Homélies
Liste des Homélies
Année B - Pâques, 5 Avril 2015
Ac 10 34-43; ol 3 1-4; Jn 20 1-9
Homélie du F.Ghislain
O mort, où est donc ta victoire ?
Pour entrer un peu dans l’intelligence du Mystère de la Résurrection, que nous sommes en train de célébrer, il faut peut-être prendre la mesure du Christ mort.
Je voudrais essayer de le faire en évoquant le souvenir de deux jeunes étudiants d’une vingtaine d’année déportés à Buchenwald à la fin du nazisme. Le premier, Jorge Semprun, républicain espagnol, voit le second, François, en train de mourir à côté de lui. Il se souvient alors du grand roman de l’écrivain André Malraux, L’espoir, consacré à la guerre civile espagnole de 1936. « C’est seulement une heure après la mort que, du masque des hommes, commence à sourdre leur vrai visage » écrit Malraux, à propos d’un aviateur descendu en vol et dont on vient de rapporter le corps. « Il faut au moins une heure, confirme une femme présente, pour qu’on commence à voir l’âme » . Jorge Semprun commente, à propos de son camarade : « Son vrai visage avait été détruit, il ne sourdrait plus jamais de ce masque terrifiant, non pas tragique, mais obscène…. Je commençais à comprendre que la mort des camps, la mort des déportés est singulière : elle met radicalement en question tout savoir et toute sagesse à son sujet….Je regardais le visage de François L. sur lequel on ne verrait pas apparaître l’âme une heure après sa mort. Ni une heure, ni jamais. L’âme, c’est-à-dire la curiosité, le goût des risques de la vie, la générosité de l’être-avec, de l’être-pour, la capacité d’être autre, en somme, d’être en avant de soi par le désir et le projet, mais aussi de perdurer dans la mémoire, dans l ’enracinement, l’appartenance ; l’âme, en un mot sans doute facile, par trop commode mais clair cependant, l’âme avait depuis longtemps quitté le corps de François, déserté son visage, vidé son regard en s’absentant ». L’âme peut un moment se manifester sur le corps de l’homme tué au combat, mais pas sur celui du mort en déportation.
Résonne alors en nous la parole du prophète Isaïe « L’apparence n’était plus celle d’un homme », plus du tout, plus jamais, sans la moindre seconde de résilience. Comme si la chaine de l’humanité avait été brisée, la communication interrompue. Et qui rétablirait cet anéantissement ? En mourant, François L. murmurait les paroles du philosophe Sénèque : « Post mortem nihil est ipsaque mors nihil » ? Après la mort rien, et la mort elle-même n’est rien .
Notre foi chrétienne nous propose Jésus-Christ. Mort crucifié. Ne peut-on dire de lui ce que Semprun dit du mort déporté ? Dans son corps donc, Jésus avait vécu de l’âme : de la générosité de l’être-avec, de l’être-pour, de la capacité d’être en avant de soi par le désir et le projet du Royaume de Dieu. Dans son âme, il avait vécu du corps : l’enracinement dans sa terre qu’il n’avait pas quittée, qui l’avait nourri, sur laquelle il avait dormi ; l’adhésion à son peuple à qui il appartenait et dont il espérait tout. Et il est mort : pas une mort de déporté, mais une mort de crucifié, procédant comme l’autre d’une haine infinie. Une mort singulière, que Jésus n’avait pas provoquée, avec laquelle il n’était d’aucune manière complice. Une mort à laquelle le Dieu du Royaume, son Père, ne l’avait pas soustrait, le laissant au contraire dans les affres de l’abandon qui ravageait son visage. Une mort qu’il avait acceptée et offerte : « Père, en tes mains, je remets mon esprit ». Une mort qui, en un sens, englobait toutes les autres.
Or, après une telle mort, l’âme de Jésus n’a pas attendu une heure pour sourdre sur son visage et pour illuminer le corps. Celui-ci n’était pas descendu de la Croix que le chef du peloton d’exécution l’a vue se dessiner : sur le corps inanimé, sur le visage du mort, il n’y avait plus la moindre trace de la haine des hommes ; on voyait au contraire apparaître l’âme : « Cet homme était un Juste » dit-il (Luc, 23, 48). Plus profondément encore, ce centurion païen a, le premier de tous les hommes, reconnu, la gloire de ce mort : « Vraiment celui-ci était Fils de Dieu » (Mc. 15, 29).
Peut-être le disciple que Jésus aimait et qui se tenait au pied de la Croix a-t-il entendu le centurion, peut-être a-t-il vu sur la face dévastée de Jésus la même chose que le soldat païen ? Est-il entré alors dans la connaissance intime du Christ et de sa mort ? Une mort que quelque chose dans le cœur du disciple, comme de sa Mère debout au pied de la Croix, transformait doucement, lui révélant l’âme vraie de Jésus dans son corps crucifié, allant même au-delà et lui découvrant le Nom de Fils.
Lorsque ce disciple un peu plus tard est venu au tombeau, à l’appel de Marie-Madeleine (Jn. 20.8), lorsqu’il a vu à terre les linges de la mort et que le mort lui-même, il ne l’a pas vu, « alors il crut » dit l’évangile. Ce qu’il avait pressenti en contemplant le visage de Jésus encore sur la Croix, il le savait maintenant : « Dieu l’a relevé en le délivrant des douleurs de la mort car il n’était pas possible qu’il fût retenu par elle » (Act. 2,24). La figure tragique dessinée par Malraux et Semprun se renverse et se transfigure. Le corps de Jésus n’a a pas eu le temps de devenir cadavre ni cendres ; son âme ne s’est pas attardée on ne sait où. La résurrection est en fait l’exaltation de ce corps, à la fois détruit et rayonnant de justice, et de cette âme généreuse, un instant seulement absentée pour libérer une transfiguration. La chaîne de l’humanité non seulement est renouée, la communication interrompue non seulement est rétablie, mais l’Homme qui fut sans péché et pourtant est mort, apparaît maintenant « tel qu’en lui-même enfin l‘éternité le change », à hauteur de Dieu et de Monde. Désormais revêtu sans entraves de la Gloire du Fils, l’Homme nouveau s’étend à la mesure de tout le cosmos, de toutes les populations depuis le commencement : le Corps du Christ, l’Eglise, l’Humanité, les Anges et quoi encore ?
Christ est vraiment mort et nous en lui ; il est vraiment ressuscité et nous avec Lui.(5-04-2015)
Année B - VIGILE PASCALE 04.04.2015
Rm 6, 3-11 ; Mc 16,1-7
Homélie du Père Abbé Luc
« Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » se demandent les femmes. Qui roulera la pierre qui enferme l’être humain dans la mort ? Aux hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu.
Frères et sœurs, c’est cette merveille que nous célébrons en cette nuit. Le Dieu Vivant, en ressuscitant Jésus son Fils a définitivement roulé la pierre qui ferme nos tombeaux. Ce qu’Il a fait pour Jésus son Fils, il l’a fait pour nous, lors de notre baptême. Depuis ce jour de notre baptême, nous sommes devenus un avec Jésus. Lui, le Vivant, a enlevé à notre mort le pouvoir de nous retenir en ses liens. Si un jour, nous passerons par le tombeau, celui-ci ne nous gardera pas en sa demeure. Depuis le jour où la pierre a été roulée pour libérer Jésus Vivant, nous savons que la mort n’a plus le dernier mot, seulement l’avant-dernier. Telle est notre foi, telle est aussi notre joie.
Frères et sœurs, en cette nuit, il ne nous est pas demandé grand-chose, je dirais deux choses : faire le plein de Vie et vérifier que la pierre du tombeau reste bien roulée.
Faire le plein de Vie. Toute la célébration de cette nuit nous chante la Vie du Ressuscité offerte en abondance, et nous donne de la faire nôtre. La Vie du Ressuscité est notre Lumière. Elle guide nos pas dans la nuit comme nous l’avons célébré en entrant dans cette église. La Vie du ressuscité est cette Parole unique qui éclaire toute l’histoire humaine depuis la création, comme nous l’avons entendu à travers les lectures. Parole sûre entre toutes les paroles, elle donne un sens nouveau et une espérance nouvelle à nos existences. La Vie du ressuscité est notre Libération. Elle nous délivre et nous purifie de toutes nos errances et de notre péché. Elle est cette Eau vive qui nous donne de renaitre. Eau de notre baptême dans laquelle nous nous signerons dans quelques instants. La Vie de Ressuscité est notre force, notre nourriture. Jésus, Lui-même, le Vivant se donne en nourriture. Mystère d’un don caché sous le signe du pain et du vin que nous recevrons. Mystère d’une vie donnée qui nous rend semblable à notre Dieu, sans aucun mérite de notre part. C’est un don gratuit…
En cette nuit, frères et sœurs en nous rappelant et en accueillant le don que Dieu nous fait, il nous faut vérifier aussi, dans nos vies, que la pierre du tombeau reste bien roulée. Oui, en chacune de nos vies, la mort fait son œuvre. Dans notre condition humaine limitée, les épreuves ne manquent pas. Notre corps est marqué par la maladie, par la souffrance et par le vieillissement. Nos limites et nos faiblesses peuvent parfois nous peser et nous abattre… La pierre du découragement va-t-elle se refermer sur nous ? La pierre de la peur va-t-elle nous tenir captifs de l’angoisse de la mort ? Oui, dans nos vies, nous livrons un singulier combat contre beaucoup de formes de mort qui peuvent nous retenir prisonniers de la tristesse, de l’amertume et de l’angoisse. En cette nuit très sainte, Dieu lui-même veut nous réconforter et nous rendre courage en nous disant : « Ne soyez pas effrayés, Jésus de Nazareth est ressuscité. La pierre du tombeau est roulée une fois pour toute. Ne laissez pas d’autres pierres se refermer sur vous. Accueillez la Vie de Jésus ressuscité. Dans tous vos combats, Il est, votre Lumière, votre Libération et votre Nourriture. Avec vous, Il sera dans le passage de votre mort. Avec Lui, Il vous accueillera dans la Vie éternelle ».(2015-04-04)
Année B - VENDREDI SAINT 03.04.2015
Is 52, 13 - 53, 12; He 4, 14-16; 5, 7-9; Jn 18, 1 - 19, 42
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
La célébration de la Passion que nous vivons maintenant nous place au cœur de la célébration du mystère pascal. Jésus traverse jusqu’au bout notre condition humaine. Il affronte toutes nos contradictions hideuses, et il assume notre faiblesse et notre mort. Chemin de mort et de défaite qui se révèle être, dans la lumière de la résurrection, un chemin de victoire. Comme nos chants d’acclamation de la croix le signifieront dans quelques instants. La haine, le péché, et la mort n’ont pas le dernier mot, depuis que Jésus a tenu bon jusqu’au bout dans son amour pour le Père et pour nous. C’est le mystère d’une victoire dont nous recueillons le fruit chaque fois que nous célébrons le mémorial de sa mort et sa résurrection. Mystère d’une victoire dont nous voudrions apprendre, année après année, à mesurer tout le prix. Mais qui ne pourra jamais mesurer l’amour dont Dieu nous a aimés en Jésus ?
Mystère d’une victoire qui est encore à l’œuvre pour tant de nos frères qui sont aujourd’hui persécutés. Ils nous rappellent que le Christ, en son Eglise, « est en agonie jusqu’à la fin du monde ». Leur témoignage, leur martyr, nous attriste à la vue d’un tel déchainement de violence dont ils sont les victimes. Mais il devrait aussi nous conforter dans notre propre chemin à la suite du Christ. Jésus ne nous a pas promis un chemin facile. Le choisir comme Maitre nous donne d’être confrontés à la violence ou à la perfidie de bien d’autres maitres qui veulent régner en ce monde et aussi en nos cœurs. Ces chrétiens persécutés nous rappellent que dire « oui » à l’amour avec Jésus, cela a un prix. Si nous pouvons nous sentir faibles dans notre capacité à aimer jusqu’au bout, recueillons dans cette célébration la force et la paix qui viennent de la croix. Dans l’oraison d’ouverture, nous avons déjà demandé cette grâce : « Aujourd’hui encore, montre-nous ton amour : nous voulons suivre le Christ qui marche librement vers sa mort ; soutiens-nous comme tu l’as soutenu, et sanctifie-nous dans le mystère de sa Pâque ». (2015-04-03)
Année B - JEUDI SAINT 02.04.2015
Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15
Homélie du Père Abbé Luc
« Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains… » Aujourd’hui, entre les mains de Jésus, s’accomplit l’œuvre de Dieu commencée depuis la création du monde. Jésus, le Verbe fait chair, sorti du Père, par qui tout a été fait, et les montagnes pétries par ses mains (Ps 94, 5), et l’homme façonné à son image (Gn 1,27 ; 2,2), Jésus en cette heure solennelle achève l’œuvre de Dieu. La liturgie nous donne de célébrer et d’actualiser ensemble les deux gestes de Jésus qui en annoncent un troisième, l’ultime œuvre de ses mains.
Premier geste. Jésus lave les pieds de ses disciples, un à un. Lui le Seigneur et le Maitre, se fait serviteur de ses disciples et, à travers eux, de tous les hommes. Un peu comme dans le premier jardin, lorsque Dieu se faisait le serviteur d’Adam le premier homme sorti de ses mains, en cherchant – j’allais dire – « en se creusant la tête », pour trouver une aide qui lui soit assortie afin que ce premier être vivant, modelé par sa main, ne soit pas seul. Ici Jésus lave les pieds pour redonner toute sa dignité à Adam blessé par le péché, afin qu’il puisse avoir une part avec lui, dans son Royaume. En ce soir, à travers les disciples, Adam retrouve toute sa dignité royale, sa dignité de fils, des mains de son Seigneur qui se fait son serviteur. Les disciples ne peuvent comprendre cet abaissement qui figure l’abaissement encore plus scandaleux de la passion qui va suivre. En ce soir, il leur suffit d’entendre que Jésus agissant ainsi les aime jusqu’au bout.
Second geste. Jésus prend du pain, puis du vin en disant « Ceci est mon corps », « ceci est mon sang »… Les gestes familiers de la bénédiction du pain et du vin qui ponctuent les repas juifs se chargent d’une signification nouvelle : celle d’une offrande qui préfigure le don total du corps transpercé et du sang versé. En cette fête de la Pâque, Jésus se révèle être « le prêtre éternel et véritable », comme nous le chanterons dans la préface. Il n’offre pas des animaux, mais il s’offre lui-même « en victime pour notre salut ». Selon la tradition johannique, sa mort sur la croix coïncide avec l’immolation de l’agneau pascal. Les deux mains de Jésus qui offrent le pain et le vin, corps livré et sang répandu lient à jamais en une seule, les deux réalités du Grand Prêtre et de l’Agneau Pascal…
Accomplis par Jésus, ces deux gestes du lavement des pieds et de l’offrande du pain et du vin, annoncent l’ultime œuvre de ses mains : celle des mains clouées sur la croix, l’œuvre des mains impuissantes. Lui par qui tout fut fait, Lui dont la « main forte et le bras étendu firent sortir Israël d’Egypte » (Dt 7,19), Lui dont les mains guérirent tant de malades en terre d’Israël, connaitra le comble de l’impuissance. « Il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même » lui criera-t-on effrontément ! Mais l’œuvre de ses mains devait ainsi s’accomplir par les mains impuissantes pour qu’apparaisse dans toute sa lumière l’œuvre du Père. Jésus n’a agi qu’au nom du Père sur cette terre, comme depuis la création du monde. En l’ultime moment de la croix, cela sera manifeste quand Jésus dira : « En tes mains, je remets mon esprit ». Dans les mains du Père, il a agi, dans les mains du Père il se remet et s’abandonne. L’œuvre de ses mains, menée jusqu’à l’impuissance, ne sera vraiment accomplie que lorsque, dans les mains du Père, Jésus ressuscitera. « Ta droite m’a relevé » chanterons-nous au matin de Pâques.
En faisant mémoire, ce soir, de l’œuvre des mains de Jésus, nous savons que nous faisons bien davantage que de rappeler un évènement du passé. En faisant mémoire de Jésus Serviteur et Grand Prêtre Agneau immolé et ressuscité, nous accueillons le don de vie qu’Il nous offre encore : pour nous aujourd’hui il s’abaisse afin de nous laver, pour nous il s’offre en nourriture et nous donne sa vie. « C’est l’œuvre de notre Rédemption qui s’accomplit » (Oraison pour les offrandes). Mais ce soir, en faisant mémoire de Jésus Serviteur et Grand Prêtre, nous prenons aussi conscience que désormais, les mains de Jésus en ce monde, c’est nous. « Faites cela en mémoire de moi », « c’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez comme j’ai fait pour vous »…. Nous qui sommes son corps, nous sommes les mains, les yeux et le cœur de Jésus pour tous les hommes et toutes les femmes que nous rencontrons. Mains fragiles, défaillantes parfois, sales aussi, mais mains irremplaçables. L’œuvre accomplie par les mains de Jésus, jusqu’à son relèvement par le Père, se déploie désormais à travers son Corps qu’est l’Eglise. Telle est la confiance que Jésus nous fait, telle est notre responsabilité afin que toute l’humanité participe pleinement à cette joie de connaitre et de chanter son Créateur et son Sauveur. Et pour chacun de nous, il n’y a pas besoin de chercher bien loin, le service à rendre, l’attention à avoir. Jour après jour, nous sommes les uns pour les autres, tour à tour, serviteur et servi, donnant et accueillant. Ainsi l’œuvre de Jésus s’accomplit. Et jusque dans notre impuissance devant l’échec, devant la maladie, nous poursuivons l’œuvre de Jésus, quand nos mains faibles et sans force peuvent se tourner vers le Père et s’abandonner à Lui.
Que cette eucharistie en ravivant la joie d’être servi et sauvé par le Christ, fortifie en nous le désir d’être serviteur caché et donné, totalement abandonné avec le Christ dans les mains du Père. (2015-04-02)
Année B - HOMELIE du dimanche des Rameaux et de la Passion -22/03/2015
(Matth. 21,1-11 ; Isaïe 50,4-7 ; Phil. 2,6-11 ; Matthieu 26,14 à 27,66)
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs
Ce dimanche des Rameaux et de la Passion est le seul dimanche de l’Année Liturgique où l’Eglise nous donne à entendre 2 évangiles. Le premier, au début de la célébration, à l’extérieur, joyeux et lumineux, avec la bénédiction des rameaux. Il ouvre la procession qui nous a conduits à l’intérieur de l’église. Et là nous venons d’écouter le second évangile, long et douloureux, celui de la Passion et de la mort de Jésus en Croix.
Deux évangiles qui évoquent l’un et l’autre deux processions, deux marches à la suite de Jésus, entouré d’une foule de gens de Jérusalem. La première, à l’entrée de la Ville est enthousiaste, accueillante. Le Christ est acclamé comme Fils de David qui vient, béni, au Nom du Seigneur : Hosanna au plus haut des cieux. Les gens étendent leurs vêtements sur la route pour lui rendre hommage, ainsi que des branches de palmiers. L’autre procession, c’est le Chemin de la Croix qui conduit Jésus depuis le Jardin des Oliviers jusqu’au Golgotha, avec ses différentes stations et les étapes de son procès. On y retrouve la même foule de Jérusalem, mais là, elle est animée de cris de haine et d’hostilité. On enlève à Jésus ses vêtements, on lui passe un manteau rouge qu’on lui retire, en le rhabillant, et au final, à la Croix on partage ces vêtements en les tirants au sort. Jésus, comme tous les crucifiés de ce temps meurt dans la nudité. Au lieu de palmes, on lui pose une couronne d’épines sur la tête : on le frappe avec un roseau. On le couvre de coups, de blessures, de ridicule et d’injures.
Le récit de la Passion selon Saint Marc met ainsi l’accent sur les éléments les plus dramatiques de la condamnation de Jésus. Davantage que les 3 autres évangélistes, aux dires des exégètes. Au jardin de Gethsémani, il est triste à en mourir, et il commence à éprouver l’angoisse et la peur. Il implore le Père de lui éviter une mort tragique. Il ne trouve personne pour le consoler. Il est trahi, renié et tous ses disciples l’abandonnent, jusqu’à ce jeune homme qui s’enfuit tout nu, lâchement, en laissant échapper son vêtement dans sa hâte.
Un assassin, Barabbas est relâché à sa place. On se moque de lui, on le couvre de crachats et de coups. Et au Calvaire, au milieu des souffrances atroces de la Crucifixion, on lui lance encore des insultes. Seules quelques femmes de ses amies regardent, à distance. A la fin, Jésus n’en peut plus : il a l’impression que Dieu lui-même l’a abandonné. Eloi, Eloi lama sabbactani… Vraiment, frères et sœurs, si nous sommes attentifs aux détails du récit de Saint Marc, on peut dire que, sur la Croix, toutes les douleurs, toutes les larmes, toutes les angoisses de nos vies humaines sont réunies. Et Dieu, dans la personne du Christ, se fait solidaire de toutes les souffrances qui étouffent notre monde hier comme aujourd’hui. Comment ne pas penser plus particulièrement aujourd’hui aux horreurs de la guerre, des persécutions et des injustices qui ont lieu sous nos yeux, que nous rapportent les journaux, au Proche Orient, en Afrique, en Inde et qui se commettent au nom de la religion, contre des innocents contre nos frères chrétiens
Et c’est à l’extrême niveau de ce déchaînement de violence que Jésus pousse un grand cri, et qu’il expire. Le voile du Sanctuaire se déchire en deux, de haut en bas dit le texte. Et Saint Marc nous rapporte alors la confession de foi du centurion romain qui a entendu ce cri et a assisté à cette mort atroce : « vraiment, cet homme était Fils de Dieu ».
Fin du Temple, ouverture du salut aux païens, dévoilement du secret messianique, c’est le moment de la mort du Christ en Croix qui révèle le véritable sens de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu, annoncé au premier verset de l’Evangile.
Frères et sœurs, ces deux passages d’évangile entendus ce dimanche nous renvoient au cœur de notre foi de chrétien, de baptisé. Qui est vraiment Jésus pour nous ?
Messie de Dieu, Fils de David, roi humble, monté sur un petit ânon, apportant la paix et annonçant l’amour, mais inséparablement aussi, Jésus, Fils de Dieu, bafoué, maltraité, crucifié, mort et ressuscité.
Les 2 processions, les 2 acclamations de ce jour sont à tenir ensemble, et ce n’est pas facile, tant elles sont discordantes, et paraissent contradictoires. Il a fallu du temps aux apôtres et aux premiers disciples pour relire les évènements qui nous sont rapportés, et pour en interpréter le sens.
Il nous faut aussi du temps pour approfondir ce mystère de l’identité de Jésus-Christ, Notre Sauveur. Nous ne pourrons jamais prétendre en avoir saisi toute l’étendue, toute la richesse.
Que cette Semaine Sainte qui s’ouvre avec le Dimanche des Rameaux et de la Passion et qui nous conduira au matin de Pâques soit l’occasion pour chacun de nous d’entretenir avec Jésus la juste relation de foi et d’amour, à l’écoute des Ecritures et dans la participation aux célébrations liturgiques.
Que cette Grande Semaine nous aide à mieux comprendre que c’est dans la contemplation de la Croix du Christ que se révèle le plus parfaitement le mystère de l’Amour de Dieu pour nous.
La toute puissance de Jésus est la faiblesse de son amour : ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout.
AMEN (2015-03-22)
SAINT JOSEPH - 19.03.2015
2 S 7, 4-5a.12-14a.16 ; Rm 4, 13.16-18.22 ; Mt 1, 16.18-21.24a
Homélie du Père Abbé Luc
Au début de cette célébration, nous avons prié ainsi : « Dieu tout-puissant, à l’aube des temps nouveaux, tu as confié à saint Joseph la garde des mystères du salut ; accorde maintenant à ton Eglise, toujours soutenue par sa prière, de veiller à leur achèvement… ». A saint Joseph était confiée « la garde des mystères du salut », à nous aujourd’hui en Eglise de « veiller à leur achèvement »…
Les lectures entendues peuvent nous aider à comprendre cette mission confiée à Joseph et à l’Eglise. Avec St Paul, nous sommes entrainés à embrasser du regard toute l’histoire humaine comme une longue et belle histoire placée sous la lumière de la promesse de Dieu. Dieu est venu à la rencontre d’Abraham pour nouer un lien d’amour, une relation d’alliance assortie d’une bénédiction qui passera d’âge en âge. Tous ceux qui, à sa suite, croiront en Dieu et entreront dans cette alliance d’amour seront bénis. Avec David, la bénédiction s’est précisée en promesse d’un descendant qui rendra stable sa royauté, le Messie. Avec Joseph, de la lignée lointaine de David, la promesse s’accomplit. Père adoptif de Jésus il lui donnera son nom et assumera envers lui sa paternité. A ce moment précis, le mystère du salut repose en la garde de Joseph. L’Alliance que Dieu a voulu nouer avec les hommes s’exprime totalement dans le don de cet enfant qui vient de l’Esprit Saint, le Messie que l’on reconnaitra peu à peu comme le Fils de Dieu. En ce petit enfant se concentre tout le dessein d’amour du Dieu d’Abraham et de David. Avec Marie, Joseph va être à travers l’exercice de sa paternité l’instrument privilégié du dessein de Dieu : faire grandir en humanité, Jésus le Fils de Dieu, lui donner tout ce qu’un petit d’homme a besoin pour croitre : affection, éducation, apprentissage d’un métier…
Aujourd’hui, l’Eglise est appelée à veiller à l’achèvement des mystères du salut, du dessein d’amour de Dieu. Il lui faut, il nous faut regarder Joseph pour apprendre de lui comment nous disposer à être de bons instruments, chacun et tous ensemble. L’évangile nous donne de voir un homme juste, un homme qui s’est laissée ajusté par sa foi juive au Dieu de l’Alliance. Nous voyons aussi un homme qui sait écouter et se laisser interpeller par ce qui est impossible à la raison humaine. Nous voyons un homme qui fait ce que le Seigneur lui dit de faire. Par notre foi, notre écoute, et notre engagement résolu, nous pourrons être dans notre monde qui cherche, les témoins de cette Alliance que le Dieu d’Amour ne cesse de proposer aux hommes. Alliance vécue dans la foi, mais aussi dans la vie en Eglise, et fortifiée par les sacrements du salut. Que cette eucharistie nous donne de venir puiser aux sources du salut offerte en Jésus Vivant, pour être davantage ces instruments dociles du dessein de salut de notre Dieu. (2015-03-19)
Année B - 4e dimanche de carême
2·Ch 36.14–16, 19–23 : Ép 2.4–10 Jn 3.14–21
Homélie du F.Sébastien
Frères et Sœurs, où est la grâce de ce dimanche, la grâce cachée qui est pour tous et pour chacun ? Pas de doute, elle est dans l’image déroutante qu’élève bien haut l’Évangile de Jean : une image qui doit nous ouvrir la route jusqu’à Pâques : l’image du serpent d’airain. Dans le désert Moïse l’avait fait élever au sommet d’un mât, pour que les israélites qui avaient été mordus par les serpents mortels puissent le regarder et être sauvés. Un regard de foi en Dieu. Un simple regard.
Dans notre Évangile Jésus nous dit ouvertement qu’il faut, qu’il faut qu’il soit lui-même élevé de la même manière, sur la croix, pour que tous nous puissions tourner notre regard vers lui et être sauvés. Étonnant ! Être sauvés par un regard, un regard de confiance, de confiance en lui, un regard accroché.
L’image du serpent d’airain n’en reste pas moins difficile, avouons-le. Pourquoi ? D’abord parce que, pour nous, chrétiens, elle évoque quelqu’un, un homme, en croix, Jésus. Quand on réalise, pour certains, c’est limite. Pour d’autres c’est un repos auprès de l’amour en acte.
Je me rappelle ce cardinal du tribunal suprême de l’Église, à Rome. Dans son bureau, il avait, sur le mur devant lui, un crucifix. Sa devise personnelle était, dans sa belle formulation latine, « Christum ante oculos semper habere pendentem », toujours garder devant les yeux le Christ suspendu à la croix,» Comment était-ce possible ? Certainement parce que cet homme était un vrai spirituel, parce que c’était là qu’il communiait à Celui qui s’était fait le Sauveur et le juge miséricordieux de tous les hommes.
Qui ne désirerait connaître un peu de l’expérience spirituelle que tant d’hommes et de femmes ont faite, les yeux levés vers le Crucifié, qui les regardait ? Une plongée dans la profondeur du mystère de l’amour sauveur et glorifiant.
Mais je vous propose de continuer avec un autre témoignage, celui d’un prêtre. Je vous le lis :
« Pendant sept ans, dans une des paroisses dont j'étais, à Lyon, le curé, j'ai regardé chaque dimanche, avec tendresse et émotion, une de mes paroissiennes, une femme d'une quarantaine d'années, employée dans un supermarché. Ce n'était pas sa beauté que j'observais, bien qu'elle fut belle, ni la manière qui était la sienne de s'habiller.
Ce que je guettais, c'était sa façon toute personnelle de venir recevoir l'eucharistie. Au moment où elle arrivait à la hauteur du ministre de la communion, elle marquait un temps d'arrêt, levait ses yeux vers la croix suspendue au-dessus de l'autel, fixait intensément le visage du Christ, puis tendait enfin ses mains pour recevoir le pain consacré. Je lisais dans son regard une infinie confiance et une immense gratitude. Son attitude, de surcroît, témoignait d'une compréhension approfondie du sacrement eucharistique, car le pain reçu en nourriture est la mémoire vive du don du Christ sur la croix. Point de dolorisme pour autant chez cette paroissienne : simplement la forte conscience du grand amour divin.»
Effectivement, ce n’est pas la croix du supplice qui nous sauve, ce n’est pas même la mort du Christ, ni sa résurrection, ni la Pentecôte ; c’est uniquement et d’abord l’immense acte d’amour par lequel sur la croix le Christ a donné sa vie pour nous sauver, pour nous diviniser et glorifier son Père. C’est cela le Big Bang du christianisme. Un acte d’amour. C’est de cet acte-là, humain et divin, que tout découle, en permanence. Comme l’eau et le sang coulant en permanence de son cœur ouvert, le flux des sacrements.
Mais concrètement, comment recueillir ce don inouï ? L’Évangile de ce jour nous le répète, cinq fois, sous des formes diverses : c’est uniquement une affaire de foi, c'est-à-dire de confiance, d’adhésion profonde, et au Père et au Fils, dans leur dessein d’amour. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que quiconque croit en lui ait la vie éternelle. » Et l’évangéliste nous fait comprendre que cette vie éternelle, oui éternelle, nous est communiquée, non pas plus tard, non pas dans l’au-delà, mais dès maintenant, dans et par la grâce, dans la vie surnaturelle, dans les sacrements, dans la vie en Église, en un mot, dans la vie de foi, au jour le jour. Enfonçons-nous dans cette foi préparée.
Tout ceci nous ramène à la première lecture, prise dans le livre des Chroniques. L’auteur veut nous faire comprendre, avec sa pédagogie toute biblique, que les malheurs du Peuple élu lui venaient de son infidélité à l’Alliance : le Peuple n’y croyait plus. Ayant abandonné sa foi, il était comme le cerf-volant qui a cassé sa ficelle et ne peut que s’affaler dans le pire, déchiré dans les broussailles,.. Cela peut nous faire comprendre des choses qui se passent encore aujourd’hui quand la foi manque
Qu’y pouvons-nous ? Beaucoup ! Mais il faut implorer la grâce de croire de mieux en mieux. On peut prier un crucifix en main, à deux mains, avec les mots de Saint Paul dans la deuxième lecture :
Dieu, notre Père,
nous étions morts à la suite de nos péchés.
Tu nous as fait revivre avec le Christ mort pour nous.
Ce salut par la foi, c’est à ta pure bonté que nous le devons.
Père, notre Père,
gloire, gloire à Toi !(2015-03-15)
Année B – 3° dimanche de Carême – 8 mars 2015
Ex 20 1-17 ; 1 Co 1 22-25 ; Jn 2 13-25
Homélie du F.Damase
La Première lecture de ce 3° dimanche de Carême donne le ton. Ce qui est malheureux, c’est que nous ayons appris les commandements de Dieu comme une obligation morale à exécuter sous peine de péché ; or ils ne sont pas cela !! Ils ne sont pas une contrainte de l’homme, mais un cadeau de Dieu à l’homme !! La Torah dans le Premier testament est une révélation de ce qu’est Dieu lui-même, dans ce qu’il veut faire aux hommes, au point de les aimer !! Ainsi le peuple devient le témoin de Dieu par la pratique de la loi !!
A noter que le 1° commandement de la loi ne commence pas par une obligation, mais par le souvenir de ce que Dieu a fait pour son peuple : « je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ait fait sortir du pays de l’Egypte, de la maison d’esclavage » !! Le comportement du peuple hébreu sera donc la réponse à cette libération qui lui a permis de retrouver sa digité humaine !!
L’action de Dieu en faveur de son peuple est la base de la Loi donnée à Moïse et, les commandements, la suite à cette libération, invitent au respect que l’on doit avoir pour Dieu et pour les autres !! Ainsi la loi de Dieu ne vient pas limiter la liberté de l’homme, mais au contraire lui permettre de s’épanouir !!
Est-ce que j’ai vraiment du respect pour Dieu, pour mes parents, pour les faibles, les étrangers, pour tout ce qui appartient aux autres ! Voilà les commandements que Dieu a donnés à Moïse pour son peuple !! Ce respect s’applique à la famille, au père, à la mère, aux enfants, à la servante, au serviteur et à tous les biens des autres !! Il s’applique aussi à la maison de Dieu : au Temple !!
Dans l’Evangile, Jésus réagit face au manque de respect que les hommes ont pour Dieu et les uns vis-à-vis des autres. En effet, à l’époque de Jésus, on constatait la domination et l’exploitation du petit peuple par la classe dominante. Jésus annonce que le temple et les sacrifices, c’est fini !! Ce qui est fini, c’est d’offrir des sacrifices à Dieu qui coûtent cher au peuple au lieu de lui parler, au lieu de vivre une vraie présence à Dieu ; c’est à dire que l’« On fait ce que l’on doit faire, et l’on est quitte avec Dieu ». Certes, une telle façon d’agir n’est pas nulle, mais elle est insuffisante !! C’est un peu comme des parents qui couvriraient de cadeaux leurs enfants, mais seraient incapables de passer une demi-journée avec eux !! Jésus appelle les hommes à aimer Dieu et à s’aimer les uns les autres, à se respecter, à se regarder autrement !!
En prenant le fouet, Jésus se brûle face aux autorités d’Israël, pour dire quelque chose aux hommes de son temps et à nous aujourd’hui. Jésus s’engage pour nous ; il veut exprimer son amour pour nous !!
Le nouveau Temple dont il parlait, c’était son corps. Le corps du Christ d’où monte la parole vers Dieu, c’est nous, l’Eglise, corps appelé à la sainteté !! Corps rassemblé par la Parole autour du Christ qui s’offre à son Père dans l’Eucharistie ; corps qui écoute son Seigneur et qui lui parle en s’adressant à lui dans la louange et la supplication.
En entendant nos voix, le Père entend la voix de son fils lui dire « Abba, Père » !! (2015-03-08)
Année B - 2° dimanche de Carême - 1 mars 2015
Gen 2 118; Rom 8 31-34; Mc 9 2-10
Homélie du F.Hubert
Celui-ci est mon Fils bien-aimé : Écoutez-le.
Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes. Isaac, va au pays de Moriah, et là, tu l’offriras en holocauste sur la montagne que je t’indiquerai.
Il commença à leur enseigner qu’l fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit tué et qu’il ressuscite.
Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous.
Si Dieu est pour nous
Depuis que le serpent a instillé dans le coeur de l’homme la défiance, nous sommes toujours tentés de croire que Dieu est contre nous.
Tentés de nous méfier ; habités par la peur lorsque nous entendons les pas ou la voix de Dieu.
Tentés de donner foi au serpent qui est menteur, et de mettre en doute
Dieu qui est véridique.
Véridique dans son don de la vie.
Alors, depuis cette fracture dans le coeur de l’homme,
Dieu cherche inlassablement à nous rejoindre là où nous nous cachons pour le fuir.
Il cherche à nous révéler son vrai visage, à renouer une relation de confiance,
À nous détourner des idoles, c’est-à-dire des fausses représentations de lui que nous nous fabriquons dans l’accusation que nous portons contre nous-mêmes.
Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? Dieu est celui qui rend juste.
Dieu est pour nous. Il nous rend justes, nous qui ne le sommes pas.
Il n’est pas l’accusateur, mais le sauveur. Il nous rend justice.
L’Accusateur est le nom de Satan et non pas de Dieu.
Pour nous rendre justes, Dieu lui-même va prendre notre place, dans le lieu de nos méfiances et de nos peurs, de nos meurtrissures.
Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup.
Jésus, Christ, Fils de Dieu, vint de Nazareth, et fut baptisé par Jean dans le Jourdain, comme tous les judéens qui reconnaissaient publiquement leurs péchés. Aussitôt, il y eut une voix venant des cieux : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie ».
Celui qui, loin d’accuser et de rejeter, s’unit et fait cause commune avec ceux que le péché a blessés, le Père le reconnaît immédiatement comme son Bien-aimé.
Et en lui, tous ceux “ tout Être humain “ dont il s’est fait solidaire, dont il s’est fait frère, sont établis fils du Dieu vivant, fils bien-aimés, et Dieu trouve en eux sa joie.
Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes. Isaac.
Dieu veut la mort d’Isaac ? La mort d’Abraham ?
L’holocauste était la manière primitive de signifier que la vie de la
victime, comme toute vie, appartenait au dieu qui était vénéré.
Dans l’idolâtrie païenne, pour se concilier la faveur d’un dieu-idole, les hommes ont pu sacrifier leurs enfants, mais ce que commande alors le dieu-idole n’est rien d’autre que ce que l’homme se commande inconsciemment à lui-même.
Si Abraham avait obéi au culte d’une idole, exigeant le sacrifice de son fils, c’est lui-même qui aurait dit : « Je dois offrir mon fils en holocauste ».
Alors, rien ne l’aurait empêché de tuer Isaac.
Le récit biblique indique au contraire le déchirement d’Abraham
A l’Écoute d’une parole qu’il ne s’est pas dite à lui-même, mais qu’il entend d’une Voix qu’il connaît déjà, qui l’a déjà béni et lui a donné son fils, miraculeusement et sans condition.
Abraham et Isaac montent ensemble sur la montagne. Ensemble ! Là, ils vont se reconnaître mutuellement dans la même foi en la Voix qui les appelle.
Là, ils vont devenir véritablement père et fils, quand la présence de Dieu sera révélée entre eux deux.
Une Présence qui les distingue l’un de l’autre, absolument et pour toujours, rendus uniques l’un pour l’autre parce qu’uniques l’un et l’autre pour Dieu.
Si Abraham avait obéi À la toute-puissance imaginaire d’un faux dieu, il aurait tué son fils, car il n’aurait pas rencontré la présence du Vrai Dieu, du Dieu vivant, entre son fils et lui.
Chacun à l’image de Dieu. Chacun « Autre ».
Cette présence du Vrai Dieu ne pouvait aller sans la mort, dans le cœur d’Abraham, de tout attachement à son fils comme à sa propre image, de toute tendresse qui resterait narcissique et enfermerait son fils dans la mort.
Le livre de la Sagesse (10, 5) dit que c’est la Sagesse de Dieu qui rendit Abraham « assez fort pour surmonter sa tendresse envers son enfant ».
Du « J’ai entendu ta voix, j’ai pris peur et je me suis caché » d’Adam, nous passons au « Me voici » d’Abraham, au oui d’Isaac, souligné fortement par la tradition juive, et, dans l’Evangile, à l’acceptation par Jésus de son chemin de solidarité avec les pécheurs que nous sommes, pour que sa sainteté et sa justice deviennent nôtres.
Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? Dieu est celui qui rend juste.
Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes.
Dieu n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous.
Dieu a pris son Fils, celui qu’il aime, pour qu’il lui revienne avec la multitude de tous les hommes, toute l’ humanité, établis fils dans le Fils.
Entre le Père et son Fils, entre Dieu et nous, l’Esprit, l’Esprit d’amour et de vie, qui est communion d’altérités, et non destruction de l’autre au nom du même, de l’indifférenciation.
Le Fils de l’homme, le crucifié qui a porté le mal du monde, est ressuscité, et, avec lui, tous ceux en qui son Esprit murmure « Abba !» « Père ! » (2015-03-01)
Année B – 1° dimanche de Carême – 22 février 2015
Gen 9 8-15 ; Pet 3 18-22 ; Mc 1 12-15
Homélie du F.Jean Noel
C’était il y a presque trois mois. Les frères s’en souviennent, et tous ceux qui nous avaient rejoints ce soir-là, pour ouvrir le temps de l’Avent : cette entrée, grave et heureuse de la communauté, en marche derrière la Parole de Dieu portée haut par le Père Abbé. Manière de bien dire, en marchant notre détermination : être bien de ces marcheurs de Dieu, immense caravane à travers les siècles, dont nous venions à la Toussaint de fêter les premiers arrivés, tout juste derrière le Christ, Seigneur de l’Univers !!
Et maintenant le Carême ! Une pause ? Que non : une relance. La prière d’ouverture donnait le ton. Je vous la redis.
« Accorde-nous tout au long de ce Carême
- De progresser dans la connaissance de Jésus Christ
- Et de nous ouvrir à sa lumière par une vie de plus en plus fidèle.
Rien que cela. Mais cela impérativement !!
Progresser dans la connaissance de Jésus Christ.
Nous ouvrir à sa lumière.
Mais attention !! Pas question dans le tintamarre ambiant, de se remplir d’informations supplémentaires. C’est plus sérieux que ça et donc pour chacun concrètement : un cheminement, pas à pas, sous la Parole. Une Parole écoutée. Une écoute qui prend son temps, celui de la profondeur, celui des racines avant le fruit.
Parole qui peu à peu va nous apprendre les mots de Dieu. Avec laquelle aussi entrer en résonnance pour trouver les mots justes de la prière, la note juste de nos vies, nos vies s’ajustant à ce Dieu qui fait alliance.
Carême. Avent, la même progression sous la Parole réglant nos pas et les soulevant.
Et encore au temps pascal.
Souvenons-nous : les deux sur la route d’Emmaüs. Le Cœur lourd :
Pourquoi ces têtes ?
Vous aviez les Écritures »
Le livre une fois ouvert, quelle promptitude pour reprendre la route, de nuit, porteurs maintenant de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, plutôt portés par elle, et impatients de rejoindre la communauté des disciples, eux-mêmes déjà relancer sur les routes du monde ; eux-mêmes venaient eux aussi de s’ouvrir enfin à la lumière : Ne pas quitter le chemin. Rester dans son rayonnement.
Mais si nous n’ouvrons jamais le livre !!
Si jamais, nous n’en prenons le temps, le temps d’écouter, d’écouter vraiment, le temps de goûter, oui par exemple ce beau mot (un mot ?) révélé à Noé, répété cinq fois dans notre première lecture, encore évoqué dans la seconde, et encore dans l’Évangile quand Jésus nous demande de nous retourner comme les deux d’Emmaüs et de croire à la Bonne Nouvelle. Dieu proche qui fait Alliance.
« Oui, voici que moi, je fais alliance avec vous »
Alliance avec nous
Alliance Nouvelle Éternelle.
Mais vraiment, si nous ne prenons pas le temps d’écouter, de tourner et de retourner en nous ces mots de lumière ? Une Alliance
Comment suivrons –nous le Cierge Pascal ?
Avec des semelles de plomb ?
Et comment renouvellerons- nous notre foi baptismale ? Oui, si nous ne prenons pas le temps de goûter ces mots de lumière et de vie. Nos « Alléluia » auront bien du mal à s’envoler. C’est sûr.
Et c’est dans un mois. Le temps presse.
Alors pour réveiller notre marche pourquoi ne pas se plonger dans la « Joie de l’Évangile », cette exhortation du pape François, dont quelqu’un me disait : « Vraiment, le manuel du Chrétien pour progresser dans la connaissance de Jésus-Christ, mon Seigneur, et m’ouvrir à sa lumière" (2015-02-22)