vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 28 juillet 2013 — 17e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C – 17e dimanche du T. Ordinaire – 28/07/2013

Gn 18 20-32 ; Col 2 12-14 ; Lc 11 1-13

Homélie du F.Sébastien

Texte :

En préparant cette homélie, je voyais se dessiner peu à peu comme un immense papillon, avec deux ailes multicolores, scintillant dans le soleil, dansant joyeusement dans le ciel, comme pour nous inviter à la fête, car aujourd’hui c’est fête, puisque c’est dimanche.

Le papillon, bien sûr, tous, vous l’avez deviné, et peut-être même le voyez-vous avec moi, ce n’est rien d’autre que l’ensemble coloré des trois lectures que nous venons d’entendre. La première et la troisième lecture se correspondent, comme les deux ailes. Au centre, la deuxième lecture, c’est là que tout se noue en Jésus : c’est le corps du papillon.

Dans la première lecture, Abraham s’efforce d’amener le Seigneur Dieu qui vient de le visiter à renoncer au châtiment qu’ont cependant bien mérité les horribles pécheurs que sont les habitants de Sodome et de Gomorrhe. Avec toutes les finesses de sa diplomatie et le recours de son arithmétique, avec son art de mettre son Seigneur en contradiction avec sa propre justice, de lui faire miroiter l’horreur d’un tel comportement, il compte bien avoir le dernier mot. Eh bien, non ! Il lui faut prendre conscience qu’il est inutile de s’obstiner : il n’a pas de monnaie d’échange, et maintenant c’est sûr qu’il n’en trouvera pas, « pas même un seul juste » dans la ville. Il capitule, mais son comportement pose une sérieuse question, un pourquoi qui nous touche tous ?

Pourquoi, oui pourquoi cet acharnement d’Abraham au profit d’une cause qui lui est étrangère ? Il risque fort de se faire remettre vertement à sa place par son interlocuteur qui n’est pas n’importe qui : « Abraham, de quoi te mêles-tu ? Ce n’est pas ton affaire, c’est la mienne ! Alors arrête ! » Mais il continue. Pourquoi ? Eh bien, je pense, parce que cette cause étrangère est devenue la sienne, au moment même où Dieu semble s’en désintéresser. Effectivement Dieu semble ne s’intéresser qu’à l’exemple salutaire que va donner l’exécution de sa haute justice, une justice parfaitement méritée par les horreurs auxquelles s’adonnent les habitants des deux villes pécheresses, des horreurs vérifiées.

Mais Abraham n’entre pas dans cette logique irrécusable. Au contraire, il décide de se battre. Il ne peut oublier qu’il est appelé par Dieu à devenir le père de toutes les nations bénies en lui, et pas seulement des irréprochables. Plus radicalement, il est homme, vraiment humain, et l’homme vrai c’est la personne qui se rend responsable non seulement de lui-même, mais aussi des autres, selon les circonstances, comme le Jésus que Saint Paul a évoqué dans la deuxième lecture. Et la circonstance pour Abraham, après le repas insouciant sous le chêne de Mambré, c’est qu’il se trouve maintenant plongé en plein drame, celui de la menace de mort imminente, horrible, qui pèse sur les habitants des villes de Sodome et de Gomorrhe. – Gredins ou pas, pour Abraham ce n’est pas la question. – Pour lui la seule question, urgente, c’est de les sauver.

Abraham se sent un cœur de père responsable de tous ces malheureux, avec l’immense désir d’en faire ses enfants, acquis par infraction, hors promesse, par son seul droit de sauveteur. La figure de Jésus se précise à l’arrière plan.

Mais l’affaire lui échappe, suit son cours... et c’est la catastrophe, cosmique. Le Feu exterminateur fait son œuvre.

Mais Lot, le neveu du patriarche, Lot qui habitait Sodome, le seul juste à se trouver alors en cette ville condamnée, est sauvé par deux anges, on devine qui les envoie, et peut ensuite sauver lui-même sa famille.

Abraham a été vaincu dans son combat de Jacob. Son affrontement verbal avec Dieu a été crucifiant, mais il sort du combat avec les honneurs de la guerre. Il traversera les siècles comme l’homme qui s’est fait responsable des autres, jusque dans sa défaite.

On entrevoit en lui quelque chose du Christ de la deuxième lecture, vaincu, mis au tombeau, sorti en vainqueur pour s’être rendu responsable de ses frères humains. « Vous étiez morts, déclare Paul à ses correspondants de Colosse, parce que vous aviez péché (tout comme les Sodomites), mais Dieu vous a donné la vie avec le Christ : il nous a pardonné tous nos péchés. »

Le pardon à peine mentionné dans la première lecture revient en force. Il aura le dernier mot. Le pardon, c’est ce que, dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus lui-même nous apprend à demander à son Père et notre Père, avec ses propres mots : « Père, pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous. » Nous pardonnons, tous responsables les uns des autres en Jésus Christ ton Fils notre Seigneur, en Abraham qui ouvrit la route et, en ce moment nous enveloppe d’un grand sourire de connivence,

tandis que, là-haut, dans le ciel, au-dessus de nos têtes, les ailes du papillon prennent des couleurs féériques, celles de la victoire. (2013-07-28)

Homélie du 21 juillet 2013 — 16e dim. ordinaire — Frère Cyprien
Cycle : Année C
Info :

21 juillet 2013

16e dim. Ord. Année C

Gen 18/1-10a, Col 1/24-28, Lc 10/38-42.

Homélie du F.Cyprien

Texte :

Abraham, Sara, les 3 visiteurs, Marthe, Marie, l’Evangile de ce dimanche nous demande évidemment de pratiquer l’hospitalité : « Ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur… »,.

Dans l’antiquité les déplacements n’étaient guère possibles sans l’hospitalité…En tout cas exercer l’hospitalité faisait et fait encore partie des œuvres de piété prônées par le judaïsme… Jésus, pour le jugement à la fin des temps, dit même qu’accueillir l’étranger c’est Le rencontrer, Lui Jésus. Visiter les malades ou les prisonniers, c’est aussi le rencontrer…

Dans notre évangile où Marthe fait le service, Jésus est connu de ses hôtes, c’est lui-même qui est accueilli : ce n’est pas un hébergement d’urgence… ! Jésus se trouve chez ses amis. Marthe s’active pour préparer le repas… et personne ne le lui reproche. C’est d’ailleurs là que va se glisser la leçon, puisque Marie, sa sœur, elle, n’a pas l’air de trop s’en soucier.

Si Marthe n’avait rien dit, l’épisode et la réception n’auraient pas eu le relief qu’ils ont pris…

Alors… ? Alors, à la communauté chrétienne saint Luc veut dire autre chose…

… Voyons les textes de ces derniers dimanches :

= Il y a 2 semaines, c’était l’envoi des disciples en mission. Devant le succès de leur travail, Jésus réplique : « Je voyais Satan terrassé, mais réjouissez-vous plutôt de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux », vous êtes les enfants de Dieu, les premiers à entrer dans le royaume »… .

= Dimanche dernier la parabole du bon samaritain nous disait l’essentiel pour celui qui se convertit : « le premier commandement …Aimer Dieu de toutes ses forces… et aimer son prochain comme soi-même»… Et comment aimer sans manifester cet amour, sans poser des actes, faire des choses… ? « Fais cela et tu vivras, Va, et toi aussi fais de même ».

C’est bien ce que fait Marthe : elle est active dans le service, pour son prochain, ses hôtes qui attendent l’heure du repas.

Du coup, vous le savez, on a opposé des formes de vie, pour certains plus adonnés à l’écoute et à la prière (Marie, les contemplatifs), pour d’autres : le travail, la mission, les actions (Marthe, la vie active)…

Saint Luc pense-t-il à l’institution des Sept (on les appellera diacres ensuite) : « Il ne sied pas que nous délaissions le parole de Dieu pour servir aux tables. Parmi vous, cherchez des frères que nous préposerons à cet office » ? Il est effectivement possible que l’évangéliste pense aux ministères qui s’organisent dans les communautés chrétiennes.

Marie, apparemment, ne faisait rien (…comme si les contemplatifs ne faisaient rien… !), en tout cas elle n’a pas le comportement normal de la femme qui reçoit des hôtes.

Et la femme qui reste inactive devient celle par qui la leçon va passer.

Marie est «assise aux pieds de Jésus ». Assise aux pieds de Jésus : pour Luc, « assis aux pieds de Jésus », c’est l’attitude du disciple qui écoute, celui qui a décidé de conformer sa vie à celle de Jésus. Après sa guérison, l’homme possédé « dont étaient sortis les démons,… lui aussi, il était assis, vêtu et dans son bon sens,… assis aux pieds de Jésus ». Il était devenu disciple…

Et Jésus dit à Marthe qu’une seule chose est nécessaire… Il lui rappelle ce que nous savons aussi bien qu’elle à cause de nos Evangiles… « Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu et tout le reste vous sera donné par surcroît », « Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle » saint Matthieu et saint Jean …et même saint Paul : « Je vous dis… cela … pour que vous fassiez ce qui convient le mieux et que vous soyez attachés au Seigneur sans partage ».

Pour comprendre peut-être encore un peu mieux, notons que l’araméen, la langue de Jésus, n’a pas le comparatif. Quand il est traduit que Marie a choisi la meilleure part, il faut saisir que Marie a choisi la bonne part, … ne jamais penser que Jésus et saint Luc condamnent le service de Marthe !

Remercions Marthe et Marie : en recevant Jésus dans leur maison elles nous redisent ce qui fait le vrai disciple de Jésus, …d’abord et avant tout « être assis aux pieds de Jésus », le Maître, Celui qu’il convient d’abord …d’écouter !

Maintenant à nous de nous demander aujourd’hui, et nous redemander sans cesse…si tout ce que nous faisons nous garde attachés au Seigneur sans partage, si nous passons volontiers du temps assis aux pieds du Seigneur, à l’écoute de sa Parole.

Oui, nous demander si nous avons bien compris que la bonne part, (la meilleure donc !) c’est d’être devenu les amis de Jésus, les familiers dans la maison de Dieu … Prendre le temps de fréquenter la personne du Christ, écouter sa parole car elle est apte à nous transformer ; nous laisser attirer par Celui qui s’est mis à notre portée. Il nous guide vers le Mystère de son Corps livré, de son Sang versé, homme de l’amour total, le Fils de Dieu, la source de l’Esprit.

(2013-07-21)

***

Homélie du 11 juillet 2013 — Saint Benoît — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Fête de st Benoit - 11 juillet 2013

Pr 2 1-9; Col 3 12-17; Mt 5 1-12a

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs,

« Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu. Que la paix du Christ règne dans vos cœurs », avons-nous entendu…J’aimerai laisser ce mot « paix » nous servir de guide ce matin pour mieux entrer dans la célébration de cette fête de St Benoit.

Avec le temps, ce mot est devenu la devise des moines bénédictins : « Pax » que beaucoup aiment mettre en en tête de leur courrier. Dès le prologue, reprenant le Ps 33 que nous avons chanté, St Benoit engage ses moines: « Poursuis la paix, recherche-là ! » Nous le pressentons, cette paix-là n’a pas grand-chose à voir avec la recherche de la tranquillité pour soi, à la manière de celui qui dit à son frère : « fiche-moi la paix ». Elle n’est pas non plus une sorte de statu quo qui veut éviter les conflits. Significatives ici sont les recommandations de Benoit à « ne pas donner une paix mensongère » (4, 25) ou encore à ne pas échanger trop vite le baiser de paix avec les hôtes qui arrivent, sinon avant d’avoir prié (53,5). Elles nous rappellent que la recherche de la paix ne peut pas être prise à la légère. Ce serait se faire illusion. La recherche de la paix sonne comme un appel et comme une promesse de bonheur : la paix est toujours devant nous.

Un appel. St Paul nous le suggère : « que, dans vos cœurs, règne la paix du Christ à laquelle vous avez été appelée pour former en lui un seul corps ». Et quelle est-elle la paix du Christ ? C’est la paix qui vient de la croix. Dans la même épitre aux Colossiens, Paul rappelle que « Dieu a voulu tout réconcilier par le Christ en faisant la paix par le sang de la croix » (1,20). Le Christ nous a acquis la paix, celle qui est réconciliation de toute chose en Dieu, au prix fort de sa vie donnée. La paix du Christ est d’abord cet immense cadeau que Dieu fait aux hommes. Un cadeau gratuit, immérité qu’il nous revient d’accueillir. C’est ce que le prêtre rappelle lors de chaque célébration : « Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous », juste avant l’échange du baiser de paix entre frères. Nous ne pouvons échanger que ce que nous avons reçu et accueilli d’abord. C’est ici que la parole de Paul sonne comme un appel : « que la Paix du Christ règne dans vos cœurs ». Qu’elle règne, que notre cœur soit tout entier en paix…La vie monastique nous donne de faire d’abord assez vite l’expérience de la non-paix en notre cœur, et parfois entre nous. Notre cœur peut parfois beaucoup souffrir du fait des pensées qui l’habitent et ne le lâchent pas, pensée de rancune, de trouble, de colère ou de tristesse. Parfois, notre cœur peut ressembler à un champs de bataille. Nous découvrons alors qu’il nous faut humblement pouvoir ouvrir notre cœur à un frère ou à un père spirituel pour essayer de voir clair. Il n’est pas facile de faire cette démarche, car nous préférons si souvent ne pas regarder en face la difficulté. Nous préférons rejeter sur les autres la cause de nos difficultés. Accueillir la Paix du Christ ne peut se faire sans une mort à nous-mêmes, sans renoncer à notre prétention à nous en sortir tout seul. Tenons-nous alors au pied de la croix de Jésus, pour recueillir humblement ce don qu’il veut nous faire de sa paix…

La paix, une promesse de bonheur. « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu ». La paix reçue est inséparablement une paix à faire. Et là réside la promesse de bonheur. Faire la paix, construire la paix à la manière d’un artisan est un chemin de bonheur. C’est le bonheur d’avoir retrouvé le chemin de la fraternité en se réconciliant avec son frère avant le coucher du soleil (RB 4, 73). Oser le geste, la parole ou un billet de réconciliation construit la communauté. Ici, acceptons d’être jusqu’à la fin de nos jours, des artisans de paix, car les contrariétés, les disputes ou les désaccords ne manquent jamais. Ne nous résignons pas à ces dissensions. Recherchons toujours la réconciliation. Mais là où les relations se sont distendue, les gestes de réconciliation resserrent deux fois plus forts nos liens de communion. Oui faire la paix est un chemin de bonheur, car cela élargit notre cœur à la dimension de celui de notre Père des cieux. Nous devenons dès ici-bas davantage des fils soucieux des affaires de leur Père qui n’a qu’un désir : tout rassembler tous les êtres et toute chose dans l’unité et dans la communion.

Soyons heureux, et en même temps modeste, pour ne pas nous faire illusion, d’être appelés à être des artisans de paix… « Seigneur, fais qu’à l’exemple de Benoit, en ne cherchant que toi, nous trouvions à ton service les dons de l’unité et de la paix » (2013-07-11)

Homélie du 07 juillet 2013 — 14e dim. ordinaire — Frère Ghislain
Cycle : Année C
Info :

14e dimanche année C 7 juillet 2013

Isaïe 66, 10-14 Gal. 6, 14-18 Luc, 10, 1-12 ; 17-20

Homélie du F.Ghislain

Texte :

Tous les passages de l’Evangile ne sont pas également clairs : parfois le sens littéral nous échappe un peu, parce qu’il y a trop d’allusions à un monde qui n’est plus le nôtre. Parfois, même si nous croyons comprendre, nous ne savons pas bien quoi faire de ce qui nous est dit. C’est peut-être le cas pour les instructions que Jésus donne à ses 72 disciples que nous venons d’entendre. Elles ne nous semblent pas très cohérentes en elles-mêmes et pas très applicables à nous.

Essayons cependant de comprendre un peu. « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ». Phrase impressionnante : « je vous envoie au carnage ». A l’école autrefois, on apprenait les fables de La Fontaine, et nous étions tout tristes de l’issue de celle qui se nomme « Le loup et l’agneau » :

Là-dessus, au fond des forêts,

Le loup l’emporte et puis le mange

Sans autre forme de procès.

Aujourd’hui encore, nous voyons bien que le proverbe du début de la fable se vérifie trop souvent : La raison du plus fort est toujours la meilleure.

Alors, pourquoi Jésus envoie-t-il ses disciples, - et nous aujourd’hui, comme des agneaux au milieu des loups ?

Pour résister aux loups, mais, davantage : pour les apprivoiser, Notre Seigneur n’invite pas ses disciples à s’armer et à se cuirasser. Il leur demande plutôt une légèreté qui fait penser à celle du jeune David affrontant le géant armé avec seulement cinq cailloux dans sa poche. Simplifiez au maximum votre vêtement, ne faites aucune provision, évitez les bavardages, ne choisissez pas vos points de chute à l’étape. Ne pensez qu’aux personnes vers qui vous allez et au message que vous avez à leur délivrer : le Royaume de Dieu est proche. En d’autres termes : soyez simples, directs, paisibles et pacifiques. Alors, il sortira de vous une force de guérison et votre parole portera son fruit. L’agneau, de cette manière et seulement de cette manière, sera victorieux du loup.

Jésus ne demande rien à ses disciples que lui-même n’aurait pas été ou n’aurait pas fait. Chaque fois que nous communions à l’Eucharistie, nous entendons la formule « Voici l’Agneau de Dieu », et nous pouvons nous remémorer sa parole : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ». Nous nous rappelons que, au moment de son procès, devant les loups qui l’entouraient menaçants, il a gardé le silence : « comme une brebis devant ceux qui la tondent, il n’ouvre pas la bouche » dit le prophète Isaïe (53, 7).

Ce qui nous est proposé ici, c’est le combat de la douceur ; ou, mieux peut-être, ce qui nous est offert, c’est le don de la douceur, au travers duquel nous serons en mesure de vaincre les loups et d’annoncer l’Evangile ; plus largement peut-être : d’être évangile, d’être bonne nouvelle dans nos rapports quotidiens avec tous.

J’aimerais laisser ici la parole à Ahénagoras, qui était patriarche de Constantinople durant le Concile, qui a rencontré le pape Paul VI à Jérusalem et a beaucoup contribué à détendre les rapports entre l’Eglise d’Orient et celle d’Occident. Voici ce qu’il disait :

La guerre la plus dure, c’est la guerre contre soi-même. Il faut arriver à se désarmer. J’ai mené cette guerre pendant des années. Elle a été terrible. Mais je suis désarmé. Je n’ai plus peur de rien, car l’amour chasse la peur. Je suis désarmé d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur les richesses… Si l’on se désarme, si l’on se dépossède, si l’on s’ouvre au Dieu-Homme qui fait toutes choses nouvelles, alors lui efface le mauvais passé et nous rend un temps neuf où tout est possible.

« Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair », dit Jésus à ses disciples lorsqu’ils reviennent d’une mission pendant laquelle ils ont suivi ses consignes. Il me semble que chacun de nous, en fin de compte et pas seulement le patriarche Athénagoras, pourrait dire la même chose. Ne nous est-il pas arrivé parfois, dans des moments où nous étions dans la grâce et dans la vérité, de toucher la douceur, soit dans les autres, soit en nous-mêmes, d’expérimenter une sorte de libération intérieure par rapport aux esprits de tristesse, de défiance, d’exigence qui trop souvent nous habitent ? Comme si l’homme de l’Evangile, et même l’homme tout court, renaissait en nous, et qu’alors tout devenait simple. Satan tombait du ciel, l’Esprit du Christ faisait chez nous sa demeure et l’évangile pouvait être annoncé.

Essayons aujourd’hui à la fois de relire l’évangile de ce dimanche, de redonner vie aux moments bienheureux où nous en avons expérimenté la vérité, de continuer, en tous cas, le combat intérieur grâce auquel l’agneau est vainqueur du loup..

Homélie du 30 juin 2013 — 13e dim. ordinaire — Frère Bernard
Cycle : Année C
Info :

13ème dimanche du temps ordinaire, année C

Jubilé de profession monastique à la Pierre-qui-Vire, 30 juin 2013

Homélie du F.Bernard

Texte :

Dans notre assemblée de ce matin il y a comme trois groupes. D'abord la

communauté de la Pierre-qui-Vire. Cette église est son lieu. Là elle se réunit matin et soir,

jour et nuit, sept fois par jour selon saint Benoît. Je suis heureux de la retrouver, ma

communauté, après deux ans d'absence, fidèlement attelée à sa tâche de prière et

d'intercession, de travail et de vie fraternelle, dans une belle persévérance. Je suis heureux

de retrouver sa belle liturgie.

Il y a aussi ma famille, venue m'entourer en ce jour où est célébré mon jubilé de

profession monastique. En fait la date anniversaire, 50 ans depuis ma première profession,

à l'Ascension 1962, tombait l'an dernier, le 5 avril 2012. J'étais à la Bouenza et mes frères de

là-bas ont marqué l'évènement de façon imprévue et bien sympathique. Je sais qu'ils

s'associent en ce jour à cette célébration qui nous réunit.

Il y a encore dans notre assemblée bien d'autres personnes, retraitants ou voisins

habitués des eucharisties du dimanche à la Pierre-qui-Vire.

Trois groupes donc, mais une seule assemblée, une seule communauté, à l'écoute de

l'unique Parole de Dieu que nous avons entendue, parole de vie, quel que soit notre âge et

notre place dans l'Eglise et la société. Nous l'avons reçue pour fortifier notre foi, raviver

notre espérance, faire grandir e nous la charité;

Une parole de Dieu, rarement facile à entendre, sinon jamais. Celle de ce matin ne

fait certes pas exception à la règle Nous avons entendu le Seigneur nous prévenir que le Fils

de l'homme n'a pas où reposer la tête, et qu'il nous faut laisser les morts enterrer les morts.

Plus on avance en âge, plus on a eu la possibilité d'étudier l'Evangile, plus il peut nous

paraitre hors de notre portée. L'Evangile résiste. Notre raison lui résiste, notre volonté lui

résiste. Mais si l'Evangile ne résistait pas, nous l'écouterions d'une oreille et le laisserions

partir de l'autre. Mais il résiste et nous force à nous situer face à celui qui est la Parole de

Dieu, le Verbe, Jésus-Christ C'est bien lui que nous entendons chaque fois que l'Evangile

nous est annoncé. C'est bien lui que nous proclamons quand, à la fin de l'Evangile, nous

disons: « Louange à toi, Seigneur Jésus»

Une parole de Dieu qu'il nous faut toujours resituer dans son contexte, l'Ecriture

dans son ensemble. C'est tout particulièrement vrai ce dimanche où les paroles de Jésus en

particulier sont à entendre en continuité avec ce que nous dit la Bible au sujet des prophètes

Elie et Elisée, plus spécialement la vocation d'Elisée que nous rapportait la première lecture;

C'est comme l'illustration vivante de cette autre parole de Jésus: « Je ne suis pas venu abolir

la Loi ou les Prophètes, je ne suis pas venu abolir mais accomplir ».

Après la profession de foi de Pierre à Césarée, Jésus avait déjà annoncé très

clairement à ses disciples ce qu'il allait vivre à Jérusalem, sa passion et sa résurrection. Il

avait ajouté que tout disciple, s'il voulait le suivre, devrait emprunter le même chemin, se

renoncer à soi-même et prendre sa Croix, la croix du Christ. Langage exigeant! C'était

l'Evangile de dimanche dernier.

Aujourd'hui Jésus prend résolument le chemin de Jérusalem. Il affermit sa face en

prévision des épreuves qu'il va subir. Suivent trois petits dialogues, trois récits de vocation si

l'on peut dire, où l'on peut repérer les deux éléments de toute vocation: un appel qui vient

en nous, d'au-delà ou d'en de ça de nous, et une décision qui vient de nous. Encore faut-il

qu'appel et décision soient en correspondance. Si une décision de vie n'est pas précédée

d'un appel intérieur, elle risque de ne pas aller bien loin. Si un appel ne se prolonge pas en

décision, il engendrera le trouble, la tristesse, comme celle qu'a connu le jeune riche de

l'Evangile.

Ces paroles de Jésus ne concernent pas seulement quelques-uns dans l'Eglise qui

seraient à part des autres. Un chrétien est, de par son baptême, un appelé, il a la vocation à

suivre le Christ. La deuxième lecture le disait magnifiquement: la vocation chrétienne est

une vocation à la liberté. Dans le Christ, nous sommes appelés à la liberté, non pas pour

satisfaire des égoïsmes mais pour nous mettre au service les uns des autres, dans l'amour.

Libérés pour aimer.

Mais permettez-moi en ce jour d'ajouter des mots plus personnels, d'abord à ma

communauté, la Pierre-qui-Vire ici présente, mais j'y ajoute mes frères de Chauveroche, et

bien sûr les frères de la Bouenza. Je pense aussi à la Pierre-qui-Vire du ciel. En 50 ans tant de

frères avec qui nous avons fait communauté nous ont précédés devant Dieu! Nous ne les

oublions pas. A ma communauté je voudrais dire ma très grande reconnaissance pour toute la

confiance que j'ai reçue ici d'elle, d'abord de mes trois Pères Abbés successifs qui sont ici

présents, puis de mes frères. La confiance fait grandir, elle libère, elle permet d'aller plus

loin. La réponse à la confiance, c'est le propos religieux d'obéissance, une obéissance rendue

à Dieu à travers des médiations humaines, celle de l'Abbé puis celle des frères. Quand je suis

arrivé au monastère, il y quelque huit jours, le P. Abbé commentait le matin au chapitre

RB 72, avec cette consigne de saint Benoît: « Les frères s'obéiront à l'envi les uns aux

autres ». Il y a là comme la révélation d'un secret, le secret de la vie monastique selon saint

Benoît. Pas d'obéissance vraie sans amour. Pas d'amour sans obéissance. Et cette obéissance

rendue d'abord à l'Abbé, s'étend à tous les frères; elle est finalement présente en toutes

nos relations humaines. Merci à nos Pères Abbés successifs d'avoir fidèlement commenté la

Règle.

J'ajoute maintenant un mot à l'adresse de ma famille. Ici trois générations sont

représentées. D'abord mes frères, mes sœurs, mes belles-sœurs, mon beau-frère. Trois

d'entre eux se sont engagés dans le mariage. Quant à ma sœur Ludovine, Petite Sœur de

Jésus, elle m'a suivi dans la voie de la vie religieuse. Il manque des neveux; il manque encore

plus des petits neveux. D'autres obligations les ont retenus. Mais ils sont de cœur en

communion avec nous.

Je voudrais là encore rendre grâce à Dieu pour la grande entente qui règne entre

nous frères et sœurs, belles-sœurs et beau-frère. Cette entente, il me semble l'avoir sentie

grandir au fil des années, dans la diversité de nos tempéraments et de nos itinéraires. Une

entente faite d'affection certes, mais aussi de respect, de soutien mutuel. Nos parents

avaient beaucoup désiré que la Pierre-qui-Vire fut le point de ralliement familial.

Aujourd'hui, ils se réjouissent certainement de notre rencontre. Je crois que l'entente de

notre génération est ce que nous pouvons transmettre de meilleur aux générations

suivantes.

C'est à la plus jeune génération que je voudrais m'adresser pour terminer. Plusieurs

sont maintenant ou seront bientôt à l'âge où les décisions qui engagent l'avenir

commencent à se prendre. Je leur souhaite de faire de bonnes études. C'est important pour

avoir une compétence professionnelle. Je leur souhaite aussi d'acquérir une culture. C'est

important pour humaniser la vie. La plupart sans doute s'engageront dans la voie du

mariage. Je leur souhaite de fonder des familles heureuses, généreuses, signes de l'amour

qui vient de Dieu. Si tel ou tel, dans la ligne de l'Evangile d'aujourd'hui, entend un appel à un

don plus radical pour le Christ et l'Evangile, qu'il n'étouffe pas cet appel, qu'il le laisse se

préciser, qu'il prenne le temps et les conseils pour le vérifier, dans la paix, la prière, et dans

la reconnaissance de la présence de Jésus-Christ en lui.

Le plus grand don que nous avons reçu est le don de la foi. Vous l'avez reçu dans le

baptême, de ceux qui vous ont précédés, par votre éducation. La foi n'est pas une

possession dont nous pourrions disposer à notre gré, et la remiser dans le grenier quand

nous n'en voyons plus l'usage. La foi est un don de Dieu que nous recevons chaque jour,

auquel nous devons donner une réponse chaque jour, que nous devons mettre en œuvre

chaque jour.

Rendons grâce au Seigneur pour la révélation de son Amour. Rendons grâce pour nos

fidélités humaines qui se fondent sur la fidélité de Dieu.

Homélie du 29 juin 2013 — Saint Pierre - Saint Paul — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Fête de st Pierre et st Paul - 29 Juin 2013

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Dans un beau texte entendu cette nuit, Christian de Chergé s’émerveillait du fait que l’Église ait tenu à unir dans une même célébration liturgique les apôtres Pierre et Paul et que cet instinct n’ait jamais cédé devant les divisions de l’Église. « Les Églises ont pu se séparer, elles ne les ont pas séparés. Ils sont là dans toutes les traditions orthodoxes, réformées et catholiques pour défier nos divisions ».

Cette célébration manifeste, concluait-il l’Unité de l’Église, telle que l’Esprit Saint la conçoit sans cesse « unité des tempéraments différents, des opinions parfois opposées comme à Antioche, des champs d’apostolat très divers tournés vers les fils d’Israël ou vers les Gentils ».

A la source de cette Unité, il y a une même grâce, celle d’avoir été saisi par le Christ pour Paul sur le chemin de Damas et pour Pierre à travers le compagnonnage avec Jésus avec ses moments forts comme celui de la confession de Césarée.

Pierre et Paul sont encore unis par un même élan missionnaire dans le désir d’annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus au plus grand nombre. « L’un et l’autre ont travaillé chacun avec sa grâce à rassembler l’unique famille du Christ » Chanterons-nous dans la Préface.

Enfin, Pierre et Paul sont unis dans le don total de leur vie jusqu’au J’ai tenu jusqu’au bout de la course, je suis resté fidèle disait Paul.

Ce matin nous rendons grâce pour ces deux piliers de l’Église qui dans leur grande diversité la fonde en unité. Dans cette Eucharistie venons à la source de leur unité : le sacrifice d’amour du Christ. Puisons là l’énergie de sa grâce toujours nouvelle, l’élan missionnaire pour partager cette Bonne Nouvelle et la force de tenir jusqu’au bout.

(2013-06-29 )

Homélie du 23 juin 2013 — 12e dim. ordinaire — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

JUBILE de

50 ANS DE PROFESSION

Frère Rémi Gauthey

23.06.2013 - 12° Dimanche du Temps Ordinaire

(Za 12, 10-11 ; Ps 62 ; Ga 3, 26-29 ; Lc 9, 18-24)

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs,

Un jour de jubilé de mariage ou de vie religieuse est toujours une belle occasion de méditer sur la profondeur de nos engagements humains et chrétiens. Entre le jour de l’engagement et le jour d’aujourd’hui, 10 ans, 20 ans 25 ans ou 50 ans pour notre frère Rémi se sont passés. Que d’évènements vécus ont déployé la grâce initiale reçue alors…que de joies éprouvées, que de combats aussi, car pas de vie sans combat pour la fidélité. F. Rémi exprimera cela après la communion dans son action de grâce. Je voudrais à la lumière de la Parole de Dieu entendue ce jour, essayer de rejoindre la profondeur de notre engagement monastique, ce qu’il veut nous permettre de déployer pour la gloire de Dieu. Je vais me laisser guider par le Psaume médité après la 1ère lecture.

« Dieu tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube ». Cette prière du psalmiste trouve une forte résonnance dans le cœur d’un moine. S’il entre un jour au monastère, c’est parce qu’il est habité par une forte quête de Dieu. Chacun de nous a fait l’expérience d’un appel sous des formes très différentes, appel pressant à chercher Dieu. Dire « chercher Dieu », cela veut dire qu’il y a toute une part d’inconnue dans cette démarche. On entre avec la forte conviction que ce genre de vie nous permettra de grandir dans l’amitié avec Dieu et dans la joie de le servir avec des frères, mais on cherche. La formation va aider à vérifier que ce désir n’est pas illusoire et qu’il est vraiment le moteur de notre vie. Nous laisser conduire par ce désir est notre joie car il nous élargit sans cesse. C’est aussi notre épreuve, car cela nous bouscule sans cesse. Nous sommes entrainés dans une marche, St Benoit parle même de course, où s’arrêter peut signifier abandonner. Aussi, comment demeurer vivant dans notre désir de chercher Dieu ? En demeurant toujours à l’écoute de sa Parole. « Chaque matin, la parole me réveille » dit le prophète Isaïe. Chaque jour, la méditation de l’évangile et des Ecritures vient nourrir et aviver notre quête. Comme à ses disciple, le Christ nous pose la question : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». Nous le savons, Jésus n’attend pas d’abord une réponse théologiquement correcte, mais il attend l’expression de notre cœur et de notre confiance en lui, en réponse à la grande confiance qu’il a en nous. Oui, la familiarité avec la Parole de Dieu veut nous faire grandir dans la familiarité avec le Christ, avec notre Père des cieux…de découverte en découverte, pour le chercher encore.

« Toute ma vie je vais te bénir, lever les mains en invoquant ton nom » poursuit le psalmiste…En quelques mots est exprimée ici ce qui a fait la première occupation et préoccupation de la vie de notre frère Rémi durant 50 ans…se tourner vers Dieu pour le chanter dans la prière de l’office, 7 fois par jour. Et f. Rémi nous a aidés à le faire en nous accompagnant à l’orgue. Oui, durant 50 ans, les premiers mots qui sont sortis de sa bouche, « dès l’aube », ont été pour Dieu lors de l’office des Vigiles ou de celui des Laudes. Là a été son bonheur et sa joie la plus profonde. Pour beaucoup, cette joie est difficile à comprendre. Comment est-ce possible de trouver de la joie, à venir à l’Eglise, entre 3 et 4 heures par jour, pour dire toujours les mêmes prières, semaine après semaine ? Cette joie, c’est la joie des enfants de Dieu qui, depuis le baptême, ont revêtu le Christ. Joie d’exprimer à Dieu notre Père, avec toute l’Eglise, notre reconnaissance pour le don de la vie et pour la grâce de la foi. Joie de recevoir les mots pour apprendre à nous tenir en sa présence. Joie de le chercher en le chantant. Et cette joie n’est pas exubérance facile ou superficielle. Elle est parfois inséparable d’un combat. Le combat des jours obscurs où soi-même on ne voit plus bien clair, où l’on vient à l’office avec des pieds de plomb, où la souffrance des hommes pèse tout son poids. La prière de l’office nous offre alors de pouvoir aussi déposer ces fardeaux, les nôtres et ceux des hommes. Devant notre Père, nous osons pousser les cris de détresse et douleur. Pouvoir le faire, fait grandir l’Espérance, et cela aussi est source de joie.

« Oui tu es venu à mon secours …Ta main droite me soutient… » Qui, mieux que le Christ, peut reprendre en vérité ces mots du psalmiste. Lui qui après avoir été rejeté par les anciens, tué, a été secouru par son Père qui l’a ressuscité. Et Jésus dans l’évangile, engage tous ceux qui veulent le suivre, à prendre leur croix, pour faire comme lui l’expérience d’être relevé par le Père, ressuscité par Lui. Notre vie chrétienne à la suite du Christ, quelle que soit la vocation, nous entraine à vivre cette profonde expérience du « qui perd gagne ». « Qui perdra sa vie pour moi, la sauvera ». Notre vie monastique offre une pédagogie propre faite de renoncement aux biens personnels, faite de dépendance vécue dans l’écoute et l’obéissance, faite d’une vie simple vécue dans le travail et le service mutuel, faite d’une vie fraternelle où l’on apprend à se recevoir des autres et à se donner à eux….Cette pédagogie nous éprouve et nous creuse, car il n’est pas facile d’apprendre à tout perdre pour tout recevoir de façon nouvelle…ce que nous expérimenterons de manière radicale quand nous mourrons et ressusciterons dans le Christ. F. Rémi, au sein de la communauté, tu apprends et nous apprenons avec toi et grâce à toi, cette vie à la suite du Christ. Cela demande du temps, car nous résistons souvent. Il n’est pas facile d’accepter de devenir vraiment libre, libre de cette liberté joyeuse de se donner tout entier. Nous mesurons ici la beauté de la fidélité à mener ce bon combat de la foi et de la vie monastique. Se donner jour après jour, jusqu’au Jour où le Père nous relèvera dans le Christ.

Ce matin, en disant merci à Dieu avec toi f. Rémi, pour ces 50 ans de vie monastique, pour sa fidélité qui nous accompagne toujours, nous présentons tout ce vécu en l’unissant à l’offrande du Christ en son eucharistie. (2013-06-23)

Homélie du 09 juin 2013 — 10e dim. ordinaire — Frère Hubert
Cycle : Année C
Info :

10e Dimanche du T. O. Année C, 9 juin 2013

Homélie du frère Hubert

Texte :

Je te propose de choisir entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction.

Choisis donc la vie, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en t’attachant à lui.

Ainsi parle le Seigneur à son peuple Israël, dans le désert où il lui offrait son alliance.

Choisis la vie.

La vie est don de Dieu. Elle est aussi, de notre part, un choix.

Choix de croire en ce don de Dieu, malgré les apparences, malgré les épreuves, surtout dans les épreuves ; croire que Dieu n’a d’autre volonté que de nous donner la vie.

Aujourd’hui, St Luc nous montre Jésus, accompagné de ses disciples et d’une grande foule, faire route vers Naïm. C’est le cortège du Fils de Dieu, le cortège du Vivant, le cortège de la Vie.

En sens inverse, sortant de la ville, une autre foule accompagne une femme, portant en terre son fils unique. Elle a perdu et son mari et son fils. Plus de descendance possible. Plus d’avenir. Cortège de la mort.

Que va-t-il se passer à leur rencontre ?

Vont-ils se rencontrer ?

Jésus va-t-il se détourner, comme plus tard dans le même évangile de Luc, le prêtre et le lévite qui précèdent le samaritain compatissant ?

Dans nos vies, dans notre monde, quel est le vainqueur ?

Est-ce la vie, est-ce la mort ? Est-ce ce qui donne la vie, est-ce ce qui donne la mort ?

Loin de se détourner, Jésus fut saisi de pitié envers cette femme, comme le Dieu de tendresse et de pitié si souvent évoqué dans l’Ancien Testament.

La veuve ne fait rien, ne dit rien. Luc ne parle pas de sa foi, ne met aucune parole, aucune demande sur ses lèvres. La seule chose qui parle pour elle est sa détresse muette. Tout part de Jésus. L’évènement qui va se produire n’a aucune explication en dehors de ce qui se passe en Jésus : il est saisi de pitié. Comme Dieu qui a vu la misère de son peuple opprimé en Egypte, ou déporté à Babylone à cause de ses fautes.

Cortège de la vie ?

Luc évoque à de multiples reprises les foules qui font route avec Jésus. Cortège de la vie.

Mais nous savons qu’il présente la vie publique de Jésus comme une unique montée vers Jérusalem où il sera livré aux mains des hommes : le cortège du vivant est le cortège de celui qui donne non seulement la vie, mais sa vie.

La résurrection du fils de la veuve de Naïm peut nous paraître un acte facile pour Jésus. Dans le récit évangélique, il est clair qu’elle n’est possible que comme fruit de la Pâque du Christ, càd comme fruit du don que Jésus fait de lui-même pour nous ses frères pécheurs.

Jésus n’a vaincu la mort qu’en la traversant.

Et il l’a traversée en choisissant la vie, la vie qui lui vient et ne lui vient que de son Père :

Père, entre tes mains, je remets mon esprit.

La puissance de vie de Jésus ne lui vient que de sa foi absolue en l’amour de son Père,

en sa parole entendue lors de son baptême dans le Jourdain : C’est toi mon Fils : moi aujourd’hui je t’ai engendré. Cet aujourd’hui, cet engendrement, sont plus forts que toute rupture, tout péché, toute mort. Jésus a choisi de faire confiance à son Père, de ne recevoir que de lui. Il a choisi la vie.

Celle que rien ne peut tenir en échec.

Nous pouvons penser aussi à Marie, sa mère, qui a reçu dans ses bras son corps mort, supplicié.

Elle aussi a choisi la vie, a choisi de faire confiance à la parole de vie, à la promesse. Sa foi a devancé l’heure. Elle a reçu, au moment-même, toute l’humanité en filiation : Voici ton fils. Et trois jours plus tard, elle a exulté à la résurrection de Jésus.

Jésus s’avança et toucha la civière ; les porteurs s’arrêtèrent. Le chemin vers la tombe n’est plus possible. Jésus, appelé par Luc « le Seigneur », titre réservé au Christ ressuscité, ordonne au jeune homme : « Lève-toi. », du verbe même qui désigne la résurrection.

Jésus le rendit à sa mère, comme Elie avait rendu à la veuve de Sarepta son jeune enfant.

Jésus est le nouvel Elie, le prophète qui s’est levé parmi nous et par lequel Dieu a visité son peuple.

En lui, Dieu crée un ciel nouveau et une terre nouvelle… une Jérusalem de joie, un peuple d’allégresse…. Où l’on n’entendra plus de cris ni de pleurs.

Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. (Rm 8, 11)

C’est cette victoire que nous ne cessons de célébrer et de recevoir dans chaque eucharistie.

Nous sommes le corps nouveau que la Pâque de Jésus a engendré. La foule qui portait le mort hors de la ville peut faire demi-tour et entrer, avec la foule des vivants qui accompagne le Christ, dans la nouvelle Jérusalem, Temple de la vie.

Homélie du 07 juin 2013 — Sacré Cœur — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

SACRE COEUR -

07 Juin 2013

Ez 34,11-16; Rm 5, 5b-11 ; Le 15,3-7

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs,

Dans un regard illuminé par la foi, l'Eglise nous invite aujourd'hui à regarder un cœur

humain ouvert, blessé par une lance pour y contempler le cœur de Dieu. Passer du regard

d'une réalité humaine à la contemplation du mystère de Dieu. Le cœur humain de Jésus mort

en croix est certainement, comme le disait hier f. Hubert, le cœur humain qui a parfaitement

accompli le commandement de l'amour. Par le don total de lui-même, Jésus a aimé Dieu de

tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et de toute sa force, jusqu'à son dernier

souffle. Et il a aimé ses bourreaux jusqu'à leur pardonner. S'il y a un cœur humain qui a aimé

vraiment, c'est bien le cœur de Jésus. Voilà ce que nos yeux voient et reconnaissent à la

lumière de toute la vie de Jésus.

Mais le regard ne s'arrête pas là. Dans la lumière de la résurrection de Jésus, nos yeux

contemplent sous le signe du cœur transpercé, une autre dimension de l'amour offert. Dans la

vulnérabilité de son cœur, Jésus, le Fils de Dieu, nous dévoile l'immensité de l'amour de Dieu.

Un amour à cœur ouvert. Un amour qui n'est que don. Un amour tout puissant dans sa

vulnérabilité.

Pour exprimer l'amour de Dieu pour son peuple, l'Ecriture a utilisé des images, celle

de l'époux, du père et de la mère de famille, ou encore comme aujourd'hui celle du pasteur.

Un pasteur qui ne se résout pas à perdre une seule de ses brebis et qui se met en quête de celle

qui est égarée ou malade. Il n'a qu'un désir: conduire ses brebis dans les meilleurs pâturages.

Jésus a repris à son compte cette image pour illustrer sa propre mission. Mais sur la croix, il

nous donne à voir jusqu'où va l'engagement du berger pour son peuple. Sur la croix, le berger

se fait agneau immolé, brebis d'abattoir. Sur la croix, il prend la dernière place du condamné

pour sauver tous les condamnés que nous étions. « Il est mort pour les coupables que nous

étions ». «Preuve irréfutable que Dieu nous aime », ajoute Paul. La blessure du cœur ouvert

est la signature définitive du Dieu Amour pour les hommes perdus que nous étions. Il n'y a

pas d'autre signature laissée à nos yeux de chair.

Mais la manifestation de l'Amour de notre Dieu ne s'arrête pas là. Il est une autre

signature de son Amour, c'est« l'amour de Dieu répandu dans nos cœurs, par l'Esprit Saint

qui nous a été donné». L'eau et le sang jailli du cœur ouvert préfiguraient le don de l'Esprit,

Amour de Dieu offert en partage à tous les hommes. L'Amour n'a pas de plus grande joie que

de susciter l'Amour. Dieu en nous donnant son Esprit d'Amour, se donne lui-même et nous

offre de devenir amour à notre tour. Non seulement Dieu sauve les condamnés que nous

étions, mais il veut nous rendre capable d'aimer comme Lui, par son Esprit répandu en nos

cœurs. Don insondable de son Amour pour nous qui savons si mal aimer en vérité. L'Esprit en

nos cœurs nous entrai ne à aimer comme Jésus, de don de nous-mêmes en renoncement, de

renoncement en offrande de nous-mêmes, jusqu'au cœur blessé peut-être par

l'incompréhension ou par l'opposition. Il veut faire de nos vies qui aiment des signatures de

l'Amour de Dieu offert aux hommes.

Dans cette célébration, venons avec confiance à la source de cet Amour, jailli du Cœur

du Christ. Si nous nous sentons faibles, il veut nous fortifier. Si nous sommes si peu capables

d'aimer les plus pauvres et les plus petits, il veut nous apprendre à nous donner. Son Amour

toujours offert à chaque eucharistie, veut nous renouveler, et nous attirer à son cœur. Là nous

puiserons « la joie aux sources vives du salut ». (2013-06-07)

Homélie du 02 juin 2013 — Saint Sacrement - Fête Dieu — Frère Antoine
Cycle : Année C
Info :



Luc 9.11-17 Année C 2 juin 2013

La multiplication des pains

Homélie de Frère Antoire

Texte :

Nous connaissons bien ce passage de la multiplication des pains, qu'a-t-il à voir avec notre

vie, en quoi peut-il nous concerner ?

Le premier verset nous précise Jésus parlait, du règne de Dieu à la foule.

Autrement dit l'Evangile commence par l'évocation d'un grand nombre d'hommes et de femmes qui,

tous convergent vers un but. Et Ce but est une personne.

Ces foules ont une grande valeur de symbole, on les retrouve fréquemment dans la vie de Jésus. Elles signifient toujours un désir une démarche.

Foules qui symbolisent toutes les attentes qui nous habitent.

Foules de Galilée qui nous révèlent un besoin, une quête d'une parole de vie, d'une présence,

d'une réponse à nos questions.

Foules qui révèlent cette faim de valeurs sûres, stables, qui nous sont absolument nécessaires,

dont l'absence pèse sur notre société comme sur celle du temps de Jésus.

Dans ces foules, tantôt une femme s'en détache et apostrophe Jésus, tantôt un homme s'avance,

demande la guérison de son enfant, un autre monte sur un arbre pour tenter de voir le maître.

Foules d'hier et de toujours qui nous rappellent que seule une démarche personnelle peut

permettre au Seigneur de prendre désormais l'initiative dans notre vie.

Jésus les accueillait et les guérissait

Etre accueilli c'est être reconnu.

Etre accueilli par Dieu c'est expérimenter qu'il n'est pas lointain, inaccessible mais qu'il veut

se découvrir à nous comme quelqu'un d'intime à nous-mêmes.

Nous qui formons cette assemblée, nous avons tous besoin de la guérison de nos plaies

secrètes, de nos blessures de l'âme, et l'Eucharistie est un des grands moments de la vie

chrétienne où nous devons demander au Christ de toucher nos plaies et de les guérir.

Jésus leur parlait du règne de Dieu. La parole engage tout l'être ; c'est dans la

parole donnée que le couple se construit, que le profès monastique s'engage devant Dieu et

devant sa communauté, c'est par la médiation de la parole que le mystère du don du corps et du

sang du Christ s'accomplit dans l'Eucharistie pour nous nourrir et nous guérir.

Ils mangèrent et furent tous rassasiés . Symbole du Christ pain de vie et de la

démesure du don et de l'amour de Dieu pour les hommes.

Il n'y avait au départ que cinq pains et deux poissons.

Image de notre bien modeste contribution à la geste de Dieu, mais, de ce peu, le Seigneur peut

faire jaillir une fécondité et une vitalité étonnante.

Il resta douze paniers.

Douze paniers qui continuent depuis deux mille ans à nous nourrir à chaque eucharistie.

Douze paniers qui nous disent avec force:

Comme les foules de Galilée, partez sans cesse à la suite de Celui qui seul peut combler vos attentes, les manques qui vous habitent, qui seul peut vous conduire à la Vraie lumière.

Offrez-lui vos cinq pains, vos deux poissons.

Et donnez-lui ainsi l'initiative de votre vie.

(2013-06-02)