vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 05 octobre 2014 — 27e dim. ordinaire — Frère Damase
Cycle : Année A
Info :

Année A - 27° dimanche du temps Ordinaire

Is 5 1-7 ; Phil 4 6-9 ; Mt 21 33-43

Homélie du F.Damase

Texte :

Dimanche dernier, F.Jean-Noel nous a avertis que les lectures de ce dimanche nous parleraient encore de la Vigne.

Dans la 1° lecture Isaïe nous chante tout l’amour de Dieu pour sa vigne. Un amour tendre et passionné. La vigne, c’est la maison d’Israël que Dieu a élevé au fil des siècles ; bien des prophètes l’ont arrosé de leur sueur, quelquefois de leur sang !! Dieu en prend soin, avec un très grand amour !! Il attendait de sa vigne de beaux raisins, mais il ne lui a donné que des mauvais fruits. Il appelle Jérusalem à être les juges entre lui et sa vigne ; il est d’une sévérité extrême envers sa vigne !! Évidemment Isaïe ne connaissait pas encore le Père de Jésus !!

Dans l’Evangile, Jésus utilise cette image de la vigne de façon différente. Le propriétaire de la vigne n’a pas de problème avec elle ; mais il l’a confiée à des vignerons qui, au lieu de lui consacrer toute leur énergie pour qu’elle porte de bons fruits, veulent en tirer le profit maximum ; ils vont aller jusqu’à tuer le fils héritier du Maître de la vigne.

Évidemment, cette parabole adressée aux chefs des prêtres et aux pharisiens décrit leur propre attitude, à l’égard du peuple comme à l’égard de Jésus lui-même, qu’ils mettront bientôt à mort !!

Et cependant, même à leur égard l’attitude de Jésus est tout autre que celle du Bien-Aimé dans le chant d’Isaïe. Jésus n’est pas intéressé à punir. Il est seulement intéressé à ce que sa vigne porte du fruit, que son peuple et son Eglise portent du fruit !!

Lorsqu’il pose la question « Quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? ». Ses interlocuteurs lui répondent : « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il donnera la vigne en fermage à d’autres vignerons, qui lui remettront le produit en temps voulu ».

Dans sa réaction, Jésus ne reprend que la seconde partie : « Le Royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit ». Jésus n’est pas intéressé par la punition, encore moins par la vengeance !!

De plus, il ne s’agit pas d’enlever le royaume aux juifs pour le donner aux païens ; comme pourrait le faire penser une lecture rapide et superficielle. En réalité la maison de Dieu est et demeure le peuple choisi, auquel viennent s’ajouter les nations.

Ceux qui sont en cause, ce sont les pasteurs. Il y a là une leçon sévère pour tous ceux qui exercent un ministère de quelque nature dans le Peuple de Dieu. Ce ministère est pour le besoin du Peuple et non pour la satisfaction du ministre !!

Mais ce qui revient le plus fortement au long de cette parabole, c’est la nécessité de porter des fruits. Cela nous concerne tous. Nous n’avons pas reçu le message évangélique pour notre satisfaction personnelle ou simplement pour « faire notre salut ». Nous l’avons reçu pour porter des fruits – des fruits de Justice et de Droiture, selon Isaïe !!

Tous ensembles nous sommes l’Église et l’Église existe pour « évangéliser le monde » !! Demandons-nous si, par notre façon de vivre, nous concourrons à répandre dans notre monde « la Joie de l’Evangile » selon le désir du pape François !! (2014-10-05)

Homélie du 28 septembre 2014 — 26e dim. ordinaire — Frère Jean-Noël
Cycle : Année A
Info :

Année A - 26° Dimanche du Temps Ordinaire

Ez 18 25-28 ; Phil 2 1-11 ; Mt 21 28-32

Homélie du F.Jean-Noël

Texte :

« Va travailler à ma vigne »

Trois dimanches de suite, la vigne.

Vous me direz : « Normal », en septembre, mois des vendanges !!

C’est plus sérieux que cela : dans les Écritures, la vigne évoque souvent une alliance. Une alliance, ce n’est pas un contrat de commerce. Tout vigneron le sait : son rapport à la vigne est autrement plus profond : son cœur est pris. Qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour sa vigne ? Sans marchander sa peine. Et pour rien au monde, il ne la balancerait. Une parabole le dit aussi. Une alliance. Un amour engagé, scellé. Étonnez-vous encore après cela que dimanche prochain encore on nous fera entendre le chant du bien-aimé pour sa vigne, sa passion pour la vigne.

Mais voilà : ici le vigneron, c’est Dieu. La vigne, c’est Israël, c’est l’Église, c’est l’humanité, c’est nous, chacun et ensemble. Et c’est nous aussi qu’il envoie travailler à sa vigne ! Excessive richesse d’une image à plusieurs registres ! Mais toujours dans le cadre d’une alliance d’amour.

Donc une alliance.

Mais une alliance, c’est quoi ?

En bref, c’est un échange de « Oui ».

Ici entre le vigneron et ceux qu’il envoie à sa vigne, entre Dieu et nous. C’est « Oui ». Mais on le voit : ca peut-être « Non » !

En fait, ce n’est pas aussi simple.

C’est « Oui » et c’est « Non » ?

« Oui » en surface et rien ne bouge ! Comme on dit « Seigneur, Seigneur » et après ???

Ou ce « Oui » comme un élastique !! Pas tenu. Aussitôt lâché, aussitôt rétracté !!

Ou encore le « Oui » qui n’a même pas à se chercher du moment que tout simplement on a pris bien soin de se boucher les oreilles !!

Oui ce « Oui » du fils ainé !! Ca oui, il faisait tout, tout bien, mais le cœur ? Le cœur en refus, tout en revendication : « Tu ne m’as jamais rien donné, à moi !! ».

St Benoît (ici vous êtes un peu chez lui) est terrible contre ce poison du murmure, rentré, cuit et recuit, qui vous empoisonne le cœur fermé.

C’est vrai ce « Oui » cordial, sans retard, sans lenteur qu’il demande, - reconnaissons-le – est difficile que Oui ! En tout cas, pas automatique, ni une fois pour toutes !!

C’est comme ces vieilles portes aux gonds rouillés. Ca coince ; ça grince et il faut une patiente alternance « ouverture, fermeture » pour dégripper ça et retrouver souplesse, aisance et liberté !!

Mais n’est-ce pas l’histoire de nos vies à tous – moines ou pas ; apprendre à répondre « Oui ». Oui à l’alliance proposée par Dieu ; oui aux mille chemins où il nous invite. « Oui » comme Jésus, jusqu’au dernier jour où à l’appel du Père, nous le dirons (espérons-le) dans ce bel élan qui nous fera rejoindre d’un bond ce qu’il a préparé de meilleur pour nous : vie et résurrection !!

Pour ce difficile apprentissage, nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes. Nous le savons bien, derrière ces paraboles répétées de fils aux semelles de plomb, se profile LE FILS – le Fils engendré avant les siècles (cf la 2° lecture), envoyé aussi à la vigne chérie du Père. LE Fils qui ne fut que OUI.

Et souvenons-nous, il y a juste deux dimanches, la fête de la Croix Glorieuse célébrant bien la grandeur, la beauté, la fécondité, la victoire de son Oui, plus fort que la mort à la gloire du Père.

Mais c’est bien aussi ce que, tout de suite, l’Eucharistie va encore célébrée : ce Oui ; pour entrainer le nôtre : Amen, à la Gloire du Père

Celui de la grande doxologie finale : Amen

Celui de la communion : notre main gauche grande ouverte, offerte, portée par la main droite – pas à hauteur du nombril – à hauteur du cœur, comme pour accompagner son ouverture : le Corps du Christ, Amen !!

Et dans la foulée, les innombrables « Oui » de notre quotidien comme il est, comme il se présentera, auxquels on s’essaie bravement !!

C’est une béatitude ; nous le chanterons tout à l’heure

« Heureux

Heureux qui règle ses pas,

Sur la Parole de Dieu ! » (2014-09-28)

Homélie du 21 septembre 2014 — 25e dim. ordinaire — Frère Cyprien
Cycle : Année A
Info :

Année A - 25° Dimanche du Temps Ordinaire- 21 septembre2014

Is 55/6-9, Ph 1/20c-24,27a Mt 20/1-16a

Homélie du.Cyprien

Texte :

« Mon ami, je ne te fais aucun tort… Est-ce que ton regard est mauvais parce que je suis bon ? »

Frères et sœurs, nous avons pu, un jour ou l’autre, surprendre en nous des sentiments qui méritaient cette remarque, ce reproche que Dieu nous adresserait… « Est-ce que ton regard est mauvais parce que je suis bon ? »

Jésus raconte une histoire peu vraisemblable. Ceux qui ont travaillé le moins auraient en quelque sorte la préférence du patron, cela ne tient pas debout. Alors ?

On pourrait chercher du côté des ouvriers : les premiers se sont engagés avec un contrat bien défini ; les autres, pris en pitié, ont fait confiance à celui qui les embauchait plus tard. Résultat : ils sont aussi bien récompensés que les premiers. Cela ne tient pas trop non plus…

Alors … Jésus, dans la ligne des prophètes, bouscule ses auditeurs ; certains prophètes sont même célèbres pour des histoires, des mimes servant de support à leur message : « Vas-tu nous dire, prophète, ce que tu fais là ? ».

Ce qu’on oublie souvent dans les histoires que Jésus raconte, c’est que Celui-ci veut d’abord nous parler du Père, son Père, Dieu notre Père… « Vous n’avez pas compris… votre Père céleste voit dans le secret, …il connait les intentions de vos cœurs, …ses pensées ne sont pas comme vos pensées », c’était la première lecture dans Isaïe.

Jésus dit en tout cas ce qu’il en est du Royaume de Dieu qu’il annonce : si Dieu règne, c’est l’Amour qui règne. Quand Dieu règnera, c’est l’Amour qui règnera … nos jugements étroits, nos mesquineries vont voler en éclats !

Pour ceux qui ont duré dans l’humble fidélité, vieilli dans l’obéissance persévérante, il est un peu surprenant que les derniers soient traités avant les premiers. Cette façon d’attirer l’attention est celle d’un conteur ; ces histoires doivent être creusées, méditées pour en tirer l’essentiel…

En fait la récompense dans le Royaume de Dieu, ce sera et c’est déjà notre relation d’intimité avec Lui… pour chacun d’entre nous : il faudrait, … il faudrait ne plus nous demander si Dieu nous aime moins que notre voisin… moins que celui qu’il fait passer avant nous…moins que les saints canonisés !!!

« Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour qu’il m’arrive ceci…pour que je vive cela ? » Envie, jalousie… sentiments bien humains, sentiments d’êtres humains pas tout à fait adultes ni dans la foi ni pour tout le reste !

Quand le maitre de la vigne aborde les gens qui attendent depuis le matin, la parabole nous dit : ce maitre de la vigne s’occupe réellement de ces personnes, il leur veut du bien… il le montre, quitte à scandaliser certains…

Dans un cadre réaliste, pour une justice sociale élaborée, il n’est pas dans les clous, c’est évident !

Mais à l’aune du royaume de Dieu, ce patron est libre et …assez riche et aimant pour payer chacun selon son cœur à lui.

Ce maitre du domaine n’est pas richissime au point de gaspiller son argent : il est soucieux que des personnes n’aient pas perdu leur journée à ne rien faire. « Personne ne nous a embauchés, c’est-à-dire Personne n’avait besoin de nous… Allez vous aussi à ma vigne »…

Cette pièce d’argent donnée à tous, aux derniers comme aux premiers, elle dit à chacun « C’est toi que je veux honorer en récompensant ton travail »…comme dans Isaïe : « Tu as du prix à mes yeux et moi, je t’aime ». Cette pièce d’argent, c’est l’Amour que Dieu porte à chacun de ses fils…

Oui, frères et sœurs, le salaire, la récompense imméritée de notre vie ici-bas, c’est l’amour de Dieu pour nous : Dieu donne autant au bon larron qu’au pharisien fidèle à la loi ,«Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis », Dieu qui pardonne …Dieu qui nous donne à tous de devenir ses intimes.

Parce qu’il est bon, il ne fait… et ne fera aucun tort à personne.

Que nos cœurs tournés vers le Christ se convertissent, qu’ils changent de regard, que sa Parole nous aide à comprendre cette Bonté divine qui nous dépasse… Oui, bonté divine qui nous dépasse … infiniment !(2014-09-21)

Homélie du 14 septembre 2014 — 24e dim. ordinaire — Frère Denis
Cycle : Année A
Info :

Année ABC - Fête de la Croix Glorieuse - 14 sept 2014

Nb 21 4-9; Phil 2 6-11; Jn 3 13-17

Homélie du F.Denis

Texte :

La Croix glorieuse

Les deux mots ainsi rassemblés peuvent étonner. Le mot croix parle de

souffrance, d'épreuve, d'injustice. Le mot gloire nous parle de victoire et

l'absence de gloire dit l'insuffisance, l'échec, la disqualification. Comment donc

donner un sens à une Fête de la Croix glorieuse? Laissons aux savants ce qui

concerne la découverte des reliques de la Croix d Christ. Mais gardons ce mot

de découverte par nous, par chacun de nous, de ce que veut dire l'union des

deux mots, Croix et Gloire.

Je vous propose, dans cette homélie, deux courtes étapes, l'une sur

l'importance des deux mots dans la religion chrétienne depuis ses débuts, l'autre

sur la manière, pour nous aujourd'hui, de mettre en pratique les textes que nous

venons d'entendre ?

Première étape: Que signifient pour nous, chrétiens, Croix et Gloire?

C'est par la Croix de Jésus, par ses souffrances, sa mort, que la Gloire de

Dieu nous est révélée et donnée à vivre. Vraiment? Oui. C'est fou, reconnaît

saint Paul. Mais c'est ainsi. Selon la sagesse humaine, il y a de la folie dans la

Croix du Christ, mais Grande et Mystérieuse est la Sagesse de Dieu nous

donnant son Fils. Parce qu'il est vraiment homme et homme sans péché, Jésus

peut atteindre la complète souffrance humaine, et parce qu'il est vraiment Dieu,

il possède toute la Gloire divine.

Il faut aller jusqu'au bout de cette souffrance connue par Jésus: Jésus,

homme sans péché et digne d'amour, a connu le manque d'amour jusqu'à en

mourir. Trahi, abandonné par ses disciples, arrêté, insulté, déshonoré, frappé,

ridiculisé, livré aux jaloux, condamné. En moins de vingt quatre heures, le plus

beau des enfants des hommes est cloué, pendu, crucifié, il meurt, devenu une

véritable loque ..

Le supplice de la Croix est tellement horrible que pendant les premiers

siècles chrétiens, on n'osera pas en reproduire l'image. Dans les catacombes,

premiers cimetières chrétiens, on ne trouve pas de représentation du Christ en

Croix.

La Gloire dit le contraire. Gloire est le mot excellent dans la Bible pour

dire la Présence de Dieu. Son rayonnement, une lumière qui succède aux

Ténèbres. Dieu est là. Ainsi sur le crucifié la Gloire de Dieu est là : tandis qu'il

perd ses forces humaines, les ténèbres aussi envahissent tout. Et Jésus va

jusqu'au bout : il a confié sa mère à Jean, pardonné à tous, dit oui à Dieu son

Père, et c'est le dernier souffle. Le monde et le Temple en sont bouleversés

mais, dans cette opacité de mort, l'Eglise entend le Dieu de Gloire qui murmure

:: Tu es mon Fils, aujourd'hui je t'ai engendré.

La plus grande souffrance s'est couverte de Gloire, de la plus grande

Gloire, c'est notre Fête.

Seconde étape: comment vivre tous les jours croix et gloire?

Je sais votre réponse: en vivant notre baptême. En participant à la vie de

l'Eglise, le Corps du Christ, à sa liturgie, en nous donnant aux autres dans nos

métiers, nos familles, nos lieux d'habitation, en aimant les étrangers, et jusqu'à

nos ennemis. Avouons que ce n'est pas facile tous les jours. Mais ce qui peut se

faire tous les jours et plus souvent encore, c'est un regard silencieux, sans

paroles, regard les yeux fermés même, sur celui qui nous regarde, Jésus.

C'est le mot que les textes lus et entendus par nous me suggèrent,

Regarder, mot si humain, si divin, mot qui dit bien que nous sommes en vie

parce que Dieu, le Grand Vivant, nous regarde.

Regarder la croix pour vivre ce qu'elle donne, la vie. Pour aider son

peuple en Exode, Moïse avait dressé un serpent ardent, oui ardent, c'est-à-dire

brûlant, de feu, et pour quiconque s'approchait, le regardait avec foi et

espérance, la marche, l'exode, redevenait devenait possible vers la liberté.

Après Moïse, ce fut Jésus. C'est Lui qu'il faut regarder. Regardant sa

croix, qu'y voyons-nous? Les deux bras ouverts du Christ, soit verticaux vers

Dieu, soit étendus, élargis aux dimensions de l'espace.

Frère, es-tu heureux en famille, dans ton métier, dans ta santé. Et tant

mieux si tu regardes la Croix de Jésus. Elle ouvrira tes bras, ton cœur, elle te

libèrera du désir de les fermer dans ton bonheur.

Frère, es-tu malheureux, et qui ne connaît l'épreuve?, regarde la Croix de

Jésus, elle te dira la Présence de Dieu qui t'attend. Tu y trouveras toi aussi le

courage d'aimer et de secourir les autres. Tu regardes ta souffrance, comment

faire autrement, mais au delà, plus profond que toi qui souffres, il y a la Croix

du Christ qui soulage tous les souffrants de ce moment, leur donnant force et

paix. Regarde la Croix, ne ferme pas les bras, toi non plus.

Regarder Jésus. Lui, le Très-Haut devenu le Très-Bas, pour que, depuis

notre très bas niveau, nous soyons attentifs à son regard qui nous fait lever les

yeux vers lui. En silence, en minutes de silence, nous entendrons beaucoup les

murmures du Cœur de Dieu qui nous transforment en vivants. Une gloire est là.

La vraie gloire, celle de Dieu lui-même venue sur nous, nous transformant et

donnant aux autres envie de vivre.

Fête de la Croix glorieuse, Fête de la Vie. (2014-09-14)

Homélie du 07 septembre 2014 — 23e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A - 23° dimanche du Temps Ordinaire - 7 septembre 2014

(Ezéchiel 33,7-9 ; Romains 13, 8-10 ; Matthieu 18, 15-20)

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs

Le passage de l’évangile selon St Matthieu que nous venons d’entendre se situe au cœur d’une section d’enseignements de Jésus à ses disciples à propos de la vie communautaire . St Matthieu s’adresse certes aux chrétiens (judéo-chrétiens) des premières communautés du 1er siècle, mais ce qui nous est dit là peut nous rejoindre facilement et directement, nous, communautés chrétiennes du XXI° siècle.

Le texte lu nous rapporte 3 séries de paroles de Jésus, 3 « logions » (ou « logia), comme le disent les exégètes. Le 1er de ces logions concerne la correction fraternelle : « si ton frère a commis un péché… » avec son développement sur lequel il faudra revenir, ses étapes de solutions plus ou moins couronnées de succès. C’est le logion le plus long, celui que la liturgie a privilégié, en choisissant comme 1ère lecture le parallèle du livre d’Ezéchiel où Dieu ordonne à son prophète d’avertir le méchant pour qu’il abandonne sa conduite mauvaise, qu’il se convertisse, et qu’il vive .

Le second logion de Jésus concerne la prière de demande : « si 2 d’entre vous se mettent d’accord sur la terre pour demander quelque chose, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux »

Enfin le 3ème logion, très bref, définit la nature même de la communauté chrétienne, sa raison d’être : « quand 2 ou 3 sont réunis en mon Nom, je suis là, au milieu d’eux ». Une cté chrétienne n’existe que par cette présence réelle de Jésus en personne en son sein.

Sans doute pour bien comprendre les propos de Jésus sur la vie communautaire, faut-il s’arrêter sur le mot « gagner » qui signifie le contraire de « perdre ». Tu auras gagné ton frère ! Autrement dit : tu l’auras retrouvé, il te sera rendu, redonné. Notons que ces versets que nous avons entendus sont précédés dans l’évangile de Matthieu par le récit de la brebis égarée, que le berger va rechercher, en abandonnant les 99 autres brebis du troupeau, et qu’il ramène tout joyeux au bercail, après l’avoir retrouvée. Pensons aussi à la parabole de l’enfant prodigue dans l’évangile de Luc où il nous est rapporté la joie du Père, au retour de son enfant « perdu, et retrouvé ».

Ni l’évangile, ni le texte d’Ezéchiel, ne précise la nature de la faute ou de la méchanceté du pécheur égaré. Et il faut écarter la version ou traduction parfois entendue dans un sens individualiste et moraliste : « si ton frère vient à pécher contre toi… » qui n’est pas retenue par la plupart des manuscrits, ni par la liturgie. Le drame du pécheur, selon Ezéchiel, selon Jésus, selon Dieu lui-même consiste moins dans le fait d’avoir transgressé un commandement de la Loi, d’avoir manqué à une prescription morale, que de s’exclure de la communauté, du groupe de ceux qui l’aiment. S’exclure, se marginaliser en se mentant à soi-même, aux autres, à Dieu. Se montrer autre que l’on est en vérité. « Montre lui sa faute ! » La position juste devant la cté consiste à ne pas se cacher, à se reconnaître faible et pauvre pécheur, sans douter de la miséricorde des frères. La Bonne Nouvelle apportée par Jésus, c’est qu’il est venu en ce monde non pas pour condamner ou enfoncer les pécheurs , mais pour sauver ce qui était perdu, guérir ceux qui étaient malades, rassembler dans l’unité ceux qui s’étaient égarés. Ainsi la finalité de toute correction fraternelle se réalise dans l’amour du prochain : cette correction ne vise pas tant à remettre un frère dans le droit chemin d’une conduite irréprochable, qu’à le ramener dans la communion de la communauté. Et si, par malheur, il refuse de rejoindre la cté qui l’attend, il sera considéré comme un païen, comme un publicain, comme l’un de ceux dont Jésus précisément a voulu se faire proche, comme Zachée, Matthieu, la syro-phénicienne ou le centurion romain au pied de la Croix. Notre texte d’évangile ne perd pas de vue, même dans le cas extrême de l’exclusion et de l’excommunication, l’espoir que Jésus pourra encore venir sauver le pécheur qui ne se repent pas.

D’où l’importance de la prière de demande qui peut tout obtenir de Dieu, quand on l’invoque comme le Père des Cieux. C’est l’ultime remède que Saint Benoît conseille à l’Abbé d’administrer et de faire administrer par toute la cté à l’égard d’un frère récalcitrant qui ne veut pas obéir. Quand les autres remèdes (ceux de la parole et du dialogue n’ont pas produit d’effet)…

Enfin n’oublions pas le 3ème et dernier logion de notre texte (peut-être le plus essentiel) : « quand 2 ou 3 sont réunis en mon Nom, je suis là, au milieu d’eux ». Ce verset est placé au cœur de l’évangile (au chapitre 18) et il n’est pas sans évoquer le début et la fin de l’évangile de Saint Matthieu : un évangile de l’Emmanuel, du Dieu avec nous. Au chapitre 1er, l’ange Gabriel annonce à Joseph en songe la naissance du Sauveur, qu’il appellera Jésus, Emmanuel, Dieu avec nous, et au dernier chapitre (28) de ce même évangile Jésus envoie en mission ses disciples en les assurant : « voici que je suis avec vous, jusqu’à la fin du monde ».

C’est cette présence de Dieu, alors que nous sommes réunis à plus de 2 ou 3 au Nom du Christ, ici et maintenant, que nous célébrons dans cette eucharistie. Ensemble, nous avons écouté sa Parole, ensemble nous allons confesser notre foi, notre Credo, ensemble nous allons faire monter la grande prière eucharistique du Christ à son Père et nous allons communier à son Corps et à son Sang.

Voilà la grâce de la vie communautaire : appel de Dieu vivre dans l’Unité et la Charité dans le Christ, qui est l’accomplissement parfait de la Loi, comme le rappelait Saint Paul aux romains dans la seconde lecture.

Par Lui, avec Lui et en Lui, à toi Dieu le Père tout puissant , dans l’unité du saint Esprit, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles . AMEN (2014-09-07)

Homélie du 02 septembre 2014 — 3e dim. de Pâques — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année C - 3° Dimanche de Pâques - 29 avril 2001

Ac 5 27-41; Ap 5 11-14; Jn 21 1-19

Homélie de F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs

En ce 3ème Dimanche de Pâques, comme pour les deux premiers, l’évangile de la liturgie nous présente un récit d’apparition de Jésus Ressuscité. Mais s’agit-il bien d’abord de la résurrection de Jésus dans cette scène au bord du lac de Tibériade ? N’est-il pas plutôt question de la résurrection des disciples, de celle de Pierre tout particulièrement et indirectement ne sommes-nous pas renvoyés à notre propre résurrection ? Voilà un texte très chargé en détails symboliques qui appelle quelques éclaircissements.

La première partie de la scène est le récit d’une pêche en 2 temps Un premier temps totalement infructueux : les disciples se sont mis pourtant à 7 (un chiffre parfait) et ce sont des pêcheurs professionnels qui se sont débattus toute la nuit sans rien prendre. Le matin, ils reviennent, bredouilles, sans doute abattus et peu fiers. C’est alors que Jésus apparaît sur le rivage et ils ne le reconnaissent pas. Dans un deuxième temps, ils sont tellement démunis qu’ils obéissent sans protester à l’injonction de cet inconnu de jeter les filets du côté droit de la barque, et c’est le miracle étonnant : 153 gros poissons sont retirés de la mer, et le filet ne s’est pas rompu, nous précise-t-on.

Le disciple que Jésus aimait, celui que la Tradition a identifié à l’apôtre Jean, fils de Zébédée, reconnaît le premier le Seigneur, et il le dit à Simon Pierre. Pierre était nu (il n’avait rien sur lui), ce que l’on peut traduire encore : dépouillé de tout, de toute suffisance, de tout espérance. Allons plus loin, il avait été mis à nu par son péché de lâcheté, au moment du reniement, tout comme Adam avait pris conscience da sa nudité au jardin d’Eden, après sa faute. Pierre passe donc un vêtement sur lui, et il s’élance dans la mer à la rencontre de Jésus qui vient le repêcher, qui vient lui pardonner, le ressusciter, lui et ses compagnons de barque.

Ensuite, nous assistons, émerveillés, à ce repas tout simple, préparé par Jésus, où le Christ en personne fait les gestes de l’eucharistie avec ses amis : il prend le pain, et il le leur donne. Il fait de même avec le poisson : aucun des disciples n’ose poser de questions. Ils participent, avec une intelligence et un cœur renouvelés au mystère inouï de la résurrection de leur Seigneur. C’est pour eux une nouvelle naissance après l’échec, après la tristesse, après la mort et le deuil du Vendredi Saint.

Le repas terminé, c’est la seconde partie de la scène : le dialogue entre Jésus et Pierre. Un dialogue très émouvant, quand on sait qu’il a été mis par écrit après le martyre de Pierre à Rome, un martyre annoncé par Jésus lui-même. Le dialogue concerne les deux personnes de Jésus et de Pierre, bien sûr, mais il intéresse aussi toute la communauté des disciples, toute l’église, sa mission et son unité : ce dialogue intéresse chacun de nous dans sa relation personnelle, intime, avec le Seigneur ressuscité.

C’est un autre aspect de la résurrection de Pierre qui est ici évoqué. Pierre est confirmé à nouveau dans son ministère de pasteur, pour le troupeau que Jésus lui confie. Jésus lui propose de remplacer les trois « je ne te connais pas » du reniement de la Passion, par trois « je t’aime » d’un nouvel engagement, à la lumière de la Résurrection. C’est un vrai re-départ dans la vie pour Pierre et pour ses amis : de peureux et de découragés qu’ils étaient, les voilà maintenant prêts à affronter le grand Conseil, comme on le voit dans la première lecture, mais aussi prêts pour les épreuves, les obstacles, et pour beaucoup d’entre eux, le martyre.

Ainsi, c’est bien toute l’Eglise qui est symbolisée dans ce texte, par la barque, par les 153 gros poissons et aussi par le filet qui, dit l’évangéliste, ne s’est pas déchiré (en grec, le verbe précis est «skizo », qui a donné schisme, schismatique). C’est dire qu’à l’appel du Christ Ressuscité l’Eglise est une, non divisée, catholique et apostolique. Elle est invitée à une nouvelle naissance, sous la conduite de Pierre, à la suite de son Seigneur.

La suite de l’épisode, qui n’a pas été lue mais qui fait partie de la même unité narrative, relate le rôle propre attribué au disciple que Jésus aimait, un rôle distinct de celui de Pierre et qui ne le regarde pas. Jésus dit à Pierre : « si je veux que ce disciple demeure, jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi ! » Les exégètes voient là l’attestation, à l’origine, d’une pluralité de communautés chrétiennes qui se réclamaient des différents apôtres. Nous savons par d’autres passages du N.T. les tensions qui ont existé entre Paul et Pierre, entre Paul et Barnabé ou Apollos ou Jacques... L’église n’était pas uniforme après Pâques, mais ces tensions n’ont pas déchiré le filet entre les disciples : l’unité s’est faite dans la reconnaissance de l’autorité de Pierre et dans la communion entre les communautés autour du Christ Seigneur, mort et ressuscité.

C’est là une grande leçon pour nous aussi aujourd’hui et pour la vie de l’Eglise au seuil du 3ème millénaire. Car l’Eglise est toujours composée de communautés anciennes et nouvelles, appelées à la communion avec leur différentes sensibilités et aussi leurs tensions. Le discernement sur les courants se fera toujours à partir de l’amour du Christ Mort et Ressuscité dont témoignera chaque disciple, et à partir de l’esprit de service qui est demandé à tout pasteur de communauté.

A la suite du Christ, le disciple doit se faire serviteur, à l’exemple de son Maître, qui, de riche qu’il était, s’est fait pauvre par amour, pour nous enrichir de sa pauvreté.

Frères et sœurs, en réponse à cet évangile et aux lectures de ce dimanche, rendons grâce à Dieu de nous avoir appelé à témoigner, sans peur, de notre foi au Christ Ressuscité, à l’Agneau immolé qui nous a racheté et lavé de nos péchés par son sang. A lui, notre louange, à lui l’honneur, la gloire et la puissance pour les siècles des siècles.

AMEN (2001-04-29)

Homélie du 02 septembre 2014 — 24e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année C - 24° dimanche du Temps Ordinaire - 16 septembre 2001

Ex 32 7-14; 1 Tim 1 12-17; Lc 15 1-32

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

En cherchant un lien entre les 3 lectures de la liturgie de ce dimanche, je me suis demandé si l’on ne pouvait pas le trouver dans le rapport si mystérieux entre le péché de l’homme, d’une part, et la grâce miséricordieuse de Dieu, Sauveur de l’homme, d’autre part. En quoi consiste le péché dans chacun de ces textes ? En quoi consiste la miséricorde divine, en regard de ce péché ?

Dans le livre de l’Exode, le péché, qui est péché du peuple tout entier, c’est avant tout l’idolâtrie. Une idolâtrie symbolisée par la confiance portée à un veau d’or, c’est-à-dire à un dieu fabriqué, facile, bien repérable, mais qui n’est qu’illusion et sans vraie puissance, si ce n’est une Toute Puissance Imaginaire. C’est le péché qui détourne Israël de son Alliance avec le Seigneur : péché d’oubli, de faiblesse, de paresse. Face à ce péché du peuple, la première réaction du Seigneur est de sanctionner, de sévir et de détruire. Image d’un Dieu Juge, Coléreux, qui veut marquer sa Force et son Pouvoir absolu. C’est alors que Moïse, l’homme le plus humble que la terre portait en ce temps-là, Moïse, l’homme juste et droit, se lève, seul. Il a, lui, la connaissance et l’expérience d’un autre aspect de Dieu : un Dieu qui n’est que relation, désir d’alliance et de communication d’amour et de tendresse. Moïse va rappeler à Dieu, par une prière instante, qu’il ne peut se laisser aller à sa colère, que la mémoire de l’Alliance et de la Promesse faite aux Pères autrefois est plus forte que l’égarement et la défaillance passagère des enfants d’aujourd’hui. Admirable foi de Moïse qui fait revenir Dieu sur sa décision, et qui l’apaise. Dieu, alors renouvelle son Alliance et sa confiance ; il pardonne, à cause du serviteur fidèle : il se révèle dans sa miséricorde, bien plus que dans sa Justice et sa Force, selon une vue trop humaine. L’image d’un Dieu sévère, implacable, juge, que l’on attribue trop facilement et à tort à l’Ancien Testament, ne peut que chuter : le Dieu d’Abraham, d’Isaac de Jacob et de Moïse est bien un Dieu plein d’amour et de tendresse, lent à la colère et qui pardonne. (cf. les Psaumes)

Dans la seconde lecture, tirée du Nouveau Testament, Saint Paul nous livre une confession très personnelle en raccourci : « moi, le premier, je suis pécheur, mais si le Christ Jésus m’a pardonné, c’est pour que je soie le premier en qui toute sa générosité se manifesterait ».

Son péché, il l’avoue, était avant tout un péché d’ignorance. Il n’avait pas la foi, il n’avait pas été saisi par l’amour du Christ. Au contraire, il n’avait que haine pour lui : il le blasphémait, le persécutait, l’insultait, lui et ses disciples. Mais la grâce du Seigneur a été plus forte encore que tout ce déferlement de passion et de violence aveugle, de fanatisme religieux, car c’était bien au nom de la Loi, d’une interprétation pharisienne légaliste, qu’il agissait ainsi. « Là où le péché avait abondé, dira-t-il dans une autre épître, là, la grâce a surabondé ». Et il ne peut, après coup, qu’avoir un cœur débordant de reconnaissance pour Celui qui lui a fait confiance, Jésus-Christ. Il lui a ouvert un avenir, en lui donnant la force, et en le chargeant du ministère d’annonce de la Parole du Salut.

Avec l’Evangile, nous sommes en présence d’un autre type de récit : non plus historique, comme l’Exode, non plus existentiel, comme la confession de Paul, mais une série de paraboles, rapportées par Saint Luc, dans le style rabbinique du temps de Jésus.

La situation du pécheur, dans chacune de ces paraboles est figurée par une perte : perte d’une brebis, d’une pièce d’argent, ou plus grave, perte d’un fils, voire de deux fils. Et en regard, la grâce, la miséricorde nous est représentée comme des retrouvailles, invitant tout le monde à la fête, à la joie. Déjà les psaumes avaient bien conscience que le pécheur, l’impie, l’homme sûr de lui, ne peut que courir à sa perte, alors que le juste, le pauvre, l’humilié, trouve sa joie dans le Seigneur. Pour bien saisir la portée et la force de ces trois paraboles, il est important d’être attentif au contexte du récit : « les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux. Alors Jésus leur dit cette parabole : ».

Pour Luc, Jésus est l’envoyé de Dieu qui ne vient pas pour condamner, mais pour sauver, pour guérir les malades, pour ramener ceux qui s’égarent. Car la situation du pécheur est une situation de malheur, d’isolement et finalement de mort, de non-vie.

Que retenir de la lecture et de la méditation de ces trois textes, à propos du péché de l’home, et de la grâce divine, sinon que tout se joue au niveau de la confiance ?

Le peuple de Dieu n’avait pas fait confiance à la Loi d’Alliance donnée par Dieu au Sinaï, mais Moïse, le serviteur fidèle a su gagner la confiance et de Dieu, et du Peuple. Alors, la grâce a pu se frayer un chemin dans les cœurs, et le péché du veau d’or a pu être pardonné.

Saint Paul, avant sa rencontre décisive avec le Christ, sur le chemin de Damas, n’avait pas confiance en cette nouvelle secte des chrétiens, et, en bon pharisien qu’il était, les persécutait sans état d’âme. Mais quand il a senti la confiance que le Seigneur lui faisait, quand il fut saisi par l’amour et la miséricorde de Celui qu’il persécutait, alors il fut retourné, et à son tour, il a mis sa confiance, sa foi, dans ce Jésus-Christ qu’il reconnaissait comme Sauveur du monde.

Enfin le fils cadet de la parabole, au fond de sa misère et dans l’examen de sa conscience, a gardé confiance en son Père, capable, se disait-il de l’accueillir à nouveau, ne fut-ce que comme un de ses ouvriers. Le fils aîné, en revanche, n’était pas dans ce registre de la confiance et de l’abandon. Et c’est bien là son plus grand malheur. Le Père de cette parabole, lui, fait confiance à ses deux enfants : il se tient toujours ouvert à la miséricorde et au pardon, et l’on peut espérer que le fils aîné, lui aussi soit un jour touché par cet amour paternel, puisque le texte reste ouvert dans sa finale.

A chacun de nous, aujourd’hui, il nous est demandé de passer de la méfiance à la confiance, de l’ignorance et de l’oubli, qui sont des composants du péché, à la connaissance et à la vie dans la grâce. C’est cela, la vie chrétienne au quotidien, et nous savons que cela n’est jamais facile, que le combat n’est jamais définitivement gagné. Bien des peurs, bien des défaillances et des obstacles sont au rendez-vous de nos projets et de nos relations humaines. Pourtant une joie nous habite : la joie de l’espérance et de l’expérience de la fête ; fête dans le ciel, chez les anges de Dieu, et fête sur terre aussi, par anticipation, car le Royaume est déjà là, tout près de nous.

Célébrons donc cette eucharistie aujourd’hui comme une fête à laquelle Dieu, à l’image du Père de la Parabole, nous invite tous, que nous soyons ses cadets ou ses aînés. A défaut de chevreuil, allons chercher le pain et le vin, offrons la grande prière d’action de grâce du Christ à son Père, puis mangeons, buvons et festoyons, car : « Christ est mort, à cause de notre péché. Il a été rendu à la vie, par la Puissance de la Résurrection. Il est grand, le mystère de notre foi ! »

AMEN (2001-09-16)

Homélie du 31 août 2014 — 22e dim. ordinaire — Frère Vincent
Cycle : Année A
Info :

Année A - Homélie 22° Dimanche du Temps Ordinaire : 31 Août 2014

Homélie du F.Vincent

Texte :

Dimanche dernier, dans le passage qui précède l’évangile d’aujourd’hui, les apôtres par la bouche de Pierre ont reconnu officiellement que Jésus était le Messie, le Fils de Dieu.

Mais quel Messie attendaient Pierre et les 12 ? Ils n’attendaient sûrement pas, que celui qu‘ils suivaient comme le messie serait un jour affreusement défiguré sur une croix infâme, comme le dernier des esclaves.

Mais ce que Jésus veut pour ses disciples et pour son Eglise à venir, c'est une foi forte. Or forte est la foi de ceux qui savent que la joie est au terme d'un dépassement ; qui savent que Dieu ne vient pas d’abord nous combler , mais mettre en nous une soif à la fois plus douce et plus ardente, pour que nous allions toujours plus loin à Sa recherche, au-delà de nous-mêmes.

Forte est la foi qui est centrée sur l'essentiel, c'est à dire sur Dieu ; que sert à l'homme de gagner l'univers ? Une foi qui se construit sur le don de sa vie à Dieu, qui ne craint pas de "perdre sa vie" pour Lui. Une foi qui a compris que la signature de Dieu, c'est l'oubli de soi ; que la signature de Dieu, c'est le don de soi, et c'est l'amour. Une foi qui a compris que c'est toujours ainsi que nous reconnaissons Dieu, jamais autrement.

Pierre refuse la croix de Jésus. Il refuse la croix parce que pour lui c'est une impossibilité; comme il refusera pour Jésus, l'humilité du geste de l'esclave, à genoux devant ceux dont il lave les pieds. Jésus l'avertira alors qu'il n'a aucune part avec Lui s'il n'accepte pas ce geste d'humilité qui est justement le geste naturel du Vrai Dieu. Car le vrai Dieu c'est un Dieu humble et pauvre. Oui, le vrai Dieu est pure générosité, parce qu'il est tout amour, parce qu'il n'est qu'un cœur, parce qu'il ne peut qu'aimer : parce qu'il est un Dieu fragile, un Dieu désarmé.

C'est à mesure que l'on entre plus profondément dans la pauvreté divine, à mesure que l'on comprend mieux que la joie de Dieu c'est la joie du don total, jusqu'au don de sa vie, la joie de celui qui ne peut rien garder, la joie de celui qui ne peut rien posséder ; c'est à mesure que l'on comprend que la joie de Dieu c'est la joie de celui qui est totalement évacué de soi jusqu'à donner sa vie par amour, c'est dans cette mesure que l'on comprend un peu mieux qui est Dieu. C'est à mesure où l'on perçoit mieux cette puissance d'identification, où l'amour rend capable de vivre la vie d'un autre, pour lui et non pas pour soi; à mesure qu'on entre dans ces abîmes de la tendresse, que l'on comprend mieux la fragilité de Dieu. Oui Dieu est fragile; oui Dieu peut être vaincu et il l'est sur la croix où il meurt d'Amour pour ceux qui refuse de l'aimer. Oui, Dieu en Jésus meurt sur la croix pour ceux-là même qui le crucifient; il meurt pour ceux qui refusent obstinément de l'aimer. C'est cela que Pierre ne comprend pas; c'est cela que Pierre ne veut pas accepter.

Et pourtant, la seule véritable clé de l'évangile, la seule clé de l'amour, la seule grâce, c'est de savoir que c'est Dieu qui est pauvre, fragile, c'est de savoir qu'il est sans défense car il ne peut qu'aimer. La croix, disait un auteur spirituel, c'est Dieu qui pleure, c'est Dieu qui meurt de nos refus d'Amour. Cela Pierre ne voulait pas, ne pouvait pas l'accepter, du moins pour l’instant.

Ne condamnons pas trop vite Pierre l'incrédule. Mais au cours de cette eucharistie que nous célébrons, demandons au Seigneur d'allumer en nous ce feu dévorant dont parlait Jérémie (dans la première lecture), qui fera que nous ne crierons plus avec Pierre : "Mais non Seigneur, ça n'est pas possible", mais qui fera que nous apprendrons à la suite du Christ à donner notre vie par amour, que nous apprendrons qu’AIMER c'est MOURIR, mourir à soi-même, mais pour VIVRE, pour vivre pour un autre. Pour vivre pour lui notre Seigneur bien-aimé, et pour vivre aussi pour chacun de nos frères qu'il a placé auprès de nous pour nous parler de LUI. (2014-08-31)

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Homélie du 24 août 2014 — 21e dim. ordinaire — Frère Ghislain
Cycle : Année A
Info :

Année A 21e Dimanche du Temps Ordinaire - 24 Août 2014

Is. 22, 19-20 Rom. 11, 33-36 Mt. 16, 13-20

Homélie du F.Ghislain

Texte :

Les disciples aujourd’hui sont autour de Jésus, assez loin au Nord-Est du lac de Génésareth, comme quelques jours avant, ils étaient aussi à l’étranger, au Nord-Ouest dans la région de Tyr et de Sidon.

C’est dans cet environnement un peu lointain que Jésus pose à ses disciples une question qu’il n’a jamais posée. Celle son identité à lui. Question assez redoutable. Peut-être n’avons-nous jamais fait à d’autres une telle demande nous concernant : « Pour toi, ma femme, mon mari ? pour vous, mes enfants, mes amis, mes frères en communauté ? pour vous, mes collègues, mes électeurs, mes paroissiens qui suis-je ? » Demande qui nous ferait trembler peut-être : qu’est-ce qu’ils vont répondre ? Demande qui peut être utile pourtant : comment avoir des rapports vrais si on n’est pas au clair avec les autres, s’ils ne sont pas au clair avec nous.

Jésus la fait cependant, cette demande.

Et vous ? Vous qui me suivez depuis quelques mois, qui marchez avec moi entre Tibériade et Jérusalem, qui m’accompagnez à l’étranger, hier dans le territoire de Tyr et de Sidon, aujourd’hui à Césarée de Philippe. Vous, qu’est-ce que vous dites ? pourquoi me suivez-vous ? qu’est-ce que vous attendez ?

Les disciples sont là. Au fond d’eux-mêmes, ils croient en Jésus. Un jour, au début, l’un d’entre eux, Philippe, a dit à un autre : « Celui au sujet duquel ont écrit Moïse, dans la Loi, et les prophètes, nous l’avons trouvé, c’est Jésus de Nazareth » (Jn. 1. 45). Mais ils ne l’ont jamais dit à voix haute, les uns devant les autres, tous devant Jésus. Quand ils l’auront dit, ce sera clair, public. Quelque chose aura changé dans le regard porté sur Jésus. Une sorte d’engagement, un point de non retour. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », c’est ce que nous croyons et c’est à cause de cela que nous avons tout quitté pour te suivre. Comme ceux qui viendront après nous le diront bien plus tard, au Concile Vatican II : « Nous regardons avec foi vers toi, l’unique auteur du salut, principe d’unité et de paix » (LG n°9)

Cette voix des disciples, c’est à travers celle de Pierre qu’elle retentit. Il ne parle pas pour lui seul, mais pour tous, qui ont été interrogés. Il ne dit pas sa conviction à lui, mais celle qu’il partage avec ceux qui sont là. Il engage le groupe, et celui-ci adhère par son silence. Si quelqu’un n’était pas d’accord, il le dirait ou il s’en irait. Comment rester parmi des gens dont on ne partage pas la conviction fondatrice ? « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant »

Et nous comprenons la réaction de Jésus : une telle parole de reconnaissance, personne ne peut la dire de lui-même. Ainsi, cette banlieue de Césarée devient comme la montagne de la Transfiguration : Dieu y est manifesté par la reconnaissance de sa Gloire sur le visage de Jésus ; cela n’apparaît pas dans une lumière extérieure mais dans une conviction du cœur des disciples qui s’exprime à travers la parole de Pierre.

Cet évangile nous est lu aujourd’hui, ici. Il s’adresse donc à nous : nous, que disons-nous qu’il est ? que lui disons-nous ?

Nous allons évidemment le dire dans le Credo. Dans son contenu, c’est une confession de foi détaillée, le résumé de l’histoire de Jésus, une proclamation d’espérance. Mais, dans sa forme, c’est à la première personne du singulier que nous le disons : je crois. Mais nous le disons ensemble, c’est donc aussi à la première personne du pluriel : nous, ici présents, nous croyons.

Surtout, c’est la réponse à une question que Jésus nous adresse aujourd’hui, en ce moment au sein de notre assemblée : « vous ici maintenant dans cette église, qui dites-vous que je suis ? Faites attention, parce que si vous le dites ensemble maintenant, cela vous unit les uns aux autres indissolublement. Cela vous engage aussi, car tout à l’heure dehors, dans votre environnement : dans la famille, au travail, en politique, vous parlerez et vous vivrez au nom de Jésus…Alors, que dites-vous ? »

Peut-être cela nous fait-il peur ? Peut-être, si nous prenons conscience de ce qui est en jeu, de la manière dont nous le montre l’évangile d’aujourd’hui, ne nous sentons-nous plus tellement prêts à chanter le Credo qui sera dans cette assemblée l’écho de la parole de Pierre. Allons-nous laisser chanter les autres et garder nos lèvres fermées ?

Souvenons-nous alors de ce que dit Jésus : si nous formulons cette confession de foi, ce qui veut dire encore une fois, si nous nous engagerons à en vivre ensemble et chacun en particulier, c’est que quelque part au fond de nous-mêmes le Père nous révèle ce que nous allons confesser et forme en nous l’image de son Fils. Saint Paul nous dit aussi que nul ne peut, sinon dans l’Esprit, confesser « Jésus est Seigneur ».

Aussi bien, si cet épisode de Césarée nous remplit de crainte (comme Pierre, Jacques et Jean au Thabor), c’est bien, car il s’agit de la Révélation du Fils qui nous est faite par le Père dans l’Esprit, et la crainte de Dieu nous envahit. Mais la crainte de Dieu chasse la peur et la pusillanimité ; elle remplit d’amour et de foi et ouvre sur l’espérance.

Aujourd’hui, à cause de cet évangile qui nous a ét proclamé avec la force du Verbe de Dieu, mouvons-nous chanter ensemble maintenant le Credo comme nous ne l’avons jamais encore (2014-08-24)

Homélie du 17 août 2014 — 20e dim. ordinaire — Frère Matthieu
Cycle : Année A
Info :

ANNÉE A - VINGTIEME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

1ère lecture : Isaïe 56,1 et 6-7

2ème lecture : Lettre aux Romains 11,13-15 et 29-32

Évangile selon saint Matthieu : 15,21-28

Homélie de F.Matthieu

Texte :

Dimanche après dimanche, la liturgie nous propose, à travers une lecture suivie de l’évangile selon saint Matthieu, des figures-modèles pour notre foi.

Dimanche dernier, c’était Pierre, capable de s’engager sur la parole de Jésus à marcher sur les eaux… vite rattrapé par sa peur et finalement son ‘peu de foi’ selon l’expression de Jésus, mais sauvé finalement par son cri : ‘Seigneur, sauve-moi !’, qui dit mieux que tout sa foi… fragile mais présente !

Aujourd’hui, c’est une cananéenne, une étrangère, non-juive, qui est notre modèle ; païenne mais qui d’entrée pourtant interpelle Jésus, comme Fils de David, et comme sauveur possible de sa fille sous l’emprise du démon… mais la voilà éconduite, de manière brutale par Jésus, qui oppose sa condition d’étrangère à ce qu’il nomme ‘sa mission’ ‘d’envoyé seulement aux brebis perdues de la maison d’Israël !’ et la traite de façon presqu’insultante !

Mais, merveille de lucidité plus encore que de persévérance, la femme reconnaît son statut de « petits chiens », indignes du pain des enfants… mais revendiquant de manger les miettes qui tombent de la table…

Et Jésus va célébrer sa foi accomplie, et guérir sa fille, toute étrangère au peuple d’Israël qu’elle soit !

Mais pourquoi cette rebuffade insultante de Jésus ?

Sans doute d’abord, pour pousser cette femme à aller au bout de sa foi, en la soumettant à l’épreuve. Ce n'est pas évident pour une Cananéenne d'aller demander un miracle à un prophète d'Israël, encore moins de s'adresser à lui comme "Seigneur, fils de David". Mais c’est surtout l'humilité dont elle fait preuve : ‘petits chiens, oui, mais les petits chiens mangent les miettes...’, c’est cette humilité qui l’emmène au sommet de la foi.

C’est ce chemin de confiance et d’humilité qui la conduit jusqu’à sa vérité humaine, exclue de la table, et jusqu’à la reconnaissance que seul Jésus peut sauver, et Jésus témoigne de la justesse de cette itinéraire de foi : ‘Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux.’

Et le chemin de foi, l’exemple que nous donne cette femme, vient nous rappeler, à nous aujourd’hui, cette vérité essentielle : le salut de Dieu est un don gratuit, un don que Dieu réalise selon son dessein et sa volonté ; personne n’est en droit d’exiger quoique ce soit, car tous nous sommes radicalement ‘pécheurs’ et le reconnaître est le premier pas de la foi.

Paul le rappelle plus clairement encore dans le passage de la lettre que nous avons entendue. Les païens que nous sommes ont ‘jadis désobéi à Dieu’, mais aujourd’hui, c’est la désobéissance d’Israël, qui a entraîné sa ‘mise à l’écart’, qui est devenu ouverture pour les nations païennes, leur permettant d'entrer dans l'Alliance, de bénéficier de la miséricorde de Dieu. Et Paul voit plus loin ; il sait que ‘les dons de Dieu et son appel sont irrévocables’, il sait surtout que ce qui est essentiel, c’est la miséricorde de Dieu, et il peut donc voir déjà qu’un jour, à cause de la seule miséricorde de Dieu, Israël ‘sera réintégré’.

Le texte de Paul met en lumière des paradoxes divins : la désobéissance des uns, est l’occasion pour Dieu, de faire triompher sa miséricorde pour les autres, et cette désobéissance même permet finalement à la miséricorde de Dieu de s’offrir à tous gratuitement, pour que finalement tous obtiennent miséricorde, car c’est le seul moyen de salut !

Dieu ne fait pas de différence entre les hommes : nous sommes ‘tous enfermés... dans la désobéissance’ (tous, juifs et païens, nous sommes pécheurs), et c'est paradoxalement ainsi que triomphe la Miséricorde de Dieu, qui offre, à tous, gratuitement, le salut en Jésus, mort et ressuscité, offerts pour nos péchés !

La foi de la Cananéenne nous enseigne à nouveau ce que nous sommes, coupés de la guérison et du salut, écartés de Dieu, mais elle nous enseigne surtout que nous pouvons, que nous devons faire fond sur la volonté miséricordieuse de Dieu qui a tout mis en place pour nous sauver.

Cette miséricorde de Dieu qui dépasse tout, il faut simplement – si l’on peut dire – y croire et l’accueillir dans sa gratuité toute puissante : elle est le seul chemin du salut.

Dans la lumière de cette Miséricorde, manifestée dans le Christ, nous pouvons tout ensemble reconnaître notre ‘désobéissance’, notre péché, et recevoir, dans l’action de grâce, la gratuité de notre guérison, de notre ‘réintégration’ dans la vie de Dieu, la ‘vie pour ceux qui étaient morts’ !(2014-08-17)