vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 15 août 2014 — Assomption de la Vierge Marie — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Année A - ASSOMPTION -

15 AOÛT 2014

Ap 11,19a, 12, 1-6a.10ab; 1 Co 15, 20-26; Lc 1, 39-56

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

“Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni». Avec Elisabeth, nous pouvons reprendre, frères et sœurs, cette salutation pour l’adresser à Marie, en ce jour… Oui, cette fête de l’Assomption manifeste aux yeux de la foi combien Marie est bénie de Dieu.

En Marie, élevée au ciel, dans la gloire de Dieu, avec son âme et son corps, s’accomplit toutes les bénédictions dont elle a été l’objet de la part de Dieu, depuis sa naissance jusqu’à sa mort en passant par sa maternité par laquelle elle a accueilli le Fils de Dieu fait chair.

Dans la lignée de tant de femmes de l’AT, depuis Anne la mère de Samuel, en passant par Yaël et Judith, femmes aux exploits virils et guerriers, Marie a été bénie comme aucune autre femme, pour être la mère du Messie. Sur elle, la bénédiction de Dieu a été abondante, car elle devait accueillir, nourrir et éduquer le Béni de Dieu, le Christ, venu libérer son peuple du péché et de la mort. Quand nous contemplons Marie, la bénie, frères et sœurs, nous ne pouvons que nous émerveiller de la fidélité de Dieu pour son peuple. En Marie, qui accueille le Fils de Dieu, s’accomplit toute l’œuvre de bénédiction de Dieu « en faveur d’Abraham et de sa race à jamais ».

Contempler Marie la Bénie de Dieu, c’est indissociablement contempler la manière avec laquelle Dieu vient vers elle… « Il s’est penché sur son humble servante » chante Marie. Il s’est penché…En Marie, la bénie, se manifeste le secret de la bénédiction divine…Celle-ci se donne au creux de l’humilité, humilité de Dieu qui se penche, qui « abaisse son regard vers le ciel et vers la terre » (Ps 112, 6), et humilité de Marie qui consent sans tout comprendre, dans un total abandon et une grande confiance. Dieu s’abaisse. Marie la bénie accueille. Elle confesse qu’elle si petite que Dieu a dû, lui aussi s’abaisser pour la rejoindre. Elle manifeste alors combien le Dieu d’Israël veut rejoindre les petits, les affamés, les pauvres. Sa bénédiction est pour eux. L’ordre établi par les hommes est renversé. Jésus, le fruit béni de Marie, lui le Béni de Dieu, ne fera rien d’autres durant son ministère. Il va accomplir ce nouvel ordre des choses annoncé par les prophètes : les petits et les pauvres sont l’objet de la bénédiction de Dieu. Mais plus encore, il va révéler en sa chair jusqu’où va l’abaissement de Dieu désireux de bénir son peuple. Par sa mort sur la croix, Jésus va ouvrir grandes les sources de la bénédiction divine, par son sang versé et par son esprit répandu. Frères et sœurs, quand nous prions le chapelet, cette prière du cœur, ne nous lassons pas de recueillir le mystère de la bénédiction de Dieu manifesté en Marie. Quand nous disons : « tu es bénie entre toutes les femmes », nous la regardons elle, la bénie, toute humble, et nous sommes conduits à Jésus, le Béni de Dieu, qui nous sauve dans son grand abaissement par Amour pour nous.

En ce jour, où nous fêtons Marie, la Bénie de Dieu, il nous faut encore nous souvenir d’une chose. Lorsque Dieu bénit, un homme ou une femme en les prenant sous sa bénédiction, c’est en vue du bien de tout son peuple. Dieu a béni Marie pour qu’elle devienne la Mère de son Fils, qui allait nous sauver par sa mort et sa résurrection. Et aujourd’hui quand la bénédiction de Dieu s’accomplit en Marie élevée dans la Gloire, nous avons là le gage de la bénédiction qui nous est aussi promise. Marie est ainsi « parfaite image de l’Eglise à venir, aurore de l’Eglise triomphante » comme nous le chanterons dans la préface.

Frères et sœurs, en contemplant aujourd’hui Marie, la bénie de Dieu, nous sommes conviés à raviver notre foi en la fidélité de Dieu qui mène à son terme son œuvre d’amour pour chacun de nous, quel que soit notre chemin plus ou moins chaotique. Dieu nous donne même déjà les prémices de sa Joie et de sa Paix en cette Eucharistie, où nous est offerte la Vie éternelle, fruit de la mort et de la résurrection de Jésus. (2014-08-15)

Homélie du 10 août 2014 — 19e dim. ordinaire — Frère Antoine
Cycle : Année A
Info :

année A - 19 Dimanche TO - 10 Août 2014

Mt 14.22-33

Homélie du F.Antoine

Texte :

L'Evangile de ce Dimanche déborde de vie-On y parle de mer agitée, d'une barque battue par les vagues et le vent contraire, de désert, de montagne, de foules et de solitude enfin de Jésus et ses disciples et même d'un fantôme!

Au cœur de cet ensemble, une parole domine le récit .... « Homme de peu de foi!» Dans son Evangile, Matthieu met cinq fois cette expression dans la bouche de Jésus et, ici, ce reproche s'adresse à Pierre, homme ~u destin exceptionnel dont Jésus éprouve la foi.

Une foi dont l'Evangile d'aujourd'hui nous dit que tôt ou tard elle doit affronter vagues et vents contraires et traverser l'épreuve du passage, d'une foi facile et enthousiaste, à la foi profonde creusée par l'adversité.

Pierre, marin-pêcheur du lac de Tibériade est difficilement passé d'une confiance en ses capacités, à une totale remise de lui-même en cette main qui le saisit et s'entendre dire « Homme de peu de foi, Pourquoi as-tu douté »?

Cette scène, n'est-elle pas une prophétie, de ce que nous avons à vivre, en tant que croyant? Car ce texte si vivant est entouré d'une atmosphère de mort: la tempête, la présence pesante de la nuit, l'apparition d'un fantôme, la terreur des disciples, leurs cris de détresse ... images qui font planer l'angoisse de la mort sur le récit et nous renvoient à cette expérience où notre foi semble noyée, balayée par les agressions de la vie et où ... tout attendre de Dieu dans la foi et la confiance, ne nous économise pas .ces traversées d'incertitudes parfois chaotiques, on ne sait plus si on croit ... on ne sait plus jusqu'où on croit ... et finalement en qui on croit!

La foi n'est jamais définitivement acquise nous signifient les disciples. Ils ont vécu la peur, l'affolement, puis ils se sont ouverts à une confiance totale au Maître, pour finalement ,en hommes de peu de foi, être tragiquement absents au pied de la croix.

La foi est une vie, une vie sans cesse en croissance ou en décroissance. Elle est une histoire en cheminement, une histoire en évolution permanente ... celle d'un compagnonnage avec Jésus Fils de Dieu embarqué avec chacun d'entre nous dans la traversée de l'existence, compagnonnage qui peut connaître des étapes merveilleuses, l'important n'a pas été que Jésus marche sur les eaux, l'important a été qu'il réponde immédiatement à la détresse des disciples, qu'aucun obstacle ne l'arrête et que sa main les saisisse et leur sauve la Vie.

Toute La finale de cet Evangile est un chant au triomphe de la vie. Jésus marche sur les eaux de la mort, il domine leur puissance, il révèle d'une façon éclatante qu'il est le Fils du Dieu vivant. Sa victoire sur la tempête les vents, les vagues apparaît ainsi comme une anticipation de sa résurrection et l'annonce de son triomphe sur la Mort'

Frères et Sœurs, Cet Evangile nous invite à partager cette victoire, en en faisant une victoire de la Foi, une victoire de notre foi sur nos-peurs, nos angoisses nos lassitudes tout en gardant les yeux fixés sur le Maître bien aimé, Jésus vraiment Fils de Dieu, venu nous sauver de nos tempêtes et ... de nous-mêmes. ! (2014-08-10)

Homélie du 03 août 2014 — 18e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

année A - 3 Août 2014 –18e dim. ord.

Homélie du F.Sébastien

Texte :

Frères et sœurs, ouvrons nos cœurs, large, car j’ai une bonne nouvelle. Dans les trois lectures de ce dimanche, c’est notre Dieu lui-même qui vient à nous en se révélant comme don, un don pas comme les autres.

Dans la première lecture Isaïe ne manque pas de nous surprendre: « Ô vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau, venez — sans argent, sans payer — et buvez, du vin, du lait. » C’est exactement la situation du nouveau-né. Mais aussi celle de quiconque réalise peu à peu que, poussé par son besoin de boire, physique ou spirituel, il ne cesse d’aspirer à la source derrière laquelle se cache, et plus encore, se révèle, Celui que nous prions dans le Notre Père. Celui dont le don permanent devrait éveiller en nous une immense reconnaissance. « Merci, Ô Dieu, notre Père à tous ! »

Ceci me fait penser à, Mgr Deniau, précédent évêque de Nevers. Observant la société moderne, férue de performance, il disait : « Il faut de toute urgence retrouver la capacité de recevoir, –– avec émerveillement – avec merci . Les trois se tiennent. Ensemble ils constituent un antidote à la tentation subtile de l’homme généreux de vouloir être toujours celui qui donne, toujours plus, à l’image de Dieu. Avec le risque de se faire inconsciemment un peu trop donateur, un tantinet surplombant, sans réel besoin des autres, voire gentiment étouffant, en un mot, une sorte de dieu qui a mal tourné. Le vrai Dieu donne, sans cesse, mais en se faisant tout petit, sans en avoir l’air.

Ici, j’entends la voix du sceptique déçu : « Votre Dieu qui ne fait que donner, c’est bien joli, mais un peu enfantin et surtout pas vérifié dans les faits. Car, avouez, de ce don que reste-t-il quand il n’en reste rien, sous les coups du sort, des épreuves accablantes, individuelles ou collectives, des cascades de pertes ? La question est trop sérieuse pour aller chercher réponse ailleurs qu’auprès de ceux qui en ont l’expérience.

Aujourd’hui, auprès de Saint Paul dans la deuxième lecture. Lui sait de quoi il parle. Sa vie a été labourée en tous ses sens, dans son corps, dans son histoire, dans ses solidarités, dans son cœur de croyant appelé à revoir sa loi et ses maîtres, à changer de vocation, dans un dénuement total. Un jour, à terre, il a perdu même l’indispensable. C’est sur ce fond d’expériences qu’il témoigne.

«Frères, qui nous séparera de l’amour du Christ ? – Qui nous privera de ce don suprême ? – Qui ? La détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ? pensons au drame actuel du Moyen Orient –... Mais en tout cela, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés. »

Personnellement, je crois que ce cri du cœur de saint Paul peut avoir valeur incantatoire pour quiconque le fait sien, dans la disponibilité de la prière, du silence. C’est un haut lieu de communion dans la conviction plus forte que toutes les adversités.

Oui, mais comment faire passer quelque chose de ces convictions salvatrices dans nos modestes vies de croyants, certes de bonne volonté, mais qui se sentent si souvent impuissants ?

Comment, sans doute essentiellement par la pratique de la liturgie ? L’évangile de la multiplication des pains entendu tout à l’heure peut nous faire réaliser ce qui s’y passe.

Il s’agit d’un fait de vie bien concret : une foule d’affamés, hommes, femmes, enfants. Un petit drame local qui en évoque de grands : aujourd’hui, Afrique, Europe de l’est, Palestine à feu et à sang...

La liturgie nous fait entrer en solidarité, à travers de petites choses, paroles, gestes, attitudes, dont le Saint Esprit s’empare pour en faire ce qu’il veut.

Une dame catéchiste prépare la messe avec des enfants. Elle demande que chacun donne quelque chose à Jésus en ce jour de fête. Une gamine revient tout triste : « Moi, je n’ai rien à donner. » La réponse fuse sans réfléchir : « Eh bien, donne-toi toi-même ! » En l’entendant me raconter le fait j’ai entendu ce que Jésus avait dit à ses disciples qui n’avaient rien à donner à manger à la foule : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Oui, Vous-mêmes. L’Esprit Saint a le génie de ces jeux de sens, quelque peu paraliturgiques.

Lors de la multiplication des pains sur l’herbe tous avaient vu Jésus lever les yeux vers son Père au ciel, puis bénir les pains dérisoires qu’on lui avait donnés, puis les donner aux disciples, pour qu’en les donnant à la foule ils apprennent à leur insu à se donner, comme lui-même le fera un soir, avec l’extraordinaire puissance du sacrement : « Prenez, mangez, ceci est mon corps ». Moi-même. Et ceci l’était devenu, donne, mangé, bu.

Où sommes-nous lorsque nous participons à nos eucharisties ? Peut-être sur l’herbe verte ? Peut-être, sur les bancs de l’église ? Que faisons-nous ? Sinon quelque chose de divin, avec quelques grammes de pain, quelques gouttes de vin dans lesquels notre Dieu se donne à tous et à chacun, homme, femme, enfant, se donne tout entier, Père, Fils et Saint Esprit.

« Recevez et vivez-en ! » Sans payer. C’est donné. (2014-08-03)

Homélie du 25 juillet 2014 — Dédicace de l'église de la PqV — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

DEDICACE DE L’EGLISE -

25 Juillet 2014

1R 8, 22-23.27-30 ; 1P 2, 4-9 ; Mt 19, 13-19

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et soeurs,

De nos jours, dans notre pays, comme dans d’autres en Occident, se pose la question de l’utilisation de nos églises. Certaines servent tellement peu souvent que leur entretien devient problématique. Les célébrations y sont si rares et les fidèles si peu nombreux à se réunir qu’on en vient parfois à les désaffecter, soit pour les démolir soit pour les affecter à un autre usage…Cette réalité, qui n’est pas sans nous attrister, montre à l’inverse combien nos églises de pierre ne sont rien sans les communautés vivantes qui les habitent. Et on comprend mieux alors la relation forte qui est établie dans la liturgie de la dédicace entre le bâtiment de pierre et la communauté de pierres vivantes que forment les croyants. Sans cesse les textes de l’Ecriture ou de la liturgie mettent en lumière cette relation fondamentale. Et l’insistance porte moins sur l’édifice de pierre que l’édifice spirituel des croyants. Car la réalité le prouve au long des âges, l’édifice de pierre peut survivre plus facilement à l’épreuve du temps que la communauté des croyants qui l’habite.

Que pouvons-nous entendre aujourd’hui qui nous aide à demeurer une communauté croyante vivante, une communauté monastique fraternelle et fervente dans son service de la louange divine ?

« Allez vers le Seigneur Jésus, il est la pierre vivante » dit l’apôtre Pierre aux destinataires de sa lettre. Allez vers le Seigneur Jésus, pour des chrétiens, c’est banal me direz-vous…Mais comment ne pas entendre dans cette invitation de l’apôtre le mouvement profond de notre vie chrétienne ? Allez vers Lui la pierre vivante, c’est bien plus que de croire en lui dans le sens d’avoir la certitude qu’il existe. Allez vers Lui, la pierre vivante, c’est caler notre pierre sur la sienne, fonder notre existence sur sa vie de ressuscité. Entre le Christ Jésus et chaque croyant la relation est si constitutive que nous sommes sans cesse conviés à en prendre grand soin, pour demeurer effectivement fondé en Lui…On peut s’habituer à tout, s’habituer à croire, à faire ses prières et à mener une vie correcte, même dans un monastère. Mais peut-on s’habituer à aimer le Christ ? Lui la pierre vivante sur laquelle nous avons fondé notre vie ne nous destine pas à vivre une petite relation tranquille avec lui. Il nous entraine à accueillir toujours plus profondément son Amour et à le laisser nous transformer comme Lui, en pierre vivante.

« Soyez les pierres vivantes qui servent à construire le Temple spirituel » poursuit l’apôtre Pierre ? Des pierres vivantes de la vie du Christ ressuscité qui savent s’ajuster les unes aux autres pour construire le Temple spirituel. C’est le défi de nos vies de communautés, qu’elles soient paroissiales ou religieuses. Nous croyons au même Christ, mais chacun reste porteur de son identité propre. C’est sa richesse et aussi celle de la communauté qui est constituée de cette belle diversité de personnalité. Mais de même qu’il faut de la patience au maçon pour poser ses pierres les unes à côté ou au-dessus des autres, de même que de patience et d’amour faut-il pour que les pierres vivantes s’ajustent les unes aux autres ! Entre la recherche d’un idéal de fraternité sans faille et la démission ou la fuite devant la moindre difficulté, il y a place pour un lent et très humble travail d’amour vécu au quotidien, souvent sans bruit… Plutôt que de m’inquiéter comment les autres s’ajustent à moi, je cherche à m’ajuster aux autres. Je cherche d’abord leur intérêt avant le mien propre, dirait st Benoit. Comment faire pour que l’autre soit un peu plus à l’aise à sa place quitte à être un peu dans l’inconfort moi-même ? La construction du temple spirituel se fait à ce prix-là…Elle est alors inséparable du sacerdoce saint qui y vécu…

« Vous serez le sacerdoce saint présentant des offrandes spirituelles » conclut Pierre. Ces pierres vivantes qui cherchent sans cesse l’édification mutuelle deviennent alors elle-même, et le prêtre et l’offrande. Comme Jésus lui-même qui est à lui seul l’autel, le prêtre et la victime. Ce lent travail d’édification de la communauté fait de nous les prêtres et les offrandes par ce profond mouvement de don et de renoncement à nous-mêmes. A la suite du Christ, Pierre Vivante, nous entrons dans sa manière à lui de donner la vie, en nous donnant nous-mêmes.

En rendant grâce pour cette église, lieu de célébration et d’édification du Temple spirituel que nous formons, nous venons puiser notre force et notre vie à la source de vie qu’est le Christ mort et ressuscité. (2014-07-25)

Homélie du 25 juillet 2014 — Dédicace de l'église de la PqV — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Dédicace de notre église abbatiale - 25 juillet 2013

1 R 8 22-23,27-30; 1 Pet 2 4-9; Mt 16 13-19

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Qu'y a-t-il de commun, frères et sœurs, entre le Temple consacré par Salomon, dix

siècles avant Jésus-Christ et cette église monastique, consacrée en 1871 ? Les deux maisons

sont des maisons qui veulent honorer le Dieu Vivant. D'elles deux montent vers Dieu, comme

l'encens, la prière de son peuple. Dans les deux se trouvent un autel ou plusieurs autels pour

offrir un sacrifice. Mais ici, intervient une première différence: le sacrifice offert n'est pas de

même nature. D'un côté, dans le Temple de Salomon, on offre des sacrifices d'encens ou

d'animaux en signe du don de soi, de l'autre dans cette église, on rend présent le sacrifice du

Christ, mort et ressuscité pour nous. Dans le mémorial de passion et de la résurrection du

Christ, célébré à chaque eucharistie, nous accueillons d'abord le cadeau immense que Dieu

nous fait: la vie du Ressuscité qui veut transfigurer nos vies présentes. •Et dans le même temps

nous entrons dans son mouvement d'offrande pour faire de toute notre vie, une offrande qui

soit agréable à Dieu, comme nous le demanderons dans quelques instants: « nous te prions de

nous transformer nous-mêmes en offrande qui te soient agréables ».

Oui, depuis la venue du Christ, la nature profonde de la maison de prière a changé. Elle

n'est pas d'abord une maison où l'on apporte des offrandes, d'encens, d'animaux ou les

premiers fruits de la terre pour honorer Dieu. Elle est le lieu où l'on reçoit le don gratuit de la

vie de Dieu, offerte dans le mémorial de la mort et de la résurrection du Christ. Ce lieu devient

alors « le signe merveilleux de l'alliance» que Dieu réalise avec son peuple, avec chacun de

nous, comme nous le chanterons dans la préface. Ici, il est bon de noter que pour désigner leur

maison de prière, les chrétiens vont parler plutôt « d'église» que de temple. Eglise vient du

mot grec qui veut dire « assemblée». La maison de prière chrétienne est le lieu de l'assemblée

des chrétiens. Cette accentuation mise sur l'assemblée est significative du changement de

nature de cette maison de prière. Désormais, comme le disait Pierre dans la seconde lecture, ce

sont les croyants qui sont appelés à devenir « des pierres vivantes qui servent à construire le

Temple spirituel ». La maison de pierre, appelée église, n'est que l'image de l'assemblée

chrétienne qui se réunit en son sein, et qui est appelée à devenir le temple spirituel. En utilisant

une image, on pourrait dire que le bâtiment église est comme le moule qui reçoit la pâte. Ce

moule va permettre que soit façonnée l'assemblée des fidèles en temple spirituel.

Effectivement, une église comme notre église monastique qui accueille les moines

plusieurs heures par jour modèle et façonne notre communauté monastique. A travers la prière

des heures, elle la façonne en communauté de louange à la gloire de Dieu. A travers les

célébrations de la réconciliation, elle la façonne en communauté de frères pardonnés et

pardonnant. A travers l'eucharistie, elle la façonne en communauté de frères morts à eux-

mêmes et ressuscités avec le Christ. Si on garde l'image du bâtiment église comme d'un

moule qui façonne, on peut noter que ce n'est pas par hasard si nos églises sont

traditionnellement en forme de croix. L'assemblée des croyants qui se réunit en ce lieu va être

configurée au Christ en croix, pour recevoir de lui la Vie nouvelle. L'assemblée apprend jour

après jour à mourir avec le Christ pour ressusciter avec lui. Tournée vers l'autel placé au

centre de toute église chrétienne, l'assemblée apprend à centrer toute sa vie sur le Christ qu'il

représente. En faisant silence et en écoutant la Parole proclamée en ce lieu, elle se laisse

instruire et convertir. En se prosternant ou levant les mains pour la prière, elle s'unit au désir

du Christ, le seul Prêtre, de voir tous les hommes accéder au bonheur des fils de Dieu. En

recevant le pain de Vie, le Corps du Christ, elle reçoit sa force et son unité pour « annoncer les

merveilles de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière ».

Frères et sœurs, en célébrant cette fête de la dédicace, nous voulons dire merci à Dieu

qui nous offre en ce lieu la Vraie Vie dans le Christ, mort et ressuscité. Nous lui demandons

humblement d'être fidèles, assidus et coopérant à l'œuvre qu'il réalise en ce lieu où il façonne

notre communauté. Qu'en ce lieu, nous devenions vraiment ce que nous sommes, temple

spirituel en Christ et communauté de frères ouverte à tous. (2013-07-25)

Homélie du 20 juillet 2014 — 16e dim. ordinaire — Frère Hubert
Cycle : Année A
Info :

Année A -16e dim TO - 20 juillet 2014

Sg 12 13-19; Rm 26-27; Mt 13 24-43

Homélie du F.Hubert

Texte :

Les premières communautés chrétiennes ont fait, dès le départ, l’expérience de leur caractère mélangé, de leurs imperfections, de leurs divisions, de la présence en elles du Mal.

Déjà les Douze Apôtres : l’un d’entre eux est le traître.

Quant au peuple élu de la Première Alliance, il est divisé en royaumes sans cesse séduits par l’idolâtrie. Mais toute l’Histoire sainte est que ce peuple élu est sauvé par Dieu, arraché par lui à la puissance du mal, de l’ivraie.

Avec Jésus, le temps du peuple saint, du peuple des parfaits, n’est-il pas advenu ?

Eh bien, non.

Dieu a semé du bon grain dans son champ.

Mais son ennemi est venu et a semé de l’ivraie.

Voilà donc que dans ce champ vont pousser et le blé et l’ivraie.

Faut-il, bien vite - en ce temps-ci - arracher l’ivraie ?

Non, dit Dieu. « En enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps. »

Si l’explication de la parabole se situe au temps de la moisson, du jugement par Dieu,

la parabole elle-même se situe dans ce temps-ci, dans notre temps, dans le temps du champ en travail.

Pour nous aujourd’hui, pour chaque génération, le temps de la moisson n’est pas encore venu.

Le jugement n’appartient qu’à Dieu seul.

Le péché de l’homme est d’avoir voulu s’emparer du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal,

Alors que cette connaissance n’appartient qu’à Dieu.

Le plus grand mal, c’est de nous attribuer cette connaissance, de croire savoir où est le bien,

où est le mal, et surtout d’identifier le mal et celui qui le commet.

Le plus grand péché que l’humanité ait commis – non pas les juifs mais l’humanité - c’est d’avoir jugé, condamné, mis à mort, l’Innocent. Jésus.

Mais l’Innocent a retourné cet acte de mort en don de vie.

C’est bien là la merveille de notre salut, que nous célébrons dans chaque sacrement, dans chaque eucharistie.

La ligne de combat entre le bien et le mal nous traverse tous de part en part.

Le plus grand mal est que nous jugions les autres,

que le mal qui est en nous nous pousse à le rejeter sur les autres,

à les rejeter eux-mêmes, à les éliminer.

Ce n’est pas à nous d’arracher l’ivraie.

D’abord parce que nous pouvons nous tromper : nous avons nos propres aveuglements,

nos pailles, nos poutres dans les yeux :

“Si vous aviez compris ce que veut dire la miséricorde,

vous n’auriez pas condamné ceux qui n’ont commis aucune faute.”

Et Dieu ne peut se résoudre à ce que la moindre tige de blé soit arrachée par erreur.

Ensuite, nous n’avons pas le pouvoir de déraciner, d’extirper le mal.

Seul Dieu peut faire cela.

C’est le Juste, le Fils unique, qui, seul, sur la croix, par son refus absolu de rendre le mal pour le mal, a jeté l’ivraie au feu.

En Jésus, Dieu s’est manifesté comme la victime du Mal.

De cette victime « a jailli le regard qui sépare le meurtre du meurtrier, qui voit d’un côté l’homme et de l’autre le mal qu’il a commis. Le regard qui ne confond pas l’être et l’acte. » dit J-F Bouthors dans « Délivrez-nous du mal », un livre qui m’a beaucoup marqué récemment [1].

Enfin, la conversion du pécheur est toujours désirée et attendue par Dieu.

« Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant, et non pas plutôt à ce qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive ? dit Dieu par la bouche du prophète Ezéchiel.

Je trouve que la parabole du figuier au chapitre 13 de st Luc éclaire bien celle d’aujourd’hui :Le propriétaire d’un figuier se plaint auprès de son vigneron : « Voilà 3 ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le » - Arrachons l’ivraie ! - Mais le vigneron lui répond : « Laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir ? »

« Le mal doit être dénoncé en tant que tel, mais sans jamais le confondre avec l’être dont il a pris possession et auquel doit revenir la liberté dont il a été privé. »

« Ne pas laisser l’inhumain l’emporter, ne pas considérer l’homme comme vaincu, ne pas se résoudre à ce que la part mortelle dévore la part vivante, combattre cette corruption, non pas en séparant, mais en réintégrant, non pas en excluant mais en aimant. » continue le livre que j’ai cité.

Les petites paraboles de la graine de moutarde et du levain nous montrent aussi la vigueur et le dynamisme de la sève divine : la vie de Dieu, en nous et dans l’humanité, parviendra un jour à sa plénitude.

« La graine de moutarde, c’est la plus petite de toutes les semences, mais quand elle a poussé, elle dépasse toutes les autres plantes potagères. » Elle détruira l’ivraie, c’est elle qui l’étouffera.

Le peuple élu n’est pas un peuple de parfaits, mais un peuple de sauvés, la fraternité des sauvés, de ceux que Dieu a arrachés à la puissance du Mal.

Jésus, l’Innocent, réintègre en chacun de nous la part d’inhumanité pour accomplir l’unité de notre être dans sa grâce.

Alors, il n’y aura plus que des fils, que des frères, resplendissants de la beauté de leur Père dans le Royaume.(2014-07-20)

Homélie du 14 juillet 2014 — 15e dim. ordinaire — Père Louis Groslambert
Cycle : Année A
Info :

Année C - 15 ème Dimanche du Temps ordinaire – 14-07-2013

Dt 30, 10-14 ; Col 1, 15-20 ; Lc 10, 25-37

Homélie du Père Groslambert

Texte :

Nous savons que Dieu a de l'humour. Je pense qu'en ce 14 juillet, Dieu doit sourire: bien sûr il est heureux que la parabole du bon samaritain soit lue dans les églises, mais il doit sourire en constatant que pour commenter le devise républicaine « fraternité » des orateurs parfois laïciste s’inspirent de la parabole du bon samaritain. Il faut nous réjouir de constater que le code civil inclut le devoir d'assistance à personne en danger; cet indice montre que les chrétiens jouent leur rôle de sel de la terre et diffusent l'idée que l'homme de bien a pitié, il partage (Ps 111). Le fait que la loi d'entraide fraternelle soit incluse dans le code civil d'un pays laïc est aussi la preuve que, loin d'être une réalité étrange, la loi de Dieu est inscrite par le Saint Esprit dans le cœur de tout homme. De ce fait, rendons grâce car celles et ceux qui ne font pas notre profession de foi portent déjà en eux la loi du Dieu d'amour.

Cependant, des questions se posent à propos du devoir d'assistance à personne en danger: est-ce que le code civil en parle à la manière de la parabole du bon samaritain? Est- ce que st Luc ne dit que le code civil? Est-ce que Jésus n'est qu'un maître de morale? Est-ce que, pour s'appeler frères, les moines ne s'appuient que sur le code civil? Plus fondamentalement, peut-on être frères et parler de fraternité si on ne se reconnaît pas un père commun ?

Pour parler de la fraternité à la manière de la parabole, je vais donc parler de Dieu père de tous. Par différence avec le code civil, nous basons le devoir d'assistance fraternelle sur la présence du Père commun. Le jour où Pierre désigne Jésus comme le « fils du Dieu vivant », il précise que le Père est à l'origine du comportement d'homme de justice, de tendresse et de pitié que l'on repère en Jésus. St Luc qui a annoncé dans ses premières pages « aujourd'hui vous est né un sauveur ... paix à tous les hommes», décrit comment en Jésus - le frère universel -, c'est Dieu le Père qui s'approche des malades, des exclus, des souffrants qui sont tous ses enfants; en racontant les journées de Jésus, st Luc témoigne que « le Seigneur a visité son peuple, lui qui redresse les accablés, fait justice aux opprimés-délie les enchaînés» puisqu'ils sont tous ses enfants. On le voit, st Luc base le devoir d'assistance à personne en danger sur la contemplation de Dieu paternel pour tous et sur le Christ fraternel pour tous, puisqu'il réclame à la tombe la vie de tous, comme le suggère le Samaritain qui a réclamé à la tombe la vie du juif, son ennemi...

Ceci m'amène à parler de Dieu père de tous qui sauve ses ennemis. Le blessé juif, laissé comme mort, est livré à la bienveillance du samaritain qu'il a toujours considéré comme un ennemi. De même, les hommes sont livrés à la bienveillance de celui qu'ils traitent souvent d'ennemi: car ils ne craignent pas de blesser Dieu comme ennemi, de lui dire qu'ils vivent très bien sans lui et qu'ils lui préfèrent d'autres dieux ou qu’ils veulent pas de leur dieu, Pourtant les mêmes crient ainsi: «Je t'appelle, Seigneur, sauve-moi» « Dieu qui fais justice, parais» « L'ennemi cherche ma perte, il foule au sol ma vie, le souffle en moi s'épuise» ; «Notre âme est rassasiée de mépris, nous sommes rassasiés du rire des satisfaits et du mépris des orgueilleux » ... Telle est la prière des pécheurs, des ennemis de Dieu. Le Christ voit la misère de son peuple : à l'égard du peuple qui le blesse, le Christ adopte le geste totalement miséricordieux du Samaritain. Et les innombrables blessés qui constatent « néant, le salut qui vient des hommes » mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur que de compter sur les hommes, s’exclament à la vue de Jésus: « Béni soit au nom du Seigneur, celui qui vient sauver son peuple ». Nous-mêmes, blessés, nous faisons cette louange à chaque messe et à chaque office de la Liturgie des Heures où nous proclamons « dans mon angoisse j'ai crié vers le Seigneur et lui m'a dégagé, mis au large », alors que j'étais son ennemi, que je ne savais que blasphémer et maudire ...

Après avoir parlé du Père de tous qui sauve même ses ennemis, je parle de nous. Ayant constaté que Dieu l'a soigné, chacun se dit « comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a fait? »A cela, l'Eglise répond: le Christ s'est fait ton prochain: fais-toi le prochain des autres. Le Christ samaritain s'est fait l'ami de ceux qui sont dépouillés par des brigands: fais-toi l'ami de ceux qui sont dépouillés par la société du chacun pour soi; le Christ samaritain a donné sa vie pour ses bourreaux: à ceux qui te blessent par leurs mesquineries, offre ton aide pour que grandisse ce qui est beau en eux; le Christ samaritain a fait de sa miséricorde l'hôtellerie de l'humanité blessée: fais de ta délicatesse une hôtellerie pour quiconque est mal dans sa peau. Bref, l'Eglise dit que Dieu nous a aimés le premier et que notre joie est de répondre à son amour. C'est ce que nous faisons d'une part en rendant grâce à la messe, et à la Liturgie des heures; c'est ce que nous faisons d'autre part en offrant aux hommes ce que Dieu nous a offert : Dieu nous a fait confiance : nous lui rendons grâce en faisant confiance aux frères ; Dieu nous a donné de l'espérance en nous faisant connaître Jésus: nous lui rendons grâce en faisant connaître Jésus aux autres; Dieu nous a relevés: nous lui rendons grâce en aidant les autres à être debout.

Bref, dans la messe et dans la liturgie des heures, nous est donné le fondement - la justification - de la diaconie que nous avons à exercer au service des frères: Puisque Dieu a pansé les plaies des hommes, il nous revient de panser les plaies des frères -voire des ennemis- . Pratique la religion celui qui soigne les plaies des autres.

Frères et sœurs, nous allons admirer comment le Christ nous a aimés et nous repartirons en sachant qu'il nous croit capables d'aimer comme lui les frères qui ont le même père que nous. Mais déjà, laissons approcher de nous ce samaritain qui s'appelle Jésus, laissons-le s'occuper de nos plaies; montrons-lui tout ce qui ne va pas en nous; laissons-le nous conduire à son auberge ... celle d'Emmaüs ... Puisqu'il est venu non pour les bien- portants mais pour les malades, qu'il dise seulement une parole -la parole du corps livré et du sang versé - et nous serons guéris. (2013-07-14)

Homélie du 13 juillet 2014 — 15e dim. ordinaire — Frère Sébastien
Cycle : Année A
Info :

Année A - 15° Dimanche du Temps Ordinaire

Is 55 10-11; Rom 8 18-26; Mt 13 1-23

Homélie du F.Sébastien

Texte :

« Heureux vos yeux, parce que! Heureuses vos oreilles, parce qu'elles entendent! »

Fermons un instant les yeux pour mieux voir le lac de Tibériade, dans sa fascinante beauté. Et l'homme qui s'est assis, assis au bord du lac... : « Jésus s'était assis au bord du lac». C'est la première phrase de notre évangile, et sa première phase.

C'est le petit matin, les foules ne l'ont pas encore rejoint. Jésus est seul, baigné dans le silence de la nature, à peine piqueté, de loin en loin, par quelques cris d'oiseaux, par les lointains éclats de voix de pêcheurs, qui, tout là-bas, lavent leurs filets.

Jésus contemple l'immensité liquide, comme un miroir où le ciel et la terre s'embrassent, d'un grand désir divin. Un temps de grand bonheur !'

Sa contemplation s'habille de la Parole qui l'habite. Sa Bible, il la connaît par cœur, elle parle en lui, un autre bonheur :

«Comme la pluie et la neige qui descendent des cieux et n'y retournent pas sans avoir fécondé la terre, ainsi ma parole.. .»... comme les neiges tombées sur le mont Hermon, comme les mille ruisseaux qui ont fait le Jourdain, qui vient remplir ce lac de Tibériade, ce réservoir des bénédictions célestes pour la terre de Palestine. .. Ainsi, ainsi... Mais déjà, en lui, la Parole s'est mise à répondre : « Père, tu visites la terre et tu l'abreuves, tu la combles de richesses. Tu arroses les sillons, tu bénis les semailles, les plaines se couvrent de blé.. .La terre donne cent pour un ! »

« Oui, Père, la parole qui sort de ta bouche ne te revient pas sans avoir accompli ta mission .. » Jésus, un peu inquiet quand même, se surprend à sourire, à se sourire à lui-même. Il n'est ni un naïf, ni un inconscient.

Mais sa prière est envahie de distractions. Parcourant des yeux le rivage bien connu, il se rappelle le jour, inoubliable, où, non loin de là, il a lancé sur l'eau sa première parole: « Venez à ma suite». Et les hommes ont saisi l'appât. Un beau coup de filet, quatre d'un coup, et des gros, qu'il a tirés hors de l'eau pour en faire des pêcheurs d'hommes! Nul ne devient pêcheur qui ne sait pas d'expérience ce que c'est que d'avoir été pêché! Et pêché par Jésus! Ils sont partis à la suite du maître Pêcheur d'hommes. ..

Une distraction a déjà remplacé la précédente. Je ne sais pas si cela vous dit quelque chose? En tous cas, pour les moines c'est souvent comme cela... Devant Jésus, à quelques mètres du bord, un banc de poissons évolue entre deux eaux, un vrai ballet aux mille paillettes, argent et bronze... A son insu, la Parole se met à leur parler, à jeter le grain qui appâte et annonce le Royaume: Jésus leur parle, comme aux quatre premiers, comme plus tard un certain François d'Assise prêchera aux oiseaux. Ces gens-là sont comme ça, ils ne peuvent pas s'empêcher. Heureux hommes!

Mais l'heure tourne, le soleil est plus haut dans le ciel. Il fait grand jour. Les poissons sont maintenant dans son dos: une foule s'est rassemblée derrière lui et le réclame. Il se retourne. La plage est noire de monde. On ne parle pas aux gens en leur tournant le dos! Jésus monte dans une barque, s'éloigne un peu du rivage...et s'assoit dans la barque face à la foule.

La deuxième phase de notre évangile vient de commencer.

Celui qui était assis sur terre face à la mer vient de s'asseoir sur la mer face à la terre. Que fait-il? Dans l'Évangile, à une exception près, quand on voit Jésus s'asseoir, c'est toujours, pour parler. Effectivement, il continue son discours interrompu. Mais autrement. De pêcheur par la parole, il devient semeur de parole. Et du même geste, ample, tournoyant, dont les quatre premiers appelés lançaient leur :filet dans l'eau, il lance à la volée le grain de sa parole sur la terre, en direction de la foule.

Les terrains des cœurs sont divers, plus ou moins préparés. il y a des «Lévi-viens vite!» qui se lèvent aussitôt, des Nicodème peureux qui traîneront, des Judas qui se durciront comme le roc, des Simon le Pharisien dans ses broussailles, des Marie de Magdala¬ Falbala, première manière, polychromes, qui se laveront dans leurs larmes d'amour fou, d'humbles veuves aux grand cœur, des jeunes femmes pures comme des sources de montagne... Un peu comme celle qui, quelque trente ans plus tôt, écoutait tellement fort, tellement libre, qu'en elle la parole s'est faite petit poisson dans les eaux maternelles de son ventre étonné. En pensant à cela, Jésus sourit, lui sourit de loin, se sourit aussi à lui-même.

Tous deux,

quelle aventure! Le Verbe et la chair. Le ciel et la terre se sont embrassés. De quoi en trembler aux siècles des siècles.

Oui, des femmes qui fructifient comme les vignes, des hommes qui portent semence comme les blés: trente, soixante, cent pour un !

Oui ! oui ! Heureux les yeux qui voient toute la beauté ruisselante du monde!

Heureuses les oreilles qui entendent le silence du Vent qui fait frissonner l'eau sur son passage!

Heureux les cœurs qui dansent, parce qu'ils entrent en résonance

avec l'immense chant de louange de la terre et du ciel,

ce chant qui, dès maintenant, va, s'amplifiant,

sur la terre comme au ciel. . .

Alors? Alors, faisons un instant de silence, pour mieux entendre la note

et entrer dans le chœur.

Homélie du 11 juillet 2014 — Saint Benoît — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

SAINT BENOIT 2014

(Pr 2, 1-9 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a)

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs,

Vous avez peut-être entendu un mot revenir plusieurs fois dans les lectures : c’est le mot « cœur ». « Incline ton cœur vers la vérité », « heureux les pauvres de cœur » « heureux les cœurs purs », « revêtez votre cœur de tendresse, de bonté, d’humilité »…. « Que dans vos cœurs règne la paix du Christ »… « Chantez à Dieu dans vos cœurs, votre reconnaissance »…Cette abondance de référence n’est pas fortuite en ce jour de St Benoit. Les lectures ont été choisies parce qu’elles permettent de retrouver le terreau biblique dans lequel Benoit a puisé pour écrire sa règle. Et le mot « cœur » est un mot important de la Règle, comme il l’est dans la bible.

« Incline ton cœur vers la vérité » dit le proverbe. « Incline l’oreille de ton cœur » retraduit Benoit au début de la Règle. Avec cette recommandation, il met à la disposition des moines un précieux instrument pour avancer dans la vie humaine et spirituelle. Incliner son oreille. Nous avons tous sous nos yeux la belle attitude, modeste et avenante, de la personne malentendante. Quand on lui parle, elle met la main derrière l’oreille en penchant légèrement la tête pour mieux entendre. Désireuse de ne pas perdre une parole, elle fait tout son possible pour demeurer dans l’échange. A son insu peut-être, elle honore celui qui parle en lui manifestant son plus vif intérêt. Son attitude ouverte et tendue vers l’autre témoigne du prix inestimable qu’a l’échange de paroles entre les humains.

C’est à un semblable mouvement intérieur que Benoit invite ses disciples quand il les exhorte à incliner l’oreille de leur cœur. Mouvement du cœur qui engage tout l’être dans une écoute de chaque instant. Il s’agit de ne pas perdre une parole, de rester à tout prix dans l’échange avec nos frères et avec Dieu…Car demeurer sous la Parole, demeurer dans la relation, c’est là notre joie la plus profonde. Et pourtant, curieusement ce n’est pas facile à vivre. Nous aimons entendre certaines paroles, mais nous peinons sérieusement à entendre les paroles qui nous interpellent ou nous bousculent dans nos évidences ou nos habitudes. A certains jours aussi, nous préférons notre tranquillité pour n’en faire qu’à notre tête, surtout qu’on ne vienne pas nous déranger. La Parole dérange notre façon de ranger notre vie, d’organiser notre emploi du temps, nos projets…Ici, la recommandation de Benoit, d’incliner l’oreille de notre cœur, nous rappelle à l’humilité. Nous sommes tous des malentendants. Une part de nous-même n’entend pas, et parfois même ne veut pas entendre…

Incliner l’oreille de notre cœur nous engage alors à un exercice quotidien. A l’égard du Seigneur : dans la liturgie, dans la prière personnelle et la lectio. Comment nous tenir, devant Celui qui nous parle avec amour, comme ce malentendant qui désire surtout ne pas perdre un seul mot de ce qu’il nous dit ? Comment lui permettre de nous rejoindre par sa Parole ? Et à l’égard de nos frères, comment nous tenir devant eux comme celui qui les honore, en prêtant vraiment attention à ce qu’ils nous disent, en étant ouvert même à ce qui nous dérange ? Merveilleux et difficile exercice de l’écoute qui est exercice de l’amour. Merveilleux et difficile exercice qui, cent fois repris et répétés jour après jour, avec son lot de ratés, nous apprend à « revêtir notre cœur de tendresse, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience »…Mystérieux exercice aussi qui nous creuse et qui éveille notre désir de mieux entendre encore quand nous réalisons combien nous sommes si malentendants.

Peu à peu, nous promet Benoit, « le cœur se dilate » (Prol. 49) en marchant sur la voie des commandements du Seigneur. C’est là notre espérance : un cœur dilaté parce que plus heureux, plus heureux d’être enfin pauvre dans la conscience d’être malentendant, plus heureux dans le désir de mieux entendre.

Que cette Eucharistie nous redonne force et courage, joie de nous tenir à l’écoute. Avec le Christ, nous entrons dans son mystère pascal de mort et résurrection. Lui la Parole, Le Verbe, s’est fait le grand écoutant de son Père jusqu’à la mort pour faire entrer avec lui dans une relation réconciliée avec son Père. Il nous sauve de nos surdités et nous entraine dans le don de nous-même.

(2014-07-11)

Homélie du 06 juillet 2014 — 14e dim. ordinaire — Frère Jean-Noël
Cycle : Année A
Info :

Année A - 6 juillet 2014 -- 14ème dimanche du Temps Ordinaire

Za 9,9-10; Rm 8,9.11-13; Mt 11,25-30

Homélie du F.Jean Noël

Texte :

Vacances. Se refaire. Se re-poser. Se poser. Je ne vais pas vous faire la promotion des plages de la dernière mode. Se poser, se re-poser, c’est plus sérieux que ça. C’est dit dès les premières pages de la Bible :

« Devant toi, bonheur et malheur »

« Tu te positionnes. Tu choisis »

Et cela court encore dans le livre des Psaumes :

« Sur Dieu, je prends appui. Plus rien ne me fait peur » Ps 55,12

« Je n’ai de repos qu’en Dieu seul » Ps 61, 2,6

Mais c’est le génie du grand saint Augustin d’en avoir frappé la formule à jamais :

« Tu nous as fait pour toi, Seigneur,

Et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi »

On l’a même mis en musique pour s’en enchanter la vie, et encore pour se donner courage ensemble quand on en prend le chemin, tant il est vrai que ce repos – compte tenu de ce que nous sommes – c’est, des fois, laborieux. Jésus lui-même s’en est vite aperçu :

« Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie » - « Venez ! Mais venez donc ». Voilà le repos : trouver, retrouver la position juste, faite pour se repositionner. Assurer son appui, mais pas sur n’importe quoi.

« S’appuyer sur le Seigneur plutôt que sur les puissants » Ps 117,8-9

Ne pas se donner un centre de gravité extravagant, dangereux, illusoire.

« Tu nous as faits pour Toi, Seigneur » - Fait pour

Mais aujourd’hui, Jésus prie : une bénédiction. Et même (Luc) une jubilation aux accents de Magnificat, et pour la même raison : le Tout Puissant fait des merveilles. Bonne nouvelle annoncée aux pauvres, aux petits.

« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je te bénis. Tu as caché cela aux sages et aux habiles. Tu l’as révélé aux touts petits »

Et c’est vrai – Jésus est en tout remué – avant même de les avoir invité (venez, vous verrez donc) il avait pu le constater : tous ces « petits » ployant sous le fardeau que leurs chefs religieux ne touchaient même pas du petit doigt, l’avaient pressentis, compris et, en foule, ils s’étaient précipités sur lui, à l’étouffer, à ne plus lui laisser le temps de manger. Des foules. Des foules. Au grand étonnement du Baptiste qui avait prévu un messie musclé faisant le grand ménage… et des chefs religieux choqués : comment, il mange avec ces gens là ? Tous des pécheurs ! Belle occasion pour Jésus de bien préciser sa mission :

« Je ne suis pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs »

« Venu pour » ; Pas : « contre ». « Pour » c’est partout dans l’Évangile. Et du coup les Évangélistes redécouvrent ces prophètes que le Baptiste avait peut- être oubliés, annonçant un messie pauvre, humble, pour les petits comme ce Zacharie de notre 1° lecture, ou comme Isaïe que Matthieu cite deux pages plus loin :

« Il ne disputera pas, il n’éteindra pas la mèche qui fume encore » Is 42 1-4

Venez les bénis de mon Père, vous les pauvres, les petits, trop lucides pour s’inventer cette pauvre action de grâce inversée que l’on sait :

« Moi, je jeûne, moi je paie la dîme, moi je.. »

Des habiles ou qui se croient tels, dit Jésus. Mais quelle sagesse de pacotille !!

- Comme si on avait à faire sa propre promotion : moi je sais, moi je peux, moi j’ai

- Comme si on avait quelque chose à prouver – à se prouver

- Comme si l’amour se marchandait, s’achetait

- Comme si tout cela n’était pas que fatigue et poursuite de vent !!

Avec Jésus, nous sommes à une autre école. Lui le Fils Bien Aimé du Père, le Fils tourné vers le Père, aimer, être aimé, lui il sait. Il a même était envoyé pour cette œuvre étonnante : nous faire entrer dans ce repos, dans cette jubilation évoquée par l’Évangile de ce jour. Nous chantions récemment cette hymne de Taizé :

« Intimité de Dieu

Ouverte sans mesure,

Pour accueillir, Ô merveille

Les hommes, ses créatures »

Et l’Évangile de dimanche prochain nous dira la prodigalité folle, ouverte, offerte à toutes nos terres de ronces et de caillasses. Oui sans mesure. Car bien sûr, il ne faut pas entendre de travers le mot de Jésus : le Père qui cacherait à certains ce qu’il révèle à d’autres. Nous-mêmes savons bien dire : « le soleil se couche » sans que cela ne trompe personne. Tout le monde le sait : c’est la faute à nos nuages ; le soleil, lui brille imperturbable, jour et nuit, toujours offert, aux méchants comme aux bons.

« Intimité de Dieu

Ouverte sans mesure,

Pour accueillir, Ô merveille

Les hommes, ses créatures »

C’est là « le cœur de l’Évangile », l’annonce fondamentale.

Il nous faut y revenir sans cesse, comme le rappelle fortement le pape François, tout au long de son exhortation apostolique : « la joie de l’Évangile »

Mais l’avez-vous lue ? Il faut !

Ce serait d’ailleurs, je ne dis pas un bon devoir de vacances !

Non, mais un bonheur de vacances. Essayez voir!

Vous verrez, à longueur de pages, le pape nous recentre, nous recadre sur ce qu’au n° 114, il appelle : « la bonne vie de l’Évangile ». « Bonne vie » ? Pas au sens de vie bonasse ! Comme on dit le bon Pasteur – le vrai – la vraie vie pour en retrouver - encore deux mots à lui : « la fraicheur », « le parfum » et bien sûr la joie, le repos. On est fait pour !!

Là pour terminer, comment ne pas rappeler les tout derniers mots du Concile Vatican II. Lui aussi prétendait bien recentrer nos vies sur le Christ.

Oui, a-t-on assez retenu ces derniers mots : le discours de clôture de la dernière séance – 7 décembre 1965 – de Paul VI. Et plus précisément, en finale, la citation qu’il fait de st Augustin encore lui :

« S’éloigner du Christ, c’est périr (mais qu’on peut tourner en prière)

« Ô Christ,

S’éloigner de toi

C’est périr !

Se tourner vers toi,

C’est ressusciter !

Demeurer en toi,

C’est être inébranlable !

Habiter en toi,

C’est vivre !

Et pour nous maintenant marcher doucement pour communier au Corps et au sang du Christ, ce sera quoi ? (2014-07-06)