Homélies
Liste des Homélies
Année C 2e dim Carême
Gen 15/5-12,17-18, Phil 3/17-4-1, Lc 9/28b-36.
Homélie du F.Cyprien
« Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante ».
Dimanche dernier, frère Ghislain, a souligné, à propos de des tentations du Christ comme pour le baptême dans le Jourdain et l’Evangile d’aujourd’hui, que tous les trois mentionnent la prière de Jésus… Cette insistance de saint Luc nous dit quelque chose de l’intimité de Jésus avec Dieu. …Présence de Dieu son Père bien sûr dans la vie et le cœur de Jésus, paroles du Père aussi qui nous révèlent l’identité et la mission du Fils.
Qu’est-ce donc cette transfiguration ? le visage qui change, les vêtements éblouissants…et la présence de Moïse et d’Elie ?
= Saint Luc nous met en face d’une expérience de la catégorie de l’indicible (« les disciples gardèrent le silence et ne rapportèrent rien à personne de ce qu’ils avaient vu » ; quelque chose qui prendra sens plus tard : il y a un peu de la vision du Fils de l’homme du prophète Daniel dans la transfiguration, mais elle annonce surtout le Christ ressuscité et la foi des premiers chrétiens.
= Saint Luc souligne aussi la cohérence de l’événement avec l’histoire du peuple juif. En présence des disciples, autour de Jésus il y a Moïse, c’est la Torah ; avec Elie, ce sont les prophètes.
Au milieu de son Evangile, saint Luc situe l’expérience des trois disciples pour annoncer la suite dans le dessein de Dieu, la mission de Jésus… complément aux trois annonces de sa Passion, alors que Jésus se tourne résolument vers Jérusalem.
« Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem ».
Le mot « départ » traduit le mot grec « exodos », sortie.
Il s’agit de la mort de Jésus : s’il est question d’Exode, la transfiguration annonce l’Exode définitif où Jésus va délivrer les hommes de la mort, comme avaient été délivrés les Hébreux de la servitude d’Egypte… Exode définitif … à la Cène Jésus accomplit « la nouvelle et éternelle alliance ».
La vision est divinement belle, illumination pour Pierre, Jacques et Jean… Cette vision néanmoins est une promesse; Pierre a voulu la faire durer, il ouvrit la bouche, mais …« il ne savait pas ce qu’il disait » !
Car la voix du Père intervient pour affirmer : « Celui-ci est mon Fils, écoutez-le »… Le message, il est là : Ecoutez-le dans ce qu’il vous dit, écoutez-le dans ce qu’il fait, écoutez-le dans ce qu’il fera… « Ecoutez-le » …marchez à sa suite…
Le départ de Jésus à Jérusalem sera l’Exode, le passage où Dieu intervient pour nous sauver …« à main forte et à bras étendu » : il y mettra le prix, le prix qui est la vie du Fils.
Quand la voix du Père se fit entendre, quand Dieu eut parlé, il n’y eut plus que Jésus seul… Lui allait continuer sa mission, il lui fallait aller vers son exode, vers la vie donnée.
Il n’est pas facile de conformer jusqu’au bout sa vie à l’exemple du Maître. « Beaucoup se conduisent en ennemis de la croix du Christ » disait saint Paul aux Philippiens.
Et le royaume des Cieux, le royaume de Dieu est le royaume des martyrs, eux qui ont lavé leur vêtement dans le sang de l’Agneau, l’agneau pascal, le Christ imité jusqu’au bout.
Cette transfiguration nous concerne parce qu’elle nous montre l’accomplissement des Ecritures, elle nous tourne vers la Gloire, avec l’exigence pour nous de suivre Jésus. Jésus, après Moïse et Elie, nous parle au nom de son Père… Il nous montre le chemin …et « il transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux » disait encore saint Paul.
A la suite de Jésus, offrons la vie que nous avons à donner. Le Christ est avec nous ; dans l’intimité avec le Père, nous sommes avec lui, déjà, avant même notre propre exode, le passage vers le Père. (2016-02-21)
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Année C - 1er dimanche de Carême
Deut. 26, 4-10 Rom. 10, 8-13 Luc, 4, 1-13
Homélie du F.Ghislain
Nous venons d’entendre le récit des tentations de Jésus au désert. Si nous avons bien écouté, nous nous disons peut-être : « Que faire de ce récit démesuré ? » Quarante jours de tentation dans un désert, sans nourriture, sans eau, dans la chaleur pesante du jour et le froid perçant de la nuit, avec des pensées, nous ne savons lesquelles, qui épuisent l’homme ? Ensuite une vision de tous les royaumes de la terre et de leur gloire. Ceci peut-être ne nous tenterait guère aujourd’hui : quand les journaux nous donnent quotidiennement l’état des lieux dans la planète, cela ne nous donne pas tellement envie de rejoindre ceux qui les gouvernent. En était-il autrement au temps de Jésus, que le diable pense l’allécher par la promesse du pouvoir ? Enfin une proposition étrange : on nous parle du sommet du Temple. Disons : les tours de Notre Dame : se jeter en haut pour que les anges nous rattrapent ? Qu’est-ce que tout cela veut dire ?
Retenons d’abord ceci : le récit de la tentation suit immédiatement celui du Baptême de Jésus, où celui-ci, nous dit saint Luc, étant en prière, vit les cieux s’ouvrir et l’Esprit descendre sur Lui, tandis qu’il entendait la voix du Père : Toi, tu es mon Fils bien aimé. Et notre texte continue en disant : Jésus, rempli d’Esprit-Saint…dans l’Esprit fut conduit au désert. Et là, dans le dénuement, il rencontra le diable, le satan, l’Esprit mauvais. Comme si, en la personne de Jésus, se ramassait le combat essentiel : entre l’Esprit de Dieu et l’esprit du mal. - Dimanche prochain, nous entendrons le récit de la Transfiguration : de nouveau, dit le texte, Jésus était en prière et alors, il fut transfiguré, comme devenu totalement lumière, et la même voix qu’au Baptême se fit entendre, adressée cette fois-ci aux disciples : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi ». Ainsi, le sombre récit de la tentation se situe-t-il entre deux récits de lumière, de filiation et d’Esprit-Saint, comme s’il fallait, comme le dit plus loin saint Luc encore, « que le Christ souffrît et entrât ainsi dans sa gloire ».
Mais pourquoi ? De nouveau, l’évangile nous le dit : quand Jésus a faim après son long jeûne, le diable lui propose : si tu es Fils de Dieu, et Jésus répond : l’homme ne vit pas seulement de pain. Fils de Dieu, homme. Jésus refuse de faire appel à autre chose que sa condition d’homme. Quand on lui offre des royaumes qui le feraient rentrer dans l’idolâtrie, il les refuse car seul Dieu est adorable. Quand on lui suggère de s’appuyer sur sa dignité encore de Fils de Dieu pour présumer des desseins de Dieu à son égard, il refuse. Jésus, un homme dans l’adoration du Père. Dans l’épître aux Philippiens, saint Paul décrit bien son attitude : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéantit, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes… », et la suite, que vous connaissez.
Maintenant alors, il me semble que nous pouvons rentrer en scène. Les tentations en question sont les nôtres, à notre mesure, et elles connaissent parfois des paroxysmes : privés de pain, symbole ici de tout le bien-être terrestre que nous pouvons désirer et qui, soudain, nous manque ; attirés par la grandeur, par tout ce qui, dans notre sphère limitée, est pouvoir, autorité, reconnaissance, nous en sommes dépourvus ; ayant fait des projets, pris des risques, en les mesurant trop peut-être à l’aune de nos désirs, nous sommes déçus, parfois presque détruits. – Je pense que, si chacun de nous regarde sa vie, il saura mettre des mots concrets sur ces épreuves, ces tentations, qui rendent la vie dure, parfois à la limite du supportable.
L’évangile nous dit que Jésus, pour affronter ses tentations, avait reçu une plénitude d’Esprit-Saint et que, dans ces tentations, il est demeuré inébranlable dans l’invocation du Père, sans faire appel à aucun privilège que lui aurait donné sa condition de Fils de Dieu. Or, à nous aussi, l’Esprit saint a été donné : au Baptême, et confirmé à ce qu’on appelle précisément la confirmation ; l’invocation de Dieu peut toujours venir sur nos lèvres. Aussi longtemps que la tentation dure ou revienne, l’Esprit souffle et les lèvres du cœur peuvent s’entrouvrir. N’avons-nous pas fait aussi parfois, fugitivement peut-être, cette expérience du souffle et de l’invocation quand nous ne pouvions plus rien d’autre ? C’est peut-être à ce moment-là que nous devenons chrétiens.
Nous entendons tant de choses aujourd’hui sur le mal du monde et la déroute des hommes. Les migrants, qui ont dû tout abandonner, prendre la route, essayer d’entrer dans un pays étrangers ; les populations victimes des combats de chefs qui veulent le pouvoir et l’argent : comme on dit en Afrique : « quand deux éléphants luttent, c’est l’herbe de la terre qui est foulée et écrasée », et tant d’autres lieux et circonstances de tentation, chez nous aussi. Il nous faut prier, beaucoup, souvent, pour que les hommes, les femmes, les enfants tentés semble-t-il au-delà de leurs forces, reçoivent dans le secret de leur cœur, et dans les échanges qu’ils peuvent avoir entre eux, l’Esprit qui est partout dans le monde et peut aller jusqu’au cœur des hommes. Qu’il leur soit donné une assurance intérieure et une invocation silencieuse, celles dont les journaux ne peuvent rendre compte, mais grâce auxquelles ils puissent finalement entendre du Père, la parole qui est à l’intime de ces épreuves et que l’Evangile nous atteste : « Tu es mon Fils ». (2016-02-14)
Année C - Mercredi des CENDRES - 10.02.2016
Jl 2, 12-18 ; 2 Co 5, 20-6, 2 ; Mt 6,1-6, 16-18
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et Sœurs,
Des lectures entendues, je voudrais retenir une expression : « devenir juste ». Jésus disait à ses disciples : « Ce que vous faites pour devenir des justes, éviter de l’accomplir devant les hommes » ; et Paul affirmait : « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu ». Devenir juste, nous faisons des choses pour cela, et pourtant un seul a fait ce qu’il fallait pour que nous le devenions vraiment : Jésus identifié au péché sur la croix. Oui désormais, en Jésus, nous sommes des justes, et nous ne cessons de le devenir. Depuis notre baptême, nous sommes assurés d’être sauvés, et dans le même temps, cheminant dans l’histoire, nous sommes responsables de ce don qui nous a été fait afin qu’il porte tout son fruit dans notre existence. Nous sommes déjà devenus des justes, et nous ne cessons de le devenir encore.
« Notre entrainement au combat spirituel », vécu durant ce Carême s’inscrit dans ce « déjà » et cet « encore » à venir. A l’invitation de Paul, nous pouvons vivre ce temps comme un temps de grâce. Temps favorable pour reprendre conscience de cette grâce immense qui nous a été faite en Jésus, mort et ressuscité pour nous. C’est la grâce d’un amour immérité totalement gratuit. Entrer en Carême, c’est d’abord ouvrir son cœur. Le prophète Joël parle de le déchirer. Oui, nous tenir devant notre Dieu le cœur ouvert et les mains vides, avec notre seul désir d’être davantage à l’écoute, d’être moins ingrat ou indifférent devant sa bonté dispensée à profusion. Une attitude d’ouverture, d’écoute des Ecritures pour contempler, laisser résonner en nous la beauté et la profondeur de la Miséricorde à nous offerte. Tel est le premier aspect de notre entrainement spirituel : nous tenir ouvert, disponible intérieurement, à l’écoute…du don premier qui nous rend juste.
Laisser Dieu par sa grâce nous justifier aujourd’hui encore. Un second aspect de notre entrainement au combat spirituel, sera d’accueillir ce que l’Esprit nous suggère de mettre en œuvre pour devenir juste. Notre expérience quotidienne nous fait rencontrer le mal en nous-mêmes et autour de nous. La justice de Dieu n’est pas encore pleinement accomplie en nos existences et dans la vie de l’humanité. Ce temps de Carême peut nous apprendre à dire plus en vérité : « Pitié Seigneur, car nous avons péché ». Non pour nous morfondre dans la culpabilité, mais pour ouvrir davantage notre cœur, à la puissance du pardon qui renouvelle en vérité celui qui s’humilie. Ce temps de Carême peut être aussi l’occasion de remettre de l’ordre dans nos vies. Remettre de l’ordre : cela veut dire remettre des priorités dans notre quotidien. Est-ce que la priorité, c’est me servir ou de servir les autres ? Est-ce de me distraire ou bien de me recentrer sur l’essentiel ? Pour nous moine, nous pouvons entendre à la suite de Benoit : est-ce je ne préfère vraiment rien au Christ ? Préférence qui se décline dans le primat de l’office et de la prière, mais aussi dans l’urgence du service du frère, proche ou lointain…
Chacun de nous connaît ces points de fragilité. C’est le moment favorable de les considérer en vérité. Tel un malade qui va vers son médecin, présentons-nous à l’œuvre de grâce de notre Dieu avec confiance. Prenons avec courage les remèdes qu’Il nous indique, le jeûne, la prière plus assidue, le partage plus concret, le service plus désintéressé….
En cette eucharistie, le Christ nous assure de sa grâce déjà offerte, et nous faisons joyeusement un pas vers lui pour l’accueillir et nous mettre en route vers Pâques. (2016-02-10)
Année C - 5° Dimanche du Temps Ordinaire - 7 février 2016
Is 6 1-8; 1 Co 15 1-11; Lc 5 1-11
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Les trois lectures entendues nous disent la force d’une expérience de Dieu : le prophète Isaïe dans le temple qui est saisi par la gloire de Dieu, les disciples dans la barque qui sont sidérés par la pêche abondante réalisée sur la seule parole de Jésus, et Paul qui rappelle l’apparition du Christ ressuscité faisant de lui un ardent apôtre, de persécuteur de l’Eglise qu’il était. Trois expériences à travers lesquelles Dieu se manifeste et bouleverse la vie de ceux qui la font. Trois expériences qui peuvent nous enseigner sur notre propre rencontre de Dieu et nous donner cœur pour nous mettre en route. Je retiendrai trois mots : sidération, parole, et envoi.
Sidération. Isaïe, Pierre et Paul vivent une expérience qui les sidère. Isaïe s’estime perdu, Pierre est effrayé et se met à genoux. Le récit des Actes nous rapporte que Paul tombera à terre. Devant quelque chose qui est tellement extraordinaire, nos trois témoins sont comme cloués au sol. Leur vie est bousculée par cet évènement qui sort de l’ordinaire. Une présence s’impose à eux, et ils ne peuvent rien lui opposer. Présence forte de Dieu qui manifeste par contraste leur petitesse : « Malheur à moi, je suis un homme aux lèvres impures »… « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur »… Dans nos vies, dans notre histoire avec Dieu, peut-être pouvons-nous tous repérer, un de ces moments privilégiés où les choses et de Dieu et de l’homme nous sont apparues dans une lumière forte. Une lumière si claire que dans cet instant nous avons saisi, ou nous avons été saisi par le mystère et de Dieu et de notre propre petitesse devant lui. Sûrement pour la plupart d’entre nous, cette expérience ou ces expériences n’ont rien eu d’extraordinaire ni de merveilleux. Mais quelque chose en nous a été touché, peut-être sidéré, si intimement que nous ne pouvons l’oublier. Frères et sœurs, gardons mémoire de ces moments privilégiés, souvent fondateurs. Non pour essayer de retenir quelque chose de Dieu, mais pour conserver l’élan de vie et de grâce de tel moment.
Parole. La Parole est presque toujours liée à ces évènements forts, à ces expériences. Isaïe entend la voix de Dieu. Pierre obéit à la Parole de Jésus puis est rassuré par sa parole : « soit sans crainte ». Et Paul entend une parole, qu’il reçoit comme une grâce. Dieu dont le mystère est si grand, vient à nous, en nous parlant, en s’adressant à nous. Sa Parole nous introduit dans une relation vivante avec lui. Si la frayeur a pu terrasser, la Parole rassure et relève. Elle remet debout. Notre Dieu n’est pas le Dieu de la sidération, Il est un Dieu de relation. Il désire tisser avec nous une amitié qui respecte chacun de nous, avec sa personnalité et son rythme. Par sa Parole, Dieu propose d’entrer dans une Alliance, un chemin sur lequel nous allons peu à peu découvrir son visage, mieux le connaitre, mieux l’aimer.
Envoi. Il est frappant de voir que la rencontre fulgurante avec Dieu conduit à un envoi. Celui qui a fait cette expérience devient messager de Dieu. Ce qu’il a vécu n’est pas pour lui seul. Isaïe le comprend : « Me voici, envoie-moi ». Pierre l’entends : « Désormais ce sont des hommes que tu prendras ». Et il suit Jésus en laissant tout. Paul fait l’expérience que la grâce reçue n’a pas été stérile dans sa vie d’envoyé aux nations. Oui, cette expérience de Dieu se révèle être appel, appel à aller vers les autres, en partageant la Bonne Nouvelle de la rencontre vécue, la Bonne Nouvelle d’un Dieu qui vient à la rencontre de l’homme et qui l’invite à vivre avec lui une relation vivante.
Frères et Sœurs en cette eucharistie, nous faisons mémoire de la Bonne Nouvelle de la mort et de la résurrection de Jésus, Bonne Nouvelle d’un évènement d’hier que nous accueillons pleinement aujourd’hui dans la Vie qui nous est offerte. (2016-02-07)
Année C - PRESENTATION DU SEIGNEUR - 02.02.2016
He 2,14-18 ; Lc 2, 22-40
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
« Il lui fallait se rendre en tout semblable à ses frères » nous dit l’épitre aux Hébreux à propos de Jésus. Ce chemin de ressemblance commencé dès sa conception, Jésus le poursuit dans l’accomplissement des rites de la Loi de son peuple, dont nous faisons mémoire aujourd’hui. Comme tout petit juif, lui le premier-né est présenté et pour lui on offre deux petites colombes. Ce geste rituel qui commémore la sortie d’Egypte permet de ne pas oublier que c’est le Seigneur qui sauve et que ce salut a eu un prix, la mort des premiers-nés de l’Egypte. Rien n’est dû, tout est donné par le Seigneur.
Ainsi Jésus a-t-il pu devenir « un grand prêtre miséricordieux et digne de foi pour les relations avec Dieu afin d’enlever les péchés du peuple ». Jésus, le Fils de Dieu, n’avait pas besoin d’offrir ce couple de colombes. Il n’avait pas besoin d’être racheté, sauvé. En assumant avec notre humanité, ces rites de la Loi, il s’offre lui-même, prélude de son offrande sur la croix. Ainsi depuis sa conception jusqu’à la croix, Jésus vit un unique sacerdoce : celui de faire de toute sa vie une totale offrande. Se faisant il rétablit la relation entre Dieu et l’homme. La relation avait été brisée par le péché. Elle est rétablie par cette offrande totale et continue de Jésus à son Père. En notre humanité, il est tout tourné vers son Père, aimant, cherchant, travaillant, souffrant sans se détourner de son Père.
Telle est la lumière qui commence à poindre en ce jour de la Présentation et qui sera plénière lors de la résurrection. Mystère de la vie de Jésus qui est mystère du dévoilement progressif de cette lumière, en passant par l’épreuve de l’obscurcissement de la croix.
Méditer, contempler ce mystère du Christ, Lumière des nations, peut être source de réconfort pour nous. Cette lumière n’a rien d’éblouissant ni de clinquant. Elle est plutôt bienfaisante et réconfortante, si petite parait-elle être à nos yeux, comme l’était la flamme fragile du cierge que nous avons porté au début de cette célébration. Lumière qui accompagne nos pas humains avec leurs hésitations, leurs trébuchements aussi. Lumière qui donne force et direction à nos tâtonnements pour que notre vie soit vraiment humaine, depuis sa conception jusqu’à la mort. Lumière qui est là parce que rien ne notre humanité n’en est indigne. Lumière qui vient remplir de vie et de joie nos quotidiens très simples de moines quand ils consentent à se mettre humblement sous son halo. Oui, laissons-la-nous illuminer, nous fortifier, et faire de nous, une offrande pure et des témoins joyeux de la Bonne Nouvelle. (2016-02-02)
Année C - 4° dimanche du Tems Ordinaire 2016
Jr, 1, 4-5, 17-19 ; Ps 70 ; 1 Co 12, 31-13, 13 ; Lc 4, 21-30
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Le récit que l’on vient d’entendre peut faire surgir en nous cette question : qui est Jésus pour susciter une telle opposition dès le début de son ministère ? Pourquoi le prophète dérange-t-il autant ? Parce qu’il n’a pas d’autres intérêts que l’amour. Amour de Dieu son Père et amour des hommes. Les habitants de Nazareth voudraient retenir Jésus à leur profit afin d’exploiter ses talents de guérisseur. Mais, pour reprendre les mots de St Paul, l’amour ne cherche pas son intérêt ». Ils voudraient bénéficier de l’aura de Jésus dont la renommée grandit. Mais l’amour ne se gonfle pas d’orgueil.
Les habitants de Nazareth n’ont pas compris que Jésus est la voix et le visage de l’amour, et qu’on ne peut pas mettre la main sur lui. Sans compromission aucune, il est la voix de l’amour qui annonce aux pauvres la Bonne Nouvelle. Il est le visage de l’amour qui va son chemin et endure tout dans la patience. Jésus est la voix de l’amour qui ne cesse de dire la vérité qui libère. Et face à l’hostilité, il est le visage de l’amour qui ne s’emporte pas et s’efface, faisant confiance en tout à son Père.
A la suite de Jérémie, d’Elie et d’Elisée, prophètes de l’Ancien Testament, Jésus est vraiment le « grand prophète » attendu. Voix et visage de l’amour au milieu des hommes, il ne recherche pas la reconnaissance humaine. Et il n’aura de cesse jusqu’à la croix que l’amour ait le dernier mot en toute chose.
Frères et sœurs, par notre baptême nous a été donné de devenir des prophètes en Jésus. Avec Lui, par Lui, il nous revient aujourd’hui d’être au milieu de nos contemporains, la voix et le visage de l’amour. Amour fraternel dans nos communautés chrétiennes. Mais aussi amour sans frontière pour tout homme et toute femme rencontrés. « Là où il y a des chrétiens, quiconque doit pouvoir trouver une oasis de miséricorde » nous encourage le pape François, en cette année jubilaire. Prophètes, il nous revient de faire signe de l’amour infini de Dieu pour tous. Chacun est prophète quand il fait un geste d’accueil au lieu d’un mouvement d’énervement spontané ; lorsqu’il ne mesure pas jalousement son temps ; lorsqu’il rend un service en sachant qu’il n’y aura pas de réciproque ; lorsqu’il donne une parole de vérité qui coûte ; lorsqu’il pose à contrecourant un geste de justice… Oui, soyons heureux d’être envoyés comme des prophètes de l’amour là où nous sommes, dans un monastère, dans la famille ou le travail, sur un lit d’hôpital ou dans la prison. Et si nous mesurons spontanément notre faiblesse, regardons Jésus et demandons-lui son aide. Regardons le en reprenant les mots de St Paul : « L’amour prend patience, l’amour rend service…l’amour ne passera pas ». Je vous propose d’apprendre par cœur ces quelques versets (4 à 8), ou de les écrire, et de les répéter en regardant Jésus, la voix et le visage de l’amour. Une autre façon de nous stimuler sur ce chemin exigent est de regarder les amis de Jésus, les saints. Essayons de mieux connaître notre saint patron, ou bien le saint du jour. Ainsi aujourd’hui regardons don Bosco qui a su si bien aimer les jeunes déshérités et leur faire confiance. Avec les saints, laissons l’Esprit nous apprendre à aimer sans mesure. Frères et sœurs, en cette eucharistie, nous faisons mémoire de la mort et de la résurrection de Jésus. Là se trouve la source de son amour pour nous. Accueillons-le. (2016-01-31)
Année C - 3e DIMANCHE ORDINAIRE - 24 Janvier 2016
1ere lecture : Néhémie 8,1-4a, 5-6, 8-10
2eme lecture : 1 Corinthiens 12,13-30
Évangile : Luc 1,1-4 et 4,14-21
Homélie du F.Matthieu
La première lecture tirée du Vieux Testament consonne tout à fait avec le passage de l’évangile de Luc que nous venons d’entendre et cela peut être certainement source d’enseignement pour nous aujourd’hui.
Dans le passage de Néhémie, il s'agit du peuple d’Israël rassemblé pour célébrer la fête des Tentes, au retour de l'Exil à Babylone. Le prêtre Esdras y fait la lecture publique du Livre de la Loi, la Torah de Moïse, dont la lecture sinon tout-à-fait la pratique avaient été sans doute bien délaissées durant les longues années d’exil dans le monde des nations.
Dans le passage de l’évangile, il s'agit de l’assemblée de la synagogue, un jour de shabbat. Ce jour-là, comme chaque shabbat, quelqu'un a lu un passage de la Torah, puis Jésus, un habitué mais qui a déjà acquis une belle renommée dans tout le pays, a été invité à faire l’homélie ; il a choisi alors le passage du Prophète Isaïe dont il veut donner l’interprétation.
Dans les deux cas, nous assistons à une proclamation publique et liturgique des Ecritures, Parole de Dieu actualisée pour que tous comprennent ce qui est en jeu au plus profond du dessein de Dieu pour son peuple et finalement pour tous les hommes, au long des événements, heureux ou tragiques, de leur histoire.
Lecture de la Torah, récit depuis les origines du monde, la création, le péché jusqu’au déluge, puis un nouveau départ, une nouvelle alliance déjà, et l’appel d’Abraham, le croyant, l’histoire des Pères, le séjour en Egypte et la sortie merveilleuse, la libération de l’esclavage, le don de la Loi au Sinaï et le don de la terre sainte… premier achèvement.
Le peuple croit avoir perdu tout cela dans son péché, dans son exil, si long, si lointain, mais Esdras et Néhémie et les lévites sont là pour annoncer la "Bonne Nouvelle" : Dieu renouvelle ses merveilles et le retour sur la terre va être un nouveau départ, le renouvellement de l’Alliance, la reprise du service de Dieu à l’écoute de sa Parole toujours source de vie, de libération et de salut !
Et le peuple est invité à la fête, mais à une fête qui est toute de joie parce qu’elle est l’occasion du partage pour que les pauvres eux aussi, eux d’abord, soient en fête selon le désir de Dieu !
Et Jésus s’inscrit tout naturellement dans cette histoire du salut, Luc est là pour en témoigner dans tout son évangile.
Plongé avec tout le peuple dans les eaux du Baptême de Jean, il a reçu l’onction de l’Esprit et le premier acte de son ministère messianique s’inscrit dans la tradition liturgique de l’assemblée synagogale d’un shabbat, où sont lues les Ecritures – Torah de Moïse, Prophètes et Psaumes – pour que se poursuivent le chemin de l’Alliance, pour que se poursuivent le dessein de salut de Dieu pour son peuple et pour tous les hommes. Mais aujourd’hui dans son évangile, Luc témoigne de la dernière étape de cette histoire du salut : en Jésus, le messie les Ecritures sont accomplies.
Il a reçu l’onction de l’Esprit pour proclamer la "Bonne Nouvelle" aux pauvres, comme annoncé dans le passage d'Isaïe, choisi par Jésus ; c'est ce qu’Il va accomplir, en proclamant le Royaume sur les routes de Galilée, de Judée et jusqu’à Jérusalem, par sa Parole bien sûr, mais aussi par toute sa vie jusqu’au sacrifice suprême, se faisant Péché avec nous et pour nous, pour qu’advienne la libération définitive, le salut enfin accompli, l’alliance nouvelle et éternelle… C'est ce que raconte tout au long l'évangile de Luc comme les trois autres évangiles d’ailleurs.
Que pouvons-nous alors comprendre, pour nous, dans notre aujourd’hui ?
Que la "Bonne Nouvelle", celle de la Torah, celle d'Isaïe comme celle de Luc, c'est Jésus lui-même : sa vie, ses paroles, et toute sa Personne.
Que la "Bonne Nouvelle" c’est que Dieu lui-même est venu vivre en homme parmi les hommes, pour apporter à toute notre humanité le pardon, la libération, le salut.
Et c’est "Bonne Nouvelle" pour nous, aujourd’hui encore !
Dans le texte de Néhémie, Esdras et les lévites disent à tout le peuple : Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu et ils lui prescrivent d'être dans la joie, de faire la fête. Pourquoi ? Parce que Dieu a donné à son peuple, et lui donne à nouveau, aujourd’hui, la libération, le salut et la vie en plénitude.
Et Jésus en lisant Isaïe, ne dit pas autre chose : "Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres, et aux aveugles qu'ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération..."
Mais, aujourd’hui, et depuis ce Jour, tout est accompli !
Le Seigneur veut le bien des hommes, et Jésus, Dieu incarné, est en lui-même l’accomplissement de cette volonté de salut, donné d’abord aux pauvres et aux opprimés, à ceux qui "n'ont rien de prêt", ni matériellement, ni peut-être même spirituellement, rien pour entrer dans cette fête et qui y sont pourtant les premiers accueillis.
Alors, saurons-nous être simplement de ceux-là ? Nous reconnaissant Pécheurs, et plus radicalement que nous ne le pensons peut-être, mais accueillant humblement le pardon… offert gratuitement… le don du salut et de la joie !
C’est la "Bonne Nouvelle" pour nous, aujourd’hui ! (2016-01-24)
Année C - le 17 janvier 2016 - 2ème dimanche
Is 62,1-5; 1 Co 12, 4-11; Jn 2, 1-11
Homélie du F.Damase
Cana – un miracle sympathique. Mais Jean n’est pas un journaliste, c’est un théologien. Il veut donc nous faire découvrir la mission de Jésus auprès des hommes. Pour cela, il nous pose quatre questions dans ce récit. A nous de chercher et de trouver la réponse ou tout au moins une réponse.
Ainsi il y a une noce à Cana– mais qui sont les mariés ? – ils sont important pour faire la fête. Qui sont les mariés ? Dans la lecture d’Isaïe : L’époux est « celui qui t’a construite c'est-à-dire le Seigneur ». et le Seigneur dit à Jérusalem et à ses alentours « ma préférée, mon épouse ». C’est donc tout son peuple et à travers lui tous les peules qui seront « comme une jeune mariée » faisant « la joie de son mari… la joie de son Dieu ».
Cette image de Dieu Epoux, courante dans l’Ancien Testament, on la retrouve dans le Nouveau appliquée à Jésus. Mais aux Noces de Cana, le marié n’est pas Jésus. On peut entendre, qu’à Cana, ces noces seront scellées dans la Nouvelle Alliance par le sang de Jésus sur la Croix et par sa Résurrection. Tout en nous souvenant qu’à Cana, nous n’avons que le premier signe : « Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit » !!
2° question : la Gloire ? Il en est question dans Isaïe où il s’agit de « voir la gloire de Jérusalem » et dans l’évangile Jean nous dit « là Jésus manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui ». La gloire de Jérusalem est de recevoir de Dieu, sa Justice, son salut et d’être ainsi sauvé de son péché, pardonné et restauré. Plus encore d’être épousée, la « préférée » de Dieu, sa Bien-aimée. La gloire de Jérusalem représente celle de tous les croyants, la nôtre bien sûr. Elle est un cadeau de Dieu, celui de son amour.
Dans l’Evangile, la gloire de Jésus n’est pas de faire un miracle ; Jésus n’est pas Harry Poter.
Bien sûr, Jésus est Dieu, mais l’important pour lui est de manifester l’amour de Dieu, sa miséricorde et sa tendresse. Certes à travers ce miracle, il sanctifie nos noces humaines ; mais surtout il annonce les noces de Dieu avec l’humanité ; ces noces manifestent aussi l’amour du Père ; ainsi Cana manifeste l’amour qui circule au cœur de la sainte Trinité !!
3° question : Quel est le rôle de Marie au cours de cette noce ?
On ne nous dit pas qu’elle est invitée, mais on sait simplement qu’elle est là ; elle est là complètement du côté des hommes et des femmes dans ce mariage. Elle constate que quelque chose ne va pas, que la fête ne pourra pas être tenue, alors elle le dit à Jésus, elle a confiance en lui.
« Femme ! Quoi entre moi et toi ? Mon heure n’est-elle pas venue ? »
En appelant Marie « Femme », Jésus souligne la solidarité de Marie avec l’humanité entière que Dieu veut épouser. Elle est plus que sa Mère, il s’en détache comme un adulte. « Quoi entre moi et toi ?» Ne veut-il pas faire entendre que l’heure de sa manifestation n’est pas encore arrivée. Certes, l’histoire du salut va vers un accomplissement, vers un achèvement, vers une °dynamique du « vin moins bon au meilleur » - Celui de la Nouvelle Alliance en Lui et par Lui, Jésus.
« Quoiqu’il vous dise faites-le »
Ce n’est pas un ordre, mais l’expression d’une confiance, une injonction maternelle et rassurante : « vous pouvez y aller, ce sera bon pour vous » dit Marie aux serviteurs d’une certaine façon. Mais c’est à chacun de nous que Marie s’adresse, elle nous pousse à agir, à nous engager selon la Parole de Jésus. Allez-y.
Une dernière question : « Six cuves de pierre »
Six cuves et non pas sept; le chiffre parfait. Il y a là un manque, cependant elles sont en pierre donc solide et durable – et elles sont remplies à « ras bord ». Impossible de ne pas voir dans tout cet ensemble le symbole de la Première Alliance avec Israël, qui conduit à Jésus, mais qui n’arrivera à sa plénitude qu’en lui, Jésus.
On peut ajouter que Jésus ne fait pas des miracles « à partir de rien », mais il transforme l’eau puisée par les serviteurs. Jésus transforme nos efforts comme nos misères, pour en faire le vin de son Royaume. Dieu sème largement, il donne au-delà de ce que nous attendons. Il multiplie les pains et les poissons. C’est la plénitude de sa vie divine qu’il veut partager avec chacun de nous.
Oui, en ce dimanche de l’Epiphanie de Cana, laissons-nous envahir par la tendresse de notre Dieu-époux.
Si vous êtes mariés, votre couple est « signe et sacrement », « manifestation de l’amour trinitaire de notre Dieu ».
Si nous sommes « célibataires », nous ne sommes pas sans amour, nous sommes épousés par le plus grand amour qui soit.
Oui, grisons-nous du vin de Cana qui ne cesse jamais de couler à profusion et c‘est « du très bon ». Goutez-le et vous verrez. (2016-01-17)
Année C - Fête du Baptême du Christ - 10 janvier 2016
Esaïe 40, 1-5 + 9-11 / Psaume 103
Tite 2, 11-14 + 3, 4-7
Luc 3, 15-16 + 21-22
Homélie du F.Basile Ducruet
F et S, où sommes-nous dans l’Evangile ? St Luc vient de nous rapporter à sa manière le baptême du Christ. Et nous sommes là, avec tout le peuple qui vient se faire baptiser par Jean, nous sommes là à un moment capital de la vie de Jésus, c’est comme son « entrée en scène », son entrée dans la vie publique, mais c’est plus que cela : en écoutant l’Evangile, nous devenons témoins de la révélation par excellence du mystère de Jésus, le Fils bien-aimé que nous montre le Père.
Dans ce court récit de Luc, il y a 2 traits qui lui sont propres. D’abord, Jésus n’est pas seul, il y a tout un peuple avec lui : en recevant le baptême dont il n’avait pas besoin, car il est sans péché, Jésus entre dans le mouvement de conversion de son peuple ; il est là comme les autres, perdu dans la foule. Ce n’est pas lui qu’on regarde, c’est Jean qui baptise, et Jean se défend bien d’être le Messie. Etonnante discrétion de Jésus qui vient humblement se mêler à la foule des pécheurs.
Et puis Luc est seul à nous dire qu’une fois baptisé, Jésus priait. Cela s’enchaîne comme naturellement ; c’est alors seulement que l’événement peut se produire : le ciel s’ouvre, l’Esprit descend sur lui, la voix du Père le révèle : « Tu es mon Fils ! » Oui, Dieu se révèle à nous dans ce dialogue d’amour et Jésus apparaît dans son être profond de Fils de Dieu, Bien-aimé du Père. La nouvelle traduction liturgique a laissé tomber la citation du ps 2, mentionnée par certains manuscrits de l’évangile de Luc, pour reprendre la même parole que Marc et Matthieu : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie. »
En quelques mots, tout est dit, et le mystère demeure. Qui peut le comprendre ? Ici la théologie est précieuse, mais aussi la connaissance des Ecritures (« Elles parlent de moi » dira Jésus) : les paroles s’éclairent l’une par l’autre ; c’est là que se trouve toute la richesse de la lectio divina. Et justement Jésus priait pour accueillir cette parole.
Nous sommes là tout près d’une source, au bord de l’eau, au bord du fleuve : une eau que Jésus a purifiée, diront certains, alors que d’autres insisteront sur l’eau boueuse, où Jésus n’a pas eu peur d’entrer ; une eau qui deviendra pour tous les disciples de Jésus celle du baptême, une eau de source intarissable !
« Jésus priait » et nous ne savons pas ce qu’il disait. Il était en prière. Quand Luc mentionne dans son évangile la prière de Jésus, c’est le plus souvent une prière intérieure, silencieuse, un mouvement profond du cœur qui le relie à Dieu son Père. Il nous est dit seulement : « Alors le ciel s’ouvrit. » Ne serait-ce pas cela la prière ? la prière du pauvre qui traverse les nuées, la prière du Fils qui s’ouvre à son Père dans le mouvement de l’Esprit. La prière chrétienne est trinitaire, dialogue d’amour. Et voilà bien l’important qui nous est révélé aujourd’hui : le baptême de Jésus est l’heure où la brèche s’ouvre pour la 1° fois ; elle s’ouvrira à nouveau lors de la Transfiguration et là encore Luc le soulignera : Jésus priait. J’aime voir cette brèche dans l’architecture de la chapelle de Chauveroche, cet espace de lumière derrière l’autel : le ciel s’ouvre et Dieu se manifeste dans cette unique parole : « Tu es mon Fils ! » Ne serait-ce pas cela l’essentiel de la prière ?
Non pas faire connaître nos demandes et nos besoins (« Le Père sait tout ce dont vous avez besoin, dira Jésus), mais écouter au plus profond de nous la voix du Père : « Tu es mon Enfant bien-aimé ».
Cette parole, nous devrions la graver dans notre cœur, car elle dit déjà toute la bonne nouvelle de l’Evangile : Dieu nous montre, Dieu nous donne son Fils, son propre Fils auquel il tient tellement , et cela pour faire de nous des fils, ses enfants bien-aimés.
Celui qui a compris cela, a déjà tout compris, et le sens du baptême et le sens de la vie : une vie nouvelle donnée par Dieu gratuitement, et qui jamais ne s’arrêtera : au baptême la vie éternelle est déjà commencée.
Pour la plupart d’entre nous, nous n’avons aucun souvenir de notre baptême ; aujourd’hui nous pouvons mieux le comprendre à la lumière du baptême de Jésus : pour chacun de nous, le ciel s’est ouvert ce jour-là, l’Esprit nous a été donné. Comme il est dit dans la 2° lecture : « Par le bain du baptême Dieu nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous avec abondance… » Pour moi, c’est clair : l’Esprit Saint n’est pas donné en morceaux séparés, il est déjà donné entièrement au baptême, et ce don nous est refait sans cesse à chaque sacrement.
Alors comprenons bien notre baptême : il y a l’eau et la plongée dans le mystère pascal du Christ où nous sommes purifiés, il y a l’Esprit Saint répandu avec abondance, et il y a la voix du Père qui nous reconnaît pour son enfant bien-aimé : c’est l’aspect personnel du baptême : une relation unique dans un dialogue d’amour.
N’oublions pas l’autre aspect : communautaire, ecclésial, œcuménique au sens le plus large du mot (toute la terre habitée) : le baptême nous introduit dans le Corps du Christ, dans la famille de Dieu qui n’a pas de frontière, car Dieu ne fait pas de différence entre les hommes. Savoir que ce baptême est commun à tous les chrétiens réjouit notre cœur et nous relance chaque année dans notre marche œcuménique. En Jésus notre Sauveur, nous avons été baptisés, en lui nous sommes tous frères : soyons de vrais témoins de cette fraternité, donnée par le baptême. (2016-01-10)
Année C - EPIPHANIE
03.01.2016
Is 60, 1-6 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
Homélie du père Abbé LUC
Frères et sœurs,
Depuis Noël, nous ne cessons de méditer le mystère de la venue de Dieu dans notre monde, sous les traits d’un nouveau-né. Nous ne cessons pas non plus de nous émerveiller devant la manière avec laquelle Dieu s’y prend pour révéler ce mystère. Il s’adresse tout d’abord à des bergers pour leur annoncer la venue du Messie afin qu’ils aillent raconter cela tout autour d’eux. Aujourd’hui, il suscite des mages venus de lointains pays pour réveiller Jérusalem. « Son amour les a pris de court », chantons-nous dans une hymne. Ces mages inconnus, étrangers à la religion juive, entrainent les scribes et les prêtres, familiers des Ecritures, à relire leur tradition. Quand Dieu vient dans notre monde, il surgit comme une question que tous sont invités à examiner, sans prétendre atteindre à un savoir. Marie et Joseph se sont laissé enseigner par les bergers, eux-mêmes ayant accepté de se mettre en route dans leur nuit. Les hommes de science de Jérusalem sont conduits par des inconnus à se plonger d’une nouvelle manière dans leurs Ecritures. Il leur faut accepter, non seulement de ne pas tout savoir, mais d’être guidés par des étrangers. Dieu semble se plaire à déjouer les évidences. Il se dévoile en se servant des petits et des ignorants, de telle manière que ceux qui devraient savoir, se reconnaissent eux-aussi comme devant tout apprendre. Personne ne peut savoir par lui-même, mais chacun a besoin des autres pour entrer dans le mystère du Dieu fait homme.
Plus largement, comme Paul nous l’affirme, cet évangile nous donne à comprendre que les nations, c’est-à-dire tous les peuples qui ne sont pas juifs, ont désormais part « au même héritage, au même corps et au partage de la même promesse ». Personne n’est exclu des privilèges qui étaient ceux du peuple juif : privilège de connaître, de servir le vrai Dieu et de nouer avec lui une Alliance d’amour éternelle. Toutes les cultures, tous les peuples sont appelés à entrer dans cette Alliance d’Amour, grâce à la foi en Jésus-Christ le Fils de Dieu fait homme. Et comme le suggère l’évangile, cette entrée dans l’Alliance se fait dans un échange : les nations lointaines et étrangères apportent leur désir de connaître, leurs questions mais aussi la profondeur de leur humanité, le peuple de l’Alliance apporte les Ecritures et une manière de les lire. N’est-ce pas de ce dynamisme-là que vit et doit vivre notre Eglise aujourd’hui ? Des hommes et des femmes très proches et plus lointains portent un désir de vie véritable, posent les questions et apportent leur façon de vivre. Ils viennent nous interroger, et ils nous obligent parfois à revoir nos évidences. Le brassage de la mondialisation démultiplie ce phénomène de recherche tout azimut. Avec toute l’Eglise, nous croyons et nous annonçons le Christ, le Messie, vrai Dieu et vrai homme. Nous apportons cette lumière reçue comme un cadeau. Mais comment le faisons-nous ? Le faisons-nous dans un sentiment de supériorité ou bien le faisons-nous comme des hommes et des femmes qui ne cessent pas de chercher ? Les questions de nos contemporains, ou les interrogations que portent les autres cultures et les autres religions nous font-elles peur ou bien viennent-elles nous remettre en route, si nous nous étions arrêtés, pour chercher avec ces personnes à approfondir le mystère du Christ ?
Une conviction devrait alors nous habiter et nous garder vigilant : Dieu dans son dessein d’amour désire que personne ne soit exclu de son Alliance et de la connaissance du Christ qui nous introduit dans une relation filiale avec lui… Personne, les pauvres les riches, les blessés de la vie et les marginaux, les hommes des autres religions, les sans religions…L’évangile d’aujourd’hui voudrait nous renforcer dans cette conviction, aussi dans la vigilance à avoir sur la manière toujours déroutante avec laquelle Dieu s’y prend pour réaliser son dessein. Il nous faut être prêt à la fois à être ses instruments et à la fois à être dérangé, dérouté par la manière avec laquelle le Seigneur désire se servir de nous. Faisons nôtre la prière qui conclura cette célébration : « Puisque tu nous fais communier à ce mystère, puissions-nous désormais le pénétrer d’un regard pur et l’accueillir dans un cœur plus aimant ». (2016-01-03)