptiste).

Sur les hauteurs de Vaumarin en face du monastère, il y a champs de blé ou d'avoine

en pleine croissance en attente de la moisson à la fin Juillet.

« Je cueillerai un jeune rameau, dit le Seigneur ; je le planterai, il produira des branches, il portera du fruit, il deviendra un si bel arbre, toutes sortes d'oiseaux y feront leur nid, habiteront à l'ombre de ses branches ».

« Le juste grandira comme un palmier, il poussera comme un cèdre du Liban, il fructifie, il garde sa sève et sa verdeur » (c'est le Psaume que nous avons chanté) et, dans l'évangile : « La semence germe et grandit d'elle-même, la terre produit l'herbe, puis l'épi, enfin du blé plein l'épi, du blé plein l'épi ! Et Jésus avait dit avant (dan l'évangile de Marc): « des grains sont tombés sur la bonne terre; ils ont produit trente, soixante, cent pour un. Une bien belle récolte et dès que le grain le permet on y met la faucille (ou plus rapide et moins fatiguant, mais moins poétique, la moissonneuse-batteuse), car c'est le temps de la moisson « c’est à dire dans la Bible, le temps du jugement, (le temps d'apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, nous a dit saint Paul), mais surtout le temps de la belle récolte, le temps d'engranger dans les greniers de notre Dieu tous ces bons grains et beaux fruits de notre vie sur la terre, tous ces « plaire au Seigneur » de notre vie « qui sème dans les larmes (dans l'effort et la peine) moissonne dans la joie. On

s'en va, on s'en va, on jette la semence; on s'en vient, on s'en vient dans la joie, on

rapporte les gerbes » (Ps 125) et du blé plein l'épi !

Optimisme, Oui, mais retour au réel ! Et le réel résiste et souvent déçoit. L'idéal, les attentes, les projets.

A commencer pour Jésus: si sa parole novatrice rassemble encore la foule dans le beau cadre des bords du lac de Galilée ; s'il y a de la bonne terre pour recevoir la semence de sa parole, il y a aussi des échecs : le grain perdu sur le chemin, la pierraille, les ronces, sans parler de l'ivraie semé dans le champ par l'adversaire.

Monte un doute, une déception parmi ses auditeurs pour qui la venue du Règne de Dieu devrait s'accomplir d'une manière spectaculaire et puissante. (« Est-tu vraiment celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre? De Jean le baptiste -

Et les pèlerins d'Emmaüs, à la fin de la trajectoire de Jésus : « et nous qui espérions qu'il serait le libérateur d'Israël » !!

D'où cette réponse de Jésus dans ces paraboles (paroles pour ses disciples et pour son Eglise à venir, donc pour nous aussi) : Dieu (et ses envoyés) ne sont pas des magiciens qui opèrent les changements du monde à coup de baguette magique et à travers des actions spectaculaires, mais c’est un jardinier qui fait confiance, en patience, à l'obscur travail de la semence: « qu'il dorme ou se lève (pour le travail) la semence du Royaume de Dieu germe et grandit il ne sait comment ». Ce n'est pas décourager de semer, d'être actif et responsable dans nos communautés et nos églises, mais sans se ronger de soucis et d'activisme.

« Moi j'ai planté, dit Paul, Apollos a arrosé, mais c'est Dieu qui donne croissance »! et le Ps 126, « Si le Seigneur ne bâtit la maison les bâtisseurs travaillent en vain. En vain tu

devances le jour (tu te lèves); Dieu comble son bien-aimé quand il dort » (vous pouvez aussi relire Péguy ou Jn 23)

La leçon, la réponse était valable pour les premières toutes petites communautés chrétiennes

comme celle des Corinthiens : « Nous cheminons dans la foi, nous cheminons sans voir, leur

répète Paul, « mais dans la confiance et la joyeuse espérance, en croyant que le

Seigneur Jésus a été le grain semé en terre, mais ressuscitant et portant beaucoup de

fruit. Sa croix devenue arbre de vie, l'arbre aux oiseaux, l'arbre sec et mort qui reverdit

Elle est bien sûr importante pour nous, notre Eglise et nos communautés aujourd'hui cette

parole-parabole: puisque vous connaissez notre réel aussi bien que moi.

Dans la confiance et l'espérance chaque jour de notre temps ordinaire, nous accueillons la parole vivante du Christ et nous souhaitons belle croissance aux plus jeunes qui achèvent ce dimanche une-année de catéchisme et un merci particulier à ceux et à celles qui se sont dévoués pour semer la Parole parmi eux !! (2012-06-17)

Homélie du 10 juin 2012 — Saint Sacrement - Fête Dieu — Frère Matthieu
Cycle : Année B
Info :

B 1997 - Fête du Corps et du Sang du Christ

Ex 24,3-8 / He 9,11-15 / Mc 14,12-16.22-26

Homélie de frère Matthieu

Texte :

Après la Fête de la Sainte-Trinité, l’Eglise nous donne de célébrer la fête du Corps et du Sang du Christ avant celle du Sacré-Coeur de Jésus. Fêtes théologiques, fêtes d’idées, qui tranchent en quelque façon dans le tissu dynamique de l’année liturgique consacrée à la célébration des mystères du salut, de ce salut que Dieu a réalisé et réalise pour nous au fil de nos vies humaines.

Et pourtant avec cette fête du Saint-Sacrement la liturgie nous offre à travers les textes bibliques qu’elle nous donne à entendre une vision très dynamique de l’Eucharistie que nous célébrons. Elle le fait en se référant à la dynamique des grandes fêtes bibliques: l’évangile de Marc que nous venons d’écouter inscrit le repas du Seigneur - que chaque Eucharistie actualise pour nous - dans la riche symbolique de la Pâque juive; l’épître aux Hébreux replace le sacrifice du Christ - dont chaque Eucharistie est le mémorial - dans la lumière de la Fête des expiations, le « Yom Kippour » de la liturgie juive; la lecture de l’Exode au chapitre 24 nous donne la toile de fond, on pourrait dire aussi l’harmonisation de l’ensemble: l’Alliance, mystère où Dieu conclut le Pacte avec le Peuple; « voici le sang de l’Alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec vous. »

Reprenons chacun de ces textes offerts à notre méditation pour entrer un peu plus, un peu mieux, dans le Mystère du Corps livré et du Sang versé que nous célébrons en chaque Eucharistie.

La Fête de la Pâque est le mémorial perpétuel de la sortie d’Egypte et chacun en la célébrant devient ce fils d’Israël que Dieu a fait sortir de la maison de servitude pour lui faire passer la Mer rouge où il le débarrasse des ennemis qui en voulaient à sa vie; ce fils d’Israël que Dieu conduit au désert du Sinaï où il lui révèle et son Nom et sa Loi; ce fils d’Israël que Dieu fait entrer dans la terre de la promesse où il doit vivre et rendre grâces.

En célébrant l’Eucharistie, nous accomplissons après Jésus la fête de Pâque; nous avons à devenir, nous devenons - par don gratuit - ce vrai fils d’Israël que Dieu fait sortir de sa servitude en le plongeant dans le bain du baptême - où son Ennemi, le Diable, perd tout pouvoir -, ce vrai fils d’Israël à qui Dieu donne et redonne la Loi nouvelle, l’Esprit Saint, qui fait de nous des fils capables de marcher sous son regard; ce vrai fils d’Israël à qui Dieu donne d’offrir, jour après jour, dans le Christ, un sacrifice spirituel qui soit pour sa gloire.

Avec l’Epître aux Hébreux, c’est la fête de Kippour, fête des expiations, qui nous est proposée comme clef de compréhension du mystère que Dieu réalise pour nous en chaque Eucharistie.

... / ...

Au jour de Kippour, le Grand-Prêtre entrait dans le Saint des Saints du Temple pour se trouver face au Dieu trois fois saint et offrir le sang des sacrifices pour son péché d’abord et pour celui de tout le Peuple. Et le Seigneur renouvelait son pardon; et plus encore le Seigneur donnait à chaque israélite cette part de repentance authentique - cette « teshouvah » -, ce retournement intérieur, qui le ramenait face à son Dieu dans l’attitude du fils prodigue, dans l’attitude du publicain de l’Evangile.

En célébrant l’Eucharistie, nous célébrons ce Jour de Kippour définitif où le Christ, « Grand-Prêtre du bonheur qui vient », entre dans le Temple, Sanctuaire du ciel, pour offrir, une fois pour toutes, son propre sang; et « il a obtenu ainsi une libération définitive ». En s’offrant lui-même à son Père comme une victime sans tâche, Jésus par son sang « purifie notre conscience des actes qui mènent à la mort pour que nous puissions célébrer le culte du Dieu vivant » et finalement « recevoir l’héritage éternel promis. »

Avec le chapitre 24 du livre de l’Exode nous avons peut-être la clef de toute compréhension de l’Eucharistie: un mystère d’Alliance.

Moïse descend du Sinaï où il vient de recevoir la Loi de Dieu; il la com-munique au peuple d’Israël et tous s’engagent à les mettre en pratique. Et Moïse fait offrir des holocaustes en sacrifice de communion et le sang sert de signe concret de la communion que le Seigneur lui-même établit avec son peuple.

En célébrant l’Eucharistie, Jésus nous fait entendre sa Parole et nous demande notre adhésion de coeur; Il s’offre lui-même en sacrifice et le pain et le vin que nous avons offerts en signe de notre participation nous est rendu, redonné, Corps et Sang de Jésus; et en le prenant nous entrons en communion avec Dieu, notre Père, par le don de l’Esprit. Nous entrons à nouveau dans l’Alliance que Dieu offre toujours nouvelle; nous devenons un peu plus ce Peuple saint que Dieu rassemble des extrémités de la terre pour en faire son peuple choisi, nous sommes ses fils, introduits dans sa communion et ressaisis par la grâce qui fait de nous des fils véritables...

Puissions-nous aujourd’hui, célébrer avec plus d’intelligence, l’esprit et le coeur plus éveillé, cette Eucharistie qui est le plus merveilleux don que Dieu nous fait pour notre salut et celui du monde entier.

Frère Matthieu Collin

Homélie du 03 juin 2012 — Sainte Trinité — Frère Sébastien
Cycle : Année B
Info :

Année B- Dimanche après la Pentecôte

Dt 4 32-34 ; Rm 8 14-17 ; Mt 28 16-20

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Fêter la Sainte Trinité !...

Si c’était possible, ce serait passionnant, de partager entre nous sur la place que la sainte Trinité tient concrètement dans chacune de nos vies.

Ce qui est sûr, c’est que la Sainte Trinité en son mystère est le cœur de notre foi chrétienne. Ce devrait être, la source de toute joie, pour les humains que nous sommes, plus encore pour les Trois personnes divines que nous fêtons aujourd’hui. Les fêter, c’est s’occuper personnellement de chacune d’entre elles, avec des attentions propres, elles sont si différentes, et toutes ensemble, elles sont inséparables, elles ne font qu’un.

Dès ce matin l’Esprit Saint s’est glissé dans nos cœurs pour nous habiller en fils et filles semblables au Fils unique. Jésus et son Esprit nous conduisent ensemble au Père qui attend impatiemment ses enfants pour la fête de famille. Inouï !

Effectivement, et la première lecture nous l’a dit magnifiquement, aucun peuple n’a jamais eu un Dieu pareil !

Notre Dieu est vraiment unique : un bon coup de balai qui élimine tous les faux dieux ; bon débarras ! Unique et unifiant, c’est le miracle de l’amour ! et il n’est qu’amour. En lui nous avons toutes nos sécurités, notre origine d’avant les siècles, comme aussi notre avenir éternel. Il est notre Dieu avec nous, à chaque instant, dès maintenant, et pour toujours.

Un Dieu si proche, si attentif envers ses enfants, qu’il est évidemment curieux de ce que nous avons bien pu imaginer pour sa fête... Il est parfaitement conscient que le mystère de ses relations personnelles, au sein de sa Trinité divine, dépasse infiniment nos intelligences humaines !

Ce qui ne l’empêche pas de nous demander de témoigner de ce que nous vivons en famille avec lui, avec chacune des trois personnes divines. De témoigner par la parole, bien sûr, mais aussi par la musique et le chant, par les créations de l’art et le reste... Dans la célèbre Trinité de Roublev, chacune des trois personnes est toute dans sa relation à chacune des deux autres et nous entraîne dans leur cercle.

Il y a aussi les Trinités naïves de notre art occidental.

Je pense ici à une modeste reproduction presque effacée : c’est une croix de la Trinité. Le schéma est classique. Derrière la croix, les bras étendus du Père s’allongent jusqu’à se confondre avec ceux de son Fils sur la croix. Ce Fils est vivant ; son beau corps au repos culmine dans le mouvement de la tête qui se lève, à la renverse, vers la tête de son Père penché sur lui. Les deux visages sont proches. On devine déjà leur baiser d’amour fou au moment où, ensemble, ils sont en train de sauver le monde. Leur baiser est illustré par la Colombe que l’on aperçoit, tout en haut du tableau, piquant du ciel vers la terre : c’est la figure de l’Esprit Saint qui est leur d’amour, leur amour livré pour être répandu en nos cœurs, comme saint Paul vient de nous le redire, en une des phrases les plus grisantes de toute la Bible : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ».

C’est aujourd’hui ! En ce jour de sa fête, toute la sainte Trinité vient vivre en nous pour que nous vivions en elle.

Les yeux se ferment sur la croix glorieuse, pour mieux se laisser saisir, purifier, diviniser.

Du haut de la croix cachée, l’eau coule doucement sur chacun de nous.

Dès lors nous pouvons recevoir, avec des oreilles de baptisés, les paroles de Jésus : « Allez, de toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ».

Tous les Trois nous sommes avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.(2012-06-03)

Homélie du 05 avril 2012 — Jeudi Saint — Frère Sébastien
Cycle : Année B
Info :

L'eucharistie

Homélie du F.Sébastien

Texte :

L'eucharistie est un merveilleux condensé du mystère de Dieu, de l’amour et de ce que peut faire l’amour

Paradoxalement, c’est un long chemin d’abaissement devant l’autre, pour l’autre, la kénose dont parle saint Paul.(Philippiens 2,1-11)

L’institution de l’eucharistie en est l’accomplissement,

le lavement des pieds la merveilleuse parabole en acte.

Cela vient de très loin, du temps où les trois personnes divines, conscientes de leur bonheur, rêvaient de partager leur amour mutuel avec d’autres, de se donner des vis-à-vis, d’élargir leur propre communion à d’autres partenaires, et pour cela d’en créer.

Et voilà le Dieu de l'Ancien Testament qui se fait de la glaise, et avec cette glaise, un homme et une femme.

Impatient de tout partager avec eux, après des siècles de préparation, le temps venu, il se fait lui-même, homme, l'homme du Nouveau-Testament,en Jésus : le Verbe fait chair, en la glaise.

Le Verbe divin se retrouve blotti, tout entier, dans le ventre d'une jeune fille de Palestine. Il y tient à l'aise, il y est bien. Dieu tout entier, car le bébé est Dieu.

Devenu adulte, il se fait Berger, et il le dit clairement.

Dans la société et la culture de son temps, le berger c'est l'homme qui sent mauvais, a-social, sans loi, rustre, méprisé : mais il prend soin de son troupeau. Et cela suffit à Jésus, c'est tellement lui.

Berger, c'est encore trop.

Alors il se fait petit agneau, le dernier du troupeau.

Celui qu'on immole pour la Pâque, qu'on mange à la hâte.

On lui prend son sang, pour oindre les montants de la porte.

Agneau, c'est encore trop. C'est encore être quelque chose. Alors l'Amour incarné se fait porte de la bergerie. « Je suis la porte des brebis».

Simple trou dans l'espace, passage pascal, comme le trou de l’aiguille ou la porte du tombeau... Mais c'est encore trop.

L'Amour rêve de n'être que pour l'autre, plus rien pour soi.

C'est alors qu'il imagine de s’offrir dans un peu de pain : croûte et mie, à disposition sur la table, pour qui veut,

moins encore, de se faire miettes sous la table, pour les petits chiens...

Dieu se fait nourriture, un peu de vin. l’Amour incarné a trouvé le moyen de donner à ceux qu’il aime sa propre vie divine. C’est ainsi que Jésus nous prend en son corps, en son sang, nous donne part à la vie même des trois personnes de la sainte Trinité : il s’est effacé pour que nous devenions tout cela. Après le repas d’Emmaüs ; il s’est même effacé jusqu’à se rendre invisible, invisible devant les yeux parce qu’il est passé à l’intérieur, en nous : invisible, pour un autre mode de présence, plus présent que jamais.

C’est pour les petits chiens qu’il s’était levé de table, avait déposé ses vêtements, mis de l’eau dans un bassin, avant de s’agenouiller devant chacun de ses amis, pour leur laver les pieds, comme un esclave. Dans ses gestes amoureux se lisait sa mort prochaine, son don ultime. Il touchait au but. C’était le point bas de son abaissement. Avant la remontée.

Il s’était relevé, lentement : « Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié et Dieu a été glorifié en lui ! » « Petits enfants, c’est un exemple que je vous ai donné, afin que, vous aussi vous fassiez de même ! Heureux êtes-vous, si vous le faites ! »

Quand je communie, je pense souvent à la pécheresse chez Simon le Pharisien. Elle arrive avec son corps encore imprégné de tout ce qu’elle a fait avec... Jésus pourrait avoir un mouvement de recul, la repousser... Au contraire, il la laisse faire ce qui est une manière de s’offrir à elle, exactement comme nous lorsque nous venons communier et que le prêtre nous tend l’hostie : « Prenez, ceci est mon corps, mon corps pour vous... » La femme s’empare littéralement de Jésus, elle le dévore de baisers, mais cette fois-ci ses baisers sont purifiés par un amour très pur, un parfum. Le plus heureux des deux, ce n’est pas elle, c’est Jésus qui l’attendait, elle qui nous représente tous. C’est l’heure de son bonheur de sauveur.

Homélie du 25 mars 2012 — 5e dim. du Carême — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année B - Carême 5° Dimanche - 25/03/2012

Jér 31,31-34 ; Hébr 5,7-9 ; Jean 12,20-33

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs

Le IV° évangile, à la différence des 3 premiers, ne comporte pas de récits de la Transfiguration de Jésus sur une montagne. Mais le passage que nous venons d’entendre présente bien des rapprochements avec cet épisode important de la vie du Christ. Ici et là il est question de « voir Jésus », soit à Jérusalem sur le Mont Sion, soit en Galilée sur le Mont Thabor, et il est aussi question de manifestation de sa Gloire. Une Gloire indissociablement liée à sa Passion. Dans les différents cas, il est fait mention d’une voix venue du Ciel, la voix du Père qui se fait entendre à des témoins effrayés qui ne comprennent pas le sens des paroles : « la foule disait que c’était un coup de tonnerre, d’autres que c’était un ange qui parlait ». Jésus, lui, affirme que sa mort est prochaine et que son heure est venue, où son Père sera glorifié avec lui. Heure du salut, salut universel : « Père, Glorifie ton Nom ; quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ».

Revenons sur ces différents aspects de notre évangile

« Voir Jésus ». C’est le désir de ces païens, grecs, qui montent à Jérusalem pour adorer Dieu, à l’occasion de la fête de Pâques. Ils s’adressent à Philippe, un des disciples qui parle le grec, lequel va le dire à André, l’un des 3 apôtres témoins de la Transfiguration. Voir Jésus : mais pour l’évangéliste Saint Jean, voir implique davantage que simplement apercevoir. En réalité, ces païens désirent rencontrer Jésus, s’entretenir avec lui. Le voir sous-entend et indique déjà la réalité d’une certaine foi en lui. Le type parfait du croyant pour le IV° évangile, c’est le disciple préféré qui entre au matin de Pâques dans le tombeau vide à la suite de Pierre. Il vit et il crut. De même, dans les derniers entretiens de Jésus avec ses disciples avant la Passion, le même Philippe interroge son maître : « Montre nous le Père et cela nous suffit » et Jésus de répondre « comment me poses-tu encore cette question, Philippe, depuis le temps que je suis avec toi. N’as-tu pas compris : qui m’a vu, a vu le Père ? » Nous pourrions rapprocher ces païens grecs, pèlerins de Jérusalem, de la Reine de Saba venant écouter la Sagesse de Salomon, dans le livre des Rois, ou de cet eunuque d’Ethiopie dans les Actes des Apôtres qui se laisse évangéliser et baptiser par Philippe, après Pâques. Ou encore de ces mages d’Orient venant à Bethléem adorer le Roi des juifs. Tous, ils symbolisent l’ouverture du salut universel. Dieu ne réserve pas son Amour et sa Grâce au seul peuple d’Israël, ou aux seuls disciples du Christ. Jésus lui-même le dit bien à la fin de notre passage : « quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ».

Cette page d’évangile précède immédiatement les récits de la Passion et de la Résurrection. Elle présente les conditions d’entrée dans le salut universel. Pour cela, Jésus emprunte une parabole simple : celle du grain jeté en terre, qui doit mourir, afin de porter un fruit abondant. Image saisissante du chemin tout paradoxal que doit suivre le disciple, à l’exemple de son Maître. L’accès à la Gloire de Dieu, à la Vie Eternelle, au Ciel, doit passer par l’humiliation de la Croix, par l’endurance de la souffrance et de la mort, sur terre.

Saint Irénée a eu cette formule célèbre, reprise par toute la Tradition chrétienne : « la Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vraie vie de l’homme, c’est la contemplation de Dieu ». En méditant cet évangile on pourrait dire aussi : « la Gloire de Dieu, c’est le Fils de l’Homme mourant par amour pour nous sur la Croix. Et la vraie vie du Christ, c’est d’attirer tout homme à la contemplation du Père, à la Vie Eternelle ».

La Gloire et la Croix sont donc intimement liées dans l’annonce du salut, dans l’amour du Christ pour tout homme. Elles doivent l’être aussi pour chacun de nous, dans nos existences personnelles. C’est l’amour reçu, et c’est l’amour donné qui en sont les clés. « Il n’y a pas de plus grand amour que l’amour de celui qui donne sa vie pour ceux qu’il aime ».

Dimanche prochain, nous entrerons avec la fête des Rameaux dans la Grande Semaine Sainte. Aujourd’hui, en ce 5ème dimanche de Carême, dimanche de la Passion, Jésus annonce que son Heure est arrivée : l’Heure de passer de ce monde à son Père. L’heure est venue pour le Fils de l’Homme d’être glorifié et de glorifier : Père, glorifie ton Nom !

La parabole du grain de blé jeté en terre, qui doit mourir pour reprendre vie et porter du fruit devient alors un étonnant symbole de la vie pascale de tout chrétien qui doit choisir entre une vie stérile, ou une vie féconde. Et ce n’est jamais sans douleurs. Que de petites morts à soi-même pour aimer vraiment l’Autre, les autres ! « Celui qui aime sa vie la perd : celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle ».

Mais quelle joie intérieure dont témoignent tous les saints et les vrais amis de Dieu, car ils font l’expérience d’une secrète complicité avec le Christ. C’est lorsque l’on se donne vraiment avec amour que l’on ressemble le plus à Lui.

A la suite de cet évangile, entrons alors maintenant dans la grande prière eucharistique de Jésus à son Père, que l’Eglise fait sienne d’âge en âge, dans sa liturgie et qui proclame Sa Gloire : « Père Très Saint, vraiment il est bon de te rendre grâce, il est juste et bon de te glorifier. Car tu es le seul Dieu, le Dieu vivant et vrai : tu étais avant tous les siècles, tu demeures éternellement lumière au-delà de toute lumière »

AMEN (2012-03-25)