Homélies
Liste des Homélies
Année A - Homélie 22° Dimanche du Temps Ordinaire : 31 Août 2014
Homélie du F.Vincent
Dimanche dernier, dans le passage qui précède l’évangile d’aujourd’hui, les apôtres par la bouche de Pierre ont reconnu officiellement que Jésus était le Messie, le Fils de Dieu.
Mais quel Messie attendaient Pierre et les 12 ? Ils n’attendaient sûrement pas, que celui qu‘ils suivaient comme le messie serait un jour affreusement défiguré sur une croix infâme, comme le dernier des esclaves.
Mais ce que Jésus veut pour ses disciples et pour son Eglise à venir, c'est une foi forte. Or forte est la foi de ceux qui savent que la joie est au terme d'un dépassement ; qui savent que Dieu ne vient pas d’abord nous combler , mais mettre en nous une soif à la fois plus douce et plus ardente, pour que nous allions toujours plus loin à Sa recherche, au-delà de nous-mêmes.
Forte est la foi qui est centrée sur l'essentiel, c'est à dire sur Dieu ; que sert à l'homme de gagner l'univers ? Une foi qui se construit sur le don de sa vie à Dieu, qui ne craint pas de "perdre sa vie" pour Lui. Une foi qui a compris que la signature de Dieu, c'est l'oubli de soi ; que la signature de Dieu, c'est le don de soi, et c'est l'amour. Une foi qui a compris que c'est toujours ainsi que nous reconnaissons Dieu, jamais autrement.
Pierre refuse la croix de Jésus. Il refuse la croix parce que pour lui c'est une impossibilité; comme il refusera pour Jésus, l'humilité du geste de l'esclave, à genoux devant ceux dont il lave les pieds. Jésus l'avertira alors qu'il n'a aucune part avec Lui s'il n'accepte pas ce geste d'humilité qui est justement le geste naturel du Vrai Dieu. Car le vrai Dieu c'est un Dieu humble et pauvre. Oui, le vrai Dieu est pure générosité, parce qu'il est tout amour, parce qu'il n'est qu'un cœur, parce qu'il ne peut qu'aimer : parce qu'il est un Dieu fragile, un Dieu désarmé.
C'est à mesure que l'on entre plus profondément dans la pauvreté divine, à mesure que l'on comprend mieux que la joie de Dieu c'est la joie du don total, jusqu'au don de sa vie, la joie de celui qui ne peut rien garder, la joie de celui qui ne peut rien posséder ; c'est à mesure que l'on comprend que la joie de Dieu c'est la joie de celui qui est totalement évacué de soi jusqu'à donner sa vie par amour, c'est dans cette mesure que l'on comprend un peu mieux qui est Dieu. C'est à mesure où l'on perçoit mieux cette puissance d'identification, où l'amour rend capable de vivre la vie d'un autre, pour lui et non pas pour soi; à mesure qu'on entre dans ces abîmes de la tendresse, que l'on comprend mieux la fragilité de Dieu. Oui Dieu est fragile; oui Dieu peut être vaincu et il l'est sur la croix où il meurt d'Amour pour ceux qui refuse de l'aimer. Oui, Dieu en Jésus meurt sur la croix pour ceux-là même qui le crucifient; il meurt pour ceux qui refusent obstinément de l'aimer. C'est cela que Pierre ne comprend pas; c'est cela que Pierre ne veut pas accepter.
Et pourtant, la seule véritable clé de l'évangile, la seule clé de l'amour, la seule grâce, c'est de savoir que c'est Dieu qui est pauvre, fragile, c'est de savoir qu'il est sans défense car il ne peut qu'aimer. La croix, disait un auteur spirituel, c'est Dieu qui pleure, c'est Dieu qui meurt de nos refus d'Amour. Cela Pierre ne voulait pas, ne pouvait pas l'accepter, du moins pour l’instant.
Ne condamnons pas trop vite Pierre l'incrédule. Mais au cours de cette eucharistie que nous célébrons, demandons au Seigneur d'allumer en nous ce feu dévorant dont parlait Jérémie (dans la première lecture), qui fera que nous ne crierons plus avec Pierre : "Mais non Seigneur, ça n'est pas possible", mais qui fera que nous apprendrons à la suite du Christ à donner notre vie par amour, que nous apprendrons qu’AIMER c'est MOURIR, mourir à soi-même, mais pour VIVRE, pour vivre pour un autre. Pour vivre pour lui notre Seigneur bien-aimé, et pour vivre aussi pour chacun de nos frères qu'il a placé auprès de nous pour nous parler de LUI. (2014-08-31)
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Année A 21e Dimanche du Temps Ordinaire - 24 Août 2014
Is. 22, 19-20 Rom. 11, 33-36 Mt. 16, 13-20
Homélie du F.Ghislain
Les disciples aujourd’hui sont autour de Jésus, assez loin au Nord-Est du lac de Génésareth, comme quelques jours avant, ils étaient aussi à l’étranger, au Nord-Ouest dans la région de Tyr et de Sidon.
C’est dans cet environnement un peu lointain que Jésus pose à ses disciples une question qu’il n’a jamais posée. Celle son identité à lui. Question assez redoutable. Peut-être n’avons-nous jamais fait à d’autres une telle demande nous concernant : « Pour toi, ma femme, mon mari ? pour vous, mes enfants, mes amis, mes frères en communauté ? pour vous, mes collègues, mes électeurs, mes paroissiens qui suis-je ? » Demande qui nous ferait trembler peut-être : qu’est-ce qu’ils vont répondre ? Demande qui peut être utile pourtant : comment avoir des rapports vrais si on n’est pas au clair avec les autres, s’ils ne sont pas au clair avec nous.
Jésus la fait cependant, cette demande.
Et vous ? Vous qui me suivez depuis quelques mois, qui marchez avec moi entre Tibériade et Jérusalem, qui m’accompagnez à l’étranger, hier dans le territoire de Tyr et de Sidon, aujourd’hui à Césarée de Philippe. Vous, qu’est-ce que vous dites ? pourquoi me suivez-vous ? qu’est-ce que vous attendez ?
Les disciples sont là. Au fond d’eux-mêmes, ils croient en Jésus. Un jour, au début, l’un d’entre eux, Philippe, a dit à un autre : « Celui au sujet duquel ont écrit Moïse, dans la Loi, et les prophètes, nous l’avons trouvé, c’est Jésus de Nazareth » (Jn. 1. 45). Mais ils ne l’ont jamais dit à voix haute, les uns devant les autres, tous devant Jésus. Quand ils l’auront dit, ce sera clair, public. Quelque chose aura changé dans le regard porté sur Jésus. Une sorte d’engagement, un point de non retour. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », c’est ce que nous croyons et c’est à cause de cela que nous avons tout quitté pour te suivre. Comme ceux qui viendront après nous le diront bien plus tard, au Concile Vatican II : « Nous regardons avec foi vers toi, l’unique auteur du salut, principe d’unité et de paix » (LG n°9)
Cette voix des disciples, c’est à travers celle de Pierre qu’elle retentit. Il ne parle pas pour lui seul, mais pour tous, qui ont été interrogés. Il ne dit pas sa conviction à lui, mais celle qu’il partage avec ceux qui sont là. Il engage le groupe, et celui-ci adhère par son silence. Si quelqu’un n’était pas d’accord, il le dirait ou il s’en irait. Comment rester parmi des gens dont on ne partage pas la conviction fondatrice ? « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant »
Et nous comprenons la réaction de Jésus : une telle parole de reconnaissance, personne ne peut la dire de lui-même. Ainsi, cette banlieue de Césarée devient comme la montagne de la Transfiguration : Dieu y est manifesté par la reconnaissance de sa Gloire sur le visage de Jésus ; cela n’apparaît pas dans une lumière extérieure mais dans une conviction du cœur des disciples qui s’exprime à travers la parole de Pierre.
Cet évangile nous est lu aujourd’hui, ici. Il s’adresse donc à nous : nous, que disons-nous qu’il est ? que lui disons-nous ?
Nous allons évidemment le dire dans le Credo. Dans son contenu, c’est une confession de foi détaillée, le résumé de l’histoire de Jésus, une proclamation d’espérance. Mais, dans sa forme, c’est à la première personne du singulier que nous le disons : je crois. Mais nous le disons ensemble, c’est donc aussi à la première personne du pluriel : nous, ici présents, nous croyons.
Surtout, c’est la réponse à une question que Jésus nous adresse aujourd’hui, en ce moment au sein de notre assemblée : « vous ici maintenant dans cette église, qui dites-vous que je suis ? Faites attention, parce que si vous le dites ensemble maintenant, cela vous unit les uns aux autres indissolublement. Cela vous engage aussi, car tout à l’heure dehors, dans votre environnement : dans la famille, au travail, en politique, vous parlerez et vous vivrez au nom de Jésus…Alors, que dites-vous ? »
Peut-être cela nous fait-il peur ? Peut-être, si nous prenons conscience de ce qui est en jeu, de la manière dont nous le montre l’évangile d’aujourd’hui, ne nous sentons-nous plus tellement prêts à chanter le Credo qui sera dans cette assemblée l’écho de la parole de Pierre. Allons-nous laisser chanter les autres et garder nos lèvres fermées ?
Souvenons-nous alors de ce que dit Jésus : si nous formulons cette confession de foi, ce qui veut dire encore une fois, si nous nous engagerons à en vivre ensemble et chacun en particulier, c’est que quelque part au fond de nous-mêmes le Père nous révèle ce que nous allons confesser et forme en nous l’image de son Fils. Saint Paul nous dit aussi que nul ne peut, sinon dans l’Esprit, confesser « Jésus est Seigneur ».
Aussi bien, si cet épisode de Césarée nous remplit de crainte (comme Pierre, Jacques et Jean au Thabor), c’est bien, car il s’agit de la Révélation du Fils qui nous est faite par le Père dans l’Esprit, et la crainte de Dieu nous envahit. Mais la crainte de Dieu chasse la peur et la pusillanimité ; elle remplit d’amour et de foi et ouvre sur l’espérance.
Aujourd’hui, à cause de cet évangile qui nous a ét proclamé avec la force du Verbe de Dieu, mouvons-nous chanter ensemble maintenant le Credo comme nous ne l’avons jamais encore (2014-08-24)
ANNÉE A - VINGTIEME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
1ère lecture : Isaïe 56,1 et 6-7
2ème lecture : Lettre aux Romains 11,13-15 et 29-32
Évangile selon saint Matthieu : 15,21-28
Homélie de F.Matthieu
Dimanche après dimanche, la liturgie nous propose, à travers une lecture suivie de l’évangile selon saint Matthieu, des figures-modèles pour notre foi.
Dimanche dernier, c’était Pierre, capable de s’engager sur la parole de Jésus à marcher sur les eaux… vite rattrapé par sa peur et finalement son ‘peu de foi’ selon l’expression de Jésus, mais sauvé finalement par son cri : ‘Seigneur, sauve-moi !’, qui dit mieux que tout sa foi… fragile mais présente !
Aujourd’hui, c’est une cananéenne, une étrangère, non-juive, qui est notre modèle ; païenne mais qui d’entrée pourtant interpelle Jésus, comme Fils de David, et comme sauveur possible de sa fille sous l’emprise du démon… mais la voilà éconduite, de manière brutale par Jésus, qui oppose sa condition d’étrangère à ce qu’il nomme ‘sa mission’ ‘d’envoyé seulement aux brebis perdues de la maison d’Israël !’ et la traite de façon presqu’insultante !
Mais, merveille de lucidité plus encore que de persévérance, la femme reconnaît son statut de « petits chiens », indignes du pain des enfants… mais revendiquant de manger les miettes qui tombent de la table…
Et Jésus va célébrer sa foi accomplie, et guérir sa fille, toute étrangère au peuple d’Israël qu’elle soit !
Mais pourquoi cette rebuffade insultante de Jésus ?
Sans doute d’abord, pour pousser cette femme à aller au bout de sa foi, en la soumettant à l’épreuve. Ce n'est pas évident pour une Cananéenne d'aller demander un miracle à un prophète d'Israël, encore moins de s'adresser à lui comme "Seigneur, fils de David". Mais c’est surtout l'humilité dont elle fait preuve : ‘petits chiens, oui, mais les petits chiens mangent les miettes...’, c’est cette humilité qui l’emmène au sommet de la foi.
C’est ce chemin de confiance et d’humilité qui la conduit jusqu’à sa vérité humaine, exclue de la table, et jusqu’à la reconnaissance que seul Jésus peut sauver, et Jésus témoigne de la justesse de cette itinéraire de foi : ‘Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux.’
Et le chemin de foi, l’exemple que nous donne cette femme, vient nous rappeler, à nous aujourd’hui, cette vérité essentielle : le salut de Dieu est un don gratuit, un don que Dieu réalise selon son dessein et sa volonté ; personne n’est en droit d’exiger quoique ce soit, car tous nous sommes radicalement ‘pécheurs’ et le reconnaître est le premier pas de la foi.
Paul le rappelle plus clairement encore dans le passage de la lettre que nous avons entendue. Les païens que nous sommes ont ‘jadis désobéi à Dieu’, mais aujourd’hui, c’est la désobéissance d’Israël, qui a entraîné sa ‘mise à l’écart’, qui est devenu ouverture pour les nations païennes, leur permettant d'entrer dans l'Alliance, de bénéficier de la miséricorde de Dieu. Et Paul voit plus loin ; il sait que ‘les dons de Dieu et son appel sont irrévocables’, il sait surtout que ce qui est essentiel, c’est la miséricorde de Dieu, et il peut donc voir déjà qu’un jour, à cause de la seule miséricorde de Dieu, Israël ‘sera réintégré’.
Le texte de Paul met en lumière des paradoxes divins : la désobéissance des uns, est l’occasion pour Dieu, de faire triompher sa miséricorde pour les autres, et cette désobéissance même permet finalement à la miséricorde de Dieu de s’offrir à tous gratuitement, pour que finalement tous obtiennent miséricorde, car c’est le seul moyen de salut !
Dieu ne fait pas de différence entre les hommes : nous sommes ‘tous enfermés... dans la désobéissance’ (tous, juifs et païens, nous sommes pécheurs), et c'est paradoxalement ainsi que triomphe la Miséricorde de Dieu, qui offre, à tous, gratuitement, le salut en Jésus, mort et ressuscité, offerts pour nos péchés !
La foi de la Cananéenne nous enseigne à nouveau ce que nous sommes, coupés de la guérison et du salut, écartés de Dieu, mais elle nous enseigne surtout que nous pouvons, que nous devons faire fond sur la volonté miséricordieuse de Dieu qui a tout mis en place pour nous sauver.
Cette miséricorde de Dieu qui dépasse tout, il faut simplement – si l’on peut dire – y croire et l’accueillir dans sa gratuité toute puissante : elle est le seul chemin du salut.
Dans la lumière de cette Miséricorde, manifestée dans le Christ, nous pouvons tout ensemble reconnaître notre ‘désobéissance’, notre péché, et recevoir, dans l’action de grâce, la gratuité de notre guérison, de notre ‘réintégration’ dans la vie de Dieu, la ‘vie pour ceux qui étaient morts’ !(2014-08-17)
Année A - ASSOMPTION -
15 AOÛT 2014
Ap 11,19a, 12, 1-6a.10ab; 1 Co 15, 20-26; Lc 1, 39-56
Homélie du Père Abbé Luc
“Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni». Avec Elisabeth, nous pouvons reprendre, frères et sœurs, cette salutation pour l’adresser à Marie, en ce jour… Oui, cette fête de l’Assomption manifeste aux yeux de la foi combien Marie est bénie de Dieu.
En Marie, élevée au ciel, dans la gloire de Dieu, avec son âme et son corps, s’accomplit toutes les bénédictions dont elle a été l’objet de la part de Dieu, depuis sa naissance jusqu’à sa mort en passant par sa maternité par laquelle elle a accueilli le Fils de Dieu fait chair.
Dans la lignée de tant de femmes de l’AT, depuis Anne la mère de Samuel, en passant par Yaël et Judith, femmes aux exploits virils et guerriers, Marie a été bénie comme aucune autre femme, pour être la mère du Messie. Sur elle, la bénédiction de Dieu a été abondante, car elle devait accueillir, nourrir et éduquer le Béni de Dieu, le Christ, venu libérer son peuple du péché et de la mort. Quand nous contemplons Marie, la bénie, frères et sœurs, nous ne pouvons que nous émerveiller de la fidélité de Dieu pour son peuple. En Marie, qui accueille le Fils de Dieu, s’accomplit toute l’œuvre de bénédiction de Dieu « en faveur d’Abraham et de sa race à jamais ».
Contempler Marie la Bénie de Dieu, c’est indissociablement contempler la manière avec laquelle Dieu vient vers elle… « Il s’est penché sur son humble servante » chante Marie. Il s’est penché…En Marie, la bénie, se manifeste le secret de la bénédiction divine…Celle-ci se donne au creux de l’humilité, humilité de Dieu qui se penche, qui « abaisse son regard vers le ciel et vers la terre » (Ps 112, 6), et humilité de Marie qui consent sans tout comprendre, dans un total abandon et une grande confiance. Dieu s’abaisse. Marie la bénie accueille. Elle confesse qu’elle si petite que Dieu a dû, lui aussi s’abaisser pour la rejoindre. Elle manifeste alors combien le Dieu d’Israël veut rejoindre les petits, les affamés, les pauvres. Sa bénédiction est pour eux. L’ordre établi par les hommes est renversé. Jésus, le fruit béni de Marie, lui le Béni de Dieu, ne fera rien d’autres durant son ministère. Il va accomplir ce nouvel ordre des choses annoncé par les prophètes : les petits et les pauvres sont l’objet de la bénédiction de Dieu. Mais plus encore, il va révéler en sa chair jusqu’où va l’abaissement de Dieu désireux de bénir son peuple. Par sa mort sur la croix, Jésus va ouvrir grandes les sources de la bénédiction divine, par son sang versé et par son esprit répandu. Frères et sœurs, quand nous prions le chapelet, cette prière du cœur, ne nous lassons pas de recueillir le mystère de la bénédiction de Dieu manifesté en Marie. Quand nous disons : « tu es bénie entre toutes les femmes », nous la regardons elle, la bénie, toute humble, et nous sommes conduits à Jésus, le Béni de Dieu, qui nous sauve dans son grand abaissement par Amour pour nous.
En ce jour, où nous fêtons Marie, la Bénie de Dieu, il nous faut encore nous souvenir d’une chose. Lorsque Dieu bénit, un homme ou une femme en les prenant sous sa bénédiction, c’est en vue du bien de tout son peuple. Dieu a béni Marie pour qu’elle devienne la Mère de son Fils, qui allait nous sauver par sa mort et sa résurrection. Et aujourd’hui quand la bénédiction de Dieu s’accomplit en Marie élevée dans la Gloire, nous avons là le gage de la bénédiction qui nous est aussi promise. Marie est ainsi « parfaite image de l’Eglise à venir, aurore de l’Eglise triomphante » comme nous le chanterons dans la préface.
Frères et sœurs, en contemplant aujourd’hui Marie, la bénie de Dieu, nous sommes conviés à raviver notre foi en la fidélité de Dieu qui mène à son terme son œuvre d’amour pour chacun de nous, quel que soit notre chemin plus ou moins chaotique. Dieu nous donne même déjà les prémices de sa Joie et de sa Paix en cette Eucharistie, où nous est offerte la Vie éternelle, fruit de la mort et de la résurrection de Jésus. (2014-08-15)
année A - 19 Dimanche TO - 10 Août 2014
Mt 14.22-33
Homélie du F.Antoine
L'Evangile de ce Dimanche déborde de vie-On y parle de mer agitée, d'une barque battue par les vagues et le vent contraire, de désert, de montagne, de foules et de solitude enfin de Jésus et ses disciples et même d'un fantôme!
Au cœur de cet ensemble, une parole domine le récit .... « Homme de peu de foi!» Dans son Evangile, Matthieu met cinq fois cette expression dans la bouche de Jésus et, ici, ce reproche s'adresse à Pierre, homme ~u destin exceptionnel dont Jésus éprouve la foi.
Une foi dont l'Evangile d'aujourd'hui nous dit que tôt ou tard elle doit affronter vagues et vents contraires et traverser l'épreuve du passage, d'une foi facile et enthousiaste, à la foi profonde creusée par l'adversité.
Pierre, marin-pêcheur du lac de Tibériade est difficilement passé d'une confiance en ses capacités, à une totale remise de lui-même en cette main qui le saisit et s'entendre dire « Homme de peu de foi, Pourquoi as-tu douté »?
Cette scène, n'est-elle pas une prophétie, de ce que nous avons à vivre, en tant que croyant? Car ce texte si vivant est entouré d'une atmosphère de mort: la tempête, la présence pesante de la nuit, l'apparition d'un fantôme, la terreur des disciples, leurs cris de détresse ... images qui font planer l'angoisse de la mort sur le récit et nous renvoient à cette expérience où notre foi semble noyée, balayée par les agressions de la vie et où ... tout attendre de Dieu dans la foi et la confiance, ne nous économise pas .ces traversées d'incertitudes parfois chaotiques, on ne sait plus si on croit ... on ne sait plus jusqu'où on croit ... et finalement en qui on croit!
La foi n'est jamais définitivement acquise nous signifient les disciples. Ils ont vécu la peur, l'affolement, puis ils se sont ouverts à une confiance totale au Maître, pour finalement ,en hommes de peu de foi, être tragiquement absents au pied de la croix.
La foi est une vie, une vie sans cesse en croissance ou en décroissance. Elle est une histoire en cheminement, une histoire en évolution permanente ... celle d'un compagnonnage avec Jésus Fils de Dieu embarqué avec chacun d'entre nous dans la traversée de l'existence, compagnonnage qui peut connaître des étapes merveilleuses, l'important n'a pas été que Jésus marche sur les eaux, l'important a été qu'il réponde immédiatement à la détresse des disciples, qu'aucun obstacle ne l'arrête et que sa main les saisisse et leur sauve la Vie.
Toute La finale de cet Evangile est un chant au triomphe de la vie. Jésus marche sur les eaux de la mort, il domine leur puissance, il révèle d'une façon éclatante qu'il est le Fils du Dieu vivant. Sa victoire sur la tempête les vents, les vagues apparaît ainsi comme une anticipation de sa résurrection et l'annonce de son triomphe sur la Mort'
Frères et Sœurs, Cet Evangile nous invite à partager cette victoire, en en faisant une victoire de la Foi, une victoire de notre foi sur nos-peurs, nos angoisses nos lassitudes tout en gardant les yeux fixés sur le Maître bien aimé, Jésus vraiment Fils de Dieu, venu nous sauver de nos tempêtes et ... de nous-mêmes. ! (2014-08-10)
année A - 3 Août 2014 –18e dim. ord.
Homélie du F.Sébastien
Frères et sœurs, ouvrons nos cœurs, large, car j’ai une bonne nouvelle. Dans les trois lectures de ce dimanche, c’est notre Dieu lui-même qui vient à nous en se révélant comme don, un don pas comme les autres.
Dans la première lecture Isaïe ne manque pas de nous surprendre: « Ô vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau, venez — sans argent, sans payer — et buvez, du vin, du lait. » C’est exactement la situation du nouveau-né. Mais aussi celle de quiconque réalise peu à peu que, poussé par son besoin de boire, physique ou spirituel, il ne cesse d’aspirer à la source derrière laquelle se cache, et plus encore, se révèle, Celui que nous prions dans le Notre Père. Celui dont le don permanent devrait éveiller en nous une immense reconnaissance. « Merci, Ô Dieu, notre Père à tous ! »
Ceci me fait penser à, Mgr Deniau, précédent évêque de Nevers. Observant la société moderne, férue de performance, il disait : « Il faut de toute urgence retrouver la capacité de recevoir, –– avec émerveillement – avec merci . Les trois se tiennent. Ensemble ils constituent un antidote à la tentation subtile de l’homme généreux de vouloir être toujours celui qui donne, toujours plus, à l’image de Dieu. Avec le risque de se faire inconsciemment un peu trop donateur, un tantinet surplombant, sans réel besoin des autres, voire gentiment étouffant, en un mot, une sorte de dieu qui a mal tourné. Le vrai Dieu donne, sans cesse, mais en se faisant tout petit, sans en avoir l’air.
Ici, j’entends la voix du sceptique déçu : « Votre Dieu qui ne fait que donner, c’est bien joli, mais un peu enfantin et surtout pas vérifié dans les faits. Car, avouez, de ce don que reste-t-il quand il n’en reste rien, sous les coups du sort, des épreuves accablantes, individuelles ou collectives, des cascades de pertes ? La question est trop sérieuse pour aller chercher réponse ailleurs qu’auprès de ceux qui en ont l’expérience.
Aujourd’hui, auprès de Saint Paul dans la deuxième lecture. Lui sait de quoi il parle. Sa vie a été labourée en tous ses sens, dans son corps, dans son histoire, dans ses solidarités, dans son cœur de croyant appelé à revoir sa loi et ses maîtres, à changer de vocation, dans un dénuement total. Un jour, à terre, il a perdu même l’indispensable. C’est sur ce fond d’expériences qu’il témoigne.
«Frères, qui nous séparera de l’amour du Christ ? – Qui nous privera de ce don suprême ? – Qui ? La détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ? pensons au drame actuel du Moyen Orient –... Mais en tout cela, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés. »
Personnellement, je crois que ce cri du cœur de saint Paul peut avoir valeur incantatoire pour quiconque le fait sien, dans la disponibilité de la prière, du silence. C’est un haut lieu de communion dans la conviction plus forte que toutes les adversités.
Oui, mais comment faire passer quelque chose de ces convictions salvatrices dans nos modestes vies de croyants, certes de bonne volonté, mais qui se sentent si souvent impuissants ?
Comment, sans doute essentiellement par la pratique de la liturgie ? L’évangile de la multiplication des pains entendu tout à l’heure peut nous faire réaliser ce qui s’y passe.
Il s’agit d’un fait de vie bien concret : une foule d’affamés, hommes, femmes, enfants. Un petit drame local qui en évoque de grands : aujourd’hui, Afrique, Europe de l’est, Palestine à feu et à sang...
La liturgie nous fait entrer en solidarité, à travers de petites choses, paroles, gestes, attitudes, dont le Saint Esprit s’empare pour en faire ce qu’il veut.
Une dame catéchiste prépare la messe avec des enfants. Elle demande que chacun donne quelque chose à Jésus en ce jour de fête. Une gamine revient tout triste : « Moi, je n’ai rien à donner. » La réponse fuse sans réfléchir : « Eh bien, donne-toi toi-même ! » En l’entendant me raconter le fait j’ai entendu ce que Jésus avait dit à ses disciples qui n’avaient rien à donner à manger à la foule : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Oui, Vous-mêmes. L’Esprit Saint a le génie de ces jeux de sens, quelque peu paraliturgiques.
Lors de la multiplication des pains sur l’herbe tous avaient vu Jésus lever les yeux vers son Père au ciel, puis bénir les pains dérisoires qu’on lui avait donnés, puis les donner aux disciples, pour qu’en les donnant à la foule ils apprennent à leur insu à se donner, comme lui-même le fera un soir, avec l’extraordinaire puissance du sacrement : « Prenez, mangez, ceci est mon corps ». Moi-même. Et ceci l’était devenu, donne, mangé, bu.
Où sommes-nous lorsque nous participons à nos eucharisties ? Peut-être sur l’herbe verte ? Peut-être, sur les bancs de l’église ? Que faisons-nous ? Sinon quelque chose de divin, avec quelques grammes de pain, quelques gouttes de vin dans lesquels notre Dieu se donne à tous et à chacun, homme, femme, enfant, se donne tout entier, Père, Fils et Saint Esprit.
« Recevez et vivez-en ! » Sans payer. C’est donné. (2014-08-03)
DEDICACE DE L’EGLISE -
25 Juillet 2014
1R 8, 22-23.27-30 ; 1P 2, 4-9 ; Mt 19, 13-19
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et soeurs,
De nos jours, dans notre pays, comme dans d’autres en Occident, se pose la question de l’utilisation de nos églises. Certaines servent tellement peu souvent que leur entretien devient problématique. Les célébrations y sont si rares et les fidèles si peu nombreux à se réunir qu’on en vient parfois à les désaffecter, soit pour les démolir soit pour les affecter à un autre usage…Cette réalité, qui n’est pas sans nous attrister, montre à l’inverse combien nos églises de pierre ne sont rien sans les communautés vivantes qui les habitent. Et on comprend mieux alors la relation forte qui est établie dans la liturgie de la dédicace entre le bâtiment de pierre et la communauté de pierres vivantes que forment les croyants. Sans cesse les textes de l’Ecriture ou de la liturgie mettent en lumière cette relation fondamentale. Et l’insistance porte moins sur l’édifice de pierre que l’édifice spirituel des croyants. Car la réalité le prouve au long des âges, l’édifice de pierre peut survivre plus facilement à l’épreuve du temps que la communauté des croyants qui l’habite.
Que pouvons-nous entendre aujourd’hui qui nous aide à demeurer une communauté croyante vivante, une communauté monastique fraternelle et fervente dans son service de la louange divine ?
« Allez vers le Seigneur Jésus, il est la pierre vivante » dit l’apôtre Pierre aux destinataires de sa lettre. Allez vers le Seigneur Jésus, pour des chrétiens, c’est banal me direz-vous…Mais comment ne pas entendre dans cette invitation de l’apôtre le mouvement profond de notre vie chrétienne ? Allez vers Lui la pierre vivante, c’est bien plus que de croire en lui dans le sens d’avoir la certitude qu’il existe. Allez vers Lui, la pierre vivante, c’est caler notre pierre sur la sienne, fonder notre existence sur sa vie de ressuscité. Entre le Christ Jésus et chaque croyant la relation est si constitutive que nous sommes sans cesse conviés à en prendre grand soin, pour demeurer effectivement fondé en Lui…On peut s’habituer à tout, s’habituer à croire, à faire ses prières et à mener une vie correcte, même dans un monastère. Mais peut-on s’habituer à aimer le Christ ? Lui la pierre vivante sur laquelle nous avons fondé notre vie ne nous destine pas à vivre une petite relation tranquille avec lui. Il nous entraine à accueillir toujours plus profondément son Amour et à le laisser nous transformer comme Lui, en pierre vivante.
« Soyez les pierres vivantes qui servent à construire le Temple spirituel » poursuit l’apôtre Pierre ? Des pierres vivantes de la vie du Christ ressuscité qui savent s’ajuster les unes aux autres pour construire le Temple spirituel. C’est le défi de nos vies de communautés, qu’elles soient paroissiales ou religieuses. Nous croyons au même Christ, mais chacun reste porteur de son identité propre. C’est sa richesse et aussi celle de la communauté qui est constituée de cette belle diversité de personnalité. Mais de même qu’il faut de la patience au maçon pour poser ses pierres les unes à côté ou au-dessus des autres, de même que de patience et d’amour faut-il pour que les pierres vivantes s’ajustent les unes aux autres ! Entre la recherche d’un idéal de fraternité sans faille et la démission ou la fuite devant la moindre difficulté, il y a place pour un lent et très humble travail d’amour vécu au quotidien, souvent sans bruit… Plutôt que de m’inquiéter comment les autres s’ajustent à moi, je cherche à m’ajuster aux autres. Je cherche d’abord leur intérêt avant le mien propre, dirait st Benoit. Comment faire pour que l’autre soit un peu plus à l’aise à sa place quitte à être un peu dans l’inconfort moi-même ? La construction du temple spirituel se fait à ce prix-là…Elle est alors inséparable du sacerdoce saint qui y vécu…
« Vous serez le sacerdoce saint présentant des offrandes spirituelles » conclut Pierre. Ces pierres vivantes qui cherchent sans cesse l’édification mutuelle deviennent alors elle-même, et le prêtre et l’offrande. Comme Jésus lui-même qui est à lui seul l’autel, le prêtre et la victime. Ce lent travail d’édification de la communauté fait de nous les prêtres et les offrandes par ce profond mouvement de don et de renoncement à nous-mêmes. A la suite du Christ, Pierre Vivante, nous entrons dans sa manière à lui de donner la vie, en nous donnant nous-mêmes.
En rendant grâce pour cette église, lieu de célébration et d’édification du Temple spirituel que nous formons, nous venons puiser notre force et notre vie à la source de vie qu’est le Christ mort et ressuscité. (2014-07-25)
Dédicace de notre église abbatiale - 25 juillet 2013
1 R 8 22-23,27-30; 1 Pet 2 4-9; Mt 16 13-19
Homélie du Père Abbé Luc
Qu'y a-t-il de commun, frères et sœurs, entre le Temple consacré par Salomon, dix
siècles avant Jésus-Christ et cette église monastique, consacrée en 1871 ? Les deux maisons
sont des maisons qui veulent honorer le Dieu Vivant. D'elles deux montent vers Dieu, comme
l'encens, la prière de son peuple. Dans les deux se trouvent un autel ou plusieurs autels pour
offrir un sacrifice. Mais ici, intervient une première différence: le sacrifice offert n'est pas de
même nature. D'un côté, dans le Temple de Salomon, on offre des sacrifices d'encens ou
d'animaux en signe du don de soi, de l'autre dans cette église, on rend présent le sacrifice du
Christ, mort et ressuscité pour nous. Dans le mémorial de passion et de la résurrection du
Christ, célébré à chaque eucharistie, nous accueillons d'abord le cadeau immense que Dieu
nous fait: la vie du Ressuscité qui veut transfigurer nos vies présentes. •Et dans le même temps
nous entrons dans son mouvement d'offrande pour faire de toute notre vie, une offrande qui
soit agréable à Dieu, comme nous le demanderons dans quelques instants: « nous te prions de
nous transformer nous-mêmes en offrande qui te soient agréables ».
Oui, depuis la venue du Christ, la nature profonde de la maison de prière a changé. Elle
n'est pas d'abord une maison où l'on apporte des offrandes, d'encens, d'animaux ou les
premiers fruits de la terre pour honorer Dieu. Elle est le lieu où l'on reçoit le don gratuit de la
vie de Dieu, offerte dans le mémorial de la mort et de la résurrection du Christ. Ce lieu devient
alors « le signe merveilleux de l'alliance» que Dieu réalise avec son peuple, avec chacun de
nous, comme nous le chanterons dans la préface. Ici, il est bon de noter que pour désigner leur
maison de prière, les chrétiens vont parler plutôt « d'église» que de temple. Eglise vient du
mot grec qui veut dire « assemblée». La maison de prière chrétienne est le lieu de l'assemblée
des chrétiens. Cette accentuation mise sur l'assemblée est significative du changement de
nature de cette maison de prière. Désormais, comme le disait Pierre dans la seconde lecture, ce
sont les croyants qui sont appelés à devenir « des pierres vivantes qui servent à construire le
Temple spirituel ». La maison de pierre, appelée église, n'est que l'image de l'assemblée
chrétienne qui se réunit en son sein, et qui est appelée à devenir le temple spirituel. En utilisant
une image, on pourrait dire que le bâtiment église est comme le moule qui reçoit la pâte. Ce
moule va permettre que soit façonnée l'assemblée des fidèles en temple spirituel.
Effectivement, une église comme notre église monastique qui accueille les moines
plusieurs heures par jour modèle et façonne notre communauté monastique. A travers la prière
des heures, elle la façonne en communauté de louange à la gloire de Dieu. A travers les
célébrations de la réconciliation, elle la façonne en communauté de frères pardonnés et
pardonnant. A travers l'eucharistie, elle la façonne en communauté de frères morts à eux-
mêmes et ressuscités avec le Christ. Si on garde l'image du bâtiment église comme d'un
moule qui façonne, on peut noter que ce n'est pas par hasard si nos églises sont
traditionnellement en forme de croix. L'assemblée des croyants qui se réunit en ce lieu va être
configurée au Christ en croix, pour recevoir de lui la Vie nouvelle. L'assemblée apprend jour
après jour à mourir avec le Christ pour ressusciter avec lui. Tournée vers l'autel placé au
centre de toute église chrétienne, l'assemblée apprend à centrer toute sa vie sur le Christ qu'il
représente. En faisant silence et en écoutant la Parole proclamée en ce lieu, elle se laisse
instruire et convertir. En se prosternant ou levant les mains pour la prière, elle s'unit au désir
du Christ, le seul Prêtre, de voir tous les hommes accéder au bonheur des fils de Dieu. En
recevant le pain de Vie, le Corps du Christ, elle reçoit sa force et son unité pour « annoncer les
merveilles de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière ».
Frères et sœurs, en célébrant cette fête de la dédicace, nous voulons dire merci à Dieu
qui nous offre en ce lieu la Vraie Vie dans le Christ, mort et ressuscité. Nous lui demandons
humblement d'être fidèles, assidus et coopérant à l'œuvre qu'il réalise en ce lieu où il façonne
notre communauté. Qu'en ce lieu, nous devenions vraiment ce que nous sommes, temple
spirituel en Christ et communauté de frères ouverte à tous. (2013-07-25)
Année A -16e dim TO - 20 juillet 2014
Sg 12 13-19; Rm 26-27; Mt 13 24-43
Homélie du F.Hubert
Les premières communautés chrétiennes ont fait, dès le départ, l’expérience de leur caractère mélangé, de leurs imperfections, de leurs divisions, de la présence en elles du Mal.
Déjà les Douze Apôtres : l’un d’entre eux est le traître.
Quant au peuple élu de la Première Alliance, il est divisé en royaumes sans cesse séduits par l’idolâtrie. Mais toute l’Histoire sainte est que ce peuple élu est sauvé par Dieu, arraché par lui à la puissance du mal, de l’ivraie.
Avec Jésus, le temps du peuple saint, du peuple des parfaits, n’est-il pas advenu ?
Eh bien, non.
Dieu a semé du bon grain dans son champ.
Mais son ennemi est venu et a semé de l’ivraie.
Voilà donc que dans ce champ vont pousser et le blé et l’ivraie.
Faut-il, bien vite - en ce temps-ci - arracher l’ivraie ?
Non, dit Dieu. « En enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps. »
Si l’explication de la parabole se situe au temps de la moisson, du jugement par Dieu,
la parabole elle-même se situe dans ce temps-ci, dans notre temps, dans le temps du champ en travail.
Pour nous aujourd’hui, pour chaque génération, le temps de la moisson n’est pas encore venu.
Le jugement n’appartient qu’à Dieu seul.
Le péché de l’homme est d’avoir voulu s’emparer du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal,
Alors que cette connaissance n’appartient qu’à Dieu.
Le plus grand mal, c’est de nous attribuer cette connaissance, de croire savoir où est le bien,
où est le mal, et surtout d’identifier le mal et celui qui le commet.
Le plus grand péché que l’humanité ait commis – non pas les juifs mais l’humanité - c’est d’avoir jugé, condamné, mis à mort, l’Innocent. Jésus.
Mais l’Innocent a retourné cet acte de mort en don de vie.
C’est bien là la merveille de notre salut, que nous célébrons dans chaque sacrement, dans chaque eucharistie.
La ligne de combat entre le bien et le mal nous traverse tous de part en part.
Le plus grand mal est que nous jugions les autres,
que le mal qui est en nous nous pousse à le rejeter sur les autres,
à les rejeter eux-mêmes, à les éliminer.
Ce n’est pas à nous d’arracher l’ivraie.
D’abord parce que nous pouvons nous tromper : nous avons nos propres aveuglements,
nos pailles, nos poutres dans les yeux :
“Si vous aviez compris ce que veut dire la miséricorde,
vous n’auriez pas condamné ceux qui n’ont commis aucune faute.”
Et Dieu ne peut se résoudre à ce que la moindre tige de blé soit arrachée par erreur.
Ensuite, nous n’avons pas le pouvoir de déraciner, d’extirper le mal.
Seul Dieu peut faire cela.
C’est le Juste, le Fils unique, qui, seul, sur la croix, par son refus absolu de rendre le mal pour le mal, a jeté l’ivraie au feu.
En Jésus, Dieu s’est manifesté comme la victime du Mal.
De cette victime « a jailli le regard qui sépare le meurtre du meurtrier, qui voit d’un côté l’homme et de l’autre le mal qu’il a commis. Le regard qui ne confond pas l’être et l’acte. » dit J-F Bouthors dans « Délivrez-nous du mal », un livre qui m’a beaucoup marqué récemment [1].
Enfin, la conversion du pécheur est toujours désirée et attendue par Dieu.
« Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant, et non pas plutôt à ce qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive ? dit Dieu par la bouche du prophète Ezéchiel.
Je trouve que la parabole du figuier au chapitre 13 de st Luc éclaire bien celle d’aujourd’hui :Le propriétaire d’un figuier se plaint auprès de son vigneron : « Voilà 3 ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le » - Arrachons l’ivraie ! - Mais le vigneron lui répond : « Laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir ? »
« Le mal doit être dénoncé en tant que tel, mais sans jamais le confondre avec l’être dont il a pris possession et auquel doit revenir la liberté dont il a été privé. »
« Ne pas laisser l’inhumain l’emporter, ne pas considérer l’homme comme vaincu, ne pas se résoudre à ce que la part mortelle dévore la part vivante, combattre cette corruption, non pas en séparant, mais en réintégrant, non pas en excluant mais en aimant. » continue le livre que j’ai cité.
Les petites paraboles de la graine de moutarde et du levain nous montrent aussi la vigueur et le dynamisme de la sève divine : la vie de Dieu, en nous et dans l’humanité, parviendra un jour à sa plénitude.
« La graine de moutarde, c’est la plus petite de toutes les semences, mais quand elle a poussé, elle dépasse toutes les autres plantes potagères. » Elle détruira l’ivraie, c’est elle qui l’étouffera.
Le peuple élu n’est pas un peuple de parfaits, mais un peuple de sauvés, la fraternité des sauvés, de ceux que Dieu a arrachés à la puissance du Mal.
Jésus, l’Innocent, réintègre en chacun de nous la part d’inhumanité pour accomplir l’unité de notre être dans sa grâce.
Alors, il n’y aura plus que des fils, que des frères, resplendissants de la beauté de leur Père dans le Royaume.(2014-07-20)
Année C - 15 ème Dimanche du Temps ordinaire – 14-07-2013
Dt 30, 10-14 ; Col 1, 15-20 ; Lc 10, 25-37
Homélie du Père Groslambert
Nous savons que Dieu a de l'humour. Je pense qu'en ce 14 juillet, Dieu doit sourire: bien sûr il est heureux que la parabole du bon samaritain soit lue dans les églises, mais il doit sourire en constatant que pour commenter le devise républicaine « fraternité » des orateurs parfois laïciste s’inspirent de la parabole du bon samaritain. Il faut nous réjouir de constater que le code civil inclut le devoir d'assistance à personne en danger; cet indice montre que les chrétiens jouent leur rôle de sel de la terre et diffusent l'idée que l'homme de bien a pitié, il partage (Ps 111). Le fait que la loi d'entraide fraternelle soit incluse dans le code civil d'un pays laïc est aussi la preuve que, loin d'être une réalité étrange, la loi de Dieu est inscrite par le Saint Esprit dans le cœur de tout homme. De ce fait, rendons grâce car celles et ceux qui ne font pas notre profession de foi portent déjà en eux la loi du Dieu d'amour.
Cependant, des questions se posent à propos du devoir d'assistance à personne en danger: est-ce que le code civil en parle à la manière de la parabole du bon samaritain? Est- ce que st Luc ne dit que le code civil? Est-ce que Jésus n'est qu'un maître de morale? Est-ce que, pour s'appeler frères, les moines ne s'appuient que sur le code civil? Plus fondamentalement, peut-on être frères et parler de fraternité si on ne se reconnaît pas un père commun ?
Pour parler de la fraternité à la manière de la parabole, je vais donc parler de Dieu père de tous. Par différence avec le code civil, nous basons le devoir d'assistance fraternelle sur la présence du Père commun. Le jour où Pierre désigne Jésus comme le « fils du Dieu vivant », il précise que le Père est à l'origine du comportement d'homme de justice, de tendresse et de pitié que l'on repère en Jésus. St Luc qui a annoncé dans ses premières pages « aujourd'hui vous est né un sauveur ... paix à tous les hommes», décrit comment en Jésus - le frère universel -, c'est Dieu le Père qui s'approche des malades, des exclus, des souffrants qui sont tous ses enfants; en racontant les journées de Jésus, st Luc témoigne que « le Seigneur a visité son peuple, lui qui redresse les accablés, fait justice aux opprimés-délie les enchaînés» puisqu'ils sont tous ses enfants. On le voit, st Luc base le devoir d'assistance à personne en danger sur la contemplation de Dieu paternel pour tous et sur le Christ fraternel pour tous, puisqu'il réclame à la tombe la vie de tous, comme le suggère le Samaritain qui a réclamé à la tombe la vie du juif, son ennemi...
Ceci m'amène à parler de Dieu père de tous qui sauve ses ennemis. Le blessé juif, laissé comme mort, est livré à la bienveillance du samaritain qu'il a toujours considéré comme un ennemi. De même, les hommes sont livrés à la bienveillance de celui qu'ils traitent souvent d'ennemi: car ils ne craignent pas de blesser Dieu comme ennemi, de lui dire qu'ils vivent très bien sans lui et qu'ils lui préfèrent d'autres dieux ou qu’ils veulent pas de leur dieu, Pourtant les mêmes crient ainsi: «Je t'appelle, Seigneur, sauve-moi» « Dieu qui fais justice, parais» « L'ennemi cherche ma perte, il foule au sol ma vie, le souffle en moi s'épuise» ; «Notre âme est rassasiée de mépris, nous sommes rassasiés du rire des satisfaits et du mépris des orgueilleux » ... Telle est la prière des pécheurs, des ennemis de Dieu. Le Christ voit la misère de son peuple : à l'égard du peuple qui le blesse, le Christ adopte le geste totalement miséricordieux du Samaritain. Et les innombrables blessés qui constatent « néant, le salut qui vient des hommes » mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur que de compter sur les hommes, s’exclament à la vue de Jésus: « Béni soit au nom du Seigneur, celui qui vient sauver son peuple ». Nous-mêmes, blessés, nous faisons cette louange à chaque messe et à chaque office de la Liturgie des Heures où nous proclamons « dans mon angoisse j'ai crié vers le Seigneur et lui m'a dégagé, mis au large », alors que j'étais son ennemi, que je ne savais que blasphémer et maudire ...
Après avoir parlé du Père de tous qui sauve même ses ennemis, je parle de nous. Ayant constaté que Dieu l'a soigné, chacun se dit « comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a fait? »A cela, l'Eglise répond: le Christ s'est fait ton prochain: fais-toi le prochain des autres. Le Christ samaritain s'est fait l'ami de ceux qui sont dépouillés par des brigands: fais-toi l'ami de ceux qui sont dépouillés par la société du chacun pour soi; le Christ samaritain a donné sa vie pour ses bourreaux: à ceux qui te blessent par leurs mesquineries, offre ton aide pour que grandisse ce qui est beau en eux; le Christ samaritain a fait de sa miséricorde l'hôtellerie de l'humanité blessée: fais de ta délicatesse une hôtellerie pour quiconque est mal dans sa peau. Bref, l'Eglise dit que Dieu nous a aimés le premier et que notre joie est de répondre à son amour. C'est ce que nous faisons d'une part en rendant grâce à la messe, et à la Liturgie des heures; c'est ce que nous faisons d'autre part en offrant aux hommes ce que Dieu nous a offert : Dieu nous a fait confiance : nous lui rendons grâce en faisant confiance aux frères ; Dieu nous a donné de l'espérance en nous faisant connaître Jésus: nous lui rendons grâce en faisant connaître Jésus aux autres; Dieu nous a relevés: nous lui rendons grâce en aidant les autres à être debout.
Bref, dans la messe et dans la liturgie des heures, nous est donné le fondement - la justification - de la diaconie que nous avons à exercer au service des frères: Puisque Dieu a pansé les plaies des hommes, il nous revient de panser les plaies des frères -voire des ennemis- . Pratique la religion celui qui soigne les plaies des autres.
Frères et sœurs, nous allons admirer comment le Christ nous a aimés et nous repartirons en sachant qu'il nous croit capables d'aimer comme lui les frères qui ont le même père que nous. Mais déjà, laissons approcher de nous ce samaritain qui s'appelle Jésus, laissons-le s'occuper de nos plaies; montrons-lui tout ce qui ne va pas en nous; laissons-le nous conduire à son auberge ... celle d'Emmaüs ... Puisqu'il est venu non pour les bien- portants mais pour les malades, qu'il dise seulement une parole -la parole du corps livré et du sang versé - et nous serons guéris. (2013-07-14)