Homélies
Liste des Homélies
Année A - 15° Dimanche du Temps Ordinaire
Is 55 10-11; Rom 8 18-26; Mt 13 1-23
Homélie du F.Sébastien
« Heureux vos yeux, parce que! Heureuses vos oreilles, parce qu'elles entendent! »
Fermons un instant les yeux pour mieux voir le lac de Tibériade, dans sa fascinante beauté. Et l'homme qui s'est assis, assis au bord du lac... : « Jésus s'était assis au bord du lac». C'est la première phrase de notre évangile, et sa première phase.
C'est le petit matin, les foules ne l'ont pas encore rejoint. Jésus est seul, baigné dans le silence de la nature, à peine piqueté, de loin en loin, par quelques cris d'oiseaux, par les lointains éclats de voix de pêcheurs, qui, tout là-bas, lavent leurs filets.
Jésus contemple l'immensité liquide, comme un miroir où le ciel et la terre s'embrassent, d'un grand désir divin. Un temps de grand bonheur !'
Sa contemplation s'habille de la Parole qui l'habite. Sa Bible, il la connaît par cœur, elle parle en lui, un autre bonheur :
«Comme la pluie et la neige qui descendent des cieux et n'y retournent pas sans avoir fécondé la terre, ainsi ma parole.. .»... comme les neiges tombées sur le mont Hermon, comme les mille ruisseaux qui ont fait le Jourdain, qui vient remplir ce lac de Tibériade, ce réservoir des bénédictions célestes pour la terre de Palestine. .. Ainsi, ainsi... Mais déjà, en lui, la Parole s'est mise à répondre : « Père, tu visites la terre et tu l'abreuves, tu la combles de richesses. Tu arroses les sillons, tu bénis les semailles, les plaines se couvrent de blé.. .La terre donne cent pour un ! »
« Oui, Père, la parole qui sort de ta bouche ne te revient pas sans avoir accompli ta mission .. » Jésus, un peu inquiet quand même, se surprend à sourire, à se sourire à lui-même. Il n'est ni un naïf, ni un inconscient.
Mais sa prière est envahie de distractions. Parcourant des yeux le rivage bien connu, il se rappelle le jour, inoubliable, où, non loin de là, il a lancé sur l'eau sa première parole: « Venez à ma suite». Et les hommes ont saisi l'appât. Un beau coup de filet, quatre d'un coup, et des gros, qu'il a tirés hors de l'eau pour en faire des pêcheurs d'hommes! Nul ne devient pêcheur qui ne sait pas d'expérience ce que c'est que d'avoir été pêché! Et pêché par Jésus! Ils sont partis à la suite du maître Pêcheur d'hommes. ..
Une distraction a déjà remplacé la précédente. Je ne sais pas si cela vous dit quelque chose? En tous cas, pour les moines c'est souvent comme cela... Devant Jésus, à quelques mètres du bord, un banc de poissons évolue entre deux eaux, un vrai ballet aux mille paillettes, argent et bronze... A son insu, la Parole se met à leur parler, à jeter le grain qui appâte et annonce le Royaume: Jésus leur parle, comme aux quatre premiers, comme plus tard un certain François d'Assise prêchera aux oiseaux. Ces gens-là sont comme ça, ils ne peuvent pas s'empêcher. Heureux hommes!
Mais l'heure tourne, le soleil est plus haut dans le ciel. Il fait grand jour. Les poissons sont maintenant dans son dos: une foule s'est rassemblée derrière lui et le réclame. Il se retourne. La plage est noire de monde. On ne parle pas aux gens en leur tournant le dos! Jésus monte dans une barque, s'éloigne un peu du rivage...et s'assoit dans la barque face à la foule.
La deuxième phase de notre évangile vient de commencer.
Celui qui était assis sur terre face à la mer vient de s'asseoir sur la mer face à la terre. Que fait-il? Dans l'Évangile, à une exception près, quand on voit Jésus s'asseoir, c'est toujours, pour parler. Effectivement, il continue son discours interrompu. Mais autrement. De pêcheur par la parole, il devient semeur de parole. Et du même geste, ample, tournoyant, dont les quatre premiers appelés lançaient leur :filet dans l'eau, il lance à la volée le grain de sa parole sur la terre, en direction de la foule.
Les terrains des cœurs sont divers, plus ou moins préparés. il y a des «Lévi-viens vite!» qui se lèvent aussitôt, des Nicodème peureux qui traîneront, des Judas qui se durciront comme le roc, des Simon le Pharisien dans ses broussailles, des Marie de Magdala¬ Falbala, première manière, polychromes, qui se laveront dans leurs larmes d'amour fou, d'humbles veuves aux grand cœur, des jeunes femmes pures comme des sources de montagne... Un peu comme celle qui, quelque trente ans plus tôt, écoutait tellement fort, tellement libre, qu'en elle la parole s'est faite petit poisson dans les eaux maternelles de son ventre étonné. En pensant à cela, Jésus sourit, lui sourit de loin, se sourit aussi à lui-même.
Tous deux,
quelle aventure! Le Verbe et la chair. Le ciel et la terre se sont embrassés. De quoi en trembler aux siècles des siècles.
Oui, des femmes qui fructifient comme les vignes, des hommes qui portent semence comme les blés: trente, soixante, cent pour un !
Oui ! oui ! Heureux les yeux qui voient toute la beauté ruisselante du monde!
Heureuses les oreilles qui entendent le silence du Vent qui fait frissonner l'eau sur son passage!
Heureux les cœurs qui dansent, parce qu'ils entrent en résonance
avec l'immense chant de louange de la terre et du ciel,
ce chant qui, dès maintenant, va, s'amplifiant,
sur la terre comme au ciel. . .
Alors? Alors, faisons un instant de silence, pour mieux entendre la note
et entrer dans le chœur.
SAINT BENOIT 2014
(Pr 2, 1-9 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a)
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Vous avez peut-être entendu un mot revenir plusieurs fois dans les lectures : c’est le mot « cœur ». « Incline ton cœur vers la vérité », « heureux les pauvres de cœur » « heureux les cœurs purs », « revêtez votre cœur de tendresse, de bonté, d’humilité »…. « Que dans vos cœurs règne la paix du Christ »… « Chantez à Dieu dans vos cœurs, votre reconnaissance »…Cette abondance de référence n’est pas fortuite en ce jour de St Benoit. Les lectures ont été choisies parce qu’elles permettent de retrouver le terreau biblique dans lequel Benoit a puisé pour écrire sa règle. Et le mot « cœur » est un mot important de la Règle, comme il l’est dans la bible.
« Incline ton cœur vers la vérité » dit le proverbe. « Incline l’oreille de ton cœur » retraduit Benoit au début de la Règle. Avec cette recommandation, il met à la disposition des moines un précieux instrument pour avancer dans la vie humaine et spirituelle. Incliner son oreille. Nous avons tous sous nos yeux la belle attitude, modeste et avenante, de la personne malentendante. Quand on lui parle, elle met la main derrière l’oreille en penchant légèrement la tête pour mieux entendre. Désireuse de ne pas perdre une parole, elle fait tout son possible pour demeurer dans l’échange. A son insu peut-être, elle honore celui qui parle en lui manifestant son plus vif intérêt. Son attitude ouverte et tendue vers l’autre témoigne du prix inestimable qu’a l’échange de paroles entre les humains.
C’est à un semblable mouvement intérieur que Benoit invite ses disciples quand il les exhorte à incliner l’oreille de leur cœur. Mouvement du cœur qui engage tout l’être dans une écoute de chaque instant. Il s’agit de ne pas perdre une parole, de rester à tout prix dans l’échange avec nos frères et avec Dieu…Car demeurer sous la Parole, demeurer dans la relation, c’est là notre joie la plus profonde. Et pourtant, curieusement ce n’est pas facile à vivre. Nous aimons entendre certaines paroles, mais nous peinons sérieusement à entendre les paroles qui nous interpellent ou nous bousculent dans nos évidences ou nos habitudes. A certains jours aussi, nous préférons notre tranquillité pour n’en faire qu’à notre tête, surtout qu’on ne vienne pas nous déranger. La Parole dérange notre façon de ranger notre vie, d’organiser notre emploi du temps, nos projets…Ici, la recommandation de Benoit, d’incliner l’oreille de notre cœur, nous rappelle à l’humilité. Nous sommes tous des malentendants. Une part de nous-même n’entend pas, et parfois même ne veut pas entendre…
Incliner l’oreille de notre cœur nous engage alors à un exercice quotidien. A l’égard du Seigneur : dans la liturgie, dans la prière personnelle et la lectio. Comment nous tenir, devant Celui qui nous parle avec amour, comme ce malentendant qui désire surtout ne pas perdre un seul mot de ce qu’il nous dit ? Comment lui permettre de nous rejoindre par sa Parole ? Et à l’égard de nos frères, comment nous tenir devant eux comme celui qui les honore, en prêtant vraiment attention à ce qu’ils nous disent, en étant ouvert même à ce qui nous dérange ? Merveilleux et difficile exercice de l’écoute qui est exercice de l’amour. Merveilleux et difficile exercice qui, cent fois repris et répétés jour après jour, avec son lot de ratés, nous apprend à « revêtir notre cœur de tendresse, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience »…Mystérieux exercice aussi qui nous creuse et qui éveille notre désir de mieux entendre encore quand nous réalisons combien nous sommes si malentendants.
Peu à peu, nous promet Benoit, « le cœur se dilate » (Prol. 49) en marchant sur la voie des commandements du Seigneur. C’est là notre espérance : un cœur dilaté parce que plus heureux, plus heureux d’être enfin pauvre dans la conscience d’être malentendant, plus heureux dans le désir de mieux entendre.
Que cette Eucharistie nous redonne force et courage, joie de nous tenir à l’écoute. Avec le Christ, nous entrons dans son mystère pascal de mort et résurrection. Lui la Parole, Le Verbe, s’est fait le grand écoutant de son Père jusqu’à la mort pour faire entrer avec lui dans une relation réconciliée avec son Père. Il nous sauve de nos surdités et nous entraine dans le don de nous-même.
(2014-07-11)
Année A - 6 juillet 2014 -- 14ème dimanche du Temps Ordinaire
Za 9,9-10; Rm 8,9.11-13; Mt 11,25-30
Homélie du F.Jean Noël
Vacances. Se refaire. Se re-poser. Se poser. Je ne vais pas vous faire la promotion des plages de la dernière mode. Se poser, se re-poser, c’est plus sérieux que ça. C’est dit dès les premières pages de la Bible :
« Devant toi, bonheur et malheur »
« Tu te positionnes. Tu choisis »
Et cela court encore dans le livre des Psaumes :
« Sur Dieu, je prends appui. Plus rien ne me fait peur » Ps 55,12
« Je n’ai de repos qu’en Dieu seul » Ps 61, 2,6
Mais c’est le génie du grand saint Augustin d’en avoir frappé la formule à jamais :
« Tu nous as fait pour toi, Seigneur,
Et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi »
On l’a même mis en musique pour s’en enchanter la vie, et encore pour se donner courage ensemble quand on en prend le chemin, tant il est vrai que ce repos – compte tenu de ce que nous sommes – c’est, des fois, laborieux. Jésus lui-même s’en est vite aperçu :
« Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie » - « Venez ! Mais venez donc ». Voilà le repos : trouver, retrouver la position juste, faite pour se repositionner. Assurer son appui, mais pas sur n’importe quoi.
« S’appuyer sur le Seigneur plutôt que sur les puissants » Ps 117,8-9
Ne pas se donner un centre de gravité extravagant, dangereux, illusoire.
« Tu nous as faits pour Toi, Seigneur » - Fait pour
Mais aujourd’hui, Jésus prie : une bénédiction. Et même (Luc) une jubilation aux accents de Magnificat, et pour la même raison : le Tout Puissant fait des merveilles. Bonne nouvelle annoncée aux pauvres, aux petits.
« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je te bénis. Tu as caché cela aux sages et aux habiles. Tu l’as révélé aux touts petits »
Et c’est vrai – Jésus est en tout remué – avant même de les avoir invité (venez, vous verrez donc) il avait pu le constater : tous ces « petits » ployant sous le fardeau que leurs chefs religieux ne touchaient même pas du petit doigt, l’avaient pressentis, compris et, en foule, ils s’étaient précipités sur lui, à l’étouffer, à ne plus lui laisser le temps de manger. Des foules. Des foules. Au grand étonnement du Baptiste qui avait prévu un messie musclé faisant le grand ménage… et des chefs religieux choqués : comment, il mange avec ces gens là ? Tous des pécheurs ! Belle occasion pour Jésus de bien préciser sa mission :
« Je ne suis pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs »
« Venu pour » ; Pas : « contre ». « Pour » c’est partout dans l’Évangile. Et du coup les Évangélistes redécouvrent ces prophètes que le Baptiste avait peut- être oubliés, annonçant un messie pauvre, humble, pour les petits comme ce Zacharie de notre 1° lecture, ou comme Isaïe que Matthieu cite deux pages plus loin :
« Il ne disputera pas, il n’éteindra pas la mèche qui fume encore » Is 42 1-4
Venez les bénis de mon Père, vous les pauvres, les petits, trop lucides pour s’inventer cette pauvre action de grâce inversée que l’on sait :
« Moi, je jeûne, moi je paie la dîme, moi je.. »
Des habiles ou qui se croient tels, dit Jésus. Mais quelle sagesse de pacotille !!
- Comme si on avait à faire sa propre promotion : moi je sais, moi je peux, moi j’ai
- Comme si on avait quelque chose à prouver – à se prouver
- Comme si l’amour se marchandait, s’achetait
- Comme si tout cela n’était pas que fatigue et poursuite de vent !!
Avec Jésus, nous sommes à une autre école. Lui le Fils Bien Aimé du Père, le Fils tourné vers le Père, aimer, être aimé, lui il sait. Il a même était envoyé pour cette œuvre étonnante : nous faire entrer dans ce repos, dans cette jubilation évoquée par l’Évangile de ce jour. Nous chantions récemment cette hymne de Taizé :
« Intimité de Dieu
Ouverte sans mesure,
Pour accueillir, Ô merveille
Les hommes, ses créatures »
Et l’Évangile de dimanche prochain nous dira la prodigalité folle, ouverte, offerte à toutes nos terres de ronces et de caillasses. Oui sans mesure. Car bien sûr, il ne faut pas entendre de travers le mot de Jésus : le Père qui cacherait à certains ce qu’il révèle à d’autres. Nous-mêmes savons bien dire : « le soleil se couche » sans que cela ne trompe personne. Tout le monde le sait : c’est la faute à nos nuages ; le soleil, lui brille imperturbable, jour et nuit, toujours offert, aux méchants comme aux bons.
« Intimité de Dieu
Ouverte sans mesure,
Pour accueillir, Ô merveille
Les hommes, ses créatures »
C’est là « le cœur de l’Évangile », l’annonce fondamentale.
Il nous faut y revenir sans cesse, comme le rappelle fortement le pape François, tout au long de son exhortation apostolique : « la joie de l’Évangile »
Mais l’avez-vous lue ? Il faut !
Ce serait d’ailleurs, je ne dis pas un bon devoir de vacances !
Non, mais un bonheur de vacances. Essayez voir!
Vous verrez, à longueur de pages, le pape nous recentre, nous recadre sur ce qu’au n° 114, il appelle : « la bonne vie de l’Évangile ». « Bonne vie » ? Pas au sens de vie bonasse ! Comme on dit le bon Pasteur – le vrai – la vraie vie pour en retrouver - encore deux mots à lui : « la fraicheur », « le parfum » et bien sûr la joie, le repos. On est fait pour !!
Là pour terminer, comment ne pas rappeler les tout derniers mots du Concile Vatican II. Lui aussi prétendait bien recentrer nos vies sur le Christ.
Oui, a-t-on assez retenu ces derniers mots : le discours de clôture de la dernière séance – 7 décembre 1965 – de Paul VI. Et plus précisément, en finale, la citation qu’il fait de st Augustin encore lui :
« S’éloigner du Christ, c’est périr (mais qu’on peut tourner en prière)
« Ô Christ,
S’éloigner de toi
C’est périr !
Se tourner vers toi,
C’est ressusciter !
Demeurer en toi,
C’est être inébranlable !
Habiter en toi,
C’est vivre !
Et pour nous maintenant marcher doucement pour communier au Corps et au sang du Christ, ce sera quoi ? (2014-07-06)
Année A - 29 juin 2014 - Saint Pierre-Saint Paul -
Jubilé et homélie du F.Michel
Pour vous, qui suis-je? Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant, répond Pierre à Jésus.
Qui es-tu, Seigneur? Je suis Jésus que tu persécutes, répond le Christ à Paul.
Pierre, Paul, deux hommes bien différents, par leurs origines, leur caractère. L'un de Capharnaüm, en Galilée, l'autre, de Tarse en Asie mineure, juif de la diaspora et citoyen romain. Simon recevra le nom de Pierre. Il est marié, pêcheur de son métier, rude à la tâche; homme de belle spontanéité. Saul sera appelé Paul. Il est célibataire, combat les chrétiens au nom de sa foi juive; homme droit en sa conscience. L'un, simple, l'autre plus érudit. Apparemment, rien ne les prédispose à se rencontrer, encore moins à collaborer pour une même cause.
Or, ils vont avoir quelque chose en commun qui les rapprochera dans un même idéal: ce quelque chose, c'est en fait quelqu'un, Jésus.
Jésus qui, au début de son ministère public marche sur le rivage de la mer de Galilée; il fait signe et appelle les quatre premiers disciples, Simon-Pierre, André, Jacques, Jean, les invitant: "Venez à ma suite, je ferai de vous des pêcheurs d'hommes". Aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivent. Matthieu le douanier, et sept autres entendront l'appel et y répondront généreusement.
Quelques années plus tard, le même Jésus se manifeste sur le chemin de Damas pour signifier à Saul ce à quoi il le destine: annoncer aux païens la Bonne Nouvelle de l'Evangile. Abandonnant sa haine envers les chrétiens, Saul se laisse conduire jusqu'à Ananie pour être catéchisé en préambule de sa mission. Il devient l'apôtre Paul.
Puissance de l'invitation du Seigneur, étonnante et merveilleuse : quelques mots, un signe, un geste, un regard, s'ils sollicitent les sens, l'ouïe, la vue. Bien plus, ils pénètrent et imprègnent le cœur de ces hommes et provoquent en eux une authentique conversion: ils reconnaissent en Jésus le Fils de Dieu et se mettent à son école. Tout comme les pèlerins d'Emmaüs. Si dans un premier temps, la perception du Ressuscité ne leur est pas manifeste, cependant, "leur cœur est tout brûlant en chemin tandis qu'il leur parle et leur explique les Ecritures"
Tout quitter: cela ne va pas toujours de soi: non seulement laisser les choses matérielles, mais renoncer à sa volonté propre, abandonner ses projets! une véritable aventure: "ad venire", ce qui est à venir, que l'on ne connait pas par avance. Ni les joies, ni les tribulations qui arriveront, les étapes qui nous seront proposées. La confiance repose sur Jésus-Christ.
Dans sa lettre aux Colossiens, Paul énumère un nombre impressionnant de désagréments qui lui sont arrivés au cours de ses voyages, les dangers encourus : "Souvent, j'ai été à la mort; trois fois j'ai été flagellé, une fois lapidé, trois fois j'ai fait naufrage, il m'est arrivé de passer un jour et une nuit dans l'abîme. Voyages sans nombre, danger des rivières, des brigands, de mes compatriotes, des païens, de la ville, du désert, de la mer, des faux - frères". De ses faiblesses, il demande au Seigneur d’être libéré. Celui-ci répond : « Ma grâce te suffit ».
Comme il le dit autre part :" Le Seigneur est fidèle, il ne permettra pas que vous soyez
éprouvés, tentés au-delà de vos forces."
Pierre a douté, il a renié son Maitre. Paul a été persécuteur, mais par grâce, malgré cela, ils sont devenus les fondateurs de l'Eglise de Jésus-Christ et les porteurs de l'évangile jusqu'aux confins du monde. Ils sont nos modèles et nous disent que tout est possible à condition que nous soyons à l'écoute de Dieu et les témoins de son amour. Chacun de nous suivons notre route: elle est rectiligne ou sinueuse, lumineuse ou comportant des zones d'ombre. Si nous savons nous tourner vers le Seigneur, alors il nous guide et ne ménage pas ses efforts pour que nous vivions dans la paix, dans la certitude de l'amour reçu et partagé.
En cette fête des apôtres, aux vêpres, nous chantons cette belle hymne du frère Pierre-Yves :
Puissance de ta miséricorde, ô Jésus, Fils de Dieu.
A ce disciple qui t'avait renié, tu confies la porte des cieux,
Et le persécuteur de ton Eglise, le voici qui la sème en tout lieu!
Victoire qu'a préparée ta grâce et que scelle ta croix:
De Simon-Pierre vacillant sur les eaux, tu as fait le roc de la foi,
Le chef et le berger de tous ses frères, le veilleur qui les garde en tes voies.
Toi seul pouvais discerner l'Apôtre dans l'ardent pharisien.
Et Paul n'aspire qu'à tout perdre pour toi, car ton souffle anime le sien.
Il explore et découvre à tous les peuples l'infini du royaume qui vient.
Heureux ce jour où les deux apôtres t'ont suivi dans la mort
Tu les accueilles dans l'offrande pascale de ton sang versé pour ton Corps
Ils partagent ta joie et ta lumière, leur louange a trouvé son essor.
Encore quelques mots.
Dans la seconde lecture entendue, la lettre à Timothée, Paul affirme sa foi, son espérance et sa reconnaissance envers le Seigneur: "II m'a assisté et m'a rempli de force pour que je puisse, jusqu'au bout, annoncer l'Evangile et le faire entendre à toutes les nations païennes".
Mais il a tout de même ces mots terribles: "Tous m'ont abandonné"
Nous pouvons penser à ceux qui, aujourd'hui sont abandonnés : les enfants maltraités et les personnes âgées délaissées, les sans-abris et les chômeurs, les peuples opprimés, contraints de fuir leur pays.
Pour ma part :
71 années de vie commencée en Champagne.
50 années d'engagement au Monastère, le vœu de stabilité !!!
40 années de Sacerdoce.
Châlons, la Pierre-qui-Vire ; Trêves en Allemagne; Paris.
Madagascar, Masina-Maria ; Le Congo, la Bouenza ; Haïti, le Mon St Benoit.
Mes parents, mes frère et sœurs, toute ma famille. Mes Pères Abbés Denis, Damase,
Luc, mes frères moines. Mes amis, ceux qui sont ici présents, ceux qui sont au loin, unis
en pensée.
Le Seigneur Jésus.
Jamais personne ne m'a abandonné.
Un mot que je dis avec chaleur : Merci à vous tous.
Adaptant le psaume 115 : Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a fait?
Comment vous rendrais-je le bien que vous m'avez fait?
J'élèverai la coupe du salut et je rendrai grâce au Seigneur".
C'est le sens de notre rassemblement de ce jour communautaire, familial, amical,
le sens de cette Eucharistie.
(2014-06-29)
Année A - SACRE-COEUR -
27 Juin 2014
Dt 7, 6-11 ; 1 Jn 4, 7-16 ; Mt 11, 25-30
Homélie du Père Abbé Luc
« Je suis doux et humble de cœur ». Cette parole, frères et sœurs, est une précieuse lumière pour contempler de manière juste le cœur transpercé de Jésus en Croix. Sacré cœur, cœur sacré, totalement consacré à Dieu son Père, cœur totalement donné à nous les hommes…Le don de Jésus est total parce que profondément humble et abandonné dans la douceur. Pas d’aigreur, pas de repli sur soi, pas de ressentiment…un abandon total à la volonté de son Père…Nous comprenons mieux peut-être pourquoi nos prédécesseurs dans la foi ont si souvent aimé représenter le Christ en Croix, avec son côté blessé, en faisant appel à toutes les ressources de l’art. Ils reconnaissaient là une icône incomparable de l’amour de Dieu, icône offerte à notre contemplation…Icône paradoxale où la beauté ne se laisse entrevoir qu’à travers l’horrible image d’un homme supplicié. Notre mouvement premier est de rejeter une telle image, scandale de la croix et de la souffrance qu’on ne peut ainsi exhiber…Mais si nous reconnaissons là l’expression d’une profonde humilité, nous entrevoyons combien ce cœur transpercé est une porte entrouverte sur le propre mystère e notre Dieu, mystère d’amour et d’humilité. Aussi avec raison, la liturgie peut nous faire chanter « Regardons celui que nous avons transpercé, approchons du cœur de Dieu ».
« Venez à moi » disait Jésus dans l’évangile… Ces paroles qui pourraient paraitre prétentieuses dans la bouche de n’importe quel mortel, s’éclaire à la lumière de la croix. Le maitre qui appelait à lui ses disciples n’a pas cherché à faire du nombre, ni à conquérir telle place d’honneur dans la société d’alors. Il a porté haut une parole exigeante et dérangeante au nom de Dieu son Père. Cela l’a conduit à mourir « maudit » sur une croix. Là se révèle toute la portée de son enseignement : la manifestation d’un amour gratuit à travers l’offrande de sa vie pour les pécheurs que nous sommes. Jean le disait avec ces propres mots : « Voilà à quoi se reconnait l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils qui est la victime offerte pour nos péchés »…En venant à Jésus en croix, nous apprenons cette Bonne Nouvelle.
« Devenez mes disciples ». Cette parole retentit peut-être avec le plus de force depuis la croix. Depuis la croix, nous saisissons vraiment ce que signifie être le disciple de Jésus : aimer, nous donner totalement. Rude chemin qui peut nous effrayer. Mais Jésus ajoute : mon joug est facile, mon fardeau léger…Jésus n’est pas un enrôleur. Il ne contraint pas. Il désire seulement nous éveiller au mystère de l’amour dont il vit lui-même dans la relation avec son Père. Mystère d’amour, de don d’humilité, mystère de douceur. Jésus nous invite chacun là où nous en sommes à devenir davantage ses disciples, c’est-à-dire à trouver maintenant la juste mesure de nous donner. Apprendre à nous donner vraiment, en consentant à ce que cela nous coûte parfois. Ce don n’a rien de volontariste, mais nous le recevons de l’Esprit Saint, le maitre intérieur qui nous enseigne et l’humilité, et la douceur et le don de nous-même… (2014-06-27)
Trinité. 2014
Homélie du F.Denis
Cette homélie du dimanche de la Sainte Trinité voudrait être pour
vous un moment heureux. Pourquoi heureux? Parce qu'il s'agit de
Dieu, la cause de notre Joie. Je sais bien qu'une homélie dominicale
doit être brève, alors qu'il faut la vie entière pour mieux comprendre
ce qui est contenu dans ce mot Trinité. Il y faudra même l'éternité. Je
sais aussi que le mot Trinité peut intriguer, étonner, avec ces chiffres
3 et 1 associés pour dire la tri-Unité de Dieu, L'Unique. Je sais
encore que beaucoup d'être humains ne s'intéressent pas à notre Dieu
Trinité, ils n'en ont jamais entendu parler.
Comment Dieu s'y est-il donc pris pour nous parler de sa propre
vie?
Pour se faire connaître de nous, Dieu utilise des réalités dont nous
avons conscience et il procède en trois temps.
1. Il part de ce sentiment qui nous habite : la crainte devant ce qui
nous dépasse. Qui ne craint les orages foudroyant ? Qui ne craint les
tempêtes ? Qui ne craint les déserts et leurs vents desséchants que rien
n'arrête? Et voici, dans la Bible, orages, tempêtes, désert tenant
presque un premier rôle dans la vie humaine pour la délivrer, elle si
craintive, de toute fausse religion « naturelle », peuplée d'idoles.
2. L'homme ne craint pas moins celui ou ceux qui ont un grand
pouvoir, les pleins pouvoirs, dit-on en politique. La Bible dira de Dieu
qu'il est bon de le craindre. Dieu seul est vraiment le Tout Puissant et
on ne peut se moquer de Lui.
3. Mais avec les Prophètes, avec Jésus, voici que Dieu, dans ses
relations avec l'homme, fait passer celui-ci de la crainte à l'amour.
Dieu le Très Haut se fait le Très Bas, il n'est plus regardé seulement
comme vivant au dessus de nous, il est l'un de nous, totalement avec
nous. Il prend même la dernière place et, tel un serviteur qui connaît
bien son maître, lui redit les mots les plus simples de la vie humaine,
ceux que chacun doit et peut comprendre de sa propre vie : père, fils,
souffle.
Ces mots fondamentaux disent à chacun la merveille de recevoir la
vie d'un père et d'une mère, d'être fils mais un fils capable de quitter
son père et sa mère pour que, ayant vécu la phase enfantine, il puisse
entrer dans l'âge adulte et devenir à son tour père et mère, témoins du
souffle vie qui se transmet même s'il ne saurait durer toujours: il
arrive à ce souffle vital de se faire rare, puis de s'éteindre, dernier
souffle.
Dieu avait son dessein en créant l'homme à son image et à sa
ressemblance, et ces trois mots, père, fils et souffle, sont pour
l 'homme ceux de l'apprentissage de ce que Dieu voulait être pour
nous, et le Très Haut qui, sans cesser de l'être, décide de vivre à notre
niveau d'homme, et, prodige imprévisible aux plus ambitieux, offre à
l 'homme de pénétrer au plus intime de son être, là où le souffle fait
vivre: la vie divine est devenue la nôtre : nous respirons au rythme de
Dieu. Quand Dieu nous dit« Tu es mon Fils », nous répondons« Tu
es mon Père ». Disant cela, avons-nous tout dit? Oui, si notre vie en
est changée pratiquement dans une pratique aussi continuelle que la
respiration peut l'être. La Trinité divine est là, échange d'amour en
Dieu et échange d'amour entre Dieu et l'humanité. La vie humaine est
devenue une vie Trinitaire, et des hommes à ce point divinisés ne
peuvent être que fraternels.
Un exemple qui vous étonnera. Il y a dans le métro parisien une
station qui a pour nom Trinité et, en sous titre, Estienne d'Orves.
Officier de Marine, en 1941 est à Londres. Envoyé en France pour
obtenir de secrets de guerre, il est trahi par un compagnon, arrêté,
condamné à mort. Dans ces situations de grand danger, que fait-on ?
Un Testament pour dire merci et pardon. Estienne d'Orves le fait et
encourage épouse et enfants à toujours servir quoiqu'il en coûtera.
Puis au dernier moment, quel désir sinon donner à qui est allé notre
cœur, un dernier signe, un dernier baiser. Voici Estienne d'Orves
parvenu à cet instant. Avant d'avoir les mains liées au poteau, il fait
un pas vers le lieutenant allemand qui allait commander le tir d'un mot
bref, Feu ! Jésus avait eu ce même mot, feu, non pour tuer mais pour
ouvrir la terre au feu de l'amour. Estienne d'Orves s'est avancé,
regarde l'officier allemand, l'embrasse.
Feu!
Un Frère, un chrétien, venait de faire ce que Jésus a commandé,
aimer tout homme, fût-il votre ennemi.
Heureuse trinité.
(2014-06-15)
PENTECÔTE 8 juin 2014
Ac 2,1-11; 1 Co 12, 3b7.12-13 ; Jn 20, 19-23
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Vous avez peut-être remarqué comme moi, cette belle affirmation de Paul : « Sans le Saint Esprit, personne n’est capable de dire : « Jésus est le Seigneur ». Sans le Saint Esprit… Et l’on pourrait allonger la liste des exemples tirés de l’Ecriture de tout ce que, sans le Saint Esprit, nous ne pouvons pas faire. Paul dira que, sans le Saint Esprit, nous ne savons pas prier comme il faut. La première lecture tirée des Actes des Apôtres nous fait comprendre que sans le Saint Esprit nous ne sommes pas capables de communiquer vraiment entre nos diverses cultures ni de créer l’unité entre les peuples…L’évangéliste Jean suggère que sans le Saint Esprit donné par Jésus, l’homme ne peut remettre les péchés à son frère, ce qui n’appartient qu’à Dieu seul…
« Sans le Saint Esprit »…Nous avons là le témoignage de la foi des premiers chrétiens qui se sont découverts capables de nouvelles possibilités. Après la Résurrection et l’Ascension de Jésus, ils ont fait l’expérience d’une autre proximité de Dieu, à travers le don de son Esprit…Ils ont pris alors conscience de tout ce que cela changeait dans leur vie…Le don de l’Esprit a changé leur manière de vivre, de voir les choses, de penser… Dans leur vie, il y a eu un avant et un après…un passage de l’incompréhension peureuse à la joyeuse assurance.
« Sans le Saint Esprit »…Et si cette expérience des premiers chrétiens pouvait raviver notre propre expérience de l’Esprit Saint ? Nous avons reçu le Saint Esprit lors de notre baptême et de notre confirmation. Mais nous ne l’avons pas reçu comme un cadeau que l’on peut mettre ensuite dans un coin de la maison. Nous avons reçu le Saint Esprit comme on reçoit une personne vivante, Lui personne divine de la Sainte Trinité. Une personne discrète qui, loin de se mettre en avant, se met à notre service. Depuis notre baptême et notre confirmation, le Saint Esprit s’invite chez nous, mais il ne s’impose pas. Il est là présence offerte aux côtés de chacun des disciples du Christ pour les guider dans leur vie de fils de Dieu.
« Sans le Saint Esprit ». Oui en ce jour de Pentecôte, il nous est bon de mesurer que notre vie chrétienne est portée, nourrie, fortifiée par la présence de l’Esprit Saint en nos cœurs…Il est bon de reprendre conscience alors qu’il n’est pas naturel de dire « Jésus est Seigneur », c’est-à-dire de dire que cet homme crucifié un jour sous Ponce Pilate partage aujourd’hui la gloire du Dieu unique, le Seigneur de toute la Création. Nous risquons d’être souvent trop habitués à nos formules de foi, en oubliant qu’elles sont d’abord des paroles de feu…Les incroyants nous rendent ici un bon service en nous rappelant que notre profession de foi est étrange. De même pour la prière, sans l’Esprit Saint, nos prières ne peuvent, par elles-mêmes, rejoindre le Père et nous tourner en vérité vers Lui. Nous sommes si souvent enclins à nous centrer sur nous-mêmes et sur nos difficultés, au lieu de nous ouvrir au mystère du Dieu de Jésus Christ qui nous aime comme un Père. Sans le Saint Esprit encore, nous sentons notre impuissance à dépasser nos cercles familiers de relations. Aller au-delà de nos frontières, ouvrir de nouveaux horizons de rencontre où tous peuvent avoir leur place, cela n’est pas à notre portée. L’Esprit Saint est là dans nos vies comme un ferment de concorde et d’unité. Au cœur de tous les disciples, il agit comme un appel qui ne nous laisse jamais en repos, tant que demeureront des divisions ou des exclusions. Enfin, sans le Saint Esprit, le pardon de Dieu ne peut nous rejoindre. Le pardon de Dieu, est le don par excellence, qui vient guérir ce qui est le plus blessé en nous. Seule la douceur de l’Esprit, telle une onction délicate, peut venir en nous toucher la part blessée, dure peut-être, pour l’introduire dans l’Amour offert gratuitement.
Heureux sommes-nous, frères et sœurs, si en ce jour de Pentecôte, nous ravivons notre confiance en l’Esprit qui agit en nous, si nous le reconnaissons et si nous l’accueillons à travers les impulsions délicates que nous pouvons reconnaitre au fil des jours…Car soyons en sûr, comme nous le priions dans l’oraison au début de la messe, Dieu continue dans nos cœurs de croyants, l’œuvre d’amour qu’il a entreprise au début de la prédication apostolique… ». C’est à cette même œuvre d’amour qu’il nous est donné de nous unir maintenant. (2014-06-08)
ASCENSION DU SEIGNEUR
29 mai 2014
Routes de Vézelay
(Ac 1, 1-11; Ep 1, 17-23; Mt 28, 16-20)
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Pourquoi célébrons-nous avec tant de solennité cette fête de l’Ascension ? Pourquoi est-ce une fête si importante aux côtés de celle de Pâques, de Pentecôte et de Noël, alors que Jésus part et semble nous abandonner ? Dans l’oraison du début de la messe, nous avons demandé à Dieu : « ouvre-nous à la joie et à l’action de grâce, car l’Ascension de ton Fils est déjà notre victoire »…L’Ascension du Christ est déjà notre victoire…Oui, la victoire du Christ sur le péché et la mort, acquise le jour de Pâques, nous est pleinement assurée en ce jour de l’Ascension…Nous sommes assurés d’être victorieux en lui…Qu’est-ce que cela veut dire ? Comment comprendre cela ?
Pour comprendre ce lien victorieux tissé en ce jour, entre le Christ et nous, je prendrai une image…Le Christ victorieux, assis à la droite de son Père, est comme nos champions olympiques qui montent sur la plus haute marche du podium. Ces hommes ou ces femmes ont couru en portant les couleurs de leur pays. Ils se sont identifiés à leur pays et beaucoup de leurs compatriotes se sont identifiés à eux. Si bien que lorsqu’ils ont remporté leur épreuve, c’est comme si c’était tout le pays qui avait gagné. Entre le champion et ses compatriotes, s’est tissé un tel lien, qu’avec lui, c’est toute la nation qui monte sur la première marche, comme en témoigne l’hymne national qu’on joue alors… Avec le Christ, il en est un peu de même. Quand il monte victorieux auprès de son Père, c’est nous tous les hommes qui montons avec lui dans la gloire du Père. Car Lui, le Fils de Dieu, venu vivre comme un homme parmi les hommes, il a porté nos couleurs. Il a surtout porté nos douleurs et nos souffrances. Il s’est tellement identifié à nous, qu’il nous a identifiés à lui… Par la foi, nous reconnaissons ce lien réalisé pleinement dans notre baptême. Baptisé dans la mort et la résurrection de Jésus, nous devenons, comme lui, victorieux de la mort et du péché. En lui, nous formons un seul corps. « En entrant le premier dans le Royaume, il donne aux membres de son corps, l’espérance de le rejoindre un jour » chanterons-nous dans la préface. Ainsi, plus que pour le sportif et le pays qu’il représente, le lien noué avec le Christ est un lien vital. Ce lien n’est pas le fruit d’une émotion ou de la ferveur enthousiaste d’un moment. Il est un don qui nous est fait et que nous accueillons dans la foi et la confiance…St Paul dans la seconde lecture affirmait que Dieu nous a fait don de « la force même, du pouvoir et de la vigueur qu’il a mis en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux… »
Oui frères et sœurs, l’Ascension du Christ, sa victoire déjà acquise ravive, et notre espérance de le rejoindre un jour, et notre confiance dans les dons que le Seigneur nous fait dès maintenant…don de force et de vigueur comme pour le Christ ressuscité…C’est le don de l’Esprit Saint. Car nous tous sur cette terre, nous continuons la course, en route vers la victoire définitive. Notre vie humaine, que nous soyons moines, étudiants, laïcs œuvrant dans le monde, prêtres ou religieux-ses, notre vie humaine est comme une longue course…pour que s’étende, en nous d’abord, et pour tous les hommes, la victoire du Christ. Jésus lui-même dans l’évangile nous envoie, comme les apôtres. « Allez-donc ! Faites des disciples ». Le disciple, c’est celui qui écoute. Soyons d’abord nous-mêmes des personnes qui écoutent vraiment, et la Parole de Dieu, et nos frères et sœurs en humanité. Certains découvriront alors la joie qu’il y a à écouter vraiment, à devenir disciple. « Baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Baptiser c’est être immergé dans l’eau et l’Esprit. Retrouvons la solidité de notre baptême qui nous immerge dans la profondeur du mystère et de l’amitié de notre Dieu Trinitaire. S’éveillera chez d’autres le goût de mettre toute leur vie sous sa douce et forte lumière. « Apprenez-leur à garder les commandements ». Non, comme un maitre d’école qui fait la morale, mais comme un frère qui laisse les commandements du Christ fortifier sa propre vie et qui donne à comprendre que la Loi d’Amour est très bonne…
Sur la route de la vie humaine et chrétienne, les obstacles sont nombreux. L’indifférence ambiante, nos faiblesses et les tentations peuvent venir nous décourager…Ne nous laissons pas abattre. Jésus nous donne son ultime parole, selon l’évangile de St Matthieu : « et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». C’est vrai à travers sa Parole, ainsi qu’à travers le frère ou la sœur qui nous soutient, c’est vrai tout particulièrement dans son corps et son sang que nous allons recevoir maintenant…Jésus le Christ nous donne sa vie divine, soutien pour notre marche aujourd’hui, et gage de notre divinisation dans la vie éternelle. (2014-05-29)
ANNÉE A - 5e DIMANCHE DE PÂQUES -
1ère lecture : Actes 6,1-7
2ème lecture : 1ère Lettre de Pierre 2,4-9
Évangile selon saint Jean 14,1-12
Homélie du F.Matthieu
Ce discours de Jésus après son dernier repas, nous l’avons certainement écouté pleins de bonne volonté, reconnu comme un passage déjà entendu... Mais avouons que ces paroles sont toujours déconcertantes, comme souvent l’Evangile et plus encore peut-être l’évangile selon saint Jean ! Rassurons-nous, les disciples, Thomas et Philippe ont l’air tout aussi déconcertés que nous…
Une des clés de ce texte serait peut-être, son insistance sur la foi.
On y trouve en effet plusieurs fois répété le verbe "croire".
Jésus invite ses disciples à croire en lui, comme ils croient en Dieu : leur foi en Dieu semble évidente, mais elle doit devenir le point d'appui de leur foi en Jésus lui-même. Et il s'agit ici de la foi en la personne même de Jésus, tel qu’il se révèle à nous :
- d’abord comme précurseur chez son Père, préparateur d’une demeure pour chacun de nous dans la maison du Père : "Je pars vous préparer une place ; quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi."
Cela nous interroge : sommes-nous bien en attente de cette demeure, tendu vers la maison du Père ? Nous nous contentons bien souvent de vivre au jour le jour, sans nous soucier de cet « ailleurs » qui nous appelle à nous ouvrir dès maintenant à un Autre qui a visage de Père.
L’évangile de Matthieu (18,20) nous apprend que l'habitation de Dieu en nous se réalise quand la foi se vit par et dans l'union entre nous. "Aller vers le Père" n’a rien d'une « dévotion » individuelle par laquelle nous nous unirions solitairement à Dieu, mais c’est une ouverture aux autres par lesquels Dieu vient à nous, attendant notre accueil. Dans sa première lettre, Jean nous dit aussi que nous ne pouvons aimer le Père que nous ne voyons pas si nous n'aimons pas nos frères que nous voyons (4,20). Le Christ a disparu à nos yeux : désormais sa visibilité passe par nos frères. C'est pour cela qu'il y a une Église, c'est-à-dire un rassemblement, dont le rite central est l’écoute ensemble et un repas fraternel.
Être tournés déjà vers le Père, c’est chercher à rejoindre la source inépuisable de toute vie, de tout ce qui vit. Tous les textes bibliques qui nous parlent du désir de Dieu, depuis le psaume 42 jusqu’à la rencontre de Jésus avec Nicodème ou la Samaritaine, ont pour objet ce désir de vivre, de rejoindre le lieu de la perpétuelle naissance et renaissance. Or ce Lieu est le Père vers lequel Jésus précisément est venu nous entraîner. Il est créateur de tous et vient nous rencontrer à travers eux. S’il faut donc « passer », par tous les autres, proches ou lointains, c’est pour aller vers le Père qui nous donne la vie. Jésus récapitule tous ces « autres » par lesquels nous avons à passer parce qu’ils sont sa présence aujourd’hui dans notre monde.
Croire en Jésus, c’est croire cela, c’est le rejoindre là où il est, là il veut nous emmener avec lui, dans la maison du Père.
Mais Jésus, en qui nous devons mettre notre foi se révèle dans notre évangile encore autrement :
- comme l’unique "Chemin" vers le Père : "personne ne va vers le Père sans passer par moi". "Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie" et finalement "Je suis dans le Père et le Père est en moi."
Jésus "montre" le Père comme il l'a fait "voir" aux cœurs ouverts tout au long de sa vie terrestre, par "ses paroles" et "ses œuvres" : "Qui m'a vu a vu le Père". "Les paroles que je vous dis, je ne vous les dis pas de moi-même...C'est le Père qui est en moi qui accomplit ses propres œuvres..."
Croire en Jésus, c’est le rejoindre dans ce qu’il est, dans ce qu’il dit, marcher en lui, vivre en lui, dès aujourd’hui, dans notre monde. Mais n’oublions pas que notre marche vers le Père, si elle dépend de notre choix, ne peut se réaliser que dans et par le Christ qui est « la voie, la vérité et la vie ».
Qui s'unit au Christ rencontre déjà le Père. Et depuis son départ, redisons-le, nous ne pouvons-nous unir au Christ qu'en nous ouvrant à nos frères.
Pas facile de croire cela, pas facile de faire ce qu’il nous dit,
pas facile pour les disciples… pas facile pour nous aujourd'hui !...
Mais finalement Jésus propose à ses disciples, nous propose à nous, de croire, non seulement à cause de sa "parole", mais à cause de ses "œuvres"... ses "œuvres" qui sont l'expression de l'amour miséricordieux du Père.
Il faut toujours nous confier à Jésus qui nous habite et nous achemine vers notre vérité, c'est-à-dire vers la plénitude de notre création. Lui seul est le chemin, la vérité et la vie.
Ecoutons-le : croire en lui, marcher en lui, c’est resurgir à la vie, c’est ressusciter !(2014-05-18)
Année A - 11 mai 2014 - 4° Dimanche de Pâques
Jean 10
Homélie du F.Servan
" C'est Lui le pasteur, le berger des brebis" ... et, un peu plus loin :" Je suis le bon pasteur, le vrai berger".
(non pas le gentil berger, mais le bon, en contraste avec les mauvais qualifié de voleurs et bandits): le vrai, par rapport au faux berger}le fort et le courageux par rapport au berger à gages, au mercenaire)
Plutôt qu'une belle image bucolique et pastorale (les images de communion du temps de ma grand-mère, un peu trop gentilles et romantiques), dans ces paroles de l'Evangile nous avons l'accomplissement, la plénitude d'une des figures importantes de l'Ecriture sainte et de 1 révélation biblique. Abraham Isaac et Jacob étaient des pasteurs vivant sous la tente, bergers de brebis et autres ... Donc, pour eux, expérimenter et invoquer Dieu comme" le Berger de son peuple" cela voulait dire quelque chose! De même Moïse et David furent bergers ... mais ces 2 là sont appelés à laisser leur troupeau pour conduire le peuple dans une marche, une histoire avec Dieu: " Dieu a besoin des hommes et en appelle à être pasteurs de son peuple !" .... aujourd'hui comme hier ...
" les eaux en te voyant, Seigneur, les eaux tremblèrent ... Tu as conduit comme un troupeau ton peuple par la main de Moïse et d'Aaron "Ps 76
" .. .il choisit David son serviteur; il le prend dans les parcs à moutons; il l'appelle à quitter ses brebis pour en faire le berger de Jacob, son peuple, d'Israël son héritage" (ps 77)
Nous savons que les suivants, les rois-bergers et les guides du peuple furent décevants, pas à la hauteur. .. d'où la dénonciation' mais aussi les promesses faites par les Prophètes; tel le prophète Ezéchiel
"Ainsi parle le Seigneur Dieu: Malheur aux bergers d'Israël qui se paissent eux-mêmes ... Mon troupeau s'est dispersé sur toute la surface du pays sans personne pour le chercher. Alors, je vais chercher moi-même mon troupeau pour en prendre soin. Je le conduirai vers un bon pâturage ... " nous sommes proches vous le voyez, et du Psaume que nous avons chanté et de notre Evangile et aussi de la parabole de la brebis perdue que nous avons en Matthieu et Luc.
Ici un petit conseil: en ces jours de la Pâques et quand il y a un peu de soleil, je ne saurai trop vous conseiller de faire halte dans la chapelle de Béthanie, sur la route de la ferme, les vitraux de Marc Hénard y chantent bien la joie pascale, et après avoir allumé les lumières, regardez et priez un peu avec le tableau du fond où sont inscrites les paroles d'Ezéchiel ! En sortant, ne pas oublier d'éteindre la lumière: Merci.
Dans notre Evangile, la promesse messianique s'accomplit; elle est même dépassée! Ainsi, non seulement les brebis reconnaissent la voix du Berger, mais Il les appelle chacune par son nom.
Et, ces paroles en " Je suis : "Moi, je suis le Berger, le bon, le vrai" Moi, je suis la porte" ...
Nous touchons ici la réalité et le mystère de Jésus le Christ que l'Evangile de Jean essaie de dire avec sept paroles en " Je SUIS" !" Je suis la lumière du monde, la porte, le bon berger, la résurrection et la vie, le chemin, la vérité, la vie, la vigne -" ... " pain-lumière-porte-berger-chemin- vérité-, " C'est-à-dire ce que l'être humain recherche pour accéder à la vie en plénitude !
Non pas paroles de prétention-domination ... mais pour la vie de l'homme: " Moi je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu'ils l'aient en abondance"
L'histoire sainte est montée jusqu'au Christ; elle en redescend dans l'histoire de son Eglise ( " J'ai encore d'autres brebis ») et de nouveau, des hommes, des femmes sont appelés pour être pasteurs et bergers avec le Christ. Depuis l'apôtre Pierre:" Pierre, m'aimes-tu? Sois le berger de mes brebis jusqu'au pape François dont le beau texte récent" La joie de l'Evangile " est précisément une exhortation "pastorale" ... pour réveiller les grands ou petits pasteurs ... un peu dans le genre d'Ezéchiel ! :" Sortons, Sortons de nous-mêmes vers les petits et les pauvres, les gens en marge, à la périphérie ... Ne soyons pas des gestionnaires un peu tristes et désabusés, au lieu d'être des pasteurs pénétrés de " l'odeur de leurs brebis " ... Cela je vous le demande: soyez des pasteurs avec" l'odeur de leurs brebis ", que celle-ci se sente ... Je vous en prie.!" (2014-05-11)