Homélies
Liste des Homélies
Année A - Homélie du 5°dimanche de Carême – 6/04/2014
Ez 37 12-14 ; Rom 8 8-11 ; Jn 11 1-45 - Résurrection de Lazare
Homélie du F.Damase
Dimanche dernier nous avions l’évangile de la guérison de l’aveugle-né, la personne importante n’était pas aveugle, bien que ce soit une calamité d’être handicapé par cette infirmité. L’important était la personne du guérisseur – le CHRIST.
Il en va de même aujourd’hui, la personne essentielle n’est pas Lazare, mais Jésus. Qui est-il ? Que dit-il de Lui à travers ce miracle ? Que cherche-t-il à nous faire comprendre de sa personne et de l’œuvre qu’il doit accomplir au nom du Père qui l’envoie ?
Le Christ a préparé longuement et progressivement ses apôtres à découvrir sa personne et à croire en lui. Tout son itinéraire n’a pas d’autre objectif que de faire découvrir à ses disciples son message qui est de les faire entrer dans la VIE en PLENITUDE.
Mais ce miracle est le 7° miracle rapporté par Jean. Il est comme les quatre premiers qui sont Cana (2 1-12), la guérison du fils du fonctionnaire (4 46-54), la multiplication des pains (6 1-15), la marche sur les eaux (6 16-21) ils disent le don et la présence de celui dont la transcendance éclate aux yeux des croyants ; les trois autres : les guérisons de l’infirme de Bézatha (5 1-18) et de l’aveugle-né (9 1-41), la résurrection de Lazare (11 1-45) sont une affirmation du pouvoir de Jésus de donner dès maintenant la vie.
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Prenons deux miracles qui précédent la lecture de ce jour, un dans chaque série.
Tout d’abord, (Jn 4, 46-54) à Cana, Jésus est abordé par un fonctionnaire royal dont le fils était malade à Capharnaüm ; Jésus, sans se déplacer, dit à cet homme « Va, ton fils vit ». L’homme crut à la parole que Jésus avait dite, et il se mit en route pour rentrer chez lui… Cet homme a cru en la puissance de la Parole de Jésus … Parole de Vie qui transcende la distance, mais surtout qui fait ce qu’elle dit, comme la Parole du créateur au début de ce monde. « Il dit et cela fut ».
Ensuite - (Jn 5 1-18) – peu après à la piscine de Bézatha, Jésus rencontre un infirme ; Jésus l’interroge : veux-tu guérir ? – A sa réponse, Jésus lui dit : Prends ton brancard et marche – Or c’était un jour de Sabbat que Jésus avait ordonné à l’homme de prendre son brancard… or le jour du sabbat il est interdit de travailler selon l’avis des Pharisiens …Mais Jésus fait cette réflexion « Mon Père est à l’œuvre jusqu’à présent, et j’œuvre moi aussi »(17) … Les Juifs comprennent très bien que Jésus met à égalité d’importance son œuvre et celle du Père et appelle Dieu son Père. Par conséquent Jésus se fait l’égal du Père… cela leur est insupportable..
Le jour du sabbat, il est interdit de travailler ; car Dieu a travaillé six jours lors de la création du monde et le 7°, il s’est reposé – mais dans le mot travail, il y a trois sens : le travail ordinaire pour transformer le monde, ensuite le travail de mutation sur soi qu’opère le combat de la vie, spécialement le combat spirituel – on pourrait dire la « maturité ou la sagesse » - , enfin le travail au sens du travail créateur de Dieu. (cf TOB Jn 5,17, note o)
Enfin, dans ce miracle de la résurrection de Lazare, Jésus précise : « N’y a-t-il pas douze heures de jour ? Si quelqu’un marche le jour, il ne bute pas parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais s’il marche la nuit, il bute parce que la lumière n’est pas en lui ! (11 9) ». ie Jésus doit poursuivre la réalisation de sa mission jusqu’au terme fixé par le Père, jusqu’à l’heure de la nuit ! (TOB Jn 11,9 note z)
Qui peut dire valablement
Je suis la Lumière ?
- qui peut dire : « Je SUIS la lumière » - Moi, c’est moi – La lumière est autre chose
Je suis la Vérité ?
- qui peut dire Je SUIS la Vérité – Moi, c’est moi – la Vérité est toujours à chercher
Je suis la Vie ?
- qui peut dire Je SUIS la Vie – Moi, c’est moi – la Vie est un don à recevoir d’un autre !
Qui peut dire je SUIS la lumière, la vérité, la vie, sinon le créateur
Jésus se positionne donc comme l’égal du Père, comme son Fils, comme l’Envoyé pour donner la VIE, la LUMIERE, la VERITE !
Cela les juifs l’ont bien compris ! Certains adhèrent par la foi de se mettre sous la mouvance du Père et de croire en l’œuvre de Jésus, d’autres refusent et veulent mettre Jésus à mort !
Jésus est le Maître de la VIE selon la mission que lui a donné le Père, il chasse les ténèbres de la mort ; il est le Fils de Dieu qui nous conduit au Royaume du Père.
(2014-04-06)
Année A - 4ème dimanche de carême, 30 mars 1014 -
L'aveugle-né
Homélie du Père Denis
Nous le savons, notre Eglise fait un effort soutenu d'évangélisation. A
ceux qui ne connaissent pas encore la Bonne Nouvelle, l'Eglise veut
mieux annoncer qui est le Christ, ce qu'il donne, ce qu'il demande.
Qui donc est-il ?
Nous vivons donc une forte et belle époque ne disons pas de
catéchisme, disons de catéchèse où tous les chrétiens, et nous les
premiers, doivent être et veulent demeurer des disciples, c'est-à-dire
ceux qui apprennent. Cela se fait dans nos messes dominicales, et cela
se fait de plus en plus dans des groupes, stables ou occasionnels,
accueillant des non chrétiens, lisant avec eux la Bible, ce qu'on
appelle l'Ecriture Sainte. Plus audacieux encore, dans plusieurs
grandes villes deux ou trois chrétiens abordent les passants et ouvrent
conversation sur Jésus, le Grand Inconnu souvent.
Catéchèse. Un évêque, mort il y a peu, celui de Milan, a laissé le
souvenir de cette évangélisation vivante, méthodique aussi, à partir
des quatre évangiles. Il proposait de les lire: d'abord celui de Marc
qui présente d'emblée le Christ inaugurant son ministère; ensuite
celui de Matthieu qui nous introduit à l'Eglise s'organisant en corps
du Christ; puis celui de Luc pour découvrir la mission universelle du
christianisme ; enfin celui de Jean où tous et chacun sont appelés à
vivre la religion comme une intimité avec Dieu, une stabilité dans
l'amour.
Ainsi, ce dimanche, c'est de l'évangile selon saint Jean que nous
venons d'entendre une longue page, qui, justement nous révèle ce
qu'est cette intimité avec Dieu : un amour lumineux, manifesté dans le
Christ se disant être la lumière du monde. Etre chrétien, c'est devenir
lumière, clarté, dans nos paroles, nos actes, nos désirs. C'est même, à
notre insu, devenir éclairants pour qui nous regarde vivre. Jean nous
raconte ce que fit Jésus le jour où il a rencontré un passant, un homme
déjà âgé et totalement aveugle, de naissance. Il s'est approché du
visage de l'aveugle, pose sur ses yeux ses propres doigts humides de
terre mêlées de salive, puis envoie l 'homme se laver dans une piscine
proche, en pleine ville. L'aveugle se lave les yeux et tout de suite voit
clair. Jésus avait prévenu ses disciples, je suis la lumière du monde,
celle qui fait voir. Lumière de Dieu ! Consistance des choses, certes,
et signification lentement évidente du secret des choses: bien
regardées, elles nous nous préparent aux choses qui ne passent pas.
Leçon suprême : il ne s'agit pas seulement pour l 'homme de savoir
lire mais d'entendre un appel infini.
Que faire pour entendre cet appel et y répondre? Se mettre en
route et patiemment, progresser de jour en jour. Le plus simple, si l'on
a un missel, serait de relire ce long récit de l'aveugle né. Le relire en
silence, seul, ou en famille, ou en groupes, avec d'autres croyants,
avec des incroyants, allant, nous tous, de lumière en lumière. Lire
aussi ce que saint Paul, écrivant aux chrétiens d'Ephèse, dit au pluriel
pour préciser notre vocation commune qui est de vivre en enfants de
lumière nos relations, nos désirs de toutes sortes, car, dit-il,
maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Et le fruit de la
lumière est tout ce qui est bonté, justice et vérité. Devenir lumineux,
moins compliqués, ne faisant pas des drames avec des rien, vraiment
chrétiens, n'aimant plus les ténèbres de nos mauvaises timidités et de
nos fautes.
Ainsi allons-nous vers Pâques. Moins de trois semaines et
c'est Pâques. Dans la nuit totale du parvis commence la vigile et voici
subitement la lumière passant de main en main à partir du grand cierge
allumé par le prêtre. Et heureux d'être là tous ensemble, nous
chanterons, nous répéterons LUMIERE DU CHRIST! LUMIERE
DU CHRIST !
Le Christ est la lumière du monde. Vivons en enfants de lumière.
(2014-03-30)
Année A – 3° Dimanche de Carême – 23 mars 2014
Ex 17 3-7 ; Rom 5 1-8 ; Jn 4 5-42
Homélie du F.Jean-Noël
Avions-nous bien noté au début de ce Carême, ce que la liturgie nous faisait demander ?
- Le courage de jeûner à mort ?
- Ou seulement de savoir discerner de combien diminuer, sans que cela fasse trop mal, notre ration quotidienne de sucre, de café, de télé ou d’internet ?
Rien de tout cela ! Seulement : « Accorde nous de progresser dans la connaissance de Jésus, notre sauveur et de nous ouvrir à sa lumière »
Progresser, nous ouvrir » Mais attention ! Déjà à Noël, vous vous souvenez la liturgie, les Écritures, nous avaient rappelé que cela ne se fait pas seulement avec de bonnes intentions, des idées, Non. Jésus paraît, on se bouge !!
- Comme Marie dans les collines de Judée
- Comme les bergers, de nuit !
- Comme les Mages, de si loin !
- Comme Zacharie, Siméon et Anne, au bout d’un long désir, toute une vie
- Comme les premiers disciples au bord du la, sans trainer les pieds.
- On se bouge et la parole se libère pour clamer à tous vents les merveilles de Dieu : « Béni soit le Seigneur, Dieu d’Israël. Mon âme exalte le Seigneur. Maintenant, je peux mourir : j’ai vu »
Se bouger et faire bouger autour !!
Sortir et témoigner de Jésus-Christ , dit la pape François
A mi-course du Carême, on ne va pas changer de cap. Se bouger encore. Justement comme cette femme dont Jean nous dit le chemin, la belle progression. Un vrai cas d’école. Parait.
Cette samaritaine, à la différence des bergers ne veillait pas – je ne vous dirai pas à quoi elle passait ses nuits !! -
À la différence de Siméon, Anne, elle n’attendait rien.
Elle venait de beaucoup plus loin encore que les Mages. Trois fois plus loin : Étrangère, hérétique, femme !! De vraiment loin !!
Mais « Nul n’est trop loin pour Dieu » comme le chante une de nos hymnes de Carême, en écho d’ailleurs avec les Psaumes, les Écritures. Et notre Samaritaine l’apprend. Et c’est la belle progression que nous venons d’entendre :
- Au puits, elle ne reconnait d’abord qu’un juif. Et un juif, ça ne vaut pas cher dan le cœur des Samaritains. Et c’est bien réciproque !!
- Ensuite c’st « serais-tu plus grand que notre père Jacob ? »
- Puis, « je le vois, tu es un prophète »
- Et, prudente, car ça devient risqué : « Ne serais-tu pas le Messie ? »
- Enfin, en chœur avec tout un peuple, la ville évangélisée par elle et qui se bouge : « C’est vraiment lui le sauveur du monde ! »
Belle progression, reconnaissance progressive, oui bien sûr !
Mais à quoi servirait-il de dire « c’est le sauveur, c’est le sauveur ! » sans engagement ?
Et là notre samaritaine s’engage, se risque, se bouge. Certes, difficilement, en se débattant – et c’est encourageant pour nous.
Elle se montre coriace, fine mouche aussi, mais tellement vivante.
Elle passe par toutes les couleurs, luttant pied à pied jusqu’au bout
- D’abord le quasi refus – méprisant – à ce juif
- Puis femme pratique : un essai de récupération : ne plus avoir à faire cette corvée d’eau
- Déstabilisée par l’allusion trop claire à sa vie privée ( pas touch’). C’est la parade : la grosse question alibi (là on se reconnait) : « dis, explique moi : nos pères ont dit que .. »
- Avant finalement de céder, les yeux grands ouverts et le cœur, et de partir « en grande hâte » courir la ville « Venez voir » avec un enthousiasme tel, que toute la ville se bouge : « C’est vraiment lui le Sauveur du monde » !!
Bien, mais nous aujourd’hui ?
Peut-être réentendre quelques paroles fortes de Madeleine Delbrel . Elle sait de quoi elle parle. Elle sait ce que c’est de se laisser bousculer par le Christ Sauveur, elle qui était si loin aussi. Athée notoire. A 20 ans, éblouie par le Christ (C’est le mot qu’elle emploie), sa vie bascule.
Le puits, la source, elle en sait le chemin.
Écoutez-la. Dans « Nous autres gens des rues »
« Si nos solitudes sont mauvaises adductrices de la parole, c’est que notre cœur est absent. C’est parce que notre cœur est dépourvu d’attention que les puits de solitude dont sont parsemées nos journées nous refusent l’eau vive dont ils débordent ».
Oui, si nous savions le Don de Dieu !!
Pourquoi d’ici la Vigile pascale, ne pas laisser ce soupir de Jésus, son souffle, nous travailler, nous pousser au chemin des sources, pour enfin, la Sainte Nuit, confesser ensemble – et pas que des lèvres : « C’est vraiment lui, le Sauveur du monde ».
Et déjà, prier avec Didier Rimaud - une de ses hymnes :
Jésus, qui m’a brûlé le cœur
Au carrefour – au puits – des Écritures
Ne permets pas que leur blessure
En moi se ferme…
Tourne mes sens à l’intérieur ( cf l’attention dont parle M. Delbrel ;
ou encore « aux périphéries » dirait le Pape François)
Force mes pas à l’aventure
Pour que le feu de ton bonheur
A d’autres prennent
Trop des miens sont sans nouvelles !! (2014-03-23)
2 S 7, 4-5a.12-14a.16 ; Rm 4, 13.16-18.22 ; Mt 1, 16.18-21.24a
Frères et sœurs,
A la lumière de cet évangile, on pourrait dire que St Joseph est « l’homme des projets contrariés ». Il avait fait ce projet d’épouser Marie. Elle lui avait été accordée en mariage et voilà qu’elle est enceinte avant qu’ils aient habité ensemble. Devant ce constat, « il forme un nouveau projet », nous dit l’évangile : celui de répudier Marie, mais en secret, peut-être parce qu’il avait perçu que quelque chose de plus grand était en jeu. Il désire donc couper avec Marie. Mais voilà que ce nouveau projet est contrarié par un songe au cours duquel il comprend qu’il lui faut entrer dans un autre projet : celui de Dieu. « L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ». Dans ce projet divin, il a sa part : celle de donner le nom de Jésus, « le Seigneur sauve », à l’enfant qui naitra. Dès lors, sa responsabilité est engagée : il prendra en charge la vie de l’enfant et de sa mère. La suite de l’évangile de Matthieu racontera comment encore à deux reprises, les projets, que Joseph auraient pu légitimement faire sur la vie de famille, vont être bousculés par la nécessité de fuir en Egypte.
La vie de Joseph nous donne à voir la manière avec laquelle Dieu intègre nos projets humains pour les associer au sien. Dieu s’invite dans l’histoire d’amour entre Joseph et Marie. Joseph qui ne comprend pas pense qu’il lui faut rompre cette relation avec Marie. Pour lui, c’est tout ou rien. Mais il va apprendre à vivre son projet initial d’une autre manière, à la manière de Dieu. En accueillant et en accompagnant l’irruption d’une vie qui vient d’ailleurs. Il va permettre à Jésus, le Fils du Très Haut, de prendre toute sa stature humaine en lui offrant le soutien de sa paternité. Les projets de Joseph ont été contrariés pour entrer dans le grand projet de Dieu, « projets de son cœur qui subsistent d’âge en âge », nous assure le psalmiste (Ps 32, 11).
La sainteté de Joseph est toute entière là, dans cette totale docilité au projet de Dieu. Il n’a rien fait d’extraordinaire. Il s’est laissé conduire par les évènements, par cette compréhension intérieure de la Parole de Dieu qui venait contrarier ses projets…
S’il en est ainsi, on comprend que, chemin faisant au cours de l’histoire, la figure de Joseph soit devenue une figure de sainteté de plus en plus vénérée dans l’Eglise. Car finalement Joseph se révèle être très proche et très accessible pour chacun des chrétiens. Joseph se présente à nous comme l’homme qui accepte d’ajuster ses projets et qui consent à les voir contrariés pour être encore plus fidèle à Dieu. N’est-il pas une belle lumière pour nous aujourd’hui encore ? Combien de fois, nos projets sont contrariés par les évènements, par la réalité, et pour nous dans la vie monastique par les exigences de la vie commune ?
Comment vivons-nous ces contrariétés ? En râlant, en nous rebellant ou bien en cherchant à comprendre ce que Dieu peut bien vouloir me dire dans tous ces évènements contrariants ? Demandons par l’intercession de St Joseph, cette grâce de d’ouverture à l’œuvre de l’Esprit, grâce de patience quand l’énervement surgit, grâce d’intelligence du plan de Dieu sur nos vies, plan qui demeure pour toujours. (2014-03-19)
Année A - Mercredi des Cendres - 05.03.2014
Jl 2, 12-18 ; 2 Co 5, 20-6, 2 ; Mt 6,1-6, 16-18
Homélie du Père Abbé Luc
« Déchirez vos cœurs, et non pas vos vêtements » venons-nous d’entendre dans la bouche du prophète Joël. « Déchirez vos cœurs », étrange expression qui laisse entendre que nos cœurs peuvent se couvrir et s’envelopper, comme on se couvre d’un vêtement pour se protéger du froid ou d’une agression… « Déchirez vos cœurs, et revenez au Seigneur, car il est tendre et miséricordieux… » poursuit le prophète. Déchirez le cœur pour revenir au Seigneur qui est tendre et miséricordieux. Le prophète veut-il dire que le cœur du peuple a perdu sa capacité à reconnaitre la tendresse et la miséricorde de son Dieu ? Son cœur est aveuglé. Les protections dans lesquels il s’est réfugié lui ont enlevé toute sensibilité, et peut-être toute capacité de relation vraie avec le Seigneur… S’il veut retrouver l’amitié du Seigneur qui est tendre et miséricordieux, il lui faut déchirer son cœur de toutes ses protections ou de ses vêtements sous lesquels il se blottit….
« Déchirez vos cœurs » : n’est-ce pas le message que nous pouvons entendre, nous-aussi au début de ce carême ? Les autres lectures nous engagent dans le même sens à consentir à revenir vers le Seigneur à cœur ouvert. St Paul exhorte les Corinthiens à se laisser réconcilier avec Dieu. En ôtant le vêtement de la peur, ou celui du repli sur soi, avec confiance, il s’agit d’accueillir l’œuvre de salut que le Seigneur veut opérer aujourd’hui…Et dans l’évangile, Jésus nous entraine à vivre dans la vérité et l’authenticité notre démarche de conversion. En ôtant le vêtement du désir de paraître ou celui de briller aux yeux des autres, Jésus appelle ses disciples à retrouver le lieu caché et authentique de la rencontre vraie avec le Père qui est là dans le secret.
« Déchirer nos cœurs », enlever nos protections, laisser tomber nos défenses et nos apparences, pour nous ouvrir encore davantage à l’amour de notre Père des Cieux, par la prière, le jeûne, et par la charité fraternelle. Déchirez notre cœur afin qu’il devienne plus sensible à l’œuvre de l’Esprit Saint, moins sourd à ces appels comme à ceux de nos frères.
Durant ces quarante jours, nous allons apprendre cela. Ensemble, nous allons marcher vers Pâques en entrant un peu plus dans le grand mouvement d’amour du Christ, qui va le conduire sur la croix à n’être plus qu’un cœur ouvert. Cœur ouvert par notre péché, mais cœur ouvert par amour pour nous. De la déchirure du cœur pécheur à la blessure du cœur par amour de Dieu et des hommes, voilà le chemin que Jésus veut nous enseigner sur la route de Pâques. (2014-03-05)
Année A - 8e Dimanche du Temps Ordinaire -
Isaïe 49,14-15; 1 Co 4,1-5; Matthieu : 6,24-34
Homélie du F.Matthieu
« Ne vous faites pas de souci...pourquoi tant de souci... » On trouve 6 fois dans notre évangile ce mot « souci... / se soucier... », en fait toujours le même verbe. Ne vous faites pas de souci pour votre nourriture, ni pour votre vêtement, … et surtout pas pour votre argent, le mauvais maître !
Avouons que ces paroles de Jésus nous déconcertent. Sérieusement, comment ne pas avoir le souci du lendemain ?… Et plus encore que nous peut-être, comment des gens jetés à la rue pourraient-ils ne pas s'inquiéter du lieu où ils passeront la nuit ? Combien d’hommes et de femmes ont faim et s’inquiètent de trouver la nourriture de leurs enfants ? A juste titre, non ?
Compter sur Dieu ? Facile à dire… impossible à faire ?
Et puis, n’avons-nous pas appris que Dieu a mis le monde entre nos mains et que c'est nous qui avons la charge de laisser passer à travers nous, par nos pensées, nos actions, son amour pour les autres. Et voilà bien un souci de plus !
Ne pas se faire de souci, cela ne veut pas dire, évidemment, ne rien faire pour se procurer le nécessaire, ne pas travailler. Ce qui est sans doute visé, c’est l'inquiétude, la préoccupation pour l'avenir qui en vient à occuper tout notre esprit. Ce sont ces « réserves dans les greniers », que les oiseaux ne font pas et qui empêchent souvent les humains de reconnaître le don de la vie que Dieu leur fait chaque jour. Mais enfin ce n’est pas simple !
Alors ? Alors est-ce que l’évangile ne voudrait pas surtout nous faire changer de regard ? Ce n’est pas de nous que Jésus veut que nous nous soucions, mais bien plutôt de Dieu. Mais qui est-il donc ce Dieu en qui nous croyons, « notre » Dieu ? Est-ce bien le Dieu de l’évangile, le Dieu de la Bible, le Dieu de Jésus ? Ou seulement encore, une idole faite à notre mesure ?
La 1ère lecture que nous avons entendue, tirée du prophète Isaïe, peut déjà nous mettre sur le chemin de la réponse.
Au début du passage, là aussi, s'exprime le « souci » des hommes, leur inquiétude : « le Seigneur m'a abandonnée, le Seigneur m'a oubliée... » Ecoutons la réponse de Dieu, du Dieu d’Israël à son peuple : « Est-ce qu'une femme peut oublier son petit enfant, ne pas chérir le fils de ses entrailles ? Même si elle pouvait l’oublier, moi je ne t'oublierai pas. »
Ainsi se révèle pour nous un visage bien inattendu de Dieu : le Dieu d’Isaïe apparaît comme une tendre mère : pas plus qu'une mère, ce Dieu-là ne peut « oublier son petit enfant », et cesser de « chérir le fils de ses entrailles ». C'est ainsi qu'il nous voit !... Mais, nous, le voyons nous ainsi ?
Et le Psaume que nous avons chanté tout à l’heure ne nous montre-t-il pas un Dieu sur lequel on peut compter « en tous temps ». Jésus nous affirme qu'aucun d'entre nous « à force de souci ne peut prolonger tant soit peu son existence », mais le psalmiste disait déjà :
« Dieu est pour nous un refuge ».
Et chacun peut dire, à sa suite, en reconnaissance de ce qu’est Dieu en vérité :
« Lui seul est mon rocher, mon salut,
« ma citadelle, je suis inébranlable... ».
Et nous voilà renvoyé encore à cette question : Qui est-il vraiment ton Dieu, ton Dieu, à toi ? Est-ce bien le Dieu du Prophète, le Dieu du Psalmiste ?
Acceptons de nous convertir, de résolument changer notre regard sur Dieu ; dans cette lumière qui nous invite à renoncer à nos idoles pour nous convertir au Dieu vivant, révélé, Jésus peut nous dire : « Cherchez d'abord son Royaume et sa justice, et tout cela (nourriture, boisson, vêtement) vous sera donné par-dessus le marché. » Dans ce monde changeant, incertain, quelquefois bien angoissant, nous avons un point fixe, un allié solide, Dieu, notre mère, notre refuge, pourvu que nous croyons bien au Dieu de Jésus !
Dans la 2ème lecture, Paul témoigne lui aussi qu’il ne se fait pas de souci. Il ne parle pas de la nourriture ni du vêtement, mais du « jugement » que les autres portent sur lui, de sa réputation. Apparemment, c'est très différent, et pourtant... Paul s'appuie lui aussi sur Dieu seul, même pour se juger lui-même ; il connaît le vrai visage de son Dieu, c'est lui qui « fera paraître les intentions secrètes », la vérité de chacun. Paul veut seulement « mériter confiance » : c'est cela pour lui « chercher le Royaume. », le Royaume de ce Dieu-là, celui de ses Pères, celui de Jésus, celui qui est le « juste juge ».
Alors notre seul souci, s’il doit y en avoir un, ne devrait-il pas être de renoncer à nos idoles, de convertir notre regard au Dieu vivant et vrai, celui révélé à Isaïe, au Psalmiste, à Paul, manifesté en Jésus pour notre salut et notre bonheur !
Appuyés sur un tel Roc, portés par une telle mère, justifiés par un tel père, nous pourrons alors être « sans soucis » en ce monde !
(2014-03-02)
Année A - 7° Dimanche du Temps Ordinaire
Homélie du F.Sébastien
Frères et sœurs,
L’avez-vous remarqué en préparant votre messe, et y avez-vous déjà trouvé votre joie et votre fierté ? La liturgie de la parole de ce dimanche, celle qui en ce moment cherche notre cœur, commence par un ordre catégorique, tranquille, de notre Père du ciel : « Soyez saints car je suis saint. » Énorme ! Non, normal ! Tel Père, tel fils, c’est une loi de nature, la nôtre. C’est cela que les lectures de ce jour veulent nous faire comprendre.
Et voilà que le dernier mot de la liturgie de la parole répond en écho à la première : c’est un ordre catégorique de Jésus Fils de Dieu : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Parfaits et saints. Tel est notre programme de vie.
Mais c’est quoi la sainteté. J’aime penser que ce n’est rien d’autre que le vécu de Dieu, en lui et en nous. C’est le repos de la conscience en paix, le confort des pensées spontanément droites, l’absence de celles qui tourmentent. « « Tu n’auras aucune pensée de haine contre ton frère... Tu ne te vengeras pas, tu ne garderas pas de rancune... » On le sait, la vengeance ou la rancune, cela se rumine, cela peut devenir un enfer. Tu n’en auras pas. Bon débarras ! Quel silence à la place !. Oui, c’est bon, divinement bon ! Désirable sainteté en laquelle Dieu exauce en nous son propre désir de Père, et Jésus de frère.
Cela ne doit pas nous éloigner des combats de la vie quotidienne, et il y en a ! C’est pour nous aider et nous y accompagner que, dans l’évangile, Jésus laisse tomber de sa bouche des consignes raides..., on se demande s’il réalise bien ce qu’il dit : « Ne pas tenir tête au méchant, oui, mais si l’autre, ’il exagère ? Une gifle partie toute seule, passe encore, mais tendre l’autre joue? Se laisser réquisitionner et mener en bateau... Aimer ses ennemis... C’est le point dur pour beaucoup...
Non, Jésus réalise tout-à-fait ce qu’il commande, mais il a de l’expérience. Il sait que d’elle-même la vie fait évoluer les hommes, dans le bon sens s’ils lui font une confiance un peu folle, s’ils lui demandent son aide : il n’attend que cela ! Demandons, nous les premiers. C’est l’heure. Il agira, souvent à notre insu, sans forcing, car il est le maître de la liberté intérieure, des surprises discrètes comme on joue de bons tours.
Qui ne s’est jamais retrouvé bouleversé à la suite d’un film, d’une rencontre, d’un témoignage ? Après on ne voit plus les choses comme avant. Aimer celle-ci qui m’a fait ça ? et même celui-là ! Et voilà que l’envie nous en vient et que ce soit possible, et vite, maintenant.
J’entends des rumeurs, ça résiste... : « Bon d’accord, mais comment ? C’est de la folie ! Soyons plus réalistes que Jésus ! » Eh bien, nous dit Saint Paul dans la deuxième lecture, cette folie, c’est notre chance, « Dieu n’a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde. ...Ce qu’il y a de fou dans le monde, ce qu’il y a de faible, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages, pour confondre les forts selon le monde. »
« N’oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous !... Il s’y est installé apportant avec lui la plénitude de la sagesse divine mise désormais à notre portée. Se laisser gagner par cette folie : tel doit être notre projet, notre avenir, le repos.
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Je termine par des faits, avec deux anecdotes qui parlent.
Le 24 mars 1980, Oscar Romero, archevêque de San Salvador, défenseur des pauvres et des exploités, ouvrait la semaine sainte en célébrant l’eucharistie : une balle explosive l’atteignait en pleine poitrine, celle du Christ. Quinze jours plus tôt il avait confié à un journaliste :
" J'ai souvent été menacé de mort. Mais comme chrétien, je ne crois pas qu'il y ait de mort sans résurrection. Si on me tue, je ressusciterai dans le peuple saIvadorien. Je dis cela sans me vanter, avec la plus grande humilité.
"Comme pasteur, je suis obligé, par mandat divin, de donner ma vie pour ceux que j’aime, pour tous les saIvadoriens, même pour ceux qui vont peut-.être me tuer. SI les menaces viennent à exécution, dès maintenant j’offre mon sang à Dieu pour la rédemption et la résurrection du Salvador.
"Le martyre est une grâce de Dieu que je ne crois pas mériter. Mais, si Dieu accepte le sacrifice de ma vie. que mon sang soit une semence de liberté et le signe que l’espérance deviendra bientôt réalité. Puisse ma mort, si elle est acceptée par Dieu, être pour la libération de mon peuple et comme un témoignage d’espérance pour l’avenir.
"Vous pouvez dire, s'ils réussissent à me tuer, que je pardonne et bénis ceux qui le feront. Ah! S’ils pouvaient se convaincre qu'ils perdront leur temps. Un évêque mourra, mais l'Eglise de Dieu, qui est le peuple, ne mourra jamais. "
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Deuxième anecdote, rapportée par Gérard Bessière avec son style. Un ami venait juste de lui rapporter l’histoire.
Je cite. « Elle attendait en bas, ma jolie amie de 76 ans. Que se passait-il pour qu'elle vienne ainsi sans prévenir ? Un rien de désordre dans ses vêtements et dans ses cheveux. Elle m'a expliqué, elle venait d'être bousculée par des jeunes dans le métro, qui voulaient lui dérober son sac. Elle m'a raconté avec des yeux de petite fille étonnée. Puis, elle a sorti une enveloppe de son sac à main. Voici, mon Père, c'est une petite offrande. Vous la donnerez à une œuvre qui s'occupe des délinquants. Vous comprenez, il faut bien les aider, ces jeunes. »
Pas un mot de colère ou de haine, le pur réflexe de l'amour
(2014-02-23)
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Année A - 6e dimanche du Temps Ordinaire, 16 février 2014
Sir. 15, 15-20; I Cor. 2, 6-10; Mt. 5, 17-37
Homélie du F.Ghislain
Nous venons d’écouter un très long passage d’évangile, dans lequel Jésus nous donne et nous explique ses commandements. Que nous dit-il ?
D’abord que ces commandements ne sont pas nouveaux : ce sont les commandements que Dieu a depuis le début donnés à son peuple, la Loi d’Israël, résumée dans le Décalogue et qui forme la base de son Alliance, une loi qui fait vivre comme dit l’Ecriture.
Ensuite, que ces commandements ne doivent pas donner lieu à une casuistique pointilleuse, à une jurisprudence compliquée, qui en feraient l’apanage d’un groupe spécialisé, qui confisquerait l’interprétation de la Loi et lui ferait perdre toute sa sève, ces personnes que Jésus appelle les pharisiens, les légistes, les docteurs, les scribes.
Enfin, Jésus indique le principe juste de l’observance vraie de la loi, que je résumerais en deux mots : intériorité, infini. La loi est n’est pas seulement un précepte formulé, ou plutôt, ce précepte s’adresse au cœur et on comprend peu à peu qu’il n’a pas de limites. Prenons le premier commandement que les plus âgés parmi vous ont appris par cœur au catéchisme :
Un seul Dieu tu adoreras
Et aimeras parfaitement.
Est-ce que cela ne s’adresse pas au cœur de l’homme : à son intelligence, à sa sensibilité, à son désir ? Qu’est-ce qui pourrait nous faire comprendre ces mots : Dieu, adorer, aimer, sinon notre cœur, si nous l’écoutons ? Et, si nous descendons dans notre cœur, ne comprenons-nous pas alors que ces mots sont infinis, qu’on peut toujours pressentir mieux qui est Dieu, entrer davantage dans l’adoration, commencer enfin à aimer vraiment ?
Il en va de même pour les hommes. « Tu ne tueras pas ». La Règle de saint Benoît reprend ce commandement pour dire aux moines de le respecter. Mais est-ce qu’un moine, dédié à la rencontre de Dieu et à une vie fraternelle dans la charité, a vraiment besoin qu’on, lui rappelle cela ? Si on s’en tient au niveau légal et extérieur, certainement pas. Mais si on entend ce précepte dans son cœur, alors oui : il y a tant de manières de blesser, voire de tuer un homme, tout en respectant sa vie physique. Jésus mentionne l’injure et il en connait diverses sortes, la colère et ses nombreuses manifestations, Le célèbre psychanalyste Sigmund Freud a écrit un livre sur les mots d’esprit, et il y voit un succédané de l’homicide : on ne tue pas, mais, comme on dit : « on fait de l’esprit sur le dos de quelqu’un », et cela peut, comme on dit encore, « le démolir ». Tuer, démolir, où est la différence au fond ?…Nous voyons alors que, si ce précepte nous va au cœur, il est infini, on n’aura jamais fini de le mettre en œuvre : « ne pas tuer » veut dire « laisser en vie » mais on voit bien qu’il faut aller plus loin : « faire vivre ».
Ainsi l’Evangile n’ajoute rien à la Loi de Moïse et n’en supprime rien. Il se contente de la mettre, cette loi, dans le cœur, et il la porte à l’infini. En un sens, cela pourrait nous faire peur : pouvons-nous vraiment faire vis-à-vis de Dieu et vis à vis des hommes cette démarche à la fois intérieure et infinie ? – Je pensais à cette question et sont alors venus spontanément à ma mémoire trois mots prononcés il y a quelques années et devenus célèbres : Yes, we can ! La tâche politique est devenue trop lourde et cependant, avec un peu de cœur et d’enthousiasme : Yes, we can. Un jour, Jésus lui-même, à un moment proche de la Passion, a posé la question à deux de ses apôtres : « Pouvez-vous ? », et la réponse a été celle-ci : « Nous le pouvons, Yes, we can ».
Et c’est vrai : si nous rentrons un peu en nous-mêmes, si nous cherchons où nous pousse notre désir le plus profond, nous voyons bien que c’est dans la direction d’un respect infini et actif de Dieu et des autres. Nous comprenons que le don, le pardon, la patience, le silence, le sourire sont les attitudes vraies. Nous avons envie de les prendre, et cette envie se manifeste au moins par un sentiment diffus de culpabilité quand nous ne les prenons pas, mais surtout par un désir de faire plus et mieux quand nous les avons prises… Au fond, dans cet évangile, Jésus nous invite à être vraiment nous-mêmes, de plus en plus, et l’Esprit qu’il nous a donné à la Pentecôte ne fait que nous pousser vers l’infini de notre désir. Laissons-nous mener par ce désir…Yes, we can. (2014-02-16)
Année A - 5ème dimanche Temps Ordinaire
Isaïe 58,7-10 ; 1 Cor 2,1-5 : Matthieu 5,13-16
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs
La page d’Evangile que nous venons d’entendre met en avant deux images simples, empruntées à la vie domestique ordinaire : le sel, d’une part, une lampe qui éclaire une pièce de la maison, d’autre part. Jésus prend ces images, au commencement de son exhortation apostolique du Sermon sur la Montagne, dans l’Evangile selon St Matthieu, aussitôt après la proclamation du message des Béatitudes qui en était l’ouverture. Arrêtons nous un peu sur ces deux images et voyons si elles peuvent nous enseigner encore aujourd’hui, comme il y a 2000 ans, au temps de Jésus.
Le sel, le sel de la terre, tout d’abord. Entre ses diverses propriétés naturelles, le sel renvoie surtout à l’expérience du goût. Le sel donne de la saveur aux aliments. Nous l’expérimentons en cuisine. Un plat qui manque de sel n’est guère appétissant, au contraire, s’il est sur-salé il devient immangeable et cela peut même provoquer des accidents de santé, de l’hypertension aux graves conséquences. Ni trop, ni trop peu donc : une simple pincée et cela fait toute la différence pour un bon plat. Quand Jésus dit à ses disciples : vous êtes le sel de la terre, on peut l’entendre alors, tout comme pour le levain dans la pâte : vous êtes le petit groupe de mes amis, une poignée, une pincée de disciples. Mais n’ayez pas peur de donner le goût de l’évangile à ceux vers lesquels je vous envoie. L’évangélisation n’est pas affaire de chiffre, de quantité et de statistiques. Ne vous lamentez pas devant la pénurie des vocations. L’évangélisation est dans la qualité de votre témoignage. Vous avez vu, vous avez goûté combien le Seigneur est bon. Allez, soyez du sel pour les autres. Communiquez cette saveur, cette joie de l’évangile. Et pour reprendre le style de notre pape François dans son Exhortation Apostolique, je dirai bien volontiers : « ne vous laissez pas voler votre sel, le sel de l’Evangile », ne vous laissez pas voler votre joie d’annoncer la Bonne Nouvelle au cœur du monde d’aujourd’hui. Comme nous le chantons dans une hymne, lors de la fête d’un Docteur de l’Eglise : « le sel nous est donné pour exprimer la saveur de la grâce, le goût de Dieu, la joie promise, qui verse en nous l’audace d’aimer la Vérité, d’un cœur qui ne s’effraie, que rien ne lasse ».
Ensuite, la lampe, la lampe que l’on met sur le lampadaire et qui brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Jésus renvoie ici à l’expérience de la lumière, cette réalité naturelle, physique d’abord, très étudiée par les scientifiques et qui a donné lieu à des débats contradictoires sur sa nature et ses effets, mais réalité symbolique aussi, inséparable de tout ce qui touche au monde de la vie : vie matérielle, comme vie morale, spirituelle.
Pour nous croyants, la lumière est encore davantage : elle est associée à la Parole, la Parole divine, comme nous le chantons dans un verset du Ps 118 : « Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route »
La Lumière a été établie par Dieu au commencement de la création, au 1er jour. Alors que les ténèbres étaient à la surface de l’abîme, que la terre était déserte et vide, Dieu dit : « Que la Lumière soit ! (fiat lux) et la Lumière fut. Dieu vit que la Lumière était bonne. » Et la Lumière se retrouve au terme des Ecritures, dans la finale du livre de l’Apocalypse, à l’avènement des cieux nouveaux et de la terre nouvelle. « Il n’y aura plus de nuit. Nul n’aura plus besoin de la lumière d’une lampe, ni de la lumière du soleil. Car le Seigneur Dieu répandra sur eux sa Lumière et les justes règneront aux siècles des siècles ».
Dieu est Lumière. L’evangile et la 1ère épitre de Jean l’affirment explicitement et solennellement : « Moi, dit Jésus, Je Suis la Lumière du monde. Celui qui vient à ma suite, ne marchera pas dans les ténèbres : il aura la Lumière qui conduit à la Vie ». Alors, quand Jésus dit à ses disciples et à nous-mêmes aujourd’hui : « Que votre lumière brille devant les hommes. Soyez lumière pour vos frères », Il veut nous faire prendre conscience que nous participons par notre vie et par notre témoignage à la nature lumineuse de l’Etre de Dieu.
Nous avons tous fait l’expérience de rencontres de personnes dont le visage était lumineux, rayonnant, soit par leur regard, soit par leur sourire, soit par leur attitude et toute leur vie. La lumière qui se dégageait d’elles a pu alors nous renvoyer à une expérience directe, concrète de la présence de Dieu en elles.
Alors, tout comme pour le sel, tout comme pour le levain, soyons comme le demande Jésus Lumière pour le monde. Et pour reprendre le style du pape François, je dirais volontiers : « ne nous laissons pas voler notre lampe , la lampe de l’Evangile ». Gardons-la bien allumée, prête à servir, à la rencontre de l’époux dans la nuit, comme les vierges sages et prévoyantes qui avaient emporté avec elle de l’huile. Car la lampe est aussi un instrument précieux et nécessaire dans notre propos de vigilance et de prière. Nous le chantons dans une hymne pour la fête des vierges : « pourquoi garder toute la nuit vos lampes allumées ? Pourquoi donner à votre vie le sens d’une attente infinie ? Quelle espérance vous tient éveillées vierges sages, et quelle promesse de joie ! Heureux les invités aux noces de l’Agneau ! »
Frères et sœurs, 2000 ans après que Jésus ait exhorté ses disciples sur la Montagne avec ces images du sel et de la lampe, laissons-nous toucher à notre tour par cette Parole de Dieu qui nous est adressée en ce jour. Puissions-nous, chrétiens annoncer à nos frères : « Goûtez et voyez combien bon est le Seigneur ! »
AMEN (2014-02-09)
Année A - 3° Dimanche du Temps Ordinaire
Is 8, 23b-9, 3 ; 1 Co 1, 10-13+17 ; Mt 4, 12-23
Homélie du F.Hubert
Début du ministère de Jésus dans l’Evangile selon st Matthieu,
que nous allons suivre au long des dimanches de cette année.
Ce ministère commence après l’arrestation de Jean-Baptiste.
Lorsqu’il apprend l’arrestation de Jean-Baptiste, Jésus se retire en Galilée.
Cette simple notation souligne que Jésus, « l’Emmanuel, Dieu-avec-nous »,
va être comme Jean, confronté au refus, à l’injustice, à la violence des hommes.
Déjà, tout petit, ses parents ont dû l’emmener en Egypte pour fuir la violence du roi Hérode.
La Passion est déjà dessinée en filigrane par l’évangéliste.
Quand l’heure sera venue, Judas donnera son signe :
« Celui que j’embrasserai, c’est lui, arrêtez-le. »
Alors ils s’approchèrent, mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent. »
La mission de Jésus ne s’accomplira pas sans qu’il donne sa vie. Pour ceux-là même qui veulent la lui ôter.
Revenant donc en Galilée, après son baptême et ses 40 jours au désert,
Jésus quitte sa ville de Nazareth et s’installe à Capharnaüm.
Il « sort » de chez lui pour proclamer l’Evangile du Royaume. Il va à la rencontre des hommes.
Vous savez combien le pape François désire une Eglise qui « sorte » de chez elle
pour aller aux périphéries humaines, une Eglise aux portes ouvertes.
Jésus ne reste même pas en place : il parcourt toute la Galilée,
cette Galilée des nations, carrefour de peuples, symbole de toute l’humanité.
Porte ouverte sur le monde, c’est à partir d’elle que le salut de Dieu sera annoncé à toutes les nations :
au matin de Pâques, l’ange dira aux femmes :
« Il est ressuscité d’entre les morts et voici qu’il vous précède en Galilée. »
et c’est en Galilée que les Onze recevront ces paroles de Jésus :
« Allez, de toutes les nations faites des disciples. »
Le choix de Capharnaüm par Jésus est éclairé par une prophétie d’Isaïe
que nous avons entendue pour une part à la messe de minuit.
Cette prophétie était proclamée en Israël dans le rituel du sacre de chaque nouveau roi
dont l’avènement était comparé à un lever de soleil.
Isaïe prophétisait une naissance royale,
gage de libération pour les pays de Zabulon et de Nephtali vaincus par les assyriens au VIIIe s. avant JC :
exécutions, tortures, pillages, déportations.
L’expression : « le peuple qui marchait dans les ténèbres » peut même faire allusion aux colonnes de déportés, les yeux souvent crevés par le vainqueur.
Isaïe annonçait un renversement radical de situation, s’appuyant lui-même sur la célèbre victoire de Gédéon sur les Madianites, avec seulement une poignée d’hommes.
Annonce donc d’une naissance royale.
Dans son évangile, Matthieu nous a rapporté la naissance royale de Jésus avec l’histoire des mages,
ces étrangers venus se prosterner devant l’enfant « le roi des juifs qui vient de naître »,
dont ils avaient vu l’étoile se lever.
Mais maintenant, c’est à Jésus adulte qu’il applique la prophétie d’Isaïe.
C’est Jésus adulte, inaugurant son ministère, qu’il nous présente
comme la lumière qui s’est levée sur le peuple qui habitait les ténèbres et l’ombre de la mort.
L’évangéliste ne signifie pas ainsi que Jésus va ouvrir une ère nouvelle par des exploits guerriers,
mais une victoire contre les forces du mal.
C’est pourquoi Jésus appelle à la conversion des cœurs et effectue des guérisons comme signe de salut.
Notons aussi que Matthieu introduit sa citation d’Isaïe par ces mots :
« C’était pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète. »
Le début de son évangile est truffé de citations bibliques :
en Jésus s’accomplissent les prophéties, les Ecritures ; c’est lui l’accomplissement, lui qui les porte à leur terme.
Alors permettez-moi de reprendre encore ce texte d’Isaïe, tel que nous l’avons eu dans la première lecture.
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ;
et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi.
Lumière.
Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi,
comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin.
Joie.
Lumière et joie.
Il me plaît de rappeler que la première encyclique du pape François s’intitule « La lumière de la foi »
et son exhortation apostolique de novembre, « La joie de l’Evangile ».
Lumière et joie.
Si nous pouvions garder en nous ces deux mots, nous laisser attirer par eux, nous laisser enchanter, vivifier… et les laisser fructifier en les partageant, en en témoignant !
Lumière et joie.
La joie de l’évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus, dit le pape.
En Jésus, le nouveau roi, le véritable roi, Le Royaume des cieux est tout proche, il est là.
Un temps nouveau commence, qui est le temps du salut, où s’accomplira toute justice.
« Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. »
Jésus appela Simon et André, Jacques et Jean, et aussitôt ils le suivirent.
Quand il les a appelés, rien en eux n’a résisté.
Ils ont été aimantés par la lumière de cet homme, avec qui sûrement ils étaient déjà en relation.
L’appel de Jésus, qui ne va pas sans le don de son Esprit,
sont source d’une communion extraordinaire entre les hommes, entre nous.
La joie de l’évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus.
La lumière de la foi : Par cette expression, l’Eglise a désigné le grand don apporté par Jésus :
« Moi qui suis la lumière, je suis venu dans le monde
pour que celui qui croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. »
Frères et sœurs, sortons de chez nous pour partager cette lumière et cette joie, celles du Royaume.
(2014-01-26)