Homélies
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Dédicace de notre église abbatiale - 25 juillet 2013
1 R 8 22-23,27-30; 1 Pet 2 4-9; Mt 16 13-19
Homélie du Père Abbé Luc
Qu'y a-t-il de commun, frères et sœurs, entre le Temple consacré par Salomon, dix
siècles avant Jésus-Christ et cette église monastique, consacrée en 1871 ? Les deux maisons
sont des maisons qui veulent honorer le Dieu Vivant. D'elles deux montent vers Dieu, comme
l'encens, la prière de son peuple. Dans les deux se trouvent un autel ou plusieurs autels pour
offrir un sacrifice. Mais ici, intervient une première différence: le sacrifice offert n'est pas de
même nature. D'un côté, dans le Temple de Salomon, on offre des sacrifices d'encens ou
d'animaux en signe du don de soi, de l'autre dans cette église, on rend présent le sacrifice du
Christ, mort et ressuscité pour nous. Dans le mémorial de passion et de la résurrection du
Christ, célébré à chaque eucharistie, nous accueillons d'abord le cadeau immense que Dieu
nous fait: la vie du Ressuscité qui veut transfigurer nos vies présentes. •Et dans le même temps
nous entrons dans son mouvement d'offrande pour faire de toute notre vie, une offrande qui
soit agréable à Dieu, comme nous le demanderons dans quelques instants: « nous te prions de
nous transformer nous-mêmes en offrande qui te soient agréables ».
Oui, depuis la venue du Christ, la nature profonde de la maison de prière a changé. Elle
n'est pas d'abord une maison où l'on apporte des offrandes, d'encens, d'animaux ou les
premiers fruits de la terre pour honorer Dieu. Elle est le lieu où l'on reçoit le don gratuit de la
vie de Dieu, offerte dans le mémorial de la mort et de la résurrection du Christ. Ce lieu devient
alors « le signe merveilleux de l'alliance» que Dieu réalise avec son peuple, avec chacun de
nous, comme nous le chanterons dans la préface. Ici, il est bon de noter que pour désigner leur
maison de prière, les chrétiens vont parler plutôt « d'église» que de temple. Eglise vient du
mot grec qui veut dire « assemblée». La maison de prière chrétienne est le lieu de l'assemblée
des chrétiens. Cette accentuation mise sur l'assemblée est significative du changement de
nature de cette maison de prière. Désormais, comme le disait Pierre dans la seconde lecture, ce
sont les croyants qui sont appelés à devenir « des pierres vivantes qui servent à construire le
Temple spirituel ». La maison de pierre, appelée église, n'est que l'image de l'assemblée
chrétienne qui se réunit en son sein, et qui est appelée à devenir le temple spirituel. En utilisant
une image, on pourrait dire que le bâtiment église est comme le moule qui reçoit la pâte. Ce
moule va permettre que soit façonnée l'assemblée des fidèles en temple spirituel.
Effectivement, une église comme notre église monastique qui accueille les moines
plusieurs heures par jour modèle et façonne notre communauté monastique. A travers la prière
des heures, elle la façonne en communauté de louange à la gloire de Dieu. A travers les
célébrations de la réconciliation, elle la façonne en communauté de frères pardonnés et
pardonnant. A travers l'eucharistie, elle la façonne en communauté de frères morts à eux-
mêmes et ressuscités avec le Christ. Si on garde l'image du bâtiment église comme d'un
moule qui façonne, on peut noter que ce n'est pas par hasard si nos églises sont
traditionnellement en forme de croix. L'assemblée des croyants qui se réunit en ce lieu va être
configurée au Christ en croix, pour recevoir de lui la Vie nouvelle. L'assemblée apprend jour
après jour à mourir avec le Christ pour ressusciter avec lui. Tournée vers l'autel placé au
centre de toute église chrétienne, l'assemblée apprend à centrer toute sa vie sur le Christ qu'il
représente. En faisant silence et en écoutant la Parole proclamée en ce lieu, elle se laisse
instruire et convertir. En se prosternant ou levant les mains pour la prière, elle s'unit au désir
du Christ, le seul Prêtre, de voir tous les hommes accéder au bonheur des fils de Dieu. En
recevant le pain de Vie, le Corps du Christ, elle reçoit sa force et son unité pour « annoncer les
merveilles de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière ».
Frères et sœurs, en célébrant cette fête de la dédicace, nous voulons dire merci à Dieu
qui nous offre en ce lieu la Vraie Vie dans le Christ, mort et ressuscité. Nous lui demandons
humblement d'être fidèles, assidus et coopérant à l'œuvre qu'il réalise en ce lieu où il façonne
notre communauté. Qu'en ce lieu, nous devenions vraiment ce que nous sommes, temple
spirituel en Christ et communauté de frères ouverte à tous. (2013-07-25)
Année A -16e dim TO - 20 juillet 2014
Sg 12 13-19; Rm 26-27; Mt 13 24-43
Homélie du F.Hubert
Les premières communautés chrétiennes ont fait, dès le départ, l’expérience de leur caractère mélangé, de leurs imperfections, de leurs divisions, de la présence en elles du Mal.
Déjà les Douze Apôtres : l’un d’entre eux est le traître.
Quant au peuple élu de la Première Alliance, il est divisé en royaumes sans cesse séduits par l’idolâtrie. Mais toute l’Histoire sainte est que ce peuple élu est sauvé par Dieu, arraché par lui à la puissance du mal, de l’ivraie.
Avec Jésus, le temps du peuple saint, du peuple des parfaits, n’est-il pas advenu ?
Eh bien, non.
Dieu a semé du bon grain dans son champ.
Mais son ennemi est venu et a semé de l’ivraie.
Voilà donc que dans ce champ vont pousser et le blé et l’ivraie.
Faut-il, bien vite - en ce temps-ci - arracher l’ivraie ?
Non, dit Dieu. « En enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps. »
Si l’explication de la parabole se situe au temps de la moisson, du jugement par Dieu,
la parabole elle-même se situe dans ce temps-ci, dans notre temps, dans le temps du champ en travail.
Pour nous aujourd’hui, pour chaque génération, le temps de la moisson n’est pas encore venu.
Le jugement n’appartient qu’à Dieu seul.
Le péché de l’homme est d’avoir voulu s’emparer du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal,
Alors que cette connaissance n’appartient qu’à Dieu.
Le plus grand mal, c’est de nous attribuer cette connaissance, de croire savoir où est le bien,
où est le mal, et surtout d’identifier le mal et celui qui le commet.
Le plus grand péché que l’humanité ait commis – non pas les juifs mais l’humanité - c’est d’avoir jugé, condamné, mis à mort, l’Innocent. Jésus.
Mais l’Innocent a retourné cet acte de mort en don de vie.
C’est bien là la merveille de notre salut, que nous célébrons dans chaque sacrement, dans chaque eucharistie.
La ligne de combat entre le bien et le mal nous traverse tous de part en part.
Le plus grand mal est que nous jugions les autres,
que le mal qui est en nous nous pousse à le rejeter sur les autres,
à les rejeter eux-mêmes, à les éliminer.
Ce n’est pas à nous d’arracher l’ivraie.
D’abord parce que nous pouvons nous tromper : nous avons nos propres aveuglements,
nos pailles, nos poutres dans les yeux :
“Si vous aviez compris ce que veut dire la miséricorde,
vous n’auriez pas condamné ceux qui n’ont commis aucune faute.”
Et Dieu ne peut se résoudre à ce que la moindre tige de blé soit arrachée par erreur.
Ensuite, nous n’avons pas le pouvoir de déraciner, d’extirper le mal.
Seul Dieu peut faire cela.
C’est le Juste, le Fils unique, qui, seul, sur la croix, par son refus absolu de rendre le mal pour le mal, a jeté l’ivraie au feu.
En Jésus, Dieu s’est manifesté comme la victime du Mal.
De cette victime « a jailli le regard qui sépare le meurtre du meurtrier, qui voit d’un côté l’homme et de l’autre le mal qu’il a commis. Le regard qui ne confond pas l’être et l’acte. » dit J-F Bouthors dans « Délivrez-nous du mal », un livre qui m’a beaucoup marqué récemment [1].
Enfin, la conversion du pécheur est toujours désirée et attendue par Dieu.
« Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant, et non pas plutôt à ce qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive ? dit Dieu par la bouche du prophète Ezéchiel.
Je trouve que la parabole du figuier au chapitre 13 de st Luc éclaire bien celle d’aujourd’hui :Le propriétaire d’un figuier se plaint auprès de son vigneron : « Voilà 3 ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le » - Arrachons l’ivraie ! - Mais le vigneron lui répond : « Laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir ? »
« Le mal doit être dénoncé en tant que tel, mais sans jamais le confondre avec l’être dont il a pris possession et auquel doit revenir la liberté dont il a été privé. »
« Ne pas laisser l’inhumain l’emporter, ne pas considérer l’homme comme vaincu, ne pas se résoudre à ce que la part mortelle dévore la part vivante, combattre cette corruption, non pas en séparant, mais en réintégrant, non pas en excluant mais en aimant. » continue le livre que j’ai cité.
Les petites paraboles de la graine de moutarde et du levain nous montrent aussi la vigueur et le dynamisme de la sève divine : la vie de Dieu, en nous et dans l’humanité, parviendra un jour à sa plénitude.
« La graine de moutarde, c’est la plus petite de toutes les semences, mais quand elle a poussé, elle dépasse toutes les autres plantes potagères. » Elle détruira l’ivraie, c’est elle qui l’étouffera.
Le peuple élu n’est pas un peuple de parfaits, mais un peuple de sauvés, la fraternité des sauvés, de ceux que Dieu a arrachés à la puissance du Mal.
Jésus, l’Innocent, réintègre en chacun de nous la part d’inhumanité pour accomplir l’unité de notre être dans sa grâce.
Alors, il n’y aura plus que des fils, que des frères, resplendissants de la beauté de leur Père dans le Royaume.(2014-07-20)
Année C - 15 ème Dimanche du Temps ordinaire – 14-07-2013
Dt 30, 10-14 ; Col 1, 15-20 ; Lc 10, 25-37
Homélie du Père Groslambert
Nous savons que Dieu a de l'humour. Je pense qu'en ce 14 juillet, Dieu doit sourire: bien sûr il est heureux que la parabole du bon samaritain soit lue dans les églises, mais il doit sourire en constatant que pour commenter le devise républicaine « fraternité » des orateurs parfois laïciste s’inspirent de la parabole du bon samaritain. Il faut nous réjouir de constater que le code civil inclut le devoir d'assistance à personne en danger; cet indice montre que les chrétiens jouent leur rôle de sel de la terre et diffusent l'idée que l'homme de bien a pitié, il partage (Ps 111). Le fait que la loi d'entraide fraternelle soit incluse dans le code civil d'un pays laïc est aussi la preuve que, loin d'être une réalité étrange, la loi de Dieu est inscrite par le Saint Esprit dans le cœur de tout homme. De ce fait, rendons grâce car celles et ceux qui ne font pas notre profession de foi portent déjà en eux la loi du Dieu d'amour.
Cependant, des questions se posent à propos du devoir d'assistance à personne en danger: est-ce que le code civil en parle à la manière de la parabole du bon samaritain? Est- ce que st Luc ne dit que le code civil? Est-ce que Jésus n'est qu'un maître de morale? Est-ce que, pour s'appeler frères, les moines ne s'appuient que sur le code civil? Plus fondamentalement, peut-on être frères et parler de fraternité si on ne se reconnaît pas un père commun ?
Pour parler de la fraternité à la manière de la parabole, je vais donc parler de Dieu père de tous. Par différence avec le code civil, nous basons le devoir d'assistance fraternelle sur la présence du Père commun. Le jour où Pierre désigne Jésus comme le « fils du Dieu vivant », il précise que le Père est à l'origine du comportement d'homme de justice, de tendresse et de pitié que l'on repère en Jésus. St Luc qui a annoncé dans ses premières pages « aujourd'hui vous est né un sauveur ... paix à tous les hommes», décrit comment en Jésus - le frère universel -, c'est Dieu le Père qui s'approche des malades, des exclus, des souffrants qui sont tous ses enfants; en racontant les journées de Jésus, st Luc témoigne que « le Seigneur a visité son peuple, lui qui redresse les accablés, fait justice aux opprimés-délie les enchaînés» puisqu'ils sont tous ses enfants. On le voit, st Luc base le devoir d'assistance à personne en danger sur la contemplation de Dieu paternel pour tous et sur le Christ fraternel pour tous, puisqu'il réclame à la tombe la vie de tous, comme le suggère le Samaritain qui a réclamé à la tombe la vie du juif, son ennemi...
Ceci m'amène à parler de Dieu père de tous qui sauve ses ennemis. Le blessé juif, laissé comme mort, est livré à la bienveillance du samaritain qu'il a toujours considéré comme un ennemi. De même, les hommes sont livrés à la bienveillance de celui qu'ils traitent souvent d'ennemi: car ils ne craignent pas de blesser Dieu comme ennemi, de lui dire qu'ils vivent très bien sans lui et qu'ils lui préfèrent d'autres dieux ou qu’ils veulent pas de leur dieu, Pourtant les mêmes crient ainsi: «Je t'appelle, Seigneur, sauve-moi» « Dieu qui fais justice, parais» « L'ennemi cherche ma perte, il foule au sol ma vie, le souffle en moi s'épuise» ; «Notre âme est rassasiée de mépris, nous sommes rassasiés du rire des satisfaits et du mépris des orgueilleux » ... Telle est la prière des pécheurs, des ennemis de Dieu. Le Christ voit la misère de son peuple : à l'égard du peuple qui le blesse, le Christ adopte le geste totalement miséricordieux du Samaritain. Et les innombrables blessés qui constatent « néant, le salut qui vient des hommes » mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur que de compter sur les hommes, s’exclament à la vue de Jésus: « Béni soit au nom du Seigneur, celui qui vient sauver son peuple ». Nous-mêmes, blessés, nous faisons cette louange à chaque messe et à chaque office de la Liturgie des Heures où nous proclamons « dans mon angoisse j'ai crié vers le Seigneur et lui m'a dégagé, mis au large », alors que j'étais son ennemi, que je ne savais que blasphémer et maudire ...
Après avoir parlé du Père de tous qui sauve même ses ennemis, je parle de nous. Ayant constaté que Dieu l'a soigné, chacun se dit « comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a fait? »A cela, l'Eglise répond: le Christ s'est fait ton prochain: fais-toi le prochain des autres. Le Christ samaritain s'est fait l'ami de ceux qui sont dépouillés par des brigands: fais-toi l'ami de ceux qui sont dépouillés par la société du chacun pour soi; le Christ samaritain a donné sa vie pour ses bourreaux: à ceux qui te blessent par leurs mesquineries, offre ton aide pour que grandisse ce qui est beau en eux; le Christ samaritain a fait de sa miséricorde l'hôtellerie de l'humanité blessée: fais de ta délicatesse une hôtellerie pour quiconque est mal dans sa peau. Bref, l'Eglise dit que Dieu nous a aimés le premier et que notre joie est de répondre à son amour. C'est ce que nous faisons d'une part en rendant grâce à la messe, et à la Liturgie des heures; c'est ce que nous faisons d'autre part en offrant aux hommes ce que Dieu nous a offert : Dieu nous a fait confiance : nous lui rendons grâce en faisant confiance aux frères ; Dieu nous a donné de l'espérance en nous faisant connaître Jésus: nous lui rendons grâce en faisant connaître Jésus aux autres; Dieu nous a relevés: nous lui rendons grâce en aidant les autres à être debout.
Bref, dans la messe et dans la liturgie des heures, nous est donné le fondement - la justification - de la diaconie que nous avons à exercer au service des frères: Puisque Dieu a pansé les plaies des hommes, il nous revient de panser les plaies des frères -voire des ennemis- . Pratique la religion celui qui soigne les plaies des autres.
Frères et sœurs, nous allons admirer comment le Christ nous a aimés et nous repartirons en sachant qu'il nous croit capables d'aimer comme lui les frères qui ont le même père que nous. Mais déjà, laissons approcher de nous ce samaritain qui s'appelle Jésus, laissons-le s'occuper de nos plaies; montrons-lui tout ce qui ne va pas en nous; laissons-le nous conduire à son auberge ... celle d'Emmaüs ... Puisqu'il est venu non pour les bien- portants mais pour les malades, qu'il dise seulement une parole -la parole du corps livré et du sang versé - et nous serons guéris. (2013-07-14)
Année A - 15° Dimanche du Temps Ordinaire
Is 55 10-11; Rom 8 18-26; Mt 13 1-23
Homélie du F.Sébastien
« Heureux vos yeux, parce que! Heureuses vos oreilles, parce qu'elles entendent! »
Fermons un instant les yeux pour mieux voir le lac de Tibériade, dans sa fascinante beauté. Et l'homme qui s'est assis, assis au bord du lac... : « Jésus s'était assis au bord du lac». C'est la première phrase de notre évangile, et sa première phase.
C'est le petit matin, les foules ne l'ont pas encore rejoint. Jésus est seul, baigné dans le silence de la nature, à peine piqueté, de loin en loin, par quelques cris d'oiseaux, par les lointains éclats de voix de pêcheurs, qui, tout là-bas, lavent leurs filets.
Jésus contemple l'immensité liquide, comme un miroir où le ciel et la terre s'embrassent, d'un grand désir divin. Un temps de grand bonheur !'
Sa contemplation s'habille de la Parole qui l'habite. Sa Bible, il la connaît par cœur, elle parle en lui, un autre bonheur :
«Comme la pluie et la neige qui descendent des cieux et n'y retournent pas sans avoir fécondé la terre, ainsi ma parole.. .»... comme les neiges tombées sur le mont Hermon, comme les mille ruisseaux qui ont fait le Jourdain, qui vient remplir ce lac de Tibériade, ce réservoir des bénédictions célestes pour la terre de Palestine. .. Ainsi, ainsi... Mais déjà, en lui, la Parole s'est mise à répondre : « Père, tu visites la terre et tu l'abreuves, tu la combles de richesses. Tu arroses les sillons, tu bénis les semailles, les plaines se couvrent de blé.. .La terre donne cent pour un ! »
« Oui, Père, la parole qui sort de ta bouche ne te revient pas sans avoir accompli ta mission .. » Jésus, un peu inquiet quand même, se surprend à sourire, à se sourire à lui-même. Il n'est ni un naïf, ni un inconscient.
Mais sa prière est envahie de distractions. Parcourant des yeux le rivage bien connu, il se rappelle le jour, inoubliable, où, non loin de là, il a lancé sur l'eau sa première parole: « Venez à ma suite». Et les hommes ont saisi l'appât. Un beau coup de filet, quatre d'un coup, et des gros, qu'il a tirés hors de l'eau pour en faire des pêcheurs d'hommes! Nul ne devient pêcheur qui ne sait pas d'expérience ce que c'est que d'avoir été pêché! Et pêché par Jésus! Ils sont partis à la suite du maître Pêcheur d'hommes. ..
Une distraction a déjà remplacé la précédente. Je ne sais pas si cela vous dit quelque chose? En tous cas, pour les moines c'est souvent comme cela... Devant Jésus, à quelques mètres du bord, un banc de poissons évolue entre deux eaux, un vrai ballet aux mille paillettes, argent et bronze... A son insu, la Parole se met à leur parler, à jeter le grain qui appâte et annonce le Royaume: Jésus leur parle, comme aux quatre premiers, comme plus tard un certain François d'Assise prêchera aux oiseaux. Ces gens-là sont comme ça, ils ne peuvent pas s'empêcher. Heureux hommes!
Mais l'heure tourne, le soleil est plus haut dans le ciel. Il fait grand jour. Les poissons sont maintenant dans son dos: une foule s'est rassemblée derrière lui et le réclame. Il se retourne. La plage est noire de monde. On ne parle pas aux gens en leur tournant le dos! Jésus monte dans une barque, s'éloigne un peu du rivage...et s'assoit dans la barque face à la foule.
La deuxième phase de notre évangile vient de commencer.
Celui qui était assis sur terre face à la mer vient de s'asseoir sur la mer face à la terre. Que fait-il? Dans l'Évangile, à une exception près, quand on voit Jésus s'asseoir, c'est toujours, pour parler. Effectivement, il continue son discours interrompu. Mais autrement. De pêcheur par la parole, il devient semeur de parole. Et du même geste, ample, tournoyant, dont les quatre premiers appelés lançaient leur :filet dans l'eau, il lance à la volée le grain de sa parole sur la terre, en direction de la foule.
Les terrains des cœurs sont divers, plus ou moins préparés. il y a des «Lévi-viens vite!» qui se lèvent aussitôt, des Nicodème peureux qui traîneront, des Judas qui se durciront comme le roc, des Simon le Pharisien dans ses broussailles, des Marie de Magdala¬ Falbala, première manière, polychromes, qui se laveront dans leurs larmes d'amour fou, d'humbles veuves aux grand cœur, des jeunes femmes pures comme des sources de montagne... Un peu comme celle qui, quelque trente ans plus tôt, écoutait tellement fort, tellement libre, qu'en elle la parole s'est faite petit poisson dans les eaux maternelles de son ventre étonné. En pensant à cela, Jésus sourit, lui sourit de loin, se sourit aussi à lui-même.
Tous deux,
quelle aventure! Le Verbe et la chair. Le ciel et la terre se sont embrassés. De quoi en trembler aux siècles des siècles.
Oui, des femmes qui fructifient comme les vignes, des hommes qui portent semence comme les blés: trente, soixante, cent pour un !
Oui ! oui ! Heureux les yeux qui voient toute la beauté ruisselante du monde!
Heureuses les oreilles qui entendent le silence du Vent qui fait frissonner l'eau sur son passage!
Heureux les cœurs qui dansent, parce qu'ils entrent en résonance
avec l'immense chant de louange de la terre et du ciel,
ce chant qui, dès maintenant, va, s'amplifiant,
sur la terre comme au ciel. . .
Alors? Alors, faisons un instant de silence, pour mieux entendre la note
et entrer dans le chœur.
SAINT BENOIT 2014
(Pr 2, 1-9 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a)
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Vous avez peut-être entendu un mot revenir plusieurs fois dans les lectures : c’est le mot « cœur ». « Incline ton cœur vers la vérité », « heureux les pauvres de cœur » « heureux les cœurs purs », « revêtez votre cœur de tendresse, de bonté, d’humilité »…. « Que dans vos cœurs règne la paix du Christ »… « Chantez à Dieu dans vos cœurs, votre reconnaissance »…Cette abondance de référence n’est pas fortuite en ce jour de St Benoit. Les lectures ont été choisies parce qu’elles permettent de retrouver le terreau biblique dans lequel Benoit a puisé pour écrire sa règle. Et le mot « cœur » est un mot important de la Règle, comme il l’est dans la bible.
« Incline ton cœur vers la vérité » dit le proverbe. « Incline l’oreille de ton cœur » retraduit Benoit au début de la Règle. Avec cette recommandation, il met à la disposition des moines un précieux instrument pour avancer dans la vie humaine et spirituelle. Incliner son oreille. Nous avons tous sous nos yeux la belle attitude, modeste et avenante, de la personne malentendante. Quand on lui parle, elle met la main derrière l’oreille en penchant légèrement la tête pour mieux entendre. Désireuse de ne pas perdre une parole, elle fait tout son possible pour demeurer dans l’échange. A son insu peut-être, elle honore celui qui parle en lui manifestant son plus vif intérêt. Son attitude ouverte et tendue vers l’autre témoigne du prix inestimable qu’a l’échange de paroles entre les humains.
C’est à un semblable mouvement intérieur que Benoit invite ses disciples quand il les exhorte à incliner l’oreille de leur cœur. Mouvement du cœur qui engage tout l’être dans une écoute de chaque instant. Il s’agit de ne pas perdre une parole, de rester à tout prix dans l’échange avec nos frères et avec Dieu…Car demeurer sous la Parole, demeurer dans la relation, c’est là notre joie la plus profonde. Et pourtant, curieusement ce n’est pas facile à vivre. Nous aimons entendre certaines paroles, mais nous peinons sérieusement à entendre les paroles qui nous interpellent ou nous bousculent dans nos évidences ou nos habitudes. A certains jours aussi, nous préférons notre tranquillité pour n’en faire qu’à notre tête, surtout qu’on ne vienne pas nous déranger. La Parole dérange notre façon de ranger notre vie, d’organiser notre emploi du temps, nos projets…Ici, la recommandation de Benoit, d’incliner l’oreille de notre cœur, nous rappelle à l’humilité. Nous sommes tous des malentendants. Une part de nous-même n’entend pas, et parfois même ne veut pas entendre…
Incliner l’oreille de notre cœur nous engage alors à un exercice quotidien. A l’égard du Seigneur : dans la liturgie, dans la prière personnelle et la lectio. Comment nous tenir, devant Celui qui nous parle avec amour, comme ce malentendant qui désire surtout ne pas perdre un seul mot de ce qu’il nous dit ? Comment lui permettre de nous rejoindre par sa Parole ? Et à l’égard de nos frères, comment nous tenir devant eux comme celui qui les honore, en prêtant vraiment attention à ce qu’ils nous disent, en étant ouvert même à ce qui nous dérange ? Merveilleux et difficile exercice de l’écoute qui est exercice de l’amour. Merveilleux et difficile exercice qui, cent fois repris et répétés jour après jour, avec son lot de ratés, nous apprend à « revêtir notre cœur de tendresse, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience »…Mystérieux exercice aussi qui nous creuse et qui éveille notre désir de mieux entendre encore quand nous réalisons combien nous sommes si malentendants.
Peu à peu, nous promet Benoit, « le cœur se dilate » (Prol. 49) en marchant sur la voie des commandements du Seigneur. C’est là notre espérance : un cœur dilaté parce que plus heureux, plus heureux d’être enfin pauvre dans la conscience d’être malentendant, plus heureux dans le désir de mieux entendre.
Que cette Eucharistie nous redonne force et courage, joie de nous tenir à l’écoute. Avec le Christ, nous entrons dans son mystère pascal de mort et résurrection. Lui la Parole, Le Verbe, s’est fait le grand écoutant de son Père jusqu’à la mort pour faire entrer avec lui dans une relation réconciliée avec son Père. Il nous sauve de nos surdités et nous entraine dans le don de nous-même.
(2014-07-11)
Année A - 6 juillet 2014 -- 14ème dimanche du Temps Ordinaire
Za 9,9-10; Rm 8,9.11-13; Mt 11,25-30
Homélie du F.Jean Noël
Vacances. Se refaire. Se re-poser. Se poser. Je ne vais pas vous faire la promotion des plages de la dernière mode. Se poser, se re-poser, c’est plus sérieux que ça. C’est dit dès les premières pages de la Bible :
« Devant toi, bonheur et malheur »
« Tu te positionnes. Tu choisis »
Et cela court encore dans le livre des Psaumes :
« Sur Dieu, je prends appui. Plus rien ne me fait peur » Ps 55,12
« Je n’ai de repos qu’en Dieu seul » Ps 61, 2,6
Mais c’est le génie du grand saint Augustin d’en avoir frappé la formule à jamais :
« Tu nous as fait pour toi, Seigneur,
Et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi »
On l’a même mis en musique pour s’en enchanter la vie, et encore pour se donner courage ensemble quand on en prend le chemin, tant il est vrai que ce repos – compte tenu de ce que nous sommes – c’est, des fois, laborieux. Jésus lui-même s’en est vite aperçu :
« Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie » - « Venez ! Mais venez donc ». Voilà le repos : trouver, retrouver la position juste, faite pour se repositionner. Assurer son appui, mais pas sur n’importe quoi.
« S’appuyer sur le Seigneur plutôt que sur les puissants » Ps 117,8-9
Ne pas se donner un centre de gravité extravagant, dangereux, illusoire.
« Tu nous as faits pour Toi, Seigneur » - Fait pour
Mais aujourd’hui, Jésus prie : une bénédiction. Et même (Luc) une jubilation aux accents de Magnificat, et pour la même raison : le Tout Puissant fait des merveilles. Bonne nouvelle annoncée aux pauvres, aux petits.
« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je te bénis. Tu as caché cela aux sages et aux habiles. Tu l’as révélé aux touts petits »
Et c’est vrai – Jésus est en tout remué – avant même de les avoir invité (venez, vous verrez donc) il avait pu le constater : tous ces « petits » ployant sous le fardeau que leurs chefs religieux ne touchaient même pas du petit doigt, l’avaient pressentis, compris et, en foule, ils s’étaient précipités sur lui, à l’étouffer, à ne plus lui laisser le temps de manger. Des foules. Des foules. Au grand étonnement du Baptiste qui avait prévu un messie musclé faisant le grand ménage… et des chefs religieux choqués : comment, il mange avec ces gens là ? Tous des pécheurs ! Belle occasion pour Jésus de bien préciser sa mission :
« Je ne suis pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs »
« Venu pour » ; Pas : « contre ». « Pour » c’est partout dans l’Évangile. Et du coup les Évangélistes redécouvrent ces prophètes que le Baptiste avait peut- être oubliés, annonçant un messie pauvre, humble, pour les petits comme ce Zacharie de notre 1° lecture, ou comme Isaïe que Matthieu cite deux pages plus loin :
« Il ne disputera pas, il n’éteindra pas la mèche qui fume encore » Is 42 1-4
Venez les bénis de mon Père, vous les pauvres, les petits, trop lucides pour s’inventer cette pauvre action de grâce inversée que l’on sait :
« Moi, je jeûne, moi je paie la dîme, moi je.. »
Des habiles ou qui se croient tels, dit Jésus. Mais quelle sagesse de pacotille !!
- Comme si on avait à faire sa propre promotion : moi je sais, moi je peux, moi j’ai
- Comme si on avait quelque chose à prouver – à se prouver
- Comme si l’amour se marchandait, s’achetait
- Comme si tout cela n’était pas que fatigue et poursuite de vent !!
Avec Jésus, nous sommes à une autre école. Lui le Fils Bien Aimé du Père, le Fils tourné vers le Père, aimer, être aimé, lui il sait. Il a même était envoyé pour cette œuvre étonnante : nous faire entrer dans ce repos, dans cette jubilation évoquée par l’Évangile de ce jour. Nous chantions récemment cette hymne de Taizé :
« Intimité de Dieu
Ouverte sans mesure,
Pour accueillir, Ô merveille
Les hommes, ses créatures »
Et l’Évangile de dimanche prochain nous dira la prodigalité folle, ouverte, offerte à toutes nos terres de ronces et de caillasses. Oui sans mesure. Car bien sûr, il ne faut pas entendre de travers le mot de Jésus : le Père qui cacherait à certains ce qu’il révèle à d’autres. Nous-mêmes savons bien dire : « le soleil se couche » sans que cela ne trompe personne. Tout le monde le sait : c’est la faute à nos nuages ; le soleil, lui brille imperturbable, jour et nuit, toujours offert, aux méchants comme aux bons.
« Intimité de Dieu
Ouverte sans mesure,
Pour accueillir, Ô merveille
Les hommes, ses créatures »
C’est là « le cœur de l’Évangile », l’annonce fondamentale.
Il nous faut y revenir sans cesse, comme le rappelle fortement le pape François, tout au long de son exhortation apostolique : « la joie de l’Évangile »
Mais l’avez-vous lue ? Il faut !
Ce serait d’ailleurs, je ne dis pas un bon devoir de vacances !
Non, mais un bonheur de vacances. Essayez voir!
Vous verrez, à longueur de pages, le pape nous recentre, nous recadre sur ce qu’au n° 114, il appelle : « la bonne vie de l’Évangile ». « Bonne vie » ? Pas au sens de vie bonasse ! Comme on dit le bon Pasteur – le vrai – la vraie vie pour en retrouver - encore deux mots à lui : « la fraicheur », « le parfum » et bien sûr la joie, le repos. On est fait pour !!
Là pour terminer, comment ne pas rappeler les tout derniers mots du Concile Vatican II. Lui aussi prétendait bien recentrer nos vies sur le Christ.
Oui, a-t-on assez retenu ces derniers mots : le discours de clôture de la dernière séance – 7 décembre 1965 – de Paul VI. Et plus précisément, en finale, la citation qu’il fait de st Augustin encore lui :
« S’éloigner du Christ, c’est périr (mais qu’on peut tourner en prière)
« Ô Christ,
S’éloigner de toi
C’est périr !
Se tourner vers toi,
C’est ressusciter !
Demeurer en toi,
C’est être inébranlable !
Habiter en toi,
C’est vivre !
Et pour nous maintenant marcher doucement pour communier au Corps et au sang du Christ, ce sera quoi ? (2014-07-06)
Année A - 29 juin 2014 - Saint Pierre-Saint Paul -
Jubilé et homélie du F.Michel
Pour vous, qui suis-je? Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant, répond Pierre à Jésus.
Qui es-tu, Seigneur? Je suis Jésus que tu persécutes, répond le Christ à Paul.
Pierre, Paul, deux hommes bien différents, par leurs origines, leur caractère. L'un de Capharnaüm, en Galilée, l'autre, de Tarse en Asie mineure, juif de la diaspora et citoyen romain. Simon recevra le nom de Pierre. Il est marié, pêcheur de son métier, rude à la tâche; homme de belle spontanéité. Saul sera appelé Paul. Il est célibataire, combat les chrétiens au nom de sa foi juive; homme droit en sa conscience. L'un, simple, l'autre plus érudit. Apparemment, rien ne les prédispose à se rencontrer, encore moins à collaborer pour une même cause.
Or, ils vont avoir quelque chose en commun qui les rapprochera dans un même idéal: ce quelque chose, c'est en fait quelqu'un, Jésus.
Jésus qui, au début de son ministère public marche sur le rivage de la mer de Galilée; il fait signe et appelle les quatre premiers disciples, Simon-Pierre, André, Jacques, Jean, les invitant: "Venez à ma suite, je ferai de vous des pêcheurs d'hommes". Aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivent. Matthieu le douanier, et sept autres entendront l'appel et y répondront généreusement.
Quelques années plus tard, le même Jésus se manifeste sur le chemin de Damas pour signifier à Saul ce à quoi il le destine: annoncer aux païens la Bonne Nouvelle de l'Evangile. Abandonnant sa haine envers les chrétiens, Saul se laisse conduire jusqu'à Ananie pour être catéchisé en préambule de sa mission. Il devient l'apôtre Paul.
Puissance de l'invitation du Seigneur, étonnante et merveilleuse : quelques mots, un signe, un geste, un regard, s'ils sollicitent les sens, l'ouïe, la vue. Bien plus, ils pénètrent et imprègnent le cœur de ces hommes et provoquent en eux une authentique conversion: ils reconnaissent en Jésus le Fils de Dieu et se mettent à son école. Tout comme les pèlerins d'Emmaüs. Si dans un premier temps, la perception du Ressuscité ne leur est pas manifeste, cependant, "leur cœur est tout brûlant en chemin tandis qu'il leur parle et leur explique les Ecritures"
Tout quitter: cela ne va pas toujours de soi: non seulement laisser les choses matérielles, mais renoncer à sa volonté propre, abandonner ses projets! une véritable aventure: "ad venire", ce qui est à venir, que l'on ne connait pas par avance. Ni les joies, ni les tribulations qui arriveront, les étapes qui nous seront proposées. La confiance repose sur Jésus-Christ.
Dans sa lettre aux Colossiens, Paul énumère un nombre impressionnant de désagréments qui lui sont arrivés au cours de ses voyages, les dangers encourus : "Souvent, j'ai été à la mort; trois fois j'ai été flagellé, une fois lapidé, trois fois j'ai fait naufrage, il m'est arrivé de passer un jour et une nuit dans l'abîme. Voyages sans nombre, danger des rivières, des brigands, de mes compatriotes, des païens, de la ville, du désert, de la mer, des faux - frères". De ses faiblesses, il demande au Seigneur d’être libéré. Celui-ci répond : « Ma grâce te suffit ».
Comme il le dit autre part :" Le Seigneur est fidèle, il ne permettra pas que vous soyez
éprouvés, tentés au-delà de vos forces."
Pierre a douté, il a renié son Maitre. Paul a été persécuteur, mais par grâce, malgré cela, ils sont devenus les fondateurs de l'Eglise de Jésus-Christ et les porteurs de l'évangile jusqu'aux confins du monde. Ils sont nos modèles et nous disent que tout est possible à condition que nous soyons à l'écoute de Dieu et les témoins de son amour. Chacun de nous suivons notre route: elle est rectiligne ou sinueuse, lumineuse ou comportant des zones d'ombre. Si nous savons nous tourner vers le Seigneur, alors il nous guide et ne ménage pas ses efforts pour que nous vivions dans la paix, dans la certitude de l'amour reçu et partagé.
En cette fête des apôtres, aux vêpres, nous chantons cette belle hymne du frère Pierre-Yves :
Puissance de ta miséricorde, ô Jésus, Fils de Dieu.
A ce disciple qui t'avait renié, tu confies la porte des cieux,
Et le persécuteur de ton Eglise, le voici qui la sème en tout lieu!
Victoire qu'a préparée ta grâce et que scelle ta croix:
De Simon-Pierre vacillant sur les eaux, tu as fait le roc de la foi,
Le chef et le berger de tous ses frères, le veilleur qui les garde en tes voies.
Toi seul pouvais discerner l'Apôtre dans l'ardent pharisien.
Et Paul n'aspire qu'à tout perdre pour toi, car ton souffle anime le sien.
Il explore et découvre à tous les peuples l'infini du royaume qui vient.
Heureux ce jour où les deux apôtres t'ont suivi dans la mort
Tu les accueilles dans l'offrande pascale de ton sang versé pour ton Corps
Ils partagent ta joie et ta lumière, leur louange a trouvé son essor.
Encore quelques mots.
Dans la seconde lecture entendue, la lettre à Timothée, Paul affirme sa foi, son espérance et sa reconnaissance envers le Seigneur: "II m'a assisté et m'a rempli de force pour que je puisse, jusqu'au bout, annoncer l'Evangile et le faire entendre à toutes les nations païennes".
Mais il a tout de même ces mots terribles: "Tous m'ont abandonné"
Nous pouvons penser à ceux qui, aujourd'hui sont abandonnés : les enfants maltraités et les personnes âgées délaissées, les sans-abris et les chômeurs, les peuples opprimés, contraints de fuir leur pays.
Pour ma part :
71 années de vie commencée en Champagne.
50 années d'engagement au Monastère, le vœu de stabilité !!!
40 années de Sacerdoce.
Châlons, la Pierre-qui-Vire ; Trêves en Allemagne; Paris.
Madagascar, Masina-Maria ; Le Congo, la Bouenza ; Haïti, le Mon St Benoit.
Mes parents, mes frère et sœurs, toute ma famille. Mes Pères Abbés Denis, Damase,
Luc, mes frères moines. Mes amis, ceux qui sont ici présents, ceux qui sont au loin, unis
en pensée.
Le Seigneur Jésus.
Jamais personne ne m'a abandonné.
Un mot que je dis avec chaleur : Merci à vous tous.
Adaptant le psaume 115 : Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a fait?
Comment vous rendrais-je le bien que vous m'avez fait?
J'élèverai la coupe du salut et je rendrai grâce au Seigneur".
C'est le sens de notre rassemblement de ce jour communautaire, familial, amical,
le sens de cette Eucharistie.
(2014-06-29)
Année A - SACRE-COEUR -
27 Juin 2014
Dt 7, 6-11 ; 1 Jn 4, 7-16 ; Mt 11, 25-30
Homélie du Père Abbé Luc
« Je suis doux et humble de cœur ». Cette parole, frères et sœurs, est une précieuse lumière pour contempler de manière juste le cœur transpercé de Jésus en Croix. Sacré cœur, cœur sacré, totalement consacré à Dieu son Père, cœur totalement donné à nous les hommes…Le don de Jésus est total parce que profondément humble et abandonné dans la douceur. Pas d’aigreur, pas de repli sur soi, pas de ressentiment…un abandon total à la volonté de son Père…Nous comprenons mieux peut-être pourquoi nos prédécesseurs dans la foi ont si souvent aimé représenter le Christ en Croix, avec son côté blessé, en faisant appel à toutes les ressources de l’art. Ils reconnaissaient là une icône incomparable de l’amour de Dieu, icône offerte à notre contemplation…Icône paradoxale où la beauté ne se laisse entrevoir qu’à travers l’horrible image d’un homme supplicié. Notre mouvement premier est de rejeter une telle image, scandale de la croix et de la souffrance qu’on ne peut ainsi exhiber…Mais si nous reconnaissons là l’expression d’une profonde humilité, nous entrevoyons combien ce cœur transpercé est une porte entrouverte sur le propre mystère e notre Dieu, mystère d’amour et d’humilité. Aussi avec raison, la liturgie peut nous faire chanter « Regardons celui que nous avons transpercé, approchons du cœur de Dieu ».
« Venez à moi » disait Jésus dans l’évangile… Ces paroles qui pourraient paraitre prétentieuses dans la bouche de n’importe quel mortel, s’éclaire à la lumière de la croix. Le maitre qui appelait à lui ses disciples n’a pas cherché à faire du nombre, ni à conquérir telle place d’honneur dans la société d’alors. Il a porté haut une parole exigeante et dérangeante au nom de Dieu son Père. Cela l’a conduit à mourir « maudit » sur une croix. Là se révèle toute la portée de son enseignement : la manifestation d’un amour gratuit à travers l’offrande de sa vie pour les pécheurs que nous sommes. Jean le disait avec ces propres mots : « Voilà à quoi se reconnait l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils qui est la victime offerte pour nos péchés »…En venant à Jésus en croix, nous apprenons cette Bonne Nouvelle.
« Devenez mes disciples ». Cette parole retentit peut-être avec le plus de force depuis la croix. Depuis la croix, nous saisissons vraiment ce que signifie être le disciple de Jésus : aimer, nous donner totalement. Rude chemin qui peut nous effrayer. Mais Jésus ajoute : mon joug est facile, mon fardeau léger…Jésus n’est pas un enrôleur. Il ne contraint pas. Il désire seulement nous éveiller au mystère de l’amour dont il vit lui-même dans la relation avec son Père. Mystère d’amour, de don d’humilité, mystère de douceur. Jésus nous invite chacun là où nous en sommes à devenir davantage ses disciples, c’est-à-dire à trouver maintenant la juste mesure de nous donner. Apprendre à nous donner vraiment, en consentant à ce que cela nous coûte parfois. Ce don n’a rien de volontariste, mais nous le recevons de l’Esprit Saint, le maitre intérieur qui nous enseigne et l’humilité, et la douceur et le don de nous-même… (2014-06-27)
Trinité. 2014
Homélie du F.Denis
Cette homélie du dimanche de la Sainte Trinité voudrait être pour
vous un moment heureux. Pourquoi heureux? Parce qu'il s'agit de
Dieu, la cause de notre Joie. Je sais bien qu'une homélie dominicale
doit être brève, alors qu'il faut la vie entière pour mieux comprendre
ce qui est contenu dans ce mot Trinité. Il y faudra même l'éternité. Je
sais aussi que le mot Trinité peut intriguer, étonner, avec ces chiffres
3 et 1 associés pour dire la tri-Unité de Dieu, L'Unique. Je sais
encore que beaucoup d'être humains ne s'intéressent pas à notre Dieu
Trinité, ils n'en ont jamais entendu parler.
Comment Dieu s'y est-il donc pris pour nous parler de sa propre
vie?
Pour se faire connaître de nous, Dieu utilise des réalités dont nous
avons conscience et il procède en trois temps.
1. Il part de ce sentiment qui nous habite : la crainte devant ce qui
nous dépasse. Qui ne craint les orages foudroyant ? Qui ne craint les
tempêtes ? Qui ne craint les déserts et leurs vents desséchants que rien
n'arrête? Et voici, dans la Bible, orages, tempêtes, désert tenant
presque un premier rôle dans la vie humaine pour la délivrer, elle si
craintive, de toute fausse religion « naturelle », peuplée d'idoles.
2. L'homme ne craint pas moins celui ou ceux qui ont un grand
pouvoir, les pleins pouvoirs, dit-on en politique. La Bible dira de Dieu
qu'il est bon de le craindre. Dieu seul est vraiment le Tout Puissant et
on ne peut se moquer de Lui.
3. Mais avec les Prophètes, avec Jésus, voici que Dieu, dans ses
relations avec l'homme, fait passer celui-ci de la crainte à l'amour.
Dieu le Très Haut se fait le Très Bas, il n'est plus regardé seulement
comme vivant au dessus de nous, il est l'un de nous, totalement avec
nous. Il prend même la dernière place et, tel un serviteur qui connaît
bien son maître, lui redit les mots les plus simples de la vie humaine,
ceux que chacun doit et peut comprendre de sa propre vie : père, fils,
souffle.
Ces mots fondamentaux disent à chacun la merveille de recevoir la
vie d'un père et d'une mère, d'être fils mais un fils capable de quitter
son père et sa mère pour que, ayant vécu la phase enfantine, il puisse
entrer dans l'âge adulte et devenir à son tour père et mère, témoins du
souffle vie qui se transmet même s'il ne saurait durer toujours: il
arrive à ce souffle vital de se faire rare, puis de s'éteindre, dernier
souffle.
Dieu avait son dessein en créant l'homme à son image et à sa
ressemblance, et ces trois mots, père, fils et souffle, sont pour
l 'homme ceux de l'apprentissage de ce que Dieu voulait être pour
nous, et le Très Haut qui, sans cesser de l'être, décide de vivre à notre
niveau d'homme, et, prodige imprévisible aux plus ambitieux, offre à
l 'homme de pénétrer au plus intime de son être, là où le souffle fait
vivre: la vie divine est devenue la nôtre : nous respirons au rythme de
Dieu. Quand Dieu nous dit« Tu es mon Fils », nous répondons« Tu
es mon Père ». Disant cela, avons-nous tout dit? Oui, si notre vie en
est changée pratiquement dans une pratique aussi continuelle que la
respiration peut l'être. La Trinité divine est là, échange d'amour en
Dieu et échange d'amour entre Dieu et l'humanité. La vie humaine est
devenue une vie Trinitaire, et des hommes à ce point divinisés ne
peuvent être que fraternels.
Un exemple qui vous étonnera. Il y a dans le métro parisien une
station qui a pour nom Trinité et, en sous titre, Estienne d'Orves.
Officier de Marine, en 1941 est à Londres. Envoyé en France pour
obtenir de secrets de guerre, il est trahi par un compagnon, arrêté,
condamné à mort. Dans ces situations de grand danger, que fait-on ?
Un Testament pour dire merci et pardon. Estienne d'Orves le fait et
encourage épouse et enfants à toujours servir quoiqu'il en coûtera.
Puis au dernier moment, quel désir sinon donner à qui est allé notre
cœur, un dernier signe, un dernier baiser. Voici Estienne d'Orves
parvenu à cet instant. Avant d'avoir les mains liées au poteau, il fait
un pas vers le lieutenant allemand qui allait commander le tir d'un mot
bref, Feu ! Jésus avait eu ce même mot, feu, non pour tuer mais pour
ouvrir la terre au feu de l'amour. Estienne d'Orves s'est avancé,
regarde l'officier allemand, l'embrasse.
Feu!
Un Frère, un chrétien, venait de faire ce que Jésus a commandé,
aimer tout homme, fût-il votre ennemi.
Heureuse trinité.
(2014-06-15)
PENTECÔTE 8 juin 2014
Ac 2,1-11; 1 Co 12, 3b7.12-13 ; Jn 20, 19-23
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Vous avez peut-être remarqué comme moi, cette belle affirmation de Paul : « Sans le Saint Esprit, personne n’est capable de dire : « Jésus est le Seigneur ». Sans le Saint Esprit… Et l’on pourrait allonger la liste des exemples tirés de l’Ecriture de tout ce que, sans le Saint Esprit, nous ne pouvons pas faire. Paul dira que, sans le Saint Esprit, nous ne savons pas prier comme il faut. La première lecture tirée des Actes des Apôtres nous fait comprendre que sans le Saint Esprit nous ne sommes pas capables de communiquer vraiment entre nos diverses cultures ni de créer l’unité entre les peuples…L’évangéliste Jean suggère que sans le Saint Esprit donné par Jésus, l’homme ne peut remettre les péchés à son frère, ce qui n’appartient qu’à Dieu seul…
« Sans le Saint Esprit »…Nous avons là le témoignage de la foi des premiers chrétiens qui se sont découverts capables de nouvelles possibilités. Après la Résurrection et l’Ascension de Jésus, ils ont fait l’expérience d’une autre proximité de Dieu, à travers le don de son Esprit…Ils ont pris alors conscience de tout ce que cela changeait dans leur vie…Le don de l’Esprit a changé leur manière de vivre, de voir les choses, de penser… Dans leur vie, il y a eu un avant et un après…un passage de l’incompréhension peureuse à la joyeuse assurance.
« Sans le Saint Esprit »…Et si cette expérience des premiers chrétiens pouvait raviver notre propre expérience de l’Esprit Saint ? Nous avons reçu le Saint Esprit lors de notre baptême et de notre confirmation. Mais nous ne l’avons pas reçu comme un cadeau que l’on peut mettre ensuite dans un coin de la maison. Nous avons reçu le Saint Esprit comme on reçoit une personne vivante, Lui personne divine de la Sainte Trinité. Une personne discrète qui, loin de se mettre en avant, se met à notre service. Depuis notre baptême et notre confirmation, le Saint Esprit s’invite chez nous, mais il ne s’impose pas. Il est là présence offerte aux côtés de chacun des disciples du Christ pour les guider dans leur vie de fils de Dieu.
« Sans le Saint Esprit ». Oui en ce jour de Pentecôte, il nous est bon de mesurer que notre vie chrétienne est portée, nourrie, fortifiée par la présence de l’Esprit Saint en nos cœurs…Il est bon de reprendre conscience alors qu’il n’est pas naturel de dire « Jésus est Seigneur », c’est-à-dire de dire que cet homme crucifié un jour sous Ponce Pilate partage aujourd’hui la gloire du Dieu unique, le Seigneur de toute la Création. Nous risquons d’être souvent trop habitués à nos formules de foi, en oubliant qu’elles sont d’abord des paroles de feu…Les incroyants nous rendent ici un bon service en nous rappelant que notre profession de foi est étrange. De même pour la prière, sans l’Esprit Saint, nos prières ne peuvent, par elles-mêmes, rejoindre le Père et nous tourner en vérité vers Lui. Nous sommes si souvent enclins à nous centrer sur nous-mêmes et sur nos difficultés, au lieu de nous ouvrir au mystère du Dieu de Jésus Christ qui nous aime comme un Père. Sans le Saint Esprit encore, nous sentons notre impuissance à dépasser nos cercles familiers de relations. Aller au-delà de nos frontières, ouvrir de nouveaux horizons de rencontre où tous peuvent avoir leur place, cela n’est pas à notre portée. L’Esprit Saint est là dans nos vies comme un ferment de concorde et d’unité. Au cœur de tous les disciples, il agit comme un appel qui ne nous laisse jamais en repos, tant que demeureront des divisions ou des exclusions. Enfin, sans le Saint Esprit, le pardon de Dieu ne peut nous rejoindre. Le pardon de Dieu, est le don par excellence, qui vient guérir ce qui est le plus blessé en nous. Seule la douceur de l’Esprit, telle une onction délicate, peut venir en nous toucher la part blessée, dure peut-être, pour l’introduire dans l’Amour offert gratuitement.
Heureux sommes-nous, frères et sœurs, si en ce jour de Pentecôte, nous ravivons notre confiance en l’Esprit qui agit en nous, si nous le reconnaissons et si nous l’accueillons à travers les impulsions délicates que nous pouvons reconnaitre au fil des jours…Car soyons en sûr, comme nous le priions dans l’oraison au début de la messe, Dieu continue dans nos cœurs de croyants, l’œuvre d’amour qu’il a entreprise au début de la prédication apostolique… ». C’est à cette même œuvre d’amour qu’il nous est donné de nous unir maintenant. (2014-06-08)