vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 18 août 2013 — 20e dim. ordinaire — Frère Damase
Cycle : Année C
Info :

Année C - Homélie du 20° dimanche du Temps Ordinaire –

18/08/2013

Jér 38 4-10 ; Heb 12 1-4 ; Lc 12 49-53

Homélie du F.Damase

Texte :

Voilà une parole qui vient nous bousculer, nous heurter !!

Nous cherchons la Paix par tous les moyens pour notre famille, notre pays et au plan international et Jésus vient nous dire : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais la division » !! Qu’est-ce que le Christ veut nous dire aujourd’hui sur lui et sur nous, sur notre agir?

« Je ne suis pas venu apporter la paix, mais la division ». C’est une parole rude que nous entendons, ce matin !!

Écoutons tout d’abord, le livre de Jérémie, il peut peut-être nous apporter un peu de lumière sur cette paix que nous cherchons et cette division que Jésus nous apporte?

Jérémie est un prophète, qui, au 6° siècle avant JC, parle aux dernières heures du Royaume de Juda, tandis que Jérusalem va être détruite !!

Le Roi de Juda, Sédécias, a un certain respect pour Jérémie. Mais, en fait, il ne dirige pas mais se laissent mener par la majorité.

L’attitude de Jérémie est étrange. Dans cette guerre où les Juifs défendent leur indépendance jusqu’à la mort ; Jérémie conseille à ses compatriotes de se rendre et de se soumettre à la puissance ennemie.

Deux raisons expliquent la position de Jérémie :

— D’une part, les juifs ne savent pas ce que Dieu veut faire avec Israël dans l’avenir. Ils ne voient que la défaite et la servitude, et ils préfèrent lutter jusqu’à la mort. Jérémie, par contre, connaît l’avenir extraordinaire que le Seigneur réserve à Israël. Israël porte l’espoir du monde futur et ne doit donc pas disparaître dans un combat sans espoir.

— D’autre part, les juifs ne regardent qu’aux apparences de la liberté et du patriotisme. Il leur semble que tout est perdu s’ils se soumettent à une autorité étrangère. Jérémie au contraire voit le cœur des hommes. Être Juif signifie être libre pour ne servir que le Seigneur. Donc, pour Jérémie, l’important est que ses compatriotes ne se laissent pas contaminer par les dieux païens et les fausses valeurs des Chaldéens. La soumission est un moindre mal. Si les Israélites préservent leur foi et observent la Loi, tôt ou tard ils retrouveront leur indépendance et reviendront dans leur patrie.

En termes modernes, la pensée de Jérémie pourrait se résumer ainsi :

— Primo - Ne pas s’entêter à lutter pour des causes ou des institutions qui ne correspondent plus à un monde ayant connu des changements irréversibles et dans lequel Dieu nous appelle à une mission différente.

— Secundo - Savoir que la véritable indépendance d’un peuple est son indépendance morale et culturelle. Il serait tragique que ce peuple, ébloui par un mode de vie étranger, sacrifie ses valeurs morales traditionnelles pour adopter une culture et des méthodes de développement imposées du dehors.

Dans l’Évangile, le Christ ne nous dit pas autre chose. Jésus inaugure les temps qui verront une refonte de toutes les réalités humaines : toutes les cultures seront remises en cause. N’imaginons pas que cela puisse se faire sans le feu et la souffrance. Les temps chrétiens ne seront donc pas moins tragiques que ceux qui les ont précédés.

On sait que le mot baptiser signifie baigner ou plonger. Jésus est à la fois le chef et le premier de ceux qui vont affronter la mort comme le passage nécessaire vers la résurrection. Ce pas si “angoissant” pour Jésus est le véritable baptême, le baptême de feu (voir Lc 3.16) qui nous introduit dans la vie glorieuse et éternelle. Tous les autres baptêmes qu’on célèbre dans nos églises, n’en sont que la préparation (Rm 6.3-5).

L’Évangile s’adresse à la personne pour qu’elle livre à Dieu le plus secret de sa liberté : c’est là, la pierre précieuse que Dieu veut recueillir lorsque l’univers sera devenu cendres.

En Conclusion, L’Évangile ne mène pas ce monde à un paradis terrestre, mais il le fait mûrir. La mort de Jésus met en pleine lumière ce qui était caché dans les cœurs (Lc 2.35) ; elle révèle aussi le mensonge et la violence présents dans nos sociétés, comme c’était le cas pour la société juive à l’époque de Jésus.

L’Évangile nous invite à faire un discernement dans nos activités et nos projets, entre ceux qui conduisent à la mort et ceux qui conduisent à la vie pour l’éternité !! (2013-08-18)

Homélie du 14 août 2013 — 23e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année C
Info :

Année C – 23° dimanche du Temps Ordinaire

Sg 9 13-18 ; Phm 9-17 ; Lc 14,25-33

Homélie du F.Servan

Texte :

Pas de chance, mes Frères! Non seulement, il ne fait pas toujours beau le

dimanche; mais aujourd'hui nous sommes sur la Face Nord de l'Evangile, exposée aux

intempéries ...

De fait, si le chapitre 15 de l'évangile de Luc que vous entendrez dimanche prochain sera un peu comme la face Sud, riante et ensoleillée de l'évangile, quand Jésus nous parlera du Père prodigue, de ce Dieu surprenant, recherchant et se réjouissant de retrouver ce qui était perdu ... Aujourd'hui avec la finale du chapitre 14 du même évangile, nous sommes plutôt dans la Face Nord aux parois abruptes et parfois verglacées, un des sommets du radicalisme exigeant de l'évangile : pour suivre le Christ et annoncer avec lui ce Royaume dont il parle et qu'il inaugure : il faut parfois renoncer aux liens familiaux les plus chers, voire à sa propre vie, porter sa croix, renoncer à tous ses biens. Alors, voie héroïque, réservée aux Pros de l'escalade?

Il se peut que Jésus adressait ce genre de paroles radicales à tel ou tel rencontré (le jeune homme riche, ou celui qui lui demande d'aller d'abord enterrer son père), mais Luc, lui fait adresser ces paroles à la cantonade et s'il parle de « foules nombreuses qui marchaient avec lui » c'est sans doute qu'il nous compte dans le lot ! Après tant d'autres depuis 2000 ans.

Courage, mes frères : plutôt que de nous décourager ou d’être pris de vertige, en regardant la paroi ou le vide, essayons-nous plutôt à une réflexion de Sagesse (comme les lectures de ce dimanche nous y invitent). On a parlé de s'asseoir et de réfléchir ! ...

Par exemple, à partir des images mêmes de ce texte nous pourrions regarder un peu le monde comme il va (et dont nous parlent chaque jour nos médias)!

Bâtir des tours, les imploser, en rebâtir, les aménager et calculer la dépense: cela peut symboliser toute l'activité économique et financière, si importante de nos jours (cela occupe quelques pages dans nos journaux) ! - (et comme on dit: quand le bâtiment va; tout va !)-

Et ce roi qui va-t’en guerre - ce qui suppose aussi quelques finances ... ou qui envoie une ambassade pour demander les conditions de paix, voici encore quelques pages de nos journaux sur les affaires internationales et tout le jeu politico- diplomatico-militaire.

Nos journaux parleront encore d'agriculture et de Culture mais moins sans doute de la vie des familles (sauf le journal La Croix qui est un bon journal), de toutes ces vies familiales, familières, quotidiennes, plus cachées, moins publiques mais qui sont la trame de toute société: ces relations hommes-femmes, parents, grands-parents, enfants, qui ont parfois leur mesquinerie mais aussi leur secrète grandeur et leur courage quotidien.

Pour en rester à ce registre familial (mentionné dans notre évangile) nous savons que le Christ ne le méprise pas, Lui qui a rappelé par ailleurs le commandement d'honorer ses parents aussi bien que la bénédiction de la Genèse sur le couple humain; et s'il dit d'aimer le prochain comme soi-même, c'est bien qu'il y a un légitime amour de soi- même et son Apôtre de préciser. : « Le mari doit aimer sa femme comme son propre corps; or, nul n'a jamais haï son propre corps; au contraire, on le nourrit, on en prend soin! »

Fort bien ! Mais aujourd'hui (face nord) le Christ nous prend quand même à contre-pied ... au risque de mécontenter les grands-mères heureuses d'avoir pu rassembler leur famille durant les vacances d'été.

C'est qu'au milieu de la vie du monde, avec ses dynamismes, ses projets et ses luttes, il est venu inaugurer une vie, un dynamisme encore plus caché et secret que la vie des familles: l'évangile du Royaume de Dieu dont il dira: c'est comme un Feu ou encore, juste après le passage que nous venons d'entendre: c'est comme le sel, le sel des Béatitudes, qui ne doit pas perdre sa saveur, qui empêche l'histoire des hommes de trop se corrompre, qui mêle son dynamisme aux autres élans qui mènent le monde (il se mêle par exemple à la relation maître-esclave pour la transformer). Il s'y mêle; mais aussi les dérange, les conteste, au point de susciter ruptures, incompréhensions, voire persécutions (et alors se réalisent à plein pour certains les paroles de cet évangile).

Si le bâtisseur de tour et le roi va-t’en guerre se demandent s'ils auront assez de moyens, le disciple de Jésus sera plus porté à se demander ce qu'il a en trop et de quoi il devrait s'alléger pour marcher avec Lui et avec des foules nombreuses sur la route de Jérusalem. Non pas marche à l'aveuglette (« marche ou crève ! ») sur une route sans issue, mais sur la route royale, la route pascale de la nouvelle création et de la nouvelle naissance, pour la gloire du Père et le salut du monde.

Et Jésus se retourne. S'il se retourne, c'est qu'il nous regarde (et c'est sans doute dans cet échange de regards que se situe la Foi authentique, à travers les paroles du Livre et les rites du Sacrement, à travers mais au-delà).

Il regarde Lévi le publicain qui abandonne tous ses biens; mais il regarde aussi le publicain Zachée qui restitue le quadruple, vend la moitié de ses biens, donc garde un petit quelque chose. Il regarde la petite veuve avec sa piécette. Il regarde et il encourage : « Mes enfants, c'est difficile, impossible aux hommes; mais pour Dieu agissant en eux c'est possible ! ».

Il regarde en 1922, Edith Stein annonçant en pleurs à sa mère, juive fervente qu'elle est devenue chrétienne; il la regarde encore au mois d'août 1942 quand les nazis viennent la rafler dans un carmel de Hollande et qu'on l'entend murmurer à sa sœur : « Viens! Nous allons pour notre peuple !" (« jusqu'à sa propre vie »)

Il nous regarde, et tant de témoins nous encouragent ...

" Christ est ressuscité et l'homme découvre, s'il fait route en lui, sa patrie

natale ...

et l'homme découvre, s'il se perd en lui, une vie nouvelle. (2001-09-09)

Homélie du 11 août 2013 — 19e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

Année C - 19ème dimanche Temps Ordinaire 11 août 2013

Sagesse 18,6-9 ; Hébreux 11,1…19 ; Luc 12,32-48

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs

J’aimerais revenir avec vous sur la seconde lecture, tirée de l’épitre aux Hébreux que nous venons d’entendre. Elle propose, ce qui est un cas très rare, voire même unique je crois dans toute la Bible, une définition de la foi : « la foi est un moyen de posséder déjà ce que l’on espère, une manière de connaître des réalités que l’on ne voit pas ».

Comme vous le savez, notre Eglise vit depuis le mois d’octobre dernier une « Année de la Foi », souhaitée par le pape Benoît XVI, à l’occasion des 50 ans du Concile Vatican II, et le pape François, son successeur vient de publier, il y a tout juste un mois, la 1ère encyclique de son pontificat : « Lumen Fidei –Lumière de la Foi », dont la rédaction doit beaucoup à son prédécesseur, comme il le reconnait lui-même, en se réjouissant de la continuité de l’enseignement du magistère.

Il est donc vraiment d’actualité pour nous, croyants, en ce dimanche, de méditer un peu sur cette réalité de la foi, de notre foi en Dieu, au Christ, de la foi de l’Eglise, et cela à la lumière de la Parole de Dieu.

La foi, donc, est un moyen de posséder déjà ce que l’on espère, une manière de connaître des réalités que l’on ne voit pas. L’auteur de l’épître aux Hébreux met ainsi en lien la foi avec l’espérance et avec le monde invisible. Mais il ne s’en tient pas à une simple définition qui pourrait paraître assez théorique, abstraite et plutôt intellectuelle. Aussitôt après cet énoncé, il illustre sa définition par le témoignage des anciens, à commencer par Abel, fils d’Adam, en passant par Abraham, les patriarches, Moïse, jusqu’à David et les prophètes : toute une « nuée » de figures et de visages qui avaient déjà le regard fixé vers Celui qui est l’initiateur de la foi et qui la mène à son accomplissement , à savoir le Christ Jésus en personne. Chacun de ces témoins de la foi a possédé déjà, à sa manière, ce qu’il espérait. Et l’exemple le plus illustre reste celui d’Abraham, notre père à tous dans la foi, qui, espérant contre toute espérance a vu le Jour du Christ et en a eu une connaissance anticipée, comme le souligne très fortement le IV° évangile.

Lorsque, il y a un mois, le pape François a publié son encyclique « Lumen Fidei », j’ai été frappé de la coïncidence le jour même de sa publication dans « La Croix », le vendredi 5 juillet, de l’annonce de la prochaine canonisation de 2 grands témoins de la foi du XX° siècle : les papes Jean XXIII et Jean Paul II, comme si le pape François voulait imiter le geste (ou la geste) de l’auteur de l’épître aux Hébreux, en accompagnant son 1er grand texte doctrinal sur la foi, par l’illustration de 2 grands témoins de notre temps.

Mais tous ces textes, ces évènements, cette liturgie de ce dimanche du TO n’ont d’intérêt pour nous que s’ils nous rejoignent personnellement dans nos propres interrogations, nos convictions ou nos doutes à propos de notre foi, de ce grand mystère de la foi, comme nous le proclamons à l’eucharistie. Qu’en est-il pour nous effectivement de ce lien entre la foi et l’espérance, entre la foi et la connaissance des réalités du monde invisible ? Vivons-nous d’une promesse ? La foi est-elle vraiment une Lumière pour notre vie qui chassent les ténèbres plus ou moins envahissantes et variées ?

Ce qui retenait l’attention de l’auteur de l’épître aux Hébreux, c’est que tous les témoins de la foi qu’il nommait étaient des hommes en recherche, se présentant comme des étrangers, des pèlerins, des voyageurs Ils étaient en attente de la réalisation d’une promesse donnée par un Dieu engagé dans une Alliance avec eux. Parler ainsi, dit-il, c’est montrer clairement qu’on est à la recherche d’une patrie meilleure : celle des cieux. Dieu leur a préparé une cité céleste.

Et dans l’évangile que nous avons entendu, Jésus ne dit rien d’autre, en appelant ses disciples à la vigilance dans l’attente du Royaume. « Soyez sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. Gardez vos lampes allumées (par la lumière de la foi et de l’espérance, ajouterais-je). Tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’Homme viendra »

Ainsi notre foi doit avoir une dimension eschatologique, d’attente de la venue du Christ à la fin des temps. La foi se vérifie, elle trouve sa vérité dans la qualité de notre désir de cette advenue du Royaume, et c’est bien ce que nous affirmons en finale de la récitation du Credo : j’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir. Notre foi chrétienne est fondée sur l’évènement de la Résurrection de Jésus, sinon elle ne repose sur rien : elle est vide, dit Saint Paul.

La foi et l’espérance sont inséparables : elles s’interpellent l’une l’autre, mais leur origine et leur fin se trouvent dans l’amour. Dans son encyclique, le pape François nous dit que « la foi transforme la personne tout entière dans la mesure où elle s’ouvre à l’amour. C’est dans cet entrecroisement de la foi avec l’amour que l’on comprend la forme de connaissance propre à la foi, sa force de conviction, sa capacité d’éclairer nos pas » Frères et sœurs, je vous invite et vous encourage à lire les beaux paragraphes de l’encyclique qui unissent la foi, l’amour et la vérité. Ils sont empreints de simplicité et d’humilité qui sont des traits que l’on reconnait chez tous les derniers papes de notre église, tout particulièrement Jean XXIII et François.

« naissant de l’amour, la vérité peut arriver au cœur, au centre de chaque personne. Il résulte alors clairement que la foi n’est pas intransigeante, mais qu’elle grandit dans une cohabitation qui respecte l’autre. Le croyant n’est pas arrogant, au contraire, la vérité le rend humble, sachant que ce n’est pas lui qui la possède, mais c’est elle qui l’embrasse et le possède. Loin de le raidir, l’assurance de la foi le met en route et rend possible le témoignage et le dialogue avec tous. »

Fortifiés par l’enseignement de la Parole de Dieu et de la Tradition de l’Eglise, encouragés par l’exemple de tant de témoins de la foi, hier et aujourd’hui, mettons à notre tour nos pas sur le chemin du Royaume, avec cette attitude de vigilante confiance, exprimée dans l’évangile, afin que la terrible interrogation de Jésus : « Le Fils de l’Homme, quand il viendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ? puisse trouver une réponse affirmative. Oui, Seigneur nous croyons, mais nous t’en supplions, augmente en nous la foi !

(2013-08-11)

Homélie du 04 août 2013 — 18e dim. ordinaire — Frère Servan
Cycle : Année C
Info :

Année C – 18° dimanche du Temps Ordinaire – 4 août 2013

Qo 12, 2 23 ; Ps 89 ; Col 3 1-11 ; Lc 12 13-21 ;

Homélie du F.Servan

Texte :

Frères et Sœurs, vous aurez sans doute remarqué que dans les trois lectures de ce dimanche, sans oublier le Psaume – ce qui fait quatre paroles de Dieu – nous avons une unité thématique assez rare puisque toutes nous ont parlé avec une force de frappe indéniable d’un aspect bien important « la relation avec les biens de la terre » !!

De cela, les médias actuels (journaux et autres) nous parlent jusqu’à plus soif et plutôt dans le sens de cette bonne publicité bancaire ; « l’argent, ça va, ça vient » - mais quand ça vient, ça va ! Et quand ça va moins bien, on s’agite et on s’inquiète !!

Nous savons que l’évangile selon saint Luc lui aussi s’intéresse à cela plus que les autres évangiles ; à preuve l’évangile de ce dimanche ne se trouve que chez Luc ; avec cette petite parabole de ce gros propriétaire terrien de Galilée (brève mais bien envoyée) qui agrandit ses greniers pour mettre des réserves en abondance afin de jouir de l’existence au temps de la retraite !! Et ici la publicité va dans un sens un peu différent de celle de notre banque : « Fut-il dans l’abondance, la vie d’un homme ne dépend pas de ses richesses ». L’être vaut plus que l’avoir ; l’être authentique vaut mieux que l’avoir. Est-il besoin de signaler que le pape François semble être un bon disciple de l’évangile selon saint Luc ?

En quelques minutes, nous n’allons pas réformer l’économie mondiale, nationale, familiale, personnelle pour ne rien dire de l’économie des monastères de saint Benoît et de leurs constructions un peu conséquentes !!

Revenons simplement, sur quelques unes des paroles entendues :

Et tout d’abord sur le « Vanité des vanités »

Il y a sans doute là plus que des propos amers, désabusés et sarcastiques d’un homme fortuné arrivé au terme de sa vie ! Il a réussi ! C’est un propos de sagesse, provoquant et subtil ! « Que reste-t-il à l’homme de toute la peine et les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ».

Je trouve éclairant un commentaire juif qui note « tout est vanité » si l’on reste « sous le soleil », c’est à dire dans le seul horizon terrestre, sans lien vivant avec Dieu et sa parole, sans aller au dessus du soleil ! Ne restent-ils pas sous le soleil le gros propriétaire de Galilée et ceux qui se disputent l’héritage ?

Mais à l’opposé de ce matérialisme terrestre il y aurait l’impasse d’un spiritualisme désincarné que pourrait encourager cette traduction imparfaite dans notre deuxième lecture : « Tendez vers les réalités d’En Haut et non pas vers celles de la terre ». Le texte exact est « C’est en haut qu’est notre but et non sur la terre » dit la traduction de la TOB. Il ne s’agit donc pas d’une dépréciation des réalités terrestres. Le Concile Vatican II invite les disciples du Christ à s’engager « dans le monde de ce temps » ! Tête au ciel mais pieds sur la terre ! Ora et Labora !

Et ici arrive la si belle finale de notre Psaumes 89 « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours, consolide pour nous l’ouvrage de nos mains ». Oui, Seigneur, consolide et éclaire l’ouvrage de nos mains pour qu’elles ne dévient pas vers « l’âpreté au gain » dont l’évangile dit qu’il faut se garder ou vers cet appétit de jouissance qui est une idolâtrie, un culte rendu aux idoles !! Précision sans pédanterie : il s’agit du même mot grec : cupidité, convoitise, entrainant au-delà du nécessaire vital, de l’utile, voire du légitime superflu (qui met un peu de beauté ou de commodité dans nos vies) – Pleonexia (cupidité). Toujours plus, dirait Sempé !

Dans le psaume encore, il me semble voir une explication de cette déviation si fréquente de l’humain vers la cupidité, le toujours plus ; c’est que, en lui il y a quelque chose d’infini, d’illimité ; mais dans les limites du temps, d’une vie qui passe et s’enfuit et finit !! « C’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit, une herbe qui grandit, fleurit, se fane et se dessèche », d’où la tentation pour nous de combler cet infini qui nous habite, soit dans l’ordre de la possession, soit aussi bien dans l’ordre de l’affectif !!

Pour finir, une belle évocation dans la deuxième lecture, voici ce bel idéal de cet homme nouveau, renouvelé en Christ, « celui que le créateur refait tout neuf à son image » : un homme qui grandit au long des jours ; alors que le gros propriétaire de l’évangile ne parlant qu’à lui-même, amassant pour lui-même, coupé de Dieu et des autres, « alors je me dirai à moi-même » devient étroit et stérile.

« Frères et Sœurs que le Seigneur consolide l’ouvrage de nos mains et nous donne de faire quelques pas vers la sobriété heureuse » (2013-08-04)

Homélie du 28 juillet 2013 — 17e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année C
Info :

Année C – 17e dimanche du T. Ordinaire – 28/07/2013

Gn 18 20-32 ; Col 2 12-14 ; Lc 11 1-13

Homélie du F.Sébastien

Texte :

En préparant cette homélie, je voyais se dessiner peu à peu comme un immense papillon, avec deux ailes multicolores, scintillant dans le soleil, dansant joyeusement dans le ciel, comme pour nous inviter à la fête, car aujourd’hui c’est fête, puisque c’est dimanche.

Le papillon, bien sûr, tous, vous l’avez deviné, et peut-être même le voyez-vous avec moi, ce n’est rien d’autre que l’ensemble coloré des trois lectures que nous venons d’entendre. La première et la troisième lecture se correspondent, comme les deux ailes. Au centre, la deuxième lecture, c’est là que tout se noue en Jésus : c’est le corps du papillon.

Dans la première lecture, Abraham s’efforce d’amener le Seigneur Dieu qui vient de le visiter à renoncer au châtiment qu’ont cependant bien mérité les horribles pécheurs que sont les habitants de Sodome et de Gomorrhe. Avec toutes les finesses de sa diplomatie et le recours de son arithmétique, avec son art de mettre son Seigneur en contradiction avec sa propre justice, de lui faire miroiter l’horreur d’un tel comportement, il compte bien avoir le dernier mot. Eh bien, non ! Il lui faut prendre conscience qu’il est inutile de s’obstiner : il n’a pas de monnaie d’échange, et maintenant c’est sûr qu’il n’en trouvera pas, « pas même un seul juste » dans la ville. Il capitule, mais son comportement pose une sérieuse question, un pourquoi qui nous touche tous ?

Pourquoi, oui pourquoi cet acharnement d’Abraham au profit d’une cause qui lui est étrangère ? Il risque fort de se faire remettre vertement à sa place par son interlocuteur qui n’est pas n’importe qui : « Abraham, de quoi te mêles-tu ? Ce n’est pas ton affaire, c’est la mienne ! Alors arrête ! » Mais il continue. Pourquoi ? Eh bien, je pense, parce que cette cause étrangère est devenue la sienne, au moment même où Dieu semble s’en désintéresser. Effectivement Dieu semble ne s’intéresser qu’à l’exemple salutaire que va donner l’exécution de sa haute justice, une justice parfaitement méritée par les horreurs auxquelles s’adonnent les habitants des deux villes pécheresses, des horreurs vérifiées.

Mais Abraham n’entre pas dans cette logique irrécusable. Au contraire, il décide de se battre. Il ne peut oublier qu’il est appelé par Dieu à devenir le père de toutes les nations bénies en lui, et pas seulement des irréprochables. Plus radicalement, il est homme, vraiment humain, et l’homme vrai c’est la personne qui se rend responsable non seulement de lui-même, mais aussi des autres, selon les circonstances, comme le Jésus que Saint Paul a évoqué dans la deuxième lecture. Et la circonstance pour Abraham, après le repas insouciant sous le chêne de Mambré, c’est qu’il se trouve maintenant plongé en plein drame, celui de la menace de mort imminente, horrible, qui pèse sur les habitants des villes de Sodome et de Gomorrhe. – Gredins ou pas, pour Abraham ce n’est pas la question. – Pour lui la seule question, urgente, c’est de les sauver.

Abraham se sent un cœur de père responsable de tous ces malheureux, avec l’immense désir d’en faire ses enfants, acquis par infraction, hors promesse, par son seul droit de sauveteur. La figure de Jésus se précise à l’arrière plan.

Mais l’affaire lui échappe, suit son cours... et c’est la catastrophe, cosmique. Le Feu exterminateur fait son œuvre.

Mais Lot, le neveu du patriarche, Lot qui habitait Sodome, le seul juste à se trouver alors en cette ville condamnée, est sauvé par deux anges, on devine qui les envoie, et peut ensuite sauver lui-même sa famille.

Abraham a été vaincu dans son combat de Jacob. Son affrontement verbal avec Dieu a été crucifiant, mais il sort du combat avec les honneurs de la guerre. Il traversera les siècles comme l’homme qui s’est fait responsable des autres, jusque dans sa défaite.

On entrevoit en lui quelque chose du Christ de la deuxième lecture, vaincu, mis au tombeau, sorti en vainqueur pour s’être rendu responsable de ses frères humains. « Vous étiez morts, déclare Paul à ses correspondants de Colosse, parce que vous aviez péché (tout comme les Sodomites), mais Dieu vous a donné la vie avec le Christ : il nous a pardonné tous nos péchés. »

Le pardon à peine mentionné dans la première lecture revient en force. Il aura le dernier mot. Le pardon, c’est ce que, dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus lui-même nous apprend à demander à son Père et notre Père, avec ses propres mots : « Père, pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous. » Nous pardonnons, tous responsables les uns des autres en Jésus Christ ton Fils notre Seigneur, en Abraham qui ouvrit la route et, en ce moment nous enveloppe d’un grand sourire de connivence,

tandis que, là-haut, dans le ciel, au-dessus de nos têtes, les ailes du papillon prennent des couleurs féériques, celles de la victoire. (2013-07-28)

Homélie du 21 juillet 2013 — 16e dim. ordinaire — Frère Cyprien
Cycle : Année C
Info :

21 juillet 2013

16e dim. Ord. Année C

Gen 18/1-10a, Col 1/24-28, Lc 10/38-42.

Homélie du F.Cyprien

Texte :

Abraham, Sara, les 3 visiteurs, Marthe, Marie, l’Evangile de ce dimanche nous demande évidemment de pratiquer l’hospitalité : « Ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur… »,.

Dans l’antiquité les déplacements n’étaient guère possibles sans l’hospitalité…En tout cas exercer l’hospitalité faisait et fait encore partie des œuvres de piété prônées par le judaïsme… Jésus, pour le jugement à la fin des temps, dit même qu’accueillir l’étranger c’est Le rencontrer, Lui Jésus. Visiter les malades ou les prisonniers, c’est aussi le rencontrer…

Dans notre évangile où Marthe fait le service, Jésus est connu de ses hôtes, c’est lui-même qui est accueilli : ce n’est pas un hébergement d’urgence… ! Jésus se trouve chez ses amis. Marthe s’active pour préparer le repas… et personne ne le lui reproche. C’est d’ailleurs là que va se glisser la leçon, puisque Marie, sa sœur, elle, n’a pas l’air de trop s’en soucier.

Si Marthe n’avait rien dit, l’épisode et la réception n’auraient pas eu le relief qu’ils ont pris…

Alors… ? Alors, à la communauté chrétienne saint Luc veut dire autre chose…

… Voyons les textes de ces derniers dimanches :

= Il y a 2 semaines, c’était l’envoi des disciples en mission. Devant le succès de leur travail, Jésus réplique : « Je voyais Satan terrassé, mais réjouissez-vous plutôt de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux », vous êtes les enfants de Dieu, les premiers à entrer dans le royaume »… .

= Dimanche dernier la parabole du bon samaritain nous disait l’essentiel pour celui qui se convertit : « le premier commandement …Aimer Dieu de toutes ses forces… et aimer son prochain comme soi-même»… Et comment aimer sans manifester cet amour, sans poser des actes, faire des choses… ? « Fais cela et tu vivras, Va, et toi aussi fais de même ».

C’est bien ce que fait Marthe : elle est active dans le service, pour son prochain, ses hôtes qui attendent l’heure du repas.

Du coup, vous le savez, on a opposé des formes de vie, pour certains plus adonnés à l’écoute et à la prière (Marie, les contemplatifs), pour d’autres : le travail, la mission, les actions (Marthe, la vie active)…

Saint Luc pense-t-il à l’institution des Sept (on les appellera diacres ensuite) : « Il ne sied pas que nous délaissions le parole de Dieu pour servir aux tables. Parmi vous, cherchez des frères que nous préposerons à cet office » ? Il est effectivement possible que l’évangéliste pense aux ministères qui s’organisent dans les communautés chrétiennes.

Marie, apparemment, ne faisait rien (…comme si les contemplatifs ne faisaient rien… !), en tout cas elle n’a pas le comportement normal de la femme qui reçoit des hôtes.

Et la femme qui reste inactive devient celle par qui la leçon va passer.

Marie est «assise aux pieds de Jésus ». Assise aux pieds de Jésus : pour Luc, « assis aux pieds de Jésus », c’est l’attitude du disciple qui écoute, celui qui a décidé de conformer sa vie à celle de Jésus. Après sa guérison, l’homme possédé « dont étaient sortis les démons,… lui aussi, il était assis, vêtu et dans son bon sens,… assis aux pieds de Jésus ». Il était devenu disciple…

Et Jésus dit à Marthe qu’une seule chose est nécessaire… Il lui rappelle ce que nous savons aussi bien qu’elle à cause de nos Evangiles… « Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu et tout le reste vous sera donné par surcroît », « Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle » saint Matthieu et saint Jean …et même saint Paul : « Je vous dis… cela … pour que vous fassiez ce qui convient le mieux et que vous soyez attachés au Seigneur sans partage ».

Pour comprendre peut-être encore un peu mieux, notons que l’araméen, la langue de Jésus, n’a pas le comparatif. Quand il est traduit que Marie a choisi la meilleure part, il faut saisir que Marie a choisi la bonne part, … ne jamais penser que Jésus et saint Luc condamnent le service de Marthe !

Remercions Marthe et Marie : en recevant Jésus dans leur maison elles nous redisent ce qui fait le vrai disciple de Jésus, …d’abord et avant tout « être assis aux pieds de Jésus », le Maître, Celui qu’il convient d’abord …d’écouter !

Maintenant à nous de nous demander aujourd’hui, et nous redemander sans cesse…si tout ce que nous faisons nous garde attachés au Seigneur sans partage, si nous passons volontiers du temps assis aux pieds du Seigneur, à l’écoute de sa Parole.

Oui, nous demander si nous avons bien compris que la bonne part, (la meilleure donc !) c’est d’être devenu les amis de Jésus, les familiers dans la maison de Dieu … Prendre le temps de fréquenter la personne du Christ, écouter sa parole car elle est apte à nous transformer ; nous laisser attirer par Celui qui s’est mis à notre portée. Il nous guide vers le Mystère de son Corps livré, de son Sang versé, homme de l’amour total, le Fils de Dieu, la source de l’Esprit.

(2013-07-21)

***

Homélie du 11 juillet 2013 — Saint Benoît — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Fête de st Benoit - 11 juillet 2013

Pr 2 1-9; Col 3 12-17; Mt 5 1-12a

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs,

« Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu. Que la paix du Christ règne dans vos cœurs », avons-nous entendu…J’aimerai laisser ce mot « paix » nous servir de guide ce matin pour mieux entrer dans la célébration de cette fête de St Benoit.

Avec le temps, ce mot est devenu la devise des moines bénédictins : « Pax » que beaucoup aiment mettre en en tête de leur courrier. Dès le prologue, reprenant le Ps 33 que nous avons chanté, St Benoit engage ses moines: « Poursuis la paix, recherche-là ! » Nous le pressentons, cette paix-là n’a pas grand-chose à voir avec la recherche de la tranquillité pour soi, à la manière de celui qui dit à son frère : « fiche-moi la paix ». Elle n’est pas non plus une sorte de statu quo qui veut éviter les conflits. Significatives ici sont les recommandations de Benoit à « ne pas donner une paix mensongère » (4, 25) ou encore à ne pas échanger trop vite le baiser de paix avec les hôtes qui arrivent, sinon avant d’avoir prié (53,5). Elles nous rappellent que la recherche de la paix ne peut pas être prise à la légère. Ce serait se faire illusion. La recherche de la paix sonne comme un appel et comme une promesse de bonheur : la paix est toujours devant nous.

Un appel. St Paul nous le suggère : « que, dans vos cœurs, règne la paix du Christ à laquelle vous avez été appelée pour former en lui un seul corps ». Et quelle est-elle la paix du Christ ? C’est la paix qui vient de la croix. Dans la même épitre aux Colossiens, Paul rappelle que « Dieu a voulu tout réconcilier par le Christ en faisant la paix par le sang de la croix » (1,20). Le Christ nous a acquis la paix, celle qui est réconciliation de toute chose en Dieu, au prix fort de sa vie donnée. La paix du Christ est d’abord cet immense cadeau que Dieu fait aux hommes. Un cadeau gratuit, immérité qu’il nous revient d’accueillir. C’est ce que le prêtre rappelle lors de chaque célébration : « Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous », juste avant l’échange du baiser de paix entre frères. Nous ne pouvons échanger que ce que nous avons reçu et accueilli d’abord. C’est ici que la parole de Paul sonne comme un appel : « que la Paix du Christ règne dans vos cœurs ». Qu’elle règne, que notre cœur soit tout entier en paix…La vie monastique nous donne de faire d’abord assez vite l’expérience de la non-paix en notre cœur, et parfois entre nous. Notre cœur peut parfois beaucoup souffrir du fait des pensées qui l’habitent et ne le lâchent pas, pensée de rancune, de trouble, de colère ou de tristesse. Parfois, notre cœur peut ressembler à un champs de bataille. Nous découvrons alors qu’il nous faut humblement pouvoir ouvrir notre cœur à un frère ou à un père spirituel pour essayer de voir clair. Il n’est pas facile de faire cette démarche, car nous préférons si souvent ne pas regarder en face la difficulté. Nous préférons rejeter sur les autres la cause de nos difficultés. Accueillir la Paix du Christ ne peut se faire sans une mort à nous-mêmes, sans renoncer à notre prétention à nous en sortir tout seul. Tenons-nous alors au pied de la croix de Jésus, pour recueillir humblement ce don qu’il veut nous faire de sa paix…

La paix, une promesse de bonheur. « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu ». La paix reçue est inséparablement une paix à faire. Et là réside la promesse de bonheur. Faire la paix, construire la paix à la manière d’un artisan est un chemin de bonheur. C’est le bonheur d’avoir retrouvé le chemin de la fraternité en se réconciliant avec son frère avant le coucher du soleil (RB 4, 73). Oser le geste, la parole ou un billet de réconciliation construit la communauté. Ici, acceptons d’être jusqu’à la fin de nos jours, des artisans de paix, car les contrariétés, les disputes ou les désaccords ne manquent jamais. Ne nous résignons pas à ces dissensions. Recherchons toujours la réconciliation. Mais là où les relations se sont distendue, les gestes de réconciliation resserrent deux fois plus forts nos liens de communion. Oui faire la paix est un chemin de bonheur, car cela élargit notre cœur à la dimension de celui de notre Père des cieux. Nous devenons dès ici-bas davantage des fils soucieux des affaires de leur Père qui n’a qu’un désir : tout rassembler tous les êtres et toute chose dans l’unité et dans la communion.

Soyons heureux, et en même temps modeste, pour ne pas nous faire illusion, d’être appelés à être des artisans de paix… « Seigneur, fais qu’à l’exemple de Benoit, en ne cherchant que toi, nous trouvions à ton service les dons de l’unité et de la paix » (2013-07-11)

Homélie du 07 juillet 2013 — 14e dim. ordinaire — Frère Ghislain
Cycle : Année C
Info :

14e dimanche année C 7 juillet 2013

Isaïe 66, 10-14 Gal. 6, 14-18 Luc, 10, 1-12 ; 17-20

Homélie du F.Ghislain

Texte :

Tous les passages de l’Evangile ne sont pas également clairs : parfois le sens littéral nous échappe un peu, parce qu’il y a trop d’allusions à un monde qui n’est plus le nôtre. Parfois, même si nous croyons comprendre, nous ne savons pas bien quoi faire de ce qui nous est dit. C’est peut-être le cas pour les instructions que Jésus donne à ses 72 disciples que nous venons d’entendre. Elles ne nous semblent pas très cohérentes en elles-mêmes et pas très applicables à nous.

Essayons cependant de comprendre un peu. « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ». Phrase impressionnante : « je vous envoie au carnage ». A l’école autrefois, on apprenait les fables de La Fontaine, et nous étions tout tristes de l’issue de celle qui se nomme « Le loup et l’agneau » :

Là-dessus, au fond des forêts,

Le loup l’emporte et puis le mange

Sans autre forme de procès.

Aujourd’hui encore, nous voyons bien que le proverbe du début de la fable se vérifie trop souvent : La raison du plus fort est toujours la meilleure.

Alors, pourquoi Jésus envoie-t-il ses disciples, - et nous aujourd’hui, comme des agneaux au milieu des loups ?

Pour résister aux loups, mais, davantage : pour les apprivoiser, Notre Seigneur n’invite pas ses disciples à s’armer et à se cuirasser. Il leur demande plutôt une légèreté qui fait penser à celle du jeune David affrontant le géant armé avec seulement cinq cailloux dans sa poche. Simplifiez au maximum votre vêtement, ne faites aucune provision, évitez les bavardages, ne choisissez pas vos points de chute à l’étape. Ne pensez qu’aux personnes vers qui vous allez et au message que vous avez à leur délivrer : le Royaume de Dieu est proche. En d’autres termes : soyez simples, directs, paisibles et pacifiques. Alors, il sortira de vous une force de guérison et votre parole portera son fruit. L’agneau, de cette manière et seulement de cette manière, sera victorieux du loup.

Jésus ne demande rien à ses disciples que lui-même n’aurait pas été ou n’aurait pas fait. Chaque fois que nous communions à l’Eucharistie, nous entendons la formule « Voici l’Agneau de Dieu », et nous pouvons nous remémorer sa parole : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ». Nous nous rappelons que, au moment de son procès, devant les loups qui l’entouraient menaçants, il a gardé le silence : « comme une brebis devant ceux qui la tondent, il n’ouvre pas la bouche » dit le prophète Isaïe (53, 7).

Ce qui nous est proposé ici, c’est le combat de la douceur ; ou, mieux peut-être, ce qui nous est offert, c’est le don de la douceur, au travers duquel nous serons en mesure de vaincre les loups et d’annoncer l’Evangile ; plus largement peut-être : d’être évangile, d’être bonne nouvelle dans nos rapports quotidiens avec tous.

J’aimerais laisser ici la parole à Ahénagoras, qui était patriarche de Constantinople durant le Concile, qui a rencontré le pape Paul VI à Jérusalem et a beaucoup contribué à détendre les rapports entre l’Eglise d’Orient et celle d’Occident. Voici ce qu’il disait :

La guerre la plus dure, c’est la guerre contre soi-même. Il faut arriver à se désarmer. J’ai mené cette guerre pendant des années. Elle a été terrible. Mais je suis désarmé. Je n’ai plus peur de rien, car l’amour chasse la peur. Je suis désarmé d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur les richesses… Si l’on se désarme, si l’on se dépossède, si l’on s’ouvre au Dieu-Homme qui fait toutes choses nouvelles, alors lui efface le mauvais passé et nous rend un temps neuf où tout est possible.

« Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair », dit Jésus à ses disciples lorsqu’ils reviennent d’une mission pendant laquelle ils ont suivi ses consignes. Il me semble que chacun de nous, en fin de compte et pas seulement le patriarche Athénagoras, pourrait dire la même chose. Ne nous est-il pas arrivé parfois, dans des moments où nous étions dans la grâce et dans la vérité, de toucher la douceur, soit dans les autres, soit en nous-mêmes, d’expérimenter une sorte de libération intérieure par rapport aux esprits de tristesse, de défiance, d’exigence qui trop souvent nous habitent ? Comme si l’homme de l’Evangile, et même l’homme tout court, renaissait en nous, et qu’alors tout devenait simple. Satan tombait du ciel, l’Esprit du Christ faisait chez nous sa demeure et l’évangile pouvait être annoncé.

Essayons aujourd’hui à la fois de relire l’évangile de ce dimanche, de redonner vie aux moments bienheureux où nous en avons expérimenté la vérité, de continuer, en tous cas, le combat intérieur grâce auquel l’agneau est vainqueur du loup..

Homélie du 30 juin 2013 — 13e dim. ordinaire — Frère Bernard
Cycle : Année C
Info :

13ème dimanche du temps ordinaire, année C

Jubilé de profession monastique à la Pierre-qui-Vire, 30 juin 2013

Homélie du F.Bernard

Texte :

Dans notre assemblée de ce matin il y a comme trois groupes. D'abord la

communauté de la Pierre-qui-Vire. Cette église est son lieu. Là elle se réunit matin et soir,

jour et nuit, sept fois par jour selon saint Benoît. Je suis heureux de la retrouver, ma

communauté, après deux ans d'absence, fidèlement attelée à sa tâche de prière et

d'intercession, de travail et de vie fraternelle, dans une belle persévérance. Je suis heureux

de retrouver sa belle liturgie.

Il y a aussi ma famille, venue m'entourer en ce jour où est célébré mon jubilé de

profession monastique. En fait la date anniversaire, 50 ans depuis ma première profession,

à l'Ascension 1962, tombait l'an dernier, le 5 avril 2012. J'étais à la Bouenza et mes frères de

là-bas ont marqué l'évènement de façon imprévue et bien sympathique. Je sais qu'ils

s'associent en ce jour à cette célébration qui nous réunit.

Il y a encore dans notre assemblée bien d'autres personnes, retraitants ou voisins

habitués des eucharisties du dimanche à la Pierre-qui-Vire.

Trois groupes donc, mais une seule assemblée, une seule communauté, à l'écoute de

l'unique Parole de Dieu que nous avons entendue, parole de vie, quel que soit notre âge et

notre place dans l'Eglise et la société. Nous l'avons reçue pour fortifier notre foi, raviver

notre espérance, faire grandir e nous la charité;

Une parole de Dieu, rarement facile à entendre, sinon jamais. Celle de ce matin ne

fait certes pas exception à la règle Nous avons entendu le Seigneur nous prévenir que le Fils

de l'homme n'a pas où reposer la tête, et qu'il nous faut laisser les morts enterrer les morts.

Plus on avance en âge, plus on a eu la possibilité d'étudier l'Evangile, plus il peut nous

paraitre hors de notre portée. L'Evangile résiste. Notre raison lui résiste, notre volonté lui

résiste. Mais si l'Evangile ne résistait pas, nous l'écouterions d'une oreille et le laisserions

partir de l'autre. Mais il résiste et nous force à nous situer face à celui qui est la Parole de

Dieu, le Verbe, Jésus-Christ C'est bien lui que nous entendons chaque fois que l'Evangile

nous est annoncé. C'est bien lui que nous proclamons quand, à la fin de l'Evangile, nous

disons: « Louange à toi, Seigneur Jésus»

Une parole de Dieu qu'il nous faut toujours resituer dans son contexte, l'Ecriture

dans son ensemble. C'est tout particulièrement vrai ce dimanche où les paroles de Jésus en

particulier sont à entendre en continuité avec ce que nous dit la Bible au sujet des prophètes

Elie et Elisée, plus spécialement la vocation d'Elisée que nous rapportait la première lecture;

C'est comme l'illustration vivante de cette autre parole de Jésus: « Je ne suis pas venu abolir

la Loi ou les Prophètes, je ne suis pas venu abolir mais accomplir ».

Après la profession de foi de Pierre à Césarée, Jésus avait déjà annoncé très

clairement à ses disciples ce qu'il allait vivre à Jérusalem, sa passion et sa résurrection. Il

avait ajouté que tout disciple, s'il voulait le suivre, devrait emprunter le même chemin, se

renoncer à soi-même et prendre sa Croix, la croix du Christ. Langage exigeant! C'était

l'Evangile de dimanche dernier.

Aujourd'hui Jésus prend résolument le chemin de Jérusalem. Il affermit sa face en

prévision des épreuves qu'il va subir. Suivent trois petits dialogues, trois récits de vocation si

l'on peut dire, où l'on peut repérer les deux éléments de toute vocation: un appel qui vient

en nous, d'au-delà ou d'en de ça de nous, et une décision qui vient de nous. Encore faut-il

qu'appel et décision soient en correspondance. Si une décision de vie n'est pas précédée

d'un appel intérieur, elle risque de ne pas aller bien loin. Si un appel ne se prolonge pas en

décision, il engendrera le trouble, la tristesse, comme celle qu'a connu le jeune riche de

l'Evangile.

Ces paroles de Jésus ne concernent pas seulement quelques-uns dans l'Eglise qui

seraient à part des autres. Un chrétien est, de par son baptême, un appelé, il a la vocation à

suivre le Christ. La deuxième lecture le disait magnifiquement: la vocation chrétienne est

une vocation à la liberté. Dans le Christ, nous sommes appelés à la liberté, non pas pour

satisfaire des égoïsmes mais pour nous mettre au service les uns des autres, dans l'amour.

Libérés pour aimer.

Mais permettez-moi en ce jour d'ajouter des mots plus personnels, d'abord à ma

communauté, la Pierre-qui-Vire ici présente, mais j'y ajoute mes frères de Chauveroche, et

bien sûr les frères de la Bouenza. Je pense aussi à la Pierre-qui-Vire du ciel. En 50 ans tant de

frères avec qui nous avons fait communauté nous ont précédés devant Dieu! Nous ne les

oublions pas. A ma communauté je voudrais dire ma très grande reconnaissance pour toute la

confiance que j'ai reçue ici d'elle, d'abord de mes trois Pères Abbés successifs qui sont ici

présents, puis de mes frères. La confiance fait grandir, elle libère, elle permet d'aller plus

loin. La réponse à la confiance, c'est le propos religieux d'obéissance, une obéissance rendue

à Dieu à travers des médiations humaines, celle de l'Abbé puis celle des frères. Quand je suis

arrivé au monastère, il y quelque huit jours, le P. Abbé commentait le matin au chapitre

RB 72, avec cette consigne de saint Benoît: « Les frères s'obéiront à l'envi les uns aux

autres ». Il y a là comme la révélation d'un secret, le secret de la vie monastique selon saint

Benoît. Pas d'obéissance vraie sans amour. Pas d'amour sans obéissance. Et cette obéissance

rendue d'abord à l'Abbé, s'étend à tous les frères; elle est finalement présente en toutes

nos relations humaines. Merci à nos Pères Abbés successifs d'avoir fidèlement commenté la

Règle.

J'ajoute maintenant un mot à l'adresse de ma famille. Ici trois générations sont

représentées. D'abord mes frères, mes sœurs, mes belles-sœurs, mon beau-frère. Trois

d'entre eux se sont engagés dans le mariage. Quant à ma sœur Ludovine, Petite Sœur de

Jésus, elle m'a suivi dans la voie de la vie religieuse. Il manque des neveux; il manque encore

plus des petits neveux. D'autres obligations les ont retenus. Mais ils sont de cœur en

communion avec nous.

Je voudrais là encore rendre grâce à Dieu pour la grande entente qui règne entre

nous frères et sœurs, belles-sœurs et beau-frère. Cette entente, il me semble l'avoir sentie

grandir au fil des années, dans la diversité de nos tempéraments et de nos itinéraires. Une

entente faite d'affection certes, mais aussi de respect, de soutien mutuel. Nos parents

avaient beaucoup désiré que la Pierre-qui-Vire fut le point de ralliement familial.

Aujourd'hui, ils se réjouissent certainement de notre rencontre. Je crois que l'entente de

notre génération est ce que nous pouvons transmettre de meilleur aux générations

suivantes.

C'est à la plus jeune génération que je voudrais m'adresser pour terminer. Plusieurs

sont maintenant ou seront bientôt à l'âge où les décisions qui engagent l'avenir

commencent à se prendre. Je leur souhaite de faire de bonnes études. C'est important pour

avoir une compétence professionnelle. Je leur souhaite aussi d'acquérir une culture. C'est

important pour humaniser la vie. La plupart sans doute s'engageront dans la voie du

mariage. Je leur souhaite de fonder des familles heureuses, généreuses, signes de l'amour

qui vient de Dieu. Si tel ou tel, dans la ligne de l'Evangile d'aujourd'hui, entend un appel à un

don plus radical pour le Christ et l'Evangile, qu'il n'étouffe pas cet appel, qu'il le laisse se

préciser, qu'il prenne le temps et les conseils pour le vérifier, dans la paix, la prière, et dans

la reconnaissance de la présence de Jésus-Christ en lui.

Le plus grand don que nous avons reçu est le don de la foi. Vous l'avez reçu dans le

baptême, de ceux qui vous ont précédés, par votre éducation. La foi n'est pas une

possession dont nous pourrions disposer à notre gré, et la remiser dans le grenier quand

nous n'en voyons plus l'usage. La foi est un don de Dieu que nous recevons chaque jour,

auquel nous devons donner une réponse chaque jour, que nous devons mettre en œuvre

chaque jour.

Rendons grâce au Seigneur pour la révélation de son Amour. Rendons grâce pour nos

fidélités humaines qui se fondent sur la fidélité de Dieu.

Homélie du 29 juin 2013 — Saint Pierre - Saint Paul — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Fête de st Pierre et st Paul - 29 Juin 2013

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Dans un beau texte entendu cette nuit, Christian de Chergé s’émerveillait du fait que l’Église ait tenu à unir dans une même célébration liturgique les apôtres Pierre et Paul et que cet instinct n’ait jamais cédé devant les divisions de l’Église. « Les Églises ont pu se séparer, elles ne les ont pas séparés. Ils sont là dans toutes les traditions orthodoxes, réformées et catholiques pour défier nos divisions ».

Cette célébration manifeste, concluait-il l’Unité de l’Église, telle que l’Esprit Saint la conçoit sans cesse « unité des tempéraments différents, des opinions parfois opposées comme à Antioche, des champs d’apostolat très divers tournés vers les fils d’Israël ou vers les Gentils ».

A la source de cette Unité, il y a une même grâce, celle d’avoir été saisi par le Christ pour Paul sur le chemin de Damas et pour Pierre à travers le compagnonnage avec Jésus avec ses moments forts comme celui de la confession de Césarée.

Pierre et Paul sont encore unis par un même élan missionnaire dans le désir d’annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus au plus grand nombre. « L’un et l’autre ont travaillé chacun avec sa grâce à rassembler l’unique famille du Christ » Chanterons-nous dans la Préface.

Enfin, Pierre et Paul sont unis dans le don total de leur vie jusqu’au J’ai tenu jusqu’au bout de la course, je suis resté fidèle disait Paul.

Ce matin nous rendons grâce pour ces deux piliers de l’Église qui dans leur grande diversité la fonde en unité. Dans cette Eucharistie venons à la source de leur unité : le sacrifice d’amour du Christ. Puisons là l’énergie de sa grâce toujours nouvelle, l’élan missionnaire pour partager cette Bonne Nouvelle et la force de tenir jusqu’au bout.

(2013-06-29 )