Homélies
Liste des Homélies
2ème Dimanche de Carême Année C 24 février 2013
Luc 9.28b-36 La transfiguration
Homélie du Frère Antoine Courcier
Frères et Sœurs,
Comme pour nous aider à mieux vivre le Carême.. les lectures que nous venons d’entendre, évoque un même thème :
• La première nous parle d’ Abraham… qui à l’appel de Dieu… bouleverse sa vie, devient un nomade à la recherche de la terre où Dieu l’envoie.
Adorateur d’idoles, Abraham entre en rupture…avec son passé, il devient un adorateur inconditionnel du vrai Dieu et accepte de lui être lié par une alliance.
• La 2ème lecture, s’adresse directement à nous. Elle est une sorte de bilan de Santé dans
dans lequel Paul, en bon médecin des âmes, nous invite lui aussi à une Rupture, à une opération radicale : Prendre notre vie en mains… Regarder où nous en sommes ! car « Beaucoup de gens, dit-il (parlent-il des chrétiens ?) vivent en ennemis de la croix du Christ. Leur Dieu… c’est leur ventre… ils ne tendent que vers un but...les choses de la terre.. or nous, nous sommes des citoyens des cieux »
**Frères et sœurs, qui d’entre nous, ne se sentirait pas concerné par ces paroles ?
• La troisième lecture, évoque une expérience qui va se révéler un bouleversement pour Pierre, Jacques et Jean, venus prier avec Jésus sur la montagne.
Dans l’intimité de ce lieu ,ils découvrent soudain leur maître rayonnant de la gloire divine.
Ils entrent alors en Rupture totale avec ce qu’ils connaissaient de Lui. Il était Jésus de Nazareth…..et Il est l’Elu…le Messie… le Messie annoncé…
Couverts par l’ombre de la nuée, ils apprennent alors de la voix du Père que.. Jésus est son propre Fils dont il convient désormais d’écouter la Parole.
A la lumière de ce récit, qu’allons- nous faire sur notre route vers Pâques… ?
Faire plus…faire … mieux ?.. Continuer notre vie habituelle ? Ou bien …faire l’effort de
Rechercher ce à quoi nous appelle la Parole…
Rechercher Celui au nom duquel nous avons été baptisé ?
L’Evangile de la Transfiguration a en effet une portée pédagogique en nous donnant l’image de trois ruptures qu’implique toute recherche de Dieu ?
• La première, est celle de
…Sortir de notre sommeil, ce sommeil qui accable les disciples précise le texte, sommeil,
symbole réaliste de nos limites, de nos manques d’efforts et de ressorts spirituels.
• La seconde est celle de
…S’ouvrir à la connaissance du Christ glorieux et de ce moment chaleureux de communion avec le maître, en prenant sur ce qu’il y a de plus précieux en ce monde : notre temps.
Un temps pour offrir au Seigneur une prière plus fidèlement entretenue, un temps de partage avec ceux qui en ont besoin, un temps de jeûne dont Gandhi disait à ceux qui en demandaient le sens: « Le jeûne, c’est faire prier notre corps. »
• La troisième rupture est :
…D’Accepter de demeurer dans l’ombre de la nuée, dont les apôtres eurent une si grande frayeur, c’est-à-dire, de vivre notre Foi dans une totale confiance, vivre notre Foi au sein de cette obscurité spirituelle où retentira la Parole du Père à nous adressée personnellement et où se révèlera jour après jour, l’identité de celui que nous cherchons, l’identité de celui que nous voulons aimer, et qui ne se dévoile que dans l’ombre, mais l’ombre lumineuse, de la nuée. (2013-02-24)
Mercredi des Cendres 2013-02-13
Homélie du Père Abbé Luc
De la cendre à la lumière, du mercredi des cendres au dimanche de Pâques. Tel est le chemin sur lequel nous nous engageons ce matin, frères et sœurs. En nous mettant sous le signe de la cendre, ce matin, nous reconnaissons notre finitude : nous ne sommes que poussière ; mais dans le même temps nous confessons notre foi et notre espérance : le Christ ressuscité veut nous faire partager sa gloire, poussière que nous sommes. En nous mettant sous le signe de la cendre, nous reconnaissons aussi combien nous avons besoin de revenir au Seigneur et de raviver notre foi et notre espérance en sa puissance de résurrection.
Durant ces quarante jours, tout orientés et fixés sur la lumière de Pâques, nous allons avancer avec le désir de ne pas passer à côté de la grâce qui nous est offerte. Sous le signe de la cendre, nous acceptons de nous laisser désarmer, pour accueillir de façon nouvelle la parole et la force de l’Esprit. De notre poussière, de notre finitude offerte, nous sommes entrainés dans l’Alliance. «Laissez-vous réconcilier avec Dieu pour ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu » en Christ, nous dit Paul. Il se peut qu’intérieurement on entende une petite voix mesquine insinuer : «mais à quoi bon, c’est tous les ans la même chose, rien ne change dans ma vie ». La terre colle à nos chaussures et se fait parfois pesante, voire très encombrante. Mystère de la glaise d’où nous sommes tirés.
Elle a son poids et son rythme, ses lenteurs. Dieu le sait puisque c’est lui qui nous a façonnés. Mais il n’a de cesse de nous entrainer vers une existence plus lumineuse et renouvelée par son Amour. Car cette glaise que nous sommes est vivifiée de l’intérieure, depuis notre baptême, par l’Esprit du Christ ressuscité. Déjà elle est habitée par cette vie qui la transfigure entièrement lors de la résurrection finale. C’est à cette vie secrète et profonde qu’il nous faut sans cesse revenir. Cette vie est comme un feu reçu gratuitement qu’il nous revient d’entretenir. Et ce carême en est une occasion favorable. Il se présente comme une pédagogie, un entrainement pour raviver et entretenir le feu. Et de quel bois disposons-nous pour alimenter ce feu ? Le bois mort de nos suffisances pour que le feu les transforme en confiance. Le bois mort de nos repliements offert au feu qui peut nous ouvrir à l’échange et au partage. Le bois mort de tous nos «à quoi bon» pour que le feu nous redonne la joie des enfants de Dieu. Le carême est ce temps privilégié pour repérer tout le bois mort de nos vies. L’invitation à la prière, au jeûne, et au partage veut remettre en évidence toutes nos branches mortes, toutes nos résistances à la vraie vie. Si nous consentons à les offrir au feu de l’Esprit, à les laisser devenir «cendre», nous allons retrouver en nous de nouvelles énergies, celle du Saint Esprit. Nous pourrons alors être renouvelés plus en vérité par les célébrations pascales. La vie du Christ ressuscité s’offre à nous et veut vivifier toutes nos parts mortes !! (2013-02-13)
Année C – 5 dim Ord C – 10 fév.2013
Is 6 1-8 ; 1 Co 15 1-11 ; Lc 5 1-11
Homélie du F.Sébastien
Trois lectures magnifiques qui nous font participer à trois rencontres de Dieu avec des hommes.
Ce sont dans l’ordre historique,
la rencontre de Dieu avec Isaïe au temps du premier testament,
puis celle de Jésus encore sur terre, avec Pierre, lors de la pêche miraculeuse.
Enfin, celle du Christ ressuscité avec St Paul et d’autres disciples.
L’étonnant c’est que les trois lectures commencent toutes par la vision de quelqu’un qui s’est donné à voir, que toutes se continuent par une plongée dans l’univers du péché aussitôt suivi du pardon, et se terminent toutes par un envoi en mission.
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Dans la première lecture,
Isaïe commence par raconter qu’il a eu une vision, évidemment une vision spirituelle: « Je VIS le Seigneur Dieu assis sur un trône élevé, les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se criaient l’un à l’autre « Saint, Saint, Saint, le Seigneur de l’univers . Toute la terre est remplie de sa gloire. » ISAIE se trouve mis en présence du Dieu transcendant, tout autre, séparé de tout, invisible. Celui dont le mystère est impénétrable.
C’est cela même qui déclenche le 2e temps de la rencontre
Confronté au mystère éblouissant du Dieu du ciel Isaïe en reçoit, en contraste, une révélation douloureuse sur son propre mystère de créature humaine. « Malheur à moi, je suis perdu ! Je suis un homme impur. » J’ai vu... le Dieu qu’on ne peut voir sans mourir.
Mais Dieu n’est pas un destructeur. Au contraire, il envoie aussitôt un de ses séraphins toucher les lèvres de son prophète avec un charbon incandescent, accompagné de paroles inouïes : « Ta faute est effacée, ton péché est pardonné. » Mais quelle faute et pourquoi ce pardon si peu mérité ?
Peut-être perçoit-t-on la voix de Dieu qui murmure à l’intime de la conscience d’Isaïe : « Cela tu ne peux pas le comprendre maintenant, tu le comprendras plus tard, quand ta vie avec ton Dieu t’aura peu à peu ouvert les yeux sur lui et sur toi »
L’homme pardonné est un homme libéré, remis à flot, prêt pour la suite,
pour le 3e temps, celui de la vie nouvelle qui est toujours une mission.
Isaïe raconte :
« Alors, j’entendis la voix du Seigneur demandant : « Qui enverrais-je, qui sera mon messager ? » « Je répondis : “Me voici, envoie-moi” ». C’est pour Isaïe le début d’une nouvelle vie...
FIN de la première rencontre...
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LA 2E, celle de Jésus avec Pierre déroule pareillement ses trois temps.
Après la pêche dans la nuit noire, rien dans les filets, désespérant, retentit, à l’aube, l’ordre insensé donné par Jésus : « Jetez les filets pour prendre du poisson ». La parole fait surgir une vision :
les assistants médusés ont devant les yeux les filets pleins à craquer et Jésus debout avec les filets à ses pieds. Arrêt sur image. « Voyant cela, écrit Luc, Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus...
2e temps :
la manifestation du mystère de Jésus provoque en Pierre la révélation de ce qu’il est lui-même en face de son Seigneur, d’où son cri : « Éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. »
Pécheur, non d’avoir commis un péché cette nuit-là, n’a-t-il pas obéi héroïquement ? Mais il se découvre, tout comme Isaïe, comme tous les pécheurs, dans sa radicale incompatibilité avec la sainteté de Dieu qui vient à lui.
Exclu ? Non,
prêt pour le troisième temps : choisi pour la haute mission.
« Pierre, ne crains pas ! Désormais ce sont des hommes que tu prendras », des hommes pécheurs comme toi. Des hommes auxquels tu donneras le pardon de Jésus, des hommes que, comme Jésus, tu enverras en mission.
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RESTE LA 3E RENCONTRE
Celle-là se déploie en épisodes. Ce sont, sous forme d’apparitions, les rencontres du Christ ressuscité avec Paul de Tarse ou des disciples. Paul les évoque dans sa 1ère lettre aux Corinthiens, avec un leitmotiv : « Il est apparu ». Je cite :
« Après sa Passion et sa résurrection Jésus est apparu à Pierre, et ensuite aux Douze ,..il est apparu à plus de 500 frères à la fois,...il est apparu à Jacques, ... il est apparu à tous les apôtres, ...il est apparu à moi... le dernier de tous.
le 2e temps enchaîne et ramène Paul à l’affreuse révélation de Jésus qui lui était apparu comme celui qu’il avait persécuté. Du coup, ses yeux s’ouvrent sur lui-même, et il reconnaît : « Je suis le dernier des apôtres, moi qui ai persécuté l’Église de Dieu. » Cette fois-ci, son péché il le connaît !
Mais, emporté par le génie qu’il a de retourner les situations, avec sa belle fierté de pécheur pardonné, il en vient immédiatement au 3e temps qui le passionne, sa mission :
« Mais, par la grâce de Dieu je suis ce que je suis. Oui, j’ai travaillé plus que tous les autres. Non pas moi, mais la grâce de Dieu en moi. » Paul, Jésus, Dieu ne font plus qu’un.
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Et la 4e rencontre ? Eh bien ! elle est en cours, c’est la nôtre... avec ses trois temps.
Dieu a toujours l’initiative, qu’il se montre sur un trône de gloire ou en habit de promeneur matinal le long d’un lac ou d’un trottoir, ou comme une voix : « Je suis celui qui.., Celui que tu... Celui qui t’envoie... Celui qui se fait désirer ... du désir de voir Dieu et d’en mourir....de joie ! »
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(2013-02-10)
Année C - 4° Dimanche du Temps Ordinaire - 3 février 2013
Jér 1 4-5,17-19; Ps 70; Lc 4 21-30
Homélie du F.Sébastien
« Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais ; ...je t’ai consacré... ».
Ai-je bien entendu ? « Avant même de te former dans le sein de ta mère....»
Qui a écrit cela ? Un homme, Jérémie, dont la parole est conservée à jamais dans le livre des Écritures pour que nous puissions la faire nôtre.
Mais qui est Celui qui peut dire : « Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais ». Qui ? Sinon Celui qui nous a créés, notre Dieu.
Sans nous en rendre compte, par le miracle de la liturgie, nous avons déjà fait nôtre le plus étonnant des dialogues, celui d’un homme qui donne la parole à son Dieu pour que son Dieu lui parle !
Si Jérémie ose faire dire à son Dieu de telles paroles, c’est parce qu’il sent que c’est Dieu lui-même qui lui souffle ce qu’il doit dire, par le biais de ce qui est consigné dans la mémoire d’Israël sous la forme des psaumes.
Avons-nous conscience que tout à l’heure quand, en réponse à la première lecture, nous chantions l’admirable psaume 70, nous étions devenus comme un nouveau Jérémie parlant avec son Dieu. Nous étions sous le regard de notre Père rêvant sur un berceau : « Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais ».
Tous, nous sommes nés au cœur des psaumes, bercés par la psalmodie inlassable de l’Église notre mère. C’est en eux que nous grandissons jour après jour. Les psaumes sont de tous les baptêmes, de chaque eucharistie, présents dans les mariages, les enterrements, lors des fêtes ou des pires détresses. Les psaumes sont notre bouillon de culture.
Les psaumes nous font entrer en résonance avec toute la Bible. C’est là que nous apprenons notre condition humaine, le destin que nous partageons avec Jérémie, avec Jésus : tous pétris de la force-même de Dieu et de la faiblesse de notre humanité de chair et sang.
Jérémie est fort de l’assurance que Dieu lui donne : « Tes adversaires te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi... » Ce « Je suis avec toi » traverse toute la Bible de part en part et dit l’alliance indéfectible. Surtout dans les épreuves.
Je pense à Jérémie jeté dans une citerne sans eau. Il s’enfonce dans la vase et va connaître une mort affreuse ! « Ne crains pas, je suis avec toi... ». On l’a sorti de ce caveau, hissé avec des cordes, pour faire voir le Dieu qui peut dépêcher des sauveteurs. (Jérémie chap. 37 - 38) Mais d’autres ne virent personne venir à leur secours et connurent des morts parfois affreuses, tel Jésus. Lui aussi fort et faible.
Dans la synagogue de Nazareth, il parle avec la force de l’Esprit Saint, admiré de tous, jusqu’au moment où le Satan débouté une première fois sur le pinacle du temple, retourne brusquement contre lui ses compatriotes pour une deuxième tentative. Furieux, ceux-ci l’empoignent et l’entraînent vers un escarpement qui servira encore de pinacle, pour le précipiter en bas... Le troisième pinacle sera celui du nouveau temple, la croix sur laquelle Jésus sera élevé... Il y donnera sa vie, pendant que les croyants de tous les temps priaient et continuent de prier le psaume 22 : « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure... ».
Et voilà que Jésus glisse entre les mains de ses meurtriers de Nazareth... Comme porté par les mains des anges du psaume 90, il franchit sans encombre le ravin de la mort jeté sous ses pas, et continue... sa route... bâton en main...
C’est le début de la longue route qui le conduira à Jérusalem pour y mourir et y être déposé dans un caveau, d’où il sera emporté par la main des anges jusqu’auprès de son Père qui l’attendait, bras grands ouverts, victoire accomplie.
Je vous laisse avec quelques mots de Maurice Zundel :
« Notre-Seigneur, dans sa fragilité, marche vers Jérusalem, le regard fixé sur la Croix. Et il sait très bien que la plus haute manifestation de la puissance de Dieu qui est tout amour, c’est cette défaite inimaginable qu’il va connaître quand il va mourir sur la Croix, folie qui dépasse toute sagesse parce que nous atteignons au cœur de la générosité. » (2013)
Année C - 3e dimanche du temps ordinaire
Ne 8 1-10 ; 1 Co 12 12-30 ; Lc 1 1-4, 4 14-21
Homélie du F.Sébastien
La liturgie, est-ce que cela sert vraiment à quelque chose ? Beaucoup de nos contemporains répondent sans hésiter : à rien d’autre qu’à entretenir des illusions dépassées ! Mais nous, que dirions-nous ?
De ce point de vue, les lectures de ce dimanche me semblent très intéressantes. Tout d’abord parce qu’elles déroulent sous nos yeux deux liturgies, à la fois exceptionnelles et typiques.
Dans la première lecture, nous sommes au cinquième siècle avant Jésus Christ, au retour de l’exil d’Israël en Babylonie. Là bas les exilés avaient tout perdu : leur roi, leur identité nationale, leur terre, avec Jérusalem la ville sainte, où Dieu avait établi sa demeure, leur temple où se déroulaient les magnifiques liturgies avec les sacrifices d’animaux. Mais voilà que ces privations radicales avaient recentré les exilés sur ce qui leur restait : essentiellement la loi de Moïse enchâssée dans le trésor des Écritures, qui d’ailleurs continuait de se développer. Des hommes de grande valeur spirituelle, les scribes, dont le plus célèbre est Esdras, accompagnaient une étonnante créativité religieuse. On vit apparaître des réunions de prière qui, chaque sabbat, réunissaient la communauté locale, pour des liturgies de suppléance qui prenaient forme. Il s’agissait d’un service religieux, sans prêtre, sans sacrifice, ne comprenant que des prières, des lectures, des homélies, et des chants. Quelque chose d’assez proche de nos actuelles liturgies de la parole sans eucharistie. Le culte s’intériorisait, avec l’expérience dominante, celle d’une nouvelle présence de Dieu au milieu des siens.
Ceci dit, nous pouvons revenir au film que la première lecture déroule sous nos yeux, avec force de détails, afin que nous puissions y participer comme si nous y étions. Effectivement, la merveille de la liturgie, c’est qu’hier c’est aussi aujourd’hui, encore plus aujourd’hui qu’hier. Nous tous qui sommes ici en ce moment, nous sommes aussi à Jérusalem, sur la place devant la Porte des eaux, parmi la foule : la place est noire de monde : des hommes, des femmes, des enfants. Et voici qu’apparaît le prêtre Esdras : il apporte solennellement le livre de la Loi de Moïse. Il monte sur l’estrade installée pour la circonstance. Je lis : « Tout le monde le voyait, – nous aussi – car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. (Restez assis !) Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand et tout le peuple, levant les mains, répondit : “Amen, Amen !” – Plus inattendu – Esdras fit la lecture dans le livre depuis le lever du jour jusqu’à midi. Il lisait un passage, puis les lévites donnaient des explications et l’on pouvait comprendre… – Résultat : – Tout le monde pleurait en entendant les paroles de la Loi ». Des pleurs sur le péché national dont chacun prenait conscience qu’il y avait sa part, mais surtout des pleurs de joie, d’enthousiasme, en sentant la vie, cette vie nouvelle qui envahit les cœurs lorsqu’ils sont ouverts à la Parole du Seigneur. Nous-mêmes venons de le chanter avec le psaume :
« La Loi du Seigneur est parfaite,
qui redonne vie…
Les préceptes du Seigneur sont droits,
ils réjouissent le cœur, »
Pourquoi ? Parce que ce qui nous est raconté, et offert en partage n’est rien d’autre qu’une célébration de renouvellement de l’Alliance de Dieu avec son peuple, autrement dit une liturgie parfaite. Dieu s’y rend présent dans sa Parole, sa Parole proclamée, commentée, écoutée, accueillie avec amour. Dieu donne ainsi une nouvelle vie aux rescapés de toutes les catastrophes de l’histoire humaine. Le peuple des sauvés commence une nouvelle étape, une étape qui n’est pas sans rapport avec la nôtre aujourd’hui. La liturgie va de commencement en commencement.
Dans la seconde lecture, nous sommes transportés à Nazareth. Un deuxième film se déroule en surimpression sur le premier. Un certain Jésus, dont la renommée ne cesse de grandir, entre un sabbat dans la synagogue de son village. Il se lève pour faire la lecture, ce n’est sans doute pas la première fois qu’on le lui demande. Nous le voyons ouvrir, comme Esdras, le livre des Écritures, tomber sur le passage d’Isaïe. Nous l’entendons lire, comme jamais encore lecture n’avait été faite. « L’Esprit du Seigneur est sur moi… » Il est aussi sur les auditeurs et Jésus le sait. Il sait qu’il peut compter sur l’Esprit Saint pour leur faire comprendre que, en la circonstance, le lecteur qu’il est ne relit pas une fois de plus le texte célèbre d’un prophète d’autrefois, mais qu’il parle de lui-même, de sa propre personne, de sa vocation, de son programme dont la seule proclamation est une inauguration. Il parle et, à mesure qu’il parle, cela s’accomplit. Dans la synagogue, la Bonne nouvelle est entendue par les pauvres pécheurs qui y sont rassemblés, qui sentent leurs prisons s’ouvrir, des aveugles voient. La grâce des temps nouveaux roule à pleins bords.
Elle enveloppe toute l’assemblée, l’unifie en un seul corps, un corps joyeux animé par l’Unique Esprit. L’Esprit s’occupe de tous, de chacune et de chacun, personnellement, pour leur faire prendre conscience de leur valeur irremplaçable, des dons qui leur sont confiés pour le bien de tous. Pour un nouveau départ, ensemble, en corps constitué par l’Esprit.
Is 62, v 1-5 ; 1 Co 12, v 4-11 ; Jn 2, v 1-11
Homélie du Frère Jean-Noël Bouloy
Il y avait un mariage à Cana . Ne comptez pas sur Jean pour vous raconter une noce campagnarde. Ce n’est pas son souci. On le sent bien à la manière solennelle dont il couronne son récit : Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit, c’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire. Et ses disciples crurent en Lui .
Jean ne parle pas non plus de miracle. Il évite même le mot, de peur qu’on aille s’égarer dans le fabuleux. Un SIGNE donc. Mais c’est quoi un signe ? Comme une pancarte : elle ne vous arrête pas, elle vous pousse plus loin – ici, plus profond - et là Jean nous le dit clairement, terriblement plus loin : Il manifesta sa gloire .
La gloire. Attention. Oublions nos glorioles. Dans les Écritures, la gloire, c’est ce qui éclate, quand Dieu se fait connaître. C’est l’éclat, le rayonnement, le trop de lumière ; plus, c’est la présence éclatante, massive, indubitable. Gloire partiellement manifestée, à bien des reprises et de bien des manières autrefois aux pères, aux prophètes, maintenant définitivement révélée en Jésus-Christ, et que Jean entreprend de nous faire «toucher» comme il dit – à travers les sept signes rapportés dans son Évangile. Sept, la plénitude. Tout sera dit. Rien d’autres à attendre : le dernier mot de Dieu Sa Parole.
A Cana donc le premier signe. Commencement. Pas seulement parce que c’est le premier de la série. Commencement parce que en ces temps qui sont les derniers, il y a quelque chose qui change, et qui change tellement que Jean ne trouve rien de mieux pour le faire entendre que d’évoquer la Genèse. Commencement . Et pour Jean, c’est très important, de nous le dire, de nous y préparer. Car comment accéder au grand signe, à la révélation dernière – si déroutante - de la gloire du septième signe : la croix, la mort, la résurrection. (Notez le clin d’œil de Jean : Marie était là au premier signe. Encore là au dernier. Debout, croyante.) Comment donc accéder au dernier signe (témoignage du sang et de l’eau) si on n’est pas prêt à bouger, à se bouger. Oui, c’est important pour Jean de nous y préparer. C’est peut être le sens que ce premier signe nous dira : Attention, il y a du changement dans l’air. Ca va changer . Et pour nous le dire très fort, un comble : de l’eau changé en vin – oui un comble. Du jamais vu.
L’eau des ablutions, l’eau des purifications. Et Dieu sait s’il y en avait de ces purifications : avant le marché, après, les plats, les coupes, l’intérieur, l’extérieur, les mains, jusqu’au coudes, les pieds jusqu’à la tête (St Pierre). On ne serait jamais assez pur. Six jarres, il fallait. Pas sept, car il n’y a pas de purification parfaite, il ne faut pas rêver. Donc six jarres de purification, changées en vin. Et pas n’importe lequel. Pas le vin qu’on boit à la mi-temps du jour, pour se redonner du cœur à l’ouvrage, vin de la peine et du travail des hommes. Encore moins, le vin qu’on se boit en cachette, au plus noir de sa vie, vin de honte et de misère, non. Le vin de la fête, fort, qui fait chanter et danser, le fils ainé aux mains pures dut-il en crever de jalousie. Du vin de noces, tous ensembles à la face du soleil. Oui, les six jarres de la purification impossible changées en coupe de bénédiction débordante, coupe d’alliance. Alliance nouvelle, éternelle. La grande nouveauté. Le changement qu’évoque, annonce ici, la noce. La fête inaugurée, la musique et les danses d’une communion restaurée, en mieux. Ce n’est pas une comédie dont on sortirait vidé dans le matin gris une fois éteints les derniers flonflons. C’est plus que le deuil changé en danse dont parlaient les Psaumes ? C’est ce qui n’était pas monté au cœur de l’homme. C’est le vieux rêve de Dieu prenant corps d’une alliance éternelle avec nous tous. Du jamais vu encore. On comprend que Jean nous avertisse : Attention, ça va changer . Une alliance nouvelle. Et pour qu’on n’en doute pas, pour qu’on voie bien de quoi il s’agit, la première lecture, en écho insiste, précise comme un jeune homme épouse une jeune fille, celui qui t’a construit t’épousera.
Comme un jeune homme ! Dieu comme un jeune homme ! Quel est ce païen qui est allé nous le peindre : vieillard, vieille barbe, vieilles rides et cheveux blancs, réplique parfaite de ces vieilles divinités romaines aux fontaines de Rome ? Dieu comme un jeune homme amoureux. Rappelons nous, ailleurs, dans l’Évangile cet amoureux, amoureux d’une perle et son coup de folie pour sa perle achetée à grand prix, dira Paul. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. Si on pouvait ne retenir que ça : tu seras la joie de ton Dieu .
Cela valait la peine que Jean nous avertisse : ça va changer. Et on le voit bien, lorsque les premiers disciples de Jésus, bousculés par l’Esprit, auront bien déchiffré tous les signes –jusqu’au dernier (le grain broyé, le sang versé) les gens diront : Mais ils sont pleins de vin ! La ferveur de la joie trouvée leur avait changé la tête.
Alors la morosité de notre foi ? Nos mauvaises craintes, entretenues, cultivées, comme de gens épiés, jugés ? Alors nos disputes entre frères chrétiens ? Dérisoires. Jésus n’a pas fini de changer l’eau de nos vies. Pas en eau bénite. Mais en vin de fête : Tu seras la joie de ton Dieu ou, comme on entendait dimanche dernier Tu es mon fils bien-aimé .
Vous comprenez alors pourquoi dans les monastères il est de tradition de servir du vin à table, le dimanche de Cana - et encore à nos obsèques. Ce n’est pas du folklore. C’est célébration de la foi. Tu seras la joie de ton Dieu, il aura en toi sa joie et son allégresse. Il dansera pour toi avec des cris de joie comme cela nous a été dit en Sophonie peu avant Noël.
Le commencement des signes. Nous ne sommes pas au bout den nos surprises. Une alliance nouvelle, éternelle.
L’Eucharistie, maintenant, l’annonce, la célèbre, la chante, rend grâce au Père en nous y introduisant par le Christ, avec Lui, en Lui.
Amen
Marie, Mère de Dieu - 1° janvier 2013
Nbres 6,v22-27; Gal 4, v 4-7; Lc 2, v 16-21
Père Abbé Luc
Des textes entendus, je voudrais retenir trois mots qui peuvent nous aider à entrer dans cette année nouvelle, et pourquoi pas nous accompagner. Ce sont les mots : bénir, fils, et méditer, tirés des lectures.
Bénir. Dans le livre des Nombres, on a ce beau passage, dans lequel Dieu enseigne à Moïse comment bénir les Israélites de sa part : Que le Seigneur te bénisse et te garde, qu’il t’apporter la paix . Dieu désire bénir son peuple, mot à mot il désire dire des bonnes choses, de bonnes paroles. Et pour Dieu dire, c’est aussi faire. Donc Dieu désire dire t faire du bien à on Peuple. En commençant cette année, il est bon de nous remettre sous cette conviction. Dieu nous donne sa Parole au jour le jour. Il veut faire du bien à travers sa Parole. S’il en est ainsi, on peut se demander : et si nous aussi nous apprenions à bénir, à dire du bien aux autres pour leur faire du bien ?
Fils. Et Dieu a été bien loin dans la bénédiction, il nous a donné sa Parole, le Verbe fait chair, Jésus –Christ né d’une femme. Voilà la Parole qui pouvait nous apporter le vrai bien : la vie divine. En Jésus le Fils, Vraie Parole du Père, nous devenons nous aussi des fils. Des fils capables de dire à Dieu Père . L’Esprit Saint veut nous rendre toujours plus libre intérieurement pour dire père toujours plus en vérité. Et si durant cette année, nous acceptions de nous libérer de certains de nos esclavages, de ces liens qui nous empêchent de vivre, selon notre dignité de fils de Dieu ?
Méditer. Dans la crèche, la venue des bergers a été l’occasion d’un joyeux échange sur l’évènement de la naissance de Jésus. Les bergers ont rapporté les parole des anges avec une telle joie que tous ont été remués. Marie retient tous ces évènements en son cœur. Le verbe méditer en grec veut dire mot à mot jeter ensemble . Marie jette tout ce qu’elle entend et tout ce qu’elle voit dans son cœur. Elle retourne toutes ces paroles en son cœur pour mieux les comprendre, mieux les goûter. Elle est toute ouverture à la vie qui se déroule autour d’elle et par elle. Sans tout savoir à l’avance, elle apprend à recueillir le sens des évènements. Et si durant cette année, nous apprenions comme Marie à davantage écouter et laisser résonner ce que nous entendons et vivons ? Si nous apprenions à méditer davantage en notre cœur les évènements de notre vie à la lumière de la Parole de Dieu? Pour ne plus courir après la vie, mais nous laisser enseigner par elle sous l’éclairage de la Parole.
Heureux de célébrer en ce jour, Marie Mère de Dieu et notre mère, nous nous confions à son intercession pour marcher sur notre route.
SAINTE FAMILLE 30 DECEMBRE 2012
Sam 1, v 20-28; 1Jn 3, v 1-2; Lc 2, v 41-52
Homélie du F.Hubert
Fin des évangiles de l’enfance, chez st Luc.
Etonnant évangile pour fêter la Sainte Famille ! Mais comment l’Evangile ne serait-il pas étonnant ? Il n’est pas un récit d’histoires édifiantes : il est le témoignage de l’œuvre de salut accomplie en Jésus, le Nazaréen, fils de Dieu né de Marie.
Certes la dernière phrase : Jésus grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes , peut conforter l’image spontanée que nous avons d’une sage Sainte Famille.
Encore que le fait que Dieu vive comme un enfant et un homme ordinaire, pendant 30 ans, dans une modeste bourgade de Galilée, n’a rien de naturel , de convenable …
Si le père auquel Jésus se réfère est son Père du ciel, les évangiles nous soulignent bien que Jésus a eu un vrai père humain qui l’a élevé, fait grandir, l’a entouré de tendresse et d’amour, en qui il a pu avoir toute confiance pour grandir en humanité, sous le regard de Dieu et des hommes.
Rôle irremplaçable de Joseph pour que le Fils de Dieu soit vraiment homme. Vérité de l’Incarnation.
Mais, au milieu de ses années ordinaires à Nazareth, voici que Jésus, venu avec ses parents pour la fête de la Pâque, reste à Jérusalem à leur insu, sans qu’il leur en dise rien.
Etonnant ! St Luc cependant ne nous parle pas de la fugue d’un adolescent : il nous parle déjà de la Pâque de Jésus, de son chemin pascal.
Par son oui lors de l’Annonciation, Marie a dit oui à l’imprévu de Dieu dans sa vie. Joseph, de son côté, a répondu dans la foi à l’annonce de l’ange : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, car l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. » Quels bouleversements dans leur vie !
Sara s’était dit : « Comment pourrai-je encore enfanter, vieille comme je suis ? » Marie, elle, a immédiatement donné toute sa foi à la parole de l’ange : « L’Esprit viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. » Elle a dit oui à l’imprévu, à ce qui humainement était impossible. Elle a cru que Dieu pouvait susciter en elle un enfant sans qu’elle soit charnellement unie à Joseph. Elle a accepté que cet enfant qu’elle allait porter, dont elle allait être la mère, soit d’origine divine. Dans son corps même et dans tout son être, elle a fait l’expérience que Jésus était le fruit de la puissance du Très-Haut, et qu’il ne lui appartenait pas. Mais son chemin d’intelligence du mystère de son Fils était cependant loin d’être achevé.
A Bethléem, les bergers, au Temple, Siméon, ont eu des paroles de lumière et de feu, éclairantes et brûlantes. Marie les a gardées et méditées dans son cœur, cherchant à comprendre, dans l’amour et la confiance, ce qui la dépassait. Elle a fait confiance sur cela même qu’elle ne comprenait pas.
A douze ans, après le quotidien d’une enfance « ordinaire », Jésus lui-même lève un peu le voile sur son propre mystère. Au moment de passer de l’enfance à l’âge adulte, ce n’est plus par des tiers qu’il se manifeste, mais par lui-même. Par ce récit, Luc nous signifie que toute la vie de Jésus est une Pâque, un exode vers le Père, que toute sa vie, il monte à Jérusalem, que sa maison, son lieu de vie, c’est le Père lui-même.
S’il en coûte à ses parents de l’avoir perdu, il lui en coûtera bien plus encore de prendre définitivement le chemin de Jérusalem : après s’être entretenu, lors de la Transfiguration, avec Moïse et Elie, « de son départ qui allait se réaliser à Jérusalem », il « prit avec courage la route » de cette ville où il allait remettre son esprit dans les mains du Père.
« Ne savez-vous pas que c’est chez mon Père que je dois être ? » sont les premières paroles de Jésus rapportées par st Luc ; les dernières, après la promesse au bon larron, seront : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit. » Le Père est sa demeure propre ; toute son œuvre est de nous y introduire avec lui.
D’autres paroles surprendront à nouveau Marie mais la trouveront toujours ouverte et méditant dans son cœur : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui entendent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique. » 8, 19-21
Plus que « la mère qui m’a porté dans ses entrailles, heureux ceux qui entendent la parole de Dieu, et qui la gardent ! »
« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. »
Que Marie et Joseph nous apprennent jour après jour, de plus en plus profondément, quelle est notre origine et vers qui nous allons, quelle est notre demeure, et le visage de Celui qui est notre Source et notre But ultime.
Le P. Denis, quand il était notre Abbé, nous accueillait souvent par ces mots : « Alors, fils de Dieu ! » J’aimais beaucoup cela. Nous n’avons pas de titre plus beau et plus vrai que celui-là. Nous sommes fils de Dieu bien plus profondément encore que nous ne sommes fils de nos parents de la terre.
Mes bien-aimés, voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes.
Vigiles de NOEL 2012
Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
Homélie du P.Abbé Luc
Frères et sœurs,
Nous venons d’entendre cette page d’évangile qui nous relate la naissance de Jésus, le Messie, alors que Quirinius était gouverneur de Syrie. La Syrie. Comment entendre la Bonne Nouvelle de la venue du Prince de la Paix, en songeant à ce pays pris aujourd’hui dans les affres de la violence, comme d’ailleurs bien d’autres dans le monde, au Congo démocratique ou au Mali… Si cette page d’évangile garde toute la fraicheur bouleversante d’une nouveauté offerte, elle garde aussi tout son poids d’enracinement dans l’histoire humaine. Entre les pays de Judée, de Galilée et Syrie souffrant de l’occupation romaine, et les conflits qui ensanglantent encore le Moyen Orient aujourd’hui, la différence est mince d’un point de vue politique. En ce 25 décembre 2012, nous accueillons donc dans un aujourd’hui tout aussi présent, l’annonce de la venue de notre Dieu, désarmé et dépouillé…enfant dans une mangeoire. Comme nous l’avons chanté, c’est aujourd’hui qu’un Sauveur nous est né . En faisant mémoire de ce qui s’est passé il y a 2000 ans, nous croyons que c’est encore aujourd’hui que Dieu vient nous visiter. Celui que le prophète Isaïe annonçait comme le Merveilleux conseiller, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la Paix , nous l’accueillons dans la certitude qu’il continue d’agir dans ce monde…
Peut-être me direz-vous, mais pourquoi depuis le temps de sa venue, son règne établi sur le droit et la justice n’a-t-il pas triomphé ? Pourquoi notre monde est-il encore aux prises avec tant de violences ? Je n’ai pas de réponse devant ce pourquoi, mais j’ai une conviction de foi : le Christ, venu dans la chair, et qui a triomphé de la mort par sa résurrection, ne cesse d’accompagner les générations qui naissent et qui meurent. Il ne cesse de naitre à leur histoire pour les entrainer dans une nouvelle naissance, celle de la mort à la vie, celle de l’injustice à la justice. Ainsi génération après génération, il vient par son Esprit soulever notre pâte humaine. Alors se lèvent des témoins de son règne de justice et de paix. Des hommes et des femmes, de l’ordinaire le plus souvent, qui ont rendu possible la vie là où elle était compromise, qui ont risqué la leur pour que d’autres vivent. Ces témoins n’ont pas d’autres armes que leurs mains vides pour aimer et pour se donner. Telles des lumières, plus ou moins grandes, ils offrent des repères autour d’eux. Ils réconfortent par leur manière d’être et de vivre. Ils donnent la paix qu’ils accueillent eux-mêmes d’abord, souvent au prix d’un vrai combat personnel et communautaire…Et ces témoins, c’est aussi chacun de nous, si nous le voulons, si nous laissons la Paix et la Lumière du Christ nous habiter. St Paul disait cela avec ses mots : La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. C’est elle qui nous apprend à rejeter le péché et les passions d’ici bas… Oui, depuis sa venue dans notre chair, le Christ ressuscité ne cesse de faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien . En cette nuit de Noël, en pensant à nos frères chrétiens de Syrie, et à tous les hommes de bonne volonté de ce pays, nous pouvons avec eux, devenir plus ardent à faire le bien au service du règne de justice et de paix, au service du Sauveur qui vient de naître. Là où nous sommes, sans prétention. En contemplant le Christ venu sous les traits de la faiblesse, apprenons la grandeur de la vulnérabilité. Accueillons la force du silence et la lumière de la simplicité. Ce sont les armes des serviteurs de l’Enfant de la Crèche, le Sauveur du monde. Si la vie nous éprouve, si la santé se fragilise, si les difficultés sont une tentation de baisser les bras, revenons à ce lieu de fraicheur native, vers la crèche de tous les possibles. Notre impuissance n’a pas effrayé notre Dieu. Il l’a faite sienne. Et il désire nous apprendre à l’habiter dans la confiance. Là il nous offre sa vie divine en germe.
Frères et sœurs, en cette eucharistie, nous faisons mémoire de la venue du Christ, et du pouvoir transformant de sa résurrection. C’est lui de nouveau que nous accueillons. Faisons lui une place généreuse.
Immaculée Conception - Gn 3,9-15.20 ; Ep 1,3-6.11-12 ; Lc 1,26-38
Père Abbé Luc
Je crois que c’est jacques Loew qui disait : Il n’est pas facile de parler de la Vierge Marie. Seuls les saints, les poètes et les théologiens savent bien le faire .
Ce matin, pour parler de cette fête, célébrée au cœur de l’Avent, je voudrais prendre appui sur des poètes qui nous gratifient dans la liturgie d’hymnes particulièrement remarquables.
Nous contemplons Marie, pleine de grâces comblée d’une manière si unique qu’elle est l’aurore qui annonce le seul jour qu’est le Christ.
En sa demeure illuminée, elle fait place à celui dont la Gloire rayonnera pour le salut de notre race.
Femme promise au début des âges, elle est le première des sauvés.
Le sang du Christ la rachète et l’illumine, ce sang dont elle est la source.
Les temps nouveaux tressaillent en elle, l’Avent mystérieux du Royaume à naître.
Devant sa beauté radieuse, nous tous, nous nous émerveillons. En elle, Marie, se dessine la figure de l’Eglise. La fiancée sans tâche ni ride. En elle, nous contemplons déjà la création transfigurée.
Elle qui a bâti sa demeure dans les vouloirs du Père, elle nous apprend à n’opposer aucune peur, aucun refus à l’œuvre de grâce.
Elle nous entraine à n’avoir avec elle qu’un cœur rempli d’ineffable attente.
Marie servante et souveraine, servante parce que souveraine. Souveraine parce que servante.
Elle s’offre comme un miroir très pur de la gloire du Père. Dans sa lumière, nous voyons la lumière du Fils, Seigneur et Serviteur.
Sa docilité nous montre l’Esprit à l’œuvre quand il la prend sous son ombre et doucement la garde.
Vierge bénie, toi qui ravis le cœur de Dieu , toi en qui l’amour de Dieu rejoint nos vies, et les prend dans la sienne, fais nous la joie de partager l’exultation de ta louange.
Voici l’aurore
Mère Immaculée
Pleine de grâce
Toi qui ravies le cœur de Dieu
(préface de la messe du 8 décembre)