Homélies
Liste des Homélies
Année B - Mercredi des CENDRES - 18.02.2015
Jl 2, 12-18 ; 2 Co 5, 20-6, 2 ; Mt 6,1-6, 16-18
Homélie du Père Abbé Luc
En ce début de Carême, les trois lectures entendues concordent toutes pour mettre en lumière la visée de ce temps privilégié : retrouver une relation plus vivante avec notre Dieu. Il s’agit de nous rapprocher de Dieu, et de nous unir plus étroitement au Christ en son mystère pascal…Comme le dit St Benoit, nous avons pu être négligents dans cette relation. Nous en avons peut-être perdu le goût profond. Nous avons peut-être oublié combien Dieu est bon et combien il veut nous donner sa vie. Mais le Seigneur, lui, ne se résout pas à cet éloignement ou à cette tiédeur. Il vient questionner notre attitude à son égard car il désire à travers cette relation, cette alliance nous donner la vie en plénitude. On peut en relever des accents différents dans chaque lecture.
Par le prophète Joël, Dieu « le Seigneur tendre et miséricordieux », nous rappelle que notre relation avec lui est une affaire de cœur… « Revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil. Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements ». L’expression « déchirez votre cœur » est forte, presque choquante…Elle laisse entendre que notre cœur est capable de s’envelopper de multiples protections et de se blinder, de telle manière qu’il devient insensible…Insensible à l’amour de son Dieu, insensible aux besoins ou à la détresse des autres autour de lui. Déchirer notre cœur se jouera dans des attitudes concrètes qui manifesteront un changement intérieur profond, à travers le jeûne, les larmes du repentir, on traduirait aujourd’hui vivre la démarche du sacrement de la réconciliation, mais aussi dans toutes démarches de partage et d’engagement vers les autres…Accepter de recevoir les cendres, humblement dans quelques instants sera une manière de déchirer notre cœur.
Avec St Paul, Dieu nous rappelle que notre relation avec lui est affaire de lâcher prise, et de consentement…à sa grâce. « Laissez-vous réconcilier avec Dieu ». Ici il nous faut entendre que dans notre relation au Seigneur tout est cadeau de sa part. Depuis la passion de Jésus, depuis sa Résurrection, Dieu nous a donné d’avoir part à sa vie divine. « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu ». Mystérieux échange en Jésus Dieu prend sur lui notre péché, comme le suggère la croix exposé au chœur qui représente Jésus de la couleur même des cochons, image du péché, et en retour Dieu nous offre sa justice. Il nous rend juste. Il nous restaure dans la dignité de fils de Dieu. C’est un cadeau absolument gratuit. C’est la grâce que nous avons reçu lors de notre baptême et que nous sommes invités à laisser tout au long de ce Carême pour l’accueillir de manière renouvelée dans la nuit de Pâques, lorsque nous renouvellerons nos promesses baptismales.
Dans l’évangile, Jésus met en garde contre l’hypocrisie de nos efforts. Car la relation avec notre Père de Cieux, ne peut-être qu’affaire de vérité et d’intimité…Si notre relation à Dieu demande de notre part un engagement dans le jeûne, la prière, dans la charité vis-à-vis des autres, il nous faut aussitôt dire que la relation est beaucoup plus profonde que tout ce que nous pouvons faire. Si nous cherchons trop à faire pour être quitte, si nous cherchons trop à faire les choses pour avoir aux yeux des autres une bonne image, si nous cherchons trop à faire pour avoir à nos propres yeux le sentiment d’être dans les clous…si nous en restons là, nous ne sommes pas encore vraiment entrer en relation avec notre Père des Cieux. Celui-ci nous regarde dans le secret, non dans un regard qui épierait, mais dans un regard de vérité et de grande simplicité, d’humilité. Dans le secret de notre cœur, le Seigneur nous attend. Il désire que nous nous tenions le plus en vérité…
Humblement dans cette eucharistie et durant tout le carême, nous lui demandons : « convertis-nous Seigneur, convertis inlassablement ton peuple »… (2015-02-18)
Année B -6e dimanche du Temps Ordinaire - 15 février 2015
Lev 13 1-46 ; 1 Co 10 31 - 11 1; Mc 1 40-45
Homélie du F.Denis
L'homélie ne peut pas éviter d'en parler. De quoi? de la lèpre, ..
La lèpre, vraiment pas une question actuelle ! Eh bien, c'est un beau
sujet, essayons de voir en quoi. Il suffit de constater l'importance que
lui donne la Bible dans la vie quotidienne. Procédons en trois
tableaux.
1 er tableau, six siècles avant la naissance de Jésus. Le peuple
hébreu, le peuple juif dont Jésus va naître est obsédé par le désir d'une
vie sans tache. Avoir les mains et tout le corps purs. Avoir des paroles
pures de tout mensonge. Des intentions vraiment pure, des vêtements
purs, sans taches, des maisons pures, des aliments purs. Et cela à cause
de Dieu, la Pureté même. Avec une conséquence immédiate, les
continuelles ablutions, laveries, mise au rebut et au feu des objets
sales. On appelle lépreux les murs des maisons dont l'enduit est taché,
on détruira les taudis, on brûlera les vêtements. La loi de Moïse
habitue les hébreux à cette discipline. Et ; s'il s'agit d'un être humain
dont le corps se couvre de moisissure, on les appelle des lépreux et ils
vivent à l'écart des autres..
_
Avez-vous visité une léproserie? Inoubliable spectacle ..
.
2e tableau. Jésus. Envoyé par Dieu son Père pour guérir et sauver tous
les hommes, Jésus, après une longue période discrète sans bruit ni
parole publique, annonce la Bonne Nouvelle. Il circule en tout village,
chasse ce qui est ténébreux, démoniaque, impur, manifeste une telle
lumière dans toute sa personne que les foules le cherchent, le suivent.
Qui donc est-il? Dans le récit de saint Marc, il donne la réponse en-
guérissant le pire des malades, un lépreux, l'homme qu'il faut éviter et
surtout ne pas toucher pour ne pas devenir lépreux à son tour, impur.
Jésus touche le lépreux, le lépreux est guéri et il n'a qu'à faire
reconnaître officiellement sa guérison pour être immédiatement reçu
en communauté de vie.
Incroyable Jésus, qui, loin de chercher un succès personnel, veut
échapper à ses admirateurs.
3e tableau. Il n'y a plus de lépreux qu'on sépare sans pitié. Et, donc,
Jésus est inutile ?
Il y a un troisième tableau et Jésus le connaît. Il veille et nous aide à le
regarder. Et ce tableau, c'est moi. Je dirais aussi bien c'est toi, ou c'est
nous, le singulier ici n'est pas une confession, c'est d'abord la-constat
que le moi que je suis est un curieux tableau. Je suis baptisé, donc je
suis devenu fils de Dieu dans le Christ et j'aime le Christ, je ne mens
pas quand je dis cela, oui le baptisé que je suis ne veut pas le renier,
être un renégat, je suis un fidèle, et, terrible à dire, me voici partagé.
Saint Paul l'a dit clairement: le bien que je veux faire je ne le fais pas,
le mal que je ne veux pas faire, je le fais. Et je le répète moi aussi : je
suis partagé. L'apparence est peut-être passable, acceptable, je fais
mon possible pour ne pas choquer les autres qui me voient et même je
peux affirmer, comme saint Paul ce matin vient de le dire: dans mon
dévouement pour vous, Corinthiens, je ne cherche pas mon intérêt,
mon cœur est pur. Et cela aussi, je peux le dire en regardant ma vie.
Reste qu'il y a en moi des choses qui ressemblent à de la lèpre qui
ronge mon cœur.
Que dire alors? Que ce tableau n'est pas achevé, qu'il peut être
plus vrai, plus vivant, sans moisissure. Et le peintre, qui est-ce? C'est
lui, Jésus-Christ qui est vivant en moi, et le peintre c'est moi qui veux
vraiment devenir chrétien dans tous les moments et lieux de ma vie .
Magnifique Bonne Nouvelle: Tout homme est appelé à devenir
ce qu'il est : la belle image de Dieu. " (2015-02-15)
Année B - 5e Dimanche du Temps Ordinaire - 8 Février 2015
Job 7/1-4,6-7 1 Co 9/16-19,22-23, Mc 1/29-39
Homélie du F.Cyprien
Dès le début de sa mission, Jésus « empêche les esprits mauvais de parler, parce qu’ils savent qui il est ». A la mort de Jésus au pied de la croix, le centurion païen s’écrie : « Vraiment, cet homme était fils de Dieu ».
C’est quand Jésus donne sa vie sur la Croix que tout homme peut comprendre qui est ce Jésus,… « le Fils de Dieu ».
Qu’est donc venu faire le Fils de Dieu, nous guérir, nous rendre la vie, la vie véritable, quand nous reconnaissons qu’il est, Lui, la Promesse accomplie? « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, chassez les démons ».
(« Guérissez les malades… »
Je me risque à parler de la maladie, du mal et du malheur, de cette réalité que nous ne pouvons pas attribuer à Dieu… en présence ici du Christ crucifié et ressuscité … lui que nous chantons ensemble avec foi dans cette célébration…)
On dit souvent au seuil de l’année nouvelle : «Bonne année, bonne santé … Meilleurs vœux, et surtout la santé ». La santé, la bonne santé...
toujours la santé… un bien précieux, coûteux même. Mais nous souhaitons-nous que Jésus nous guérisse ?
La santé…A contrario, la maladie fait prendre conscience d’un désordre dans nos vies… Et ce désordre n’est pas seulement du physiologique, du corporel… Désordre… ?
Nous savons que le mal commis par méchanceté, par violence, (par fanatisme, on en parle beaucoup maintenant, hélas), cela c’est pire que du désordre, c’est du péché.
Nous savons aussi que nous ne pouvons pas supprimer toutes les souffrances, même si nous savons en accompagner et atténuer certaines…
Accompagner, atténuer…
Ambroise Paré, le célèbre médecin, c’est lui -je crois- qui disait : « Je le soignay, Dieu le guérit » (bis).
C’est Dieu seul qui guérit… Au temps de Jésus les esprits viennent troubler les personnes et même les habiter … et Jésus guérit.
Le message de l’Evangile, c’est Jésus qui guérit, il guérit l’homme et le remet debout ; il guérit la personne, il la rend libre ; il la relève, il lui redonne la possibilité de servir, d’être utile aux autres : la belle-mère de Simon-Pierre est guérie pour reprendre sa place parmi les siens…
Jésus guérit et ce sont des signes, des guérisons pour susciter la foi, on pourrait dire des « guérisons-promesses ».
Et nous notons que Jésus n’a pas guéri tous les malades de son temps, ni même tous les malades qu’il a pu rencontrer… (tous les malades qui vont à Lourdes avec foi ne sont pas guéris, loin de là).
En plus les miracles ne supprimeront jamais le scandale de la souffrance des innocents, celle des petits enfants…
Guérisons-signes, guérisons-promesses, reste ce désordre de la souffrance, des maux, des maladies… Ces questions sont-elles sans réponse ??...
La réponse est celle de la foi. Notre foi de chrétiens nous dit que le Fils de l’homme est venu pour porter, emporter le péché du monde…
Son message ne serait-il pas que la seule maladie qu’il vient guérir,
c’est notre ignorance ou notre oubli, …oubli de la Bonne Nouvelle,
l’ignorance ou l’oubli de ce qu’il nous apporte, Lui,
l’ignorance ou l’oubli … de Dieu tout simplement ?
Le Règne de Dieu, c’est mettre, remettre Dieu à la première place.
C’est pour cela que Paul s’exclame qu’annoncer l’Evangile est pour lui une nécessité…
La vie, l’enseignement, la mort de Jésus sont la venue, la présence de Dieu avant son Règne définitif : Il est le Seul qui puisse donner sens à nos vies. « Vraiment cet homme était Fils de Dieu », « cet homme torturé…le Fils de Dieu ».
Le péché fait de nous des malades et «ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin »… Dieu par son Fils, veut nous relever, nous mettre debout.
Frères et sœurs, dans l’Eucharistie, ressuscités déjà en espérance par l’Esprit Saint qui habite en nous, nous rendons grâce à Dieu pour « le médecin des âmes et des corps », Jésus le Vivant. C’est à Lui que nous confions toutes nos questions sur ce mal et ces malheurs…ce mal, ces malheurs qui empêchent le Règne de Dieu d’advenir…
(2015-02-08)
***
PRESENTATION DU SEIGNEUR - 02.02.2015
Ml 3, 1-4 ; Lc 2, 22-40
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs, Depuis notre baptême, nous sommes devenus des enfants de lumière, renouvelés dans le Christ Lumière. Chacun selon nos vocations diverses, laïcs, prêtres, évêques, religieux, nous sommes appelés à accueillir ce don et à le laisser se déployer dans nos vies chrétiennes. Ainsi en nous voyant, d’autres auront peut-être le goût de venir se réchauffer à cette Lumière, qui est le Christ. Cette liturgie de la Présentation du Seigneur s’offre comme une belle manifestation de notre itinéraire chrétien dont j’aimerais maintenant souligner quelques points saillants. En cette année de la vie consacrée, en ce jour particulier où nous rendons grâce pour le don de la vie consacrée, je le ferai en citant notre pape François s’adressant à tous les consacrés dans sa lettre du 21 novembre 2014.
Nous avons commencé notre célébration autour du cierge pascal allumé. C’est une même foi en la résurrection du Christ, vivant au milieu de nous qui nous a rassemblés. Le Christ Vivant est devenu la lumière de nos vies, selon la prophétie de Syméon : « lumière qui se révèle aux nations ». Par nos vœux religieux, le Christ est devenu le préféré, l’ami que l’on cherche à toujours mieux connaitre afin que toute notre vie lui appartienne vraiment. Le pape François pose ici la question : « Nous devons nous demander encore : Jésus est-il vraiment notre premier et unique amour, comme nous nous le sommes proposés quand nous avons professé nos vœux ? » (I, 2).
Nous avons reçu la flamme du cierge pascal, la lumière du Christ, puis nous nous la sommes donnés. Recevoir et donner…Depuis notre baptême, ainsi en va-t-il de notre vie chrétienne. Nous nous recevons toujours du Christ par d’autres chrétiens qui nous en communiquent la Parole, et à notre tour nous la portons à d’autres. Dynamisme de la transmission chrétienne qui nous tient les uns et les autres dans la joie de dépendre du Christ pour mieux partager sa vie et sa lumière. Dans notre vie religieuse, nous gardons cette conscience vive d’avoir reçu un charisme propre, à travers nos fondateurs, pour nous, le P. Muard et tous ses fils qui, jusqu’à nous, nous ont transmis le flambeau…celui de la vie monastique selon St Benoit. Le pape François nous dit : « il sera opportun que chaque famille charismatique se souvienne de ses débuts et de son développement historique…pour y cueillir l’étincelle inspiratrice, les idéaux, les projets…C’est une manière de prendre conscience de la manière dont le charisme a été vécu au long de l’histoire, quelle créativité il a libérée, quelles difficultés il a dû affronter…On pourra découvrir des incohérences, fruit des faiblesses humains…Tout est instructif et devient…appel à la conversion. Raconter son histoire, c’est rendre louange à Dieu et le remercier pour tous ses dons » (I, 1).
Nous sommes entrés dans l’Eglise en procession, acclamant le Christ notre lumière et en veillant à ce que la flamme de notre cierge ne s’éteigne pas. C’est une image de notre marche chrétienne : nous sommes illuminés par la lumière du Christ qui éclaire nos pas, au milieu des obscurités et des hésitations parfois…Et en même temps, il nous faut tous veiller à ce que la flamme ne s’éteigne pas. Elle nous éclaire, mais nous devons veiller sur elle. Le pape François invite les religieux à demeurer vigilants dans l’Espérance face aux difficultés que peut rencontrer aujourd’hui la vie religieuse. « Ne cédez pas à la tentation du nombre et de l’efficacité, moins encore à celle de se fier à ses propres forces. Scrutez les horizons de votre vie et du moment actuel en veille vigilante…Revêtez-vous de Jésus Christ et revêtez les armes de lumière…en demeurant éveillés et vigilants… » (I, 3)
Enfin nous avons déposés nos cierges dans une même vasque à l’autel en signe d’offrande et de communion dans la prière. Tous réunis dans un même but : briller et brûler ensemble pour le Christ et pour son Evangile, dans le don de nous-mêmes à son Esprit pour le service de la gloire de Dieu et de nos frères. Notre vie de communauté dans la recherche de la communion nous donne de nous exercer continuellement dans ce rassemblement de nos petites lumière personnelles… Le pape François nous interpelle ici : « Les religieux et religieuses …sont appelés à être experts en communion. J’attends par conséquent que la spiritualité de la communion, indiquée par le Saint Jean Paul II, devienne réalité, et que vous soyez en première ligne pour recueillir le grand défi qui se trouve devant nous en ce nouveau millénaire : faire de l’Eglise la maison et l’école de la communion » (II, 3).
Nous avons entendu la Parole de Dieu tous ensemble. C’est elle la source de notre vie chrétienne. Dieu nous parle, c’est la spécificité de notre foi chrétienne au regard d’autres mystiques ou religions, nous rappelait hier soir un frère… « Ecoute » est le premier mot de la Règle de Benoit, mot qui sonne comme une chance pour demeurer toujours ouverts, jamais arrêtés, toujours prêts à avancer à la suite d’un appel sans cesse renouvelé et approfondi. Le pape François nous dit encore : « J’attends que toute forme de vie consacrée s’interroge sur ce que Dieu et l’humanité d’aujourd’hui demandent. Les monastères pourraient se rencontrer …pour échanger les expériences sur la vie de prière, sur comment grandir dans la communion avec toute l’Eglise, sur comment soutenir les chrétiens persécutés, sur comment accueillir et accompagner ceux qui sont en recherche d’une vie spirituelle plus intense ou qui ont besoin d’un soutien moral ou matériel » (II, 5)
Nous voici maintenant pour nous unir à l’action de grâce du Christ. En rappelant sa mort et sa résurrection du Christ, nous accueillons la Vie dans laquelle Il nous entraine pour faire à notre tour de notre vie, une offrande qui lui soit agréable. Entrons avec joie et confiance dans l’action de grâce du Christ. (2015-02-02)
ANNÉE B - 4e DIMANCHE du Temps ORDINAIRE, 1 février 2015
Deutéronome 18,15-20 ; Marc 1, 21-28
Homélie du F.Matthieu
La première lecture, tirée du Deutéronome, vaut la peine que nous nous y arrêtions, car elle est singulière à plus d’un titre.
Dans l’Exode, les israélites avaient entendu la Loi de la bouche même de Dieu, Moïse le rappelle, mais c’est pour rappeler aussi que le peuple avait alors été saisi d’une terreur sacrée en constatant l’impressionnante majesté de Dieu, sa voix comme son apparence flamboyante et il n’avait pas été capables d’écouter ; les israélites, tels qu’ils se voyaient face au Seigneur, craignaient de mourir.
Et voilà la première surprise de ce texte : le Seigneur reconnaît que les israélites avaient raison !... Oui, le Seigneur est trop impressionnant pour les hommes que nous sommes, fragiles et marqués par le péché, et ils « font bien de le reconnaître » : et cela nous enseigne que la première attitude lucide en présence du Seigneur, c’est la conscience de la distance, qui suscite la peur !
Mais évidemment ce n’est que le premier mot de la Révélation !
La seconde surprise, c’est que Dieu lui-même a l’air de s’en rendre compte pour la première fois, et Il trouve aussitôt une « solution » à ce qui pourrait enfermer l’homme dans sa peur et l’empêcher ainsi d’ « écouter » la Parole de son Dieu : il fera lever, au milieu de ses frères, un prophète, Moïse : « je mettrai mes paroles dans sa bouche et vous l’écouterez ».
Moïse a pris le relais, il est le médiateur de la Parole, le « répétiteur », et c’est sa parole que le peuple reçoit dans le Deutéronome, sa parole, écho de la Parole de Dieu. Et déjà, dans cette écoute ainsi rendue possible, la peur pourra se transformer en « crainte de Dieu », et le Deutéronome va préciser cette possibilité nouvelle de relation avec le Seigneur : une relation à hauteur d’homme, si l’on peut dire, dans la conscience toujours de qui est Le Seigneur.
Et aujourd’hui, Moïse peut annoncer une autre bonne nouvelle : un prophète, « comme moi » se lèvera « au milieu de vous » pour perpétuer cette possibilité d’un accès au Seigneur, d’une écoute fidèle de sa Parole.
De prophète en prophète, quel est donc finalement ce Prophète que le Seigneur annonce par la voix de Moïse et suscite pour nous ?
« Au milieu de vous, se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas », c’est la parole de Jean-Baptiste, qui après avoir décliné pour lui-même d’être ce prophète, annonce, avec les paroles mêmes du Deutéronome, la venue de Jésus, celui que le Seigneur Dieu, à son baptême, nous dit précisément d’écouter !
Et le voilà, dans l’évangile que nous venons d’entendre, ce Jésus, qui proclame la Parole à la synagogue de Capharnaüm ; et il le fait de manière nouvelle : « avec autorité »… dit notre traduction liturgique ; le texte grec est incroyablement plus fort, qui parle d’« exousia », de puissance extraordinaire ; et le mot renvoie à une expression clef de l’attente juive du Messie : il parlera, lui, « mi-pi ha gevourah », de la bouche de la Toute Puissance… Il est la voix même de Dieu ! Et c’est Jésus, qui annonce la Parole, qui est la Parole même de Dieu au milieu de nous.
Le démon, qui est encore le seul à le connaître pour ce qu’il est, « le Saint de Dieu », est saisi de peur ! Quant aux auditeurs, ils sont interloqués, partagés entre la peur et l’étonnement.
Et nous-même ?
N’y-a-t-il pas en nous quelque chose qui se trouble quand nous visite le Christ Jésus ? Une sorte de peur ?
Oui, reconnaissons-le, une part de nous-mêmes peut se mettre en posture de défense quand la Parole de Dieu nous rejoint et nous sollicite ?
Eh oui, il faut passer de la peur à la « crainte de Dieu » pour parvenir à cette écoute qui ouvre au véritable amour, qui « bannit la crainte » !
Oui, il y a souvent en nous la peur, peur d'avoir à nous convertir, à renoncer à nos manières de nous comporter, à nos habitudes… Allons plus loin : au fond, il y a la peur de ne pas être à la hauteur de Dieu !
Cette prise de conscience doit-elle nous culpabiliser ?
Non, car nous avons raison ! Prenons conscience de cette peur, car elle dit une part de vérité sur nous-mêmes ; mais prenons conscience que le Christ est venu et vient pour chasser cette peur, pour surmonter la distance entre le Seigneur et nous : voilà bien la Bonne Nouvelle pour aujourd’hui !
Avec Jésus, c’est la fin définitive de nos peurs ; c’est l’ouverture vers ce que sommes : vraiment pécheurs, en attente d’être sauvés… et le Sauveur est là !
Et voici le paradoxe : c'est en nous reconnaissant pécheurs, en reconnaissant notre « peur » en présence du Saint, qui nous parle et nous appelle, c’est ainsi que nous commençons à être vraiment nous-mêmes. Nous nous trouvons quand nous ne nous cherchons plus, quand notre regard porte tout entier sur Jésus : la peur nous quitte, le Sauveur la change en « crainte de Dieu » et nous ouvre à l’écoute de sa Parole, à son amour, qui est l’amour même de Dieu.
Voilà la Bonne Nouvelle de notre salut : Dieu s’est approché par ses prophètes, de Moïse à Jésus ; Il est venu définitivement à notre rencontre pour que nous puissions l’écouter, passer de la peur à la crainte, pour entrer enfin en relation filiale avec Lui, avant de Le voir, un jour, dans la flamme de sa Gloire.
Voilà la volonté de notre Dieu, voilà notre vocation, notre chemin… (2015-02-01)
Année B - 3° dimanche du temps Ordinaire - 25 Janvier 2015
Jon 3 1-10; 1 Co 7 29-31; Mc 1 14-20
Homélie du F.Antoine
Frères et Sœurs,
Essayons de regarder la scène que l’Evangile nous a décrite.
Sur les bords du lac de Galilée, des hommes sont à leurs activités de pêcheurs, deux ont jeté leurs filets, deux préparent les leurs….Une scène qui me rappelle la Promenade des Anglais à Nice. Certes, on y rencontrait pas beaucoup d’apôtres, mais on voyait, séchés au soleil, des filets de pêche que des hommes s’efforçaient de hisser dans leurs barques avant la pêche de nuit. Les futurs disciples faisaient la même chose, ils travaillaient en hommes simples…ils étaient eux-mêmes… quand soudain Jésus fait irruption dans leur vie.
Être soi-même, c’est assumer tout un passé, toute une histoire, c’est atteindre cette simplicité du cœur qui rend capable de tout attendre de Dieu, cet abandon qui accepte de tout recevoir de Dieu, même et surtout… l’Inattendu !
Rappelons- nous qu’après le drame de la Passion, ces mêmes hommes reprennent
leur travail de pêcheurs sur le lac de Galilée, quand surgit cet inattendu de la présence de Jésus, Pierre se jette à l’eau avec impétuosité pour aller retrouver sur la rive son Maître ressuscité des morts… un inattendu qui brusquement fait jaillir un geste…commandé par le cœur !
L’inattendu dans l’Evangile d’aujourd’hui, c’est que des pêcheurs s’apprêtant à jeter leur filet sont soudain appelés par Jésus. Le connaissaient-ils ?
Ils laissent tout tomber, ils laissent… tout et aussitôt !
Promptitude déraisonnable, un peu folle.
Simon et André, laissent leur filet… Jacques et Jean laissent leur père.
Tous partent à la suite de Jésus, ils partent vers l’inconnu, sans sac pour la route, ni deux tuniques ni sandales, ni bâton, ils ignorent tout de ce qui les attend.
Leur cœur a parlé…C’est leur cœur qu’ils ont écouté.. et la concision même du récit fait ressortir l’une des plus grandes conquêtes intérieures de l’homme…sa Liberté.
Simon, André, Jacques et Jean ont aussitôt répondu… parce qu’ils étaient libres !
Totalement libres…par rapport à leur passé… !
Totalement libres… devant l’avenir inconnu qui va les prendre et les emmener très loin. …!
Ils laissent, leurs filets, leur barque, ce qu’ils possèdent…tout indique que rien, absolument rien ne les retient, libres devant eux-mêmes, devant les autres, libres devant la
Parole entendue « les temps sont accomplis, le règne de Dieu est là, convertissez-vous, croyez à la bonne nouvelle. »
Leurs oreilles ont écouté…mais c’est leur cœur qui a entendu…alors ils ont cru !
Ils se sont ouverts à une immense espérance… à cette espérance incroyable mise entre leurs
mains « Je vous ferai pécheurs d’hommes…venez à ma suite. »
Pour Simon, André, Jacques et Jean commence alors l’âge de la fidélité… l’âge de
l’enfouissement fidèle dans un accueil particulier : l’accueil silencieux, de ce à quoi Dieu nous appelle chaque jour, malgré et peut-être à cause, de notre pauvreté. (2015-01-25)
Année B - 2ème dimanche ordinaire - 18 janvier 2015
1 Sam 3 3-19; 1 Co 6 13-20; Jn 1 35-42
Homélie du F.Vincent
"Voici l'Agneau de Dieu". Nous venons de l’entendre, c’est ainsi que Jean-Baptiste désigne Jésus qui passe. Un peu plus haut dans l'évangile Jean avait précisé : "l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde". Des différentes interprétations possibles on peut retenir celle qui est probablement la plus cohérente compte tenu de l'ensemble de l'évangile : "l'Agneau pascal". Pour l’évangéliste Jean, Jésus est l'Agneau pascal, cet agneau égorgé dont le sang avait servi de marque sur les portes des Israélites pour les protéger de l'extermination, la nuit de leur départ d'Egypte. Le sang de l'agneau pascal qui est signe de libération. D'autre part c'est à l'heure où les juifs apportent au temple l'agneau pascal afin qu'il soit égorgé et consommé durant le repas du soir que Jésus est crucifié, selon ce que dira Jean. On peut se demander si l'indication de l'horaire de notre passage ne renvoie pas justement à cet évènement ?
Ce contexte pascal se trouve aussi dans la question que pose Jésus : "Que cherchez vous ?". Question que l'on ne retrouvera en effet que 2 autres fois : à son arrestation au mont des oliviers et au matin de la Résurrection, question posée à Marie-Madeleine qui cherche Jésus dans le jardin. Grande inclusion, au commencement et à la fin, qui encadre tout le 4° évangile. Mais entre temps on est passé du "que" au "qui". C'est tout l'itinéraire de la foi et de l'évangile qui se situe entre ces deux mots : il s'agit de passer d'une recherche qui ne peut pas se nommer (que cherchez vous?) à une confession de foi résolue, au Christ (qui cherchez vous?), confession de foi qui vient combler toute quête au cœur de l'homme.
La question des disciples : "Où demeures-tu ?" nous oriente également vers le mystère pascal. Demeurer, pour Jean, c'est entrer dans une communion intime avec Jésus, percevoir et faire l'expérience qu'une vie donnée est source de vie. "Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui". Jésus "demeure", dans celui qui "demeure" en Jésus, comme il sera dit au chapitre 15. C'est en vue de cette communion intime que Jésus "a planté sa tente" et a "demeuré" parmi nous. Communion de vie, d'amour, de mission. En vue de cela, il faut durer, il faut "demeurer".
Mais cette inhabitation mutuelle de Jésus et du croyant se réalise dans un mystère de mort et de résurrection. Jean a perçu comme aucun autre évangéliste combien le mystère de la croix était vraiment la parfaite manifestation de la gloire mutuelle du Père et du Fils, c'est-à-dire de leur amour manifesté, livré et vainqueur.
La réponse que donne Jésus aux deux disciples, "venez et voyez" est invitation à l'expérience de la foi. Il s'agit d'apprendre à l'école du Maître que le parcours qui va de la mort à la vie, de la nuit à la lumière, de la croix à la gloire, est bien le parcours qui doit nous conduire à travers une transformation nécessaire, vers une communion de vie et d'amour avec Dieu.
Passer du "que cherchez vous?" au "qui cherchez vous?", c'est tout l'itinéraire de l'évangile de Jean, c'est à suivre cet itinéraire que nous sommes appelés en ce début d'année. Met-tons-nous courageusement en route, comme les 2 disciples de ce matin, à la recherche de Jésus.
(18 janvier 2015)
***
Année B - SAINTE MARIE MERE DE DIEU
01.01.2015
Nb 6, 22-27 ; Ga 4, 4-7 ; Lc 2, 16-21
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et soeurs,
Comme je le disais, il est heureux qu’en ce premier jour de l’année, l’Eglise nous donne de regarder Marie pour apprendre d’elle comment mieux devenir des fils et filles de Dieu en suivant Jésus.
Pourquoi regarder Marie ? N’y-a-t-il pas un risque de détourner notre regard de Dieu lui-même ? L’Eglise avec une grande sagesse nous invite à ne pas avoir peur de regarder Marie, la Mère de Dieu, la Servante du Seigneur, le Mère de l’Eglise. Car Marie ne fait rien pour attirer les regards vers elle, mais toute sa vie, tout son être est comme un miroir qui renvoie vers le Père, vers Jésus Christ son Fils vers l’Esprit Saint.
Mère de Dieu, Marie nous fait contempler l’immense Amour de notre Dieu qui est « né d’une femme ». En prenant chair de sa chair, il s’est soumis à la loi de la condition humaine et à la loi de Moïse. Dieu s’est abaissé pour nous racheter et nous relever. Il s’est enfoui dans le secret pour nous partager sa gloire.
Contempler Marie en sa maternité, nous aide à mesurer l’infinie tendresse de notre Dieu qui vient chercher notre humanité en se faisant petit et obéissant à des parents, dans un temps et une culture donnée. Marie est Mère de Dieu, non parce qu’elle l’a décidé, mais parce qu’elle y a consenti. Et son consentement humble, caché manifeste le projet de Dieu qui veut que notre humanité soit élevée à la dignité de sa vie divine.
Servante du Seigneur, Marie nous entraine à regarder Jésus son fils, et avec elle à apprendre à le reconnaitre comme le Messie, le Fils de Dieu. Comme la lecture de cette nuit nous le suggérait, Marie a dû passer par un certain nombre de questions avant de saisir pleinement qui était ce fils qui lui était né d’une façon si imprévisible. De question « mon fils pourquoi nous as-tu fait cela ? » en interpellation « Femme que me veux-tu ? » ou « qui est ma mère ? », Marie a traversé nombre de remise en cause pour devenir pleinement « servante du Seigneur » son fils Jésus. Elle a appris à se mettre pleinement au service de son dessein. Elle s’est mise à sa suite, avec les autres disciples, elle la mère qui l’avait porté. Sans vouloir faire valoir des droits ou des privilèges, elle s’est mise à l’école de son fils, de son Seigneur. En la regardant comme la Servante du Seigneur, nous pouvons apprendre d’elle cette belle docilité aux évènements et aux paroles qui peuplent notre existence quotidienne. Nous aussi, nous voulons être serviteur, servantes du dessein de Dieu. Avec Marie, méditons tous les évènements, toutes les paroles entendues de nos frères ou de la liturgie, pour que nous entrions davantage au service du projet de Dieu, sur nos vies.
Mère de l’Eglise, Marie nous entraine à nous réjouir de l’œuvre de l’Esprit Saint. Toute entière docile à l’œuvre de l’Esprit, elle a appris au pied de la Croix à accueillir comme ses fils, Jean et tous les disciples rachetés par le sang du Christ. Désormais, elle est Mère des disciples, Mère de l’Eglise. De même qu’elle a consenti à l’enfantement inattendu du Fils de Dieu, elle a consenti à devenir Mère des disciples. Maternité de la présence, de la docilité à l’œuvre de l’Esprit Saint, maternité de l’accompagnement des disciples dans leur apprentissage à suivre le Christ. En elle, nous reconnaissons l’œuvre de l’Esprit et avec elle, nous apprenons à devenir chacun et tous ensemble en Eglise, l’œuvre de l’Esprit pour dire en vérité « Abba-Père »….
En cette eucharistie, dans la mémoire de Marie, Mère de Dieu, servante du Seigneur, Mère de l’Eglise, laissons-nous conduire par celle qui prie pour nous pauvres pécheurs, la bénie entre toute les femmes, pour accueillir la vie donnée de Jésus et avec Lui, en Lui, par Lui rendre grâce à notre Père. (2015-01-01)
Année B - dimanche de la Sainte Famille – 28/12/2014
(Genèse 15 : 1-6 ; Hébreux 11 : 8-19 ; Luc 2 : 22-40)
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs
C’est peu de dire que les questions autour de la famille sont aujourd’hui d’une brûlante actualité. Que ce soit au plan de la société dans ses dimensions politiques et juridiques. Nous en avons fait l’expérience en France ces derniers temps avec la loi du mariage pour tous et le débat n’est pas terminé pour tout ce qui touche à la filiation et à la procréation : droit à l’enfant, droit de l’enfant. Plus récemment ce sont les aspects économiques portant sur la famille que l’on cherche à ré-ajuster : révision du quotient familial pour les impôts, meilleure répartition des allocations familiales, etc. Sans oublier le débat sur la fin de vie qui mobilise aussi fortement les familles des personnes proches de la mort.
L’Eglise, de son côté, sous la conduite du Pape François, n’est pas en reste, nous le savons. Le premier Synode des évêques du pontificat se penche sur le thème de la place et du rôle de la famille dans l’évangélisation du monde d’aujourd’hui.
Alors, en ce dimanche de la Sainte Famille, que nous dit la Parole de Dieu, dans la liturgie, dans les textes que nous venons d’entendre ? En quoi peuvent-ils nous éclairer et donner du sens ?
Une lecture superficielle pour ne pas dire fondamentaliste pourrait conforter l’idée que la famille, c’est d’abord « un papa, une maman, un ou des enfants ». Abraham, Sara, Isaac dans le texte de la Genèse, Joseph, Marie, Jésus dans l’Evangile. Vision cellulaire, nucléaire et triangulaire, bien reprise dans les slogans et les pancartes des manifestations, qui n’est pas totalement fausse en un certain sens certes, mais combien étroite et manquant l’essentiel de ce que nous disent vraiment les textes bibliques.
En effet, l’annonce de la naissance d’Isaac faite à Abraham s’inscrit prioritairement dans la perspective d’une Alliance infiniment plus large. Il s’agit bien d’une promesse de descendance faite à un homme, Abraham et à une femme, Sara, mais cette promesse est destinée à s’étendre à tout un peuple, à toute l’humanité. Par sa foi en la Parole de Dieu, Abraham sera à l’origine d’une très grande et sainte famille : la famille de tous les croyants. Comme l’exprime si bien le passage de la lettre aux hébreux entendu en seconde lecture : « Grâce à la foi, Abraham obéit à l’appel de Dieu. Et grâce à la foi, Sara, elle aussi, malgré son âge fut rendue capable d’être à l’origine d’une descendance parce qu’elle pensait que Dieu est fidèle à ses promesses. C’est pourquoi, d’un seul homme, (d’un seul couple faudrait-il préciser sans trahir l’auteur de la lettre), déjà marqué par la mort et la vieillesse, a pu naître une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel. »
Cette vision universelle de la famille est aussi bien présente dans l’Evangile de Luc retenu pour cette fête. Notons que cette scène de la présentation de l’enfant nouveau-né, Jésus, a lieu au Temple de Jérusalem, la Cité Sainte ouverte à tous, et non à Nazareth, ville d’habitation de sa famille. Elle met en présence des représentants du Peuple de l’Alliance. Syméon représente le sacerdoce dans sa fonction de bénédiction et il reçoit les offrandes prévues par la Loi de Moïse. Anne représente la prophétie. Elle est la fille de Phanouël de la tribu d’Aser. Ce n’est pas anodin, si Saint Luc prend tant de soin à décliner ainsi son identité et ses racines. Phanouël signifie « face de Dieu » et Aser veut dire « heureux ». Pour elle, semble s’accomplir la parole du psaume : « qui nous fera voir le bonheur ? Sur nous, Seigneur, que s’illumine ton visage ! » Et son âge vénérable, 84 ans, 7 fois 12, nous dit l’espérance universelle, la patience et l’attente d’Israël enfin récompensé.
La venue de Jésus sur la terre ouvre ainsi de nouveaux horizons à la famille de Dieu. Cet enfant, Jésus, né dans une famille pauvre apporte le salut que Dieu préparait à la face des peuples. Il est la Lumière qui se révèle aux nations et qui donne gloire à Israël, le Peuple de Dieu. La naissance de Jésus vient accomplir et réaliser en plénitude la promesse faite à Abraham et à Sarah.
Alors, oui, frères et sœurs, en écoutant ces textes bibliques qui nous parlent de la famille selon le plan de Dieu, il y a vraiment de quoi s’étonner et s’émerveiller. Dans nos débats et nos réflexions en une période de forte mutation et de grands changements, de grandes évolutions des mentalités, ils nous invitent à refuser une vision étroite, enfermée sur elle-même, un confort et des sécurités repliés sur eux-mêmes au détriment d’une ouverture aux autre, aux étrangers, aux pauvres qui sont à la périphérie de nos sociétés.
Les foyers chrétiens, les communautés, les paroisses, les églises sont appelés à donner l’exemple et à apporter le témoignage du salut que le Christ est venu annoncer et qu’il réalise en personne, dans sa naissance, sa vie, sa mort et sa Résurrection.
C’est cette grande espérance que nous célébrons en chaque eucharistie, quand nous nous réunissons pour former une Sainte famille, l’assemblée chrétienne qui nous fait participer à la communion et à l’unité voulue par Dieu pour ses enfants. Car nous sommes tous enfants d’un même Père qui nous aime personnellement chacun d’un amour unique et qui veut que nous nous aimions les uns les autres, comme des frères et des sœurs, à la suite de Jésus lui-même, notre grand frère et notre Dieu qui nous a aimé le premier et qui s’est livré pour nous.
AMEN (2014-12-28)
Année B - Messe du Jour de NOËL 2014
Hébreux 1, 1-6 Jean 1, 1-18
Homélie du F.Ghislain
Cette nuit, nous avons accueilli une naissance, inaperçue parmi beaucoup d’autres dans le monde d’alors. Dans la nuit, sans feu ni lieu…Avec des anges pourtant dont la lumière et les chants perçaient le silence et l’obscurité. Un enfant perdu et les anges dans nos campagnes.
Les lectures de ce matin évoquent la suite : cet enfant de la nuit, le monde ne l’a pas connu, ne s’est pas ou n’a pas voulu se rendre compte de qui il était ; en plus, les siens, c’est-à-dire son peuple et sa nation, ne l’ont pas davantage accepté, et il a fini par mourir jeune d’une mort atroce : de la nuit de Noël à la nuit de la Croix, entre midi et trois heures.
Et pourtant, L’Ecriture qui nous parle de lui nous dit qu’il a accompli la purification des péchés. Tout le mal qui s’est commis dans le monde, celui que les hommes se sont fait à eux-mêmes et les uns aux autres, celui que parfois ils ont voulu faire à Dieu, - tout cela s’est comme évaporé. Tout simplement parce que cet enfant de la nuit a passé en faisant le bien, uniquement le bien. Entièrement juste devant Dieu, entièrement donné devant les hommes, il a tellement ignoré le mal que celui-ci s’est comme évanoui devant lui, et que ceux qui croient en son Nom deviennent purs comme lui-même est pur ; ils reçoivent de sa plénitude et, à leur tour, ils la partagent avec les autres.
Cet enfant ignorant du mal, l’Ecriture le scrute encore plus profondément : elle nous dit aussi qu’il est, par sa vie, par sa mort, par sa résurrection, la Parole même par laquelle Dieu a créé les mondes, s’est adressé à eux et les porte peu à peu à la perfection. Plus avant encore, elle nous dit que l’enfant de Marie est le Fils de Dieu, sorti du Père pour le manifester, le raconter, le faire connaître. Finalement, l’Ecriture nous révèle que, avant même d’être mise au monde, avant même de le créer et d’y répandre lumière et vie, cette Parole est auprès de Dieu, tournée vers Dieu, Dieu lui-même.
Aujourd’hui encore, le monde ne connaît pas le Christ. Pour Noël, Il met des lumières partout, mais il ignore la Lumière ; il veut bien chômer ce jour-là, mais il ne sait plus pourquoi, certains pourchassent même les crèches qui le leur rappelleraient. Mais les siens, c’est-à-dire nous aujourd’hui, le reçoivent-ils davantage. ? Au lendemain de son élection, le Pape François disait aux cardinaux qui venaient de l’élire : « Si nous ne confessons pas Jésus-Christ, nous deviendrons une ONG humanitaire » et il insistait : « Si nous confessons un Christ sans croix, nous sommes mondains, nous sommes des évêques, des prêtres, des cardinaux, des papes, mais pas les disciples du Seigneur ». Ce qu’il disait aux cardinaux, nous pouvons l’entendre pour nous, chrétiens. Ce n’est pas le tout de célébrer Noël, ce n’est peut-être même pas le plus important. L’important, c’est de connaître Jésus-Christ. De l’enfant de la crèche à l’homme crucifié, de celui qui est venu dans le monde à celui qui a créé les mondes, de celui qui est la lumière du monde et la vie pour le monde à celui qui est auprès du Père, qui sort du Père et qui retourne au Père.
Pour finir écoutons saint Paul qui nous dit son désir le plus profond : « Le connaître, Lui a puissance de sa Résurrection et la communion à ses souffrances », dans la méditation de l’Ecriture et le silence de la prière. Accueillir du Christ la révélation du Père, mais aussi et en même temps, opérer en Lui la rencontre de tout homme et de toute femme de ce monde, qui consciemment ou non porte son image et nous appelle l’aimer et à le servir. – Ainsi aurons-nous passé un bon Noël (2014-12-25)