vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 29 mars 2013 — Vendredi Saint — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

VENDREDI SAINT année C 29.03.2013

Is 52, 13 - 53, 12; He 4, 14-16; 5, 7-9 ; Jn 18,1 - 19,42

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et soeurs,

Tous, nous avons été marqués par la première homélie du pape François, au lendemain de son élection, devant les cardinaux à la chapelle Sixtine. Je voudrais en relever une phrase qui trouve une forte résonnance en ce jour : Quand nous marchons sans la croix, quand nous édifions sans la croix et quand nous confessons un Christ sans croix, nous ne sommes pas des disciples du Seigneur : nous sommes des personnes du monde, nous sommes des évêques, des prêtres, des cardinaux, des papes, mais pas des disciples du Seigneur .

Le pape François nous rappelle que la croix est au cœur de notre vie chrétienne, ou alors cette vie n’est plus chrétienne.

Comme nous le signifie la place de cette célébration au cœur du Triduum, la Croix du Christ est le pivot de notre foi chrétienne : toute la vie terrestre de Jésus converge vers sa mort offerte sur la croix, qui devient passage vers sa vie de ressuscité. Autour de le Croix du Christ inséparable de sa Résurrection, tout s’articule, tout s’oriente et tout reçoit force.

Notre marche à la suite du Christ Crucifié nous apprend à transformer librement, sans les éviter, les épreuves et les souffrances, en offrande et en passage vers la vie.

Ainsi avons-nous prié au début de cette célébration : Nous voulons suivre le Christ qui marche librement vers sa mort, soutiens-nous comme tu l’as soutenu .

Notre vie en Eglise, dans la lumière de la Croix, nous entraine à faire une place à tout homme pour qui le Christ est mort.

Désormais, édifier l’Eglise de Jésus Messie Crucifié nous arrache à tout sectarisme et à tout repli sur nous-mêmes. La grande prière que nous allons vivre dans quelques instants, nous rappellera fortement que tout homme a une place dans le cœur de Dieu. Aussi sommes-nous appelés à n’exclure personne de notre prière et de notre charité.

Enfin notre confession du Christ sera toujours celle du Christ Glorifié.

Nous n’annonçons pas un sage, ni un homme qui a fait de grandes choses, nous confessons Jésus crucifié et ressuscité, vainqueur de la mort sur le bois d’infamie qui porte le salut du monde.

Quand nous allons vénérer la croix, nous exprimerons notre foi en cette victoire du Christ, dans la joyeuse reconnaissance de sa présence vivifiante au cœur de nos existences encore aux prises avec le mal et la souffrance.

Sa croix illumine et fortifie nos vies.

(2013-03-29 )

Homélie du 28 mars 2013 — Jeudi Saint — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

JEUDI SAINT année C 28.03.2013

Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et Sœurs,

Quand nous écoutons la Parole de Dieu dans la liturgie ou dans la lectio divina, des mots très banals peuvent recevoir tout d’un coup un relief particulier par les associations de sens que les textes nous permettent de faire.

C’est le cas ce soir pour un verbe très commun, le verbe prendre que l’on peut utiliser comme un fil conducteur, Il est présent dans chacune des lectures : dans la première lecture, que l’on prenne un agneau par famille , on prendra du sang que l’on mettra sur les deux montants des maisons… , dans la deuxième lecture, la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain et enfin dans l’évangile, Jésus…quitte son vêtement et prend un linge qu’il se noue à la ceinture .

D’un côté, on a les recommandations faites au peuple d’Israël pour accomplir le rite pascal qui consiste à prendre et à immoler un agneau, puis à prendre de son sang pour le mettre bien en évidence sur les montants des portes. Ainsi le Seigneur passera, et grâce au sang, les habitants de la maison seront protégés du fléau réservé aux Egyptiens. De l’autre côté, nous voyons Jésus prendre le pain, comme il prend sa vie en main , selon le mot de Jean Noël Besançon, pour se donner à ses disciples en nourriture. Nous le regardons encore prendre le linge de serviteur afin de prendre soin des pieds de ses disciples, en signe de son abaissement, source de toute purification.

En ce soir où nous faisons mémoire de la dernière Cène, tous les gestes de Jésus sont lourds de sens. Lui à qui le Père a tout remis entre ses mains ne retient rien. Ses mains prennent pour mieux nous donner. Elles prennent pour mieux nous servir.

Plus encore Celui à qui tout a été remis entre les mains, accepte d’être lui-même pris, comme l’Agneau pascal pour être immolé. Il ne subit pas le fait d’être ainsi traité. Il y consent profondément. Ma vie nul ne la prend, c’est moi qui la donne dit encore Jésus.

Quand il donne le pain, il nous dit prenez et mangez, ceci est mon corps . Celui qui a tout en main se laisse prendre. Il nous remet sa vie pour qu’elle devienne nôtre. Il prend l’habit du serviteur pour nous revêtir de sa condition divine.

En regardant Jésus agir ainsi, la question nous est renvoyée simultanément. Et nous, comment prenons-nous ? Que prenons-nous ? Comment prenons-nous ce pain de vie qui nous est offert à chaque eucharistie ? Le prenons-nous comme un dû ? Comme quelque chose auquel nous avons droit de toute évidence ? Ou bien le prenons-nous émerveillés et reconnaissants devant ce don immense qui nous est fait ? Le prenons-nous comme ce cadeau de vie qui nous permet de prendre en main notre vie afin de la donner à notre tour…?

Et que prenons-nous ? Sommes-nous soucieux de prendre la première place ? Sommes-nous inquiets de la reconnaissance qui nous est due ? Ou bien sommes-nous prêts à prendre l’habit du serviteur, afin de prendre soin de nos frères et sœurs en humanité ?

Cette liturgie du Jeudi Saint fait plus que nous montrer l’exemple de service laissé par Jésus à ses disciples. Elle vient sceller dans le sang versé de Jésus Serviteur, la communion entre tous ses disciples.

Cette communion est tout autant une grâce qu’un appel. Grâce d’être unis dans la foi et l’amour, alors que nous sommes si différents. Et appel à nourrir et à faire grandir cette communion dans le service mutuel, comme le rappelle si bien cette année Diaconia vécue en Eglise.

Dans une communauté religieuse comme la nôtre, mais je pense aussi dans toute communauté humaine depuis la famille jusqu’à la nation, nous mesurons combien la vie serait impossible si manquait le service mutuel, où tour à tour l’on est servi et où l’on sert les autres.

Sans prétention, sans fausse manie, ni exagération, tenons-nous devant nos frères comme des serviteurs disponibles et à l’écoute. Laissons-nous servir par nos frères, et mettons-nous à leur service, avec humilité, fidélité, et joie.

Sur le chemin de Pâques, ce soir, rendons grâce d’être unis par le sang de Jésus qui fait de nous les serviteurs les uns des autres.

(2013-03-28)

Homélie du 10 mars 2013 — 4e dim. du Carême — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - 4° Dimanche de Carême - 21 mars 2004

Jos 5 10-12; 2 Co 5 17-21; Lc 15 1-3,11-32

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

Il est peu de pages d’Evangile qui aient donné lieu à autant de commentaires, d’interprétations ou d’illustrations, que cette parabole dite de « l’enfant prodigue ». Nous pensons spontanément au tableau de Rembrandt au musée de l’Ermitage de St Petersbourg, où le peintre a su, avec une grande liberté vis-à-vis de la lettre du texte, rendre en image les sentiments profonds des personnages, dans des attitudes qui parlent au cœur mieux que des discours. Et nous avons aussi sous nos yeux derrière l’autel, la belle Croix de F. Yves qui accompagne nos liturgies de Carême, et qui reprend sa fresque du couloir de l’hôtellerie.

« Un homme avait deux fils… » Pendant longtemps, on a focalisé l’attention sur le cadet, et cela pouvait se comprendre par la longueur des versets qui lui sont attachés. Mais la plupart des commentaires aujourd’hui invitent à considérer la parabole comme un ensemble très construit, où les 3 personnages principaux ont leur importance propre, apportant un sens particulier pour l’auditeur. Cet auditeur, c’est-à-dire chacun de nous, peut ainsi et doit même s’identifier tour à tour au cadet, à l’aîné, et enfin et surtout au Père miséricordieux. L’important alors est de porter attention au jeu des relations (ou des non-relations) mutuelles entre les 3, à l’intensité des émotions et des souffrances de chacun, et à l’appel à la joie pour tous, en finale.

Car il y a de la souffrance dans ce texte. La famille ainsi décrite n’est nullement une famille parfaite. Il n’y a pas à idéaliser ce Père, en l’assimilant trop vite à Dieu : d’ailleurs Dieu n’est jamais désigné et on ne trouve pas les mots d’amour ni même de pardon. Pourtant ce texte nous parle mieux que tout autre de l’amour de Dieu miséricordieux du commandement de l’amour du prochain, et de la nécessité de pardonner. On a pu dire de cette parabole qu’elle était « un évangile dans l’Evangile ». D’autres l’ont appelée « l ‘évangile des exclus », car les thèmes de l’exclusion et de l’insertion (ou de réinsertion) dans la maison du Père sont au cœur de l’histoire.

La souffrance est sous-jacente et implicite. Pourquoi le cadet quitte-t-il la maison et pourquoi son père lui remet-il sa part d’héritage, sans un mot ? Il semble y avoir dès le départ un problème de communication entre les deux hommes. Pourquoi l’absence de femme dans cette famille : où est la mère, l’épouse, où sont les sœurs ? St Luc pourtant est l’évangéliste qui les mentionnent le plus souvent. La parabole précédente mettait en avant la joie d’ une femme ayant perdu et retrouvée une pièce de monnaie.

Pourquoi l’exil du cadet se passe-t-il si mal : malchance de la famine, rejet, misère sur une terre étrangère : rien ne dit que ce soit à cause de sa faute, comme voudra le faire croire l’ainé en reprochant à son frère d’avoir dilapidé son bien ? Et enfin, pourquoi cette jalousie et cette colère plus fortes que tout dans le cœur du fils ainé ?

Le père aussi semble souffrir de la difficulté d’établir une relation juste avec ses enfants. Il reconnaît avoir fait son deuil du plus jeune et il est le premier surpris par son retour. « Il était mort, et voici qu’il est revenu à la vie ».

Ces souffrances décrivent la condition humaine avec réalisme : elles sont notre lot quotidien. Mais l’Evangile invite à aller plus loin que la souffrance et la mort. Il fait signe vers la vie qui peut toujours renaître après l’échec, le deuil et le désespoir. Il apporte une promesse de joie toujours possible, pour qui accepte de ne pas en rester là. Et quand tout semble perdu, il annonce la résurrection des relations détruites.

Cette résurrection prend naissance au plus profond des entrailles de l’être. C’est en ce lieu que le Père est touché par la miséricorde. Il ne voit pas son fils cadet revenir comme un fautif ou un fugueur repentant. Non, il est tellement saisi de compassion et d’émotion qu’il ne le laisse même pas achever sa confession. Il ne prend même pas le temps de lui adresser la parole, mais il ordonne avec empressement aux gens de sa maison de le réintégrer au plus vite. Aucun reproche donc, aucune pénitence : l’urgence est de faire place à la fête, à la joie.

C’est cette joie imprenable et plus forte que tout qui occupe toute la fin de la parabole. Une joie bruyante et qui s’entend à l’extérieur de la maison. Une joie à laquelle va résister le fils aîné, replié sur lui-même et enfermé lui aussi dans une mauvaise relation à son père, tout comme dans un rejet de son frère.

Une nouvelle fois le père est profondément touché par l’attitude, fermée à l’amour, de son aîné. Il va sortir de sa maison, quitter la fête pour un moment afin de supplier son fils d’entrer et de partager la joie familiale. Nous le savons : l’Evangile reste ouvert : on ne connaîtra pas la réponse du fils aîné et s’il entrera ou non. On ne peut que l’espérer, tout comme on ne peut qu’espérer que l’enfer sera vide, même s’il faut tenir qu’il existe quand même. Dieu espère chacun de nous d’une manière unique.

Cette parabole est bien « un évangile dans l’Evangile », dans la mesure où elle nous dit que l’amour et la miséricorde de Dieu, notre Père, sont premiers. Plus qu’à nous attarder à une identification culpabilisante aux deux fils, pourtant nécessaire dans un premier temps, nous sommes appelés à entretenir les sentiments du père, et à entrer dans sa joie, au-delà de toute tristesse ou ressentiment.

Cette parabole nous renvoie à nos vies, à nos relations interpersonnelles, en famille, en communauté. Il nous renvoie aussi à ce moment que nous vivons : l’eucharistie. Est-ce bien là le lieu où nous accueillons l’amour de Dieu, et où nous l’échangeons les uns avec les autres ? Est-ce bien le lieu de la fête et de la joie, où nous répondons à la promesse de béatitude : « heureux les invités au festin des noces de l’Agneau ? »

AMEN (2004-03-21)

Homélie du 24 février 2013 — 2e dim. du Carême — Frère Antoine
Cycle : Année C
Info :

2ème Dimanche de Carême Année C 24 février 2013

Luc 9.28b-36 La transfiguration

Homélie du Frère Antoine Courcier

Texte :

Frères et Sœurs,

Comme pour nous aider à mieux vivre le Carême.. les lectures que nous venons d’entendre, évoque un même thème :

• La première nous parle d’ Abraham… qui à l’appel de Dieu… bouleverse sa vie, devient un nomade à la recherche de la terre où Dieu l’envoie.

Adorateur d’idoles, Abraham entre en rupture…avec son passé, il devient un adorateur inconditionnel du vrai Dieu et accepte de lui être lié par une alliance.

• La 2ème lecture, s’adresse directement à nous. Elle est une sorte de bilan de Santé dans

dans lequel Paul, en bon médecin des âmes, nous invite lui aussi à une Rupture, à une opération radicale : Prendre notre vie en mains… Regarder où nous en sommes ! car « Beaucoup de gens, dit-il (parlent-il des chrétiens ?) vivent en ennemis de la croix du Christ. Leur Dieu… c’est leur ventre… ils ne tendent que vers un but...les choses de la terre.. or nous, nous sommes des citoyens des cieux »

**Frères et sœurs, qui d’entre nous, ne se sentirait pas concerné par ces paroles ?

• La troisième lecture, évoque une expérience qui va se révéler un bouleversement pour Pierre, Jacques et Jean, venus prier avec Jésus sur la montagne.

Dans l’intimité de ce lieu ,ils découvrent soudain leur maître rayonnant de la gloire divine.

Ils entrent alors en Rupture totale avec ce qu’ils connaissaient de Lui. Il était Jésus de Nazareth…..et Il est l’Elu…le Messie… le Messie annoncé…

Couverts par l’ombre de la nuée, ils apprennent alors de la voix du Père que.. Jésus est son propre Fils dont il convient désormais d’écouter la Parole.

A la lumière de ce récit, qu’allons- nous faire sur notre route vers Pâques… ?

Faire plus…faire … mieux ?.. Continuer notre vie habituelle ? Ou bien …faire l’effort de

Rechercher ce à quoi nous appelle la Parole…

Rechercher Celui au nom duquel nous avons été baptisé ?

L’Evangile de la Transfiguration a en effet une portée pédagogique en nous donnant l’image de trois ruptures qu’implique toute recherche de Dieu ?

• La première, est celle de

…Sortir de notre sommeil, ce sommeil qui accable les disciples précise le texte, sommeil,

symbole réaliste de nos limites, de nos manques d’efforts et de ressorts spirituels.

• La seconde est celle de

…S’ouvrir à la connaissance du Christ glorieux et de ce moment chaleureux de communion avec le maître, en prenant sur ce qu’il y a de plus précieux en ce monde : notre temps.

Un temps pour offrir au Seigneur une prière plus fidèlement entretenue, un temps de partage avec ceux qui en ont besoin, un temps de jeûne dont Gandhi disait à ceux qui en demandaient le sens: « Le jeûne, c’est faire prier notre corps. »

• La troisième rupture est :

…D’Accepter de demeurer dans l’ombre de la nuée, dont les apôtres eurent une si grande frayeur, c’est-à-dire, de vivre notre Foi dans une totale confiance, vivre notre Foi au sein de cette obscurité spirituelle où retentira la Parole du Père à nous adressée personnellement et où se révèlera jour après jour, l’identité de celui que nous cherchons, l’identité de celui que nous voulons aimer, et qui ne se dévoile que dans l’ombre, mais l’ombre lumineuse, de la nuée. (2013-02-24)

Homélie du 13 février 2013 — Mercredi des Cendres — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Mercredi des Cendres 2013-02-13

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

De la cendre à la lumière, du mercredi des cendres au dimanche de Pâques. Tel est le chemin sur lequel nous nous engageons ce matin, frères et sœurs. En nous mettant sous le signe de la cendre, ce matin, nous reconnaissons notre finitude : nous ne sommes que poussière ; mais dans le même temps nous confessons notre foi et notre espérance : le Christ ressuscité veut nous faire partager sa gloire, poussière que nous sommes. En nous mettant sous le signe de la cendre, nous reconnaissons aussi combien nous avons besoin de revenir au Seigneur et de raviver notre foi et notre espérance en sa puissance de résurrection.

Durant ces quarante jours, tout orientés et fixés sur la lumière de Pâques, nous allons avancer avec le désir de ne pas passer à côté de la grâce qui nous est offerte. Sous le signe de la cendre, nous acceptons de nous laisser désarmer, pour accueillir de façon nouvelle la parole et la force de l’Esprit. De notre poussière, de notre finitude offerte, nous sommes entrainés dans l’Alliance. «Laissez-vous réconcilier avec Dieu pour ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu » en Christ, nous dit Paul. Il se peut qu’intérieurement on entende une petite voix mesquine insinuer : «mais à quoi bon, c’est tous les ans la même chose, rien ne change dans ma vie ». La terre colle à nos chaussures et se fait parfois pesante, voire très encombrante. Mystère de la glaise d’où nous sommes tirés.

Elle a son poids et son rythme, ses lenteurs. Dieu le sait puisque c’est lui qui nous a façonnés. Mais il n’a de cesse de nous entrainer vers une existence plus lumineuse et renouvelée par son Amour. Car cette glaise que nous sommes est vivifiée de l’intérieure, depuis notre baptême, par l’Esprit du Christ ressuscité. Déjà elle est habitée par cette vie qui la transfigure entièrement lors de la résurrection finale. C’est à cette vie secrète et profonde qu’il nous faut sans cesse revenir. Cette vie est comme un feu reçu gratuitement qu’il nous revient d’entretenir. Et ce carême en est une occasion favorable. Il se présente comme une pédagogie, un entrainement pour raviver et entretenir le feu. Et de quel bois disposons-nous pour alimenter ce feu ? Le bois mort de nos suffisances pour que le feu les transforme en confiance. Le bois mort de nos repliements offert au feu qui peut nous ouvrir à l’échange et au partage. Le bois mort de tous nos «à quoi bon» pour que le feu nous redonne la joie des enfants de Dieu. Le carême est ce temps privilégié pour repérer tout le bois mort de nos vies. L’invitation à la prière, au jeûne, et au partage veut remettre en évidence toutes nos branches mortes, toutes nos résistances à la vraie vie. Si nous consentons à les offrir au feu de l’Esprit, à les laisser devenir «cendre», nous allons retrouver en nous de nouvelles énergies, celle du Saint Esprit. Nous pourrons alors être renouvelés plus en vérité par les célébrations pascales. La vie du Christ ressuscité s’offre à nous et veut vivifier toutes nos parts mortes !! (2013-02-13)

Homélie du 10 février 2013 — 5e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C – 5 dim Ord C – 10 fév.2013

Is 6 1-8 ; 1 Co 15 1-11 ; Lc 5 1-11

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Trois lectures magnifiques qui nous font participer à trois rencontres de Dieu avec des hommes.

Ce sont dans l’ordre historique,

la rencontre de Dieu avec Isaïe au temps du premier testament,

puis celle de Jésus encore sur terre, avec Pierre, lors de la pêche miraculeuse.

Enfin, celle du Christ ressuscité avec St Paul et d’autres disciples.

L’étonnant c’est que les trois lectures commencent toutes par la vision de quelqu’un qui s’est donné à voir, que toutes se continuent par une plongée dans l’univers du péché aussitôt suivi du pardon, et se terminent toutes par un envoi en mission.

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Dans la première lecture,

Isaïe commence par raconter qu’il a eu une vision, évidemment une vision spirituelle: « Je VIS le Seigneur Dieu assis sur un trône élevé, les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se criaient l’un à l’autre « Saint, Saint, Saint, le Seigneur de l’univers . Toute la terre est remplie de sa gloire. » ISAIE se trouve mis en présence du Dieu transcendant, tout autre, séparé de tout, invisible. Celui dont le mystère est impénétrable.

C’est cela même qui déclenche le 2e temps de la rencontre

Confronté au mystère éblouissant du Dieu du ciel Isaïe en reçoit, en contraste, une révélation douloureuse sur son propre mystère de créature humaine. « Malheur à moi, je suis perdu ! Je suis un homme impur. » J’ai vu... le Dieu qu’on ne peut voir sans mourir.

Mais Dieu n’est pas un destructeur. Au contraire, il envoie aussitôt un de ses séraphins toucher les lèvres de son prophète avec un charbon incandescent, accompagné de paroles inouïes : « Ta faute est effacée, ton péché est pardonné. » Mais quelle faute et pourquoi ce pardon si peu mérité ?

Peut-être perçoit-t-on la voix de Dieu qui murmure à l’intime de la conscience d’Isaïe : « Cela tu ne peux pas le comprendre maintenant, tu le comprendras plus tard, quand ta vie avec ton Dieu t’aura peu à peu ouvert les yeux sur lui et sur toi »

L’homme pardonné est un homme libéré, remis à flot, prêt pour la suite,

pour le 3e temps, celui de la vie nouvelle qui est toujours une mission.

Isaïe raconte :

« Alors, j’entendis la voix du Seigneur demandant : « Qui enverrais-je, qui sera mon messager ? » « Je répondis : “Me voici, envoie-moi” ». C’est pour Isaïe le début d’une nouvelle vie...

FIN de la première rencontre...

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LA 2E, celle de Jésus avec Pierre déroule pareillement ses trois temps.

Après la pêche dans la nuit noire, rien dans les filets, désespérant, retentit, à l’aube, l’ordre insensé donné par Jésus : « Jetez les filets pour prendre du poisson ». La parole fait surgir une vision :

les assistants médusés ont devant les yeux les filets pleins à craquer et Jésus debout avec les filets à ses pieds. Arrêt sur image. « Voyant cela, écrit Luc, Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus...

2e temps :

la manifestation du mystère de Jésus provoque en Pierre la révélation de ce qu’il est lui-même en face de son Seigneur, d’où son cri : « Éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. »

Pécheur, non d’avoir commis un péché cette nuit-là, n’a-t-il pas obéi héroïquement ? Mais il se découvre, tout comme Isaïe, comme tous les pécheurs, dans sa radicale incompatibilité avec la sainteté de Dieu qui vient à lui.

Exclu ? Non,

prêt pour le troisième temps : choisi pour la haute mission.

« Pierre, ne crains pas ! Désormais ce sont des hommes que tu prendras », des hommes pécheurs comme toi. Des hommes auxquels tu donneras le pardon de Jésus, des hommes que, comme Jésus, tu enverras en mission.

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RESTE LA 3E RENCONTRE

Celle-là se déploie en épisodes. Ce sont, sous forme d’apparitions, les rencontres du Christ ressuscité avec Paul de Tarse ou des disciples. Paul les évoque dans sa 1ère lettre aux Corinthiens, avec un leitmotiv : « Il est apparu ». Je cite :

« Après sa Passion et sa résurrection Jésus est apparu à Pierre, et ensuite aux Douze ,..il est apparu à plus de 500 frères à la fois,...il est apparu à Jacques, ... il est apparu à tous les apôtres, ...il est apparu à moi... le dernier de tous.

le 2e temps enchaîne et ramène Paul à l’affreuse révélation de Jésus qui lui était apparu comme celui qu’il avait persécuté. Du coup, ses yeux s’ouvrent sur lui-même, et il reconnaît : « Je suis le dernier des apôtres, moi qui ai persécuté l’Église de Dieu. » Cette fois-ci, son péché il le connaît !

Mais, emporté par le génie qu’il a de retourner les situations, avec sa belle fierté de pécheur pardonné, il en vient immédiatement au 3e temps qui le passionne, sa mission :

« Mais, par la grâce de Dieu je suis ce que je suis. Oui, j’ai travaillé plus que tous les autres. Non pas moi, mais la grâce de Dieu en moi. » Paul, Jésus, Dieu ne font plus qu’un.

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Et la 4e rencontre ? Eh bien ! elle est en cours, c’est la nôtre... avec ses trois temps.

Dieu a toujours l’initiative, qu’il se montre sur un trône de gloire ou en habit de promeneur matinal le long d’un lac ou d’un trottoir, ou comme une voix : « Je suis celui qui.., Celui que tu... Celui qui t’envoie... Celui qui se fait désirer ... du désir de voir Dieu et d’en mourir....de joie ! »

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(2013-02-10)

Homélie du 03 février 2013 — 4e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C - 4° Dimanche du Temps Ordinaire - 3 février 2013

Jér 1 4-5,17-19; Ps 70; Lc 4 21-30

Homélie du F.Sébastien

Texte :

« Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais ; ...je t’ai consacré... ».

Ai-je bien entendu ? « Avant même de te former dans le sein de ta mère....»

Qui a écrit cela ? Un homme, Jérémie, dont la parole est conservée à jamais dans le livre des Écritures pour que nous puissions la faire nôtre.

Mais qui est Celui qui peut dire : « Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais ». Qui ? Sinon Celui qui nous a créés, notre Dieu.

Sans nous en rendre compte, par le miracle de la liturgie, nous avons déjà fait nôtre le plus étonnant des dialogues, celui d’un homme qui donne la parole à son Dieu pour que son Dieu lui parle !

Si Jérémie ose faire dire à son Dieu de telles paroles, c’est parce qu’il sent que c’est Dieu lui-même qui lui souffle ce qu’il doit dire, par le biais de ce qui est consigné dans la mémoire d’Israël sous la forme des psaumes.

Avons-nous conscience que tout à l’heure quand, en réponse à la première lecture, nous chantions l’admirable psaume 70, nous étions devenus comme un nouveau Jérémie parlant avec son Dieu. Nous étions sous le regard de notre Père rêvant sur un berceau : « Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais ».

Tous, nous sommes nés au cœur des psaumes, bercés par la psalmodie inlassable de l’Église notre mère. C’est en eux que nous grandissons jour après jour. Les psaumes sont de tous les baptêmes, de chaque eucharistie, présents dans les mariages, les enterrements, lors des fêtes ou des pires détresses. Les psaumes sont notre bouillon de culture.

Les psaumes nous font entrer en résonance avec toute la Bible. C’est là que nous apprenons notre condition humaine, le destin que nous partageons avec Jérémie, avec Jésus : tous pétris de la force-même de Dieu et de la faiblesse de notre humanité de chair et sang.

Jérémie est fort de l’assurance que Dieu lui donne : « Tes adversaires te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi... » Ce « Je suis avec toi » traverse toute la Bible de part en part et dit l’alliance indéfectible. Surtout dans les épreuves.

Je pense à Jérémie jeté dans une citerne sans eau. Il s’enfonce dans la vase et va connaître une mort affreuse ! « Ne crains pas, je suis avec toi... ». On l’a sorti de ce caveau, hissé avec des cordes, pour faire voir le Dieu qui peut dépêcher des sauveteurs. (Jérémie chap. 37 - 38) Mais d’autres ne virent personne venir à leur secours et connurent des morts parfois affreuses, tel Jésus. Lui aussi fort et faible.

Dans la synagogue de Nazareth, il parle avec la force de l’Esprit Saint, admiré de tous, jusqu’au moment où le Satan débouté une première fois sur le pinacle du temple, retourne brusquement contre lui ses compatriotes pour une deuxième tentative. Furieux, ceux-ci l’empoignent et l’entraînent vers un escarpement qui servira encore de pinacle, pour le précipiter en bas... Le troisième pinacle sera celui du nouveau temple, la croix sur laquelle Jésus sera élevé... Il y donnera sa vie, pendant que les croyants de tous les temps priaient et continuent de prier le psaume 22 : « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure... ».

Et voilà que Jésus glisse entre les mains de ses meurtriers de Nazareth... Comme porté par les mains des anges du psaume 90, il franchit sans encombre le ravin de la mort jeté sous ses pas, et continue... sa route... bâton en main...

C’est le début de la longue route qui le conduira à Jérusalem pour y mourir et y être déposé dans un caveau, d’où il sera emporté par la main des anges jusqu’auprès de son Père qui l’attendait, bras grands ouverts, victoire accomplie.

Je vous laisse avec quelques mots de Maurice Zundel :

« Notre-Seigneur, dans sa fragilité, marche vers Jérusalem, le regard fixé sur la Croix. Et il sait très bien que la plus haute manifestation de la puissance de Dieu qui est tout amour, c’est cette défaite inimaginable qu’il va connaître quand il va mourir sur la Croix, folie qui dépasse toute sagesse parce que nous atteignons au cœur de la générosité. » (2013)

Homélie du 27 janvier 2013 — 3e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C - 3e dimanche du temps ordinaire

Ne 8 1-10 ; 1 Co 12 12-30 ; Lc 1 1-4, 4 14-21

Homélie du F.Sébastien

Texte :

La liturgie, est-ce que cela sert vraiment à quelque chose ? Beaucoup de nos contemporains répondent sans hésiter : à rien d’autre qu’à entretenir des illusions dépassées ! Mais nous, que dirions-nous ?

De ce point de vue, les lectures de ce dimanche me semblent très intéressantes. Tout d’abord parce qu’elles déroulent sous nos yeux deux liturgies, à la fois exceptionnelles et typiques.

Dans la première lecture, nous sommes au cinquième siècle avant Jésus Christ, au retour de l’exil d’Israël en Babylonie. Là bas les exilés avaient tout perdu : leur roi, leur identité nationale, leur terre, avec Jérusalem la ville sainte, où Dieu avait établi sa demeure, leur temple où se déroulaient les magnifiques liturgies avec les sacrifices d’animaux. Mais voilà que ces privations radicales avaient recentré les exilés sur ce qui leur restait : essentiellement la loi de Moïse enchâssée dans le trésor des Écritures, qui d’ailleurs continuait de se développer. Des hommes de grande valeur spirituelle, les scribes, dont le plus célèbre est Esdras, accompagnaient une étonnante créativité religieuse. On vit apparaître des réunions de prière qui, chaque sabbat, réunissaient la communauté locale, pour des liturgies de suppléance qui prenaient forme. Il s’agissait d’un service religieux, sans prêtre, sans sacrifice, ne comprenant que des prières, des lectures, des homélies, et des chants. Quelque chose d’assez proche de nos actuelles liturgies de la parole sans eucharistie. Le culte s’intériorisait, avec l’expérience dominante, celle d’une nouvelle présence de Dieu au milieu des siens.

Ceci dit, nous pouvons revenir au film que la première lecture déroule sous nos yeux, avec force de détails, afin que nous puissions y participer comme si nous y étions. Effectivement, la merveille de la liturgie, c’est qu’hier c’est aussi aujourd’hui, encore plus aujourd’hui qu’hier. Nous tous qui sommes ici en ce moment, nous sommes aussi à Jérusalem, sur la place devant la Porte des eaux, parmi la foule : la place est noire de monde : des hommes, des femmes, des enfants. Et voici qu’apparaît le prêtre Esdras : il apporte solennellement le livre de la Loi de Moïse. Il monte sur l’estrade installée pour la circonstance. Je lis : « Tout le monde le voyait, – nous aussi – car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. (Restez assis !) Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand et tout le peuple, levant les mains, répondit : “Amen, Amen !” – Plus inattendu – Esdras fit la lecture dans le livre depuis le lever du jour jusqu’à midi. Il lisait un passage, puis les lévites donnaient des explications et l’on pouvait comprendre… – Résultat : – Tout le monde pleurait en entendant les paroles de la Loi ». Des pleurs sur le péché national dont chacun prenait conscience qu’il y avait sa part, mais surtout des pleurs de joie, d’enthousiasme, en sentant la vie, cette vie nouvelle qui envahit les cœurs lorsqu’ils sont ouverts à la Parole du Seigneur. Nous-mêmes venons de le chanter avec le psaume :

« La Loi du Seigneur est parfaite,

qui redonne vie…

Les préceptes du Seigneur sont droits,

ils réjouissent le cœur, »

Pourquoi ? Parce que ce qui nous est raconté, et offert en partage n’est rien d’autre qu’une célébration de renouvellement de l’Alliance de Dieu avec son peuple, autrement dit une liturgie parfaite. Dieu s’y rend présent dans sa Parole, sa Parole proclamée, commentée, écoutée, accueillie avec amour. Dieu donne ainsi une nouvelle vie aux rescapés de toutes les catastrophes de l’histoire humaine. Le peuple des sauvés commence une nouvelle étape, une étape qui n’est pas sans rapport avec la nôtre aujourd’hui. La liturgie va de commencement en commencement.

Dans la seconde lecture, nous sommes transportés à Nazareth. Un deuxième film se déroule en surimpression sur le premier. Un certain Jésus, dont la renommée ne cesse de grandir, entre un sabbat dans la synagogue de son village. Il se lève pour faire la lecture, ce n’est sans doute pas la première fois qu’on le lui demande. Nous le voyons ouvrir, comme Esdras, le livre des Écritures, tomber sur le passage d’Isaïe. Nous l’entendons lire, comme jamais encore lecture n’avait été faite. « L’Esprit du Seigneur est sur moi… » Il est aussi sur les auditeurs et Jésus le sait. Il sait qu’il peut compter sur l’Esprit Saint pour leur faire comprendre que, en la circonstance, le lecteur qu’il est ne relit pas une fois de plus le texte célèbre d’un prophète d’autrefois, mais qu’il parle de lui-même, de sa propre personne, de sa vocation, de son programme dont la seule proclamation est une inauguration. Il parle et, à mesure qu’il parle, cela s’accomplit. Dans la synagogue, la Bonne nouvelle est entendue par les pauvres pécheurs qui y sont rassemblés, qui sentent leurs prisons s’ouvrir, des aveugles voient. La grâce des temps nouveaux roule à pleins bords.

Elle enveloppe toute l’assemblée, l’unifie en un seul corps, un corps joyeux animé par l’Unique Esprit. L’Esprit s’occupe de tous, de chacune et de chacun, personnellement, pour leur faire prendre conscience de leur valeur irremplaçable, des dons qui leur sont confiés pour le bien de tous. Pour un nouveau départ, ensemble, en corps constitué par l’Esprit.

Homélie du 20 janvier 2013 — 2e dim. ordinaire — Frère Jean-Noël
Cycle : Année C
Info :

Is 62, v 1-5 ; 1 Co 12, v 4-11 ; Jn 2, v 1-11

Homélie du Frère Jean-Noël Bouloy

Texte :

Il y avait un mariage à Cana . Ne comptez pas sur Jean pour vous raconter une noce campagnarde. Ce n’est pas son souci. On le sent bien à la manière solennelle dont il couronne son récit : Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit, c’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire. Et ses disciples crurent en Lui .

Jean ne parle pas non plus de miracle. Il évite même le mot, de peur qu’on aille s’égarer dans le fabuleux. Un SIGNE donc. Mais c’est quoi un signe ? Comme une pancarte : elle ne vous arrête pas, elle vous pousse plus loin – ici, plus profond - et là Jean nous le dit clairement, terriblement plus loin : Il manifesta sa gloire .

La gloire. Attention. Oublions nos glorioles. Dans les Écritures, la gloire, c’est ce qui éclate, quand Dieu se fait connaître. C’est l’éclat, le rayonnement, le trop de lumière ; plus, c’est la présence éclatante, massive, indubitable. Gloire partiellement manifestée, à bien des reprises et de bien des manières autrefois aux pères, aux prophètes, maintenant définitivement révélée en Jésus-Christ, et que Jean entreprend de nous faire «toucher» comme il dit – à travers les sept signes rapportés dans son Évangile. Sept, la plénitude. Tout sera dit. Rien d’autres à attendre : le dernier mot de Dieu Sa Parole.

A Cana donc le premier signe. Commencement. Pas seulement parce que c’est le premier de la série. Commencement parce que en ces temps qui sont les derniers, il y a quelque chose qui change, et qui change tellement que Jean ne trouve rien de mieux pour le faire entendre que d’évoquer la Genèse. Commencement . Et pour Jean, c’est très important, de nous le dire, de nous y préparer. Car comment accéder au grand signe, à la révélation dernière – si déroutante - de la gloire du septième signe : la croix, la mort, la résurrection. (Notez le clin d’œil de Jean : Marie était là au premier signe. Encore là au dernier. Debout, croyante.) Comment donc accéder au dernier signe (témoignage du sang et de l’eau) si on n’est pas prêt à bouger, à se bouger. Oui, c’est important pour Jean de nous y préparer. C’est peut être le sens que ce premier signe nous dira : Attention, il y a du changement dans l’air. Ca va changer . Et pour nous le dire très fort, un comble : de l’eau changé en vin – oui un comble. Du jamais vu.

L’eau des ablutions, l’eau des purifications. Et Dieu sait s’il y en avait de ces purifications : avant le marché, après, les plats, les coupes, l’intérieur, l’extérieur, les mains, jusqu’au coudes, les pieds jusqu’à la tête (St Pierre). On ne serait jamais assez pur. Six jarres, il fallait. Pas sept, car il n’y a pas de purification parfaite, il ne faut pas rêver. Donc six jarres de purification, changées en vin. Et pas n’importe lequel. Pas le vin qu’on boit à la mi-temps du jour, pour se redonner du cœur à l’ouvrage, vin de la peine et du travail des hommes. Encore moins, le vin qu’on se boit en cachette, au plus noir de sa vie, vin de honte et de misère, non. Le vin de la fête, fort, qui fait chanter et danser, le fils ainé aux mains pures dut-il en crever de jalousie. Du vin de noces, tous ensembles à la face du soleil. Oui, les six jarres de la purification impossible changées en coupe de bénédiction débordante, coupe d’alliance. Alliance nouvelle, éternelle. La grande nouveauté. Le changement qu’évoque, annonce ici, la noce. La fête inaugurée, la musique et les danses d’une communion restaurée, en mieux. Ce n’est pas une comédie dont on sortirait vidé dans le matin gris une fois éteints les derniers flonflons. C’est plus que le deuil changé en danse dont parlaient les Psaumes ? C’est ce qui n’était pas monté au cœur de l’homme. C’est le vieux rêve de Dieu prenant corps d’une alliance éternelle avec nous tous. Du jamais vu encore. On comprend que Jean nous avertisse : Attention, ça va changer . Une alliance nouvelle. Et pour qu’on n’en doute pas, pour qu’on voie bien de quoi il s’agit, la première lecture, en écho insiste, précise comme un jeune homme épouse une jeune fille, celui qui t’a construit t’épousera.

Comme un jeune homme ! Dieu comme un jeune homme ! Quel est ce païen qui est allé nous le peindre : vieillard, vieille barbe, vieilles rides et cheveux blancs, réplique parfaite de ces vieilles divinités romaines aux fontaines de Rome ? Dieu comme un jeune homme amoureux. Rappelons nous, ailleurs, dans l’Évangile cet amoureux, amoureux d’une perle et son coup de folie pour sa perle achetée à grand prix, dira Paul. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. Si on pouvait ne retenir que ça : tu seras la joie de ton Dieu .

Cela valait la peine que Jean nous avertisse : ça va changer. Et on le voit bien, lorsque les premiers disciples de Jésus, bousculés par l’Esprit, auront bien déchiffré tous les signes –jusqu’au dernier (le grain broyé, le sang versé) les gens diront : Mais ils sont pleins de vin ! La ferveur de la joie trouvée leur avait changé la tête.

Alors la morosité de notre foi ? Nos mauvaises craintes, entretenues, cultivées, comme de gens épiés, jugés ? Alors nos disputes entre frères chrétiens ? Dérisoires. Jésus n’a pas fini de changer l’eau de nos vies. Pas en eau bénite. Mais en vin de fête : Tu seras la joie de ton Dieu ou, comme on entendait dimanche dernier Tu es mon fils bien-aimé .

Vous comprenez alors pourquoi dans les monastères il est de tradition de servir du vin à table, le dimanche de Cana - et encore à nos obsèques. Ce n’est pas du folklore. C’est célébration de la foi. Tu seras la joie de ton Dieu, il aura en toi sa joie et son allégresse. Il dansera pour toi avec des cris de joie comme cela nous a été dit en Sophonie peu avant Noël.

Le commencement des signes. Nous ne sommes pas au bout den nos surprises. Une alliance nouvelle, éternelle.

L’Eucharistie, maintenant, l’annonce, la célèbre, la chante, rend grâce au Père en nous y introduisant par le Christ, avec Lui, en Lui.

Amen

Homélie du 01 janvier 2013 — Sainte Marie, Mère de Dieu — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Marie, Mère de Dieu - 1° janvier 2013

Nbres 6,v22-27; Gal 4, v 4-7; Lc 2, v 16-21

Père Abbé Luc

Texte :

Des textes entendus, je voudrais retenir trois mots qui peuvent nous aider à entrer dans cette année nouvelle, et pourquoi pas nous accompagner. Ce sont les mots : bénir, fils, et méditer, tirés des lectures.

Bénir. Dans le livre des Nombres, on a ce beau passage, dans lequel Dieu enseigne à Moïse comment bénir les Israélites de sa part : Que le Seigneur te bénisse et te garde, qu’il t’apporter la paix . Dieu désire bénir son peuple, mot à mot il désire dire des bonnes choses, de bonnes paroles. Et pour Dieu dire, c’est aussi faire. Donc Dieu désire dire t faire du bien à on Peuple. En commençant cette année, il est bon de nous remettre sous cette conviction. Dieu nous donne sa Parole au jour le jour. Il veut faire du bien à travers sa Parole. S’il en est ainsi, on peut se demander : et si nous aussi nous apprenions à bénir, à dire du bien aux autres pour leur faire du bien ?

Fils. Et Dieu a été bien loin dans la bénédiction, il nous a donné sa Parole, le Verbe fait chair, Jésus –Christ né d’une femme. Voilà la Parole qui pouvait nous apporter le vrai bien : la vie divine. En Jésus le Fils, Vraie Parole du Père, nous devenons nous aussi des fils. Des fils capables de dire à Dieu Père . L’Esprit Saint veut nous rendre toujours plus libre intérieurement pour dire père toujours plus en vérité. Et si durant cette année, nous acceptions de nous libérer de certains de nos esclavages, de ces liens qui nous empêchent de vivre, selon notre dignité de fils de Dieu ?

Méditer. Dans la crèche, la venue des bergers a été l’occasion d’un joyeux échange sur l’évènement de la naissance de Jésus. Les bergers ont rapporté les parole des anges avec une telle joie que tous ont été remués. Marie retient tous ces évènements en son cœur. Le verbe méditer en grec veut dire mot à mot jeter ensemble . Marie jette tout ce qu’elle entend et tout ce qu’elle voit dans son cœur. Elle retourne toutes ces paroles en son cœur pour mieux les comprendre, mieux les goûter. Elle est toute ouverture à la vie qui se déroule autour d’elle et par elle. Sans tout savoir à l’avance, elle apprend à recueillir le sens des évènements. Et si durant cette année, nous apprenions comme Marie à davantage écouter et laisser résonner ce que nous entendons et vivons ? Si nous apprenions à méditer davantage en notre cœur les évènements de notre vie à la lumière de la Parole de Dieu? Pour ne plus courir après la vie, mais nous laisser enseigner par elle sous l’éclairage de la Parole.

Heureux de célébrer en ce jour, Marie Mère de Dieu et notre mère, nous nous confions à son intercession pour marcher sur notre route.