Homélies
Liste des Homélies
14e dimanche année C 7 juillet 2013
Isaïe 66, 10-14 Gal. 6, 14-18 Luc, 10, 1-12 ; 17-20
Homélie du F.Ghislain
Tous les passages de l’Evangile ne sont pas également clairs : parfois le sens littéral nous échappe un peu, parce qu’il y a trop d’allusions à un monde qui n’est plus le nôtre. Parfois, même si nous croyons comprendre, nous ne savons pas bien quoi faire de ce qui nous est dit. C’est peut-être le cas pour les instructions que Jésus donne à ses 72 disciples que nous venons d’entendre. Elles ne nous semblent pas très cohérentes en elles-mêmes et pas très applicables à nous.
Essayons cependant de comprendre un peu. « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ». Phrase impressionnante : « je vous envoie au carnage ». A l’école autrefois, on apprenait les fables de La Fontaine, et nous étions tout tristes de l’issue de celle qui se nomme « Le loup et l’agneau » :
Là-dessus, au fond des forêts,
Le loup l’emporte et puis le mange
Sans autre forme de procès.
Aujourd’hui encore, nous voyons bien que le proverbe du début de la fable se vérifie trop souvent : La raison du plus fort est toujours la meilleure.
Alors, pourquoi Jésus envoie-t-il ses disciples, - et nous aujourd’hui, comme des agneaux au milieu des loups ?
Pour résister aux loups, mais, davantage : pour les apprivoiser, Notre Seigneur n’invite pas ses disciples à s’armer et à se cuirasser. Il leur demande plutôt une légèreté qui fait penser à celle du jeune David affrontant le géant armé avec seulement cinq cailloux dans sa poche. Simplifiez au maximum votre vêtement, ne faites aucune provision, évitez les bavardages, ne choisissez pas vos points de chute à l’étape. Ne pensez qu’aux personnes vers qui vous allez et au message que vous avez à leur délivrer : le Royaume de Dieu est proche. En d’autres termes : soyez simples, directs, paisibles et pacifiques. Alors, il sortira de vous une force de guérison et votre parole portera son fruit. L’agneau, de cette manière et seulement de cette manière, sera victorieux du loup.
Jésus ne demande rien à ses disciples que lui-même n’aurait pas été ou n’aurait pas fait. Chaque fois que nous communions à l’Eucharistie, nous entendons la formule « Voici l’Agneau de Dieu », et nous pouvons nous remémorer sa parole : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ». Nous nous rappelons que, au moment de son procès, devant les loups qui l’entouraient menaçants, il a gardé le silence : « comme une brebis devant ceux qui la tondent, il n’ouvre pas la bouche » dit le prophète Isaïe (53, 7).
Ce qui nous est proposé ici, c’est le combat de la douceur ; ou, mieux peut-être, ce qui nous est offert, c’est le don de la douceur, au travers duquel nous serons en mesure de vaincre les loups et d’annoncer l’Evangile ; plus largement peut-être : d’être évangile, d’être bonne nouvelle dans nos rapports quotidiens avec tous.
J’aimerais laisser ici la parole à Ahénagoras, qui était patriarche de Constantinople durant le Concile, qui a rencontré le pape Paul VI à Jérusalem et a beaucoup contribué à détendre les rapports entre l’Eglise d’Orient et celle d’Occident. Voici ce qu’il disait :
La guerre la plus dure, c’est la guerre contre soi-même. Il faut arriver à se désarmer. J’ai mené cette guerre pendant des années. Elle a été terrible. Mais je suis désarmé. Je n’ai plus peur de rien, car l’amour chasse la peur. Je suis désarmé d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur les richesses… Si l’on se désarme, si l’on se dépossède, si l’on s’ouvre au Dieu-Homme qui fait toutes choses nouvelles, alors lui efface le mauvais passé et nous rend un temps neuf où tout est possible.
« Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair », dit Jésus à ses disciples lorsqu’ils reviennent d’une mission pendant laquelle ils ont suivi ses consignes. Il me semble que chacun de nous, en fin de compte et pas seulement le patriarche Athénagoras, pourrait dire la même chose. Ne nous est-il pas arrivé parfois, dans des moments où nous étions dans la grâce et dans la vérité, de toucher la douceur, soit dans les autres, soit en nous-mêmes, d’expérimenter une sorte de libération intérieure par rapport aux esprits de tristesse, de défiance, d’exigence qui trop souvent nous habitent ? Comme si l’homme de l’Evangile, et même l’homme tout court, renaissait en nous, et qu’alors tout devenait simple. Satan tombait du ciel, l’Esprit du Christ faisait chez nous sa demeure et l’évangile pouvait être annoncé.
Essayons aujourd’hui à la fois de relire l’évangile de ce dimanche, de redonner vie aux moments bienheureux où nous en avons expérimenté la vérité, de continuer, en tous cas, le combat intérieur grâce auquel l’agneau est vainqueur du loup..
13ème dimanche du temps ordinaire, année C
Jubilé de profession monastique à la Pierre-qui-Vire, 30 juin 2013
Homélie du F.Bernard
Dans notre assemblée de ce matin il y a comme trois groupes. D'abord la
communauté de la Pierre-qui-Vire. Cette église est son lieu. Là elle se réunit matin et soir,
jour et nuit, sept fois par jour selon saint Benoît. Je suis heureux de la retrouver, ma
communauté, après deux ans d'absence, fidèlement attelée à sa tâche de prière et
d'intercession, de travail et de vie fraternelle, dans une belle persévérance. Je suis heureux
de retrouver sa belle liturgie.
Il y a aussi ma famille, venue m'entourer en ce jour où est célébré mon jubilé de
profession monastique. En fait la date anniversaire, 50 ans depuis ma première profession,
à l'Ascension 1962, tombait l'an dernier, le 5 avril 2012. J'étais à la Bouenza et mes frères de
là-bas ont marqué l'évènement de façon imprévue et bien sympathique. Je sais qu'ils
s'associent en ce jour à cette célébration qui nous réunit.
Il y a encore dans notre assemblée bien d'autres personnes, retraitants ou voisins
habitués des eucharisties du dimanche à la Pierre-qui-Vire.
Trois groupes donc, mais une seule assemblée, une seule communauté, à l'écoute de
l'unique Parole de Dieu que nous avons entendue, parole de vie, quel que soit notre âge et
notre place dans l'Eglise et la société. Nous l'avons reçue pour fortifier notre foi, raviver
notre espérance, faire grandir e nous la charité;
Une parole de Dieu, rarement facile à entendre, sinon jamais. Celle de ce matin ne
fait certes pas exception à la règle Nous avons entendu le Seigneur nous prévenir que le Fils
de l'homme n'a pas où reposer la tête, et qu'il nous faut laisser les morts enterrer les morts.
Plus on avance en âge, plus on a eu la possibilité d'étudier l'Evangile, plus il peut nous
paraitre hors de notre portée. L'Evangile résiste. Notre raison lui résiste, notre volonté lui
résiste. Mais si l'Evangile ne résistait pas, nous l'écouterions d'une oreille et le laisserions
partir de l'autre. Mais il résiste et nous force à nous situer face à celui qui est la Parole de
Dieu, le Verbe, Jésus-Christ C'est bien lui que nous entendons chaque fois que l'Evangile
nous est annoncé. C'est bien lui que nous proclamons quand, à la fin de l'Evangile, nous
disons: « Louange à toi, Seigneur Jésus»
Une parole de Dieu qu'il nous faut toujours resituer dans son contexte, l'Ecriture
dans son ensemble. C'est tout particulièrement vrai ce dimanche où les paroles de Jésus en
particulier sont à entendre en continuité avec ce que nous dit la Bible au sujet des prophètes
Elie et Elisée, plus spécialement la vocation d'Elisée que nous rapportait la première lecture;
C'est comme l'illustration vivante de cette autre parole de Jésus: « Je ne suis pas venu abolir
la Loi ou les Prophètes, je ne suis pas venu abolir mais accomplir ».
Après la profession de foi de Pierre à Césarée, Jésus avait déjà annoncé très
clairement à ses disciples ce qu'il allait vivre à Jérusalem, sa passion et sa résurrection. Il
avait ajouté que tout disciple, s'il voulait le suivre, devrait emprunter le même chemin, se
renoncer à soi-même et prendre sa Croix, la croix du Christ. Langage exigeant! C'était
l'Evangile de dimanche dernier.
Aujourd'hui Jésus prend résolument le chemin de Jérusalem. Il affermit sa face en
prévision des épreuves qu'il va subir. Suivent trois petits dialogues, trois récits de vocation si
l'on peut dire, où l'on peut repérer les deux éléments de toute vocation: un appel qui vient
en nous, d'au-delà ou d'en de ça de nous, et une décision qui vient de nous. Encore faut-il
qu'appel et décision soient en correspondance. Si une décision de vie n'est pas précédée
d'un appel intérieur, elle risque de ne pas aller bien loin. Si un appel ne se prolonge pas en
décision, il engendrera le trouble, la tristesse, comme celle qu'a connu le jeune riche de
l'Evangile.
Ces paroles de Jésus ne concernent pas seulement quelques-uns dans l'Eglise qui
seraient à part des autres. Un chrétien est, de par son baptême, un appelé, il a la vocation à
suivre le Christ. La deuxième lecture le disait magnifiquement: la vocation chrétienne est
une vocation à la liberté. Dans le Christ, nous sommes appelés à la liberté, non pas pour
satisfaire des égoïsmes mais pour nous mettre au service les uns des autres, dans l'amour.
Libérés pour aimer.
Mais permettez-moi en ce jour d'ajouter des mots plus personnels, d'abord à ma
communauté, la Pierre-qui-Vire ici présente, mais j'y ajoute mes frères de Chauveroche, et
bien sûr les frères de la Bouenza. Je pense aussi à la Pierre-qui-Vire du ciel. En 50 ans tant de
frères avec qui nous avons fait communauté nous ont précédés devant Dieu! Nous ne les
oublions pas. A ma communauté je voudrais dire ma très grande reconnaissance pour toute la
confiance que j'ai reçue ici d'elle, d'abord de mes trois Pères Abbés successifs qui sont ici
présents, puis de mes frères. La confiance fait grandir, elle libère, elle permet d'aller plus
loin. La réponse à la confiance, c'est le propos religieux d'obéissance, une obéissance rendue
à Dieu à travers des médiations humaines, celle de l'Abbé puis celle des frères. Quand je suis
arrivé au monastère, il y quelque huit jours, le P. Abbé commentait le matin au chapitre
RB 72, avec cette consigne de saint Benoît: « Les frères s'obéiront à l'envi les uns aux
autres ». Il y a là comme la révélation d'un secret, le secret de la vie monastique selon saint
Benoît. Pas d'obéissance vraie sans amour. Pas d'amour sans obéissance. Et cette obéissance
rendue d'abord à l'Abbé, s'étend à tous les frères; elle est finalement présente en toutes
nos relations humaines. Merci à nos Pères Abbés successifs d'avoir fidèlement commenté la
Règle.
J'ajoute maintenant un mot à l'adresse de ma famille. Ici trois générations sont
représentées. D'abord mes frères, mes sœurs, mes belles-sœurs, mon beau-frère. Trois
d'entre eux se sont engagés dans le mariage. Quant à ma sœur Ludovine, Petite Sœur de
Jésus, elle m'a suivi dans la voie de la vie religieuse. Il manque des neveux; il manque encore
plus des petits neveux. D'autres obligations les ont retenus. Mais ils sont de cœur en
communion avec nous.
Je voudrais là encore rendre grâce à Dieu pour la grande entente qui règne entre
nous frères et sœurs, belles-sœurs et beau-frère. Cette entente, il me semble l'avoir sentie
grandir au fil des années, dans la diversité de nos tempéraments et de nos itinéraires. Une
entente faite d'affection certes, mais aussi de respect, de soutien mutuel. Nos parents
avaient beaucoup désiré que la Pierre-qui-Vire fut le point de ralliement familial.
Aujourd'hui, ils se réjouissent certainement de notre rencontre. Je crois que l'entente de
notre génération est ce que nous pouvons transmettre de meilleur aux générations
suivantes.
C'est à la plus jeune génération que je voudrais m'adresser pour terminer. Plusieurs
sont maintenant ou seront bientôt à l'âge où les décisions qui engagent l'avenir
commencent à se prendre. Je leur souhaite de faire de bonnes études. C'est important pour
avoir une compétence professionnelle. Je leur souhaite aussi d'acquérir une culture. C'est
important pour humaniser la vie. La plupart sans doute s'engageront dans la voie du
mariage. Je leur souhaite de fonder des familles heureuses, généreuses, signes de l'amour
qui vient de Dieu. Si tel ou tel, dans la ligne de l'Evangile d'aujourd'hui, entend un appel à un
don plus radical pour le Christ et l'Evangile, qu'il n'étouffe pas cet appel, qu'il le laisse se
préciser, qu'il prenne le temps et les conseils pour le vérifier, dans la paix, la prière, et dans
la reconnaissance de la présence de Jésus-Christ en lui.
Le plus grand don que nous avons reçu est le don de la foi. Vous l'avez reçu dans le
baptême, de ceux qui vous ont précédés, par votre éducation. La foi n'est pas une
possession dont nous pourrions disposer à notre gré, et la remiser dans le grenier quand
nous n'en voyons plus l'usage. La foi est un don de Dieu que nous recevons chaque jour,
auquel nous devons donner une réponse chaque jour, que nous devons mettre en œuvre
chaque jour.
Rendons grâce au Seigneur pour la révélation de son Amour. Rendons grâce pour nos
fidélités humaines qui se fondent sur la fidélité de Dieu.
Fête de st Pierre et st Paul - 29 Juin 2013
Homélie du Père Abbé Luc
Dans un beau texte entendu cette nuit, Christian de Chergé s’émerveillait du fait que l’Église ait tenu à unir dans une même célébration liturgique les apôtres Pierre et Paul et que cet instinct n’ait jamais cédé devant les divisions de l’Église. « Les Églises ont pu se séparer, elles ne les ont pas séparés. Ils sont là dans toutes les traditions orthodoxes, réformées et catholiques pour défier nos divisions ».
Cette célébration manifeste, concluait-il l’Unité de l’Église, telle que l’Esprit Saint la conçoit sans cesse « unité des tempéraments différents, des opinions parfois opposées comme à Antioche, des champs d’apostolat très divers tournés vers les fils d’Israël ou vers les Gentils ».
A la source de cette Unité, il y a une même grâce, celle d’avoir été saisi par le Christ pour Paul sur le chemin de Damas et pour Pierre à travers le compagnonnage avec Jésus avec ses moments forts comme celui de la confession de Césarée.
Pierre et Paul sont encore unis par un même élan missionnaire dans le désir d’annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus au plus grand nombre. « L’un et l’autre ont travaillé chacun avec sa grâce à rassembler l’unique famille du Christ » Chanterons-nous dans la Préface.
Enfin, Pierre et Paul sont unis dans le don total de leur vie jusqu’au J’ai tenu jusqu’au bout de la course, je suis resté fidèle disait Paul.
Ce matin nous rendons grâce pour ces deux piliers de l’Église qui dans leur grande diversité la fonde en unité. Dans cette Eucharistie venons à la source de leur unité : le sacrifice d’amour du Christ. Puisons là l’énergie de sa grâce toujours nouvelle, l’élan missionnaire pour partager cette Bonne Nouvelle et la force de tenir jusqu’au bout.
(2013-06-29 )
JUBILE de
50 ANS DE PROFESSION
Frère Rémi Gauthey
23.06.2013 - 12° Dimanche du Temps Ordinaire
(Za 12, 10-11 ; Ps 62 ; Ga 3, 26-29 ; Lc 9, 18-24)
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Un jour de jubilé de mariage ou de vie religieuse est toujours une belle occasion de méditer sur la profondeur de nos engagements humains et chrétiens. Entre le jour de l’engagement et le jour d’aujourd’hui, 10 ans, 20 ans 25 ans ou 50 ans pour notre frère Rémi se sont passés. Que d’évènements vécus ont déployé la grâce initiale reçue alors…que de joies éprouvées, que de combats aussi, car pas de vie sans combat pour la fidélité. F. Rémi exprimera cela après la communion dans son action de grâce. Je voudrais à la lumière de la Parole de Dieu entendue ce jour, essayer de rejoindre la profondeur de notre engagement monastique, ce qu’il veut nous permettre de déployer pour la gloire de Dieu. Je vais me laisser guider par le Psaume médité après la 1ère lecture.
« Dieu tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube ». Cette prière du psalmiste trouve une forte résonnance dans le cœur d’un moine. S’il entre un jour au monastère, c’est parce qu’il est habité par une forte quête de Dieu. Chacun de nous a fait l’expérience d’un appel sous des formes très différentes, appel pressant à chercher Dieu. Dire « chercher Dieu », cela veut dire qu’il y a toute une part d’inconnue dans cette démarche. On entre avec la forte conviction que ce genre de vie nous permettra de grandir dans l’amitié avec Dieu et dans la joie de le servir avec des frères, mais on cherche. La formation va aider à vérifier que ce désir n’est pas illusoire et qu’il est vraiment le moteur de notre vie. Nous laisser conduire par ce désir est notre joie car il nous élargit sans cesse. C’est aussi notre épreuve, car cela nous bouscule sans cesse. Nous sommes entrainés dans une marche, St Benoit parle même de course, où s’arrêter peut signifier abandonner. Aussi, comment demeurer vivant dans notre désir de chercher Dieu ? En demeurant toujours à l’écoute de sa Parole. « Chaque matin, la parole me réveille » dit le prophète Isaïe. Chaque jour, la méditation de l’évangile et des Ecritures vient nourrir et aviver notre quête. Comme à ses disciple, le Christ nous pose la question : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». Nous le savons, Jésus n’attend pas d’abord une réponse théologiquement correcte, mais il attend l’expression de notre cœur et de notre confiance en lui, en réponse à la grande confiance qu’il a en nous. Oui, la familiarité avec la Parole de Dieu veut nous faire grandir dans la familiarité avec le Christ, avec notre Père des cieux…de découverte en découverte, pour le chercher encore.
« Toute ma vie je vais te bénir, lever les mains en invoquant ton nom » poursuit le psalmiste…En quelques mots est exprimée ici ce qui a fait la première occupation et préoccupation de la vie de notre frère Rémi durant 50 ans…se tourner vers Dieu pour le chanter dans la prière de l’office, 7 fois par jour. Et f. Rémi nous a aidés à le faire en nous accompagnant à l’orgue. Oui, durant 50 ans, les premiers mots qui sont sortis de sa bouche, « dès l’aube », ont été pour Dieu lors de l’office des Vigiles ou de celui des Laudes. Là a été son bonheur et sa joie la plus profonde. Pour beaucoup, cette joie est difficile à comprendre. Comment est-ce possible de trouver de la joie, à venir à l’Eglise, entre 3 et 4 heures par jour, pour dire toujours les mêmes prières, semaine après semaine ? Cette joie, c’est la joie des enfants de Dieu qui, depuis le baptême, ont revêtu le Christ. Joie d’exprimer à Dieu notre Père, avec toute l’Eglise, notre reconnaissance pour le don de la vie et pour la grâce de la foi. Joie de recevoir les mots pour apprendre à nous tenir en sa présence. Joie de le chercher en le chantant. Et cette joie n’est pas exubérance facile ou superficielle. Elle est parfois inséparable d’un combat. Le combat des jours obscurs où soi-même on ne voit plus bien clair, où l’on vient à l’office avec des pieds de plomb, où la souffrance des hommes pèse tout son poids. La prière de l’office nous offre alors de pouvoir aussi déposer ces fardeaux, les nôtres et ceux des hommes. Devant notre Père, nous osons pousser les cris de détresse et douleur. Pouvoir le faire, fait grandir l’Espérance, et cela aussi est source de joie.
« Oui tu es venu à mon secours …Ta main droite me soutient… » Qui, mieux que le Christ, peut reprendre en vérité ces mots du psalmiste. Lui qui après avoir été rejeté par les anciens, tué, a été secouru par son Père qui l’a ressuscité. Et Jésus dans l’évangile, engage tous ceux qui veulent le suivre, à prendre leur croix, pour faire comme lui l’expérience d’être relevé par le Père, ressuscité par Lui. Notre vie chrétienne à la suite du Christ, quelle que soit la vocation, nous entraine à vivre cette profonde expérience du « qui perd gagne ». « Qui perdra sa vie pour moi, la sauvera ». Notre vie monastique offre une pédagogie propre faite de renoncement aux biens personnels, faite de dépendance vécue dans l’écoute et l’obéissance, faite d’une vie simple vécue dans le travail et le service mutuel, faite d’une vie fraternelle où l’on apprend à se recevoir des autres et à se donner à eux….Cette pédagogie nous éprouve et nous creuse, car il n’est pas facile d’apprendre à tout perdre pour tout recevoir de façon nouvelle…ce que nous expérimenterons de manière radicale quand nous mourrons et ressusciterons dans le Christ. F. Rémi, au sein de la communauté, tu apprends et nous apprenons avec toi et grâce à toi, cette vie à la suite du Christ. Cela demande du temps, car nous résistons souvent. Il n’est pas facile d’accepter de devenir vraiment libre, libre de cette liberté joyeuse de se donner tout entier. Nous mesurons ici la beauté de la fidélité à mener ce bon combat de la foi et de la vie monastique. Se donner jour après jour, jusqu’au Jour où le Père nous relèvera dans le Christ.
Ce matin, en disant merci à Dieu avec toi f. Rémi, pour ces 50 ans de vie monastique, pour sa fidélité qui nous accompagne toujours, nous présentons tout ce vécu en l’unissant à l’offrande du Christ en son eucharistie. (2013-06-23)
10e Dimanche du T. O. Année C, 9 juin 2013
Homélie du frère Hubert
Je te propose de choisir entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction.
Choisis donc la vie, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en t’attachant à lui.
Ainsi parle le Seigneur à son peuple Israël, dans le désert où il lui offrait son alliance.
Choisis la vie.
La vie est don de Dieu. Elle est aussi, de notre part, un choix.
Choix de croire en ce don de Dieu, malgré les apparences, malgré les épreuves, surtout dans les épreuves ; croire que Dieu n’a d’autre volonté que de nous donner la vie.
Aujourd’hui, St Luc nous montre Jésus, accompagné de ses disciples et d’une grande foule, faire route vers Naïm. C’est le cortège du Fils de Dieu, le cortège du Vivant, le cortège de la Vie.
En sens inverse, sortant de la ville, une autre foule accompagne une femme, portant en terre son fils unique. Elle a perdu et son mari et son fils. Plus de descendance possible. Plus d’avenir. Cortège de la mort.
Que va-t-il se passer à leur rencontre ?
Vont-ils se rencontrer ?
Jésus va-t-il se détourner, comme plus tard dans le même évangile de Luc, le prêtre et le lévite qui précèdent le samaritain compatissant ?
Dans nos vies, dans notre monde, quel est le vainqueur ?
Est-ce la vie, est-ce la mort ? Est-ce ce qui donne la vie, est-ce ce qui donne la mort ?
Loin de se détourner, Jésus fut saisi de pitié envers cette femme, comme le Dieu de tendresse et de pitié si souvent évoqué dans l’Ancien Testament.
La veuve ne fait rien, ne dit rien. Luc ne parle pas de sa foi, ne met aucune parole, aucune demande sur ses lèvres. La seule chose qui parle pour elle est sa détresse muette. Tout part de Jésus. L’évènement qui va se produire n’a aucune explication en dehors de ce qui se passe en Jésus : il est saisi de pitié. Comme Dieu qui a vu la misère de son peuple opprimé en Egypte, ou déporté à Babylone à cause de ses fautes.
Cortège de la vie ?
Luc évoque à de multiples reprises les foules qui font route avec Jésus. Cortège de la vie.
Mais nous savons qu’il présente la vie publique de Jésus comme une unique montée vers Jérusalem où il sera livré aux mains des hommes : le cortège du vivant est le cortège de celui qui donne non seulement la vie, mais sa vie.
La résurrection du fils de la veuve de Naïm peut nous paraître un acte facile pour Jésus. Dans le récit évangélique, il est clair qu’elle n’est possible que comme fruit de la Pâque du Christ, càd comme fruit du don que Jésus fait de lui-même pour nous ses frères pécheurs.
Jésus n’a vaincu la mort qu’en la traversant.
Et il l’a traversée en choisissant la vie, la vie qui lui vient et ne lui vient que de son Père :
Père, entre tes mains, je remets mon esprit.
La puissance de vie de Jésus ne lui vient que de sa foi absolue en l’amour de son Père,
en sa parole entendue lors de son baptême dans le Jourdain : C’est toi mon Fils : moi aujourd’hui je t’ai engendré. Cet aujourd’hui, cet engendrement, sont plus forts que toute rupture, tout péché, toute mort. Jésus a choisi de faire confiance à son Père, de ne recevoir que de lui. Il a choisi la vie.
Celle que rien ne peut tenir en échec.
Nous pouvons penser aussi à Marie, sa mère, qui a reçu dans ses bras son corps mort, supplicié.
Elle aussi a choisi la vie, a choisi de faire confiance à la parole de vie, à la promesse. Sa foi a devancé l’heure. Elle a reçu, au moment-même, toute l’humanité en filiation : Voici ton fils. Et trois jours plus tard, elle a exulté à la résurrection de Jésus.
Jésus s’avança et toucha la civière ; les porteurs s’arrêtèrent. Le chemin vers la tombe n’est plus possible. Jésus, appelé par Luc « le Seigneur », titre réservé au Christ ressuscité, ordonne au jeune homme : « Lève-toi. », du verbe même qui désigne la résurrection.
Jésus le rendit à sa mère, comme Elie avait rendu à la veuve de Sarepta son jeune enfant.
Jésus est le nouvel Elie, le prophète qui s’est levé parmi nous et par lequel Dieu a visité son peuple.
En lui, Dieu crée un ciel nouveau et une terre nouvelle… une Jérusalem de joie, un peuple d’allégresse…. Où l’on n’entendra plus de cris ni de pleurs.
Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. (Rm 8, 11)
C’est cette victoire que nous ne cessons de célébrer et de recevoir dans chaque eucharistie.
Nous sommes le corps nouveau que la Pâque de Jésus a engendré. La foule qui portait le mort hors de la ville peut faire demi-tour et entrer, avec la foule des vivants qui accompagne le Christ, dans la nouvelle Jérusalem, Temple de la vie.
SACRE COEUR -
07 Juin 2013
Ez 34,11-16; Rm 5, 5b-11 ; Le 15,3-7
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Dans un regard illuminé par la foi, l'Eglise nous invite aujourd'hui à regarder un cœur
humain ouvert, blessé par une lance pour y contempler le cœur de Dieu. Passer du regard
d'une réalité humaine à la contemplation du mystère de Dieu. Le cœur humain de Jésus mort
en croix est certainement, comme le disait hier f. Hubert, le cœur humain qui a parfaitement
accompli le commandement de l'amour. Par le don total de lui-même, Jésus a aimé Dieu de
tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et de toute sa force, jusqu'à son dernier
souffle. Et il a aimé ses bourreaux jusqu'à leur pardonner. S'il y a un cœur humain qui a aimé
vraiment, c'est bien le cœur de Jésus. Voilà ce que nos yeux voient et reconnaissent à la
lumière de toute la vie de Jésus.
Mais le regard ne s'arrête pas là. Dans la lumière de la résurrection de Jésus, nos yeux
contemplent sous le signe du cœur transpercé, une autre dimension de l'amour offert. Dans la
vulnérabilité de son cœur, Jésus, le Fils de Dieu, nous dévoile l'immensité de l'amour de Dieu.
Un amour à cœur ouvert. Un amour qui n'est que don. Un amour tout puissant dans sa
vulnérabilité.
Pour exprimer l'amour de Dieu pour son peuple, l'Ecriture a utilisé des images, celle
de l'époux, du père et de la mère de famille, ou encore comme aujourd'hui celle du pasteur.
Un pasteur qui ne se résout pas à perdre une seule de ses brebis et qui se met en quête de celle
qui est égarée ou malade. Il n'a qu'un désir: conduire ses brebis dans les meilleurs pâturages.
Jésus a repris à son compte cette image pour illustrer sa propre mission. Mais sur la croix, il
nous donne à voir jusqu'où va l'engagement du berger pour son peuple. Sur la croix, le berger
se fait agneau immolé, brebis d'abattoir. Sur la croix, il prend la dernière place du condamné
pour sauver tous les condamnés que nous étions. « Il est mort pour les coupables que nous
étions ». «Preuve irréfutable que Dieu nous aime », ajoute Paul. La blessure du cœur ouvert
est la signature définitive du Dieu Amour pour les hommes perdus que nous étions. Il n'y a
pas d'autre signature laissée à nos yeux de chair.
Mais la manifestation de l'Amour de notre Dieu ne s'arrête pas là. Il est une autre
signature de son Amour, c'est« l'amour de Dieu répandu dans nos cœurs, par l'Esprit Saint
qui nous a été donné». L'eau et le sang jailli du cœur ouvert préfiguraient le don de l'Esprit,
Amour de Dieu offert en partage à tous les hommes. L'Amour n'a pas de plus grande joie que
de susciter l'Amour. Dieu en nous donnant son Esprit d'Amour, se donne lui-même et nous
offre de devenir amour à notre tour. Non seulement Dieu sauve les condamnés que nous
étions, mais il veut nous rendre capable d'aimer comme Lui, par son Esprit répandu en nos
cœurs. Don insondable de son Amour pour nous qui savons si mal aimer en vérité. L'Esprit en
nos cœurs nous entrai ne à aimer comme Jésus, de don de nous-mêmes en renoncement, de
renoncement en offrande de nous-mêmes, jusqu'au cœur blessé peut-être par
l'incompréhension ou par l'opposition. Il veut faire de nos vies qui aiment des signatures de
l'Amour de Dieu offert aux hommes.
Dans cette célébration, venons avec confiance à la source de cet Amour, jailli du Cœur
du Christ. Si nous nous sentons faibles, il veut nous fortifier. Si nous sommes si peu capables
d'aimer les plus pauvres et les plus petits, il veut nous apprendre à nous donner. Son Amour
toujours offert à chaque eucharistie, veut nous renouveler, et nous attirer à son cœur. Là nous
puiserons « la joie aux sources vives du salut ». (2013-06-07)
Luc 9.11-17 Année C 2 juin 2013
La multiplication des pains
Homélie de Frère Antoire
Nous connaissons bien ce passage de la multiplication des pains, qu'a-t-il à voir avec notre
vie, en quoi peut-il nous concerner ?
Le premier verset nous précise Jésus parlait, du règne de Dieu à la foule.
Autrement dit l'Evangile commence par l'évocation d'un grand nombre d'hommes et de femmes qui,
tous convergent vers un but. Et Ce but est une personne.
Ces foules ont une grande valeur de symbole, on les retrouve fréquemment dans la vie de Jésus. Elles signifient toujours un désir une démarche.
Foules qui symbolisent toutes les attentes qui nous habitent.
Foules de Galilée qui nous révèlent un besoin, une quête d'une parole de vie, d'une présence,
d'une réponse à nos questions.
Foules qui révèlent cette faim de valeurs sûres, stables, qui nous sont absolument nécessaires,
dont l'absence pèse sur notre société comme sur celle du temps de Jésus.
Dans ces foules, tantôt une femme s'en détache et apostrophe Jésus, tantôt un homme s'avance,
demande la guérison de son enfant, un autre monte sur un arbre pour tenter de voir le maître.
Foules d'hier et de toujours qui nous rappellent que seule une démarche personnelle peut
permettre au Seigneur de prendre désormais l'initiative dans notre vie.
Jésus les accueillait et les guérissait
Etre accueilli c'est être reconnu.
Etre accueilli par Dieu c'est expérimenter qu'il n'est pas lointain, inaccessible mais qu'il veut
se découvrir à nous comme quelqu'un d'intime à nous-mêmes.
Nous qui formons cette assemblée, nous avons tous besoin de la guérison de nos plaies
secrètes, de nos blessures de l'âme, et l'Eucharistie est un des grands moments de la vie
chrétienne où nous devons demander au Christ de toucher nos plaies et de les guérir.
Jésus leur parlait du règne de Dieu. La parole engage tout l'être ; c'est dans la
parole donnée que le couple se construit, que le profès monastique s'engage devant Dieu et
devant sa communauté, c'est par la médiation de la parole que le mystère du don du corps et du
sang du Christ s'accomplit dans l'Eucharistie pour nous nourrir et nous guérir.
Ils mangèrent et furent tous rassasiés . Symbole du Christ pain de vie et de la
démesure du don et de l'amour de Dieu pour les hommes.
Il n'y avait au départ que cinq pains et deux poissons.
Image de notre bien modeste contribution à la geste de Dieu, mais, de ce peu, le Seigneur peut
faire jaillir une fécondité et une vitalité étonnante.
Il resta douze paniers.
Douze paniers qui continuent depuis deux mille ans à nous nourrir à chaque eucharistie.
Douze paniers qui nous disent avec force:
Comme les foules de Galilée, partez sans cesse à la suite de Celui qui seul peut combler vos attentes, les manques qui vous habitent, qui seul peut vous conduire à la Vraie lumière.
Offrez-lui vos cinq pains, vos deux poissons.
Et donnez-lui ainsi l'initiative de votre vie.
(2013-06-02)
Fête de la Sainte Trinité 26 mai 2013
Proverbes 8.22–31 / Romains 5.1–5 /: Jean 16.12–15
Homélie de F.Sébastien
Aujourd’hui c’est fête, et pas n’importe laquelle, c’est la fête bien personnelle de notre Dieu, le seul Dieu. Et ce qu’il a d’unique, c’est d’être Trois personnes en un seul Amour ! », un festival d’amour !
Tous nous savons que l’amour ne va pas sans secret, mais ici le secret est redoublé car c’est celui d’une intimité insondable, qui de plus n’est pas entre deux personnes, mais entre trois. Et le paradoxe est qu’elles brûlent de nous le révéler.
La fête d’aujourd’hui est pour cela une chance qu’elles ne sauraient manquer, – offerte à la mesure du désir bien personnel de chacune des Trois Personnes divines, mais aussi à la mesure de l’ouverture de nos cœurs. Ouvrons tout grand pour être introduits un peu plus dans mystère de l’intimité divine ! Du coup nous voici provoqués à l’impossible !
Impossible, car on peut, et cela s’explique, entendre en soi une petite voix sceptique, perfide : « Tout cela c’est bien joli, en théorie, mais pratiquement ? » Par quel miracle ?
Eh bien, c’est possible et même offert ! Comment ? Eh bien, par le miracle de la liturgie ! Car la liturgie nous donne des paroles inspirées par notre Dieu lui-même, pour nous faire participer, aujourd’hui même, aux relations des personnes divines, entre elles et avec les hommes. Ces paroles, l’Esprit Saint vient les murmurer en nous, déjà quand nous préparons les textes de notre messe, puis pendant la célébration. Ces textes devenus paroles vivantes nous enfantent à notre insu à la vie trinitaire.
Ainsi la première lecture, prise dans l’Ancien Testament, bien avant l’Incarnation du Fils de Dieu, nous transporte aux origines de la création du monde, avec l’évocation saisissante de la sagesse divine personnifiée : elle parle, et à travers ses paroles nous commençons à entrevoir que le Dieu Unique en son mystère n’est jamais solitaire, mais toujours accompagné.
Je cite : 22 « Le Seigneur Dieu m'a créée, au commencement de son œuvre, avant ses créatures les plus anciennes. 25Avant que les montagnes fussent affermies, avant les collines, j'étais enfantée. 30 J'étais à l'œuvre auprès de lui, me réjouissant chaque jour, et jouant sans cesse en sa présence. »
La seconde lecture nous plonge dans l’univers du péché et du salut accordé moyennant la foi en Jésus-Christ, le Fils du Père, la deuxième personne de la Trinité. Il n’est alors question que de relations, tant en Dieu qu’avec les hommes. C’est par Jésus que nous parvenons à l’espérance dont Paul dit, en une de ces formules dont il a le génie: « L’espérance ne trompe pas, parce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné. » C’est fait ! C’est donné ! L’Esprit Saint, la troisième personne de la Trinité, est là, en chacun, en chacune de nous, à l’œuvre pour nous diviniser. L’Esprit Saint, un maître en relations d’amour !
Dans l’évangile, c’est Jésus lui-même, la Parole du Père, qui s’adresse à nous. Par exemple en ces deux passages, qu’on pourrait méditer inlassablement.
Je cite :
16 12 « J’ai beaucoup de choses à vous dire encore, mais vous ne pouvez pas les comprendre maintenant. 13 Quand il viendra, lui, l’Esprit de Vérité, il vous conduira dans toute la vérité [...].14 Il me glorifiera, parce qu'il recevra de ce qui est à moi, et il vous l'annoncera. 15 Tout ce qui est au Père est à moi. »
Plus loin : « Voici que l'heure vient où vous me laisserez seul; pourtant je ne suis pas seul, parce que le Père est avec moi. » La collaboration entre les trois personnes divines est constante et totale.
En manière de conclusion, je vous laisse quelques lignes d’une lettre qu’Élisabeth Catez, devenue en 1984, la Bienheureuse Élisabeth de la Trinité, écrivait de son carmel de Dijon à sa jeune sœur sans oublier sa mère, le jour de la fête de la Sainte Trinité 1902 :
« Pour moi il n’est pas de fête semblable... Oui c’est dans ce grand mystère que je te donne rendez-vous. Qu’il soit notre centre, notre demeure. Je te laisse avec cette pensée du P. Vallée qui fera ton oraison... “Que l’Esprit Saint vous emporte au Verbe, que le Verbe vous conduise au Père, et que vous soyez consommés en l’Un, comme c’était vrai du Christ et de nos saints. Je vous embrasse, mes deux chéries”. p.76
Je termine par cette prière :
Père du Fils unique,
tu es vraiment notre Père
et nous sommes tes enfants de lumière.
Fils unique du Père, Jésus,
tu es vraiment notre frère
dès cette terre et pour toujours.
Esprit du Père dans le Fils,
Esprit du Fils dans le Père,
Esprit répandu dans nos cœurs,
tu es vraiment l'amour en nous
et tu palpites entre nous tous
pour nous faire Un.
La fête de la Sainte Trinité, c’est la fête de notre avenir !
Un avenir commencé dès ici-bas !
PENTECÔTE 19 MAI 2013
Ac 2,1-11; Rm 8, 8-17 ; Jn 14, 15-16. 23-26
Homélie du Père Abbé Luc
« Nous avons une dette, mais ce n’est pas envers la chair », ainsi parlait Paul, frères et sœurs, aux Romains. Nous avons une dette. Spontanément, nous n’aimons pas avoir des dettes. On voudrait rembourser le plus possible pour ne pas dépendre de notre créancier. Dans le mot créancier, il y a le mot croire…Le créancier nous a fait confiance en nous prêtant de l’argent, et nous ne voudrions pas trahir cette confiance. Ce matin, envers qui donc Paul affirme-t-il que nous avons une dette ? Si « ce n’est pas envers la chair », c’est donc envers le Saint Esprit, puisqu’il affirme que nous ne sommes plus sous l’emprise de la chair, mais sous l’emprise de l’Esprit…Nous n’avons pas de compte à rendre à la chair, mais à l’Esprit. Que veut nous dire Paul ? Il veut nous aider à prendre conscience que par notre baptême et par notre foi au Christ Ressuscité, nous sommes gratifiés de ce don merveilleux qu’est l’Esprit Saint. L’Esprit de Dieu, l’Esprit Saint habite en nous, non comme un dominateur, mais comme un hôte discret. Il vient en nous et nous fait confiance, comme un créancier, en nous offrant ses dons. Don de liberté, quand il nous libère de l’emprise de la chair avec ses tendances égoïstes. Don de vie, quand il nous partage la vie du Christ ressuscité, dès maintenant en attendant de rendre la vie à nos corps mortels à la fin des temps. Don de prière quand il nous entraine à nous tourner vers notre Dieu en l’appelant « Père ». On pourrait continuer la liste des dons du Saint Esprit. La tradition de l’Eglise s’est plue à essayer de les énumérer, en parlant des 7 dons du St Esprit…Mais la liste pourrait être plus longue, à tel point que le mot Don peut être un des noms du Saint Esprit. Il est le Don, celui qui est donné par le Père. Il est le Don en personne. Et il ne cesse de se recevoir et de se donner, dans l’échange d’amour entre le Père et le Fils.
Frères et sœurs, nous balbutions en disant cela. Si nous avons une dette envers l’Esprit Saint, comment allons-nous faire avec ce créancier divin ? Car nous sommes un peu comme cet homme de l’évangile qui devait à son maitre 60 millions de pièces d’argent. Impossible de rembourser, nous n’en sommes pas capables. Mais s’agit-il de rembourser ? Non, l’Esprit Saint ne vient pas en nous pour ensuite exiger quelque chose de nous. Il vient plutôt comme Celui qui nous fait confiance. Heureux sommes-nous quand l’Esprit Saint nous aide à comprendre que notre Dieu nous invite avec beaucoup de respect à entrer dans une autre vision des choses, de nous-mêmes et du monde. Sous l’emprise de la chair, nous sommes dans des rapports de force et de domination. Sous la conduite de l’Esprit qui nous respecte, nous découvrons la joie de l’alliance : Dieu me fait confiance, je peux lui faire confiance. Quand l’Esprit de Dieu me donne, il ne m’oblige pas à redonner ou bien à obtenir tel résultat. Mais il me fait comprendre et saisir de l’intérieur, que la vraie liberté sera de me donner à mon tour. Il ne m’impose rien par ses dons, mais il me laisse découvrir la joie profonde qu’il y a à laisser grandir en moi la paix, la douceur, la lumière, la force…Là où l’emprise de la chair me défigure, le don du Saint Esprit me rend mon vrai visage d’homme : un visage de fils du Père et un visage de frère pour les hommes. Oui, frères et sœurs, si nous avons une dette envers le Saint Esprit, c’est celle de lui faire confiance, de nous laisser faire par lui. N’ayons pas peur, il est infini respect car infini Amour. Entrons dans cette écoute et dans cette disponibilité intérieure avec joie, notre vie chrétienne s’en trouvera fortifiée et illuminée. Comme pour les premiers apôtres, elle s’en trouvera aussi plus heureuse de dire la Bonne Nouvelle du Christ Ressuscité.
En cette Eucharistie, nous venons à la source du don de l’Esprit, dans le mémorial de la mort et de la résurrection de Jésus. Dans l’Esprit Saint, rendons grâce pour ce don immense qui nous est fait. Dans le cœur des croyants que nous sommes, l’Esprit Saint continue l’œuvre d’amour qu’il a entreprise au début de la prédication apostolique. (2013-05-19)
Année C - Pâques - 7ème dimanche
Actes 7, 55-60 ; Apoc 22,12…20 ; Jean 17, 20-26
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs
Les 3 lectures que nous venons d’entendre nous mettent en présence de 3 témoins : Etienne, le premier martyr du livre des Actes des Apôtre, Jean, le voyant de l’Apocalypse, et Jésus dans le IV° évangile, à l’heure où il passe de ce monde à son Père. 3 témoins qui sont chacun dans une attitude de prière, les yeux levés vers le Ciel, contemplant et reflétant à leur manière la Gloire de Dieu, tout en laissant échapper des paroles fortes, profondes qu’il nous faut aujourd’hui encore recueillir et méditer si nous ne voulons pas perdre la valeur de ces témoignages et si nous sommes appelés à être témoins de l’Evangile à notre tour et à notre place.
Saint Etienne, tout d’abord, l’un des 7 diacres de la première église de Jérusalem. Le récit des Actes nous le présente comme le disciple parfait du Christ. Des signes et des prodiges marquent sa vie, ainsi qu’une prédication irrésistible de la Bonne Nouvelle. Un homme tout entier sous la mouvance de l’Esprit Saint. Mais ce sont surtout les derniers instants de sa vie, ses dernières paroles et sa mort violente qui le conforment plus étroitement à son Maître : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. Seigneur, ne leur impute pas ce péché », en écho aux propres paroles du Christ sur la Croix, remettant son souffle à son Père et pardonnant à ses meurtriers.
Etienne se déclare devant ses accusateurs comme le témoin du Fils de l’Homme, qu’il contemple dans les cieux grands ouverts, debout, à la droite de Dieu. Ce Fils de l’Homme renvoie à la vision prophétique de Daniel dans l’Ancien Testament, qui décrit de façon grandiose la venue d’un personnage céleste, s’avançant dans les nuées devant un Ancien, à l’heure du Jugement des rois et des peuples de la terre, dans une perspective apocalyptique. Jésus lui-même, à plusieurs reprises s’identifiera à ce Fils de l’Homme annoncé par Daniel. Mais alors que la vision du prophète se déroule dans un cadre glorieux et victorieux, à la fin des temps, Jésus, lui, opère une synthèse d’oracles de l’A.T. différents, voire opposés. « Le Fils de l’Homme doit souffrir beaucoup, être mis à mort, et, le 3ème jour, ressusciter d’entre les morts ». Ce Fils de l’Homme est alors à rapprocher du Serviteur Souffrant du chapitre 53 du livre d’Isaïe. Deux visages de témoins-serviteurs, correspondant aux 2 étapes du mystère pascal, où Jésus , et Etienne après lui, atteignent, par delà la mort, une vie glorieuse.
Pour Etienne donc, à l’heure de sa mort, la vision du Fils de l’Homme, debout à la droite de Dieu, a pu apporter au martyr une consolation et la promesse d’être introduit, lui aussi, dans la vie glorieuse du Ciel, auprès de son maître. La révélation se fait ainsi réconfort et annonce prophétique.
Dans la seconde lecture, Jean, le voyant-visionnaire de l’Apocalypse achève son livre dans une contemplation des cieux nouveaux et d’une terre nouvelle où règneront la Justice et la Paix. Il est le témoin pour sa communauté d’une attente, celle de la venue de Celui qui est l’Alpha et l’Omega, le Premier et le Dernier. Jean entend et rapporte la voix du Ciel qui lui dit : « Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange vous apporter ce témoignage au sujet des églises » Et Jean de répondre : « Moi, je témoigne de la vérité de tout ce qui est écrit dans ce livre. Et celui qui témoigne de tout cela déclare : Oui, je viens sans tarder. Amen ! Viens Seigneur Jésus ! »
Enfin , dans l’évangile, Jésus le 3ème témoin de la liturgie de ce dimanche, lève lui aussi les yeux vers le Ciel pour adresser à son Père sa grande prière pour l’Unité. Jésus, témoin parfait de l’Amour, de la Vérité et de la Gloire de Dieu. Tel, il se présentait, face aux questions de Nicodème au début de l’évangile : « en vérité, en vérité, je te le dis : nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu, et pourtant vous ne recevez pas notre témoignage. Si vous ne croyez pas lorsque je vous dis les choses de la terre, comment croirez-vous si je vous disais les choses du Ciel ? Et cependant, nul n’est monté au Ciel sinon Celui qui est descendu du Ciel : le Fils de l’Homme ! »
Frères et sœurs, en ce temps liturgique qui nous fait aller de l’Ascension à la Pentecôte, l’Eglise invite les croyants à penser au Ciel, à penser au lien qui unit la Terre et le Ciel.
A notre tour, comme Etienne, comme Jean, comme Jésus, nous avons à être des témoins de cette réalité du Ciel, où le Christ est monté pour nous y préparer une place et où il intercède pour nous, assis à la droite de son Père et Notre Père. C’est du Ciel que Jésus répand son Esprit sur chacun de nous et sur l’Eglise. Esprit de vérité qui procède du Père et qui rend témoignage de Lui. A notre tour, nous rendons témoignage, parce que nous sommes avec lui et que nous sommes pris en lui, dans sa prière pour l’Unité.
Penser au Ciel, ce n’est pas pour un chrétien se désintéresser des choses de la terre, se démobiliser pour se réfugier dans des rêves d’arrière-monde, comme l’ont reproché et dénoncé avec justesse des philosophies athées ou comme les anges le disaient aux disciples à l’Ascension : « Galiléens, pourquoi restez-vous à regarder le Ciel ? Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le Ciel. »
Penser au Ciel, tout en restant engagé sur la terre, pour des combats de vérité, de justice et d’amour, c’est donner à ces combats un sens, une espérance et un avenir. Le Ciel alors n’est pas d’abord un lieu cosmique ou astrophysique, le Ciel, c’est Dieu lui-même. Non pas au-dessus de nous, mais en nous au plus intime.
Avec le Christ le Ciel est désormais présent sur la terre et entrer au Ciel, c’est trouver Dieu et vivre par Lui, avec Lui et en Lui.
Alors nous serons cohérents, chaque fois que nous prions la prière qui nous a été enseignée par le Seigneur lui –même : « Notre Père qui es aux cieux… que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » ou quand nous allons entonner dans un instant le Sanctus : « Saint, Saint Saint, le Seigneur : le Ciel et la terre sont remplis de ta Gloire. Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur. Hosanna, au plus haut des Cieux ! »
AMEN
(2013-05-12)