Homélies
Liste des Homélies
Année B - 2° dim de Carême - 25 février 2024
Gen 22 1-2,9-13, 15-18 ; Rom 8 31-34 ; Mc 9 2-10
Homélie du F. Hubert
Il est heureux que la réforme liturgique de Vatican II ait placé le récit de la Transfiguration
au 2e dimanche de Carême, à chacune des trois années liturgiques.
Car la Transfiguration de Jésus n’est pas un en-soi – une « bulle » dirait -on aujourd’hui –
ce qu’avec erreur nous pourrions conclure de la fête du 6 août :
elle n’a son sens qu’au sein de l’itinéraire entier de Jésus et de son compagnonnage avec ses disciples.
Jésus en effet venait de questionner ses disciples : « Pour vous, qui suis-je ? »
Pierre, après avoir répondu : « Tu es le Christ »,
s’était violemment opposé à son maître qui, pour la première fois leur annonçait :
« Le Fils de l’homme doit souffrir beaucoup, être rejeté et tué ».
Annonce incompréhensible, inacceptable.
Jésus avait réagi vivement : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu. »
La Transfiguration est une réponse existentielle à ce carrefour de routes,
tant pour Jésus que pour les disciples.
Jésus est transfiguré, resplendissant de gloire ; de la nuée, la voix divine se fait entendre :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ».
La Transfiguration à ce moment-là, après cette première annonce de de la Pâque de Jésus,
vient confirmer que les pensées de Dieu sont des pensées de vie et de plénitude.
Jésus, en annonçant sa Pâque, y adhère.
Par ce chemin d’épreuve et de mort, il choisit non la mort mais la vie, pour lui
et pour la multitude des hommes qu’il est venu chercher pour les emmener dans le cœur de Dieu.
Face à cette adhésion de Jésus, le Père exulte, de la communion d’amour de son Fils avec lui,
de la communion d’amour de son Fils avec l’humanité.
Jésus, vrai homme, adhère sans réserve au projet de la Trinité : sauver, sanctifier toute l’humanité.
Cela ne s’est pas fait sans combat.
Dans son humanité, Jésus a dû écouter son Père,
choisir sa volonté, au vu des évènements qui lui étaient donné de vivre.
S’il a traité Simon de « Satan », c’st qu’il était tentation, pierre d’achoppement, à ce moment-là.
Comme nous, il a dû choisir entre sa volonté propre et sa volonté profonde unie à celle de son Père. Les tentations que les évangélistes placent aussitôt après son baptême, sont bien le témoignage qu’il a dû combattre et choisir, dans son être d’homme tout au long de sa vie.
La Transfiguration est la manifestation, en ce moment crucial,
que Jésus a choisi le chemin de la vie et de l’amour,
non celui de son « petit moi », pourrait-on dire, qui est stérile et ne conduit qu’à la mort.
Jésus a dû se dépouiller de lui-même, dépasser ses peurs d’homme,
ses peurs de la souffrance et de la mort, ses angoisses,
pour choisir le chemin qui ouvrirait la vie divine à toute l’humanité
et lui donnerait de la ramener vivante et aimante dans le sein du Père.
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ».
Écoutez-le en toute circonstance, mais en particulier quand il vous dit :
« Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté et tué »…
Déjà, au seuil de l’Evangile,
c’est alors que Jésus, le seul Juste, venait de faire corps
avec tous ceux qui se faisaient baptiser par Jean « en reconnaissant leurs péchés »,
que la voix divine s’était fait entendre :
« Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie ».
Jésus a reçu la manifestation de sa filiation et de sa gloire
aux moments où le récit évangélique nous le montre prendre la place des hommes
auxquels il vient révéler l’amour du Père,
prendre la place des pécheurs, faire corps avec eux,
prendre sur lui leur fardeau de mal, de péché, de malheur.
« Tel père, tel fils », dit le dicton populaire.
Pour Jésus, on peut l’inverser en toute vérité et dire : tel est le Fils, tel est le Père.
« Qui me voit, voit le Père ».
Le Père se reconnaît en Jésus qui fait corps avec les pécheurs que nous sommes.
Jésus a pris sur lui notre mal et nos refus
pour nous guérir et nous faire accéder à la vie.
« Dieu l’a fait péché pour que nous devenions justice » dit Paul.
Jésus n’a pas choisi la souffrance et la mort, mais la vie, la vie en abondance pour la multitude.
Dieu ne dit à personne : « Je ne veux pas de toi ».
Aussi, Jésus a accepté d’être défiguré pour que nous soyons transfigurés.
« Qui est-il celui-ci ? » est la grande question qui traverse tout l’Evangile de Marc.
Jésus se révèle au rebours de toute la compréhension que l’on avait – que nous avons -
du Messie et de sa venue.
Nos chemins sont tellement loin des chemins de Dieu, nos pensées loin des pensées de Dieu,
nos réflexes de pouvoir et de puissance loin de l’humilité de Dieu.
Entre les pensées des hommes et les pensées de Dieu, il faut choisir.
La logique de Dieu n’est pas notre logique du pouvoir, de la puissance qui domine,
mais celle du Don.
Jésus a choisi.
« Le Christ s’est abaissé jusqu’à la mort. C’est pourquoi Dieu l’a exalté ».
Au jardin des Oliviers, Jésus a choisi la vie offerte à tous, partagée à tous,
il a accepté de boire la coupe amère pour que tous aient part au vin du Royaume.
Il a accepté la déréliction pour que tous aient part à la bénédiction.
Il a traversé la mort pour ramener un peuple de vivants.
Tout à l’heure, nous allons chanter :
Jésus, Christ et Seigneur, Librement, tu t'es engagé Sur la voie du Serviteur Mourant dans l'ombre. L'amour a donné sa réponse : Ton corps se transfigure, Il tient tout dans sa clarté.
La Transfiguration est une fenêtre ouverte momentanément sur la gloire de la Résurrection,
lorsque la Parole sera retournée à son origine en ayant accompli toute sa mission.
Que l’Esprit Saint nous apprenne, jour après jour, à devenir chrétiens !
Année B - 1er Dim Carême - 18 février 2024
Gen 9/8-15, 1 Pi 3/18-22, Mc 1/12-15
Homélie du F. Cyprien
" je me souviendrai de mon alliance entre moi, vous et tout être vivant quel qu'il soit; les eaux ne deviendront plus jamais un Déluge qui détruirait toute chair. (Genèse (TOB) 9)
18 En effet, le Christ lui-même a souffert pour les péchés, quand se prolongeait la patience de Dieu
12 Aussitôt l'Esprit pousse Jésus au désert. 13 Durant quarante jours, au désert, il fut tenté par Satan.
14 Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l'Évangile de Dieu et disait:
15 " Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approche, convertissez-vous et croyez à l'Évangile.
En accrochant son arc dans le ciel, Dieu suspend sa colère : avant le régime de la Grâce, avant l’envoi de l’Esprit Saint, répandu en abondance, déjà Dieu fait grâce.
Et le temps du Carême c’est pour nous chrétiens le temps de prendre parti pour Dieu, de reprendre parti pour Lui.
Ne vivons-nous pas, encore maintenant, un temps où se prolonge la patience de Dieu ?
L’année liturgique, l’organisation de la prière de l’Eglise est un bel et bon chemin pour nous aider dans l’attention, dans la foi, dans la confiance que le Seigneur nous fait.
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= Il y a le temps ordinaire qui couvre une bonne partie de l’année …jusqu’à la perspective du retour du Christ, l’Avent.
= Il y a surtout Pâques : nous y fêtons la Vie avec Dieu, la Vie redonnée, la vie du Ressuscité qui nous est communiquée. Il y a le, le temps du Carême est un temps de la préparation… Le mot Carême est la transformation du mot « Quadragesima », qui est devenu « quarantaine » dans notre vocabulaire : avant Pâques les chrétiens se mettent en quarantaine… comme Jésus qui s’est retiré quarante jours au désert.
Est-ce que cela parle encore aux chrétiens comme préparation, comme montée vers Pâques ? Pour les pratiquants les plus réguliers, oui, bien sûr, et pour beaucoup, le Carême évoque plus en comparaison le Ramadan des musulmans, …ramadan temps moins long et très typé. C’est bien de relier les pratiques religieuses pour les comprendre …Ce qui surprend avec l’Evangile et Jésus, c’est la liberté de Jésus face aux pratiques de ses contemporains…Pour le jeûne, il en parle sans donner de consignes pour le temps qui viendra ; après lui ses disciples jeûneront, oui et Jésus met surtout en garde contre le formalisme, contre l’hypocrisie qui guettent toutes les pratiques…
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En fait la vie chrétienne dans l’Esprit de Jésus implique une façon de vivre où la prière, l’aumône et le jeûne sont liés : ils sont une seule et même pratique pour aider le fidèle à ne pas oublier sa vie de baptisé : rien d’étonnant de retrouver cela dans les autres religions…
La liturgie et la prière nous demandent une cohérence dans notre vie de foi : les dangers sont connus : le formalisme, la bonne conscience, et tout ce qui éloigne d’une démarche vraiment personnelle, vraiment spirituelle, foi et espérance vivantes, pratique de charité authentique. C’était déjà la prédication du prophète Isaïe sur le jeûne,…« le jeûne qui plait à Dieu ».
Prière, Aumône, Jeûne
= Prière : c’est prendre le parti de Dieu, mettre Dieu en premier dans sa vie ;
= L’aumône, c’est prendre le parti de l’autre, de celui qu’on oublie si facilement…!
= Le jeûne, c’est prendre le parti de l’Esprit dans notre condition d’hommes, de femmes : nous n’avons pas le droit d’abuser des biens et nous abimer nous-mêmes.
Jeûner ne serait-ce pas apprendre à lutter contre la peur de manquer… ?
Prendre le parti de la « sobriété heureuse » (expression du pape François), faire attention à Dieu et aux autres en restant à notre place de modeste consommateur, d’habitant de la
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maison commune, sachant nous priver pour ne jamais oublier celui à qui manque le nécessaire ?
Partant de tout cela, il faut évoquer aussi la place de la il ne va pas nous dispenser de lutter pour mieux vivre et pour vivre à son service : le temps du Carême sera le temps de mendier sa Grâce pour être forts et joyeux dans la fuite du mal, dans cette joie d’être un peu mieux ajustés à sa Volonté. Nous sommes sûrs qu’Il nous donnera sa paix dans le combat, si nous voulons avancer avec Lui.
Oui, Dieu est un Père qui nous veut vivants : il ne va pas nous dispenser d’être vivants et désirants … il veut nous conduire vers une liberté authentique, non pas une liberté sans tentation ni échec, mais une vie où la relation à Lui, aux autres, à nous-mêmes rend nos cœurs de plus en plus heureux, parce qu’il y a « plus de joie à donner qu’à recevoir », parce qu’…il n’y aura jamais que Dieu pour nous combler…
Chers f. et S., nous savons bien que c’est Lui qui nous prépare cette béatitude… ce bonheur d’être et de vivre en fils et filles de Dieu. Nous avons besoin de ce temps pour apprendre la vraie Vie, la Vie de Jésus ressuscité, celle que nous recevons déjà dans l’Eucharistie, la vie divine qui advient dans nos cœurs, coeurs qui veulent croire, espérer, aimer…
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B - Mercredi des CENDRES - 14.02.2024
Jl 2, 12-18 ; 2 Co 5, 20-6, 2 ; Mt 6,1-6, 16-18
Homélie du Père Abbé
Frères et Sœurs,
Dans sa règle, St Benoit invite les moines à « attendre la sainte Pâque dans la joie du désir spirituel ». En d’autres termes, il nous entraine à raviver notre désir en sa dimension la plus profonde, sa dimension vitale et existentielle : le désir de vivre pleinement dans la vie du Christ Ressuscité. Ce carême s’offre à nous comme une pédagogie pour revenir au lieu de notre désir spirituel, au lieu de notre cœur, ce foyer qui concentre toutes nos énergies d’amour et d’intelligence, de volonté.
Le prophète Joël nous a adressé des mots forts de la part du Seigneur : « revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne les larmes et le deuil, déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements… » Comment comprendre cette parole « déchirez vos cœurs », nous qui voulons retrouver le lieu de notre cœur ? D’un point de vue physique, si on déchire notre cœur, on le fait périr, c’est la mort immédiate. Le parallèle fait avec le vêtement rappelle cette coutume, dont on a trace dans les évangiles, selon laquelle on déchire ses vêtements, en signe d’indignation face à une atteinte faite à la majesté de Dieu, et sûrement aussi en signe de pénitence. On déchire son vêtement comme pour signifier que quelque chose est brisé dans la relation entre l’homme et Dieu. En invitant à déchirer son cœur, le prophète invite de la même manière le peuple et chacun de nous à prendre conscience que par notre péché nous avons rompu l’alliance avec Dieu. Et il poursuit, en espérant qu’une relation pourra se rétablir : « Qui sait, le Seigneur pourrait revenir, il pourrait renoncer au châtiment et laisser derrière lui sa bénédiction, alors vous pourrez présenter offrandes et libations au Seigneur votre Dieu ».
Déchirer nos cœurs pour mieux retrouver une vivante alliance avec notre Dieu et avec nos frères… Déchirer nos cœurs par le jeûne, les larmes et le deuil. Aujourd’hui nous dirions peut-être davantage avec la tradition de l’Eglise, déchirer nos cœurs par le jeûne, la prière et le partage. Par le jeûne, déchirer cette part insouciante en nous qui peut oublier qu’elle reçoit tout des mains de son Créateur, ou bien qui peut penser que tout son plaisir est dans l’assouvissement de ses désirs immédiats de consommer… Par la prière, déchirer cette part de superbe qui peine à demeurer dans la relation de confiance et de gratitude avec son Dieu ou bien encore qui s’estime pouvoir se débrouiller seule… Par le partage, déchirer cette part qui nous centre sur nous comme si nous étions seul au monde pour reprendre conscience que nous sommes faits pour l’échange et le don. Avec les jours qui passent, notre cœur a tendance à se draper dans toutes sortes de protection ou de justifications, qui obscurcissent son jugement, ralentissent son élan et finalement peuvent l’enferment sur lui-même… toutes ces protections ou justifications sont comme les mauvaises herbes de notre jardin, qu’il faut sans cesse recommencer à enlever. Ce temps de Carême s’offre à nous comme un chemin de grâce, la grâce du Seigneur qui nous accompagne pour retrouver la joie profonde de notre cœur d’être en alliance avec lui, la joie d’être fait pour vivre de sa vie de ressuscité. En marche vers Pâques, acceptons d’aller avec lui au désert de notre cœur parfois bien enherbé et désolé. Acceptons maintenant d’être marqué par la cendre en signe de notre désir de revenir à Dieu et vers nos frères. Le Seigneur veut nous sauver.
Année B - 6e dimanche Temps Ordinaire - 11 février 2024
— Lv 13, 1...46 ; 1 Co 10,31-11 ,1 ; Mc 1, 40-45
Homélie du F. Charles Andreu
En ce temps là, un lépreux vint auprès de Jésus.
Alors que dimanche dernier nous avons vu Jésus guérir toutes sortes de maladies, aujourd’hui c’est un mal bien particulier qu’il guérit, la lèpre : un mal qui suscite la peur, et dont la charge symbolique est très forte. Car la lèpre est bien plus qu’une maladie de la chair : elle est un mal social, un symbole terrible de l’exclusion.
Considérons un instant le tableau dressé par la première lecture. Non seulement le lépreux est condamné à habiter à part, hors du camp, mais il est affecté en sa dignité humaine. Ses vêtements déchirés, ses cheveux en désordre expriment une désocialisation, mais encore une sorte de régression à l’état sauvage, une déshumanisation. Le voile qui le couvre en fait un être sans visage, et donc privé de lui-même, puisque le visage est l’espace où chacun se dit et se donne, par le regard, le sourire, la parole ; l’espace encore où s’accueille le visage de l’autre qui, plus que la nourriture, donne la vie : que serions-nous sans le visage de l’ami qui offre ensemble l’estime et l’appel à se dépasser ? Privé de la bénédiction du visage, privé de toute bénédiction, le lépreux qu’on a maudit en vient à se maudire lui-même, n’existant plus qu’à reprendre la condamnation qu’on lui a imposée comme une identité : « Impur ! Impur ! »
Ce rapt de la fraternité, de la dignité humaine, du visage, du nom, se reproduit en toute forme d’exclusion. Combien de lépreux faisons-nous ainsi chaque jour ! Lépreux, ce migrant qui ne trouve nul espace d’accueil ; lépreux, ce pauvre, ce vieillard, ce malade qui nul regard ne considère ; lépreux, celui dont la différence – religieuse, ethnique, sexuelle – rencontre la peur et le rejet. Toute société qui n’est pas encore pleinement travaillée par l’Évangile – et ce peut être nos églises –, tout cœur qui choisit de maudire plutôt que de bénir, répand la lèpre dans le monde, la lèpre terrible de l’exclusion.
Or voici qu’un lépreux vint auprès de Jésus. Il sait qu’il trouvera auprès de lui l’accueil, la considération, l’amour ; il sait qu’il rencontrera le visage qui lui rendra un visage. Sommes-nous, comme Jésus, accessibles aux lépreux que créent la dureté des cœurs ? Si nous osons les rencontrer, alors dans cette rencontre même, comme Jésus, nous les libérerons de leur lèpre, de leur seule véritable lèpre, celle qui leur a été infligée : la lèpre de l’exclusion. Et ce sera pour les gens un témoignage, témoignage d’un Évangile vivant, vécu, qui donne la vie.
Mais n’y a-t-il pas une autre forme de lèpre ? Le livre des Nombres rapporte l’histoire surprenante de Myriam, la sœur Moïse et d’Aaron, devenue soudain lépreuse ; et pas d’une petite tache sur la peau, mais d’une lèpre terrible, qui la rendit toute blanche, comme la neige (Nb 12). Or à la différence de la lèpre de la première lecture, à la différence des lèpres de l’exclusion qui frappent en général une condition et non pas une faute, l’écriture fait clairement de cette lèpre la conséquence d’un péché, le péché de médisance : Myriam est devenue lépreuse pour avoir mal parlé de Moïse, pour l’avoir méprisé.
Cette histoire nous apprend que si nos malédictions peuvent faire de l’autre un lépreux, elles le font d’abord de nous-même, d’une lèpre plus terrible encore. Car celui qui rejette un frère ou une sœur s’ampute d’un membre qui aurait pu le rendre plus humain. À savoir les entendre, les anathèmes que nous proférons contre les autres, sont autant de cris qui nous accusent : « Impur ! Impur ! ». Plus largement, une église qui penserait se construire sur la pureté supposée de ses membres, une pureté qui juge et exclue, est en fait une église gravement impure ; blanche de lèpre, et non pas de la robe baptismale ; le visage et le corps rongés par un enfermement qui la prive d’une part d’elle-même.
Double lèpre de l’exclusion : lèpre de celui qui est rejeté ; lèpre de celui qui rejette. Sans doute chacun d’entre nous est-il affecté, peu ou prou, par ces deux lèpres. Alors soyons ce lépreux qui vient auprès de Jésus, celui que Jésus accueille, celui à qui il apprend à accueillir. Alors l’Évangile nous aura purifié. Alors il pourra purifier le monde de toute lèpre.
Année B - Homélie 5ème dimanche du T.O. – 04-02-2024
Job 7,1-7 ; 1 Cor. 16, 9-23 ; Marc 1, 29-39)
Homélie du F. Guillaume
Frères et sœurs,
La 1ère lecture et l’Evangile choisis pour la liturgie de ce dimanche abordent la question de la souffrance, du malheur dans les maladies, les possessions par des démons, les deuils et les épreuves de toutes natures qui marquent notre condition humaine. Un ancien archevêque de Paris, Mgr Veuillot conseillait à ses prêtres de ne pas trop parler de cette réalité dans leurs prédications : le silence, la seule présence aimante, un geste fraternel étant les attitudes les plus appropriées face à une personne en souffrance. Oui, bien sûr, et pourtant il faut bien s’y risquer avec prudence et délicatesse, si nous ne voulons pas perdre le cap essentiel : la proclamation de l’Evangile du Christ, comme une Bonne Nouvelle. Car, comme nous le dit Saint Paul dans la 2ème lecture : « malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile. C’est une mission, un devoir qui m’a été confié » et j’ajouterai qui a été confié à tout baptisé, à chacun de nous, en tant que disciple missionnaire, en actes et en paroles.
Nous connaissons tous l’histoire de Job, et ses cris ont traversé les siècles. Ceux d’un homme déchiré dans son corps et dans son âme, aux prises avec le malheur et des questions sans réponses. Job n’est sans doute pas un personnage historique Il n’a peut-être jamais existé, mais en réalité, il existe à des millions d’exemplaires. Job est l’homme de douleurs, celui que nous sommes tous, plus ou moins, un jour ou l’autre. Certains d’entre nous, ou parmi nos proches pourraient reprendre les mots si forts que nous avons entendus, ces cris de souffrance, sans en changer une ligne. Job, en fait c’est Mr tout le monde, sauf que personne n’a connu sur terre autant de bonheurs et personne non plus n’a connu autant de malheurs. Et tout ce livre de la Bible qui nous a été conservé tourne et retourne la question du Pourquoi, Pourquoi ? Quel sens donner à ce qui est arrivé à Job ? Les discours de ses amis ne cessent de buter sur ce mystère du mal, incompréhensible à notre intelligence, mettant à dure épreuve la foi et l’espérance en Dieu
Est-ce du côté du péché qu’il faut trouver une explication ? Non, dit Job qui se sait juste, et qui plaide non-coupable avec obstination. Il n’y a pas de réponse : le livre de Job ne donne pas de solution au problème de la souffrance. Mais il indique un chemin, une attitude décentrée, à savoir la contemplation de la création, de sa beauté, l’admiration devant la grandeur de Dieu, au lieu du seul repliement sur sa misère et son malheur. Cela n’enlève rien à la validité de la plainte. Dieu donne raison à Job d’avoir poussé ses cris, et Job est récompensé au final, car il a gardé confiance et tenu fort la main de Dieu, sûr qu’il était avec lui jusqu’à son dernier souffle.
Tel sera aussi le message de Jésus et de l’incarnation glorieuse de Dieu sur la terre. Car Jésus n’est pas venu expliquer la souffrance, mais l’habiter par sa présence et par sa vie donnée à tous, pour notre salut et notre guérison.
Si Jésus guérit les malades, c’est parce que la maladie est un mal. S’il guérit, en même temps qu’il annonce le Royaume, c’est parce que le mal contre-carre le projet de Dieu et donc qu’il faut nous en débarrasser, le chasser loin de nous, faire tout notre possible pour cela. La souffrance, en soi, est toujours un mal. Osons le crier aujourd’hui, comme au temps de Job et de Jésus. Il faudrait être fou pour dire en face à un malade : ce qui t’arrive est très bon. Même s’il est vrai que certains, mais en infime minorité et avec une grâce spéciale de Dieu, trouvent dans leurs souffrances un chemin qui les fait grandir. La souffrance reste un mal. Et tous les efforts pour lutter contre elle vont dans le sens du projet de Dieu. La proclamation de l’Evangile n’est pas que paroles adressées à nos intelligences et à nos cœurs : elle est inséparablement action et lutte contre ce qui fait souffrir notre prochain. Frère Roger, quand il avait lancé le Concile des jeunes à Taizé dans les années 80 leur avait fixé un programme « Lutte et Contemplation ». Un programme qui consonne bien avec le livre de Job et l’Evangile. Nourri par cette « invincible espérance » que le mal et la mort sont à jamais vaincus par la Passion, la Résurrection et la Glorification du Christ. Alors avec une foi renouvelée en Dieu, nous pouvons affirmer la promesse finale de l’Apocalypse aux élus bien-aimés du Père : « Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. La mort ne sera plus. Il n’y aura plus ni deuil, ni cris, ni souffrance, car le monde ancien a disparu. Et celui qui siège sur le Trône dit : voici, je fais toute chose nouvelle. »
AMEN
2 février 2024 - Fête de la présentation
Ml 3 1-4 ; Heb 2 14-18 ; Luc 2 22-40
Homélie du F. Hubert
Les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem
pour le présenter au Seigneur.
Non seulement tout premier-né appartient au Seigneur, mais tout être,
pas seulement le premier-né de sexe masculin, mais tout homme, toute femme.
Cette appartenance n’est pas un esclavage, mais une communion d’amour et de vie,
une plénitude de bonheur.
Si nous pouvons nous offrir à Dieu,
c’est parce que Dieu s’est offert et s’offre toujours à nous le premier.
Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est Dieu qui nous a aimés le premier.
Jésus, Homme-Dieu, est celui en qui Dieu s’offre à l’homme et en qui l’homme s’offre à Dieu.
Offrande parfaite, échange parfait.
C'est un oui sans réserve, Père,
Que tu dis sur nous par Jésus-Christ ;
Et par lui tu nous donnes encore
De répondre amen à ton appel.
Marie et Joseph, remplis de l’Esprit saint, offrent leur enfant ;
ils ne savent pas encore jusqu’où ira son offrande à lui.
Entrant dans le monde, le Christ dit : « Me voici pour faire ta volonté » ;
à Gethsémani, il dira : « Non pas ma volonté, mais la tienne ».
En s’offrant à son Père, il réconcilie toute l’humanité et l’élève dans le sein vivifiant de son Père.
Il est le Temple vivant dans lequel le Père et toute l’humanité sont unis et respirent du même Esprit.
Il entre dans le Temple,
Marie le porte à Dieu :
C'est lui
Le temple où Dieu se dit
À ceux qui déjà le contemplent.
En l’offrant dans le Temple, Marie et Joseph se dépossèdent symboliquement de lui,
pour qu’il soit totalement à Dieu.
Au pied de la croix, Marie sera transpercée : son Fils lui sera arraché
pour qu’elle devienne la Mère de toute l’humanité, rachetée et sanctifiée par l’offrande de son Fils.
C’est par son offrande que Jésus est la gloire d’Israël – le peuple dont il est né –
et la lumière des nations.
Notre baptême, notre profession monastique, le quotidien de nos vies,
s’inscrivent dans ce don total du Christ, et dans l’offrande de Marie et Joseph.
Offrons-nous et laissons-nous offrir.
Attire-nous vers cette Pâque
Où Jésus Christ te glorifie
En nous sauvant.
Par lui ton œuvre s’accomplit,
Qu'il nous accueille en son offrande,
Et nous conduise jusqu’à toi,
O Dieu vivant !
Année B - 4° Dimanche Ord - 28 janvier 2024
Deutéronome 18, 15-20 ; Psaume 94 ; 1 Cor 7 2-35 ; Marc 1, 21-28
Homélie du F. Basile
Frères et soeurs, de la lettre de st Paul, la 2° lecture, je ne dirai pas grand-chose, simplement qu’il y a dans l’Eglise une belle diversité de charismes et d’attachement au Seigneur, que ce soit dans le célibat ou bien dans le mariage, même si Paul met l’accent sur le célibat ; mais que nous soyons mariés, moines ou célibataires, pour vivre notre relation au Seigneur, nous avons besoin de l’Evangile, du Christ, Parole vivante de Dieu ; alors écoutons-le dans ce premier chapitre de l’évangile de Marc.
Jésus arrive à Capharnaüm, accompagné de ses 4 premiers disciples, Simon et André, Jacques et Jean. Et avec eux, devant eux, il va prendre la parole en public, mais pas n’importe où, à la synagogue et le jour du sabbat. Les gens sont stupéfaits de la manière dont il parle, mais plus spécialement les 4 qui l’accompagnent ; ils entendent son enseignement pour la 1° fois et il y a vraiment de la stupeur, un choc, dit le P. David d’En Calcat dans son livre auquel je me réfère : Marc, l’histoire d’un choc, un commentaire qui n’est pas comme les autres. Jésus parle d’une manière toute nouvelle ; Marc ne nous dit pas, hélas, quelles sont ses paroles, mais il relève très bien la question que se posent les gens : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! »
Si Marc insiste bien plus que Matthieu sur la nouveauté radicale du Christ, c’est que tout son évangile tient dans une question : Qui est-il ? Quel est cet homme ? Quel est ce prophète venu de Nazareth ?
Dans le récit de la tempête apaisée, que nous avions hier, au ch 4 de st Marc, ce sont les 12 disciples qui s’interrogent : « Qui donc est-il pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » Ils sont vraiment retournés. Ce n’est qu’au ch 8 que Jésus leur posera lui-même la question : « Qui dites-vous que je suis ? » et Simon-Pierre répondra au nom des autres sous la motion de l’Esprit : « Tu es le Christ. ».
Et c’est tout à la fin de l’Evangile que le dernier à répondre sera le centurion romain : en voyant mourir Jésus, il s’écrie : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu »
Dans le passage d’aujourd’hui, l’homme tourmenté par un esprit mauvais, crie à Jésus : « Nous savons qui tu es : le Saint de Dieu» ; cet homme ne savait sans doute pas ce qu’il disait, c’est le démon qui parlait en lui et Jésus le menace : « Tais-toi ! » Mais les 4 disciples sont témoins aujourd’hui, que ce Jésus qui les a appelés à le suivre, porte vraiment en lui quelque chose de neuf. Et nous-mêmes, avons-nous compris cette nouveauté du Christ ? F et S, nous sommes beaucoup trop des habitués de l’évangile : peut-être qu’en écoutant ce passage, vous vous êtes dit ce matin : « Oh il ne se passe pas grand-chose dans l’évangile de ce dimanche ! »
Eh bien non, il y a au moins 2 choses marquantes: d’abord Jésus parle avec autorité, et tous sont frappés, ce qui est plus qu’étonnés : le mot « frapper » en grec a comme en français un sens à la fois physique et psychologique : ils sont sous le coup de la parole de Jésus, ébahis, stupéfaits. Nous devrions l’être toujours quand nous écoutons Jésus dans l’Evangile. Et il faut prendre le mot « autorité » dans toute sa profondeur, c’est ce qui fait naître, le mot « auteur » en français a la même racine, ou encore le mot « augmenter », ce qui donne un plus.
Cette autorité de Jésus n’est pas un pouvoir qui tombe du ciel, qui domine ou qui enferme, mais c’est une force qui libère et qui fait vivre, qui permet de reprendre sa vie en mains. On ne nous dit pas d’où vient cette autorité, il la porte en lui. Il ne parle pas comme les scribes, qui se contentent de répéter la même parole comme une leçon apprise par cœur. C’est là que la 1° lecture, cette parole prophétique de Moïse dans le Deutéronome, prend tout son sens et son actualité : « Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur fera se lever un prophète comme moi. Et vous l’écouterez. Je mettrai mes paroles dans sa bouche, dit le Seigneur. » Les scribes connaissaient-ils cette annonce qui rejoignait l’attente du Messie ? Ceux qui la reconnaissent les premiers, ce sont les esprits impurs, ces forces du mal qui en ont peur : « Tu es venu pour nous perdre. »
Voilà donc la 2° cause d’étonnement de ce passage : Jésus n’a pas peur d’affronter l’esprit du mal et il va montrer d’une autre manière son autorité pour libérer par sa parole cet homme, malade, détraqué. « Tais-toi, Sors de cet homme. » Et tous furent à nouveau frappés de stupeur.
Nous pourrions rester insensibles ou indifférents devant ce miracle, qui n’a plus cours aujourd’hui, dans notre monde où les médicaments peuvent suffire à soigner les malades psychiques. Mais le sens de ce 1° exorcisme est très important dans l’évangile de Marc. Cette nouveauté du Christ n’est pas seulement celle d’une parole à entendre, mais celle d’une personne, du Fils de Dieu lui-même, prenant notre condition d’homme, pour sauver et libérer l’humanité blessée par le péché. « Qu’est-ce que cela veut dire ? » Cela veut dire que désormais tout est changé et que l’Adversaire, celui qui tient les hommes enchaînés sous son pouvoir, n’aura pas le dernier mot. Jésus vient nous rendre libres et cela a du sens aujourd’hui, où tant d’hommes et de femmes sont comme aliénés, emprisonnés d’une façon ou d’une autre, fût-ce par la drogue ou par l’argent.
Nous appuyant sur le Christ, venu pour nous sauver et non pas pour nous perdre, nous pouvons lui dire avec le psalmiste : « Dieu, mon libérateur, mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire, louange à toi ! Seigneur Jésus !»
Année B - 3e dimanche ordinaire - (21/01/2024)
(Jon 3, 1-5.10 – Ps 24 – 1Co 7, 29-31 – Mc 1, 14-20)
Homélie du Frère Jean-Louis
Frères et sœurs,
En ce début du temps ordinaire, force nous est de constater que les lectures de ce dimanche nous invitent à l’urgence. Urgence de la conversion, urgence de la réponse à l’appel du Christ dans nos vies. Et pour nous, les frères, qui débutons notre semaine de retraite, ces textes peuvent résonner comme un bon stimulant. Mais il en est de même pour vous qui, après le temps de Noël et ses célébrations, êtes replongés dans le temps dit « ordinaire » mais en fait un temps où se vit la suite du Christ au jour le jour et ce n’est peut-être pas si ordinaire que ça.
La première lecture nous conte ce beau récit de la prédication de Jonas à Ninive, la grande ville païenne. Ninive, capitale de l’empire assyrien dont l’armée avait pris la ville de Samarie au 8e s. avant le Christ pour en déporter la population dans une contrée lointaine de l’empire. Ninive symbolisait donc tout ce qu’il y avait de plus terrible pour un juif. En effet, les assyriens avaient mis au point une tactique militaire efficace : la terreur. À l’approche de leurs armées, si une ville se rendait, ils se montraient relativement cléments, mais si la ville résistait, c’était alors l’horreur et les bas-reliefs assyriens ne sont pas avares de massacres. Il s’agissait de terrifier pour éviter les longs sièges coûteux en temps et en hommes.
Bref, quand Dieu appelle Jonas à aller prêcher à Ninive, sa première réaction sera de… se sauver. Finalement, après bien des péripéties, Jonas obéira à l’ordre de Dieu. Il faut dire qu’aller prêcher dans cette immense ville et avec la réputation de cruauté des assyriens n’était pas une mince affaire. Aller proclamer « Encore 40 jours et Ninive sera détruite » n’était pas sans risque. Et puis, est-ce qu’un assyrien était capable d’obéir à la parole du Dieu d’Israël ? Il y avait de quoi douter. Et pourtant l’incroyable se produit. Et aussitôt, car tous, du sommet à la base de la société se convertissent, croient en Dieu et font pénitence, ce qui amène le Seigneur à renoncer au châtiment. Ainsi, ce peuple, symbole des peuples païens les plus endurcis, les plus cruels et les plus éloignés de Dieu était capable d’entendre sa parole et de se convertir immédiatement. Grande leçon pour Jonas.
La seconde lecture, elle, nous rappelle qu’avec la résurrection du Christ, nous sommes entrés dans une nouvelle ère et qu’il s’agit de savoir se rendre libre à l’égard des réalités de ce monde. Il ne s’agit pas de les mépriser mais de ne pas en faire des idoles. Et saint Paul y proclame une certaine urgence : « le temps est limité. »
Quant à l’évangile qui marque le début de la prédication de Jésus en Galilée, il marque également le sentiment d’urgence qui anime le Christ. « Le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’évangile. » Puis viennent les épisodes de l’appel des premiers apôtres : Simon, André, Jacques et Jean avec le « aussitôt » qui retentit pour la réponse d’André et de Simon. On sent vraiment le Christ pressé de proclamer la conversion et l’accueil de l’évangile.
Frères et sœurs, en ce début de temps ordinaire, nous sentons bien une cohérence entre les trois lectures de ce 3e dimanche. Après avoir fêté la venue du Christ et sa manifestation aux nations ainsi que son baptême, nous voici appelés à la conversion de façon assez énergique.
La première lecture nous rappelle que la conversion n’est pas chose impossible si l’on écoute l’appel du Seigneur car même les Assyriens ces barbares absolus, ont été capables d’écouter la Parole de Dieu jusqu’à se converti au point d’amener Dieu à changer d’avis sur le sort qui leur était réservé. Par la prédication de la Parole de Dieu, la conversion est possible, même pour le pécheur le plus endurci.
La seconde lecture nous rappelle que le temps est limité et que nous avons à nous rappeler ce qui est essentiel dans nos vies et dans nos destinées.
L’évangile nous resitue aux fondements de l’Église par l’appel des premiers apôtres qui, d’ailleurs, ont immédiatement répondu à l’appel du Christ en quittant tout, métier et famille pour suivre le Christ.
Ainsi, en ce début d’année liturgique, nous est présenté le programme évangélique. Et cet appel retentira tout au long de l’année. Nous convertir, c’est-à-dire, suivre le Christ au long de son chemin tel que l’évangile de saint marc nous le présentera cette année liturgique. Car c’est ce chemin du Christ et la façon dont il le vivra jusqu’au bout qui amènera le centurion païen (occupant sans doute pas plus aimé des Juifs que les Assyriens) à dire, à la fin de l’évangile devant la croix : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu ». Ne serait-ce pas cet appel que nous aurions à entendre durant cette année ? Vivre à la suite du Christ pour témoigner que nous sommes, nous aussi, fils adoptifs de Dieu.
Ceci pour notre chemin spirituel. Vous avez sans doute remarqué que je n’ai pas encore parlé de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens dans cette homélie. Mais là aussi, il est question de conversion. Pas seulement de la conversion des autres pour qu’ils reviennent sagement à l’Église catholique, mais de notre conversion à nous également. Je l’ai évoqué au début de cette eucharistie. L’œcuménisme concerne aussi l’unité dans chaque Église du Christ car nous sommes bien obligés de constater actuellement que chaque Église connaît des tensions voire des ruptures, y compris la nôtre. Alors, il y a certainement un chemin de conversion à vivre. Bien sûr dans la prière, mais aussi dans l’accueil de la diversité, dans l’accueil de ce que d’autres chrétiens, d’autres catholiques peuvent vivre d’authentique dans leur recherche du Christ et de Dieu. La suite de l’évangile selon saint Marc nous montrera que les apôtres du Christ, pourtant choisis par lui, étaient loin d’être parfaits, et pourtant, le Christ les a choisis. Alors n’attendons pas que nos frères et sœurs chrétiens soient parfaits, de notre point de vue, pour entrer en relation. Chaque baptisé est habité par Dieu, par le Christ, par l’Esprit et, même s’il y a des désaccords, osons entrer en dialogue fraternel.
Certes, il y a du chemin à faire, mais, avec le grâce de Dieu, tout est possible, et la première lecture nous l’a rappelé. Que cette année soit l’occasion de nous rapprocher de Dieu et entre nous grâce à l’écoute et à la méditation de la Parole de Dieu à laquelle ce dimanche est plus particulièrement consacré. Et que nous puissions renouveler notre foi par la rencontre des bien-aimés que sont nos frères et sœurs en humanité. AMEN
Année B - 2ème dimanche ord B - 14 janvier 2024
1 S 3, 3b-10.19 ; 1 Co 6, 13c-15a. 17-20 ; Jn 1, 35-42
Homélie de F. Vincent
Avant de commencer la lecture suivie de l'évangile de Marc que nous aurons durant cette année liturgique, l'Eglise nous propose ce matin un texte de St Jean.
Le récit des premiers disciples qui suivent Jésus chez St Jean, est tout à fait original par rapport aux synoptiques. En fait à y bien regarder, pour les trois premiers (André, un autre disciple et Simon-Pierre) il n'y a pas à proprement parler "d'appel" de Jésus, mais une invitation à le suivre : c'est là une réponse, et la seule, que Jésus donne au questionnement des deux disciples du Baptiste qui deviennent dès lors ses disciples à lui, Jésus. Leur démarche qui débute avec cette scène, va être celle d'un patient processus de découverte progressive du mystère de la personne de Jésus et il n'est d'autre condition à cette découverte que la mise en route. C'est justement ce à quoi les invite Jésus. Il va s'agir pour nous aussi de rejoindre Jésus à notre tour par une expérience croyante capable de transformer notre regard et notre cœur. Une seule condition pour nous aussi, nous mettre en route, et suivre le Maître.
Mais arrêtons-nous sur la désignation de Jésus par le Baptiste : "l'Agneau de Dieu". Un peu plus haut dans l'évangile Jean avait précisé : "l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde". Des différentes interprétation possibles et d'ailleurs complémentaires de cette expression, on pourrait retenir celle qui est probablement la plus cohérente compte tenu de l'ensemble de l'évangile : "l'Agneau pascal". Pour Jean, Jésus est l'Agneau pascal, cet agneau égorgé dont le sang avait servi de marque sur les portes des Israélites pour les protéger de l'extermination, la nuit même de leur départ d'Egypte. Le sang de l'agneau pascal qui est signe de libération. D'autre part c'est à l'heure où les juifs apportent au temple l'agneau pascal afin qu'il soit égorgé et consommé durant le repas du soir que Jésus est crucifié, selon ce que dira Jean. De plus, est-ce que l'indication de l'horaire de notre passage ne renvoie pas justement à cet évènement ?
Ce contexte pascal se trouve aussi dans la question que pose Jésus : "Que cherchez-vous ?". Question que l'on ne retrouvera en effet que 2 fois : à son arrestation au mont des oliviers et au matin de la Résurrection, question posée à Marie-Madeleine qui cherche Jésus dans le jardin. Immense inclusion, au commencement et à la fin, qui encadre tout le 4° évangile. Entre temps on est passé du "que" au "qui". C'est tout l'itinéraire de la foi et de l'évangile qui se situe entre ces deux mots : il s'agit de passer d'une recherche qui ne peut pas se nommer à une confession de foi résolue, au Christ qui vient combler toute quête au cœur de l'homme.
La question des disciples : "Où demeures-tu ?" nous oriente également vers le mystère pascal. Demeurer, pour Jean, c'est entrer dans une communion intime avec Jésus, percevoir et faire l'expérience qu'une vie donnée est source de vie. "Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui". Jésus "demeure", dans celui qui "demeure" en Jésus, comme il sera dit au chapitre 15. C'est en vue de cette communion intime que Jésus "a planté sa tente" et a "demeuré" parmi nous. Communion de vie, d'amour, de mission. En vue de cela, il faut durer, il faut "demeurer".
Mais cette inhabitation mutuelle de Jésus et du croyant se réalise dans un mystère de mort et de résurrection. Jean a perçu comme aucun autre évangéliste combien le mystère de la croix n'était rien d'autre que la parfaite manifestation de la gloire mutuelle du Père et du Fils, c'est-à-dire de son amour manifesté, livré et vainqueur.
La réponse que leur donne Jésus, "venez et voyez" est invitation à l'expérience de la foi. Il s'agit d'apprendre à l'école du Maître que le parcours qui va de la mort à la vie, de la nuit à la lumière, de la croix à la gloire, est bien le parcours qui doit nous conduire à travers une transformation nécessaire, vers une communion de vie et d'amour avec Dieu.
Passer du "que cherchez-vous?" au "qui cherchez-vous?", c'est tout l'itinéraire de l'évangile de Jean, c'est à suivre cet itinéraire que nous sommes appelés en ce début d'année. Mettons-nous courageusement en route, comme les 2 disciples de ce matin, à la recherche de Jésus.
Année B - Baptême du Seigneur - Lundi 8 janvier 2024
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Cant Isaïe 12 ; Marc 1, 7-11;
Homélie du F. Basile
L’évangile de Marc, que nous écoutons cette année, s’ouvre ainsi pour nous parler de Jésus : Il vient de Nazareth, il vient comme tout le monde se faire baptiser par Jean dans le Jourdain.
Et voilà l’étonnant : Jésus va recevoir le baptême d’eau, mais c’est lui qui le premier sera baptisé dans l’Esprit Saint : « En remontant de l’eau, Jésus vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui. » Marc montre bien la différence entre les 2 baptêmes : celui de l’eau donné par Jean, rite de purification, et celui dans l’Esprit Saint que Jésus reçoit le premier et qui inaugure la nouvelle alliance.
Nous sommes à la jonction des 2 testaments, des 2 alliances ; de soi il y a un contraste mais aussi un accomplissement. Ce qui est beau, c’est que Jésus, en venant lui-même se faire baptiser, en prenant sa place dans la foule des pécheurs, montre combien il reprend à son compte tout ce baptême d’eau. Mais dès qu’il sort de l’eau (« aussitôt » dit st Marc), le ciel se déchire, l’Esprit descend sur Jésus à la manière d’une colombe, et une voix se fait entendre, celle du Père : « Tu es mon Fils bien-aimé ».
Epiphanie, théophanie, les symboles sont forts : c’est Dieu qui apparaît, lui que personne n’a jamais vu. Pour nous chrétiens, qui avons été baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, y a-t-il à travers ces 2 versets de st Marc une plus belle façon de parler de la Trinité ?
Le ciel s’ouvre à nouveau, l’Esprit nous est donné, et c’est encore une bonne nouvelle pour notre monde, aujourd’hui si perturbé, où beaucoup se demandent : « Mais où donc est Dieu ? Où se cache-t-il ? Existe-t-il vraiment ? »
« Mes pensées ne sont pas vos pensées,
Mes chemins ne sont pas vos chemins. » (Isaïe 55)
Dieu est là dans le chemin que Jésus prend en venant se faire baptiser et qui sera celui de sa Passion, « l’eau et le sang » dit l’épître de Jean, Dieu est là dans le Christ Ressuscité, qui remonte de l’eau. Dieu est là dans l’Esprit qui nous habite et nous fait agir pour soulager nos frères ou prendre la défense du plus faible. Oui, le ciel s’est déchiré et nous chrétiens, nous devons en témoigner, car nous portons, par notre baptême, l’espérance du monde.