vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 03 février 2013 — 4e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C - 4° Dimanche du Temps Ordinaire - 3 février 2013

Jér 1 4-5,17-19; Ps 70; Lc 4 21-30

Homélie du F.Sébastien

Texte :

« Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais ; ...je t’ai consacré... ».

Ai-je bien entendu ? « Avant même de te former dans le sein de ta mère....»

Qui a écrit cela ? Un homme, Jérémie, dont la parole est conservée à jamais dans le livre des Écritures pour que nous puissions la faire nôtre.

Mais qui est Celui qui peut dire : « Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais ». Qui ? Sinon Celui qui nous a créés, notre Dieu.

Sans nous en rendre compte, par le miracle de la liturgie, nous avons déjà fait nôtre le plus étonnant des dialogues, celui d’un homme qui donne la parole à son Dieu pour que son Dieu lui parle !

Si Jérémie ose faire dire à son Dieu de telles paroles, c’est parce qu’il sent que c’est Dieu lui-même qui lui souffle ce qu’il doit dire, par le biais de ce qui est consigné dans la mémoire d’Israël sous la forme des psaumes.

Avons-nous conscience que tout à l’heure quand, en réponse à la première lecture, nous chantions l’admirable psaume 70, nous étions devenus comme un nouveau Jérémie parlant avec son Dieu. Nous étions sous le regard de notre Père rêvant sur un berceau : « Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais ».

Tous, nous sommes nés au cœur des psaumes, bercés par la psalmodie inlassable de l’Église notre mère. C’est en eux que nous grandissons jour après jour. Les psaumes sont de tous les baptêmes, de chaque eucharistie, présents dans les mariages, les enterrements, lors des fêtes ou des pires détresses. Les psaumes sont notre bouillon de culture.

Les psaumes nous font entrer en résonance avec toute la Bible. C’est là que nous apprenons notre condition humaine, le destin que nous partageons avec Jérémie, avec Jésus : tous pétris de la force-même de Dieu et de la faiblesse de notre humanité de chair et sang.

Jérémie est fort de l’assurance que Dieu lui donne : « Tes adversaires te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi... » Ce « Je suis avec toi » traverse toute la Bible de part en part et dit l’alliance indéfectible. Surtout dans les épreuves.

Je pense à Jérémie jeté dans une citerne sans eau. Il s’enfonce dans la vase et va connaître une mort affreuse ! « Ne crains pas, je suis avec toi... ». On l’a sorti de ce caveau, hissé avec des cordes, pour faire voir le Dieu qui peut dépêcher des sauveteurs. (Jérémie chap. 37 - 38) Mais d’autres ne virent personne venir à leur secours et connurent des morts parfois affreuses, tel Jésus. Lui aussi fort et faible.

Dans la synagogue de Nazareth, il parle avec la force de l’Esprit Saint, admiré de tous, jusqu’au moment où le Satan débouté une première fois sur le pinacle du temple, retourne brusquement contre lui ses compatriotes pour une deuxième tentative. Furieux, ceux-ci l’empoignent et l’entraînent vers un escarpement qui servira encore de pinacle, pour le précipiter en bas... Le troisième pinacle sera celui du nouveau temple, la croix sur laquelle Jésus sera élevé... Il y donnera sa vie, pendant que les croyants de tous les temps priaient et continuent de prier le psaume 22 : « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure... ».

Et voilà que Jésus glisse entre les mains de ses meurtriers de Nazareth... Comme porté par les mains des anges du psaume 90, il franchit sans encombre le ravin de la mort jeté sous ses pas, et continue... sa route... bâton en main...

C’est le début de la longue route qui le conduira à Jérusalem pour y mourir et y être déposé dans un caveau, d’où il sera emporté par la main des anges jusqu’auprès de son Père qui l’attendait, bras grands ouverts, victoire accomplie.

Je vous laisse avec quelques mots de Maurice Zundel :

« Notre-Seigneur, dans sa fragilité, marche vers Jérusalem, le regard fixé sur la Croix. Et il sait très bien que la plus haute manifestation de la puissance de Dieu qui est tout amour, c’est cette défaite inimaginable qu’il va connaître quand il va mourir sur la Croix, folie qui dépasse toute sagesse parce que nous atteignons au cœur de la générosité. » (2013)

Homélie du 27 janvier 2013 — 3e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C - 3e dimanche du temps ordinaire

Ne 8 1-10 ; 1 Co 12 12-30 ; Lc 1 1-4, 4 14-21

Homélie du F.Sébastien

Texte :

La liturgie, est-ce que cela sert vraiment à quelque chose ? Beaucoup de nos contemporains répondent sans hésiter : à rien d’autre qu’à entretenir des illusions dépassées ! Mais nous, que dirions-nous ?

De ce point de vue, les lectures de ce dimanche me semblent très intéressantes. Tout d’abord parce qu’elles déroulent sous nos yeux deux liturgies, à la fois exceptionnelles et typiques.

Dans la première lecture, nous sommes au cinquième siècle avant Jésus Christ, au retour de l’exil d’Israël en Babylonie. Là bas les exilés avaient tout perdu : leur roi, leur identité nationale, leur terre, avec Jérusalem la ville sainte, où Dieu avait établi sa demeure, leur temple où se déroulaient les magnifiques liturgies avec les sacrifices d’animaux. Mais voilà que ces privations radicales avaient recentré les exilés sur ce qui leur restait : essentiellement la loi de Moïse enchâssée dans le trésor des Écritures, qui d’ailleurs continuait de se développer. Des hommes de grande valeur spirituelle, les scribes, dont le plus célèbre est Esdras, accompagnaient une étonnante créativité religieuse. On vit apparaître des réunions de prière qui, chaque sabbat, réunissaient la communauté locale, pour des liturgies de suppléance qui prenaient forme. Il s’agissait d’un service religieux, sans prêtre, sans sacrifice, ne comprenant que des prières, des lectures, des homélies, et des chants. Quelque chose d’assez proche de nos actuelles liturgies de la parole sans eucharistie. Le culte s’intériorisait, avec l’expérience dominante, celle d’une nouvelle présence de Dieu au milieu des siens.

Ceci dit, nous pouvons revenir au film que la première lecture déroule sous nos yeux, avec force de détails, afin que nous puissions y participer comme si nous y étions. Effectivement, la merveille de la liturgie, c’est qu’hier c’est aussi aujourd’hui, encore plus aujourd’hui qu’hier. Nous tous qui sommes ici en ce moment, nous sommes aussi à Jérusalem, sur la place devant la Porte des eaux, parmi la foule : la place est noire de monde : des hommes, des femmes, des enfants. Et voici qu’apparaît le prêtre Esdras : il apporte solennellement le livre de la Loi de Moïse. Il monte sur l’estrade installée pour la circonstance. Je lis : « Tout le monde le voyait, – nous aussi – car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. (Restez assis !) Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand et tout le peuple, levant les mains, répondit : “Amen, Amen !” – Plus inattendu – Esdras fit la lecture dans le livre depuis le lever du jour jusqu’à midi. Il lisait un passage, puis les lévites donnaient des explications et l’on pouvait comprendre… – Résultat : – Tout le monde pleurait en entendant les paroles de la Loi ». Des pleurs sur le péché national dont chacun prenait conscience qu’il y avait sa part, mais surtout des pleurs de joie, d’enthousiasme, en sentant la vie, cette vie nouvelle qui envahit les cœurs lorsqu’ils sont ouverts à la Parole du Seigneur. Nous-mêmes venons de le chanter avec le psaume :

« La Loi du Seigneur est parfaite,

qui redonne vie…

Les préceptes du Seigneur sont droits,

ils réjouissent le cœur, »

Pourquoi ? Parce que ce qui nous est raconté, et offert en partage n’est rien d’autre qu’une célébration de renouvellement de l’Alliance de Dieu avec son peuple, autrement dit une liturgie parfaite. Dieu s’y rend présent dans sa Parole, sa Parole proclamée, commentée, écoutée, accueillie avec amour. Dieu donne ainsi une nouvelle vie aux rescapés de toutes les catastrophes de l’histoire humaine. Le peuple des sauvés commence une nouvelle étape, une étape qui n’est pas sans rapport avec la nôtre aujourd’hui. La liturgie va de commencement en commencement.

Dans la seconde lecture, nous sommes transportés à Nazareth. Un deuxième film se déroule en surimpression sur le premier. Un certain Jésus, dont la renommée ne cesse de grandir, entre un sabbat dans la synagogue de son village. Il se lève pour faire la lecture, ce n’est sans doute pas la première fois qu’on le lui demande. Nous le voyons ouvrir, comme Esdras, le livre des Écritures, tomber sur le passage d’Isaïe. Nous l’entendons lire, comme jamais encore lecture n’avait été faite. « L’Esprit du Seigneur est sur moi… » Il est aussi sur les auditeurs et Jésus le sait. Il sait qu’il peut compter sur l’Esprit Saint pour leur faire comprendre que, en la circonstance, le lecteur qu’il est ne relit pas une fois de plus le texte célèbre d’un prophète d’autrefois, mais qu’il parle de lui-même, de sa propre personne, de sa vocation, de son programme dont la seule proclamation est une inauguration. Il parle et, à mesure qu’il parle, cela s’accomplit. Dans la synagogue, la Bonne nouvelle est entendue par les pauvres pécheurs qui y sont rassemblés, qui sentent leurs prisons s’ouvrir, des aveugles voient. La grâce des temps nouveaux roule à pleins bords.

Elle enveloppe toute l’assemblée, l’unifie en un seul corps, un corps joyeux animé par l’Unique Esprit. L’Esprit s’occupe de tous, de chacune et de chacun, personnellement, pour leur faire prendre conscience de leur valeur irremplaçable, des dons qui leur sont confiés pour le bien de tous. Pour un nouveau départ, ensemble, en corps constitué par l’Esprit.

Homélie du 20 janvier 2013 — 2e dim. ordinaire — Frère Jean-Noël
Cycle : Année C
Info :

Is 62, v 1-5 ; 1 Co 12, v 4-11 ; Jn 2, v 1-11

Homélie du Frère Jean-Noël Bouloy

Texte :

Il y avait un mariage à Cana . Ne comptez pas sur Jean pour vous raconter une noce campagnarde. Ce n’est pas son souci. On le sent bien à la manière solennelle dont il couronne son récit : Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit, c’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire. Et ses disciples crurent en Lui .

Jean ne parle pas non plus de miracle. Il évite même le mot, de peur qu’on aille s’égarer dans le fabuleux. Un SIGNE donc. Mais c’est quoi un signe ? Comme une pancarte : elle ne vous arrête pas, elle vous pousse plus loin – ici, plus profond - et là Jean nous le dit clairement, terriblement plus loin : Il manifesta sa gloire .

La gloire. Attention. Oublions nos glorioles. Dans les Écritures, la gloire, c’est ce qui éclate, quand Dieu se fait connaître. C’est l’éclat, le rayonnement, le trop de lumière ; plus, c’est la présence éclatante, massive, indubitable. Gloire partiellement manifestée, à bien des reprises et de bien des manières autrefois aux pères, aux prophètes, maintenant définitivement révélée en Jésus-Christ, et que Jean entreprend de nous faire «toucher» comme il dit – à travers les sept signes rapportés dans son Évangile. Sept, la plénitude. Tout sera dit. Rien d’autres à attendre : le dernier mot de Dieu Sa Parole.

A Cana donc le premier signe. Commencement. Pas seulement parce que c’est le premier de la série. Commencement parce que en ces temps qui sont les derniers, il y a quelque chose qui change, et qui change tellement que Jean ne trouve rien de mieux pour le faire entendre que d’évoquer la Genèse. Commencement . Et pour Jean, c’est très important, de nous le dire, de nous y préparer. Car comment accéder au grand signe, à la révélation dernière – si déroutante - de la gloire du septième signe : la croix, la mort, la résurrection. (Notez le clin d’œil de Jean : Marie était là au premier signe. Encore là au dernier. Debout, croyante.) Comment donc accéder au dernier signe (témoignage du sang et de l’eau) si on n’est pas prêt à bouger, à se bouger. Oui, c’est important pour Jean de nous y préparer. C’est peut être le sens que ce premier signe nous dira : Attention, il y a du changement dans l’air. Ca va changer . Et pour nous le dire très fort, un comble : de l’eau changé en vin – oui un comble. Du jamais vu.

L’eau des ablutions, l’eau des purifications. Et Dieu sait s’il y en avait de ces purifications : avant le marché, après, les plats, les coupes, l’intérieur, l’extérieur, les mains, jusqu’au coudes, les pieds jusqu’à la tête (St Pierre). On ne serait jamais assez pur. Six jarres, il fallait. Pas sept, car il n’y a pas de purification parfaite, il ne faut pas rêver. Donc six jarres de purification, changées en vin. Et pas n’importe lequel. Pas le vin qu’on boit à la mi-temps du jour, pour se redonner du cœur à l’ouvrage, vin de la peine et du travail des hommes. Encore moins, le vin qu’on se boit en cachette, au plus noir de sa vie, vin de honte et de misère, non. Le vin de la fête, fort, qui fait chanter et danser, le fils ainé aux mains pures dut-il en crever de jalousie. Du vin de noces, tous ensembles à la face du soleil. Oui, les six jarres de la purification impossible changées en coupe de bénédiction débordante, coupe d’alliance. Alliance nouvelle, éternelle. La grande nouveauté. Le changement qu’évoque, annonce ici, la noce. La fête inaugurée, la musique et les danses d’une communion restaurée, en mieux. Ce n’est pas une comédie dont on sortirait vidé dans le matin gris une fois éteints les derniers flonflons. C’est plus que le deuil changé en danse dont parlaient les Psaumes ? C’est ce qui n’était pas monté au cœur de l’homme. C’est le vieux rêve de Dieu prenant corps d’une alliance éternelle avec nous tous. Du jamais vu encore. On comprend que Jean nous avertisse : Attention, ça va changer . Une alliance nouvelle. Et pour qu’on n’en doute pas, pour qu’on voie bien de quoi il s’agit, la première lecture, en écho insiste, précise comme un jeune homme épouse une jeune fille, celui qui t’a construit t’épousera.

Comme un jeune homme ! Dieu comme un jeune homme ! Quel est ce païen qui est allé nous le peindre : vieillard, vieille barbe, vieilles rides et cheveux blancs, réplique parfaite de ces vieilles divinités romaines aux fontaines de Rome ? Dieu comme un jeune homme amoureux. Rappelons nous, ailleurs, dans l’Évangile cet amoureux, amoureux d’une perle et son coup de folie pour sa perle achetée à grand prix, dira Paul. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. Si on pouvait ne retenir que ça : tu seras la joie de ton Dieu .

Cela valait la peine que Jean nous avertisse : ça va changer. Et on le voit bien, lorsque les premiers disciples de Jésus, bousculés par l’Esprit, auront bien déchiffré tous les signes –jusqu’au dernier (le grain broyé, le sang versé) les gens diront : Mais ils sont pleins de vin ! La ferveur de la joie trouvée leur avait changé la tête.

Alors la morosité de notre foi ? Nos mauvaises craintes, entretenues, cultivées, comme de gens épiés, jugés ? Alors nos disputes entre frères chrétiens ? Dérisoires. Jésus n’a pas fini de changer l’eau de nos vies. Pas en eau bénite. Mais en vin de fête : Tu seras la joie de ton Dieu ou, comme on entendait dimanche dernier Tu es mon fils bien-aimé .

Vous comprenez alors pourquoi dans les monastères il est de tradition de servir du vin à table, le dimanche de Cana - et encore à nos obsèques. Ce n’est pas du folklore. C’est célébration de la foi. Tu seras la joie de ton Dieu, il aura en toi sa joie et son allégresse. Il dansera pour toi avec des cris de joie comme cela nous a été dit en Sophonie peu avant Noël.

Le commencement des signes. Nous ne sommes pas au bout den nos surprises. Une alliance nouvelle, éternelle.

L’Eucharistie, maintenant, l’annonce, la célèbre, la chante, rend grâce au Père en nous y introduisant par le Christ, avec Lui, en Lui.

Amen

Homélie du 01 janvier 2013 — Marie, Mère de Dieu — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Marie, Mère de Dieu - 1° janvier 2013

Nbres 6,v22-27; Gal 4, v 4-7; Lc 2, v 16-21

Père Abbé Luc

Texte :

Des textes entendus, je voudrais retenir trois mots qui peuvent nous aider à entrer dans cette année nouvelle, et pourquoi pas nous accompagner. Ce sont les mots : bénir, fils, et méditer, tirés des lectures.

Bénir. Dans le livre des Nombres, on a ce beau passage, dans lequel Dieu enseigne à Moïse comment bénir les Israélites de sa part : Que le Seigneur te bénisse et te garde, qu’il t’apporter la paix . Dieu désire bénir son peuple, mot à mot il désire dire des bonnes choses, de bonnes paroles. Et pour Dieu dire, c’est aussi faire. Donc Dieu désire dire t faire du bien à on Peuple. En commençant cette année, il est bon de nous remettre sous cette conviction. Dieu nous donne sa Parole au jour le jour. Il veut faire du bien à travers sa Parole. S’il en est ainsi, on peut se demander : et si nous aussi nous apprenions à bénir, à dire du bien aux autres pour leur faire du bien ?

Fils. Et Dieu a été bien loin dans la bénédiction, il nous a donné sa Parole, le Verbe fait chair, Jésus –Christ né d’une femme. Voilà la Parole qui pouvait nous apporter le vrai bien : la vie divine. En Jésus le Fils, Vraie Parole du Père, nous devenons nous aussi des fils. Des fils capables de dire à Dieu Père . L’Esprit Saint veut nous rendre toujours plus libre intérieurement pour dire père toujours plus en vérité. Et si durant cette année, nous acceptions de nous libérer de certains de nos esclavages, de ces liens qui nous empêchent de vivre, selon notre dignité de fils de Dieu ?

Méditer. Dans la crèche, la venue des bergers a été l’occasion d’un joyeux échange sur l’évènement de la naissance de Jésus. Les bergers ont rapporté les parole des anges avec une telle joie que tous ont été remués. Marie retient tous ces évènements en son cœur. Le verbe méditer en grec veut dire mot à mot jeter ensemble . Marie jette tout ce qu’elle entend et tout ce qu’elle voit dans son cœur. Elle retourne toutes ces paroles en son cœur pour mieux les comprendre, mieux les goûter. Elle est toute ouverture à la vie qui se déroule autour d’elle et par elle. Sans tout savoir à l’avance, elle apprend à recueillir le sens des évènements. Et si durant cette année, nous apprenions comme Marie à davantage écouter et laisser résonner ce que nous entendons et vivons ? Si nous apprenions à méditer davantage en notre cœur les évènements de notre vie à la lumière de la Parole de Dieu? Pour ne plus courir après la vie, mais nous laisser enseigner par elle sous l’éclairage de la Parole.

Heureux de célébrer en ce jour, Marie Mère de Dieu et notre mère, nous nous confions à son intercession pour marcher sur notre route.

Homélie du 30 décembre 2012 — Sainte Famille — Frère Hubert
Cycle : Année C
Info :

SAINTE FAMILLE 30 DECEMBRE 2012

Sam 1, v 20-28; 1Jn 3, v 1-2; Lc 2, v 41-52

Homélie du F.Hubert

Texte :

Fin des évangiles de l’enfance, chez st Luc.

Etonnant évangile pour fêter la Sainte Famille ! Mais comment l’Evangile ne serait-il pas étonnant ? Il n’est pas un récit d’histoires édifiantes : il est le témoignage de l’œuvre de salut accomplie en Jésus, le Nazaréen, fils de Dieu né de Marie.

Certes la dernière phrase : Jésus grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes , peut conforter l’image spontanée que nous avons d’une sage Sainte Famille.

Encore que le fait que Dieu vive comme un enfant et un homme ordinaire, pendant 30 ans, dans une modeste bourgade de Galilée, n’a rien de naturel , de convenable …

Si le père auquel Jésus se réfère est son Père du ciel, les évangiles nous soulignent bien que Jésus a eu un vrai père humain qui l’a élevé, fait grandir, l’a entouré de tendresse et d’amour, en qui il a pu avoir toute confiance pour grandir en humanité, sous le regard de Dieu et des hommes.

Rôle irremplaçable de Joseph pour que le Fils de Dieu soit vraiment homme. Vérité de l’Incarnation.

Mais, au milieu de ses années ordinaires à Nazareth, voici que Jésus, venu avec ses parents pour la fête de la Pâque, reste à Jérusalem à leur insu, sans qu’il leur en dise rien.

Etonnant ! St Luc cependant ne nous parle pas de la fugue d’un adolescent : il nous parle déjà de la Pâque de Jésus, de son chemin pascal.

Par son oui lors de l’Annonciation, Marie a dit oui à l’imprévu de Dieu dans sa vie. Joseph, de son côté, a répondu dans la foi à l’annonce de l’ange : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, car l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. » Quels bouleversements dans leur vie !

Sara s’était dit : « Comment pourrai-je encore enfanter, vieille comme je suis ? » Marie, elle, a immédiatement donné toute sa foi à la parole de l’ange : « L’Esprit viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. » Elle a dit oui à l’imprévu, à ce qui humainement était impossible. Elle a cru que Dieu pouvait susciter en elle un enfant sans qu’elle soit charnellement unie à Joseph. Elle a accepté que cet enfant qu’elle allait porter, dont elle allait être la mère, soit d’origine divine. Dans son corps même et dans tout son être, elle a fait l’expérience que Jésus était le fruit de la puissance du Très-Haut, et qu’il ne lui appartenait pas. Mais son chemin d’intelligence du mystère de son Fils était cependant loin d’être achevé.

A Bethléem, les bergers, au Temple, Siméon, ont eu des paroles de lumière et de feu, éclairantes et brûlantes. Marie les a gardées et méditées dans son cœur, cherchant à comprendre, dans l’amour et la confiance, ce qui la dépassait. Elle a fait confiance sur cela même qu’elle ne comprenait pas.

A douze ans, après le quotidien d’une enfance « ordinaire », Jésus lui-même lève un peu le voile sur son propre mystère. Au moment de passer de l’enfance à l’âge adulte, ce n’est plus par des tiers qu’il se manifeste, mais par lui-même. Par ce récit, Luc nous signifie que toute la vie de Jésus est une Pâque, un exode vers le Père, que toute sa vie, il monte à Jérusalem, que sa maison, son lieu de vie, c’est le Père lui-même.

S’il en coûte à ses parents de l’avoir perdu, il lui en coûtera bien plus encore de prendre définitivement le chemin de Jérusalem : après s’être entretenu, lors de la Transfiguration, avec Moïse et Elie, « de son départ qui allait se réaliser à Jérusalem », il « prit avec courage la route » de cette ville où il allait remettre son esprit dans les mains du Père.

« Ne savez-vous pas que c’est chez mon Père que je dois être ? » sont les premières paroles de Jésus rapportées par st Luc ; les dernières, après la promesse au bon larron, seront : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit. » Le Père est sa demeure propre ; toute son œuvre est de nous y introduire avec lui.

D’autres paroles surprendront à nouveau Marie mais la trouveront toujours ouverte et méditant dans son cœur : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui entendent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique. » 8, 19-21

Plus que « la mère qui m’a porté dans ses entrailles, heureux ceux qui entendent la parole de Dieu, et qui la gardent ! »

« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. »

Que Marie et Joseph nous apprennent jour après jour, de plus en plus profondément, quelle est notre origine et vers qui nous allons, quelle est notre demeure, et le visage de Celui qui est notre Source et notre But ultime.

Le P. Denis, quand il était notre Abbé, nous accueillait souvent par ces mots : « Alors, fils de Dieu ! » J’aimais beaucoup cela. Nous n’avons pas de titre plus beau et plus vrai que celui-là. Nous sommes fils de Dieu bien plus profondément encore que nous ne sommes fils de nos parents de la terre.

Mes bien-aimés, voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes.

Homélie du 24 décembre 2012 — Noël - Messe de minuit — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Vigiles de NOEL 2012

Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14

Homélie du P.Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs,

Nous venons d’entendre cette page d’évangile qui nous relate la naissance de Jésus, le Messie, alors que Quirinius était gouverneur de Syrie. La Syrie. Comment entendre la Bonne Nouvelle de la venue du Prince de la Paix, en songeant à ce pays pris aujourd’hui dans les affres de la violence, comme d’ailleurs bien d’autres dans le monde, au Congo démocratique ou au Mali… Si cette page d’évangile garde toute la fraicheur bouleversante d’une nouveauté offerte, elle garde aussi tout son poids d’enracinement dans l’histoire humaine. Entre les pays de Judée, de Galilée et Syrie souffrant de l’occupation romaine, et les conflits qui ensanglantent encore le Moyen Orient aujourd’hui, la différence est mince d’un point de vue politique. En ce 25 décembre 2012, nous accueillons donc dans un aujourd’hui tout aussi présent, l’annonce de la venue de notre Dieu, désarmé et dépouillé…enfant dans une mangeoire. Comme nous l’avons chanté, c’est aujourd’hui qu’un Sauveur nous est né . En faisant mémoire de ce qui s’est passé il y a 2000 ans, nous croyons que c’est encore aujourd’hui que Dieu vient nous visiter. Celui que le prophète Isaïe annonçait comme le Merveilleux conseiller, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la Paix , nous l’accueillons dans la certitude qu’il continue d’agir dans ce monde…

Peut-être me direz-vous, mais pourquoi depuis le temps de sa venue, son règne établi sur le droit et la justice n’a-t-il pas triomphé ? Pourquoi notre monde est-il encore aux prises avec tant de violences ? Je n’ai pas de réponse devant ce pourquoi, mais j’ai une conviction de foi : le Christ, venu dans la chair, et qui a triomphé de la mort par sa résurrection, ne cesse d’accompagner les générations qui naissent et qui meurent. Il ne cesse de naitre à leur histoire pour les entrainer dans une nouvelle naissance, celle de la mort à la vie, celle de l’injustice à la justice. Ainsi génération après génération, il vient par son Esprit soulever notre pâte humaine. Alors se lèvent des témoins de son règne de justice et de paix. Des hommes et des femmes, de l’ordinaire le plus souvent, qui ont rendu possible la vie là où elle était compromise, qui ont risqué la leur pour que d’autres vivent. Ces témoins n’ont pas d’autres armes que leurs mains vides pour aimer et pour se donner. Telles des lumières, plus ou moins grandes, ils offrent des repères autour d’eux. Ils réconfortent par leur manière d’être et de vivre. Ils donnent la paix qu’ils accueillent eux-mêmes d’abord, souvent au prix d’un vrai combat personnel et communautaire…Et ces témoins, c’est aussi chacun de nous, si nous le voulons, si nous laissons la Paix et la Lumière du Christ nous habiter. St Paul disait cela avec ses mots : La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. C’est elle qui nous apprend à rejeter le péché et les passions d’ici bas… Oui, depuis sa venue dans notre chair, le Christ ressuscité ne cesse de faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien . En cette nuit de Noël, en pensant à nos frères chrétiens de Syrie, et à tous les hommes de bonne volonté de ce pays, nous pouvons avec eux, devenir plus ardent à faire le bien au service du règne de justice et de paix, au service du Sauveur qui vient de naître. Là où nous sommes, sans prétention. En contemplant le Christ venu sous les traits de la faiblesse, apprenons la grandeur de la vulnérabilité. Accueillons la force du silence et la lumière de la simplicité. Ce sont les armes des serviteurs de l’Enfant de la Crèche, le Sauveur du monde. Si la vie nous éprouve, si la santé se fragilise, si les difficultés sont une tentation de baisser les bras, revenons à ce lieu de fraicheur native, vers la crèche de tous les possibles. Notre impuissance n’a pas effrayé notre Dieu. Il l’a faite sienne. Et il désire nous apprendre à l’habiter dans la confiance. Là il nous offre sa vie divine en germe.

Frères et sœurs, en cette eucharistie, nous faisons mémoire de la venue du Christ, et du pouvoir transformant de sa résurrection. C’est lui de nouveau que nous accueillons. Faisons lui une place généreuse.

Homélie du 08 décembre 2012 — Immaculée Conception — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Immaculée Conception - Gn 3,9-15.20 ; Ep 1,3-6.11-12 ; Lc 1,26-38

Père Abbé Luc

Texte :

Je crois que c’est jacques Loew qui disait : Il n’est pas facile de parler de la Vierge Marie. Seuls les saints, les poètes et les théologiens savent bien le faire .

Ce matin, pour parler de cette fête, célébrée au cœur de l’Avent, je voudrais prendre appui sur des poètes qui nous gratifient dans la liturgie d’hymnes particulièrement remarquables.

Nous contemplons Marie, pleine de grâces comblée d’une manière si unique qu’elle est l’aurore qui annonce le seul jour qu’est le Christ.

En sa demeure illuminée, elle fait place à celui dont la Gloire rayonnera pour le salut de notre race.

Femme promise au début des âges, elle est le première des sauvés.

Le sang du Christ la rachète et l’illumine, ce sang dont elle est la source.

Les temps nouveaux tressaillent en elle, l’Avent mystérieux du Royaume à naître.

Devant sa beauté radieuse, nous tous, nous nous émerveillons. En elle, Marie, se dessine la figure de l’Eglise. La fiancée sans tâche ni ride. En elle, nous contemplons déjà la création transfigurée.

Elle qui a bâti sa demeure dans les vouloirs du Père, elle nous apprend à n’opposer aucune peur, aucun refus à l’œuvre de grâce.

Elle nous entraine à n’avoir avec elle qu’un cœur rempli d’ineffable attente.

Marie servante et souveraine, servante parce que souveraine. Souveraine parce que servante.

Elle s’offre comme un miroir très pur de la gloire du Père. Dans sa lumière, nous voyons la lumière du Fils, Seigneur et Serviteur.

Sa docilité nous montre l’Esprit à l’œuvre quand il la prend sous son ombre et doucement la garde.

Vierge bénie, toi qui ravis le cœur de Dieu , toi en qui l’amour de Dieu rejoint nos vies, et les prend dans la sienne, fais nous la joie de partager l’exultation de ta louange.

Voici l’aurore

Mère Immaculée

Pleine de grâce

Toi qui ravies le cœur de Dieu

(préface de la messe du 8 décembre)

Homélie du 25 novembre 2012 — 34e dim. ordinaire : Christ Roi — Frère Antoine
Cycle : Année B
Info :

Le Christ Roi de l’Univers 25 novembre 2012

Dan 7 13-14 ; Ap 1 5-8 Jn 18,33-37

Homélie du F.Antoine Courcier

Texte :

Et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme

Ceux qui ont lu les Evangiles savent que cette figure un peu mystérieuse du Fils de

l'homme (à laquelle Jésus s'est référé plus d'une fois) a une double face (comme une

pièce de monnaie ... ou, si vous préférez, comme une médaille)

- une face d'humilité ... celle du SERVITEUR, bientôt humilié, jugé, devant

Pilate" : Voici l'Homme " Ecce Homo! " le fils de l'homme doit beaucoup souffrir,

solidaire de la faiblesse et des souffrances des hommes (pensons à ces saintes faces,

peintures ou gravures de Georges Rouault) ...

- et une face glorieuse, victorieuse (celle annoncée dans le livre de Daniel,

reprise dans les visions de l'Apocalypse ... nous venons d'en entendre des passages en

ce dimanche du Christ roi de l'univers)

Dans le Credo que nous allons redire dans un instant, nous retrouvons bien ces

2 aspects: " Il s'est fait homme ... Crucifié (jugé) sous Ponce Pilate / Il ...

ressuscité ... il siège à la droite du Père/ Il viendra dans la gloire pour juger les

vivants et les morts ... et son règne n'aura pas de fin."

Premier aspect, première face de la médaille" Fils de l'H" : cette année l'Evangile selon st

Jean nous a fait entendre une partie des échanges entre Jésus le Juif et Pilate le

gouverneur romain (notons que l'Evangile de Jean est très bon pour construire et mener

de tels dialogues). Un échange qui porte ici sur la royauté: où l'on part de " Es-tu le

roi des juifs ?" le roi de ce petit peuple obstiné que méprise le gouverneur. Et cela

aboutit à " Alors, tu es roi ?" roi tout court, Roi universel ... pour tout homme non pas qui possède la vérité, mais lui appartient, la recherche sans cesse en écoutant la voix du " Christ roi de l'univers. (vérité sur Dieu, sur l'homme, sur les relations entre l'homme et Dieu, entre les hommes ... )

Entre ces deux. Une réserve et une précision importante de la part de Jésus :

Tu dis que je suis roi ... Cà dépend! ... car ma royauté ne vient pas d'ici, pas de ce

monde, pas comme les rois de ce monde avec leur garde d'élite; rois qui disposent de

la force, contraignent, dominent, voir écrasent ... mais roi qui par sa parole et par sa

voix (la voix attire) rassemble un peuple pris parmi toutes les nations, les races, les

langues.

Durant toute sa vie publique Jésus n'a cessé de rappeler cela. Et au cours de

son dernier repas (marqué par la scène du lavement des pieds) il dit encore à ses

disciples ( Luc 22,25) :" Les rois des nations païennes commandent en maîtres ... Pour vous, rien de tel! Faites plutôt comme moi: je suis au milieu de vous comme celui qui sert à table!" SERVITEUR et avec Lui, tous serviteurs: ceux qui ont souci de ne pas violenter et maltraiter la terre en la cultivant pour les hommes; ceux qui en 2013 veulent réveiller dans les communautés chrétiennes l'importance de la 1

Diaconie, de l'attention aux plus petits (Diaconia 2013); ceux qui viennent consoler

ceux qui pleurent et sont dans l'épreuve ... etc ...

Autre parole :

« Restez éveillés (en tenue de service) afin d'être jugés dignes de vous tenir debout

devant le Fils de l'Homme!''(Luc 21) .... Là, nous venons de retourner la médaille

pour contempler sa face glorieuse !

Mais attention à ne pas retomber dans des conceptions trop humaines et paresseuses

de la notion de gloire! Si on y réfléchit un peu la gloire du Christ, de l'agneau

comme immolé de l'Apocalypse, ce ne peut être une gloire qui domine de façon

arbitraire et despotique, à vous faire peur! Non, c'est le resplendissement de son être

profond qui est d'être serviteur, pour toujours; ... et, le jugement, c'est le Fils de

l'Homme qui recherche et souvent admire ce qui dans l'homme ou la femme qui se

tient" debout" devant lui est en harmonie avec cet être serviteur ( Voyez Mt 25)

- ce qu'avait très bien compris un Georges Brassens dans la plus belle de ses chansons !

Dans l'évangile de Luc, ( 12.37) il y a un texte assez étonnant, quand Jésus déclare:

« Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller

(dans le service)

Amen, je vous le dis: il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les

servira chacun à son tour. "

Le Christ, roi serviteur sur la terre et dans la gloire !

Cette parole de Jésus le Christ a inspiré une très belle hymne que les frères

aiment chanter le dimanche soir avant d'entrer dans la nuit (vous en avez le texte

sur une feuille). Le mieux ici serait que la parole cède la place au chant que vous

n'avez guère l'occasion d'entendre ....

Homélie du 18 novembre 2012 — 33e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

Année B - 33° Dimanche du Temps Ordinaire - 19/11/2000

Daniel 12 1-3 ; Hébreux 10 11-14,18 ; Marc 13 24-32

Homélie de F.Guillaume

Texte :

L’Evangile que nous venons d’entendre appartient à un genre littéraire dans la Bible très particulier : le genre apocalyptique. Ce genre n’est pas facile à bien comprendre, car il ne nous est pas familier.

Si nous lisons ce texte à la lettre en effet, dans une perspective historique de la fin du monde, si nous nous arrêtons à la description détaillée des évènements qui l’accompagnent, nous risquons de passer à côté du message essentiel que Jésus veut enseigner à ses disciples et à nous-mêmes.

N’oublions pas que le mot « apocalypse » dans l’Ecriture n’est pas à entendre d’abord au sens de « catastrophe finale », dans le but de nous faire peur, mais qu’il signifie « Révélation », dévoilement d’un contenu caché, d’un aspect de l’Evangile, qui est toujours Bonne Nouvelle pour les croyants.

Les images que le langage apocalyptique utilise, en particulier dans notre texte, devraient nous aider à mieux entrer dans le mystère de Dieu, là où un simple développement rationnel est impuissant à en dire la richesse.

Ainsi «le soleil qui s’obscurcit, la lune qui perd son éclat, les étoiles qui tombent du ciel et les puissances célestes qui sont ébranlées » nous renvoient au récit de la Création dans le livre de la Genèse. Il y a ainsi correspondance entre la Fin du monde et son Commencement. Au terme d’une grande détresse nous dit l’Evangile, il y aura comme un retour au Chaos et aux Ténèbres primitifs, et ils précèderont une Nouvelle Création, un monde nouveau, une Jérusalem d’En-haut, de justice et de paix.

Le message est donc clairement un message d’espérance, de vie éternelle, qui s’adresse à des personnes vivant dans un temps de persécution et de malheur, comme au temps du prophète Daniel qui prophétisait dans la première lecture la résurrection des justes :

« en ce temps-là viendra le salut de ton peuple, de tous ceux dont le nom se trouvera dans le livre de Dieu. Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront ; les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte… Les sages brilleront comme la splendeur du firmament, et les justes resplendiront comme les étoiles dans les siècles des siècles ».

Une autre image de l’évangile de ce jour est celle des « nuées » sur lesquelles s’avance le Fils de l’homme. Ces nuées évoquent la nuée dans le Désert, qui accompagnait le peuple dans sa marche vers la Terre Promise. L’image symbolise la présence de Dieu à son peuple. Dieu n’abandonne pas les siens, au temps de l’épreuve ou de la persécution. Mieux, il se fait proche : il se tient à la porte et il frappe, prêt à partager le repas avec celui qui lui ouvrira sa maison, son cœur.

Ce thème de la proximité est aussi développé par la parabole du figuier, dont les branches et les feuilles annoncent l’été. Le texte de Saint Marc joue sur l’ambiguïté du mot « proche ». Au terme de l’histoire, il ne s’agit plus de la proximité d’un événement, d’une catastrophe redoutable, mais de la proximité du Fils de l’Homme, d’une personne, d’une rencontre :

« De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver tout cela, sachez que le Fils de l’Homme est proche, à votre porte ».

Enfin une dernière image que je relèverai dans cet évangile : celle du « rassemblement final autour du Fils de l’Homme ». Le message, là encore, est important à comprendre : le salut est proposé à tous les hommes, les élus viendront des 4 coins du monde, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel. Image de l’Universalisme ouvrant à des horizons larges, faisant craquer tous les repliements identitaires ou sécuritaires.

Au terme de l’Histoire, pour l’évangéliste Marc, le plus important, ce n’est pas le Jugement dernier, qu’il ne décrit pas à la différence d’autres évangiles, mais c’est ce rassemblement : message de consolation et d’encouragement, d’exhortation à tenir bon, car le but espéré dès cette vie, c’est la communion des élus autour du Fils de l’Homme, lui qui est victorieux de tout mal et de toute mort.

Ainsi, à travers des images qui renvoient à d’autres passages de l’Ancien ou du Nouveau Testament, ce texte de l’évangile, à première écoute déconcertant ou déroutant, peut s’éclairer et nous pouvons en tirer 3 enseignements pour nous aujourd’hui :

- d’abord il nous invite à la vigilance et à la persévérance dans la foi, surtout au temps de l’épreuve : alors qu’un mouvement trop naturel nous ferait penser que Dieu nous abandonne, ou qu’il n’existe plus, c’est précisément alors que l’on ne l’attend plus qu’il s’approche de nous et qu’il se tient à la porte et qu’il frappe. Saurons-nous reconnaître cette présence et l’accueillir ? Notre foi se nourrit-elle assez de l’attente de Dieu, l’attente de Celui qui doit venir et qui vient, comme nous le rappellera le Temps liturgique de l’Avent, dans 15 jours.

- le second enseignement de cet évangile est de montrer la place centrale du Fils de l’Homme dans l’Histoire, dans notre histoire, personnelle et collective. En lui, nous confessons le Christ, Messie de Dieu, venu dans le monde pour nous sauver et nous apporter la Vie, la Vraie Vie. Le ciel et la terre pourront passer et passeront, ses paroles ne passeront pas. Il partage l’intimité de Dieu : il est de même nature que le Père, et par Lui, tout a été fait.

o Pourtant, il ignore tout autant que nous, tout autant que les anges dans le ciel, le jour et l’heure de cette Fin du Monde. Nul ne les connaît sinon le Père. Jésus semble dire que c’est là une connaissance réservée, alors que dans d’autres passages il affirme : « tout m’a été remis par mon Père… Tout ce qui est à toi est à moi, et tout ce qui est à moi est à toi, car nous sommes Un »

Sans doute, en bonne théologie, faut-il distinguer dans le Christ une économie divine, trinitaire, où effectivement tout est commun entre le Père et le Fils, dans l’Unité de l’Esprit Saint, et une économie humaine, dans l’incarnation du Verbe, par laquelle le Christ renonce à beaucoup de prérogatives divines, pour partager plus profondément notre condition, ainsi que le chante l’hymne aux Philippiens.

- Enfin le dernier enseignement à retirer de cet évangile et le plus important, je crois, c’est la certitude de la présence de Dieu à tout moment de l’histoire du monde, depuis sa création, jusqu’à son achèvement. Nous célébrons cette présence réelle et mystérieuse à chaque eucharistie. Cette présence trouve en effet son centre et son somment dans l’événement pascal : le sacrifice de Jésus, mort et ressuscité, comme nous l’a rappelé la seconde lecture :

« Jésus-Christ, après avoir offert pour les péchés, un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds. Par son sacrifice unique, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qui reçoivent de lui la sainteté »

AMEN (2000-11-19)

Homélie du 11 novembre 2012 — 32e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

32ème dimanche TO (Année B)

(1 Rois 17,10-16 ; Hébreux 9,24-28 ; Marc 12,38-44)

Frère Guillaume

Texte :

Frères et sœurs

Les trois textes de la liturgie que nous venons d’entendre sont placés sous le signe du don, de l’offrande. Et dans chacun, il y est question de vie et de mort.

- Don d’un peu d’eau et d’un morceau de pain, de la part de la veuve de Sarepta, pour le prophète Elie, en une période de grande sécheresse, où les gens meurent de faim et de soif,

- Don d’argent, que ce soit de grosses sommes de la part des riches ou que ce soit 2 piécettes de la part d’une pauvre veuve qui donne tout ce qu’elle a pour vivre

- Don de sa vie, de la part du Christ, en sacrifice pour le péché des hommes : offrande suprême plus spirituelle, plus théologale, dans la seconde lecture de l’épitre aux Hébreux qui englobe l’histoire du salut dans le mystère pascal de la mort et de la résurrection de Jésus.

Revenons sur chacun des ces 3 textes des ces 3 gestes de don et d’offrande et cherchons à en tirer une leçon pour nous aujourd’hui.

Dans le livre des Rois, ce n’est pas la 1ère fois que nous trouvons le prophète Elie en manque d’eau et de pain, à la frontière de la survie. Déjà, en fuyant l’hostilité de la reine Jésabel, qui lui en voulait à mort parce qu’il avait détruit les temples de son Dieu Baal et fait massacrer leurs prêtres, Elie s’était retrouvé seul, au désert, complètement déprimé et souhaitant que Dieu lui reprenne sa vie. C’est alors qu’un ange lui avait apporté par 2 fois de l’eau et du pain, afin qu’il retrouve courage et force et qu’il reprenne la route : 40 jours et 40 nuits vers l’Horeb. Aujourd’hui, c’est la sécheresse qui l’amène à réclamer à cette veuve de Sarepta de l’eau et du pain, à partir de ses dernières réserves d’huile et de farine. Aucun des personnages de cette scène n’est dupe : c’est la dernière chance de vie pour le prophète, pour la veuve, pour son enfant. A moins d’un miracle de la part du Dieu auquel croit Elie. Miracle qui se réalise grâce au devoir d’hospitalité, devoir prioritaire, accompli par cette femme. Et tout comme Elie avait pu reprendre la route au désert, cette femme veuve pourra reprendre la route de l’éducation de son enfant, en le nourrissant jusqu’au retour de la pluie.

L’Evangile, lui, nous montre Jésus au Temple dans une controverse avec des scribes où il dénonce leur hypocrisie et leur superficialité. Ces hommes ayant autorité dévorent en fait les biens des veuves et ils affectent de prier longuement, en public pour bien se montrer et paraître justes. Cela impressionne ceux qui les voient et les entendent : les disciples de Jésus seraient aussi tentés d’admirer cette manière de faire, d’envier peut-être ces riches qui mettent de grosses sommes d’argent, ostensiblement, dans le tronc de la salle du Trésor. Après tout, ne sont-ils pas, ces riches ceux qui rendent le plus beau culte à Dieu, la plus belle offrande qui lui plaise, pour sa plus grande Gloire ?

Jésus prend alors la parole et il l’adresse, non pas directement aux scribes, aux riches, ni même à la pauvre veuve, mais à ses disciples. Et cette parole est empreinte d’autorité : Amen, je vous le dis : cette veuve a donné plus que tout le monde. Elle a pris sur son indigence, elle a donné tout ce qu’elle avait pour vivre.

Jésus rappelle ainsi l’enseignement des prophètes, trop oublié de ses contemporains. Dieu ne regarde pas à l’apparence. Il voit le fond des cœurs. Le sacrifice qui lui plaît, c’est un esprit brisé, un cœur aimant, prêt à tout donner, prêt à se donner. Et à travers l’exemple de la pauvre veuve, Jésus anticipe l’annonce de son propre sacrifice, du propre don de sa vie. Il n’est pas sans signification que ce passage de l’évangile de Marc, au chapitre 12 précède de peu les récits de la Passion et de la Résurrection.

Du coup, le sens le plus profond de ces récits de veuves que la liturgie nous donne à méditer aujourd’hui, à travers la 1ère lecture et l’évangile, se trouve dans la seconde lecture de l’épitre aux Hébreux. Elle nous présente le sacrifice du Christ s’offrant une fois pour toutes, à la différence des autres sacrifices matériels de dons et d’offrandes, éphémères, lesquels doivent se répéter d’année en année, en expiation pour les péchés du peuple. Le Christ, en se donnant par amour sur la Croix, en offrant son propre sang et en souffrant sa Passion, est entré une fois pour toutes dans le véritable sanctuaire, au Ciel, où il se tient désormais, à la droite du Père, et où il intercède pour nous. Il apparaîtra une seconde fois, nous dit le texte, non plus à cause du péché, mais pour le salut de tous ceux qui l’attendent. Telle est notre foi chrétienne, telle est notre espérance qui doivent inspirer tous nos actes de charité, à commencer par les plus humbles, les plus cachés.

En ce dimanche 11 novembre, fête de Saint Martin qui avait partagé la moitié de son manteau pour le donner à un pauvre, nous voici invités à notre tour à nous interroger sur l’offrande que nous faisons de nos richesses, de notre temps, de notre vie tout entière pour les autres et pour Dieu. Que les exemples de ces veuves de la Bible, des saints de l’Eglise mais surtout que l’exemple du Christ en personne nous stimulent, avec la force de l’Esprit Saint, à faire de même !

AMEN (2012-11-11)