Homélies
Liste des Homélies
RAMEAUX
13.04.2025
Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Lc 22,14 – 23,56
Frères et sœurs,
A l’heure où nous voyons tant de grands de notre monde se comporter de manière insensée et guidés uniquement par la recherche d’intérêts immédiats, le récit de la passion que nous venons d’entendre remet sous nos yeux, un Roi d’une toute autre noblesse, Jésus, le Roi des Juifs…
Il est le seul Roi que notre terre ait connu et qui n’ait pas cherché son intérêt.
Le seul Roi qui inaugure son Royaume par un échec consenti, la mort sur une croix.
Le seul Roi qui se donne comme règle de conduite, le service des autres.
Le seul Roi qui tisse une alliance indéfectible avec son peuple en livrant son corps et en versant son sang.
Le seul Roi qui se laisse injustement condamner et bafouer, en implorant le pardon pour ses bourreaux.
Le seul Roi qui donne la première place dans son Royaume à un bandit repenti.
Le seul Roi qui abandonne toute volonté de puissance pour recevoir d’un Autre sa dignité royale, telle qu’elle éclatera au matin de Pâques.
Frères et Sœurs, durant ces jours saints, contemplons, le Christ notre vrai Roi qui nous invite largement à prendre part dès maintenant à la vie de son Royaume. Laissons-le nous enseigner le mystère de son Royaume.
5e dimanche de carême année C
6 avril 2025
Is 43/16-21, Ph 3/8-14, Jn 8/1-11
« Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? »
Quand on parle d’adultère, nous parlons d’un péché grave et il faut être deux personnes pour le commettre… vous serez d’accord avec moi ! Quand quelqu’un ou quelqu’une est li(é)e par le lien du mariage, peu importe si l’autre personne est liée ou non comme la première, les deux seront coupables d’une faute grave. Dans le cas de notre Evangile il manque vraiment quelqu’un et, de plus, la femme dite adultère est entourée d’hommes plutôt que de femmes.
C’est de cet Evangile d’ailleurs que la langue française a gardé l’expression « femme adultère », et c’est dommage car les hommes méritent autant ce qualificatif… puisqu’ils sont concernés à égalité !
Des exégètes se sont demandé si ce passage était bien à sa place à l’intérieur de l’Evangile (l’Evangile de Jean) ; je trouve en fait qu’il vient bien dans le temps du Carême et dans le temps de préparation des catéchumènes à leur baptême la nuit de Pâques. Il souligne la bonté et le pardon, la bonté et le pardon dont Dieu veut gratifier chaque personne pour son chemin vers lui, quels que soient ses actes et son passé.
Soulignons donc l’importance de cet épisode, de cette rencontre de Jésus avec la misère d’une vie : si cette femme est réellement coupable, elle a besoin du pardon de Dieu …et la loi de Moïse est sévère… et même elle est intraitable : on peut dire qu’en référence à la tradition biblique, mais pas que par celle-ci, les femmes ont pâti et pâtissent encore de façon générale d’un traitement inégal et injuste…
Mais ce qui doit nous faire réfléchir aujourd’hui c’est la non-condamnation radicale de Jésus envers cette personne « adultère » : Jésus profite du départ des accusateurs pour être seul avec l’accusée.
Donc Jésus ne condamne pas cette pécheresse prise en flagrant délit ; il lui dit seulement : « Moi non plus je ne te condamne pas, va et désormais ne pèche plus » ! Elle pouvait donc retrouver une relation vivante, normale avec Dieu ; comme il est dit dans la parabole du pharisien et du publicain, elle rentra chez elle justifiée.
Quand nous disons un peu facilement ou trop rapidement « A tout péché, miséricorde », nous pensons aux petits manquements mais pas aux gros péchés, aux grandes infidélités. Eh bien, Jésus, Lui, il dit par cet exemple que vraiment Dieu est prêt à faire miséricorde pour tout ce que nous avons fait… Est-ce que nous y croyons ?
Allons-nous traiter Dieu de laxiste ? Peut-être ! … Mais connaissant le fond des cœurs, Dieu sait certainement plus de choses sur ce qui nous anime quand nous ne faisons pas le Bien.
Comme dit le Psaume 102 : « Dieu ne nous traite pas selon nos péchés… Aussi loin qu’est l’orient de l’occident, Il met loin de nous nos péchés, » … et saint Paul dimanche dernier : « Dieu a identifié le Christ au péché des hommes, afin que, grâce à Lui, nous ayons part à la sainteté de Dieu »…nous ayons part à la sainteté de Dieu....
Autre remarque : je me suis demandé pourquoi j’avais une préférence pour un tel passage d’Evangile : j’ai compris en préparant ce mot que ce face-à-face de la femme avec le Seigneur fait penser au « jugement dernier ». Nous y serons face à face avec Dieu …et seul devant Lui ! Ne faudrait-il pas nous préparer à cette rencontre en pensant que nous n’aurons pas d’excuse très valable pour justifier nos errements et nos fautes ? Peut-on aborder le Maitre du monde et notre Créateur sans la honte d’avoir abusé de sa patience ?
Mais il faudrait aussi penser que Dieu veut tout pardonner si nous nous tournons vers lui, en lui faisant confiance… comme cette femme prise en flagrant délit, qui repartira chez elle apaisée, justifiée : la rencontre de Jésus lui a dit qu’elle avait du prix aux yeux de Dieu… bien au-delà de ses actes passés.
Frères et Soeurs, nous sommes porteurs d’une Bonne Nouvelle : c’est encore cela que nous recevons ce matin : Bonne Nouvelle du pardon infini de Dieu qui nous a créés et aimés, non pas pour ensuite nous condamner, mais pour nous apprenions à son exemple le pardon, la miséricorde.
« Soyez miséricordieux comme votre Père du Ciel est miséricordieux »
Soyons miséricordieux comme notre Père du Ciel … pour que nous ayons part à la sainteté de Dieu.
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« Notre victoire est dans le Christ ».
Saint Paul écrit qu’il considère tout comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance de Jésus Christ le Seigneur.
Dés ici-bas nous pouvons éprouver la puissance de sa résurrection, communier aux souffrances de sa passion : mort et résurrection dans nos vies, pesanteur du péché et de la faute et grâce toute puissante de Dieu, Carême et Temps pascal pour courir vers le but : Dieu nous appelle…
Année C - 2° dimanche de Carême - 16 mars 2025
Gn 15 5-18 ; Philip. 3.7- 4.1 ; Lc 9 28-36
Homélie du F. Basile
F et S, ouvrons bien toutes nos oreilles, surtout celle du cœur, pour écouter non pas le prédicateur, mais Jésus, Parole vivante du Père. « Ecoutez-Le », c’est le dernier mot sur lequel s’achève ce son et lumière étonnant de la Transfiguration.
Qu’est-ce que le Seigneur veut nous dire aujourd’hui, en plein carême : pourquoi ce détour par la montagne de la Transfiguration ? Mais ce n’est pas un détour : dans la vie de Jésus, c’est un événement central, comme un pivot autour duquel tout s’ordonne. Il nous est rapporté par les 3 évangiles, Matthieu, Marc et Luc, chacun avec un accent différent, mais pour les 3, il a bien lieu entre la 1° et la 2° annonce de la Passion, cette Passion du Fils de l’homme que Pierre ne peut pas accepter.
Dans le récit de Luc, que nous avons écouté, Jésus s’entretient avec Moïse et Elie de son départ, litt. de son exode, de sa sortie de ce monde, qui aura lieu à Jérusalem, et il nous faut comprendre qu’il s’agit de sa mort et de sa résurrection : la gloire et la croix, il y a là un raccourci très fort que les 3 disciples ne comprennent absolument pas. Ils voient le vêtement blanc, mais ils ne font pas le lien avec le Fils de l’homme souffrant que Jésus leur a annoncé. Ils voient la gloire de Jésus, ils reconnaissent Moïse et Elie, Pierre propose même de dresser 3 tentes, mais « il ne savait pas ce qu’il disait. » En fait, ils vont garder le silence et ce n’est qu’après Pâques qu’ils comprendront l’événement.
Mais nous, devant ce mystère glorieux, je crois que nous sommes mieux placés que les disciples pour faire le lien avec Pâques, car seule la lumière de la Résurrection éclaire vraiment la Transfiguration. C’est donc important que nous célébrions ce mystère durant le carême pour aller vers la nuit pascale où nous chanterons le Christ ressuscité, notre Lumière, qui brillera dans nos cœurs et sur nos visages.
Luc est aussi le seul à nous dire que cette illumination du visage de Jésus survient dans la prière. Il emmène ses 3 disciples sur la montagne pour prier, et « pendant qu’il priait, son visage apparut tout autre. » Il ne s’agit pas d’un flash, d’un spot lumineux qui viendrait l’éclairer ; cette lumière jaillit de l’intérieur, elle vient de sa prière, c’est à dire de sa relation au Père. Les disciples le voient comme ils ne l’avaient jamais vu : c’est bien pourtant l’homme Jésus, mais il est habité par l’Esprit de Dieu dans une relation unique à son Père ; alors la voix qui s’adresse aux disciples et à nous maintenant, prend toute sa force : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le » Voilà ce que nous devons faire aujourd’hui : dans une écoute intérieure, regarder vers le Christ pour être illuminés, transfigurés: « Qui regarde vers lui resplendira, dit le psaume, sans ombre, ni trouble au visage. » (ps 33)
Le visage, c’est ce qu’il y a de plus beau dans le corps humain : hélas à cause du Covid, nos masques l’ont défiguré. Le visage est fait pour refléter la lumière et la communiquer aux autres : on pourrait dire qu’il est en attente de résurrection ou de transfiguration, 2 mots très proches. Regarder vers le visage du Christ, c’est laisser la source de lumière atteindre tout notre être, changer notre regard, et même notre façon d’aimer.
« Aimer, disait le P. Shoufani, c’est ne plus voir la vie et les êtres que dans la lumière qui les traverse : c’est voir l’être humain, si opaque parfois, non pas tel qu’il est, mais tel qu’il est appelé à devenir lorsqu’il se sera éveillé à la lumière, tel qu’il est déjà habité par la clarté divine, même s’il ne le sait pas encore. »
Oui, dans la Transfiguration, il y a un déjà là et un pas encore. Car nous sommes tous appelés comme Jésus à ressusciter dans notre corps. Paul disait dans la lettre aux Philippiens (2° lecture) : « Nous attendons le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux » Voilà ce « pas encore » que nous attendons, mais déjà, par la transformation de notre regard, illuminé par le Christ, et jusque dans la souffrance, nous pouvons vivre un peu de la résurrection promise : la Transfiguration n’est pas une antidote à la souffrance et à la mort, une sorte de parenthèse sur un petit nuage, c’est une expérience divine dans notre chair humaine, une expérience capitale pour la vie chrétienne. Elle va donner du sens et de la valeur à notre corps qui souffre, à notre vie qui va vers la mort, mais qui déjà contient en germe la résurrection.
Quand avons-nous déjà fait cette expérience ? Quand avons-nous été illuminés ? Au jour de notre baptême, et je pense aux catéchumènes qui la feront bientôt : mais nous, les baptisés, nous pouvons la renouveler aujourd’hui dans la liturgie et dans la prière : laisser la source de la lumière atteindre notre corps, tout notre être, changer notre regard.
C’est cela vivre le mystère de la Transfiguration. Et si nous regardons ensemble vers Jésus transfiguré, nos visages deviendront comme le sien, rayonnant de lumière. Même si pour beaucoup d’hommes et de femmes aujourd’hui, c’est encore la nuit, il faut leur dire qu’il y a dans le monde des lieux et des moments de transfiguration.
Année C - 7ème dimanche ordinaire - 23 février 2025
Sam 26 2-23 ; 1 Co 15 45-49 ; Lc 6 27-38
Homélie du p. Etienne Vandeputte SJ
À frère Vincent : que le Seigneur lui accorde une paisible convalescence.
« Je vous le dis, à vous qui m’écoutez… »
Frères et sœurs,
En nous rassemblant dans cette église ce matin, nous manifestons notre disponibilité pour accueillir la Parole, une Parole dont le Seigneur veut faire cadeau à chacune et chacun, comme le pain pour la route de cette semaine, à côté du pain de l’Eucharistie ou la bénédiction de la part de Dieu.
Le Christ a le désir de s’adresser à chacune et à chacun de nous… mais il y a peut-être une double difficulté.
Vous savez qu’il y a différents discours dans les évangiles : le long sermon sur la montagne en saint Matthieu et son équivalent plus bref, le discours inaugural dans la plaine en saint Luc, que nous lisons depuis dimanche dernier jusqu’à dimanche prochain, et il y a d’autres discours. Ce sont, très vraisemblablement, des constructions rédactionnelles postérieures réunissant certains propos de Jésus et des extraits des premières prédications apostoliques. Et il faut reconnaître que ces compositions rendent parfois l’écoute de ces paroles un peu ardue.
Il faut ajouter une seconde difficulté : quelle est la nouveauté ou la spécificité de ces propos moraux mis dans la bouche de Jésus ? Avec de nombreux auteurs, dont Olivier Clément que nous avons écouté durant les vigiles d’hier soir, il faut souligner que « les appels [du Christ] ne posent pas des lois nouvelles » . Il ne faut donc pas aborder l’Évangile comme un manuel de morale. Pour le dire autrement : la nouveauté de l’enseignement moral de l’Évangile ne réside pas dans son contenu.
J’évoque brièvement deux exemples. La célèbre « règle d’or » - « Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le vous aussi pour eux » (v. 31). Déjà, dans l’Ancien Testament, nous trouvons la formulation négative : « Ne fais à personne ce que tu détestes » (Tb 4, 15). En fait, nous retrouvons ce précepte, dans sa formulation négative ou positive, dans presque toutes les sagesses et religions du monde.
Quant à la justification de l’amour des ennemis – « le Très-Haut est bon pour les ingrats et les méchants » (v. 35) -, nous la trouvons de manière plus développée dans le sermon sur la montagne : « votre Père fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45). Et, à l’époque de la rédaction des évangiles, nous lisons chez un auteur latin : « Si tu veux imiter les dieux, fais du bien aux ingrats car le soleil se lève aussi sur les méchants et les mers sont aussi ouvertes aux pirates » .
L’originalité de l’Évangile ne réside donc pas dans le contenu moral. En même temps, il faut noter que, dès la prédication apostolique, on trouve, à côté de l’annonce du noyau de la foi, des encouragements à une action bonne. L’enjeu de ce double message : si tu veux suivre le Christ, agis le mieux possible. Pour le dire de manière négative : puisque tu veux être disciple du Christ, tu ne fais pas n’importe quoi !
Le propos de bien agir trouve donc son sens et sa densité dans son lien avec la suite du Christ, avec l’annonce du Christ. Nous trouvons deux indices de cette nécessaire articulation dans la Parole de ce jour : « soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (v. 36). Ce « comme » n’est sans doute pas à entendre comme une comparaison : il me sera, en effet, toujours impossible d’exercer la miséricorde à la manière ou à la hauteur du Père. C’est sans doute plutôt un « parce que » : il me faut être miséricordieux « parce que » je suis l’objet de l’amour miséricordieux du Père, parce que je suis aimé jusque dans mes ruptures d’Alliance et non malgré mon péché.
D’une autre manière, l’extrait du Psaume que nous avons entendu nous donne des mots pour dire quelle est mon expérience de Dieu aujourd’hui – n’oublie pas, il est ton bienfaiteur ; il prend soin ; il est amour-tendresse ; la Résurrection est déjà offerte, je peux être dans la confiance ;… -, cette expérience qui fonde et nourrit mon attention vis-à-vis des visages qu’il met sur ma route.
Pour le dire de manière simple, c’est le lien intime entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain.
Frères et sœurs, telles sont les deux jambes qui nous aident à progresser sur le chemin de la vie : l’intimité avec le Christ et le souci du prochain. Il nous faut constamment approfondir chacun de ces deux essentiels. Nous devons toujours en ajuster l’équilibre et veiller à ce qu’ils se fécondent réciproquement.
7ème dimanche ordinaire C
23 février 2025
1 S 26, 2-23 ; 1 Co 15, 45-49 ; Lc 6, 27-38
« Je vous le dis, à vous qui m’écoutez… »
Frères et sœurs,
En nous rassemblant dans cette église ce matin, nous manifestons notre disponibilité pour accueillir la Parole, une Parole dont le Seigneur veut faire cadeau à chacune et chacun, comme le pain pour la route de cette semaine, à côté du pain de l’Eucharistie ou la bénédiction de la part de Dieu.
Le Christ a le désir de s’adresser à chacune et à chacun de nous… mais il y a peut-être une double difficulté.
Vous savez qu’il y a différents discours dans les évangiles : le long sermon sur la montagne en saint Matthieu et son équivalent plus bref, le discours inaugural dans la plaine en saint Luc, que nous lisons depuis dimanche dernier jusqu’à dimanche prochain, et il y a d’autres discours. Ce sont, très vraisemblablement, des constructions rédactionnelles postérieures réunissant certains propos de Jésus et des extraits des premières prédications apostoliques. Et il faut reconnaître que ces compositions rendent parfois l’écoute de ces paroles un peu ardue.
Il faut ajouter une seconde difficulté : quelle est la nouveauté ou la spécificité de ces propos moraux mis dans la bouche de Jésus ? Avec de nombreux auteurs, dont Olivier Clément que nous avons écouté durant les vigiles d’hier soir, il faut souligner que « les appels [du Christ] ne posent pas des lois nouvelles » . Il ne faut donc pas aborder l’Évangile comme un manuel de morale. Pour le dire autrement : la nouveauté de l’enseignement moral de l’Évangile ne réside pas dans son contenu.
J’évoque brièvement deux exemples. La célèbre « règle d’or » - « Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le vous aussi pour eux » (v. 31). Déjà, dans l’Ancien Testament, nous trouvons la formulation négative : « Ne fais à personne ce que tu détestes » (Tb 4, 15). En fait, nous retrouvons ce précepte, dans sa formulation négative ou positive, dans presque toutes les sagesses et religions du monde.
Quant à la justification de l’amour des ennemis – « le Très-Haut est bon pour les ingrats et les méchants » (v. 35) -, nous la trouvons de manière plus développée dans le sermon sur la montagne : « votre Père fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45). Et, à l’époque de la rédaction des évangiles, nous lisons chez un auteur latin : « Si tu veux imiter les dieux, fais du bien aux ingrats car le soleil se lève aussi sur les méchants et les mers sont aussi ouvertes aux pirates » .
L’originalité de l’Évangile ne réside donc pas dans le contenu moral. En même temps, il faut noter que, dès la prédication apostolique, on trouve, à côté de l’annonce du noyau de la foi, des encouragements à une action bonne. L’enjeu de ce double message : si tu veux suivre le Christ, agis le mieux possible. Pour le dire de manière négative : puisque tu veux être disciple du Christ, tu ne fais pas n’importe quoi !
Le propos de bien agir trouve donc son sens et sa densité dans son lien avec la suite du Christ, avec l’annonce du Christ. Nous trouvons deux indices de cette nécessaire articulation dans la Parole de ce jour : « soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (v. 36). Ce « comme » n’est sans doute pas à entendre comme une comparaison : il me sera, en effet, toujours impossible d’exercer la miséricorde à la manière ou à la hauteur du Père. C’est sans doute plutôt un « parce que » : il me faut être miséricordieux « parce que » je suis l’objet de l’amour miséricordieux du Père, parce que je suis aimé jusque dans mes ruptures d’Alliance et non malgré mon péché.
D’une autre manière, l’extrait du Psaume que nous avons entendu nous donne des mots pour dire quelle est mon expérience de Dieu aujourd’hui – n’oublie pas, il est ton bienfaiteur ; il prend soin ; il est amour-tendresse ; la Résurrection est déjà offerte, je peux être dans la confiance ;… -, cette expérience qui fonde et nourrit mon attention vis-à-vis des visages qu’il met sur ma route.
Pour le dire de manière simple, c’est le lien intime entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain.
Frères et sœurs, telles sont les deux jambes qui nous aident à progresser sur le chemin de la vie : l’intimité avec le Christ et le souci du prochain. Il nous faut constamment approfondir chacun de ces deux essentiels. Nous devons toujours en ajuster l’équilibre et veiller à ce qu’ils se fécondent réciproquement.
P. Etienne
Année C - 5e dimanche du Temps ordinaire - (09/02/2025)
(Is 6, 1-2a.3-8 – Ps 137 – 1Co 15, 1-11 – Lc 5, 1-11)
Homélie du F. Jean-Louis
Frères et sœurs,
Il y a peu, un chef d’Etat, et non le moindre, disait qu’il n’aimait pas les « loosers » entendez : les perdants. En écoutant les lectures de ce dimanche, nous pouvons peut-être nous poser cette question : que pense Dieu des « loosers », des perdants et que fait-il avec eux ?
Au Temple de Jérusalem, Isaïe a fait une expérience pas banale de Dieu. En effet, il se trouve face à face au Dieu trois fois saint et, dans la Bible, on ne peut voir Dieu sans mourir d’où sa frayeur. Il se sent de plus, devant la majesté du Seigneur, un homme aux lèvres impures, membre d’un peuple aux lèvres impures. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Isaïe ne se perçoit pas en gagnant. Pourtant, un des séraphins purifie le prophète en enlevant sa faute et en pardonnant son péché. Et, une fois purifié par la grâce de Dieu, Isaïe se sent prêt à répondre à son Dieu qui appelle et il répond : « Me voici : envoie-moi ! »
Quant à saint Paul, il se sent le plus petit des Apôtres et même, indigne d’être appelé Apôtre. En effet, il se croyait gagnant en étant irréprochable dans la pratique de la Loi de Moïse… et il a découvert, ou plutôt le Christ lui a fait découvrir que sa perfection supposée ne l’avait pas empêché de persécuter l’Eglise de Dieu et donc le Christ lui-même. La chute a été rude et pourtant il a été relevé, non par ses propres forces mais par la grâce de Dieu, et la suite de sa vie a montré ce qu’il est advenu de ce saint et de sa prédication.
L’évangile nous montre Jésus qui appelle d’humbles pêcheurs à le suivre pour que le filet de sa Parole atteigne tous les hommes. Mais il ne le fait pas de façon immédiate car ces pauvres, ces perdants de la société religieuse d’alors, auraient sans doute refusé, bien conscients de leur incapacité à instruire les foules, eux qui n’ont pas étudié. Alors Jésus pose un geste qui va se révéler efficace. Après être monté dans la barque de Simon pour prêcher à la foule, il demande à ce dernier d’aller au large et de jeter les filets. Simon obéit, alors qu’il aurait pu refuser, n’ayant rien pris de toute la nuit et connaissant son métier. Et l’impensable se produit. Simon se prosterne immédiatement devant Jésus en reconnaissant sa pauvreté, son péché. Comme Isaïe, il est dans l’effroi, dépassé par quelque chose qu’il ne comprend pas. Désarmé, il est alors prêt, ainsi que ses compagnons, à répondre à l’appel du Christ.
Frères et sœurs, les lectures d’aujourd’hui me paraissent excellentes pour nous montrer que Dieu aime les loosers et même, qu’il les choisit et les appelle pour annoncer sa Parole.
Pour choisir des prophètes, des témoins, des apôtres, Dieu ne choisit pas d’emblée des « gagnants », des gens irréprochables, impeccables sous tous les rapports. Reconnaissons que nous aurions tendance à le faire, à sa place. Mais il choisit des gens humbles, capables de se reconnaître petits et pécheurs. Et si Paul ; lui, pouvait se croire irréprochable dans la pratique de la Loi, une rencontre assez brutale avec le Christ lui révèle combien il était dans l’illusion et cela le transforme complétement, il a compris qu’il était perdant. Il est alors prêt à donner sa vie pour son Seigneur.
Isaïe s’est bien reconnu pécheur et sera purifié. Pour Simon-Pierre et pour les autres disciples le chemin sera encore long. Il faudra que Pierre passe par l’expérience du reniement et du pardon du Christ. Il faudra que les disciples fassent aussi l’expérience de la fuite devant ceux qui veulent emmener le Christ pour le crucifier. Et puis, dans l’évangile de saint luc, les disciples auront tellement de mal à reconnaître le Ressuscité, même après l’avoir touché.
Et pourtant, c’est Isaïe, le pécheur purifié qui se présente et est envoyé parler au nom de son Seigneur. Ce sont Pierre et les autres disciples qui, alors qu’ils hésitent encore, sont envoyés par Jésus pour être ses témoins à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. Et c’est Paul, le persécuteur repenti, que le Christ enverra également.
Frères et sœurs, Dieu semble aimer les « loosers ». Et l’évangile de Luc le montre particulièrement. Ce n’est pas le pharisien qui jeûne plusieurs fois par semaine et donne en aumône la dîme de ses bien qui est justifié mais bien le publicain, collaborateur de l’occupant et n’hésitant pas à s’enrichir sur le dos des gens. C’est Zachée, autre collecteur d’impôt chez qui le Christ s’invite et qui se convertit totalement à la manière de Paul. C’est le fils prodigue qui a tout dépensé et revient humilié auprès de son père. C’est encore la femme pécheresse qui est pardonnée à cause de son grand amour, aux dires du Christ.
Oui, Dieu tourne son regard vers ceux et celles dont nous pouvons parfois penser qu’ils ne méritent pas notre attention et encore moins l’attention de Dieu.
Je pense qu’il n’est pas nécessaire de faire de longues énumérations. Il me semble qu’il est essentiel pour nous de constater combien le Seigneur, le Christ dépasse nos catégories. Cela nous laisse des chances, cela nous invite à nous aussi modifier notre regard pour l’ouvrir à la miséricorde et à la tendresse de notre Dieu. Dieu, plutôt que de rechercher les gens parfaits, recherche ceux qui savent se reconnaître complètement dépendants de Lui. Ces « loosers », Dieu peut alors en faire des gagnants pour son Royaume.
Frères et sœurs, combien Dieu se comporte-t’il différemment de nous, ou plutôt, combien avons-nous à nous laisser travailler par sa grâce pour nous ouvrir à sa vie à sa façon de faire. Le Carême qui approche pourra nous y aider. Sachons saisir les occasions que Dieu nous tend.
AMEN
Fête de la Présentation - 2 février 2025 -
Malachie 3 1-4; Héb 2 14-18 ; Luc 2 22-40;
Homélie du F. Hubert
Les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem
pour le présenter au Seigneur.
Non seulement tout premier-né appartient au Seigneur, mais tout être,
pas seulement le premier-né de sexe masculin, mais tout homme, toute femme.
Cette appartenance n’est pas un esclavage, mais une communion d’amour et de vie,
une plénitude de bonheur.
Si nous pouvons nous offrir à Dieu, chacun, chacune, et les uns les autres,
c’est parce que Dieu s’est offert et s’offre toujours à nous le premier.
Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est Dieu qui nous a aimés le premier.
Jésus, Homme-Dieu, est celui en qui Dieu s’offre à l’homme et en qui l’homme s’offre à Dieu.
Offrande parfaite, échange parfait.
C'est un oui sans réserve, Père,
Que tu dis sur nous par Jésus-Christ ;
Et par lui tu nous donnes encore
De répondre amen à ton appel.
Marie et Joseph, remplis de l’Esprit saint, offrent leur enfant,
sans savoir jusqu’où ira son offrande à lui.
Entrant dans le monde, le Christ dit avec le psalmiste : « Me voici pour faire ta volonté » ;
à Gethsémani, il dira : « Non pas ma volonté, mais la tienne ».
S’offrant à son Père, il réconcilie toute l’humanité et l’élève dans le sein vivifiant de son Père.
Il est le Temple vivant dans lequel le Père et toute l’humanité sont unis et respirent du même Esprit.
Il entre dans le Temple,
Marie le porte à Dieu :
C'est lui
Le temple où Dieu se dit
À ceux qui déjà le contemplent.
Jésus entre chez lui ; la maison de Dieu est sa maison.
Bien plus, il est lui-même le nouveau Temple, la demeure de Dieu parmi les hommes,
il est la réponse parfaite de l’homme à Dieu.
Jésus, vrai Dieu et vrai homme, offert totalement à son Père, offert totalement aux hommes.
En l’offrant dans le Temple, Marie et Joseph se dépossèdent symboliquement de lui,
pour qu’il soit totalement à Dieu.
Au pied de la croix, Marie sera transpercée : son Fils lui sera arraché
pour qu’elle devienne la Mère de toute l’humanité, rachetée et sanctifiée par l’offrande de son Fils.
C’est par son offrande que Jésus est la gloire d’Israël – le peuple dont il est né –
et la lumière des nations.
Notre baptême, le sacrement de mariage, la profession monastique, le quotidien de nos vies,
s’inscrivent dans ce don total du Christ, et dans l’offrande de Marie et Joseph.
Offrons-nous et laissons-nous offrir.
Attire-nous vers cette Pâque
Où Jésus Christ te glorifie
En nous sauvant.
Par lui ton œuvre s’accomplit,
Qu'il nous accueille en son offrande,
Et nous conduise jusqu’à toi,
O Dieu vivant !
année C - 2ème dimanche ordinaire – 19 janvier 2025
Isaïe 62 1-5 ; 1 Co 12 4-11 ; Jean 2 1-11
Homélie du P. Etienne Vandeputte SJ
Frères et sœurs,
Après le baptême de Jésus, nous entrons davantage dans le temps ordinaire. En même temps, l’évangile que nous venons d’écouter évoque un événement qui n’est pas particulièrement « ordinaire ». De plus, l’évangéliste nous précise que cet événement est un signe.
De quoi ce repas de noces est-il signe ? Que nous indique cet événement ? Qu’est-ce qu’il signifie ?
Il vaut la peine de faire le détour par la première lecture de ce dimanche. Ce texte se trouve parmi les derniers chapitres du livre d’Isaïe. Il annonce une fin heureuse de l’histoire du peuple de Dieu, après les affres de l’Exil : tu ne seras plus « délaissée » ; il n’y aura plus de « désolation ». Tout à l’opposé, Dieu lui-même choisit un nom nouveau pour son peuple : « Ma Préférence », « L’Épousée ». Dieu choisit l’image de l’Alliance que nous retrouvons tout au long de la Bible.
Cette première lecture se termine de manière étonnante : ainsi, « tu seras la joie de ton Dieu ». Cette dernière phrase résonne avec la fin du récit du baptême de Jésus que nous avons entendu la semaine dernière : « Tu es mon fils bien-aimé. En toi, je trouve ma joie ». Nous sommes donc chacune, chacun, invité à être la joie de Dieu en étant fille et fils bien-aimé du Père, en étant sœur et frère du Christ, en étant sœurs et frères dans le Christ ; ou, pour prendre une autre image, en étant « L’Épousée », en vivant en alliance avec le Père.
C’est bien l’horizon proposé par l’évangile de ce dimanche : le rêve de Dieu, c’est la joie des noces. Et pourtant, il n’y a pas de vin. Il manque quelque chose d’essentiel pour que cette fête fasse la joie de Dieu. Pour que je suscite la joie de Dieu, il me manque peut-être quelque chose d’essentiel. Il manque peut-être quelque chose d’important à notre couple ou à notre famille… Mes frères, que manque-t-il à votre communauté de disciples de saint Benoît pour que la joie de Dieu soit plénière ? Que manque-t-il à notre Église ? En cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, que manque-t-il aux Églises du Christ ?
Et le texte continue : Marie voit ; Marie dit. Invitation à écouter celle ou celui qui m’interpelle, qui nous interpelle en ces mots : voilà le vin qui nous manque. Et qui ajoute : c’est le moment, c’est l’heure de nous confronter à ce manque.
Le récit n’en reste pas là. Il y a là les jarres destinées aux ablutions. Elles ont leur utilité ; elles ont certainement servi avant le repas. Au-delà de cette utilité habituelle, elles vont permettre le jaillissement plénier de la joie grâce à la transformation opérée par Jésus. Que faut-il changer, qu’est-ce qui doit se laisser transformer pour que la joie de Dieu puisse s’épanouir totalement dans ma vie, dans notre vie ?
Je termine par une brève allusion à la deuxième lecture de ce dimanche, en lien avec la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Ce texte nous parle de la diversité au sein de nos communautés. Celle-ci peut être cause de divisions ou source d’enrichissement. Comme les bouquets que frère Ambroise prépare, semaine après semaine, et qui illuminent discrètement nos liturgies grâce à la diversité des variétés de fleurs ou des couleurs, nos communautés, nos familles peuvent être, grâces aux diversités bien vécues, sources de joie pour Dieu.
P. Etienne
EPIPHANIE - 05.01.2025
Is 60, 1-6 ; Ep 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
Homélie du Père Abbé Luc
« Debout Jérusalem, resplendis, elle est venue ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi » … Accueillons, frères et soeurs ces mots du prophète Isaïe, comme s’ils nous étaient adressés encore aujourd’hui. La promesse faite en son temps au peuple d’Israël s’éclaire pleinement pour nous aujourd’hui dans la venue du Christ, petit enfant, devenu homme, mort et ressuscité, et toujours présent à nos côtés. Oui, comme le dit Paul, « nous avons part au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus… » Telle est la foi que nous célébrons en ce jour de l’Epiphanie, jour de la manifestation du Christ Sauveur aux nations, Lui notre Lumière…
Mais peut-être me direz-vous, la manifestation de cette lumière est bien faible…Dans les nuages qui semblent s’amonceler et obscurcir l’horizon de notre histoire présente, la lumière apportée par le Christ a-t-elle encore quelque pertinence ? C’est ici, qu’il nous faut suivre de près les trois mages venus d’Orient. Ils se sont mis en route. Ils ont fait confiance à une petite étoile. Ce récit, de type haggadique ou parabolique, veut nous enseigner, nous renseigner pour prendre le mot d’Hérode, sur qui est vraiment le Christ, et comment il nous faut nous comporter devant lui.
Ces trois mages, des sages, ne sont pas venus les mains vides. Ils arrivent très richement chargés, pour offrir au nouveau roi des juifs, des présents très précieux, de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Les pères de l’Eglise se sont plus à interpréter dans l’or offert, l’honneur rendu à Jésus en tant qu’il est roi, dans l’encens la reconnaissance de sa divinité, et dans la myrrhe, l’annonce de sa passion et de sa mort. Si l’on suit ce fil, la nature des cadeaux nous renseignent fort sur l’identité profonde de cet enfant, et la lumière qu’il nous faut en attendre.
Il est roi, mais il n’habite pas un palais. Sa lignée pourtant royale ne s’inscrit pas dans une des lignées des grands de monde. Il est roi, mais il n’usurpe ce titre à personne. Comme un enfant, il est roi d’un royaume dont il nous dira plus tard que ce Royaume n’appartient qu’à ceux qui ressemblent aux enfants. Aussi quel or pouvons-nous apporter à ce roi que nous reconnaissons et désirons servir comme tel aujourd’hui ? Quel fruit de notre travail est vraiment à la hauteur de sa dignité ? Non pas un or gagné ou épargné sur le dos des autres. Non, mais un or fruit de la justice et de la concorde, à lui qui est venu instaurer un règne de justice. Apportons-lui le fruit de la paix lentement tissée entre nous. Offrons-lui la bienveillance et la vigilance mutuelle vécues dans nos relations fraternelles…. Tous ces dons qu’il a semé en nos cœurs par son Esprit…
Il est Dieu mais il se tient dans une simple « maison » nous dit l’évangéliste Matthieu. L’évangéliste Luc le situe dans une « maison commune », une hôtellerie pour gens de passage. Il est Dieu au cœur de la vie la plus quotidienne. N’étant pas dans un temple, il n’a pas besoin de sacrifices d’agneaux ou de béliers, comme encore cela pouvait se vivre au Temple de Jérusalem, au temps de sa naissance. Il est Dieu avec nous, au plus proche. Nous pouvons l’honorer par l’encens de notre reconnaissance, de notre action de grâce au fil de nos journées. Le chanter au fond de notre cœur, dans la banalité des jours. Dieu Tout Puissant qui s’est fait tout fragile, tout vulnérable n’attend de nous que la présence aimante et attentive, celle que nous pouvons lui offrir en la partageant avec ceux qui sont avec nous. Lui qui s’est inscrit au cœur de nos relations humaines comme un enfant dépendant, nous demande simplement de ne laisser personne à l’écart, hors de la circulation de l’amour fraternel. Voilà l’encens qui monte vers lui comme un encens d’agréable odeur. Car comme nous le dirons dans la prière eucharistique, « il ne cesse de rassembler son peuple, afin que du levant au couchant du soleil, une offrande pure soit présentée à son nom ».
La myrrhe, que les mages lui offrent, peut être comprise comme le signe de la passion… Comme une certaine Marie, ils ont préparé par avance ce baume, parfum de douceur, pour honorer celui qui souffrira, mourra et sera enseveli… Et la mort passera effectivement tout près de cet enfant, lorsqu’Hérode fera tuer les innocents de Bethléem et de ses environs… Les mages nous entrainent à regarder en face le poids de la souffrance, de la mort et du mal. Honorer cet enfant Roi et Dieu ne peut se faire de manière juste qu’en le reconnaissant au plus proche de nous dans notre condition mortelle, blessée par le péché et le mal. Sa passion et sa mort ignominieuse signeront son engagement. Quelle myrrhe pouvons-nous aujourd’hui encore, offrir au Christ ? N’est-ce pas le baume de notre compassion qui écoute celui ou celle, croisé(e) sur notre chemin et que la vie a particulièrement meurtri ? N’est-ce pas le baume de notre espérance, pleine de patience et de miséricorde qui, souvent sans mot, se donnera comme une présence fidèle ? Nous pouvons demander cette grâce de ne pas passer à côté de celui ou celle qui requiert un geste ou une parole que, dans l’instant présent, personne d’autres ne pourra donner…
Nous rendons grâce au Seigneur, d’être guidé par les mages, pour mieux le reconnaitre la vraie lumière de nos vies et l’honorer dans notre quotidien fraternel. Dans cette eucharistie, entrons dans la célébration de l’offrande de Celui en qui toute offrande est juste et véridique.
Année C - SAINTE MARIE MERE DE DIEU - 01.01.2025
Nb 6, 22-27 ; Ga 4, 4-7 ; Lc 2, 16-21
Homélie du Père Abbé Luc
Sainte Marie Mère de Dieu…Une mère et Dieu en cet enfant… En priant devant la crèche réalisée par nos frères, je me suis arrêté sur les personnages de Marie et de l’enfant Jésus. Le sculpteur, Fernand Pie a représenté Marie dans une attitude de prière, comme la tradition latine l’a souvent fait. Devant son enfant, Marie n’est pas seulement une mère émerveillée d’accueillir l’inouï de la vie, elle est en prière. Elle contemple cet enfant qui vient de naitre. Elle est dans un autre regard, une autre attitude pour tenter peut-être de mieux percer le mystère de cet enfant qui a grandi en elle de manière si singulière.
Et l’enfant ? La sculpture présente dans notre crèche est l’œuvre d’une petite sœur de Jésus. Elle a représenté l’enfant Jésus tout souriant avec les bras ouvert dans un grand geste d’accueil. Habituellement on dit que les parents accueillent un enfant, mais là visiblement c’est l’enfant qui nous accueille. Tel est le visage du Christ qu’a reconnu la petite sœur qui l’a sculpté. Le Christ qui est venu au monde, notre Sauveur, est celui qui peut accueillir tout être humain pour lui donner la vie. Ce détail d’une sculpture peut nous rendre attentif lorsque nous regardons une représentation du visage du Christ, quelque soit son âge… Chaque visage sera l’expression de la compréhension que l’auteur a du mystère du Christ. Pour l’un, ce sera le visage sévère ou grave du Christ en majesté, pour l’autre ce sera le visage doux et pacifique, que l’on pense au visage du Christ au cheval blanc de la crypte d’Auxerre… Grande variété de visages, grande diversité des expériences et compréhensions du Christ en son mystère… A travers cette grande diversité, nous voyons alors à l’œuvre la bénédiction entendue dans la première lecture : « Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage… Que le Seigneur tourne vers toi son visage… » Ces représentations laissés au fil de l’histoire nous enseigne combien le Seigneur a révélé son visage à ses amis. Oui, d’âge en âge, et pour nous chrétien plus particulièrement depuis la venue du Christ, le Fils de Dieu, le Dieu d’Israël n’a cessé de désirer dévoiler son visage, le faire briller sur nous, nous le faire connaitre. Telle est la bénédiction qu’il appelle sur nous : que nous puissions découvrir son visage, mieux le connaitre, laisser ses traits devenir nos traits…
Et si, frères et sœurs, durant cette année nouvelle, année jubilaire de la naissance de notre Sauveur qui nous a révélé le visage d’Amour de notre Dieu, nous prenions plus au sérieux le désir de notre Dieu de nous révéler son visage. Si nous accueillions vraiment sa bénédiction offerte les uns par les autres. Dans notre prière, nous pourrions faire nôtre cette demande que St Ignace de Loyola propose à celui qui commence un temps d’oraison : demander la grâce d’une connaissance plus intérieure de Jésus le Christ. Une connaissance pas intellectuelle, mais plus intérieure. Demander la grâce de laisser son visage briller en nous et sur nous, afin de mieux le connaitre, l’aimer et le faire connaitre… Ceux d’entre nous qui peignent, dessinent ou sculptent pourront essayer de le représenter… Mais si nous n’avons pas tous ces dons artistiques, tous nous pouvons grandir dans la connaissance intérieure de ce visage du Christ, de sa personne, afin qu’il brille un peu plus dans notre vie, qu’il nous illumine de l’intérieur. Puisque tel est son désir. En nous plaçant ce matin sous la garde de Marie, qui a cherché à mieux connaitre ce Fils étonnant, allons durant cette année à la rencontre de notre Seigneur.