Homélies
Liste des Homélies
Année A - 23° dimanche du Temps Ordinaire - 7 septembre 2014
(Ezéchiel 33,7-9 ; Romains 13, 8-10 ; Matthieu 18, 15-20)
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs
Le passage de l’évangile selon St Matthieu que nous venons d’entendre se situe au cœur d’une section d’enseignements de Jésus à ses disciples à propos de la vie communautaire . St Matthieu s’adresse certes aux chrétiens (judéo-chrétiens) des premières communautés du 1er siècle, mais ce qui nous est dit là peut nous rejoindre facilement et directement, nous, communautés chrétiennes du XXI° siècle.
Le texte lu nous rapporte 3 séries de paroles de Jésus, 3 « logions » (ou « logia), comme le disent les exégètes. Le 1er de ces logions concerne la correction fraternelle : « si ton frère a commis un péché… » avec son développement sur lequel il faudra revenir, ses étapes de solutions plus ou moins couronnées de succès. C’est le logion le plus long, celui que la liturgie a privilégié, en choisissant comme 1ère lecture le parallèle du livre d’Ezéchiel où Dieu ordonne à son prophète d’avertir le méchant pour qu’il abandonne sa conduite mauvaise, qu’il se convertisse, et qu’il vive .
Le second logion de Jésus concerne la prière de demande : « si 2 d’entre vous se mettent d’accord sur la terre pour demander quelque chose, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux »
Enfin le 3ème logion, très bref, définit la nature même de la communauté chrétienne, sa raison d’être : « quand 2 ou 3 sont réunis en mon Nom, je suis là, au milieu d’eux ». Une cté chrétienne n’existe que par cette présence réelle de Jésus en personne en son sein.
Sans doute pour bien comprendre les propos de Jésus sur la vie communautaire, faut-il s’arrêter sur le mot « gagner » qui signifie le contraire de « perdre ». Tu auras gagné ton frère ! Autrement dit : tu l’auras retrouvé, il te sera rendu, redonné. Notons que ces versets que nous avons entendus sont précédés dans l’évangile de Matthieu par le récit de la brebis égarée, que le berger va rechercher, en abandonnant les 99 autres brebis du troupeau, et qu’il ramène tout joyeux au bercail, après l’avoir retrouvée. Pensons aussi à la parabole de l’enfant prodigue dans l’évangile de Luc où il nous est rapporté la joie du Père, au retour de son enfant « perdu, et retrouvé ».
Ni l’évangile, ni le texte d’Ezéchiel, ne précise la nature de la faute ou de la méchanceté du pécheur égaré. Et il faut écarter la version ou traduction parfois entendue dans un sens individualiste et moraliste : « si ton frère vient à pécher contre toi… » qui n’est pas retenue par la plupart des manuscrits, ni par la liturgie. Le drame du pécheur, selon Ezéchiel, selon Jésus, selon Dieu lui-même consiste moins dans le fait d’avoir transgressé un commandement de la Loi, d’avoir manqué à une prescription morale, que de s’exclure de la communauté, du groupe de ceux qui l’aiment. S’exclure, se marginaliser en se mentant à soi-même, aux autres, à Dieu. Se montrer autre que l’on est en vérité. « Montre lui sa faute ! » La position juste devant la cté consiste à ne pas se cacher, à se reconnaître faible et pauvre pécheur, sans douter de la miséricorde des frères. La Bonne Nouvelle apportée par Jésus, c’est qu’il est venu en ce monde non pas pour condamner ou enfoncer les pécheurs , mais pour sauver ce qui était perdu, guérir ceux qui étaient malades, rassembler dans l’unité ceux qui s’étaient égarés. Ainsi la finalité de toute correction fraternelle se réalise dans l’amour du prochain : cette correction ne vise pas tant à remettre un frère dans le droit chemin d’une conduite irréprochable, qu’à le ramener dans la communion de la communauté. Et si, par malheur, il refuse de rejoindre la cté qui l’attend, il sera considéré comme un païen, comme un publicain, comme l’un de ceux dont Jésus précisément a voulu se faire proche, comme Zachée, Matthieu, la syro-phénicienne ou le centurion romain au pied de la Croix. Notre texte d’évangile ne perd pas de vue, même dans le cas extrême de l’exclusion et de l’excommunication, l’espoir que Jésus pourra encore venir sauver le pécheur qui ne se repent pas.
D’où l’importance de la prière de demande qui peut tout obtenir de Dieu, quand on l’invoque comme le Père des Cieux. C’est l’ultime remède que Saint Benoît conseille à l’Abbé d’administrer et de faire administrer par toute la cté à l’égard d’un frère récalcitrant qui ne veut pas obéir. Quand les autres remèdes (ceux de la parole et du dialogue n’ont pas produit d’effet)…
Enfin n’oublions pas le 3ème et dernier logion de notre texte (peut-être le plus essentiel) : « quand 2 ou 3 sont réunis en mon Nom, je suis là, au milieu d’eux ». Ce verset est placé au cœur de l’évangile (au chapitre 18) et il n’est pas sans évoquer le début et la fin de l’évangile de Saint Matthieu : un évangile de l’Emmanuel, du Dieu avec nous. Au chapitre 1er, l’ange Gabriel annonce à Joseph en songe la naissance du Sauveur, qu’il appellera Jésus, Emmanuel, Dieu avec nous, et au dernier chapitre (28) de ce même évangile Jésus envoie en mission ses disciples en les assurant : « voici que je suis avec vous, jusqu’à la fin du monde ».
C’est cette présence de Dieu, alors que nous sommes réunis à plus de 2 ou 3 au Nom du Christ, ici et maintenant, que nous célébrons dans cette eucharistie. Ensemble, nous avons écouté sa Parole, ensemble nous allons confesser notre foi, notre Credo, ensemble nous allons faire monter la grande prière eucharistique du Christ à son Père et nous allons communier à son Corps et à son Sang.
Voilà la grâce de la vie communautaire : appel de Dieu vivre dans l’Unité et la Charité dans le Christ, qui est l’accomplissement parfait de la Loi, comme le rappelait Saint Paul aux romains dans la seconde lecture.
Par Lui, avec Lui et en Lui, à toi Dieu le Père tout puissant , dans l’unité du saint Esprit, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles . AMEN (2014-09-07)
Année C - 3° Dimanche de Pâques - 29 avril 2001
Ac 5 27-41; Ap 5 11-14; Jn 21 1-19
Homélie de F.Guillaume
Frères et sœurs
En ce 3ème Dimanche de Pâques, comme pour les deux premiers, l’évangile de la liturgie nous présente un récit d’apparition de Jésus Ressuscité. Mais s’agit-il bien d’abord de la résurrection de Jésus dans cette scène au bord du lac de Tibériade ? N’est-il pas plutôt question de la résurrection des disciples, de celle de Pierre tout particulièrement et indirectement ne sommes-nous pas renvoyés à notre propre résurrection ? Voilà un texte très chargé en détails symboliques qui appelle quelques éclaircissements.
La première partie de la scène est le récit d’une pêche en 2 temps Un premier temps totalement infructueux : les disciples se sont mis pourtant à 7 (un chiffre parfait) et ce sont des pêcheurs professionnels qui se sont débattus toute la nuit sans rien prendre. Le matin, ils reviennent, bredouilles, sans doute abattus et peu fiers. C’est alors que Jésus apparaît sur le rivage et ils ne le reconnaissent pas. Dans un deuxième temps, ils sont tellement démunis qu’ils obéissent sans protester à l’injonction de cet inconnu de jeter les filets du côté droit de la barque, et c’est le miracle étonnant : 153 gros poissons sont retirés de la mer, et le filet ne s’est pas rompu, nous précise-t-on.
Le disciple que Jésus aimait, celui que la Tradition a identifié à l’apôtre Jean, fils de Zébédée, reconnaît le premier le Seigneur, et il le dit à Simon Pierre. Pierre était nu (il n’avait rien sur lui), ce que l’on peut traduire encore : dépouillé de tout, de toute suffisance, de tout espérance. Allons plus loin, il avait été mis à nu par son péché de lâcheté, au moment du reniement, tout comme Adam avait pris conscience da sa nudité au jardin d’Eden, après sa faute. Pierre passe donc un vêtement sur lui, et il s’élance dans la mer à la rencontre de Jésus qui vient le repêcher, qui vient lui pardonner, le ressusciter, lui et ses compagnons de barque.
Ensuite, nous assistons, émerveillés, à ce repas tout simple, préparé par Jésus, où le Christ en personne fait les gestes de l’eucharistie avec ses amis : il prend le pain, et il le leur donne. Il fait de même avec le poisson : aucun des disciples n’ose poser de questions. Ils participent, avec une intelligence et un cœur renouvelés au mystère inouï de la résurrection de leur Seigneur. C’est pour eux une nouvelle naissance après l’échec, après la tristesse, après la mort et le deuil du Vendredi Saint.
Le repas terminé, c’est la seconde partie de la scène : le dialogue entre Jésus et Pierre. Un dialogue très émouvant, quand on sait qu’il a été mis par écrit après le martyre de Pierre à Rome, un martyre annoncé par Jésus lui-même. Le dialogue concerne les deux personnes de Jésus et de Pierre, bien sûr, mais il intéresse aussi toute la communauté des disciples, toute l’église, sa mission et son unité : ce dialogue intéresse chacun de nous dans sa relation personnelle, intime, avec le Seigneur ressuscité.
C’est un autre aspect de la résurrection de Pierre qui est ici évoqué. Pierre est confirmé à nouveau dans son ministère de pasteur, pour le troupeau que Jésus lui confie. Jésus lui propose de remplacer les trois « je ne te connais pas » du reniement de la Passion, par trois « je t’aime » d’un nouvel engagement, à la lumière de la Résurrection. C’est un vrai re-départ dans la vie pour Pierre et pour ses amis : de peureux et de découragés qu’ils étaient, les voilà maintenant prêts à affronter le grand Conseil, comme on le voit dans la première lecture, mais aussi prêts pour les épreuves, les obstacles, et pour beaucoup d’entre eux, le martyre.
Ainsi, c’est bien toute l’Eglise qui est symbolisée dans ce texte, par la barque, par les 153 gros poissons et aussi par le filet qui, dit l’évangéliste, ne s’est pas déchiré (en grec, le verbe précis est «skizo », qui a donné schisme, schismatique). C’est dire qu’à l’appel du Christ Ressuscité l’Eglise est une, non divisée, catholique et apostolique. Elle est invitée à une nouvelle naissance, sous la conduite de Pierre, à la suite de son Seigneur.
La suite de l’épisode, qui n’a pas été lue mais qui fait partie de la même unité narrative, relate le rôle propre attribué au disciple que Jésus aimait, un rôle distinct de celui de Pierre et qui ne le regarde pas. Jésus dit à Pierre : « si je veux que ce disciple demeure, jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi ! » Les exégètes voient là l’attestation, à l’origine, d’une pluralité de communautés chrétiennes qui se réclamaient des différents apôtres. Nous savons par d’autres passages du N.T. les tensions qui ont existé entre Paul et Pierre, entre Paul et Barnabé ou Apollos ou Jacques... L’église n’était pas uniforme après Pâques, mais ces tensions n’ont pas déchiré le filet entre les disciples : l’unité s’est faite dans la reconnaissance de l’autorité de Pierre et dans la communion entre les communautés autour du Christ Seigneur, mort et ressuscité.
C’est là une grande leçon pour nous aussi aujourd’hui et pour la vie de l’Eglise au seuil du 3ème millénaire. Car l’Eglise est toujours composée de communautés anciennes et nouvelles, appelées à la communion avec leur différentes sensibilités et aussi leurs tensions. Le discernement sur les courants se fera toujours à partir de l’amour du Christ Mort et Ressuscité dont témoignera chaque disciple, et à partir de l’esprit de service qui est demandé à tout pasteur de communauté.
A la suite du Christ, le disciple doit se faire serviteur, à l’exemple de son Maître, qui, de riche qu’il était, s’est fait pauvre par amour, pour nous enrichir de sa pauvreté.
Frères et sœurs, en réponse à cet évangile et aux lectures de ce dimanche, rendons grâce à Dieu de nous avoir appelé à témoigner, sans peur, de notre foi au Christ Ressuscité, à l’Agneau immolé qui nous a racheté et lavé de nos péchés par son sang. A lui, notre louange, à lui l’honneur, la gloire et la puissance pour les siècles des siècles.
AMEN (2001-04-29)
Année C - 24° dimanche du Temps Ordinaire - 16 septembre 2001
Ex 32 7-14; 1 Tim 1 12-17; Lc 15 1-32
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
En cherchant un lien entre les 3 lectures de la liturgie de ce dimanche, je me suis demandé si l’on ne pouvait pas le trouver dans le rapport si mystérieux entre le péché de l’homme, d’une part, et la grâce miséricordieuse de Dieu, Sauveur de l’homme, d’autre part. En quoi consiste le péché dans chacun de ces textes ? En quoi consiste la miséricorde divine, en regard de ce péché ?
Dans le livre de l’Exode, le péché, qui est péché du peuple tout entier, c’est avant tout l’idolâtrie. Une idolâtrie symbolisée par la confiance portée à un veau d’or, c’est-à-dire à un dieu fabriqué, facile, bien repérable, mais qui n’est qu’illusion et sans vraie puissance, si ce n’est une Toute Puissance Imaginaire. C’est le péché qui détourne Israël de son Alliance avec le Seigneur : péché d’oubli, de faiblesse, de paresse. Face à ce péché du peuple, la première réaction du Seigneur est de sanctionner, de sévir et de détruire. Image d’un Dieu Juge, Coléreux, qui veut marquer sa Force et son Pouvoir absolu. C’est alors que Moïse, l’homme le plus humble que la terre portait en ce temps-là, Moïse, l’homme juste et droit, se lève, seul. Il a, lui, la connaissance et l’expérience d’un autre aspect de Dieu : un Dieu qui n’est que relation, désir d’alliance et de communication d’amour et de tendresse. Moïse va rappeler à Dieu, par une prière instante, qu’il ne peut se laisser aller à sa colère, que la mémoire de l’Alliance et de la Promesse faite aux Pères autrefois est plus forte que l’égarement et la défaillance passagère des enfants d’aujourd’hui. Admirable foi de Moïse qui fait revenir Dieu sur sa décision, et qui l’apaise. Dieu, alors renouvelle son Alliance et sa confiance ; il pardonne, à cause du serviteur fidèle : il se révèle dans sa miséricorde, bien plus que dans sa Justice et sa Force, selon une vue trop humaine. L’image d’un Dieu sévère, implacable, juge, que l’on attribue trop facilement et à tort à l’Ancien Testament, ne peut que chuter : le Dieu d’Abraham, d’Isaac de Jacob et de Moïse est bien un Dieu plein d’amour et de tendresse, lent à la colère et qui pardonne. (cf. les Psaumes)
Dans la seconde lecture, tirée du Nouveau Testament, Saint Paul nous livre une confession très personnelle en raccourci : « moi, le premier, je suis pécheur, mais si le Christ Jésus m’a pardonné, c’est pour que je soie le premier en qui toute sa générosité se manifesterait ».
Son péché, il l’avoue, était avant tout un péché d’ignorance. Il n’avait pas la foi, il n’avait pas été saisi par l’amour du Christ. Au contraire, il n’avait que haine pour lui : il le blasphémait, le persécutait, l’insultait, lui et ses disciples. Mais la grâce du Seigneur a été plus forte encore que tout ce déferlement de passion et de violence aveugle, de fanatisme religieux, car c’était bien au nom de la Loi, d’une interprétation pharisienne légaliste, qu’il agissait ainsi. « Là où le péché avait abondé, dira-t-il dans une autre épître, là, la grâce a surabondé ». Et il ne peut, après coup, qu’avoir un cœur débordant de reconnaissance pour Celui qui lui a fait confiance, Jésus-Christ. Il lui a ouvert un avenir, en lui donnant la force, et en le chargeant du ministère d’annonce de la Parole du Salut.
Avec l’Evangile, nous sommes en présence d’un autre type de récit : non plus historique, comme l’Exode, non plus existentiel, comme la confession de Paul, mais une série de paraboles, rapportées par Saint Luc, dans le style rabbinique du temps de Jésus.
La situation du pécheur, dans chacune de ces paraboles est figurée par une perte : perte d’une brebis, d’une pièce d’argent, ou plus grave, perte d’un fils, voire de deux fils. Et en regard, la grâce, la miséricorde nous est représentée comme des retrouvailles, invitant tout le monde à la fête, à la joie. Déjà les psaumes avaient bien conscience que le pécheur, l’impie, l’homme sûr de lui, ne peut que courir à sa perte, alors que le juste, le pauvre, l’humilié, trouve sa joie dans le Seigneur. Pour bien saisir la portée et la force de ces trois paraboles, il est important d’être attentif au contexte du récit : « les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux. Alors Jésus leur dit cette parabole : ».
Pour Luc, Jésus est l’envoyé de Dieu qui ne vient pas pour condamner, mais pour sauver, pour guérir les malades, pour ramener ceux qui s’égarent. Car la situation du pécheur est une situation de malheur, d’isolement et finalement de mort, de non-vie.
Que retenir de la lecture et de la méditation de ces trois textes, à propos du péché de l’home, et de la grâce divine, sinon que tout se joue au niveau de la confiance ?
Le peuple de Dieu n’avait pas fait confiance à la Loi d’Alliance donnée par Dieu au Sinaï, mais Moïse, le serviteur fidèle a su gagner la confiance et de Dieu, et du Peuple. Alors, la grâce a pu se frayer un chemin dans les cœurs, et le péché du veau d’or a pu être pardonné.
Saint Paul, avant sa rencontre décisive avec le Christ, sur le chemin de Damas, n’avait pas confiance en cette nouvelle secte des chrétiens, et, en bon pharisien qu’il était, les persécutait sans état d’âme. Mais quand il a senti la confiance que le Seigneur lui faisait, quand il fut saisi par l’amour et la miséricorde de Celui qu’il persécutait, alors il fut retourné, et à son tour, il a mis sa confiance, sa foi, dans ce Jésus-Christ qu’il reconnaissait comme Sauveur du monde.
Enfin le fils cadet de la parabole, au fond de sa misère et dans l’examen de sa conscience, a gardé confiance en son Père, capable, se disait-il de l’accueillir à nouveau, ne fut-ce que comme un de ses ouvriers. Le fils aîné, en revanche, n’était pas dans ce registre de la confiance et de l’abandon. Et c’est bien là son plus grand malheur. Le Père de cette parabole, lui, fait confiance à ses deux enfants : il se tient toujours ouvert à la miséricorde et au pardon, et l’on peut espérer que le fils aîné, lui aussi soit un jour touché par cet amour paternel, puisque le texte reste ouvert dans sa finale.
A chacun de nous, aujourd’hui, il nous est demandé de passer de la méfiance à la confiance, de l’ignorance et de l’oubli, qui sont des composants du péché, à la connaissance et à la vie dans la grâce. C’est cela, la vie chrétienne au quotidien, et nous savons que cela n’est jamais facile, que le combat n’est jamais définitivement gagné. Bien des peurs, bien des défaillances et des obstacles sont au rendez-vous de nos projets et de nos relations humaines. Pourtant une joie nous habite : la joie de l’espérance et de l’expérience de la fête ; fête dans le ciel, chez les anges de Dieu, et fête sur terre aussi, par anticipation, car le Royaume est déjà là, tout près de nous.
Célébrons donc cette eucharistie aujourd’hui comme une fête à laquelle Dieu, à l’image du Père de la Parabole, nous invite tous, que nous soyons ses cadets ou ses aînés. A défaut de chevreuil, allons chercher le pain et le vin, offrons la grande prière d’action de grâce du Christ à son Père, puis mangeons, buvons et festoyons, car : « Christ est mort, à cause de notre péché. Il a été rendu à la vie, par la Puissance de la Résurrection. Il est grand, le mystère de notre foi ! »
AMEN (2001-09-16)
Année A - Homélie 22° Dimanche du Temps Ordinaire : 31 Août 2014
Homélie du F.Vincent
Dimanche dernier, dans le passage qui précède l’évangile d’aujourd’hui, les apôtres par la bouche de Pierre ont reconnu officiellement que Jésus était le Messie, le Fils de Dieu.
Mais quel Messie attendaient Pierre et les 12 ? Ils n’attendaient sûrement pas, que celui qu‘ils suivaient comme le messie serait un jour affreusement défiguré sur une croix infâme, comme le dernier des esclaves.
Mais ce que Jésus veut pour ses disciples et pour son Eglise à venir, c'est une foi forte. Or forte est la foi de ceux qui savent que la joie est au terme d'un dépassement ; qui savent que Dieu ne vient pas d’abord nous combler , mais mettre en nous une soif à la fois plus douce et plus ardente, pour que nous allions toujours plus loin à Sa recherche, au-delà de nous-mêmes.
Forte est la foi qui est centrée sur l'essentiel, c'est à dire sur Dieu ; que sert à l'homme de gagner l'univers ? Une foi qui se construit sur le don de sa vie à Dieu, qui ne craint pas de "perdre sa vie" pour Lui. Une foi qui a compris que la signature de Dieu, c'est l'oubli de soi ; que la signature de Dieu, c'est le don de soi, et c'est l'amour. Une foi qui a compris que c'est toujours ainsi que nous reconnaissons Dieu, jamais autrement.
Pierre refuse la croix de Jésus. Il refuse la croix parce que pour lui c'est une impossibilité; comme il refusera pour Jésus, l'humilité du geste de l'esclave, à genoux devant ceux dont il lave les pieds. Jésus l'avertira alors qu'il n'a aucune part avec Lui s'il n'accepte pas ce geste d'humilité qui est justement le geste naturel du Vrai Dieu. Car le vrai Dieu c'est un Dieu humble et pauvre. Oui, le vrai Dieu est pure générosité, parce qu'il est tout amour, parce qu'il n'est qu'un cœur, parce qu'il ne peut qu'aimer : parce qu'il est un Dieu fragile, un Dieu désarmé.
C'est à mesure que l'on entre plus profondément dans la pauvreté divine, à mesure que l'on comprend mieux que la joie de Dieu c'est la joie du don total, jusqu'au don de sa vie, la joie de celui qui ne peut rien garder, la joie de celui qui ne peut rien posséder ; c'est à mesure que l'on comprend que la joie de Dieu c'est la joie de celui qui est totalement évacué de soi jusqu'à donner sa vie par amour, c'est dans cette mesure que l'on comprend un peu mieux qui est Dieu. C'est à mesure où l'on perçoit mieux cette puissance d'identification, où l'amour rend capable de vivre la vie d'un autre, pour lui et non pas pour soi; à mesure qu'on entre dans ces abîmes de la tendresse, que l'on comprend mieux la fragilité de Dieu. Oui Dieu est fragile; oui Dieu peut être vaincu et il l'est sur la croix où il meurt d'Amour pour ceux qui refuse de l'aimer. Oui, Dieu en Jésus meurt sur la croix pour ceux-là même qui le crucifient; il meurt pour ceux qui refusent obstinément de l'aimer. C'est cela que Pierre ne comprend pas; c'est cela que Pierre ne veut pas accepter.
Et pourtant, la seule véritable clé de l'évangile, la seule clé de l'amour, la seule grâce, c'est de savoir que c'est Dieu qui est pauvre, fragile, c'est de savoir qu'il est sans défense car il ne peut qu'aimer. La croix, disait un auteur spirituel, c'est Dieu qui pleure, c'est Dieu qui meurt de nos refus d'Amour. Cela Pierre ne voulait pas, ne pouvait pas l'accepter, du moins pour l’instant.
Ne condamnons pas trop vite Pierre l'incrédule. Mais au cours de cette eucharistie que nous célébrons, demandons au Seigneur d'allumer en nous ce feu dévorant dont parlait Jérémie (dans la première lecture), qui fera que nous ne crierons plus avec Pierre : "Mais non Seigneur, ça n'est pas possible", mais qui fera que nous apprendrons à la suite du Christ à donner notre vie par amour, que nous apprendrons qu’AIMER c'est MOURIR, mourir à soi-même, mais pour VIVRE, pour vivre pour un autre. Pour vivre pour lui notre Seigneur bien-aimé, et pour vivre aussi pour chacun de nos frères qu'il a placé auprès de nous pour nous parler de LUI. (2014-08-31)
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Année A 21e Dimanche du Temps Ordinaire - 24 Août 2014
Is. 22, 19-20 Rom. 11, 33-36 Mt. 16, 13-20
Homélie du F.Ghislain
Les disciples aujourd’hui sont autour de Jésus, assez loin au Nord-Est du lac de Génésareth, comme quelques jours avant, ils étaient aussi à l’étranger, au Nord-Ouest dans la région de Tyr et de Sidon.
C’est dans cet environnement un peu lointain que Jésus pose à ses disciples une question qu’il n’a jamais posée. Celle son identité à lui. Question assez redoutable. Peut-être n’avons-nous jamais fait à d’autres une telle demande nous concernant : « Pour toi, ma femme, mon mari ? pour vous, mes enfants, mes amis, mes frères en communauté ? pour vous, mes collègues, mes électeurs, mes paroissiens qui suis-je ? » Demande qui nous ferait trembler peut-être : qu’est-ce qu’ils vont répondre ? Demande qui peut être utile pourtant : comment avoir des rapports vrais si on n’est pas au clair avec les autres, s’ils ne sont pas au clair avec nous.
Jésus la fait cependant, cette demande.
Et vous ? Vous qui me suivez depuis quelques mois, qui marchez avec moi entre Tibériade et Jérusalem, qui m’accompagnez à l’étranger, hier dans le territoire de Tyr et de Sidon, aujourd’hui à Césarée de Philippe. Vous, qu’est-ce que vous dites ? pourquoi me suivez-vous ? qu’est-ce que vous attendez ?
Les disciples sont là. Au fond d’eux-mêmes, ils croient en Jésus. Un jour, au début, l’un d’entre eux, Philippe, a dit à un autre : « Celui au sujet duquel ont écrit Moïse, dans la Loi, et les prophètes, nous l’avons trouvé, c’est Jésus de Nazareth » (Jn. 1. 45). Mais ils ne l’ont jamais dit à voix haute, les uns devant les autres, tous devant Jésus. Quand ils l’auront dit, ce sera clair, public. Quelque chose aura changé dans le regard porté sur Jésus. Une sorte d’engagement, un point de non retour. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », c’est ce que nous croyons et c’est à cause de cela que nous avons tout quitté pour te suivre. Comme ceux qui viendront après nous le diront bien plus tard, au Concile Vatican II : « Nous regardons avec foi vers toi, l’unique auteur du salut, principe d’unité et de paix » (LG n°9)
Cette voix des disciples, c’est à travers celle de Pierre qu’elle retentit. Il ne parle pas pour lui seul, mais pour tous, qui ont été interrogés. Il ne dit pas sa conviction à lui, mais celle qu’il partage avec ceux qui sont là. Il engage le groupe, et celui-ci adhère par son silence. Si quelqu’un n’était pas d’accord, il le dirait ou il s’en irait. Comment rester parmi des gens dont on ne partage pas la conviction fondatrice ? « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant »
Et nous comprenons la réaction de Jésus : une telle parole de reconnaissance, personne ne peut la dire de lui-même. Ainsi, cette banlieue de Césarée devient comme la montagne de la Transfiguration : Dieu y est manifesté par la reconnaissance de sa Gloire sur le visage de Jésus ; cela n’apparaît pas dans une lumière extérieure mais dans une conviction du cœur des disciples qui s’exprime à travers la parole de Pierre.
Cet évangile nous est lu aujourd’hui, ici. Il s’adresse donc à nous : nous, que disons-nous qu’il est ? que lui disons-nous ?
Nous allons évidemment le dire dans le Credo. Dans son contenu, c’est une confession de foi détaillée, le résumé de l’histoire de Jésus, une proclamation d’espérance. Mais, dans sa forme, c’est à la première personne du singulier que nous le disons : je crois. Mais nous le disons ensemble, c’est donc aussi à la première personne du pluriel : nous, ici présents, nous croyons.
Surtout, c’est la réponse à une question que Jésus nous adresse aujourd’hui, en ce moment au sein de notre assemblée : « vous ici maintenant dans cette église, qui dites-vous que je suis ? Faites attention, parce que si vous le dites ensemble maintenant, cela vous unit les uns aux autres indissolublement. Cela vous engage aussi, car tout à l’heure dehors, dans votre environnement : dans la famille, au travail, en politique, vous parlerez et vous vivrez au nom de Jésus…Alors, que dites-vous ? »
Peut-être cela nous fait-il peur ? Peut-être, si nous prenons conscience de ce qui est en jeu, de la manière dont nous le montre l’évangile d’aujourd’hui, ne nous sentons-nous plus tellement prêts à chanter le Credo qui sera dans cette assemblée l’écho de la parole de Pierre. Allons-nous laisser chanter les autres et garder nos lèvres fermées ?
Souvenons-nous alors de ce que dit Jésus : si nous formulons cette confession de foi, ce qui veut dire encore une fois, si nous nous engagerons à en vivre ensemble et chacun en particulier, c’est que quelque part au fond de nous-mêmes le Père nous révèle ce que nous allons confesser et forme en nous l’image de son Fils. Saint Paul nous dit aussi que nul ne peut, sinon dans l’Esprit, confesser « Jésus est Seigneur ».
Aussi bien, si cet épisode de Césarée nous remplit de crainte (comme Pierre, Jacques et Jean au Thabor), c’est bien, car il s’agit de la Révélation du Fils qui nous est faite par le Père dans l’Esprit, et la crainte de Dieu nous envahit. Mais la crainte de Dieu chasse la peur et la pusillanimité ; elle remplit d’amour et de foi et ouvre sur l’espérance.
Aujourd’hui, à cause de cet évangile qui nous a ét proclamé avec la force du Verbe de Dieu, mouvons-nous chanter ensemble maintenant le Credo comme nous ne l’avons jamais encore (2014-08-24)
ANNÉE A - VINGTIEME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
1ère lecture : Isaïe 56,1 et 6-7
2ème lecture : Lettre aux Romains 11,13-15 et 29-32
Évangile selon saint Matthieu : 15,21-28
Homélie de F.Matthieu
Dimanche après dimanche, la liturgie nous propose, à travers une lecture suivie de l’évangile selon saint Matthieu, des figures-modèles pour notre foi.
Dimanche dernier, c’était Pierre, capable de s’engager sur la parole de Jésus à marcher sur les eaux… vite rattrapé par sa peur et finalement son ‘peu de foi’ selon l’expression de Jésus, mais sauvé finalement par son cri : ‘Seigneur, sauve-moi !’, qui dit mieux que tout sa foi… fragile mais présente !
Aujourd’hui, c’est une cananéenne, une étrangère, non-juive, qui est notre modèle ; païenne mais qui d’entrée pourtant interpelle Jésus, comme Fils de David, et comme sauveur possible de sa fille sous l’emprise du démon… mais la voilà éconduite, de manière brutale par Jésus, qui oppose sa condition d’étrangère à ce qu’il nomme ‘sa mission’ ‘d’envoyé seulement aux brebis perdues de la maison d’Israël !’ et la traite de façon presqu’insultante !
Mais, merveille de lucidité plus encore que de persévérance, la femme reconnaît son statut de « petits chiens », indignes du pain des enfants… mais revendiquant de manger les miettes qui tombent de la table…
Et Jésus va célébrer sa foi accomplie, et guérir sa fille, toute étrangère au peuple d’Israël qu’elle soit !
Mais pourquoi cette rebuffade insultante de Jésus ?
Sans doute d’abord, pour pousser cette femme à aller au bout de sa foi, en la soumettant à l’épreuve. Ce n'est pas évident pour une Cananéenne d'aller demander un miracle à un prophète d'Israël, encore moins de s'adresser à lui comme "Seigneur, fils de David". Mais c’est surtout l'humilité dont elle fait preuve : ‘petits chiens, oui, mais les petits chiens mangent les miettes...’, c’est cette humilité qui l’emmène au sommet de la foi.
C’est ce chemin de confiance et d’humilité qui la conduit jusqu’à sa vérité humaine, exclue de la table, et jusqu’à la reconnaissance que seul Jésus peut sauver, et Jésus témoigne de la justesse de cette itinéraire de foi : ‘Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux.’
Et le chemin de foi, l’exemple que nous donne cette femme, vient nous rappeler, à nous aujourd’hui, cette vérité essentielle : le salut de Dieu est un don gratuit, un don que Dieu réalise selon son dessein et sa volonté ; personne n’est en droit d’exiger quoique ce soit, car tous nous sommes radicalement ‘pécheurs’ et le reconnaître est le premier pas de la foi.
Paul le rappelle plus clairement encore dans le passage de la lettre que nous avons entendue. Les païens que nous sommes ont ‘jadis désobéi à Dieu’, mais aujourd’hui, c’est la désobéissance d’Israël, qui a entraîné sa ‘mise à l’écart’, qui est devenu ouverture pour les nations païennes, leur permettant d'entrer dans l'Alliance, de bénéficier de la miséricorde de Dieu. Et Paul voit plus loin ; il sait que ‘les dons de Dieu et son appel sont irrévocables’, il sait surtout que ce qui est essentiel, c’est la miséricorde de Dieu, et il peut donc voir déjà qu’un jour, à cause de la seule miséricorde de Dieu, Israël ‘sera réintégré’.
Le texte de Paul met en lumière des paradoxes divins : la désobéissance des uns, est l’occasion pour Dieu, de faire triompher sa miséricorde pour les autres, et cette désobéissance même permet finalement à la miséricorde de Dieu de s’offrir à tous gratuitement, pour que finalement tous obtiennent miséricorde, car c’est le seul moyen de salut !
Dieu ne fait pas de différence entre les hommes : nous sommes ‘tous enfermés... dans la désobéissance’ (tous, juifs et païens, nous sommes pécheurs), et c'est paradoxalement ainsi que triomphe la Miséricorde de Dieu, qui offre, à tous, gratuitement, le salut en Jésus, mort et ressuscité, offerts pour nos péchés !
La foi de la Cananéenne nous enseigne à nouveau ce que nous sommes, coupés de la guérison et du salut, écartés de Dieu, mais elle nous enseigne surtout que nous pouvons, que nous devons faire fond sur la volonté miséricordieuse de Dieu qui a tout mis en place pour nous sauver.
Cette miséricorde de Dieu qui dépasse tout, il faut simplement – si l’on peut dire – y croire et l’accueillir dans sa gratuité toute puissante : elle est le seul chemin du salut.
Dans la lumière de cette Miséricorde, manifestée dans le Christ, nous pouvons tout ensemble reconnaître notre ‘désobéissance’, notre péché, et recevoir, dans l’action de grâce, la gratuité de notre guérison, de notre ‘réintégration’ dans la vie de Dieu, la ‘vie pour ceux qui étaient morts’ !(2014-08-17)
Année A - ASSOMPTION -
15 AOÛT 2014
Ap 11,19a, 12, 1-6a.10ab; 1 Co 15, 20-26; Lc 1, 39-56
Homélie du Père Abbé Luc
“Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni». Avec Elisabeth, nous pouvons reprendre, frères et sœurs, cette salutation pour l’adresser à Marie, en ce jour… Oui, cette fête de l’Assomption manifeste aux yeux de la foi combien Marie est bénie de Dieu.
En Marie, élevée au ciel, dans la gloire de Dieu, avec son âme et son corps, s’accomplit toutes les bénédictions dont elle a été l’objet de la part de Dieu, depuis sa naissance jusqu’à sa mort en passant par sa maternité par laquelle elle a accueilli le Fils de Dieu fait chair.
Dans la lignée de tant de femmes de l’AT, depuis Anne la mère de Samuel, en passant par Yaël et Judith, femmes aux exploits virils et guerriers, Marie a été bénie comme aucune autre femme, pour être la mère du Messie. Sur elle, la bénédiction de Dieu a été abondante, car elle devait accueillir, nourrir et éduquer le Béni de Dieu, le Christ, venu libérer son peuple du péché et de la mort. Quand nous contemplons Marie, la bénie, frères et sœurs, nous ne pouvons que nous émerveiller de la fidélité de Dieu pour son peuple. En Marie, qui accueille le Fils de Dieu, s’accomplit toute l’œuvre de bénédiction de Dieu « en faveur d’Abraham et de sa race à jamais ».
Contempler Marie la Bénie de Dieu, c’est indissociablement contempler la manière avec laquelle Dieu vient vers elle… « Il s’est penché sur son humble servante » chante Marie. Il s’est penché…En Marie, la bénie, se manifeste le secret de la bénédiction divine…Celle-ci se donne au creux de l’humilité, humilité de Dieu qui se penche, qui « abaisse son regard vers le ciel et vers la terre » (Ps 112, 6), et humilité de Marie qui consent sans tout comprendre, dans un total abandon et une grande confiance. Dieu s’abaisse. Marie la bénie accueille. Elle confesse qu’elle si petite que Dieu a dû, lui aussi s’abaisser pour la rejoindre. Elle manifeste alors combien le Dieu d’Israël veut rejoindre les petits, les affamés, les pauvres. Sa bénédiction est pour eux. L’ordre établi par les hommes est renversé. Jésus, le fruit béni de Marie, lui le Béni de Dieu, ne fera rien d’autres durant son ministère. Il va accomplir ce nouvel ordre des choses annoncé par les prophètes : les petits et les pauvres sont l’objet de la bénédiction de Dieu. Mais plus encore, il va révéler en sa chair jusqu’où va l’abaissement de Dieu désireux de bénir son peuple. Par sa mort sur la croix, Jésus va ouvrir grandes les sources de la bénédiction divine, par son sang versé et par son esprit répandu. Frères et sœurs, quand nous prions le chapelet, cette prière du cœur, ne nous lassons pas de recueillir le mystère de la bénédiction de Dieu manifesté en Marie. Quand nous disons : « tu es bénie entre toutes les femmes », nous la regardons elle, la bénie, toute humble, et nous sommes conduits à Jésus, le Béni de Dieu, qui nous sauve dans son grand abaissement par Amour pour nous.
En ce jour, où nous fêtons Marie, la Bénie de Dieu, il nous faut encore nous souvenir d’une chose. Lorsque Dieu bénit, un homme ou une femme en les prenant sous sa bénédiction, c’est en vue du bien de tout son peuple. Dieu a béni Marie pour qu’elle devienne la Mère de son Fils, qui allait nous sauver par sa mort et sa résurrection. Et aujourd’hui quand la bénédiction de Dieu s’accomplit en Marie élevée dans la Gloire, nous avons là le gage de la bénédiction qui nous est aussi promise. Marie est ainsi « parfaite image de l’Eglise à venir, aurore de l’Eglise triomphante » comme nous le chanterons dans la préface.
Frères et sœurs, en contemplant aujourd’hui Marie, la bénie de Dieu, nous sommes conviés à raviver notre foi en la fidélité de Dieu qui mène à son terme son œuvre d’amour pour chacun de nous, quel que soit notre chemin plus ou moins chaotique. Dieu nous donne même déjà les prémices de sa Joie et de sa Paix en cette Eucharistie, où nous est offerte la Vie éternelle, fruit de la mort et de la résurrection de Jésus. (2014-08-15)
année A - 19 Dimanche TO - 10 Août 2014
Mt 14.22-33
Homélie du F.Antoine
L'Evangile de ce Dimanche déborde de vie-On y parle de mer agitée, d'une barque battue par les vagues et le vent contraire, de désert, de montagne, de foules et de solitude enfin de Jésus et ses disciples et même d'un fantôme!
Au cœur de cet ensemble, une parole domine le récit .... « Homme de peu de foi!» Dans son Evangile, Matthieu met cinq fois cette expression dans la bouche de Jésus et, ici, ce reproche s'adresse à Pierre, homme ~u destin exceptionnel dont Jésus éprouve la foi.
Une foi dont l'Evangile d'aujourd'hui nous dit que tôt ou tard elle doit affronter vagues et vents contraires et traverser l'épreuve du passage, d'une foi facile et enthousiaste, à la foi profonde creusée par l'adversité.
Pierre, marin-pêcheur du lac de Tibériade est difficilement passé d'une confiance en ses capacités, à une totale remise de lui-même en cette main qui le saisit et s'entendre dire « Homme de peu de foi, Pourquoi as-tu douté »?
Cette scène, n'est-elle pas une prophétie, de ce que nous avons à vivre, en tant que croyant? Car ce texte si vivant est entouré d'une atmosphère de mort: la tempête, la présence pesante de la nuit, l'apparition d'un fantôme, la terreur des disciples, leurs cris de détresse ... images qui font planer l'angoisse de la mort sur le récit et nous renvoient à cette expérience où notre foi semble noyée, balayée par les agressions de la vie et où ... tout attendre de Dieu dans la foi et la confiance, ne nous économise pas .ces traversées d'incertitudes parfois chaotiques, on ne sait plus si on croit ... on ne sait plus jusqu'où on croit ... et finalement en qui on croit!
La foi n'est jamais définitivement acquise nous signifient les disciples. Ils ont vécu la peur, l'affolement, puis ils se sont ouverts à une confiance totale au Maître, pour finalement ,en hommes de peu de foi, être tragiquement absents au pied de la croix.
La foi est une vie, une vie sans cesse en croissance ou en décroissance. Elle est une histoire en cheminement, une histoire en évolution permanente ... celle d'un compagnonnage avec Jésus Fils de Dieu embarqué avec chacun d'entre nous dans la traversée de l'existence, compagnonnage qui peut connaître des étapes merveilleuses, l'important n'a pas été que Jésus marche sur les eaux, l'important a été qu'il réponde immédiatement à la détresse des disciples, qu'aucun obstacle ne l'arrête et que sa main les saisisse et leur sauve la Vie.
Toute La finale de cet Evangile est un chant au triomphe de la vie. Jésus marche sur les eaux de la mort, il domine leur puissance, il révèle d'une façon éclatante qu'il est le Fils du Dieu vivant. Sa victoire sur la tempête les vents, les vagues apparaît ainsi comme une anticipation de sa résurrection et l'annonce de son triomphe sur la Mort'
Frères et Sœurs, Cet Evangile nous invite à partager cette victoire, en en faisant une victoire de la Foi, une victoire de notre foi sur nos-peurs, nos angoisses nos lassitudes tout en gardant les yeux fixés sur le Maître bien aimé, Jésus vraiment Fils de Dieu, venu nous sauver de nos tempêtes et ... de nous-mêmes. ! (2014-08-10)
année A - 3 Août 2014 –18e dim. ord.
Homélie du F.Sébastien
Frères et sœurs, ouvrons nos cœurs, large, car j’ai une bonne nouvelle. Dans les trois lectures de ce dimanche, c’est notre Dieu lui-même qui vient à nous en se révélant comme don, un don pas comme les autres.
Dans la première lecture Isaïe ne manque pas de nous surprendre: « Ô vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau, venez — sans argent, sans payer — et buvez, du vin, du lait. » C’est exactement la situation du nouveau-né. Mais aussi celle de quiconque réalise peu à peu que, poussé par son besoin de boire, physique ou spirituel, il ne cesse d’aspirer à la source derrière laquelle se cache, et plus encore, se révèle, Celui que nous prions dans le Notre Père. Celui dont le don permanent devrait éveiller en nous une immense reconnaissance. « Merci, Ô Dieu, notre Père à tous ! »
Ceci me fait penser à, Mgr Deniau, précédent évêque de Nevers. Observant la société moderne, férue de performance, il disait : « Il faut de toute urgence retrouver la capacité de recevoir, –– avec émerveillement – avec merci . Les trois se tiennent. Ensemble ils constituent un antidote à la tentation subtile de l’homme généreux de vouloir être toujours celui qui donne, toujours plus, à l’image de Dieu. Avec le risque de se faire inconsciemment un peu trop donateur, un tantinet surplombant, sans réel besoin des autres, voire gentiment étouffant, en un mot, une sorte de dieu qui a mal tourné. Le vrai Dieu donne, sans cesse, mais en se faisant tout petit, sans en avoir l’air.
Ici, j’entends la voix du sceptique déçu : « Votre Dieu qui ne fait que donner, c’est bien joli, mais un peu enfantin et surtout pas vérifié dans les faits. Car, avouez, de ce don que reste-t-il quand il n’en reste rien, sous les coups du sort, des épreuves accablantes, individuelles ou collectives, des cascades de pertes ? La question est trop sérieuse pour aller chercher réponse ailleurs qu’auprès de ceux qui en ont l’expérience.
Aujourd’hui, auprès de Saint Paul dans la deuxième lecture. Lui sait de quoi il parle. Sa vie a été labourée en tous ses sens, dans son corps, dans son histoire, dans ses solidarités, dans son cœur de croyant appelé à revoir sa loi et ses maîtres, à changer de vocation, dans un dénuement total. Un jour, à terre, il a perdu même l’indispensable. C’est sur ce fond d’expériences qu’il témoigne.
«Frères, qui nous séparera de l’amour du Christ ? – Qui nous privera de ce don suprême ? – Qui ? La détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ? pensons au drame actuel du Moyen Orient –... Mais en tout cela, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés. »
Personnellement, je crois que ce cri du cœur de saint Paul peut avoir valeur incantatoire pour quiconque le fait sien, dans la disponibilité de la prière, du silence. C’est un haut lieu de communion dans la conviction plus forte que toutes les adversités.
Oui, mais comment faire passer quelque chose de ces convictions salvatrices dans nos modestes vies de croyants, certes de bonne volonté, mais qui se sentent si souvent impuissants ?
Comment, sans doute essentiellement par la pratique de la liturgie ? L’évangile de la multiplication des pains entendu tout à l’heure peut nous faire réaliser ce qui s’y passe.
Il s’agit d’un fait de vie bien concret : une foule d’affamés, hommes, femmes, enfants. Un petit drame local qui en évoque de grands : aujourd’hui, Afrique, Europe de l’est, Palestine à feu et à sang...
La liturgie nous fait entrer en solidarité, à travers de petites choses, paroles, gestes, attitudes, dont le Saint Esprit s’empare pour en faire ce qu’il veut.
Une dame catéchiste prépare la messe avec des enfants. Elle demande que chacun donne quelque chose à Jésus en ce jour de fête. Une gamine revient tout triste : « Moi, je n’ai rien à donner. » La réponse fuse sans réfléchir : « Eh bien, donne-toi toi-même ! » En l’entendant me raconter le fait j’ai entendu ce que Jésus avait dit à ses disciples qui n’avaient rien à donner à manger à la foule : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Oui, Vous-mêmes. L’Esprit Saint a le génie de ces jeux de sens, quelque peu paraliturgiques.
Lors de la multiplication des pains sur l’herbe tous avaient vu Jésus lever les yeux vers son Père au ciel, puis bénir les pains dérisoires qu’on lui avait donnés, puis les donner aux disciples, pour qu’en les donnant à la foule ils apprennent à leur insu à se donner, comme lui-même le fera un soir, avec l’extraordinaire puissance du sacrement : « Prenez, mangez, ceci est mon corps ». Moi-même. Et ceci l’était devenu, donne, mangé, bu.
Où sommes-nous lorsque nous participons à nos eucharisties ? Peut-être sur l’herbe verte ? Peut-être, sur les bancs de l’église ? Que faisons-nous ? Sinon quelque chose de divin, avec quelques grammes de pain, quelques gouttes de vin dans lesquels notre Dieu se donne à tous et à chacun, homme, femme, enfant, se donne tout entier, Père, Fils et Saint Esprit.
« Recevez et vivez-en ! » Sans payer. C’est donné. (2014-08-03)
DEDICACE DE L’EGLISE -
25 Juillet 2014
1R 8, 22-23.27-30 ; 1P 2, 4-9 ; Mt 19, 13-19
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et soeurs,
De nos jours, dans notre pays, comme dans d’autres en Occident, se pose la question de l’utilisation de nos églises. Certaines servent tellement peu souvent que leur entretien devient problématique. Les célébrations y sont si rares et les fidèles si peu nombreux à se réunir qu’on en vient parfois à les désaffecter, soit pour les démolir soit pour les affecter à un autre usage…Cette réalité, qui n’est pas sans nous attrister, montre à l’inverse combien nos églises de pierre ne sont rien sans les communautés vivantes qui les habitent. Et on comprend mieux alors la relation forte qui est établie dans la liturgie de la dédicace entre le bâtiment de pierre et la communauté de pierres vivantes que forment les croyants. Sans cesse les textes de l’Ecriture ou de la liturgie mettent en lumière cette relation fondamentale. Et l’insistance porte moins sur l’édifice de pierre que l’édifice spirituel des croyants. Car la réalité le prouve au long des âges, l’édifice de pierre peut survivre plus facilement à l’épreuve du temps que la communauté des croyants qui l’habite.
Que pouvons-nous entendre aujourd’hui qui nous aide à demeurer une communauté croyante vivante, une communauté monastique fraternelle et fervente dans son service de la louange divine ?
« Allez vers le Seigneur Jésus, il est la pierre vivante » dit l’apôtre Pierre aux destinataires de sa lettre. Allez vers le Seigneur Jésus, pour des chrétiens, c’est banal me direz-vous…Mais comment ne pas entendre dans cette invitation de l’apôtre le mouvement profond de notre vie chrétienne ? Allez vers Lui la pierre vivante, c’est bien plus que de croire en lui dans le sens d’avoir la certitude qu’il existe. Allez vers Lui, la pierre vivante, c’est caler notre pierre sur la sienne, fonder notre existence sur sa vie de ressuscité. Entre le Christ Jésus et chaque croyant la relation est si constitutive que nous sommes sans cesse conviés à en prendre grand soin, pour demeurer effectivement fondé en Lui…On peut s’habituer à tout, s’habituer à croire, à faire ses prières et à mener une vie correcte, même dans un monastère. Mais peut-on s’habituer à aimer le Christ ? Lui la pierre vivante sur laquelle nous avons fondé notre vie ne nous destine pas à vivre une petite relation tranquille avec lui. Il nous entraine à accueillir toujours plus profondément son Amour et à le laisser nous transformer comme Lui, en pierre vivante.
« Soyez les pierres vivantes qui servent à construire le Temple spirituel » poursuit l’apôtre Pierre ? Des pierres vivantes de la vie du Christ ressuscité qui savent s’ajuster les unes aux autres pour construire le Temple spirituel. C’est le défi de nos vies de communautés, qu’elles soient paroissiales ou religieuses. Nous croyons au même Christ, mais chacun reste porteur de son identité propre. C’est sa richesse et aussi celle de la communauté qui est constituée de cette belle diversité de personnalité. Mais de même qu’il faut de la patience au maçon pour poser ses pierres les unes à côté ou au-dessus des autres, de même que de patience et d’amour faut-il pour que les pierres vivantes s’ajustent les unes aux autres ! Entre la recherche d’un idéal de fraternité sans faille et la démission ou la fuite devant la moindre difficulté, il y a place pour un lent et très humble travail d’amour vécu au quotidien, souvent sans bruit… Plutôt que de m’inquiéter comment les autres s’ajustent à moi, je cherche à m’ajuster aux autres. Je cherche d’abord leur intérêt avant le mien propre, dirait st Benoit. Comment faire pour que l’autre soit un peu plus à l’aise à sa place quitte à être un peu dans l’inconfort moi-même ? La construction du temple spirituel se fait à ce prix-là…Elle est alors inséparable du sacerdoce saint qui y vécu…
« Vous serez le sacerdoce saint présentant des offrandes spirituelles » conclut Pierre. Ces pierres vivantes qui cherchent sans cesse l’édification mutuelle deviennent alors elle-même, et le prêtre et l’offrande. Comme Jésus lui-même qui est à lui seul l’autel, le prêtre et la victime. Ce lent travail d’édification de la communauté fait de nous les prêtres et les offrandes par ce profond mouvement de don et de renoncement à nous-mêmes. A la suite du Christ, Pierre Vivante, nous entrons dans sa manière à lui de donner la vie, en nous donnant nous-mêmes.
En rendant grâce pour cette église, lieu de célébration et d’édification du Temple spirituel que nous formons, nous venons puiser notre force et notre vie à la source de vie qu’est le Christ mort et ressuscité. (2014-07-25)