Homélies
Liste des Homélies
Année B - SAINT BENOIT 2015
Pr 2, 1-9 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
« Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu »…Parmi toutes les béatitudes, je voudrais retenir celle-ci en ce jour de la St Benoit. Comme l’enseigne Cassien, un auteur monastique qui a inspiré la Règle : si la fin ultime de la vie du moine est la vie dans le Royaume, le but à rechercher dès maintenant, c’est la pureté du cœur, c’est-à-dire la charité, un cœur qui aime de façon juste et entière. Ne pourrait-on pas dire alors : si les cœurs purs verront Dieu, les cœurs qui se purifient en cette vie, apprennent à voir Dieu en toute chose ou toute chose en Dieu.
Dans la vie de St Benoit, nous est rapporté l’épisode étonnant de sa vision de l’univers que nous entendions, hier soir aux vigiles. Arrivé au terme de sa vie, St Benoit nous est présenté comme un homme rempli de la bénédiction divine. Dans une lumière éblouissante qui surpasse celle du jour, il voit « le monde entier comme ramassé sous un seul rayon de soleil » (Dial II, 35). Benoit voit en un instant tout l’univers dans la lumière de Dieu. Une grande grâce dans un cœur purifié qui n’a cessé de chercher le trésor. Benoit, tel le sage des proverbes, n’a cessé durant toute sa vie de creuser et de se laisser creuser. Son âme et son cœur se sont dilatés, ils sont purifiés. Il a découvert la connaissance du Seigneur. De manière poétique, l’hymne « Vivre à Dieu seul », que nous chantons pour cette fête exprime ainsi cette vision : « Voir l’univers à sa mesure véritable, l’univers comme un point lumineux, léger grain de sable que l’amour transfigure, savoir que toute chose est en Dieu, précieuse et pure ». Savoir que toute chose est en Dieu, précieuse et pure, transfigurée dans son amour…
En ces jours, où nous accueillons avec toute l’Eglise, l’encyclique du pape François « Laudato si », avec St Benoit, St François, St Jean de la Croix et tant d’autres saints et mystiques, nous pouvons apprendre à entrer dans un nouveau regard sur notre monde, sur notre « maison commune ». Ce regard aura toutes les chances d’être juste, dans la mesure où il se laissera enseigner par le regard de Dieu, par sa lumière. Je cite le pape : « n°85. Dieu a écrit un beau livre « dont les lettres sont représentées par la multitude des créatures présentes dans l’univers ».[54]… Cette contemplation de la création nous permet de découvrir à travers chaque chose un enseignement que Dieu veut nous transmettre, parce que « pour le croyant contempler la création c’est aussi écouter un message, entendre une voix paradoxale et silencieuse ».[57]. Contempler et écouter le message de la création. C’est un profond apprentissage qui ne se résume pas en l’assimilation de convictions intellectuelles, ni en quelques slogans écologiques. En effet, il est inséparablement changement du regard et changement de vie. Le pape François insiste avec force sur le fait qu’il nous faut entrer dans un « nouveau style de vie ». Plus profondément, il s’agit d’une conversion. Je retiens encore quelques mots de l’encyclique : conversion comme « gratitude et gratuité » face à la création, comme « conscience amoureuse de ne pas être déconnecté des autres créatures », conversion pour « reconnaître les liens par lesquels le Père nous a unis à tous les êtres », pour découvrir que « chaque créature reflète quelque chose de Dieu » et que « le Christ ressuscité habite au fond de chaque être » (cf n°220-221).
Comme le pape François l’a bien souligné, cette conversion écologique est une conversion de notre manière de nous tenir en relation, avec la nature, mais aussi avec les êtres humains. Finalement n’y a-t-il pas une seule et même conversion à vivre qui nous fera aimer Dieu, aimer les autres, nous aimer nous-mêmes et toute la création ? Les paroles de Paul adressés aux baptisés, « choisis, sanctifiés et aimés par Dieu » nous montrent le chemin et aussi la grâce de la conversion qui nous est offerte : « Revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience… » Revêtir ce manteau-là nous entrainera loin dans la voie de l’amour de Dieu et de toute sa création qui demeure dans les douleurs de l’enfantement (cf n° 80). Il nous entrainera à vivre toute chose dans l’action de grâce, car reçue de Dieu, « précieuse et pure » en Lui…
Avec St Benoit, aujourd’hui, nous confiant à son intercession, nous nous unissons l’action de grâce du Christ, qui en chaque eucharistie ressaisit toute chose dans son offrande et son merci à Dieu. (2015-07-11)
Année B - 13° DIM. T. ORDINAIRE -
28 juin 2015 -
Sg 1, 13-15 ; 2, 23-24 ; 2 Co 8, 7-9, 13-15 ; Mc 5, 21-43
Homélie du Père Abbé Luc
« Ne crains pas, crois seulement ! » Combien de fois, frères et sœurs, cette parole de Jésus n’a-t-elle pas été une lumière pour notre f. Yvan, comme pour chacun de nous, sur le chemin de notre vie chrétienne et monastique ? « Ne crains pas, crois seulement ». Quand Jésus dit ces mots à Jaïre, le chef de la synagogue, il l’invite à faire taire toutes les paroles de doute qui pourraient venir contrarier son bel élan de foi initial. Il est venu chercher Jésus, l’a pris avec lui pour qu’il vienne guérir chez lui sa fille encore si jeune. Il a eu cette belle audace : venir déranger le Maitre qui débarque pour l’emmener avec lui. Et Jésus l’a suivi. Mais voilà qu’entre-temps la petite est morte. Va-t-il se laisser décontenancer par les porteurs de mauvaise nouvelle, et baisser les bras ? Jésus est là pour le confirmer dans son élan de foi premier : « ne crains pas, va au bout de ta foi »… « Crois seulement ».
Fêter 50 ans de vie monastique, c’est fêter 50 ans de foi. Foi donnée un jour et redonnée tous les jours. Foi éprouvée et foi confortée. Foi qui continue de chercher son Seigneur. L’appel du Christ entendu un jour a éveillé chez f. Yvan le désir de lui donner sa vie. Il a cru à la promesse de Dieu que dans cette voie particulière de la vie monastique, il trouverait le bonheur. Quand il est discerné, ce premier acte de foi et d’engagement à la suite du Christ est un socle dans nos vies monastiques, une bonne terre d’enracinement. Avec f. Yvan, en ce jour, nous moines pouvons faire mémoire, avec reconnaissance et action de grâce à Dieu, de ce premier élan qui nous a conduit au monastère. Premier pas qui a initié le mouvement d’une vie. Mais bien d’autres pas ont suivi. En apparence, la vie monastique semble toute réglée, et il n’y aurait qu’à suivre la voie toute tracée. Il n’y aurait qu’à … Mais un moine n’est pas un robot. C’est une liberté. Une liberté qui apprend jour après jour à mieux se connaitre pour mieux se donner. Une liberté qui se découvre de plus en plus libre au fur et à mesure qu’elle entre dans l’obéissance, dans l’écoute vraie. Là est le travail principal du moine.
Fêter 50 ans de vie monastique, c’est aussi fêter 50 ans de charité. La Charité de Dieu, son Amour fidèle pour nous. La charité échangée entre frères. Dans la seconde lecture, Paul invitait les Corinthiens à prendre conscience qu’ils avaient beaucoup reçu : « Vous avez tout en abondance, la foi, la connaissance de Dieu, toute sorte d’empressement, et l’amour qui vient de nous »… Oui, l’Amour nous précède toujours. Celui de Dieu, celui de nos parents qui nous ont donné la vie, celui de la communauté qui nous accueille. Nous pouvons rendre grâce pour cet Amour, Vie même de Dieu qui s’offre à nous. Nous moines le reconnaissons avec gratitude dans la Parole qui chaque matin nous réveille, comme dit le prophète Isaïe. Elle nous réveille dans la liturgie, dans la lectio divina. Elle nous tient en éveil pour peu que nous lui prêtions notre oreille. Nous reconnaissons aussi cette charité dans l’amour des frères, vécu et échangé dans les gestes les plus ordinaires de service et de don. F. Yvan y prend sa part avec son attention et sa présence aux personnes. Il n’est pas rare que nous nous arrêtions facilement aux difficultés de l’amour entre frères. Mais avons-nous les bonnes lunettes ? Que pèse la difficulté momentanée, le clash ou la parole indélicate au regard des gestes de service et du don total offert les uns aux autres ? Et que pèse ces moments sombres au regard du pardon demandé et offert qui renouvèle la relation ? La charité est à l’œuvre dans nos vies comme un beau cadeau qui nous vient de Dieu et qui passe par les frères. Elle est à l’œuvre car elle vient élargir notre cœur avec ses étroitesses. Elle est en avant de nous comme un cadeau encore à découvrir.
Fêter 50 ans de vie monastique, c’est encore fêter 50 ans d’Espérance. Vivrait-on ainsi dans la fidélité, sans l’Espérance de rencontrer un jour Celui qu’on a cherché ? Chercher Dieu et son visage, se tenir en sa présence en toutes nos activités, consentir à toujours commencer : notre vie monastique est une vie d’Espérance. Cette Espérance nous entraine à marcher vers le Royaume, vers le face à face avec Dieu. Dans la première lecture, l’auteur du livre de la Sagesse affirmait : « Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité ». En notre humanité, nous portons ce germe d’éternité, nous qui sommes à l’image de notre Créateur. Dieu nous espère depuis la création. Si le mal et le péché a pu voiler ce germe, la résurrection du Christ l’a renouvelé. Elle nous donne l’assurance « d’être comblé de sa gloire, tous ensemble et pour l’éternité », comme nous le prierons dans quelques instants.
Avec f. Yvan, nous rendons grâce au Seigneur pour ces 50 ans de foi, de charité et d’espérance. Le Seigneur ne cesse de nous appeler chacun selon nos vocations, pour partager tous ensemble sa vie divine et sa joie de Père. - (28 Juin 2015)
Année B - HOMELIE du 12ème dimanche du temps ordinaire -21/06/2015
(Job 38, 1.8-11 ; 2 Corinthiens 5, 14-17 ; Marc 4, 35-41)
Homélie du F.Guillaume
« le soir étant venu, Jésus dit à ses disciples : passons sur l’autre rive »
Ainsi commence l’évangile de la tempête apaisée que nous venons d’entendre et qui nous est bien familier. Le soir venu, mais de quel soir s’agit-il ? Et à quel passage Jésus invite-t-il ses disciples ? Et qu’en est-il de cette autre rive qu’il leur faut atteindre ?
Jésus vient de vivre une rude journée d’enseignement en paraboles, de guérisons de toutes sortes de maladies, de marche de village en village. C’est le soir : il est fatigué, il a besoin de sommeil et de repos : on peut le comprendre. Ce n’est d’ailleurs pas la 1ère fois que l’évangile présente la fatigue et les besoins tout humains de Jésus : au puits de Jacob, à l’heure de midi, fatigué par le chemin, il a soif et il demande à boire à la samaritaine. La nuit il aime à se retirer, seul, à l’écart des foules pour prier son Père et se reposer en Lui.
Tout se présente bien alors ce soir-là. Jésus fait confiance à ses amis qui sont des pêcheurs avertis, connaissant bien leur métier. Après tout, lui, il est charpentier, pas un marin. Il peut dormir sur son coussin, à l’arrière de la barque.
Mais voilà : cette traversée du lac ne sera pas comme les autres, habituelles. Une grosse tempête survient qui met à mal la compétence des disciples. Ils sont vite dépassés par la violence des flots qui remplissent même la barque. Ils paniquent et sont prêts à se décourager devant leurs efforts infructueux. Ils se tournent donc vers Jésus en le réveillant avec des paroles de reproche : « Maître, cela ne te fait rien, nous périssons ». Cette réaction des disciples m’a fait penser à celle de Marthe, dans le récit de l’accueil de Jésus dans la maison des 2 sœurs. Marthe s’agite dans le service et est dépassée par tout ce qu’il y a à faire. Elle voit sa sœur Marie, paresseusement assise aux pieds de Jésus (du moins c’est ainsi qu’elle en juge) et elle dit à Jésus : « cela ne fait rien (même expression en grec), dis-lui donc de m’aider ! »
Ne nous arrive-t-il pas, à nous aussi, frères et sœurs, d’être tentés de dire à Dieu, quand nous sommes débordés, stressés, découragés par l’inefficacité de nos efforts : « mais enfin, Seigneur, cela ne te fait-il rien de voir ton Eglise, la société, le monde, ta création dans un tel état ? Des séminaires ou des noviciats quasiment vides, alors qu’il y a tant de besoins, des conflits de toutes sortes dans les familles, les entreprises, entre des pays en guerre, et parfois même au nom de la religion ? Cela ne te fait rien : tu dors, réveille-toi enfin. Ne vois-tu pas que nous sommes en train de périr, que l’avenir est compromis pour ne pas dire fichu
C’est alors que va se jouer un paradoxe dans notre évangile. Ce paradoxe tient dans le fait que ce ne sont pas tant les disciples qui réveillent Jésus, mais bien Jésus qui réveille leur foi chancelante, effrayés qu’ils sont par cette tempête qui les décourage et qu’ils se voient près de mourir. Jésus ne va calmer la mer et ses flots déchaînés qu’après l’épreuve de la foi des disciples. Il n’est pas là pour rendre service à ceux qui seraient au seuil de la foi, mais pour bannir la peur qui les tient éloignés de Lui et de son Père, Dieu, seul maître de la création.
En d’autres termes, la leçon à tirer de cet évangile (comme la leçon à tirer de l’évangile de Marthe et Marie), c’est que le monde de la peur et de l’agitation fébrile est celui qui n’est pas encore totalement abandonné à Dieu. Marie, aux pieds de Jésus était totalement abandonnée à l’écoute de la Parole du Christ et elle avait choisi la meilleure part, qui ne lui sera pas enlevée . Marthe, en s’épuisant dans son service, était prise dans la peur de n’être pas à la hauteur de l’accueil du Maître.
Alors frères et sœurs, interrogeons-nous à notre tour, sur nos peurs, les angoisses qui nous habitent quand survient une tempête dans notre vie. Peut-être d’ailleurs avons-nous expérimenté que la paix du cœur ne vient pas de notre propre capacité à contrôler le réel, à maîtriser les situations difficiles, mais que cette paix nous est bel et bien donnée, gratuitement, sans effort de notre part.
La tempête apaisée, c’est une parabole de la Passion, d’un passage, d’une Pâque. Chaque jour, à chaque instant, le Seigneur nous invite à passer avec lui sur l’autre rive, à laisser le monde ancien pour entrer dans une nouvelle création, comme le rappelle Saint Paul dans la seconde lecture. Cela suppose de traverser nos doutes et nos peurs afin de parvenir au rivage de la confiance et de la seule crainte qui plaise à Dieu : une crainte d’amour, révérencielle et respectueuse de son autorité toute puissante.
Puissions-nous, en toutes choses, même lorsque la barque de notre vie, celle de l’Eglise ou celle du monde sont secouées fortement, à la limite du chavirement, puissions-nous goûter cette certitude de la présence silencieuse du Christ avec nous, à nos côtés. Et demandons les uns pour les autres, dans cette eucharistie, de demeurer dans la foi en sa Parole toute Puissante pour toutes les traversées à venir. AMEN
21-06-2015
Année B - 11e dimanche du Temps Ordinaire - 14 juin 2015
Ez. 17, 22-24; 2 Cor. 5, 6-10; Marc 4, 26-34
Homélie du F.Ghislain
L’évangile met en scène un homme qui fait les semailles et souligne qu’ensuite, il n’a plus à intervenir : qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence travaille d’elle-même dans une terre qui féconde. Le travail de l’agriculteur se situe avant et après : il lui revient de préparer la terre, de sélectionner les semences et de semer. A la fin, il moissonnera. Entre deux, il ne peut rien, sinon s’inquiéter ou s’abandonner. L’agriculteur interroge la météo ; il sait les conditions de température et de pression qui sont les plus favorables à la croissance, mais il n’y peut rien. Il est désarmé devant les excès de chaleur ou de froid, de soleil ou de pluie ; devant les accidents climatiques qui peuvent survenir, désarmé aussi quand la température a été vraiment bonne au long de l’année : il accueille… A la fin, pourtant, il y aura de toutes manières la récolte, parfois très belle, parfois moins. De plus, cela revient régulièrement : si une année a été mauvaise, la suivante sera bonne. La terre fait son travail, et elle le fait en notre faveur.
L’évangile nous dit que l’histoire fonctionne ainsi : qu’il s’agisse de chacune de nos vies, de celle de l’Eglise, de celle du monde, la vie terrestre, humaine, divine, va vers le bien. On ne le voit pas, on ne peut pas grand-chose peut-être, mais que l’on dorme ou que l’on veille, la puissance de Dieu créateur et l’attention aimante de Dieu notre Père orientent vers le progrès, l’accomplissement, la réussite, - ce que l’on appelle la vie éternelle que nous attendons, mais que nous constatons aussi de temps à autre, ici ou là, dès ici-bas.
L’’évangile nous dit aussi, en d’autres passages, que nous pouvons gâter plus ou moins la récolte. L’homme peut manquer à ses devoirs en amont ou en aval. En amont, pour multiplier les rendements, on abuse des engrais chimiques, et la terre s’épuise. En aval, on coupe du bois sans se préoccuper de replanter, et la forêt disparaît. L’écologie cherche aujourd’hui à remédier à ces malfaçons qui mettent la terre en péril, qui ne lui permettraient plus à terme de faire son œuvre cachée de fécondation. Elle invite à modérer les interventions afin que la terre vive, sobrement et durablement. Mais il faudrait vraiment beaucoup d’abus pour que la terre ne fonctionne plus. Ce serait la fin du monde.
On pourrait tirer beaucoup d’applications spirituelles de la parabole de Jésus. Je voudrais aujourd’hui me limiter à une et vous poser la question : quel regard jetez-vous sur votre vie, telle qu’elle a été, telle qu’elle est et que pensez-vous de ce qu’elle sera ? Notre tentation n’est-elle pas en général celle du pessimisme, c’est-à-dire du regard porté sur ce qui n’a pas marché, au moins à l’aune de ce que nous espérions ? Il faudrait faire l’inventaire, au contraire, de ce qui s’est construit, en nous d’abord, chez ceux qui nous entourent ensuite et comme cela, de proche en proche. Dieu ne travaille pas dans le sensationnel mais dans les choses courantes ; comment a-t-il conduit la nôtre ?
J’aimerais vous suggérer ceci : un jour où vous aurez le temps, prenez une feuille de papier et écrivez ce qui, dans votre vie, s’est bien passé, y compris ce qui s’était mal passé et s’est révélé finalement positif. Au début peut-être, vous aurez du mal car il n’est pas facile de faire taire les mauvais souvenirs, mais, peu à peu, vous découvrirez le bien qui s’est fait en vous et autour de vous, là où vous ne le pensiez pas, sans presque que vous le sachiez, mais parce que la force de la vie agissait en vous. Cela, je pense, je le souhaite, nourrira votre Espérance, parce qu’elle vous aidera à prendre conscience que Dieu anime les hommes, vous anime, et en finale les achemine vers le Royaume de Dieu. Vous comprendrez que dans le présent, cette conduite divine passe par des chemins cachés où, si on y prend garde, recèlent le bonheur.
Frères et sœurs, vous êtes au courant de la situation explosive dans biens des pays du monde et, en particulier ces temps-ci au Burundi, dans l’Afrique des Grands Lacs. Je voudrais laisser la parole de conclusion à un ami burundais qui m’écrivait récemment :
Louons Dieu pour les merveilles qu’il continue d’accomplir. Oui des petites pousses de Dieu, il y en a partout, et même au Burundi, il y en a dans nos familles, dans nos communautés : oui, des nouvelles petites pousses de l’Esprit ! Elles sont bien cachées, étouffées par le faux semblant, les crimes, le faux témoignage, le faux sous toutes ses formes… Quand nous nous retrouvons dans les tempêtes de la vie, dans les moments de turbulence comme dans notre pays, la peur nous paralyse mais le sursaut de la foi nous conduit dans l'assurance que Jésus est ressuscité, que l'Esprit Saint est à l'œuvre au Burundi et dans le monde. (2015-06-15)
Année B - Fête du Saint- Sacrement - 7 juin 2015
Exode 24.3–8/Hébreux 9.11–15/Marc 14.12–16, 22–26
Homélie du F.Sébastien
Frères et sœurs,
La fête de l’eucharistie nous invite à la joie. Elle a en effet le pouvoir inouï de nous changer le cœur. Comment ? En nous faisant entrer toujours mieux dans le jeu des signes efficaces qui la constituent. Des signes qui nous touchent parce qu’ils nous renvoient aux grandes réalités de nos vies humaines.
Je ne peux m’empêcher de penser à cette toute jeune femme sur le point de devenir mère. Mère d’un certain Jésus. Une mère qui sentit monter à travers son corps, son cœur, son âme une immense action de grâce pour ce qui se passait en elle. Elle réalisait qu’elle était en train de donner vie, sa vie, à une autre vie. Ce qui n’est pas sans nous renvoyer, nous, à l’eucharistie dont la femme est la première icône. Un mystère, corporel et spirituel. À son petit, dans son ventre, elle partage sa propre vie en lui donnant son sang maternel, avant de lui donner sur son sein à boire son lait, puis sur la table le pain qu’il mettra sa joie à le partager avec ses commensaux.
Et quand le jeune Jésus, observateur et intuitif comme il l’est, voit des hommes et des femmes, chacun, chacune à sa manière, matérielle ou spirituelle, donner de la vie, la faire croître chez les autres, il est progressivement attiré à dire un jour à ses amis : « Prenez et mangez-en tous. Ceci est mon corps, ceci est mon sang. C’est donné. C’est moi. »
La vie en commun apprend la vie de demain. C’est ainsi que Jésus a aussi conduit sa mère jusqu’à la plénitude de sa maternité : « Femme, voici ton fils. » Telle mère, tel fils. Avec retour. Si la femme est l’icône première de l’eucharistie le Fils de l'Homme en est l’accomplissement. Ainsi du Christ et de l’Église, ainsi du sacrement nuptial de l’alliance.
On le voit, les vocations mûrissent en observant les événements de la vie. Tout ce que Jésus, enfant, adolescent, puis jeune homme voit et contemple de ses yeux, tout lui parle au cœur, le sensibilise, le prépare à son avenir.
Voit-il dans l’enclos un troupeau de moutons affamés le matin, c’est le déclic. Il se découvre un cœur de berger. Sa vocation est là ! À cette époque le berger, c’est le rustre qui sent mauvais, asocial, méprisé. Mais il prend soin du troupeau. Il risque sa vie contre le loup. C’est cela qu’il veut pour lui-même. C’est à cela que l’amour l’entraîne : il se fera le dernier du troupeau, petit agneau qu’on immole à la Pâque, celui qu’on mange à la hâte. On lui prend son sang pour oindre les montants de la porte et la fermer à l’exterminateur. Jésus le sait parfaitement. Il le lit dans les Écritures. Ce qui redouble son attirance.
Sa vocation se précise. Il veut plus, c’est le propre de l’amour. Il va se faire moins. Devenir, dans la porte, le vide par laquelle tous pourront passer. Le trou de l’aiguille devenu la porte du tombeau.
Le rêve du Fils de l'Homme le conduit au cœur du mystère de l’eucharistie. Le rêve de n’être plus que pour l’autre, plus rien pour soi, allégé de tout moi pour moi, plus qu’amour en acte.
Un jour, Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus dira sobrement de sa première communion : « Ce fut une fusion. » À l’horizon, le mariage spirituel. Oui, et pour Jésus ?
Jésus est de plus en plus tourné vers les incomparables symboles de la liturgie juive.
On a dit que le propre de Dieu c’est l’imagination. À preuve l’univers qu’il a créé, avec tout ce qu’il contient, avec tout ce qui peut s’y vivre ! Tout peut y être symbole pour qui ouvre les yeux.
Jésus est Fils de ce Dieu-là. Pas étonnant que lui soit venue l’idée surprenante de se donner lui-même à manger, caché dans un peu de pain, ce pain qu’on pose sur la table, pour qui veut. Puis l’idée de se faire moins encore, miettes, sous la table, pour les petits chiens, les enfants, l’étrangère, les sans droit, les bons et les méchants, les fous, nous tous.
C’est dans ce quasi rien, qu’il se donne personnellement à chacun, à chacune. Il y donne tout : son corps, son sang, son âme, sa divinité, oui, sa divinité ! Sans rien retenir. Sa vie, pas plus que le reste, ne lui appartient. Elle est à sa famille divine, cette famille qu’il a le droit de donner en partage à la multitude. N’est-il pas le Fils, l’envoyé du Père dans la communion de l’Esprit, pour que tous, sur la terre comme au ciel, soient un ? C’est la communion plénière, à chaque messe.
À la fin de chacune Jésus s’est effacé, comme à Emmaüs. Il est passé de l’extérieur au plus intime des cœurs, là où se consomme l’Alliance nuptiale.
On croit entendre aujourd’hui encore la voix de Jésus.
« Amis, tout ceci est vrai.
C’est un exemple que je vous ai donné,
afin que vous aussi vous fassiez de même !
Heureux êtes-vous si vous le faites ! » (7 juin 2015)
Année B - Homélie pour la fête de la Sainte Trinité – 31 mai 2015 –
Dt 4 32-40 ; Rom 8 14-17 ; Mt 28 16-20 ;
Homélie du F.Damase
Frères et sœurs, aujourd’hui nous honorons la Sainte Trinité, insondable mystère d’un seul Dieu en trois personnes distinctes, que nous professons chaque fois que nous faisons sur notre corps le signe de la Croix, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
Il y a une solidarité et une symétrie entre les personnes divines qui reçoivent « même adoration et même gloire » comme dit le Credo !!
Les lectures que nous venons d’entendre manifestent la volonté de Dieu de se révéler par des mots humains.
On lit dans le Deutéronome : « Sache donc aujourd’hui et médite cela en ton cœur : c’est le Seigneur qui est Dieu là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre, il n’y en a pas d’autre ».
Paul dit aux Romains : « Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu ».
Et dans l’Evangile selon Matthieu, Jésus dit : « Allez de toutes les nations, faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint ; et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde ».
De ces lectures, frères et sœurs, nous déduisons que
- Du nom de Dieu, dépend notre histoire,
- de la lumière de son visage en Jésus Christ, nous trouvons notre chemin,
- et de son souffle, notre vie, notre volonté connaissent la vérité et font le bien.
Le Dieu de la Bible est la vie qui veut se communiquer, il est ouverture et relation. Dieu veut combler en nous lacunes et manques, donner et pardonner, établir avec nous un lien stable et durable.
L’Ecriture Sainte ne connaît pas d’autre Dieu que le Dieu de l’Alliance qui a créé le monde et pour répandre son amour sur toutes les créatures et qui s’est choisi un peuple pour établir avec lui un pacte nuptial, et pour le faire devenir une bénédiction pour toutes les nations et former ainsi une grande famille de toute l’humanité.
Cette révélation de Dieu s’est pleinement définie dans le Nouveau Testament grâce à la Parole du Christ.
Jésus nous a révélé que l’homme est essentiellement fils, créature qui vit en relation avec Dieu le Père. Créature ouverte, tendue vers Dieu et vers ses frères, dans le visage desquels elle retrouve l’image du Père, par la grâce de l’Esprit.
Jésus nous a manifesté le visage de Dieu, un dans l’essence et trine dans les personnes : Dieu est amour, Amour-Père, Amour-Fils, Amour-Esprit saint
L’Esprit saint communique et diffuse l’amour qui unit et embrasse les personnes et les choses. C’est lui qui « écrit » dans les cœurs de ceux et celles qui croient au Christ. C’est lui qui crée l’Eglise de tous les peuples. Cette Eglise qui parcourt le monde entier, abat les barrières pour unir l’humanité dans la profession du Dieu Un et Trine. L’Eglise est « communion missionnaire » dans le Christ Jésus. Elle vit au rythme spirituel d’un battement de cœur qui sans cesse appelle et envoie, relie et sépare, rassemble et disperse. Ainsi la communion de l’Eglise porte les disciples à entrer en relation avec tous pour témoigner de l’amour de Dieu auprès de tous, en missionnaires de l’Evangile.
Oui, Frères et sœurs, en Jésus Christ, Dieu s’est fait homme par l’intervention de l’Esprit. Le Père et le Fils ne font qu’Un dans l’Esprit Saint qui est l’atmosphère du don et de l’amour qui fait d’eux un Dieu Unique. Par Jésus, Dieu vient à notre rencontre. Son Esprit, l’Esprit Saint qui émane de lui, entre dans nos cœurs et nous met en relation les uns avec les autres, il nous apporte la vie et la liberté. Or on ne trouve la vie qu’en la donnant. C’est ce que nous apprenons du Christ et ce que nous enseigne l’Esprit Saint qui fait de nous des fils et des filles de Dieu, véritablement libres, car, par lui, nous regardons le monde, les autres et nous-mêmes avec les yeux de Dieu.
Frères et Sœurs, l’Esprit par son souffle nous pousse vers le Christ et le Christ nous fait connaître le Père. L’Esprit donne aux croyants une vision supérieure du monde, de la vie, de l’histoire et fait d’eux les gardiens de l’espérance qui ne déçoit pas.
Ne cessons pas de prier Dieu le Père, par notre Seigneur Jésus Christ dans la grâce de l’Esprit Saint. Rendons grâce à notre Dieu éternellement !! (2015-05-31)
Année B - PENTECÔTE 24 MAI 2015
Ac 2, 1-11; Ga 5, 16-25 ; Jn 15, 26...16,15
Homélie du Père Abbé Luc
« Un grand vent s’est levé »…avons-nous chanté, frères et sœurs, au début de cette célébration… Que va nous apporter ce vent ? Que va nous faire vivre l’Esprit Saint ce grand vent de la Pentecôte ? Dans nos régions, quand le vent de l’ouest se lève et souffle fort, nous pensons qu’il y a des chances que vienne la pluie. Dans la région de Toulouse, chez nos frères d’En Calcat, souffle parfois un vent qu’on appelle le vent d’Autan, un vent qui est fatiguant à supporter. Pendant quelques jours, on s’attend à être plus énervé, on dort moins bien. En Afrique de l’Ouest, chez nos frères de Bouaké dont nous accueillons ces jours-ci le f. Paul, souffle l’Harmattan. C’est un vent qui vient du désert. Il assèche tout et dépose une fine poussière qui pénètre partout dans les maisons… Nos vents de la terre sont variés. Selon la direction d’où ils arrivent, nous savons que cela produira tel effet.
Ainsi en va-t-il de l’Esprit Saint, ce grand qui s’est levé un jour de Pentecôte… Grand vent et pourtant très discret dans ses manifestations. Un vent qui fait des grandes choses en prenant des petits moyens. Ce vent ne souffle pas dans nos cheveux ou dans nos oreilles. Il est comme une énergie à accueillir, comme un murmure à reconnaitre au fond de nos cœurs, comme une lumière à recevoir. Et comment distinguer cette énergie de toutes celles qui nous animent ? Comment discerner ce murmure au milieu de tous les autres bruits ou pensées qui peuvent habiter notre cœur ? Comment reconnaitre cette lumière parmi toutes celles qui peuvent scintiller sous nos yeux ? Comme pour les vents de la terre, nous discernerons le souffle de l’Esprit à ce qu’il produit… Nous savons son origine, il vient de Dieu, il ne pourra produire que des fruits selon Dieu.
Chacun des trois lectures entendues nous donnent de reconnaitre l’Esprit dans les fruits qu’il produit. L’Esprit énergie se révèle à la manière d’un vent puissant tant il bouscule la vie des disciples. Ceux-ci hier apeurés, deviennent pleins d’assurance. L’énergie dont l’Esprit les remplit ne peut se confondre avec l’éloquence humaine et la séduction de la force. Elle leur donne de se faire tout à tous, en rejoignant chacun dans sa propre langue. L’énergie de l’Esprit les met au service des autres, en leur donnant d’entendre dans leurs langues les merveilles de Dieu.
Plus habituellement, l’Esprit est aussi murmure dans nos cœurs. C’est peut-être là, frères et sœurs, que nous pouvons le reconnaitre le mieux dans nos vies quotidiennes. Murmure qui nous incline à penser, à parler et à agir selon Dieu. Les pensées qui peuvent traverser nos cœurs ne manquent pas. Si nous nous y accrochons, elles nous entrainent à parler et à agir. De quelle manière allons-nous parler et dans quelle direction allons-nous agir ? Comment reconnaitre la bonne inclination, celle qui nous entrainera à faire la volonté de Dieu ? Paul dans la seconde lecture, nous laisse les indices de la présence et du passage de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maitrise de soi. Dans notre cœur, l’Esprit nous donne comme un avant-goût de ces fruits succulents. Si la chair, ou le mouvement trop terrestre, nous entraine au « tout tout de suite, » l’Esprit nous incline à la patience. Si la chair nous entraine dans le désordre et le trouble, l’Esprit nous incline vers la maitrise de soi et la paix. Si la chair nous entraine dans les conflits, les discussions sans fins, le mépris des autres, l’Esprit nous incline vers la bonté, la bienveillance, la douceur….La chair nous entraine comme un flot impétueux. L’Esprit nous incline dans le respect de notre liberté, nous appelant avec force et douceur à nous lever, et à marcher vers le bien…
L’Esprit est encore lumière….Dans l’évangile, Jésus nous dit que l’Esprit nous conduira dans la vérité toute entière. L’Esprit est lumière parce qu’il ne conduit pas à lui-même. Il conduit à faire connaitre toujours mieux Jésus qu’il glorifie, et le Père d’où tout vient. Entre toutes les lumières qui scintillent dans notre monde, comment discerner ? L’Esprit nous incline à chercher la vérité sans jamais nous lasser. Il nous montre Jésus, le Chemin, la Vérité, la Vie. Non une Vérité qui écrase ou qui s’impose, mais une Vérité qui libère en nous la vie, l’amour et l’espérance. La Vérité apportée par Jésus et révélée entièrement par sa mort et sa résurrection projette sur notre existence une lumière profonde. Une lumière qui apaise dans la foi, qui conforte dans l’espérance, qui fortifie dans l’amour.
Frères et sœurs, rendons grâce en cette eucharistie pour ce don de l’Esprit dans nos vies, ce vent de Dieu qui produit la vie de Dieu dans nos existences. En cette Eucharistie, dans la mémoire de la mort et de la résurrection de Jésus, nous prions pour que « l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à la gloire de Dieu »… (24-05-2015)
Année B - 7e dimanche de Pâques - 10 mai 2015
Act 1 15-26;1 Jn 4 11-16; Jn 17 11-19
Homélie du F.Hubert
Je voudrais m'arrêter sur une figure sur laquelle nous nous arrêtons bien rarement : celle de Judas, présente dans la prière ultime de Jésus et dans le récit des Actes des Apôtres.
« Judas était l'un de nous et avait reçu sa part de notre ministère » dit Pierre. "L'un de nous ", l'un des Douze. "L'un des Douze" "en est venu à servir de guide à ceux qui ont arrêté Jésus" . Il avait été choisi par lui, aimé par lui, et, surement, il l'avait aimé. Par quel cheminement est-il parvenu à livrer son Maître à ceux qui voulaient sa mort ?
" L'un des Douze" Un dans le collège apostolique, dans les plus
proches, les plus intimes de Jésus. "L'un des Douze" : cela veut dire une part en chacun de nous, une part dans l'Eglise, une part dans toute communauté humaine. Nul n'est exempt de cette part inhumaine, victime et actrice du mal.
Nous ne sommes saints, l'Eglise n'est sainte, que parce que nous sommes rachetés et sanctifiés par le Christ. Nous ne le sommes pas par nous-mêmes.
" La Lumière a brillé dans les ténèbres. Il n'y a pas de ténèbres que la Lumière ne puisse illuminer. Christ est descendu au plus bas du Mal, rejoindre toute victime du Mal.
Le rapport entre la grâce sans limite de Dieu et la liberté de l'homme est un mystère. L'Alliance que Dieu veut et scelle avec nous suppose notre entière liberté. Mais son oeuvre de salut n'est-elle pas précisément de nous libérer du péché qui nous aveugle, nous enchaine et nous emprisonne dans
la division et l' isolement ?
" La preuve la plus grande de la fiabilité de l'amour du Christ se
trouve dans sa mort pour l'homme. Si donner sa vie pour ses amis est la plus grande preuve d'amour, Jésus a offert la sienne pour tous, même pour ceux qui étaient ses ennemis, pour transformer leur coeur. Disent nos deux papes dans l'encyclique "La lumière de la foi".
Jésus n'a pas donné sa vie pour un petit cercle d'amis, il a livré sa vie pour tous, et tous nous sommes pécheurs, c'est-à-dire à la fois victimes de la mort et artisans de mort.
De cette part inhumaine, Jésus nous sauve en livrant sa vie, en nous rendant à nous-mêmes, en nous recréant dans l'unité de son Esprit.
" Père saint, garde-les unis dans ton nom, le nom que tu m' as donné, pour qu'ils soient un, comme nous-mêmes". Tous un, comme sont un le Père et le Fils.
Fraternité des réconciliés.
" J'ai veillé sur mes disciples, dit Jésus, et aucun ne s'est perdu,
sauf celui qui s'en va à sa perte de sorte que l'Ecriture soit
accomplie. Parole mystérieuse.
Le don de la vie, l'amour sans faille de Jésus, n'aura-t-il pas rejoint Judas, ne l'aura-t-il pas sauvé du gouffre du désespoir, du gouffre de la séparation sans mesure d'avec son Sauveur ?
" Si l'un de vous a cent brebis et qu'il en perd une, n'abandonne-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu'à ce qu'il la retrouve ?".
Nous ne pouvons espérer pour nous le pardon, sans espérer que *tous* les hommes soient sauvés, sans espérer que l'amour du Christ, jamais démenti, rejoigne et sauve tout homme, et j'allais dire, en premier, celui que le Mal, avec une majuscule, a le plus défiguré, rendu inhumain, en communion avec personne.
Pierre s'est laissé déborder par la peur, il a renié Jésus par faiblesse. Judas s'est laissé prendre par le mal jusqu'à décider de livrer Jésus. Le mal l'a déshumanisé, l'a rendu meurtrier du Fils de l'homme.
Si Pierre a pu pleurer amèrement sa faute, grâce au regard de Jésus posé doucement sur lui, Judas, qui n'aura pas trouvé auprès des grands prêtres les témoins du salut qu'ils auraient dû être, n'aura-t-il pas été réconcilié dans son suicide, par le regard intérieur de Jésus, dont le nom veut dire " Dieu sauve " ? Aura-t-il découvert et accepté que l'amour sauveur de Jésus était plus fort que sa trahison, que son désespoir ? Que cet amour pouvait le sauver de l'isolement insupportable de la condamnation qu'il portait sur lui-même ? Nous ne le saurons jamais ici-bas, mais "ce qui est impossible aux hommes est possible à
Dieu".
"Dieu a jugé bon que "tout", par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour "tous" les êtres sur la terre et dans le ciel." Col 1, 20
"Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font."
Judas a livré Jésus par un baiser mensonger. Mais le baiser de Jésus à Judas était vrai, premier, et toujours offert. N'a-t-il pas touché Judas en vérité puisqu'ensuite Judas est retourné chez les grands prêtres en disant : "J'ai péché en livrant un sang innocent."?
Si l'amour de Dieu, en Jésus, est "capable d'entrer dans la mort pour nous sauver, pourquoi cet amour n'a-t-il pas arraché Judas à la mort de son être profond ? Jésus ne l'aura-t-il pas entrainé, dans la multitude des captifs dont parle l'épitre aux Ephésiens, et rendu à son Père comme un fils très précieux et très cher ?
Dans notre monde d'aujourd'hui tant marqué par les exclusions, les rejets, les intégrismes qui vont jusqu'à détruire l'autre différent, il est nécessaire plus que jamais de faire oeuvre de réconciliation, de réunification, de pardon, de communion, de vies offertes aux autres, et non de vies détruites à notre profit.
L'itinéraire de Judas, l'itinéraire des Douze dont un a déserté sa
place, ne sont pas hors de nos vies, personnelles, ecclésiales,
humaines. De Caïn qui a tué son frère, à Jésus qui a livré sa vie pour nous tous, le chemin de la conversion est sans cesse à accomplir par la puissance de l'Esprit Saint qui nous est donné
La vérité, l'unité du Père et du Fils. En cette vérité, le Christ
nous sanctifie. "Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu. Le Verbe s'est fait chair. "Il est retourné auprès du Père, emmenant avec lui toute l'humanité. Grande Pâque duChrist. En elle est notre espérance. Que le Père nous garde unis en son nom de Père, comme des fils et des frères, tous sauvés, tous pardonnés : fraternité des réconciliés, portés par le Fils jusque dans le coeur de notre Père.
(2015-05-17)
Année B - ASCENSION DU SEIGNEUR -
14 MAI 2015 -
Ac 1, 1-11; Ep 4, 1-13; Mc 16, 15-20
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Vivant à la Pierre qui Vire, ou y séjournant de passage comme bon nombre d’entre vous, nous avons la chance d’être près de Vézelay… Un haut lieu de notre patrimoine religieux et culturel, une « bible de pierre » comme aiment l’appeler certains, témoin de la foi vivante de nos ancêtres dans la foi en cette région de Bourgogne… En ce jour de l’Ascension, je vous propose de relire la seconde lecture de Paul aux Ephésiens, en nous plaçant devant le tympan…Vous en avez trouvé à l’entrée une reproduction qui vous est offerte. Ensemble, regardons-là pour essayer de mieux entrer dans le mystère du Christ glorifié, vivant auprès de son Père, et pourtant demeurant présent à notre histoire à travers ses envoyés.
Devant ce tympan, nous sommes davantage face à une grande vision du mystère du salut que devant la reproduction d’une scène spécifique de l’évangile, que ce soit la Pentecôte ou l’Ascension…Les artistes sculpteurs ont inscrits dans la pierre leur vision du monde sauvé dans le Christ.
Car c’est bien le Christ qui est important. Il est au centre dans la mandorle qui l’enveloppe et le distingue du reste, en signe de sa divinité. Ses vêtements plissés et comme soulevés par un souffle suggèrent sa vie dans la gloire divine. La tête du Christ se trouve dans un espace à part, au-delà d’une voûte céleste que l’on voit de part et d’autre des épaules, alors que son corps demeure sous la voûte céleste…Nous pouvons voir là une façon imagée de nous dire le mystère du Christ Tête et Corps, la Tête est déjà glorifiée, dans les Cieux cette réalité du Royaume, au-dessus de toutes nos représentations, et le Corps qu’est l’Eglise est encore en pèlerinage sur la terre. « En entrant le premier dans le Royaume, le Christ donne aux membres de son corps, l’espérance de la rejoindre un jour », chanterons-nous dans la préface…
Des mains du Christ sortent des rayons que l’on peut associer au don de l’Esprit Saint lors de la Pentecôte. Mais nous pouvons voir aussi une illustration de ce que Paul nous dit aujourd’hui. « Le Christ est monté au-dessus de tous les cieux pour remplir l’univers » et « il a fait des dons aux hommes ». Et Paul précise que ces dons, « ce sont les apôtres, et aussi les prophètes, les évangélisateurs, les pasteurs et ceux qui enseignent ». Ainsi les rayons, sortant des mains du Christ, viennent toucher douze personnages qui sont les apôtres. On reconnait Pierre à gauche avec ses clefs. Le Christ glorieux fait don au monde des apôtres et de tous les messagers de l’Evangile, afin que par eux « les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ » poursuit Paul, « jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi…à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude »…Oui, les apôtres sont envoyés à tous les peuples qui sont représentés au bas du linteau sous les apôtres (on croit reconnaitre des pigmés, à droite, dans le personnage en train de monter avec une échelle sur un cheval, des peuples aux grandes oreilles, tout à droite…). D’autres peuples sont figurés dans les compartiments autour des apôtres (peut-être des juifs, des éthiopiens… ?). Cette abondance de personnages variés veut signifier que la bonne nouvelle est adressée à tous ces peuples appelés à former le Corps du Christ. Dans le demi-cercle plus à l’extérieur, sont mis en scène avec les signes du Zodiaque, les travaux des mois. Avec eux, ce sont toutes les activités humaines qui sont rejointes par la Bonne Nouvelle du Christ, depuis les semailles jusqu’aux moissons, en passant par les arts. L’humanité est ainsi prise toute entière sous la lumière du Christ à travers ses messagers qui lui sont envoyés par le Christ. Elle est appelée à atteindre « la stature du Christ dans sa plénitude », devenue toute entière une dans le Corps du Christ, comme le suggère ici si bien la grandeur de la personne du Christ. Dans le même sens, le tympan par sa forme même en demi-cercle où tout est rassemblé dans le Christ, dégage une vision d’unité qui fait écho à la vision de Paul : « Un seul Corps, un seul Esprit, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous et en tous… ».
Frères et sœurs, la foi de nos ancêtres inscrite dans la pierre vient nourrir notre propre foi. Par les yeux, par la lecture des milles détails de ce tympan, notre intelligence du mystère de la foi au Christ grandit. En cette célébration de son Ascension, nous est donné d’approcher que l’apparente absence du Christ se transforme en une puissante et vivifiante présence à tout l’univers. Lui notre Tête déjà dans les Cieux ne cesse de nous rester proche, de travailler avec nous, de nous vivifier par son Esprit, par la parole de ses messagers et par les sacrements de son Eglise. Rendons-grâce en cette eucharistie et laissons-nous entrainés par le Christ pour partager à tous la vie qui vient de Lui, jusqu’à ce qu’Il vienne. (14-05-2015)
Année B - 5e dimanche de Pâques - 3 mai 2015 -
Act 9 26-31; 1 Jn 3 18-24; Jn 15 1-8;
Homélie du F.Denis
Cette page d'évangile nous rend heureux. Comme le font tous les
textes lus depuis la fête de Pâques, le Temps pascal. Ces textes nous
font découvrir, de semaine en semaine, ce qui nous est arrivé à partir
de la résurrection du Christ, disons en quoi consiste être chrétien.
L'Evangile vient de le résumer: si quelqu'un demeure dans le Christ
il portera beaucoup de fruit. Je vous propose deux choses à bien
regarder pour demeurer dans le Christ et porter du fruit : d'abord le
nom que nous portons, ensuite le nom que se donne lui-même le
Christ.
1. Le nom que nous portons.
Depuis notre naissance nous avons un nom qui, venu de
notre pays, de notre famille, de son histoire, nous distingue, nous
désigne publiquement. Ce nom que j'entends, c'est le mien, et, à
peine l'ai-je entendu comme un appel, je réponds « Présent! oui,
c'est moi. ». Nous avons aussi un prénom, plus personnel, amical,
familial, aimant. Par ce nom et ce prénom, s'exprime la fécondité de
la vie humaine. Beauté des yeux des jeunes enfants souriant à la vie
qu'ils découvrent Mais il est une autre beauté venue d'ailleurs. Car
chacun de nous, depuis son baptême, porte un autre nom. Ce nom
nouveau est d'un autre ordre que ces nom et prénom. C'est un nom
qui ne dit pas seulement son histoire humaine, c'est un nom immense,
un nom d'éternité permettant de vivre déjà sur la terre comme au ciel.
Ce nom se reçoit avec le baptême: du baptisé on dira qu'il est
chrétien. Ce nom n'efface rien des noms et prénoms enregistrés à la
mairie devant témoins, mais il dit l'indicible dont nous tous, nous
sommes désireux.
Parlant des baptisés, on avait dit d'abord: « les frères », ou
« les disciples» ou « les croyants ». Ces noms convenaient aussi aux
Juifs et à d'autres groupes religieux. Et voici que, un jour, deux
apôtres, Barnabas et Saul devenu Paul, ayant rassemblé de nombreux
adeptes, on inventa un nouveau nom, tout à fait inusité et même
curieux, nom original à partir d'un homme, Jésus, le Christ qui,
décidément, allait plus loin que tout prophète ou roi, et que seul on
devait adorer.
Temps pascal, temps des chrétiens, des êtres humains
qu'on appelle chrétiens parce qu'ils sont ressuscités avec le Christ.
ressuscités. Joie et fierté, nous rappelle le pape François. Mais
souffrance aussi à tel moment où nous percevons que ce Christ est
refusé et nous avec lui. Mais vrai bonheur, car après les combats, il-y a
la victoire, celle du Christ vainqueur de la mort et du péché, et qui
donne au croyant demeuré fidèle, son propre nom comme on donne
cadeau que seul peut comprendre et apprécier celui qui l'aura reçu. Le
Nouveau Testament une alors d'une image, banale à cette époque,
celle du banal caillou blanc, sorte de passeport permettant d'entrer et
de prendre part à une action commune. Mais, sur ce caillou blanc
évangélique est gravé le nom du Christ Seigneur qui sera désormais
notre propre nom. le baptisé est un autre Christ, alter Christus, il est
du Christ, il est par le Christ, il est pour le Christ
.
Puisque vous êtes venus célébrer cette eucharistie avec nous, je vous
dis le mot qui résume la vie du baptisé devenu moine, mais c'est
simplement la vie chrétienne : ce moine cherche Dieu, qui donc est
Dieu, qui donc est ce Christ dont il porte le nom.
2. Le nom du Christ,
La liturgie de ces jours et de jour très clairement, un mot revient,
il est capital : Demeurer. Dieu demeure, le Père et le fils demeurent
inséparables. Le Christ demeure en nous et nous pouvons demeurer
dans le Christ. Demeure, habiter, entrer dans la Maison et frapper à la
Porte de la Maison. Et voici le nom que le Christ nous le dit : il est la
Porte, celle-ci une fois ouverte, nous entrons dans l'intérieur de la
maison, puis dans l'intime de cette maison qu'est la demeure éternelle
du Dieu vivant révélé par le seul qui nous ait ouvert la Porte, Jésus le
Seigneur Christ. Jésus, porte ouverte
Porte ouverte, les deux mots deviennent fréquents, ainsi, chaque
année, le «jour du Patrimoine », les portes sont ouvertes à qui veut
admirer des lieux habituellement privés. Il nous est arrivé aussi de
proposer à tous nos amis de Saint-Léger-Vauban une journée de Porte
ouverte leur donnant de connaître les lieux quotidiens de notre vie de
moines.
Mais, répétons-le, si le Christ nous ouvre la porte, c'est pour
donner accès à la maison de Dieu, afin que nous entrions à l'intérieur
de la demeure et enfin au lieu de l'intimité éternelle du Père et du Fils
dans leur respiration commune qu'est le Saint Esprit.
Ai-je tout dit de cette Porte ouverte? Evidemment non. Car
quand nous lisons le livre dernier livre de la Bible, l'Apocalypse de
saint Jean, nous y admirons la victoire totale du Christ dans
l'apparition d'une ville de lumière, n'ayant plus de temple car c'est le
Christ lumineux qui est ce Temple où des Portes toujours ouvertes
percent les murs sans qu'il soit question de jamais les fermer. Eglise
des douze Apôtres qui ont annoncé la Bonne Nouvelle et après eux les
évêques, les prêtres, les diacres, tous les baptisés, hommes et femmes
portant le nom du Christ Porte ouverte et sont devenus le signe du
Cœur de Dieu ouvert à l'humanité rassemblée dans le Christ.
Chrétiens, nous portons le nom du Christ, Porte Ouverte, et nous
sommes, nous devons être le corps de ce Christ, l'Eglise qui entend et
répond au Christ venu frapper à notre porte pour diner avec nous et
vivre avec nous sa vie éternelle. (2015-05-03)