Homélies
Liste des Homélies
Année B - 4e Dimanche du Temps pascal - 26 avril 2015
Ac 4/8-12, 1 Jn 3/1-2, Jn 10/11-18
Homélie du F.Cyprien
Dans les Actes des apôtres, la première lecture, un homme a été guéri grâce au nom de Jésus de Nazareth, Jésus le bon médecin…
Dans la lettre de Jean, l’apôtre dit que nous sommes « enfants de Dieu », guéris en quelque sorte par le baptême et la vie de foi. Foi au Fils de Dieu qui nous permet de devenir enfants de Dieu nous aussi.
Enfants de Dieu, c’est ce que nous sommes dès maintenant : guéris par le baptême, et, c’est l’Evangile, « brebis du bon Pasteur ».
Connus par Lui, par la grâce de Dieu nous connaissons le bon pasteur, « nous avons découvert Dieu » : Oui, nous connaissons notre Pasteur, Celui qui a donné sa vie pour ses brebis…
Et saint Jean ajoute : « Ce que nous serons ne parait pas encore ».
Restons sur ce que dit saint Jean…
Il y a un « maintenant » dans nos vies et il y a aussi le « pas encore ».
Quand Jésus parlait à la samaritaine, il lui disait : « l’heure vient et c’est maintenant … (où les vrais adorateurs adoreront Dieu en esprit et en vérité) ».
Nous, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu et … « ce que nous serons ne parait pas encore clairement ».
Il y a un devenir pour nous qui avons découvert Dieu , …et un devenir aussi bien sûr, pour ceux et celles qui ne l’ont pas découvert… « J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie ».
Pour tous il s’agit d’avoir écouté la voix du bon Pasteur, de le connaitre, de savoir qu’il nous connait.
C’est la prophétie de la Bible : « Tous me connaitront du plus petit jusqu’au plus grand», tous connaitront le Pasteur qui donne sa vie, le Pasteur pour qui les brebis comptent vraiment.
Face au Christ ressuscité nous ne pouvons pas rester ce que nous sommes… « Ce que nous serons », ce que Dieu veut que nous devenions, semblables à Lui, parfaits comme le Père céleste est parfait (« Soyez saints comme je suis saint », dit Dieu à Moïse).
C’est Jérémie qui annonce de la part du Seigneur Dieu : « Je mettrai ma loi au plus profond d’eux-mêmes ; je mettrai en eux mon Esprit et ils vivront ».
Donc retenir de saint Jean : ce que nous sommes et ce que nous serons…
Ne pas rester ce que nous sommes…
Ce désir est fréquent… chez tous … ne pas rester ce que nous sommes…, insatisfaction de vivre plutôt médiocrement, insatisfaction de ne pas « s’accomplir »…
Si je mets ma foi en Jésus, tout dépend vraiment de ce qu’Il est pour moi, pour moi aujourd’hui. Ma relation avec Lui est-elle assez forte ?... qu’elle me transforme, qu’elle me rend plus vivant ? Plus vivant maintenant, parce que « ce que nous serons ne parait pas encore : Nous serons transfigurés parce que nous le verrons Lui, le ressuscité.
« La joie de l’Evangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Avec Jésus Christ la joie nait et renait toujours », telles sont les paroles du pape François dans son exhortation « La joie de l’Evangile » …»… «c’est la vie dans l’Esprit qui jaillit du cœur du Christ ressuscité »
Vivre le « pas encore », nous…, nous qui sommes encore sur le chemin de la conversion…
Vivre le « pas encore » en pensant aussi à ceux qui sont loin, à ceux qui cherchent à découvrir Dieu, et qui peut-être n’en prennent pas les moyens, c’est le désir du Bon Pasteur.
Le seul moyen que nous avons, nous, enfants de Dieu, (…« car nous le sommes »), c’est de vivre de mieux en mieux ce « déjà là » de notre filiation. Filiation qui rayonne, parce qu’elle est vitale, parce qu’elle nous tend en avant (« nous le verrons tel qu’Il est »)
Le pape François dit encore des chrétiens qu’ils sont disciples-missionnaires, «disciples -trait d’union -missionnaires », et non disciples et missionnaires …
Notre mission, chers fr. et srs., enfants de Dieu, c’est de vivre la charité,… l’amour du Christ, …la relation vivante avec le Christ, Bon Pasteur,…
l’amour du Christ et du prochain,…
pour que la foi et l’espérance grandissent au cœur des hommes, de tous les autres, …ceux qui sont l’autre souci de ce bon Pasteur. (26-04-2015)
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ANNÉE B - 3e DIMANCHE DE PÂQUES
Actes3,13-19
• Psaume 4
• 1 Jn 2,1-5
• Luc 24,35-48
Homélie du F.Matthieu
• La Résurrection de Jésus, le troisième jour, selon les Ecritures, que nous proclamons et célébrons sans cesse depuis la Nuit pascale est un article de notre Profession de foi ; la résurrection de la chair en est un autre.
Et il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître, cela reste bien difficile à croire pour nous aujourd'hui.
Mais une lecture attentive de tous les évangiles de la Résurrection qui nous sont lus chaque dimanche de ce temps pascal, nous montre que cela ne fut pas facile non plus pour les disciples, qui pourtant eurent le privilège de voir Jésus ressuscité et de le toucher.
Il a fallu du temps pour qu’ils parviennent à cette foi solide qui leur permit ensuite ce témoignage assuré, tel que nous l’avons entendu de la bouche de Pierre dans la première lecture.
Prenons donc l’évangile qui vient d’être proclamé aujourd’hui.
Lors du retour des disciples d'Emmaüs à Jérusalem, ceux-ci racontent leur expérience : ils ont reconnu Jésus vivant, à la fraction du pain, il est vrai qu’il a aussitôt disparu. Ils retrouvent les onze apôtres qui, eux aussi, disent croire en la résurrection de Jésus puisqu’il est apparu à Simon ! Et voici que Jésus révèle sa présence au milieu d'eux alors qu'ils sont encore en train de partager leur foi nouvelle. Mais alors pourtant, la foi de tous semble s'effondrer ; ils sont "saisis de frayeur et de crainte" et "ils croient voir un esprit".
De la foi à la peur, un itinéraire que la vie nous fait souvent parcourir, à l'image du chemin à contresens qui a conduit les deux disciples loin de Jérusalem.
Jésus alors leur montre ses mains et ses pieds ; Jésus va habituer les siens au caractère insaisissable de sa nouvelle présence mais aussi à sa pleine réalité corporelle. Il se fait pédagogue et il en est besoin !
La suite est encore plus bizarre : les disciples passent de la peur à la joie… mais ils restent incrédules : "Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire et restaient saisis d’étonnement". En eux s’éveille l’émotion, pas encore la foi, et cette conscience claire de la réalité de ce qui se passe, de ce qui s’est passé ?
Alors Jésus mange devant eux le morceau de poisson grillé qu’ils lui offrent. Il est bien là dans son corps d’homme, même s’il est aussi « nouveau » !
Mais c’est finalement sa Parole qui va les confirmer dans leur foi ; car la foi suppose connaissance et décision. Un acte complet, qui mobilise tout l'homme… et qui ne semble pas – jusqu’à cet enseignement renouvelé – encore assuré !
Comme les anges l’avaient déjà dit au cœur du tombeau vide, comme Jésus le rappelait longuement aux "pèlerins d'Emmaüs", à nouveau il enseigne à ses disciples à lire les Ecritures pour y trouver l’appui définitif de leur foi ; retrouver tout ce qui le concernait, l'annonçait dans les Ecritures : "...il fallait que s'accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes..." "Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Ecritures…" "L'intelligence des Ecritures", c'est le dessein de salut qui se réalise dans le Mystère pascal, voilà : "Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d'entre les morts le troisième jour..."
Voici l’entrée privilégiée, toujours à renouveler, dans la foi au Christ, ressuscité pour notre salut ! Voilà la clef de toute compréhension de la Résurrection !
Cela les disciples ont fini par l’assimiler, et l’Esprit Saint promis par Jésus l’a gravé dans leur cœur, dans tout leur être, dans toute leur pratique…
Dans les Actes des Apôtres, Pierre transmet bien en effet le message : "Dieu a ainsi accompli ce qu’il avait d’avance annoncé par la bouche de tous les prophètes : que le Christ, son Messie souffrirait, " ; après avoir rappelé l'histoire toute récente de la Passion, dans une série d'oppositions : "...le Dieu de nos pères a glorifié son serviteur Jésus, alors que vous, vous l'aviez livré... vous avez renié le Saint et le Juste... ", pour aboutir à la plénitude de la profession de foi : " Vous avez tué le Prince de la Vie, lui que Dieu a ressuscité d'entre les morts, nous en sommes témoins..."
Les Ecritures témoignent en vérité, pour qui en devient un lecteur intelligent ; les disciples sont bien sûr les premiers témoins, mais c’est à partir des Ecritures et de la Parole d’accomplissement de Jésus que s’enracine leur témoignage.
La leçon finalement est très simple :
si nous voulons entrer dans la foi, si nous voulons grandir dans la foi, si nous voulons surmonter nos doutes et nos peurs, si nous voulons connaître Jésus et être sauvé, il nous faut d’abord écouter sa Parole, qui nous vient aujourd’hui encore à travers les Apôtres.
Il nous faut plus encore entrer, toujours et encore, dans les Ecritures, dans leur intelligence… et donc d’abord les lire inlassablement, les méditer, les prier en accueillant l’Esprit Saint qui ne nous manquera jamais dans cet exercice-là, comme dans tout notre chemin de foi !
Mais reconnaissons-le, nous sommes timides, hésitants, bien lents à prendre ces moyens – simples pourtant – que le Seigneur nous a indiqué pour croire en lui, en sa résurrection !
Alors, allons-y, prenons notre Bible… et lisons, relisons, relisons sans cesse !
Ainsi soit-il ! (19-04-2015)
Année B - 2ème Dimanche de Pâques - 12 avril 2015
Ac 4 32-35; 1 Jn 5 1-; Jn 20 19-31
Homélie du F.Antoine
Thomas…un homme si proche de nous...il doute ..il veut des preuves concrètes il veut s’assurer par lui -même!...Ce qui peut se comprendre car l’histoire de Thomas c’est d’abord l’histoire d’une absence… et l’absence dans l’Ecriture a une note péjorative.
A la Cène, Judas s’absente...Au Golgotha, les disciples ne seront plus qu’un et quand Marie de Magdala arrive au tombeau…il n’y a plus personne !..Cette absence ne serait-elle pas un signe ?
Le signe de l’absence de la foi…de l’absence de l’amour ?
Dans l’Evg d’aujourd’hui, au soir de Pâques il est donné aux apôtres de faire cette expérience,
qui parcourt l’Evg de Jean…l’expérience de voir…de croire .
Au matin de Pâques, devant les bandelettes, Jean, le disciple bien aimé… voit et croit.
Au matin de Pâques, devant le tombeau ouvert, Marie de Magdala entend une voix connue,..
Elle se retourne… elle voit…elle croit…elle court annoncer la nouvelle…
En ce soir de Pâques, c’est Jésus qui donne aux disciples de contempler ses mains et son côté...
Ils voient…ils croient.. et dès l’arrivée de Thomas, ils lui crient :
« Nous avons vu Le Seigneur ! »
Un Nous qui est pour le première fois...le Nous de l’Eglise !
Un Nous qui est celui de l’unité des disciples dans la Foi.
Le Nous de la Bonne Nouvelle qui accompagnera la prédication de Pierre comme le témoignage
d’Etienne dans son martyre… un Nous qui dit avec force que notre Foi personnelle se vit
en union… avec la Foi de l’Eglise… dans la Foi de l’Eglise.
C’est ensemble que nous disons notre Père…Donne Nous…Pardonne Nous…Délivre Nous…..
« Nous avons vu le Seigneur » disent les apôtres !
A quoi répond le défi de Thomas :
« Si JE ne vois pas, si JE ne mets pas mon doigt.. JE ne croirai pas ! »
Le JE d’un homme libre...mais le JE du doute.. le JE de la méfiance qui exige des preuves et bâtit sa
certitude sur la seule expérience personnelle.
C’est au chapitre 3 de la Genèse que l’on rencontre le premier emploi du JE..
Adam est absent, Dieu le cherche :
« JE t’ai entendu –dit Adam- J’AI eu peur, JE me suis caché. »
Un JE qui s’inscrit dans le registre de la peur et du refus
« Si JE ne vois pas…JE ne croirai pas » dit Thomas
Refus…Peur de manquer de certitude qui nous rappelle que la Foi est un combat… jamais gagné,
toujours à recommencer… une folle aventure à laquelle seul Dieu peut nous inviter.
Frères et Sœurs,….
IL est en chacun de nous un Thomas qui nous pousse à rester trop souvent absent.
Absents aux rendez-vous de la Foi absents aux occasions d’aimer.
Absents aux appels de Celui qui nous a laissé la plus grande des Béatitudes :
« Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Oui, Heureux sommes-nous
Quand nous dépassons l’apparence des évènements pour y découvrir la réalité de Dieu.
Quand devant toute personne blessée dans sa chair comme dans sa dignité, nous savons
reconnaître en elle la marque des clous… la plaie sur le côté.
Quand nous déverrouillons les portes closes de notre cœur pour les ouvrir au Christ ressuscité…
….Alors, oui, heureux sommes-nous !(12-04-2015)
Année B - Pâques, 5 Avril 2015
Ac 10 34-43; ol 3 1-4; Jn 20 1-9
Homélie du F.Ghislain
O mort, où est donc ta victoire ?
Pour entrer un peu dans l’intelligence du Mystère de la Résurrection, que nous sommes en train de célébrer, il faut peut-être prendre la mesure du Christ mort.
Je voudrais essayer de le faire en évoquant le souvenir de deux jeunes étudiants d’une vingtaine d’année déportés à Buchenwald à la fin du nazisme. Le premier, Jorge Semprun, républicain espagnol, voit le second, François, en train de mourir à côté de lui. Il se souvient alors du grand roman de l’écrivain André Malraux, L’espoir, consacré à la guerre civile espagnole de 1936. « C’est seulement une heure après la mort que, du masque des hommes, commence à sourdre leur vrai visage » écrit Malraux, à propos d’un aviateur descendu en vol et dont on vient de rapporter le corps. « Il faut au moins une heure, confirme une femme présente, pour qu’on commence à voir l’âme » . Jorge Semprun commente, à propos de son camarade : « Son vrai visage avait été détruit, il ne sourdrait plus jamais de ce masque terrifiant, non pas tragique, mais obscène…. Je commençais à comprendre que la mort des camps, la mort des déportés est singulière : elle met radicalement en question tout savoir et toute sagesse à son sujet….Je regardais le visage de François L. sur lequel on ne verrait pas apparaître l’âme une heure après sa mort. Ni une heure, ni jamais. L’âme, c’est-à-dire la curiosité, le goût des risques de la vie, la générosité de l’être-avec, de l’être-pour, la capacité d’être autre, en somme, d’être en avant de soi par le désir et le projet, mais aussi de perdurer dans la mémoire, dans l ’enracinement, l’appartenance ; l’âme, en un mot sans doute facile, par trop commode mais clair cependant, l’âme avait depuis longtemps quitté le corps de François, déserté son visage, vidé son regard en s’absentant ». L’âme peut un moment se manifester sur le corps de l’homme tué au combat, mais pas sur celui du mort en déportation.
Résonne alors en nous la parole du prophète Isaïe « L’apparence n’était plus celle d’un homme », plus du tout, plus jamais, sans la moindre seconde de résilience. Comme si la chaine de l’humanité avait été brisée, la communication interrompue. Et qui rétablirait cet anéantissement ? En mourant, François L. murmurait les paroles du philosophe Sénèque : « Post mortem nihil est ipsaque mors nihil » ? Après la mort rien, et la mort elle-même n’est rien .
Notre foi chrétienne nous propose Jésus-Christ. Mort crucifié. Ne peut-on dire de lui ce que Semprun dit du mort déporté ? Dans son corps donc, Jésus avait vécu de l’âme : de la générosité de l’être-avec, de l’être-pour, de la capacité d’être en avant de soi par le désir et le projet du Royaume de Dieu. Dans son âme, il avait vécu du corps : l’enracinement dans sa terre qu’il n’avait pas quittée, qui l’avait nourri, sur laquelle il avait dormi ; l’adhésion à son peuple à qui il appartenait et dont il espérait tout. Et il est mort : pas une mort de déporté, mais une mort de crucifié, procédant comme l’autre d’une haine infinie. Une mort singulière, que Jésus n’avait pas provoquée, avec laquelle il n’était d’aucune manière complice. Une mort à laquelle le Dieu du Royaume, son Père, ne l’avait pas soustrait, le laissant au contraire dans les affres de l’abandon qui ravageait son visage. Une mort qu’il avait acceptée et offerte : « Père, en tes mains, je remets mon esprit ». Une mort qui, en un sens, englobait toutes les autres.
Or, après une telle mort, l’âme de Jésus n’a pas attendu une heure pour sourdre sur son visage et pour illuminer le corps. Celui-ci n’était pas descendu de la Croix que le chef du peloton d’exécution l’a vue se dessiner : sur le corps inanimé, sur le visage du mort, il n’y avait plus la moindre trace de la haine des hommes ; on voyait au contraire apparaître l’âme : « Cet homme était un Juste » dit-il (Luc, 23, 48). Plus profondément encore, ce centurion païen a, le premier de tous les hommes, reconnu, la gloire de ce mort : « Vraiment celui-ci était Fils de Dieu » (Mc. 15, 29).
Peut-être le disciple que Jésus aimait et qui se tenait au pied de la Croix a-t-il entendu le centurion, peut-être a-t-il vu sur la face dévastée de Jésus la même chose que le soldat païen ? Est-il entré alors dans la connaissance intime du Christ et de sa mort ? Une mort que quelque chose dans le cœur du disciple, comme de sa Mère debout au pied de la Croix, transformait doucement, lui révélant l’âme vraie de Jésus dans son corps crucifié, allant même au-delà et lui découvrant le Nom de Fils.
Lorsque ce disciple un peu plus tard est venu au tombeau, à l’appel de Marie-Madeleine (Jn. 20.8), lorsqu’il a vu à terre les linges de la mort et que le mort lui-même, il ne l’a pas vu, « alors il crut » dit l’évangile. Ce qu’il avait pressenti en contemplant le visage de Jésus encore sur la Croix, il le savait maintenant : « Dieu l’a relevé en le délivrant des douleurs de la mort car il n’était pas possible qu’il fût retenu par elle » (Act. 2,24). La figure tragique dessinée par Malraux et Semprun se renverse et se transfigure. Le corps de Jésus n’a a pas eu le temps de devenir cadavre ni cendres ; son âme ne s’est pas attardée on ne sait où. La résurrection est en fait l’exaltation de ce corps, à la fois détruit et rayonnant de justice, et de cette âme généreuse, un instant seulement absentée pour libérer une transfiguration. La chaîne de l’humanité non seulement est renouée, la communication interrompue non seulement est rétablie, mais l’Homme qui fut sans péché et pourtant est mort, apparaît maintenant « tel qu’en lui-même enfin l‘éternité le change », à hauteur de Dieu et de Monde. Désormais revêtu sans entraves de la Gloire du Fils, l’Homme nouveau s’étend à la mesure de tout le cosmos, de toutes les populations depuis le commencement : le Corps du Christ, l’Eglise, l’Humanité, les Anges et quoi encore ?
Christ est vraiment mort et nous en lui ; il est vraiment ressuscité et nous avec Lui.(5-04-2015)
Année B - VIGILE PASCALE 04.04.2015
Rm 6, 3-11 ; Mc 16,1-7
Homélie du Père Abbé Luc
« Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » se demandent les femmes. Qui roulera la pierre qui enferme l’être humain dans la mort ? Aux hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu.
Frères et sœurs, c’est cette merveille que nous célébrons en cette nuit. Le Dieu Vivant, en ressuscitant Jésus son Fils a définitivement roulé la pierre qui ferme nos tombeaux. Ce qu’Il a fait pour Jésus son Fils, il l’a fait pour nous, lors de notre baptême. Depuis ce jour de notre baptême, nous sommes devenus un avec Jésus. Lui, le Vivant, a enlevé à notre mort le pouvoir de nous retenir en ses liens. Si un jour, nous passerons par le tombeau, celui-ci ne nous gardera pas en sa demeure. Depuis le jour où la pierre a été roulée pour libérer Jésus Vivant, nous savons que la mort n’a plus le dernier mot, seulement l’avant-dernier. Telle est notre foi, telle est aussi notre joie.
Frères et sœurs, en cette nuit, il ne nous est pas demandé grand-chose, je dirais deux choses : faire le plein de Vie et vérifier que la pierre du tombeau reste bien roulée.
Faire le plein de Vie. Toute la célébration de cette nuit nous chante la Vie du Ressuscité offerte en abondance, et nous donne de la faire nôtre. La Vie du Ressuscité est notre Lumière. Elle guide nos pas dans la nuit comme nous l’avons célébré en entrant dans cette église. La Vie du ressuscité est cette Parole unique qui éclaire toute l’histoire humaine depuis la création, comme nous l’avons entendu à travers les lectures. Parole sûre entre toutes les paroles, elle donne un sens nouveau et une espérance nouvelle à nos existences. La Vie du ressuscité est notre Libération. Elle nous délivre et nous purifie de toutes nos errances et de notre péché. Elle est cette Eau vive qui nous donne de renaitre. Eau de notre baptême dans laquelle nous nous signerons dans quelques instants. La Vie de Ressuscité est notre force, notre nourriture. Jésus, Lui-même, le Vivant se donne en nourriture. Mystère d’un don caché sous le signe du pain et du vin que nous recevrons. Mystère d’une vie donnée qui nous rend semblable à notre Dieu, sans aucun mérite de notre part. C’est un don gratuit…
En cette nuit, frères et sœurs en nous rappelant et en accueillant le don que Dieu nous fait, il nous faut vérifier aussi, dans nos vies, que la pierre du tombeau reste bien roulée. Oui, en chacune de nos vies, la mort fait son œuvre. Dans notre condition humaine limitée, les épreuves ne manquent pas. Notre corps est marqué par la maladie, par la souffrance et par le vieillissement. Nos limites et nos faiblesses peuvent parfois nous peser et nous abattre… La pierre du découragement va-t-elle se refermer sur nous ? La pierre de la peur va-t-elle nous tenir captifs de l’angoisse de la mort ? Oui, dans nos vies, nous livrons un singulier combat contre beaucoup de formes de mort qui peuvent nous retenir prisonniers de la tristesse, de l’amertume et de l’angoisse. En cette nuit très sainte, Dieu lui-même veut nous réconforter et nous rendre courage en nous disant : « Ne soyez pas effrayés, Jésus de Nazareth est ressuscité. La pierre du tombeau est roulée une fois pour toute. Ne laissez pas d’autres pierres se refermer sur vous. Accueillez la Vie de Jésus ressuscité. Dans tous vos combats, Il est, votre Lumière, votre Libération et votre Nourriture. Avec vous, Il sera dans le passage de votre mort. Avec Lui, Il vous accueillera dans la Vie éternelle ».(2015-04-04)
Année B - VENDREDI SAINT 03.04.2015
Is 52, 13 - 53, 12; He 4, 14-16; 5, 7-9; Jn 18, 1 - 19, 42
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
La célébration de la Passion que nous vivons maintenant nous place au cœur de la célébration du mystère pascal. Jésus traverse jusqu’au bout notre condition humaine. Il affronte toutes nos contradictions hideuses, et il assume notre faiblesse et notre mort. Chemin de mort et de défaite qui se révèle être, dans la lumière de la résurrection, un chemin de victoire. Comme nos chants d’acclamation de la croix le signifieront dans quelques instants. La haine, le péché, et la mort n’ont pas le dernier mot, depuis que Jésus a tenu bon jusqu’au bout dans son amour pour le Père et pour nous. C’est le mystère d’une victoire dont nous recueillons le fruit chaque fois que nous célébrons le mémorial de sa mort et sa résurrection. Mystère d’une victoire dont nous voudrions apprendre, année après année, à mesurer tout le prix. Mais qui ne pourra jamais mesurer l’amour dont Dieu nous a aimés en Jésus ?
Mystère d’une victoire qui est encore à l’œuvre pour tant de nos frères qui sont aujourd’hui persécutés. Ils nous rappellent que le Christ, en son Eglise, « est en agonie jusqu’à la fin du monde ». Leur témoignage, leur martyr, nous attriste à la vue d’un tel déchainement de violence dont ils sont les victimes. Mais il devrait aussi nous conforter dans notre propre chemin à la suite du Christ. Jésus ne nous a pas promis un chemin facile. Le choisir comme Maitre nous donne d’être confrontés à la violence ou à la perfidie de bien d’autres maitres qui veulent régner en ce monde et aussi en nos cœurs. Ces chrétiens persécutés nous rappellent que dire « oui » à l’amour avec Jésus, cela a un prix. Si nous pouvons nous sentir faibles dans notre capacité à aimer jusqu’au bout, recueillons dans cette célébration la force et la paix qui viennent de la croix. Dans l’oraison d’ouverture, nous avons déjà demandé cette grâce : « Aujourd’hui encore, montre-nous ton amour : nous voulons suivre le Christ qui marche librement vers sa mort ; soutiens-nous comme tu l’as soutenu, et sanctifie-nous dans le mystère de sa Pâque ». (2015-04-03)
Année B - JEUDI SAINT 02.04.2015
Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15
Homélie du Père Abbé Luc
« Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains… » Aujourd’hui, entre les mains de Jésus, s’accomplit l’œuvre de Dieu commencée depuis la création du monde. Jésus, le Verbe fait chair, sorti du Père, par qui tout a été fait, et les montagnes pétries par ses mains (Ps 94, 5), et l’homme façonné à son image (Gn 1,27 ; 2,2), Jésus en cette heure solennelle achève l’œuvre de Dieu. La liturgie nous donne de célébrer et d’actualiser ensemble les deux gestes de Jésus qui en annoncent un troisième, l’ultime œuvre de ses mains.
Premier geste. Jésus lave les pieds de ses disciples, un à un. Lui le Seigneur et le Maitre, se fait serviteur de ses disciples et, à travers eux, de tous les hommes. Un peu comme dans le premier jardin, lorsque Dieu se faisait le serviteur d’Adam le premier homme sorti de ses mains, en cherchant – j’allais dire – « en se creusant la tête », pour trouver une aide qui lui soit assortie afin que ce premier être vivant, modelé par sa main, ne soit pas seul. Ici Jésus lave les pieds pour redonner toute sa dignité à Adam blessé par le péché, afin qu’il puisse avoir une part avec lui, dans son Royaume. En ce soir, à travers les disciples, Adam retrouve toute sa dignité royale, sa dignité de fils, des mains de son Seigneur qui se fait son serviteur. Les disciples ne peuvent comprendre cet abaissement qui figure l’abaissement encore plus scandaleux de la passion qui va suivre. En ce soir, il leur suffit d’entendre que Jésus agissant ainsi les aime jusqu’au bout.
Second geste. Jésus prend du pain, puis du vin en disant « Ceci est mon corps », « ceci est mon sang »… Les gestes familiers de la bénédiction du pain et du vin qui ponctuent les repas juifs se chargent d’une signification nouvelle : celle d’une offrande qui préfigure le don total du corps transpercé et du sang versé. En cette fête de la Pâque, Jésus se révèle être « le prêtre éternel et véritable », comme nous le chanterons dans la préface. Il n’offre pas des animaux, mais il s’offre lui-même « en victime pour notre salut ». Selon la tradition johannique, sa mort sur la croix coïncide avec l’immolation de l’agneau pascal. Les deux mains de Jésus qui offrent le pain et le vin, corps livré et sang répandu lient à jamais en une seule, les deux réalités du Grand Prêtre et de l’Agneau Pascal…
Accomplis par Jésus, ces deux gestes du lavement des pieds et de l’offrande du pain et du vin, annoncent l’ultime œuvre de ses mains : celle des mains clouées sur la croix, l’œuvre des mains impuissantes. Lui par qui tout fut fait, Lui dont la « main forte et le bras étendu firent sortir Israël d’Egypte » (Dt 7,19), Lui dont les mains guérirent tant de malades en terre d’Israël, connaitra le comble de l’impuissance. « Il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même » lui criera-t-on effrontément ! Mais l’œuvre de ses mains devait ainsi s’accomplir par les mains impuissantes pour qu’apparaisse dans toute sa lumière l’œuvre du Père. Jésus n’a agi qu’au nom du Père sur cette terre, comme depuis la création du monde. En l’ultime moment de la croix, cela sera manifeste quand Jésus dira : « En tes mains, je remets mon esprit ». Dans les mains du Père, il a agi, dans les mains du Père il se remet et s’abandonne. L’œuvre de ses mains, menée jusqu’à l’impuissance, ne sera vraiment accomplie que lorsque, dans les mains du Père, Jésus ressuscitera. « Ta droite m’a relevé » chanterons-nous au matin de Pâques.
En faisant mémoire, ce soir, de l’œuvre des mains de Jésus, nous savons que nous faisons bien davantage que de rappeler un évènement du passé. En faisant mémoire de Jésus Serviteur et Grand Prêtre Agneau immolé et ressuscité, nous accueillons le don de vie qu’Il nous offre encore : pour nous aujourd’hui il s’abaisse afin de nous laver, pour nous il s’offre en nourriture et nous donne sa vie. « C’est l’œuvre de notre Rédemption qui s’accomplit » (Oraison pour les offrandes). Mais ce soir, en faisant mémoire de Jésus Serviteur et Grand Prêtre, nous prenons aussi conscience que désormais, les mains de Jésus en ce monde, c’est nous. « Faites cela en mémoire de moi », « c’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez comme j’ai fait pour vous »…. Nous qui sommes son corps, nous sommes les mains, les yeux et le cœur de Jésus pour tous les hommes et toutes les femmes que nous rencontrons. Mains fragiles, défaillantes parfois, sales aussi, mais mains irremplaçables. L’œuvre accomplie par les mains de Jésus, jusqu’à son relèvement par le Père, se déploie désormais à travers son Corps qu’est l’Eglise. Telle est la confiance que Jésus nous fait, telle est notre responsabilité afin que toute l’humanité participe pleinement à cette joie de connaitre et de chanter son Créateur et son Sauveur. Et pour chacun de nous, il n’y a pas besoin de chercher bien loin, le service à rendre, l’attention à avoir. Jour après jour, nous sommes les uns pour les autres, tour à tour, serviteur et servi, donnant et accueillant. Ainsi l’œuvre de Jésus s’accomplit. Et jusque dans notre impuissance devant l’échec, devant la maladie, nous poursuivons l’œuvre de Jésus, quand nos mains faibles et sans force peuvent se tourner vers le Père et s’abandonner à Lui.
Que cette eucharistie en ravivant la joie d’être servi et sauvé par le Christ, fortifie en nous le désir d’être serviteur caché et donné, totalement abandonné avec le Christ dans les mains du Père. (2015-04-02)
Année B - HOMELIE du dimanche des Rameaux et de la Passion -22/03/2015
(Matth. 21,1-11 ; Isaïe 50,4-7 ; Phil. 2,6-11 ; Matthieu 26,14 à 27,66)
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs
Ce dimanche des Rameaux et de la Passion est le seul dimanche de l’Année Liturgique où l’Eglise nous donne à entendre 2 évangiles. Le premier, au début de la célébration, à l’extérieur, joyeux et lumineux, avec la bénédiction des rameaux. Il ouvre la procession qui nous a conduits à l’intérieur de l’église. Et là nous venons d’écouter le second évangile, long et douloureux, celui de la Passion et de la mort de Jésus en Croix.
Deux évangiles qui évoquent l’un et l’autre deux processions, deux marches à la suite de Jésus, entouré d’une foule de gens de Jérusalem. La première, à l’entrée de la Ville est enthousiaste, accueillante. Le Christ est acclamé comme Fils de David qui vient, béni, au Nom du Seigneur : Hosanna au plus haut des cieux. Les gens étendent leurs vêtements sur la route pour lui rendre hommage, ainsi que des branches de palmiers. L’autre procession, c’est le Chemin de la Croix qui conduit Jésus depuis le Jardin des Oliviers jusqu’au Golgotha, avec ses différentes stations et les étapes de son procès. On y retrouve la même foule de Jérusalem, mais là, elle est animée de cris de haine et d’hostilité. On enlève à Jésus ses vêtements, on lui passe un manteau rouge qu’on lui retire, en le rhabillant, et au final, à la Croix on partage ces vêtements en les tirants au sort. Jésus, comme tous les crucifiés de ce temps meurt dans la nudité. Au lieu de palmes, on lui pose une couronne d’épines sur la tête : on le frappe avec un roseau. On le couvre de coups, de blessures, de ridicule et d’injures.
Le récit de la Passion selon Saint Marc met ainsi l’accent sur les éléments les plus dramatiques de la condamnation de Jésus. Davantage que les 3 autres évangélistes, aux dires des exégètes. Au jardin de Gethsémani, il est triste à en mourir, et il commence à éprouver l’angoisse et la peur. Il implore le Père de lui éviter une mort tragique. Il ne trouve personne pour le consoler. Il est trahi, renié et tous ses disciples l’abandonnent, jusqu’à ce jeune homme qui s’enfuit tout nu, lâchement, en laissant échapper son vêtement dans sa hâte.
Un assassin, Barabbas est relâché à sa place. On se moque de lui, on le couvre de crachats et de coups. Et au Calvaire, au milieu des souffrances atroces de la Crucifixion, on lui lance encore des insultes. Seules quelques femmes de ses amies regardent, à distance. A la fin, Jésus n’en peut plus : il a l’impression que Dieu lui-même l’a abandonné. Eloi, Eloi lama sabbactani… Vraiment, frères et sœurs, si nous sommes attentifs aux détails du récit de Saint Marc, on peut dire que, sur la Croix, toutes les douleurs, toutes les larmes, toutes les angoisses de nos vies humaines sont réunies. Et Dieu, dans la personne du Christ, se fait solidaire de toutes les souffrances qui étouffent notre monde hier comme aujourd’hui. Comment ne pas penser plus particulièrement aujourd’hui aux horreurs de la guerre, des persécutions et des injustices qui ont lieu sous nos yeux, que nous rapportent les journaux, au Proche Orient, en Afrique, en Inde et qui se commettent au nom de la religion, contre des innocents contre nos frères chrétiens
Et c’est à l’extrême niveau de ce déchaînement de violence que Jésus pousse un grand cri, et qu’il expire. Le voile du Sanctuaire se déchire en deux, de haut en bas dit le texte. Et Saint Marc nous rapporte alors la confession de foi du centurion romain qui a entendu ce cri et a assisté à cette mort atroce : « vraiment, cet homme était Fils de Dieu ».
Fin du Temple, ouverture du salut aux païens, dévoilement du secret messianique, c’est le moment de la mort du Christ en Croix qui révèle le véritable sens de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu, annoncé au premier verset de l’Evangile.
Frères et sœurs, ces deux passages d’évangile entendus ce dimanche nous renvoient au cœur de notre foi de chrétien, de baptisé. Qui est vraiment Jésus pour nous ?
Messie de Dieu, Fils de David, roi humble, monté sur un petit ânon, apportant la paix et annonçant l’amour, mais inséparablement aussi, Jésus, Fils de Dieu, bafoué, maltraité, crucifié, mort et ressuscité.
Les 2 processions, les 2 acclamations de ce jour sont à tenir ensemble, et ce n’est pas facile, tant elles sont discordantes, et paraissent contradictoires. Il a fallu du temps aux apôtres et aux premiers disciples pour relire les évènements qui nous sont rapportés, et pour en interpréter le sens.
Il nous faut aussi du temps pour approfondir ce mystère de l’identité de Jésus-Christ, Notre Sauveur. Nous ne pourrons jamais prétendre en avoir saisi toute l’étendue, toute la richesse.
Que cette Semaine Sainte qui s’ouvre avec le Dimanche des Rameaux et de la Passion et qui nous conduira au matin de Pâques soit l’occasion pour chacun de nous d’entretenir avec Jésus la juste relation de foi et d’amour, à l’écoute des Ecritures et dans la participation aux célébrations liturgiques.
Que cette Grande Semaine nous aide à mieux comprendre que c’est dans la contemplation de la Croix du Christ que se révèle le plus parfaitement le mystère de l’Amour de Dieu pour nous.
La toute puissance de Jésus est la faiblesse de son amour : ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout.
AMEN (2015-03-22)
SAINT JOSEPH - 19.03.2015
2 S 7, 4-5a.12-14a.16 ; Rm 4, 13.16-18.22 ; Mt 1, 16.18-21.24a
Homélie du Père Abbé Luc
Au début de cette célébration, nous avons prié ainsi : « Dieu tout-puissant, à l’aube des temps nouveaux, tu as confié à saint Joseph la garde des mystères du salut ; accorde maintenant à ton Eglise, toujours soutenue par sa prière, de veiller à leur achèvement… ». A saint Joseph était confiée « la garde des mystères du salut », à nous aujourd’hui en Eglise de « veiller à leur achèvement »…
Les lectures entendues peuvent nous aider à comprendre cette mission confiée à Joseph et à l’Eglise. Avec St Paul, nous sommes entrainés à embrasser du regard toute l’histoire humaine comme une longue et belle histoire placée sous la lumière de la promesse de Dieu. Dieu est venu à la rencontre d’Abraham pour nouer un lien d’amour, une relation d’alliance assortie d’une bénédiction qui passera d’âge en âge. Tous ceux qui, à sa suite, croiront en Dieu et entreront dans cette alliance d’amour seront bénis. Avec David, la bénédiction s’est précisée en promesse d’un descendant qui rendra stable sa royauté, le Messie. Avec Joseph, de la lignée lointaine de David, la promesse s’accomplit. Père adoptif de Jésus il lui donnera son nom et assumera envers lui sa paternité. A ce moment précis, le mystère du salut repose en la garde de Joseph. L’Alliance que Dieu a voulu nouer avec les hommes s’exprime totalement dans le don de cet enfant qui vient de l’Esprit Saint, le Messie que l’on reconnaitra peu à peu comme le Fils de Dieu. En ce petit enfant se concentre tout le dessein d’amour du Dieu d’Abraham et de David. Avec Marie, Joseph va être à travers l’exercice de sa paternité l’instrument privilégié du dessein de Dieu : faire grandir en humanité, Jésus le Fils de Dieu, lui donner tout ce qu’un petit d’homme a besoin pour croitre : affection, éducation, apprentissage d’un métier…
Aujourd’hui, l’Eglise est appelée à veiller à l’achèvement des mystères du salut, du dessein d’amour de Dieu. Il lui faut, il nous faut regarder Joseph pour apprendre de lui comment nous disposer à être de bons instruments, chacun et tous ensemble. L’évangile nous donne de voir un homme juste, un homme qui s’est laissée ajusté par sa foi juive au Dieu de l’Alliance. Nous voyons aussi un homme qui sait écouter et se laisser interpeller par ce qui est impossible à la raison humaine. Nous voyons un homme qui fait ce que le Seigneur lui dit de faire. Par notre foi, notre écoute, et notre engagement résolu, nous pourrons être dans notre monde qui cherche, les témoins de cette Alliance que le Dieu d’Amour ne cesse de proposer aux hommes. Alliance vécue dans la foi, mais aussi dans la vie en Eglise, et fortifiée par les sacrements du salut. Que cette eucharistie nous donne de venir puiser aux sources du salut offerte en Jésus Vivant, pour être davantage ces instruments dociles du dessein de salut de notre Dieu. (2015-03-19)
Année B - 4e dimanche de carême
2·Ch 36.14–16, 19–23 : Ép 2.4–10 Jn 3.14–21
Homélie du F.Sébastien
Frères et Sœurs, où est la grâce de ce dimanche, la grâce cachée qui est pour tous et pour chacun ? Pas de doute, elle est dans l’image déroutante qu’élève bien haut l’Évangile de Jean : une image qui doit nous ouvrir la route jusqu’à Pâques : l’image du serpent d’airain. Dans le désert Moïse l’avait fait élever au sommet d’un mât, pour que les israélites qui avaient été mordus par les serpents mortels puissent le regarder et être sauvés. Un regard de foi en Dieu. Un simple regard.
Dans notre Évangile Jésus nous dit ouvertement qu’il faut, qu’il faut qu’il soit lui-même élevé de la même manière, sur la croix, pour que tous nous puissions tourner notre regard vers lui et être sauvés. Étonnant ! Être sauvés par un regard, un regard de confiance, de confiance en lui, un regard accroché.
L’image du serpent d’airain n’en reste pas moins difficile, avouons-le. Pourquoi ? D’abord parce que, pour nous, chrétiens, elle évoque quelqu’un, un homme, en croix, Jésus. Quand on réalise, pour certains, c’est limite. Pour d’autres c’est un repos auprès de l’amour en acte.
Je me rappelle ce cardinal du tribunal suprême de l’Église, à Rome. Dans son bureau, il avait, sur le mur devant lui, un crucifix. Sa devise personnelle était, dans sa belle formulation latine, « Christum ante oculos semper habere pendentem », toujours garder devant les yeux le Christ suspendu à la croix,» Comment était-ce possible ? Certainement parce que cet homme était un vrai spirituel, parce que c’était là qu’il communiait à Celui qui s’était fait le Sauveur et le juge miséricordieux de tous les hommes.
Qui ne désirerait connaître un peu de l’expérience spirituelle que tant d’hommes et de femmes ont faite, les yeux levés vers le Crucifié, qui les regardait ? Une plongée dans la profondeur du mystère de l’amour sauveur et glorifiant.
Mais je vous propose de continuer avec un autre témoignage, celui d’un prêtre. Je vous le lis :
« Pendant sept ans, dans une des paroisses dont j'étais, à Lyon, le curé, j'ai regardé chaque dimanche, avec tendresse et émotion, une de mes paroissiennes, une femme d'une quarantaine d'années, employée dans un supermarché. Ce n'était pas sa beauté que j'observais, bien qu'elle fut belle, ni la manière qui était la sienne de s'habiller.
Ce que je guettais, c'était sa façon toute personnelle de venir recevoir l'eucharistie. Au moment où elle arrivait à la hauteur du ministre de la communion, elle marquait un temps d'arrêt, levait ses yeux vers la croix suspendue au-dessus de l'autel, fixait intensément le visage du Christ, puis tendait enfin ses mains pour recevoir le pain consacré. Je lisais dans son regard une infinie confiance et une immense gratitude. Son attitude, de surcroît, témoignait d'une compréhension approfondie du sacrement eucharistique, car le pain reçu en nourriture est la mémoire vive du don du Christ sur la croix. Point de dolorisme pour autant chez cette paroissienne : simplement la forte conscience du grand amour divin.»
Effectivement, ce n’est pas la croix du supplice qui nous sauve, ce n’est pas même la mort du Christ, ni sa résurrection, ni la Pentecôte ; c’est uniquement et d’abord l’immense acte d’amour par lequel sur la croix le Christ a donné sa vie pour nous sauver, pour nous diviniser et glorifier son Père. C’est cela le Big Bang du christianisme. Un acte d’amour. C’est de cet acte-là, humain et divin, que tout découle, en permanence. Comme l’eau et le sang coulant en permanence de son cœur ouvert, le flux des sacrements.
Mais concrètement, comment recueillir ce don inouï ? L’Évangile de ce jour nous le répète, cinq fois, sous des formes diverses : c’est uniquement une affaire de foi, c'est-à-dire de confiance, d’adhésion profonde, et au Père et au Fils, dans leur dessein d’amour. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que quiconque croit en lui ait la vie éternelle. » Et l’évangéliste nous fait comprendre que cette vie éternelle, oui éternelle, nous est communiquée, non pas plus tard, non pas dans l’au-delà, mais dès maintenant, dans et par la grâce, dans la vie surnaturelle, dans les sacrements, dans la vie en Église, en un mot, dans la vie de foi, au jour le jour. Enfonçons-nous dans cette foi préparée.
Tout ceci nous ramène à la première lecture, prise dans le livre des Chroniques. L’auteur veut nous faire comprendre, avec sa pédagogie toute biblique, que les malheurs du Peuple élu lui venaient de son infidélité à l’Alliance : le Peuple n’y croyait plus. Ayant abandonné sa foi, il était comme le cerf-volant qui a cassé sa ficelle et ne peut que s’affaler dans le pire, déchiré dans les broussailles,.. Cela peut nous faire comprendre des choses qui se passent encore aujourd’hui quand la foi manque
Qu’y pouvons-nous ? Beaucoup ! Mais il faut implorer la grâce de croire de mieux en mieux. On peut prier un crucifix en main, à deux mains, avec les mots de Saint Paul dans la deuxième lecture :
Dieu, notre Père,
nous étions morts à la suite de nos péchés.
Tu nous as fait revivre avec le Christ mort pour nous.
Ce salut par la foi, c’est à ta pure bonté que nous le devons.
Père, notre Père,
gloire, gloire à Toi !(2015-03-15)