Homélies
Liste des Homélies
Annéc C - SACRE COEUR
03 Juin 2016
Ez 34,11-16; Rm 5, 5b-11 ; Lc 15, 3-7
Homélie du Père Abbé Luc
Sœurs et frères,
Quand le berger ramène sa brebis égarée, Jésus précise qu’il est « tout joyeux » et qu’il n’a qu’un désir : partager cette joie à ses amis. Et Jésus de conclure : « C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui convertit ». En ce jour où nous fêtons le Cœur du Christ et le mystère de son amour pour nous, il est bon de nous arrêter sur cette joie divine qui ne demande qu’à se diffuser.
Jésus parle aux pharisiens et aux scribes, qui se présentent comme des rabat-joie. Ils voient d’un mauvais œil que Jésus se réjouisse avec les pécheurs. Ils supportent mal qu’il puisse, lui le maitre, faire une si belle place à ceux qui sont habituellement considérés comme des exclus du cercle de l’assemblée croyante. Aussi Jésus voudrait, patiemment les ouvrir au mystère de sa joie. Ce mystère est si grand, qu’il ne lui faut pas moins de trois paraboles pour l’éclairer, toutes scandées par ce refrain : « réjouissez-vous avec moi ».
La joie de Jésus s’éclaire à la lumière de la joie du pasteur qui retrouve sa brebis, mais aussi de celle de la femme qui retrouve sa pièce précieuse, et enfin de celle de la joie du père qui retrouve son fils. Cette joie immense de Jésus nous fait pressentir combien sa peine doit être grande de voir des hommes et des femmes qui ne partagent pas la vie abondante qu’il offre. Peine de voir des êtres blessés, malades et qui errent loin de la vie généreuse et rassurante qu’offre la vie avec les autres. Peine de voir des êtres de si grand prix comme la pièce qui ne peuvent mettre en commun leurs dons au service de tous. Peine de voir des êtres se couper de son amour paternel et de la joie de vivre en frères… Cette peine de Jésus prendra toute sa mesure sur la croix. Là seulement, nous comprenons mieux quel labeur il a déployé pour venir nous chercher au plus profond de nos résistances et de nos errances. « Alors que nous étions encore capables de rien » nous dit st Paul, « le sang du Christ nous a fait devenir des justes ». En prenant sur lui notre violence, en supportant nos duretés de cœur, il est venu chercher les brebis égarées que nous étions. Il a enlevé notre péché et le poids de tristesse qu’il génère. Telle est sa joie : nous rendre à nous-mêmes, libres, nous rendre à nos frères comme nous le chantons dans l’hymne de ce jour, nous rendre à la joie d’être des fils et filles de notre Père.
Cette belle figure du pasteur qui va chercher sa brebis égarée résonne dans notre mémoire de moniale et de moine. St Benoit recommande en effet à l’abbé, à l’abbesse d’avoir pour des frères et sœurs en difficulté cette même sollicitude et cette même tendresse. Il invite aussi la communauté à s’unir à eux par la prière. Ainsi fait-il de notre vie monastique, comme de toute vie chrétienne, la continuation de l’œuvre de salut que Jésus a accompli. Aujourd’hui encore, Jésus vient à la recherche de chacun de nous. Il nous offre le secours très réconfortant de la vie commune. Sans elle, nous pourrions errer çà et là. Les outils spirituels de la règle et de nos traditions sont là comme des repères qui mettent des limites salutaires à nos désirs irrationnels, à nos passions, diraient les pères. Nous découvrons alors combien la joie est du côté de l’humble acquiescement à cette pédagogie, et combien la peine est vite là quand nous résistons, quand nous nous cabrons. Parfois, il y a des résistances que nous ne mesurons qu’en butant sur une limite, ou lorsqu’une parole vient nous bousculer… Nous restons toujours en partie aveugles sur nous-mêmes. La communauté, les sœurs et les frères sont là comme des guides précieux.
Ce matin, nous contemplons Jésus, et « son cœur plus ouvert qu’un ciel à l’infini ». Nous pouvons le remercier de nous faire cette « joie » de nous attirer vers son cœur de pasteur, de maitre et de frère, à la suite de Benoit et du P. Muard, afin de le rendre semblable au sien. Nous pouvons le remercier de nous donner des frères et des sœurs sans lesquels nous ne pourrions-nous mettre à l’école de l’amour. (3 Juin 2016)
Année C - Corps et Sang du Christ
Gen 14/18-20, 1Co 11/23-26, Lc 9/11b-17.
Homélie du F.Cyprien
L’Evangile de la multiplication des pains renvoie à la manne quand Dieu a nourri son peuple dans le désert.
Dieu prenait soin de son peuple qu’il avait libéré de l’Egypte et de la servitude.
Dans la 1e lecture, il y a Abraham, l’offrande et le partage du butin …et il y a Melchisédech, le prêtre du Dieu très-Haut, la bénédiction avec le pain et le vin : cet épisode annonce le pain et le vin de l’Eucharistie.
Saint Paul rappelle aux Corinthiens la tradition reçue des apôtres : « Faites cela en mémoire de moi » et Jésus rappelle que son Corps est « donné » pour nous. Nous faisons « cela » en mémoire de la passion de Jésus.
(D’abord les mots et ensuite deux remarques)
Dans l’histoire, la fête d’aujourd’hui a été appelée Fête-Dieu et fête du Saint Sacrement, maintenant c’est la fête du Corps et du Sang du Christ, ce qui est plus juste.
(Ce sacrement serait-il plus saint que les autres… le baptême et la confirmation par exemple ? Y aurait-il un sacrement plus « admirable » que les autres ?)
Le Saint Sacrement, cela fait penser à l’hostie et aux processions, mais le mot Hostie est à comprendre dans son sens premier de « victime ». Dans ce que nous faisons à l’Eucharistie, Jésus est la victime…la seule véritable Hostie, c’est Lui, présent par son corps et son sang…
Déjà le mot « Sacrement » compte : on a parlé, en célébrant l’Eucharistie dans l’Eglise, de la célébration des « saints mystères », sacramentum, traduction latine du mot grec « mysterion ». Mais le grand Mystère, le grand Sacrement c’est la présence de Dieu, Dieu avec nous, Dieu pour nous…
Les « sacrements »… et pas seulement l’Eucharistie…c’est le Verbe fait chair, …pour nous aujourd’hui. Si Dieu est venu chez les siens, ce ne pouvait pas être uniquement pour les contemporains de Jésus. Le Mystère, le Sacramentum auquel nous croyons, c’est la venue du Fils et le don de l’Esprit.
Comprenons que dans l’Eucharistie Jésus continue de s’offrir, de se donner. « Prenez et mangez … pour devenir Hostie avec moi ». Et ce que nous faisons n’est pas une cérémonie pour se souvenir, c’est le mystère continué… Tous les « sacrements » le sont pour les croyants, au long des étapes de leur vie.
Depuis quelques décennies et le concile Vatican II, on parle de l’Eucharistie que plutôt de la « messe » pour ce « saint » sacrement.
Or Eucharistie veut dire remercier, « rendre grâce »
« Tu es béni, Seigneur, Dieu de l’univers… » …« Par Lui, avec Lui et en Lui (Jésus), à toi, Dieu le Père toute gloire… ».
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1ère remarque : quand on parle « du saint Sacrement », on pense au Corps et au Sang du Christ… En vénérant la présence (présence appelée « réelle »), ne pas oublier que nous croyons au Christ, le Verbe fait chair, présence de Dieu aux hommes, Emmanuel, Dieu avec nous, Dieu pour nous par son Esprit… Car ce Corps et ce Sang ne reste pas sur l’autel : ils sont effectivement la nouvelle manne, le pain de la route pour nous. « Prenez et mangez ».
2e remarque : les chrétiens sont à la suite des disciples de Jésus des « envoyés ». Le terme de « messe » vient de la formule de la fin de célébration : « Allez, allez dans la paix du Christ », traduction de « l’Ite missa est » connu des anciens … « Allez, c’est l’envoi »… on pourrait même dire « Allez, c’est le temps de la mission ».
« Prenez et mangez », oui, pour continuer la route et pour annoncer la Bonne nouvelle, B.N. qui est votre vie …qui doit pouvoir devenir la vie de tous les hommes.
En « prenant et en mangeant », nous faisons UN avec celui qui s’est offert sur la croix et qui continue à s’offrir par ses membres… Hosties nous-mêmes et envoyés…
Si nous nous recueillons après la communion, c’est bien sûr pour accueillir le don qui nous est fait ; recueillement, oui, pour prendre conscience que chacun et tous autour de nous, nous sommes le Corps du Christ, membres les uns des autres pour cette mission : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie »…
F. et S., nous n’aurons jamais fini de rendre grâce pour le mystère du Dieu proche, « mysterion », sacrement du Dieu proche en Jésus-Christ …nous n’aurons jamais fini d’entrer dans le mystère, de le com-prendre, de le prendre en vérité.
« Mon corps, mon sang… faites cela en mémoire de moi » - 29 mai 2016
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Année C - Sainte Trinité - 22 mai 2016
Homélie du F.Sébastien
Frères et sœurs, réjouissons-nous ! Aujourd’hui c’est la fête de toutes nos relations, les humaines aussi bien que les divines. Ces relations, nous le savons d’expérience, sont vraiment le tout de nos vies. Il en va de même pour les trois personnes de la Sainte Trinité que nous fêtons aujourd’hui.
Mais certains se disent sans doute : qu’avons-nous de commun avec elles, elles qui ont sur nous une éternité d’avance, une éternité dans laquelle l’épître aux Éphésiens nous dit qu’elles nous rêvaient déjà en destination de la vie éternelle.
Ce que nous avons en commun, et qui nous rend si proches d’elles et de nos frères humains, c’est que nous sommes tous des personnes, des personnes qui ont en commun d’être toutes reliées par et dans le même amour divin.
Notre fierté, notre joie de personnes humaines est d’avoir pour Dieu le Dieu unique, le seul vrai – si différent des idoles ! Notre Dieu s’est bien occupé de nous en nous envoyant son fils Jésus qui nous a révélé que Dieu est Amour, tout l’amour, rien qu’amour. Pas solitaire, mais unique en trois personnes que nous fêtons toutes ensemble et aussi une par une, oui une par une, comme il se doit dans une vraie fête de famille. Cela pourrait nous fournir aujourd’hui une piste de prière aussi simple que profonde, utilisable tous les jours. Je suis sûr que Sœur Elisabeth de la Trinité - et tant d’autres avec elle - s’offrirait à nous accompagner : revoyez sa célèbre prière .
Au long des siècles notre Dieu s’est révélé progressivement aux hommes comme un Dieu vraiment personnel.
C’est ainsi que la première lecture parle de la mystérieuse Sagesse de Dieu comme d’une personne qui existait avant la création du monde, tout en étant celle par qui et avec qui Dieu avait tout créé. Elle faisait les délices du Seigneur et trouvait ses propres délices avec les fils des hommes. On le voit, avec elle la révélation des personnes divines s’amorçait. Au fil des siècles cette Sagesse s’est peu à peu dévoilée jusqu’à porter un nom et présenter un visage : celui d’un certain Jésus de Nazareth, Fils de Dieu, image de son Père, deuxième personne de la Trinité, toutes deux unies en vue d’une troisième qui leur est égale, celle du Saint Esprit.
Saint Paul nous dit dans la deuxième lecture : « c’est par cet Esprit Saint que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs " pour faire de nous de véritables enfants de l’Amour : l’Amour parfait en trois personnes.
Chacune de ces personnes divines entretient avec chacun d’entre nous, depuis notre naissance, depuis notre baptême si nous avons été baptisés, une relation d’amour personnel. L’Esprit Saint, qui est la joie en personne, peut nous faire prendre conscience de la joie que nous venons de leur offrir tout simplement en faisant le signe de la croix, en osant ajouter : « Au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit », en chantant avec foi; « Je crois en Dieu le Père tout puissant, en son Fils unique, notre frère, en l’Esprit Saint qui est l’âme de l’Église dont nous sommes les membres heureux.
Oui, les Trois inséparables d’avant les siècles sont parmi nous, avec nous, en nous.
C’est d’abord par Jésus, homme comme nous, que nous entrons en relation personnelle avec la Sainte Trinité. À la suite de son incarnation, Jésus est devenu le modèle de ce que nous sommes en train de devenir, vraiment fils ou fille de Dieu. Il est la passerelle qui conduit à fréquenter consciemment chacune des trois personnes de la Sainte Trinité. « Nul ne va au Père sans passer par moi. » « Le Père et moi nous sommes un (Jn 14,..). Et moi je vous envoie l’Esprit Saint. »
L’Esprit Saint est difficile à imaginer, il n’a pas la visibilité de Jésus de Nazareth, fils d’une jeune femme du pays. Pourtant il lui arrive de se manifester par des coups d’éclat, spectaculaires, tonitruants, comme dans le livre des Actes des Apôtres.
Mais dans le quotidien, le nôtre, il préfère se cacher, pour que les hommes l’expérimentent en eux-mêmes, dans leur cœur . C’est là qu’il se dévoile, à l’usage, si l’on peut dire, comme un pédagogue de génie, présentant tour à tour le doux et l’amer, l’accompagnateur rêvé, humain et spirituel, actif 24 heures sur 24. Pensons-nous assez à l’en remercier ? à le prier pour nous-mêmes et pour ceux qui en ont tant besoin et ne le savent pas ?
Au cœur de notre cœur il se fait la prière en personne qui s’offre à se faire la nôtre. Nous nous ne savons pas prier comme il faut. Lui il sait, car il sait tout de Dieu et nos besoins d’hommes.
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Je termine avec quelques faits concrets.
Jean Vanier, le fondateur de l’Arche, aimait répéter ce que sa longue expérience auprès des handicapés lui avait appris : « Tout amour est don de soi en vue de créer des personnes… Je suis à l’image de Dieu lorsque j’aide l’autre à devenir une personne… De vraies personnes font naître d’autres personnes. »
Oui ! Mais comment en prendre conscience ? Dans des faits.
Murielle, une fillette de 8 ans, entre dans un magasin derrière son papa, qui fait ses emplettes, paye à la caisse… Et Murielle voit le vendeur, amusé, se pencher vers elle avec bonté, et dire tout fort : « Et pour mademoiselle, ce sera quoi… ? » Surprise, au comble de l’émotion, submergée par la fierté de se voir soudain propulsée dans le monde des adultes, la fillette rougit jusqu’aux oreilles devant tout le monde, en se répétant à mi-voix, les larmes aux yeux : « Moi, une ma-de-moiselle ! » Elle l’était devenue. La bonté crée des personnes. Et si c’était notre vocation à nous tous... ?
Bernadette la jeune bergère de Lourdes vient de traverser le gave. Une belle dame lui apparaît, lui sourit, avec un humble respect qui la met à niveau : « Voulez-vous… me faire la faveur… de venir,… plusieurs fois… » Bernadette en est devenue une autre personne, l’intime de la reine du Ciel en personne.
À Nazareth, c’est l’Archange de la présence du Dieu d’Israël qui vient saluer une fille du pays, pas encore mariée, rien que promise, étonnée de se voir promue mère du messie tant attendu. Marie est oui : « Je suis la servante du Seigneur, » sans tout comprendre de la personne qu’elle est en train de devenir.
Et pour finir. Sainte Catherine de Sienne, la mystique. Elle avait posé au Christ l’inévitable question, douce et cruelle, entre des êtres qui s’aiment : « Seigneur, qui suis-je pour toi ? ». Il avait répondu : « Je suis celui qui suis... et toi tu es celle qui n’est pas. » Une réponse d’une telle vérité qu’elle combla Catherine. Elle exprimait ce qui faisait tout son bonheur : le mystère de leur totale communion à travers l’infini de leur distance. Deux grandes personnes, dont l’une, de la Trinité, osait ce qu’on ne peut se dire qu’entre personnes qui se connaissent bien, parce qu’elles s’aiment beaucoup. - 22 mai 2016
Année C- PENTECÔTE 15 MAI 2016
Ac 2,1-11; Rm 8, 8-17 ; Jn 14, 15-16. 23-26
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Au début de cette célébration, nous demandions à Dieu dans la prière d’ouverture, « de répandre les dons du Saint Esprit sur l’immensité du monde et de continuer dans les cœurs des croyants l’œuvre d’amour que tu as entreprise au début de la prédication évangélique »…
Oui, ce matin nous nous inscrivons dans ce grand élan, dans cette « œuvre d’amour » commencée ce jour de Pentecôte, il y a environ 2000 ans. Ce jour-là, le peuple juif célébrait la fête des semaines, ou fête du cinquantième jour, « Pentecôte » en grec. On faisait alors mémoire du don de la Loi fait à Moïse, au Sinaï. Hier soir, avec les frères, nous entendions durant le repas, le récit de traditions juives qui rappellent que ce don de la Loi était à l’origine proposé à toute l’humanité, mais que seul Israël l’avait accepté. Une de ces traditions disait ainsi que la « voix (de Dieu) partait et se divisait en soixante-dix voix, en soixante-dix langues pour que tous les peuples l’entendent. Chaque peuple entendait la voix dans sa propre langue et ils en mourraient, mais les Israélites l’entendaient sans subir de dommage ». Quand st Luc suggère que toutes les personnes de diverses nations présentes ce jour à Jérusalem entendent la parole des apôtres chacun dans sa propre langue, on peut penser qu’il fait un rapprochement avec cette tradition juive. Il suggère alors que quelque chose de nouveau se passe. Avec le don de l’Esprit en diverses langues, c’est le don de la Loi qui se renouvelle. Non plus sous la forme de commandements écrits sur des tables de pierre, mais comme une parole reçue dans l’Esprit Saint par les apôtres qui la proclament en diverses langues. De plus, par le don de l’Esprit, non seulement est donnée la Loi sous la forme d’une Parole dite en plusieurs langues, mais est donnée à tous la capacité de recevoir cette Parole. Les peuples très divers qui sont là l’entendent et la reçoivent sans peur, avec émerveillement. Oui, en ce jour, Dieu donne par son Esprit la Loi nouvelle et en même temps il vient en aide à notre faiblesse en offrant la capacité de la recevoir. Voilà l’œuvre d’amour qui s’accomplit par le don de l’Esprit.
Frères et sœurs, il nous est bon de prendre toute la mesure de ce don d’amour que Dieu fait aux hommes. Sa loi d’amour, telle qu’elle nous a été révélée par Jésus et rendue présente en nos cœurs par l’Esprit Saint, est une bonne Nouvelle pour chacun de nous. Il nous faut nous émerveiller d’être appelés à aimer par un Dieu qui n’est qu’Amour. Non seulement, il nous appelle à aimer comme Lui, mais Il nous en donne la force. Confesser la présence de l’Esprit Saint en nos vies, le chanter comme nous le faisons ce matin, c’est reconnaitre que nous sommes aimés avant de pouvoir aimer à notre tour. Par nous-mêmes, nous ne savons pas aimer vraiment. Dans notre vie quotidienne, nous faisons l’expérience parfois d’un certain affrontement intérieur entre le désir d’aimer et un autre désir, celui de garder pour soi, de se protéger, ou de rejeter l’autre. Par ce désir plus obscur et plus pesant, nous expérimentons alors ce que Paul nommait « vivre sous l’emprise de la chair ». Nous expérimentons une « non liberté » et une incapacité à aimer vraiment. Nous mesurons alors notre grande faiblesse quand nous sommes laissés à nous-mêmes. Quand Dieu nous appelle à entrer dans son oeuvre d’amour pour le monde, il ne nous demande pas d’être des héros, ni des êtres surhumains. Il ne nous propose pas une loi à appliquer comme on obéit à un règlement. Il vient plutôt comme un Père qui dit à chacun de nous par son Esprit Saint : « Tu es mon fils, ma fille bien-aimée », et par ce même Esprit Saint, Il nous donne de répondre : « Père, tu es mon Père ». Dans cet échange intérieur, il nous soutient et nous entraine à aimer comme Lui, car le monde nous attend.
Dans cette eucharistie, nous venons comme à une source pour puiser les forces de l’Amour. Elles jaillissent de la mort et de la résurrection rappelées et actualisées pour nous : son corps livré, son sang versé, son esprit donné en abondance. (2016-05-15)
Année C - 6e dimanche après Pâques - 1 mai 2016
Sur l’évangile : Jean 14, 23-29
Homélie du F.Ghislain
Le monde où nous vivons est dur. Il est menaçant et, en fait, il nous blesse tous et chacun. Il nous atteint par les nouvelles qui nous arrivent, qui rongent l’espoir et semble fermer les horizons. Mais il nous atteint personnellement aussi d’une manière ou de l’autre, dans notre travail ou notre chômage, dans notre famille et notre entourage où il y a trop souvent maladies, discordes, impuissances, en nous-mêmes aussi qui ne sommes pas toujours bien dans notre peau. Nous sommes touchés à vif par le mal.
Le message de l’évangile aujourd’hui est que ce monde est aussi, et peut-être surtout, une demeure de Dieu. Il nous invite donc à changer notre regard, à voir plus loin que l’extérieur déprimant, à entrer dans une réalité bienheureuse. Allons-nous entrer dans cette bonne nouvelle ? « Si quelqu’un m’aime… » dit Jésus. Qui est ce quelqu’un ? Nous, chacun de nous. « Vous l’aimez sans l’avoir vu, assure saint Pierre dans sa première épître, vous croyez en lui sans le voir encore ». Serions-nous aujourd’hui dans cette église, si nous ne croyons et aimions ? Et tous les autres qui font comme nous ? « Il gardera ma parole » : cette parole, c’est l’évangile ; or nous le connaissons, cet évangile, nous l’entendons volontiers et nous voulons le suivre, si faibles que nous soyons. Cette parole, c’est aussi le meilleur de tout homme, au fond de son cœur et quelle que soit sa foi ou son incroyance, comme le rappelle saint Paul dans la lettre aux Romains. Un médecin connu, qui se déclare agnostique, Axel Kahn, a écrit un livre dont le titre est une phrase de son père : « un homme bien ne fait pas ça ! ». On pourrait ajouter : un homme bien fait aussi ceci. Or le nombre des hommes et peut-être surtout des femmes « bien » ne dépasse-t-il pas le nombre des autres ?
Quoi qu’il en soit, le Père vient avec le Fils dans le cœur de ces hommes et de ces femmes, il vient dans le nôtre, sans attendre que nous soyons, comme on dit, « bien sous tous les rapports » : c’est sa présence qui va augmenter le bien. Et il nous donne son Esprit, ce je ne sais quoi, cette ambiance, cette sensibilité, qui nous harmonise à la présence vive du Père et du Fils. Le Saint Esprit, c’est comme une musique, comme le Kyrie grégorien du temps pascal, ou celui de la messe en si de Bach, comme le quintette pour clarinette de Mozart… Dès les premières mesures, vous êtes ailleurs, transporté ou plutôt vous rentrez en vous-mêmes et vous redécouvrez le monde. Avec le Saint-Esprit et l’évangile, vous redécouvrez le Père et le Fils, et votre vie s’illumine.
« Mon Père l’aimera » dit encore le texte. En quelque sorte, il sera impressionné, ému, de nous voir lutter pour être fidèles à l’évangile. Pour ne pas nous laisser trop imprégner par le mal ambiant. Pour comprendre les autres, pour voir le bien, si minime soit-il.
Le Père alors fait en nous sa demeure. Le Fils entre chez nous pour souper avec nous comme le dit ailleurs la Bible : « Voici que je suis à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je prendrai le repas avec lui et lui avec moi ». L’Esprit nous est donné, qui nous fait sentir, comprendre, apprécier cette présence de la Trinité de Dieu. Nous sommes un peu comme le patriarche Jacob : Dieu est là et nous ne le savions pas. Maintenant, nous le savons, au moins un peu mieux. Il demeure en nous et nous demeurons en Lui.
Et ce qui nous est révélé à chacun est révélé à tous : tôt ou tard, de sorte que, quelle que soit la personne que nous croisions, nous puissions discerner en elle la demeure de Dieu. Plus ou moins grande, plus ou moins large, un réduit peut-être, mais où la vie est maintenue.
La source vive de l’amour, du don, de la bienveillance, du bien et du bonheur, habite en nous. Cela ne requiert qu’un peu d’attention, de silence, d’ouverture.
Ce dimanche est une invitation au bonheur. La paix, non pas celle fragile et éphémère, que le monde peine à donner, mais celle qui se révèle au cœur de l’homme capable d’aller à l’intérieur de soi et d’y retrouver l’espace immaculé et doux qui l’attend. Une invitation à la joie, celle que le Christ souhaite à ses disciples, une joie parfaite, dit-il.
Prions les uns pour les autres ici, dans cette église, mais aussi pour tous les autres, partout dans le monde, afin qu’ils aient part aujourd’hui, si peu que ce soit, à la vie que Dieu veut mener en eux et eux en lui. (1 mai 2016)
Année C - 3° Dimanche du temps Pascal - 10 avril 2016
Ac 5 27-41; Ap 5 11-14; Jn 21 1-19
Homélie du F.Hubert
Simon, fils de Jean, mâ aimes-tu vraiment ?
Cette question de Jésus laboure, à la fois avec douleur et
bonheur, le
cÅ ur de Pierre qui nâ est pas un cÅ ur endurci.
Dans son ardeur naïve et inconsciente, il sâ était
écrié : /Seigneur,
pourquoi ne puis-je pas te suivre à présent ? Je donnerai ma
vie pour
toi/. Mais il a fait la douloureuse expérience de nier être de
ses
disciples. Le chant du coq lâ a transpercé, mettant en
lumière sa
faiblesse et son inconstance.
/Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je tâ aime.
Aujourdâ hui, Simon peut le dire sans illusion.
Donner sa vie nâ est pas en son pouvoir.
Mais ce qui est impossible à lâ homme est possible Ã
Dieu.
/Vous allez recevoir une force quand le Saint Esprit viendra sur vous,
vous serez alors mes témoins./dit Jésus//aux
Apôtres lors de son Ascension.
Sans cette force, fruit de lâ Incarnation et de la Pâque de
Jésus, nous
ne sommes capables de rien.
Pierre a nié être disciple de Jésus quand la peur
lâ a saisi ; il dit
humblement, au petit matin du jour nouveau, sa fidélité
à son Maître,
son amour étant reconnaissance pour lâ amour sans limite de son
Sauveur
pour lui, et pour tous.
Il avait accepté, pour avoir part avec lui, que Jésus lui lave
les pieds.
Son égarement dans la cour du grand-prêtre, sa peur avec tous
les autres
après la croix, lui ont fait comprendre que Jésus le lavait bien
plus
profondément encore.
/Simon, fils de Jean, mâ aimes-tu ? /Cette triple question résonne
en lui
comme une purification, un pardon, un don au-delà de toute
infidélité.
Son Seigneur se donne à lui et à toute
lâ humanité, dans une Alliance
sans retour.
On peut penser à la parabole des deux débiteurs,
racontée par Jésus au
sujet de Simon le pharisien et de la pécheresse éperdue de
reconnaissance : celui à qui on a le plus remis montre le plus
dâ amour.
/Simon, fils de Jean : /
amené à Jésus par son frère
André, Simon avait reçu de Jésus, au
début
du récit évangélique, un nom nouveau, signe de sa
mission, de sa
charge : /Tu es Simon, fils de Jean ; tu tâ appelleras Kephas, ce qui
veut dire Pierre.
En réutilisant son nom originel, Jésus fait reprendre
à son apôtre, en
quelques instants, tout son chemin à suite. Simon sera vraiment Pierre,
dans la grâce offerte par le Crucifié-Ressuscité,
jusquâ Ã rendre gloire
à Dieu par sa mort, son martyre.
Aujourdâ hui, Pierre peut dire en vérité : /Oui,
Seigneur, tu le sais :
je tâ aime.
/
Je tâ aime, parce que toi, tu mâ aimes jusquâ Ã
me sauver de ma lâcheté, de
mon abandon, de mon infidélité.
/Ton amour est plus grand que les cieux,/dit un psaume.
Pierre a fait lâ expérience que lâ amour de
Jésus pour lui, et donc pour
tous les pécheurs, est sans mesure et sans retour.
Il peut alors recevoir la charge de paître les brebis de son Seigneur,
être témoin de la résurrection de
Jésus, et de notre résurrection,
corporelle, morale, spirituelle,
être témoin de la victoire du Seigneur en nous,
témoin de sa miséricorde
vivifiante.
/« Dieu ne se fatigue jamais de pardonner/, ne cesse de
répéter le pape
François, /personne ne pourra nous enlever la dignité que nous
confère
cet amour infini et inébranlable. Ne fuyons pas la résurrection
de Jésus.
/Seigneur, pourquoi ne puis-je pas te suivre à présent ?
/
Pierre nâ a pu suivre Jésus au moment de sa Pâque,
mais, comme Jésus le
lui avait dit, il lâ a suivi/plus tard.
/Quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et câ est un autre
qui te
mettra ta ceinture, pour tâ emmener là où tu ne
voudrais pas aller. Sur
ces mots, Jésus lui dit : « Suis-moi.
Le Bon Pasteur a donné sa vie pour ses brebis. Pierre, à qui il
les
confie, est appelé à donner sa vie, à sa suite,
dans la force de
lâ Esprit répandu. Pierre peut rejoindre Paul quand il dit : /Je
peux
tout en Celui qui me rend fort.
En cette année jubilaire de la miséricorde, puissions-nous
faire
lâ expérience de la fidélité de Dieu en
Jésus, et en être humblement et
joyeusement les témoins. (10 avril 2016)
Année C - HOMELIE POUR LE JOUR DE PÂQUES - 27 mars 2016
Ac 10, 34a.37-43. Col 3, 1-4. Jn 20, 1-9
Homélie du F.Damase
Cette nuit, frères et sœurs, nous avons suivi le regard de Luc nous dévoilant le mystère de la Résurrection
Ce matin, nous suivons le regard de Jean. Trois personnages interviennent : Marie-Madeleine, Pierre et Jean. Marie-Madeleine, d’abord. Seule, elle représente le groupe des femmes qui ont suivi Jésus depuis la Galilée (Mt 27, 55). Madeleine, donc, s’est rendue au tombeau de grand matin. Il fait encore sombre. Elle constate que la pierre a été enlevée, et elle en conclut que le corps du Seigneur a été enlevé. Sans autre vérification, elle court avertir Pierre et Jean. " On a enlevé le Seigneur du tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis ". On a enlevé le Seigneur pour le mettre ailleurs. Qui l’a enlevé ? Où l’a-t-on porté ? Les femmes n’en savent rien. - Il ne vient à l’esprit de personne que Jésus ait pu ressusciter et sortir lui-même du tombeau. Le tombeau vide n’a pas suffi à éveiller chez Madeleine la foi en la résurrection. Son message est purement informatif, une fois délivré à Pierre et à Jean, Madeleine disparaît.
C’est maintenant le tour de Pierre et de Jean d’être confrontés au mystère du tombeau vide. Le récit de l’évangéliste est subtil. Les deux disciples courent, comme courait Madeleine quand elle est venue les trouver. Cette course souligne la hâte qu’ils ont d’apprendre quelque chose d’important. Ils courent, parce qu’ils aiment. L’amour donne des ailes. Mais Jean court plus vite que Pierre : parce que la caractéristique de Jean, c’est la charité. Il est l’évangéliste de l’amour. Il arrive donc le premier, il regarde, voit le linceul demeuré sur place, mais il n’entre pas. La foi n’est pas encore éveillée en lui. Pierre arrive à son tour. Pierre a reçu du Christ la Primauté : il entre le premier. Il voit les linges. Il distingue du linceul le linge qui avait recouvert la tête, et constate que ce linge n’a pas été plié avec le linceul : il est demeuré à sa place. Il n’en tire aucune conséquence.
Jean entre à son tour. Les deux disciples sont donc réunis dans le tombeau, celui qui a la Primauté dans l’Eglise, et celui que Jésus aime, figure du disciple selon son cœur. Jean vit, et il crut. De même qu’il était arrivé le premier, il crut le premier. L’amour est plus rapide que tous les raisonnements. La vocation de Jean est d’avancer dans la connaissance du mystère, puis de se soumettre à l’autorité de Pierre.
– Il en va toujours ainsi dans l’Eglise : les saints et les prophètes reçoivent des lumières du Saint-Esprit pour faire avancer l’Eglise plus vite à la rencontre du Seigneur; mais toutes leurs intuitions seraient vaines si le Successeur de Pierre et les évêques ne venaient les confirmer de leur autorité.
L’évangéliste ne dit pas exactement que Pierre crut aussitôt après Jean. Mais c’est probable, car il ajoute : " Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que d’après l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ".
– Quant à nous, frères et sœurs, nous accédons à la foi en la Résurrection à travers les signes que nous présente l’Eglise, et en recevant le témoignage des Apôtres qu’elle nous transmet.
Mais chacun de nous suit un itinéraire différent.
Les uns trouvent pour ainsi dire la foi dans leur berceau, d’autres plus tard, après bien des détours et, parfois, des égarements.
Pour les uns, c’est une parole de l’Ecriture, entendue au cours de la liturgie, qui est venue réchauffer leur cœur ; pour les autres, c’est l’exemple d’une vie toute donnée à Dieu qui leur donne envie de suivre Jésus.
Pour tous, c’est la rencontre avec Jésus vivant qui est déterminante.
L’essentiel est que nous parvenions à une foi vive et inébranlable, et que nous soyons, au milieu de nos frères, des témoins fidèles de la Résurrection.
AMEN, ALLELUIA !
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Année C -VIGILE PASCALE 26.03.2016
Rm 6, 3-11 ; Lc 24,1-12
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
« Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » demandent les anges aux femmes avec une petite pointe de provocation. Ils ajoutent : « Il est ressuscité, rappelez-vous ce qu’il vous a dit…». On se met volontiers à la place des femmes portant le poids de leur tristesse, et qui restent ébahies, choquées devant le tombeau vide. Elles ne viennent pas chercher un Vivant. Elles se hâtent pour honorer un mort…Aussi quel choc de ne pas le trouver ! Comment dépasser ce constat traumatisant, et arriver à se faire à l’idée que Jésus est ressuscité ? Les anges les entrainent alors à faire mémoire, à se rappeler de tout ce qu’elles ont déjà entendues de la bouche même de Jésus… « Il faut que le Fils de l’homme… ». « Et les femmes se rappelèrent les paroles qu’il avait dites » poursuit le récit.
Se rappeler, faire mémoire pour comprendre l’évènement inouï de la résurrection, c’est ce que nous faisons en cette nuit pascale. Et nous le faisons de différentes manières. Nous avons commencé à faire mémoire avec nos yeux et avec nos pieds. Avec nos yeux, nous avons accueilli le Christ notre Lumière. Lumière et feu qui ne sont plus menaçants comme le feu peut l’être, mais feu disponible sur une colonne de cire pour nous indiquer la route. A la suite du peuple hébreu, nous avons marché dans la pénombre de l’église, derrière la colonne lumineuse qu’est le Christ Ressuscité. Désormais, c’est Lui qui nous montre le chemin. Il ouvre une voie nouvelle à travers les eaux de la mort, comme l’a célébré le chant de l’exultet.
Nous rappeler avec nos oreilles. C’est ce que nous venons de faire en écoutant les lectures, les psaumes et les oraisons. Ainsi nous sommes-nous souvenus non seulement des paroles de Jésus, mais aussi de toute l’histoire entre Dieu et les hommes, depuis la création du monde. Comme les premiers disciples, puis les pères de l’Eglise l’ont fait en leur temps, la liturgie de l’Eglise nous enseigne à mieux comprendre que la résurrection de Jésus n’est pas un évènement bizarre et imprévisible. Au regard de la foi et de l’histoire du peuple juif, la résurrection de Jésus donne sens à la longue relation d’alliance entre Dieu et son peuple. Elle vient illuminer et achever l’œuvre de création, depuis le « Que la lumière soit » jusqu’à nos jours. Et elle nous oriente vers la vie plénière du Christ partagée après notre mort pour l’éternité.
Nous rappeler encore, faire mémoire avec nos mains. Dans quelques instants, nous viendrons tremper nos mains dans l’eau, et faire le signe de la croix sur nous. Ce geste nous rappellera l’eau de notre baptême qui nous a unis à la mort du Christ, pour nous faire resurgir dans la vie avec lui. Désormais, la résurrection n’est plus seulement un évènement extérieur à nous. Elle nous concerne aussi en toute notre existence. Grâce à elle, nous ne sommes plus sous l’emprise fatale de la mort et du péché. La vie et la liberté nous sont offertes comme un chemin à parcourir dès maintenant jusqu’à la vie éternelle. Avec nos mains, il nous revient de renoncer au mal et de travailler à l’œuvre de libération commencée dans nos vies depuis notre baptême, pour nous-mêmes et pour tous ceux qui nous entourent.
Nous rappeler enfin, faire mémoire avec le pain et le vin reçu en nourriture. Comme en un sommet, notre célébration s’achèvera par le mémorial de la vie donnée et livrée de Jésus mort et ressuscité. Toute la vie, et la mort de Jésus prennent sens dans son sacrifice, sacrifice rendu présent sur l’autel en chaque eucharistie. Nourris, nous serons fortifiés par le corps et le sang de Jésus. Ils sont unissent à Lui afin que nous devenions comme Lui donnés à notre Père, et à nos frères et sœurs.
Frères et sœurs, laissons ce soir notre mémoire se dilater et nous rendre plus vivants à la mesure de l’œuvre immense réalisée dans la résurrection du Christ. (2016-03-26)
Année C - VENDREDI SAINT 25.03.2016
Is 52, 13 - 53, 12; He 4, 14-16; 5, 7-9; Jn 18, 1 - 19, 42.
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Le mal n’a pas de visage, mais il défigure les visages humains. Le visage du serviteur d’Isaïe était si défiguré… qu’il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme. Le visage et le corps de Jésus, soumis aux coups et aux crachats, sont méprisés et traités pour rien. Et comme le suggère le Ps 21, le mal défigure le visage même de ceux qui exercent la violence. Ceux-ci deviennent comme des animaux, le lion, le buffle ou le chien qui rugisse, déchire et aboie.
Jésus accepte de se laisser défigurer, Lui l’image du Père. Il prend sur lui la défiguration que le mal ne cesse d’opérer sur les visages humains, les victimes comme les bourreaux. Aujourd’hui, il connaît la défiguration extrême des personnes victimes des attentats aveugles et absurdes qui leur ôtent tout visage.
Ce soir, notre célébration de la Passion, est un cri d’espérance. Elle nous redit avec force que le mal absurde n’a pas le dernier mot. Depuis les premières paroles du chant du serviteur d’Isaïe, « Mon serviteur réussira, il sera exalté » jusqu’à la communion au Corps du Christ Vivant, en passant par la vénération de la Croix, nous proclamons la victoire sur le mal opérée par Jésus. Sur le bois de la Croix, son visage défiguré n’a cessé de se tourner vers son Père, et de porter vers lui un regard d’amour et de pardon en notre faveur. Avec le psalmiste, Jésus a pu dire : « Mes jours sont dans ta main : délivre-moi des mains hostiles qui s’acharnent. Sur ton serviteur, que s’illumine ta face ». Et son Père a fait resplendir sur lui sa face pour lui donner un visage glorifié et transfiguré, prémices de notre propre visage. Là est notre espérance, en Jésus défiguré et transfiguré, nous recouvrons notre vrai visage d’enfant du Père.
(2016-03-26)
Année C - JEUDI SAINT - 24.03.2016 -
Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Un mot revient dans les trois lectures que nous avons entendues, et parfois plusieurs fois, c’est le mot « faire ». Et le « faire » en question est un commandement. Il s’agit de « faire » pour le Seigneur une fête de pèlerinage en faisant mémoire de la Pâque et de la sortie d’Egypte, ou de « faire mémoire » du pain rompu et de la coupe offerte par Jésus, et enfin de « faire comme Jésus a fait » en lavant les pieds de ses disciples. Retenir ce mot est important, il nous oriente vers un réel engagement. Mais ce serait nous tromper de foncer trop vite dans l’action pour obéir au commandement. Nous risquerions alors de manquer le sens profond du mystère que nous célébrons ce soir et le réduire à la dimension morale, pratique ou rituelle. Si Jésus nous demande de « faire », il nous invite d’abord à « nous laisser faire ». Ce soir, nous le regardons faire et nous l’accueillons ainsi. C’est lui qui agit, comme autrefois, le Seigneur a traversé le pays d’Egypte pour frapper les premiers-nés et pour exercer ses jugements. Jésus agit en nourrissant ses disciples et en leur lavant les pieds. Ce faisant, il donne sens à tout son ministère de prophète, exercé jusqu’alors. Il scelle par le pain rompu et la coupe offerte l’alliance renouvelée entre Dieu et son peuple, alliance qui sera consommée dans son corps livré et dans son sang versé. Dans le lavement des pieds, il manifeste combien sa vie n’a été qu’un service de notre humanité impure et blessée.
Comme le suggère bien, l’évangéliste Jean, Jésus est pleinement maitre de son action. Il ne demande qu’une chose à ses disciples : de le laisser faire et de se laisser faire. Se laisser faire. La réaction de Pierre nous montre combien cela nous est parfois difficile. Autant nous sommes capables de « nous la couler douce » et d’être paresseux, autant en certaines occasions, nous « laisser faire » rencontre l’opposition de notre orgueil, plus ou moins avoué et dissimulé sous de bonnes intentions. Une part en nous peine, voire répugne à être passive, à tout recevoir. Effectivement en ce soir, Jésus nous offre tout gratuitement, sans aucune compensation de notre part, ni aucun mérite. Il donne sa vie, en son corps livré, en son sang versé, et en son engagement total dans le lavement des pieds. Il ne nous demande que de consentir et de nous laisser faire. Il sait ce qu’il fait, et comme les disciples, nous peinons à comprendre. Ce qu’il fait est si radical. Il vient renouveler la vie en ses racines, renouvellement qui éclatera au matin de Pâques. Alors le don de sa vie s’éclairera et jaillira en source de vie, de paix et de joie pour tous. Entre-temps, Jésus va devoir lui aussi se laisser faire. Au moment du dernier repas, s’il a pris les choses en main, c’est pour mieux entrer dans le laisser faire. Il se donne jusqu’à se laisser déposséder de tout, et de lui-même. Il se fait serviteur jusqu’à se livrer au bon plaisir des moqueurs et des violents. Les heures de la Passion, nous révèlent qu’en Jésus, « faire et se laisser faire », c’est tout un. Il est pleinement lui-même et libre, pleinement actif, en acceptant d’être conduit jusqu’à être cloué, impuissant sur une croix. Et au matin de Pâques, nous sera révélé le même mystère : Jésus qui s’est laissé faire jusqu’à remettre à son Père son souffle, permet au Père de le ressusciter. Il se laisse faire, il laisse son Père l’engendrer avec son corps à la vie divine et glorieuse. Désormais en son être de fils ressuscité, Jésus reçoit de son Père une nouvelle capacité d’être et de faire. En son humanité glorifiée, il se fait présent à tous.
Frères et sœurs, réjouissons-nous d’être conviés, en cette célébration de la dernière Cène, ainsi qu’en ces jours saints, à nous laisser faire par Jésus. Laissons-le-nous restaurer aujourd’hui, en notre humanité et en notre dignité de fils. Laissons-le-nous purifier et nous libérer aujourd’hui de nos fardeaux, de tant de peurs, de préjugés, et d’entraves de toute sorte. Nos frères et nos sœurs, à qui les pieds seront lavés, nous représenterons tous dans notre désir d’être plus disponibles et davantage dociles à l’œuvre du Seigneur dans nos vies. Nos mains tendues avec respect, pour recevoir le corps et le sang du Christ, exprimeront la soif de notre terre desséchée ainsi que l’espérance de la vraie vie qui habite notre cœur. Et nous laissant faire vraiment par Jésus, nous apprendrons à faire comme lui, avec lui pour Dieu et pour nos frères…Aimer comme Lui, être miséricordieux comme Lui, servir comme Lui. Laissons-nous faire par Lui pour mieux faire comme Lui. (2016-03-24)