Homélies
Liste des Homélies
Année B - 32° dimanche du Temps Ordinaire - 8/11/2015
1 R 17 10-16; Héb 9 24-28; Mc 12 38-44
Homélie du F.Vincent
L'Évangile de ce matin me fait penser à un petit récit de Tagore, le grand poète indien, vous connaissez sûrement! C’est l'histoire d'un pauvre mendiant qui croise le cortège rutilant du roi. En le voyant, il se dit que c'est son jour de chance. Alors il tend la main vers le char en or. A sa grande surprise le roi lui demande « Qu'as-tu à me donner ? » Le mendiant déçu cherche au fond de son sac quelques grains de riz et il en donne un au roi. A la fin de la journée, le mendiant fait ses comptes et dans ses pauvres grains, il en trouve un en or. Il se dit alors : Que n'ai-je donné mon tout ?»
C'est vrai ce n'est qu’un conte mais c'est comme le négatif des textes bibliques de ce dimanche. Quand Dieu envoie le prophète Élie au désert, ce n'est pas pour convertir mais pour mendier. Et c'est à une pauvre veuve qu'il fait appel. Contrairement au poème de Tagore, elle donne tout le peu dont elle dispose. Et c'est avec ce peu que le Seigneur a réalisé de grandes choses. La veuve de notre Évangile fait de même.
En écoutant cet Évangile, je repensais aussi à une phrase du Père Michel Rondet, un grand jésuite, il disait: « Toute la vie spirituelle, toute la vie chrétienne, c'est passer de la sainteté désirée à la pauvreté offerte. » ; oui, c'est tout l'Évangile, l'Évangile de ce matin!
Ce n'est pas à nous de condamner les gens riches passés avant la pauvre veuve. D'ailleurs le texte très sobre ne les condamne pas. Ils mettaient leur offrande dans le tronc du Trésor. Par là ils faisaient une démarche pour exprimer à Dieu leur adhésion. On peut supposer, je pense, qu'ils désiraient la sainteté.
Mais c'est quand nous avons tout donné, quand notre confiance ne repose plus que sur Dieu seul (et non plus sur nos richesses), sur Dieu seul qui est tendresse, qui est tout Amour, c'est quand nous comprenons que nous ne serons pas le moine, le chrétien, la chrétienne que nous avions rêvé, c'est alors que Dieu pourra réaliser en nous les merveilles de sa grâce. C'est alors que nous pourrons commencer à accueillir l'Eternelle nouveauté de Dieu. C'est alors que nous pourrons commencer à devenir des saints en accueillant l'Eternelle et toujours nouvelle sainteté de Dieu.
C'est vrai, il nous est difficile d'admettre que notre seule richesse aux yeux de Dieu soit notre pauvreté; et pourtant c'est bien çà le cœur de l'Évangile.
Ce qu'il nous faut, c'est tout donner mais comme un DON reçu gratuitement; le donner comme une reconnaissance joyeuse du DON de Dieu.
Car Dieu ne cesse de combler, en nous la révélant, notre radicale pauvreté. C'est à chaque instant que ce don nous est fait et que nous avons à lâcher dans le trésor de Dieu notre minuscule piécette.
Si nous savons accueillir de plus en plus et de mieux en mieux ce DON inestimable que Dieu nous fait, le DON de son Amour, si nous savons de plus en plus lui rendre grâce, alors nous pourrons l'entendre de mieux en mieux, l'entendre de plus en plus nous dire et nous redire : "Toi, oui toi, tu es mon Fils bien-aimé. En toi je suis heureux !".
*AMEN* (205-11-08)
Année B - 2 Novembre 2015 - Messe des défunts
2 Mac 12 43-46; Jn 6 37-40
Homélie du F.Damase
Je suis la Résurrection et la Vie.
Mon Père, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob,
n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants.
Celui qui croit en moi, vivra à jamais.
La mort n'est pas une réalité abstraite.
Elle est bien présente dans nos existences.
C'est pour cela que nous cherchons à l'escamoter de mille manières,
à faire comme si ce temps allait se poursuivre sans interruption.
Nous chrétiens, nous croyons au Christ,
vainqueur de la mort et vivant à jamais.
Mais nous connaissons aussi cette lutte entre la vie et la mort,
ce combat pour accepter notre mort, afin que la vie du Christ triomphe en nous.
Un jour, comme tout homme, nous aurons à affronter notre mort.
Ce ne sera pas plus facile, ni plus difficile, du seul fait que nous avons la foi.
En ce jour, nous pouvons seulement dire que
nous désirons vivre cette étape, comme Dieu voudra, et quand il voudra.
Nous souhaitons que nos derniers instants sur cette terre
soient un passage avec le Christ et vers Lui.
Aujourd'hui, avec toute l'Eglise, nous prions pour tous les défunts.
Certains ont pour nous un visage et une voix.
Ils évoquent des souvenirs, heureux ou difficiles.
Nos frères Nicolas, Orsise, Servan et Ernest
nos parents, des voisins ou des amis sont là
présents à notre cœur et à notre prière.
Dans quelques jours, nous égrènerons leurs noms,
D'autres sont membres de cette foule d'inconnus, d'oubliés, d'anonymes, disparus dans les guerres, prisons, cataclysmes, hôpitaux, nos frontières et autres déserts multiples...
Oui, nous voulons et nous devons nous souvenir d'eux,
car ils sont les amis très chers du cœur de Dieu.
Ils sont ces heureux énumérés hier par la litanie des Béatitudes.
Ils n'ont laissé aucun nom, aucune trace sur cette terre,
alors leur souvenir est précieux à tout le Peuple de Dieu,
spécialement au très humble et très pauvre Fils de Dieu lui-même,
Sa mission est de n'en perdre aucun,
Son amour donne la vie à chacun.
Aujourd'hui, nous confessons que Jésus n'a pas simulé la mort.
Il l'a assumée douloureusement, dans son corps et dans son coeur :
"Mon Dieu, mon Dieu pour quoi m'as-tu abandonné ?"
Il l'a assumée amoureusement, pour son Père et pour nous.
"La volonté de mon Père est que tout homme
qui voit le Fils et croit en Lui obtienne la vie éternelle ;
et moi je le ressusciterai au dernier jour".
Désormais, la mort est derrière nous ; la vie est devant nous.
Thérèse de Lisieux disait avec exactitude :
"je ne meurs pas, j'entre dans la vie".
En ces jours de novembre,
nous prions pour nos défunts, tous les défunts,
Ils ont semé dans les larmes, qu'ils récoltent dans la joie!
Leur orgueil est d'avoir espéré partager la Gloire de Dieu" (cf Rom 5, 2). (2015-11-02)
Année B -TOUSSAINT 2015
Ap 7, 2-4. 9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Il y a quelques années, un livre sortait avec pour titre : « Jésus, l’ami déroutant ». Ce titre pourrait s’appliquer tout à fait à l’évangile que nous venons d’entendre. Jésus s’y révèle l’ami ou plus encore le « maitre déroutant ». Jésus ami et maitre, ne veut que notre bonheur, mais quel bonheur ! « Heureux ceux qui pleurent…, heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute… » Qui d’entre nous oserait dire ces paroles à quelqu’un qui pleure ? Qui oserait dire aux chrétiens persécutés d’Irak et de Syrie : « heureux êtes-vous parce que l’on vous persécute » ? Nous touchons du doigt ici combien ces paroles de Jésus ne sont pas des paroles humaines comme les autres. Lui seul pouvait et peut encore aujourd’hui parler ainsi à chacun d’entre nous. Et pourquoi Lui seul ? Parce qu’à la lumière de sa mort et de sa résurrection nous croyons aujourd’hui que ces paroles sont vraies. Lui, le doux, le pacifique, le miséricordieux, il a été persécuté pour la justice, insulté. Et aujourd’hui, Lui le Vivant, il connaît le bonheur dans la Gloire de son Père … Inaccessible à nos efforts de perfection et à nos vertus, Jésus nous a partagé ce bonheur et il veut nous le partager pour toujours. Telle est l’espérance qui motive la célébration en ce jour.
Telle est la Bonne Nouvelle que fêtons aujourd’hui. Comme le suggère la première lecture, le sang versé de Jésus, l’Agneau innocent, blanchit les vêtements d’une foule innombrable…C’est notre humanité déjà rachetée, « la cité du ciel, notre mère la Jérusalem d’en haut » comme nous le chanterons dans la préface. C’est notre humanité promise à une joie sans pareille. Joie demain, mais aussi joie dès aujourd’hui.
« Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse » conclue Jésus « car votre récompense est grande dans les cieux ». Frères et sœurs, cette fête voudrait nous apprendre dès maintenant à recueillir et peut-être aussi à cultiver la joie de Jésus. Mais une joie, au milieu des persécutions, est-ce possible ? Comment au milieu des adversités et des combats, entrer dans cette joie ? Avec vous, j’entends cette exhortation de Jésus, et avec vous je cherche moi aussi, là où spontanément j’aurai tendance à m’attrister et me lamenter…Certainement Jésus nous invite à laisser l’espérance de le rejoindre un jour, nourrir toujours plus profondément notre joie présente. Cette espérance est la source imprenable de notre joie. Elle ne donne pas une certitude, mais elle est comme socle sur lequel on peut prendre appui pour rebondir. Mais pour nourrir encore davantage notre joie, ne faut-il pas aussi laisser l’espérance du bonheur à venir changer notre manière de vivre. Vivons-nous comme si seul le présent comptait, ou bien vivons-nous dans la conscience que notre temps passe et qu’il est orienté vers un avenir en Dieu ? Cherchons-nous à tout prix à maitriser et à remplir le temps présent comme si Dieu n’existait pas, ou bien laissons-nous à notre quotidien une ouverture ? Pour nous chrétiens, la prière joue ce rôle, ainsi que la lecture…savoir s’arrêter pour scander le temps de ces moments qui donnent à notre quotidien son goût d’éternité. Quand Jésus proclame heureux les pauvres de cœurs, les doux, les miséricordieux, les artisans de paix, ne nous indique-t-il pas un style de vie, plus qu’un modèle ? Le style d’une vie qui ne prend pas pour soi, mais qui accepte d’être ouverte aux autres, sans rien retenir. Les pauvres de cœurs ne sont pas encombrés d’eux-mêmes, mais ouverts à ce qui vient, dans la conscience de leur petitesse. Les doux, les miséricordieux et les artisans de paix ont renoncé à la prétention d’imposer leurs vues aux autres. Ils leur donnent plutôt une place de choix par leur accueil et par leur disponibilité. Oui l’espérance du Royaume des cieux et du bonheur partagé en Dieu peut nous apprendre le style d’une vie décentrée de nous-même, source d’une joie d’un autre goût.
Rendons grâce en cette eucharistie pour cette joie que Jésus a offerte en partage à tous les saints et amis de Dieu durant leur existence, et maintenant dans sa gloire. Rendons grâce et accueillons maintenant sa Vie offerte qui vient nourrir et fortifier notre joie. (2015-11-01)
Année B - 30e dimanche ordinaire - 25 Octobre 2015 —
Jérémie 31.7–9 – Hebr 5,1-6 — Mc 10,46-52
Homélie du F.Sébastien
Frères et sœurs, grande joie, c’est le dimanche de la chance, de la chance d’êtres des appelés. Cela, la liturgie l’illustre par trois exemples d’appels qui ont transformé des vies en leur donnant un sens, une utilité, un idéal. Dans la lecture centrale, celle de l’épître aux Hébreux, c’est Jésus qui est appelé, c’est clair, mais je ne peux m’y attarder, pour aller vite aux deux appels qui l’encadrent, celui de Jérémie dans la première lecture, celui de l’aveugle de Jéricho dans l’Évangile. Jérémie est un géant de la Bible, l’aveugle un nain en comparaison, mais tous deux sont très proches de nous, des frères en humanité.
La surprise est de constater que leur monde d’alors était comme le nôtre marqué par des alternatives d’apparitions et de disparitions de superpuissances mondiales, politiques, économiques, religieuses ou pseudo. L’Assyrie, l’Egypte, la Babylonie… valsèrent autour de Jérémie et de ses successeurs. L’Empire romain au temps de l’aveugle avant la prise et le sac de Jérusalem, avant l’effondrement plus tard de l’empire des César. De tels bouleversements s’accompagnent de grandes souffrances. En face de cela, le peuple élu, faible et pécheur, comme nous-mêmes aujourd’hui, ne fit jamais le poids. Mais il y avait Dieu, le vrai, celui des petits moyens.
Il y eut Jérémie, son porte-parole, dont la voix vivante vient encore de faire résonner à nos oreilles l’inouï de l’Alliance nouvelle dans laquelle notre Dieu, en personne, s’engagea tout entier et pour toujours. Il y eut l’aveugle de Jéricho qui passe devant et continue de nous entraîner à la suite de Jésus. Il y eut, il y a les épreuves surmontées qui prouvèrent que l’Alliance était entrée en service, qu’elle savait accompagner des hommes ordinaires, comme vous et moi, comme Jérémie et l’aveugle de Jéricho.
Mais ne nous trompons pas. De caractère, Jérémie est un timide, il se défie de lui-même et redoute le combat, il tente de se dérober à l’appel de Dieu : « je ne sais point parler; car je suis un enfant » : Seigneur, laisse-moi !
C’est un émotif, un sensible. Tout le touche, notamment les choses de la nature. Ses oracles sont parsemés d'images rurales et de rêves villageois» Il aime les arbres, l'eau, les fontaines, la neige du Liban, le chant des oiseaux. Les dégâts causés par la sécheresse. Il pleure avec « la biche qui abandonne sa portée, parce qu'il n'y à plus de verdure. » Il est sensible aux fêtes villageoises, aux rires et aux danses.
Il a un don quasi professionnel de pressentir l'événement, personnel ou mondial, les déportations, les exils, les vagues de migrants fuyants. Il en a des visions, il en pleure abondamment, se décourage, se plaint piteusement et rebondit, pas toujours.
De par sa vocation, ce campagnard doit malgré lui entrer dans les imbroglios politiques et religieux de l’Israël de son temps. Il lui faut parler et écrire à grands risques, avec une pleine conscience de le faire au nom de Dieu « parole du Seigneur », « voici ce que dit le Seigneur….
Au fil des siècles le livre dit de Jérémie a sans cesse été complété, réécrit afin de coller aux événements. Tel un vivant, l’écrit a évolué dans une continuité qui soulignait , comme Osée, la tendresse de Dieu envers son peuple chéri. « Éphraïm est-il donc pour moi un fils si précieux, que, chaque fois que je parle contre lui, je doive encore me souvenir de lui? » Ou encore : « Je t’ai aimé d’un amour éternel, c’est pourquoi je t’ai gardé ma faveur. Je te rebâtirai, vierge d’Israël, et tu seras rebâtie. Tu retrouveras tes tambourins et de nouveau tu sortiras au rythme des danses joyeuses. »
Jérémie semblait destiné à la vie d’un campagnard ignoré. Et voilà que Dieu lui impose une vocation de combattant, dans le tumulte des villes et les arcanes de la politique. Il lui faut lutter contre tous. « Tous me maudissent», dit-il. Ses frères eux-mêmes et la maison de son père, le trahissent
Cet appelé doit vivre seul, sevré des joies que procure l'amitié ou le voisinage. « Son isolement est d’autant plus douloureux qu’il ne peut s’en consoler auprès d’une femme aimante. Le Seigneur lui impose le célibat, qui était en Israël une disgrâce et une honte : « Tu ne prendras pas femme et tu n'auras ni fils ni filles en ce lieu.» Son unique et austère réconfort c’est son Dieu, ce Dieu qui se sert de lui à son gré.
Ses célèbres « Confessions », — une sorte de Journal intime — font sentir le débat douloureux d'un homme qui entend demeurer fidèle malgré tout, mais rêve parfois d’un sort un peu plus doux.
En proie à l'hostilité quasi universelle, seul à porter un écrasant fardeau, il doit encore lutter contre lui-même, vaincre ses inquiétudes, ses angoisses, son découragement, et même se résigner au vécu de l’abandon de Dieu. Son drame spirituel, lui fait anticiper au plus près celui du Fils de l'Homme.
Et l’aveugle de Jéricho ? C’est le nain à côté du géant. Lui aussi est seul, mais plus pour longtemps, seul au milieu de la foule qui s’efforce de le réduire au mutisme. Sa cécité le cloue sur place et le voue à la mendicité. moins pécuniaire que de ce à quoi aspire son âme. Le Messie Fils de David, Il l’attendait si fort qu’il l’identifie sur le champ dans le Jésus de Nazareth qu’on lui annonce. Appelé par lui, il s’élance, malgré ses yeux encore bandés par son infirmité, et se retrouve après un bref dialogue, voyant de tous ses yeux du corps et de l’âme.
Bartimée est un impuissant actif qui force son destin ; qui trouve en son Sauveur un ami, un ami qu’il vaut la peine de suivre partout où il ira.
Bartimée, Jésus, deux hommes qui nous ouvrent les yeux, qu’on suit jalousement des yeux le plus longtemps possible tandis qu’on les voit s’éloigner ensemble… la chance des chances.(2015-10-25)
ANNEE B - 28e DIMANCHE Temps Ordinaire – 11 octobre 2015
Sag 7 1-11; Héb 4 12-13; Mc 10 17-30
Homélie du F.Hubert
A Césarée de Philippe, après la confession de foi de Pierre, Jésus a annoncé pour la première fois sa passion. De ce territoire, tout au nord de la Palestine, il descend peu à peu vers Jérusalem, lieu de sa Pâque. En route, sur une haute montagne, dans sa relation au Père, il a été transfiguré, puis il a renouvelé l’annonce de sa passion. Bientôt, il le redira une troisième fois.
Dans ce contexte, alors que Jésus se remettait en route, un homme accourut et tomba à ses genoux : Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ?
Belle question, beau désir.
Mais qu’est-ce que la vie éternelle ? Qu’est-ce que le véritable héritage ?
Que devons-nous « faire » ?
Vends, donne aux pauvres, suis-moi.
Suis-moi, sur le chemin de Jérusalem.
L’homme s’en alla tout triste
Mystère de la rencontre de cet homme avec Jésus.
Il était plein de désir, et Jésus l’aima.
« La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. » écrit le pape François.
Et pourtant, cet homme devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.
« La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. »
Jésus posa son regard sur lui.
Ce regard n’a-t-il pas suffi pour l’attirer au-delà de toute mesure ?
Le regard de Jésus n’est pas un regard séducteur. Il ne force rien.
Il nous laisse toute liberté. Il sait attendre, attendre notre heure, celle de notre oui libre.
N’éveillez pas, ne réveillez pas l’Amour, avant qu’il le veuille. » dit le Cantique des Cantiques.
Dieu écrit droit avec des lignes courbes, dit-on.
Dieu écrit droit avec nos lignes courbes.
L’homme s’en alla tout triste :
j’aime penser que là n’a pas été la dernière décision de son cœur.
Nous avons tous l’expérience de nos réactions contradictoires, de nos réactions premières et de nos réactions secondes.
Nous sommes dans le temps et nous avons besoin de temps.
Dans la vie commune, nous avons l’expérience de telle première réaction immédiate, négative, suivie plus tard d’une autre positive.
St Matthieu nous rapporte la parabole des deux fils auxquels leur père demande d’aller travailler à sa vigne. Le second dit oui et n’y alla pas, le premier dit non puis, s’étant repenti, il y alla.
Acceptons pour les autres et pour nous-mêmes le temps du cheminement, le temps de la conversion. Celle-ci est parfois immédiate, parfois très lente.
Lors même qu’elle est immédiate, il nous faut la monnayer jour après jour, dans la durée. Et nous savons que le chemin est parfois rude.
Le Fils de l’homme n’a pas où reposer la tête.
Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas digne de moi.
Il nous faut alors replonger notre regard dans celui de Jésus pour reprendre cœur, pour reprendre souffle, pour reprendre joie, dans le dépouillement de nos pseudos richesses que nous avons du mal à abandonner.
Quand nous entendons Pierre dire : Voici que nous avons tout quitté pour te suivre. », nous savons que c’est vrai et que c’est faux tout à la fois. Pierre a tout quitté et n’a pas tout quitté. Il aime son Maître, mais il n’aura pas la force de le suivre jusqu’au bout.
Le regard de Jésus lui signifiera que rien n’est perdu et que Dieu, lui, est fidèle.
Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu.
La vie éternelle, c’est d’être avec Dieu, de partager sa vie.
Avec les psalmistes, puissions-nous dire :
Pour moi, il est bon d’être proche de Dieu.
Ma part, c’est Dieu pour toujours. Ps 72
La part qui me revient fait mes délices ;
j’ai même le plus bel héritage. Ps 15
« Quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts, dit encore le pape François, il n’y a plus de place pour les autres, les pauvres n’entrent plus, on n’écoute plus la voix de Dieu, on ne jouit plus de la douce joie de son amour, l’enthousiasme de faire le bien ne palpite plus. Même les croyants courent ce risque, certain et permanent.
Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. »
Je termine avec une citation de notre f. Servan, envoyant ses poèmes à un frère : « F.Voici mon petit chant du cygne, simple étape vers la Bonté-Beauté finale…
A toi, bonne route, de Beauté-Bonté, en communion ».
Nous pouvons ajouter aujourd’hui : de Sagesse en sagesse…
Bonne route à chacun !
(2015-10-11)
Année B - 27ème Dimanche du T.O.- 4 Octobre 2015
Gn 2.18..24 Hé 2…11 Mc 10, 2-16
Homélie du Frère Antoine
Cet Evangile nous montre qu’Il y a 2000 ans poser une question sur le mariage était déjà « une mise à l’épreuve » Avec le synode sur la famille , elle revient avec force.
Il ne s’agit plus seulement de répudiation et d’indissolubilité du mariage mais de rappeler que, dans presque toutes les civilisations, le mariage concerne un homme et une femme ce qui, de nous jours, ne semble plus évident pour tout le monde
L’Evangile nous met en face d’un piège tendu à Jésus… Il y répond en revenant à l’essentiel : Nous sommes faits à l’image de Dieu…Nous sommes faits pour aimer… car Dieu est amour.
Le verset de l’Alleluia d’aujourd’hui nous le rappelle « Alléluia si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et en nous son amour atteint la perfection Alléluia»
Mais, aimer en vérité, peut se révéler un chemin difficile, un chemin éprouvant.
Nous avons besoin d’aimer et d’être aimés et nous sommes comme paralysés, par l’endurcissement du cœur humain. La Loi de Moïse en tenait déjà compte : « C’est en raison de votre endurcissement et de la dureté de votre cœur, que Moïse a établi cette Loi. »
Le thème de l’endurcissement du cœur de l’homme, comme celui du peuple élu à la nuque raide, est illustré par tout un cortège d’unions brisées, d’adultères, de polygamies, qui traversent l’ensemble de la bible, et parfois Dieu ne semble pas s’en scandaliser, car plusieurs de ces infidélités s’insèrent dans l’histoire du salut et notamment dans la généalogie de Jésus.
Cette patience de Dieu envers les faiblesses humaines ne montre-t-elle pas ce que notre Pape François a souvent relevé, à savoir que… la miséricorde et le pardon sont une autre manière de nommer… le commandement divin de l’amour du prochain.
Dans l’Evangile, Jésus en appelle à l’intention originelle du créateur pour présenter l’union de l’homme et de la femme comme une base solide… sur laquelle l’humanité doit s’édifier et non se détruire. L’homme et la femme sont à l’image de Dieu, là réside la grandeur de leur union. Jésus en tire la conséquence voulue par le créateur… tous deux ne feront qu’un… ce que Dieu a uni…que l’homme ne le sépare pas.
Le mariage chrétien est bien ‘plus’ qu’une simple entreprise humaine….
Mais.. sa réalité est là !... En France, 334 divorces sont prononcés chaque jour…334..
Vécus pour beaucoup comme un échec profond, un véritable séisme, une remise en cause totale de la personne et de son avenir et qui engagent époux et enfants…
Quelles souffrances ils supposent… que de drames ils révèlent, dont on sait que les enfants sont les premières victimes. De nombreux médias catholiques ont transmis ces derniers mois, ces appels de détresse venant de divorcés demandant le secours de l’Eglise… Remariés, n’ayant aucune vocation au célibat, c’est dans l’amertume qu’ils entendent à la messe cette parole du prêtre « Heureux les invités au repas du Seigneur ». On peut comprendre que beaucoup d’entre eux s’éloignent définitivement de l’Eglise entrainant avec eux leurs enfants.
Frs et Srs, que cet Evg soit un point fort de notre Prière,...
Prière pour un déroulement fécond du Synode…
Prière pour le Pape, les cardinaux, les évêques, les experts… tous ces hommes de foi qui veulent travailler pour le bien des fidèles…
Prière pour que, devant l’enseignement de l’Eglise et la situation souvent dramatique de milliers de couples et d’enfants en détresse…des solutions courageuses, inspirées de l’Esprit Saint, ne se contentent pas de paroles de compassion mais traduisent une miséricorde qui s’inscrive dans des orientations…décisives et des résolutions… concrètes, effectives.
Aimer Dieu qui nous aime… c’est aimer l’autre… les autres… avec le cœur de Dieu. (2015-10-04)
Année B – 26° dimanche du TO - 27 septembre 2015 –
Nbre 11 25-29 ; Jac 5 1-6 ; Mc 9 38-48
Homélie du F.Jean-Noël
« Nous avons vu quelqu’un expulser un démon en ton nom. Nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent »
- Que voilà un « nous » bien appuyé, un rien jaloux ! On sent Jean prêt à faire appel au feu du ciel sur ce concurrent comme il l’avait proposé pour punir ces méchants Samaritains qui n’avaient pas voulu les accueillir avec Jésus. Eh! bien Non! Jésus fait éclater ce « nous » pointilleux !!
Jésus ou Marc ? Qui écrit pour de jeunes communautés chrétiennes tentées par un retour à un Cénacle bien chaud : « Nous » - on sait par Paul, qu’ici ou là, on revendiquait jalousement : « Moi, j’appartiens à Paul, moi à Apollos » et moi, à je ne sais plus qui encore. Eh bien, non ! Ce qui compte mais qui compte absolument dit Marc, c’est votre appartenance au Christ à honorer. Et cela peut se faire déjà par cette chose aussi simple qu’un verre d’eau offert en son nom. Mais c’est énorme, un bonheur à préférer à tout. Il faudrait même être prêt à tout perdre pour garder cela. Et là, pas de « nous » protecteur : si ton pied, si ta main, si ton œil est un obstacle arrache, coupe. Plutôt ça que perdre l’appartenance au Christ !
Et ces images horribles de noyades, de mutilations, sont là pour dire la radicalité de la chose. Il faut les recevoir pour ce qu’elles sont : des images sans essayer de s’en faire de petits dessins, surtout quand, naturellement, elles habitent déjà nos imaginaires païens pas encore bien évangélisés, et les réactivent, comme cette image atroce de feu qui ne s’éteint pas ! Et là, de grâce, pour l’honneur de Dieu, ne lui imputons pas ce qui ne peut pas venir de lui : ces inventions d’horreur que sont nos goulags et autres bûchers crématoires. Ces feux là sont bien montés du cœur de l’homme. En ce sens, je trouve la précision du Père Varillon (La joie de croire), bien éclairante :
« C’est le même feu en enfer, au purgatoire et au ciel » et qui n’en fait pas l’expérience ? « (« L’enfer « existe, je l’ai expérimenté » en pastichant un titre célèbre).
- Feu de malheur, quand je me cale sur le refus : Non ! Ca fait mal, mais c’est « Non » quand même ! « Niet »
- Feu qui purifie, qui libère, quand je suis dans l’ouverture du désir, recentré, réorienté.
- Feu qui flamboie, de joie, de lumière, quand je suis dans l’accueil, l’offrande. Dans le don.
- Ce dernier feu, Jésus – il l’a dit- brûlait d’embraser la terre.
Appartenance au Christ. Ne rien lui préférer ( RB)
Souvenons- nous. Il y a 50 ans. La clôture du Concile. Le discours de clôture par Paul VI. Ses presque tout derniers mots. Il parle du Christ. Évidemment :
S’éloigner de lui, c’est
Ou plutôt comme une prière, un engagement :
S’éloigner de toi, c’est périr.
Se tourner vers Toi, c’est ressusciter.
Demeurer en Toi, c’est être inébranlable.
Retourner vers Toi, c’est naître.
Habiter en Toi, c’est vivre. Paul VI
Et aujourd’hui, le Pape François continue :
« Avec Jésus, la vie devient beaucoup plus pleine. Avec lui il devient facile de trouver un sens » EG 121
« Connaitre Jésus, ce n’est pas la même chose que de ne pas le connaître. Marcher avec Lui, pas la même chose que de marcher à tâtons. Écouter sa parole, ou l’ignorer, ce n’est pas la même chose. C’est le §266 de la « Joie de l’Évangile »
Si vous ne l’avez pas encore lue, c’est le moment, pour votre rentrée chrétienne et même pour tout votre quotidien. Un vrai GPS. Essayez voir. Du bonheur !!(2015-09-27)
Année B - 25e dimanche du Temps ordinaire -
Sag 2/1217-20, Jac 3/16-4/3, Mt 9/30-37.
Homélie du F.Cyprien
Quand l’Evangile est lu, nous écoutons debout, signe de respect pour la Parole de Dieu, foi en la parole du Christ pour nous aujourd’hui.
Il arrive que des personnes, après cette lecture, s’assoient très vite, comme si elles venaient d’apprendre une nouvelle bouleversante, comme quand on dit à quelqu’un : « Reste assis, je vais te dire quelque chose d’important ».
Et de fait nous entendons tous les dimanches des choses importantes, des paroles qui nous bousculent…qui devraient nous bouleverser, nous déranger.
Dimanche dernier Jésus interrogeait ses disciples (« Pour les gens, pour vous, qui suis-je ? »). Après la réponse de Pierre, il reprenait ce dernier vertement, Pierre ne pouvant comprendre le destin d’un Messie humilié, persécuté.
Aujourd’hui ce sont les disciples qui n’osent plus interroger Jésus, eux qui, en plus, après avoir discuté, s’être disputés pour savoir qui était le plus grand, n’osent pas répondre à Jésus : « De quoi discutiez-vous en chemin ? »
Le dialogue avec Jésus est-il difficile ? La rencontre avec lui pose-t-elle des problèmes ? Cette difficulté de compréhension entre Jésus et les disciples pourrait rassurer nombre d’entre nous pour leur relation avec Dieu…
Il se trouve que Jésus nous surprend souvent là on ne voudrait pas qu’il nous trouve, ou bien il nous fait un cadeau plutôt imprévu : avec ses paroles nous nous apercevons que nous sommes vraiment à côté de la plaque, …nous qui avions cru bien faire… !
Dans l’Écriture, la Parole de Dieu est comparée à une épée à deux tranchants, une lame qui coupe et pénètre, réalité à laquelle rien n’échappe…
Oui, rien n’échappe à la Parole de Dieu …et quand cette parole nous rejoint, sa signification nous échappe… !
« Les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger ».
• Nous n’aurions pas fait mieux que les disciples en entendant l’annonce des souffrances, la passion, la mort de Jésus… « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes. »
• Nous pourrions peut-être faire mieux en ne cherchant pas à savoir qui est le plus grand parmi nous, …persuadés que la dernière place, celle du serviteur est en vérité la place du disciple de Jésus, Jésus qui s’est fait lui-même le serviteur de tous.
Accueillir le plus petit, se faire le dernier, cela conduit à la rencontre avec le Christ, la rencontre avec Dieu notre Père, Dieu, en fait, notre plus proche prochain…
Quand le livre de la Sagesse évoque le juste persécuté et la jalousie des méchants qui ne comprennent pas, il parle de ces derniers comme des gens tordus…tordus par leur jalousie. Ils sont, dans leur pensée, jaloux et inquiets, malveillants et trompés : face à eux le juste, c’est l’homme doux et patient, dont les actes et les paroles témoignent pour lui.
Le mal s’introduit dans les cœurs par les pensées, les désirs, les jalousies. Ce qui parle en faveur du juste c’est sa conduite, ses paroles, ses actes…
Les paroles de Jésus sont à entendre… à méditer : …rester assis et les faire nôtres, …qu’elles pénètrent en nous.
Ce qu’a fait Jésus est au moins autant à méditer : il est allé à la rencontre d’une mort infâme ; il a compté sur Dieu son Père qui interviendrait pour lui. Cette mort de Jésus est unique, son don de soi est indépassable ; mais c’est ainsi que Jésus nous montre le chemin… « pour que nous marchions sur ses traces », comme dit saint Pierre dans son épitre.
Le dialogue avec le Christ se fait difficilement parce que nous sentons que nous ne pourrons jamais, avec nos propres forces, faire ce chemin.
« Quelqu’un interviendra pour lui, Dieu l’assistera, l’arrachera aux mains de ses adversaires »…
Pour nous aussi, il faudrait, il faut croire que quelqu’un interviendra, que Dieu nous assistera, …
• d’abord pour mieux comprendre les paroles de Jésus… paroles dures à entendre en vérité,
• …mais pour comprendre aussi que si nous donnons notre vie comme serviteurs, Lui a déjà commencé le chemin pour nous … il va le continuer avec nous. Nous complétons, nous compléterons dans nos vies ici-bas l’œuvre d’amour du Fils. Lui Jésus, il est le Fils bien-aimé, le Vivant, le Ressuscité, il est avec nous pour toujours.
Maintenant, unis dans l’Esprit, unis dans la foi et l’espérance nous chantons l’œuvre du Christ, à la louange de Dieu notre Père, Il s’est fait proche, lui notre plus proche prochain. (2015-09-20)
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ANNÉE B - 24e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE - 13 septembre 2015
> 1ère lecture : Is 50, 5-9a
> Psaume 114, 1-2, 3-4, 5-6, 8-9
> 2e lecture : Jc 2, 14-18
> Évangile : Mc 8, 27-35
Homélie par le F.Matthieu
"Tu es le Christ", dit Pierre. Belle réponse mais franc malentendu.
"Tu es le Messie" : Pierre désigne ainsi, le Roi-Messie attendu, successeur de David sur son trône à la fin des temps, victorieux de tous les ennemis… Mais Jésus prend ses distances, il refuse que l’on parle ainsi de lui… Il redoute trop la pente facile qui conduit là où il sait qu’il ne doit pas aller.
Christ / Messie. Le mot est une allusion à l’onction divine du sacre royal : on versait de l’huile sur la tête du futur roi. Quand la Bible parle du Messie à venir, elle invite à l’attente d’un personnage détenteur d’une royauté qui surclasse toutes les autres, d’une autorité absolue. Comme l’huile, Dieu lui-même l’imprègne tout entier. Sa tâche consistera à restaurer la justice, à établir la vérité dans un monde plein d’erreurs et de mensonges. Mais Jésus le sait déjà, le Messie, selon le vouloir de Dieu, son Père, n’imposera pas la justice et la vérité par la violence et la contrainte mais simplement en se comportant selon cette justice et cette vérité… et en en acceptant les conséquences. Ainsi, la liberté des hommes, cette liberté qui les fait ressembler à Dieu, sera respectée et même instaurée. Le règne du Messie s’effectue par attraction, par appel. Il faudra le suivre pour appartenir à son Royaume.
Et dès lors, Jésus, pour la première fois, annonce sa Passion, il instaure l’identification du "Messie" à la mystérieuse figure du "Serviteur souffrant" d’Isaïe. Il indique le seul chemin qui le conduira dans le Royaume du Père, le rejet par son peuple, la souffrance, la Croix, la mort, abandonné de tous…
Jésus annonce les souffrances de sa Passion, sans détail. L’oracle d’Isaïe, un des "chants du Serviteur souffrant" que nous avons entendu en première lecture, précise davantage : "J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats." Outre ces épreuves physiques, les deux textes se rapprochent par l’évocation du rejet, plus détaillé cette fois dans l’Evangile, car il est sans doute le plus douloureux pour Jésus : "qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes..." Dans la 1ère lecture, à la violence des hommes s’oppose le secours venu de Dieu : "Le Seigneur Dieu vient à mon secours...Voici le Seigneur Dieu qui vient prendre ma défense...". Il se sait innocent, et sera vainqueur en cas de procès. Cela peut fournir une clé de lecture pour la discrète mention : "...trois jours après, il ressuscitera.", sous-entendu : "Dieu le ressuscitera", le fera prendre possession de son Royaume.
Plus mystérieusement encore, les deux textes laissent entendre que ces épreuves font partie du plan de Dieu. C’est de Lui, en quelque sorte, que tout part, dans l’oracle d’Isaïe : " Le Seigneur m’a ouvert l’oreille..." Que veut-il bien dire ? "Le Seigneur m’a fait entendre... il m’a fait comprendre..." Quoi ? Des choses assez désagréables pour qu’on puisse être tenté de se "révolter", de se "dérober". Mais il ne l’a pas fait : et il lui arrive ce qui est raconté dans les versets suivants jusqu’à la reconnaissance finale.
C’est ce que Pierre précisément ne peut accepter. Et il devient donc pour Jésus un Adversaire, un "Satan", aux "pensées" trop humaines de triomphe et de victoire. Les "pensées" de Dieu, au contraire, sont l’identification du visage du Messie avec l’humble figure du Crucifié, Visage véritable de Dieu.
Il "fallait" : l’expression désigne dans les Evangiles la nécessité pour Jésus de se conformer au dessein de salut du Père. Nous sommes ici devant le Mystère, celui de la Rédemption ; nous pouvons seulement dire, grâce à ces deux passages entendus, que ce n’est pas Dieu qui veut la souffrance, mais que cette violence, ce péché, sont le fait des hommes, et qu’Il va les transformer, par son "passage", par son obéissance, en puissance de vie et de salut : "Il est proche, celui qui me justifie", qui me rend juste, qui me sauve.
Nous sommes au cœur du Mystère du salut apporté par Jésus !
MAIS y-sommes-nous en vérité ? Avons-nous compris, ouvert l’oreille de notre cœur ? L’exemple de Pierre doit nous rendre circonspect … ce n’est pas si simple à comprendre. Sommes-nous au moins désireux de nous y accorder ?
Comment le savoir ?
Les deux derniers versets de notre Evangile sont là pour nous le dire : suis-je seulement disposé à entendre l’appel du Christ à renoncer à moi-même, à prendre ma croix et perdre ma vie sur le chemin qu’il me propose ? Suis-je disposé à consentir à ce que Dieu voudra au cœur de ma vie quotidienne ?
Terrible programme ? Mais non…
Il s’agit de "sauver sa vie" ; en l’offrant, en la donnant, Jésus nous a montré, nous montre le seul chemin qui mène vers son Père et notre Père ! - 2015-09-13
Année B - 23° dimanche du Temps Ordinaire - 6-09-2015
Isaïe 35, 4-7a Jacques, 2, 1-5 Marc 7, 31-37
Homélie du F.Ghislain
Le prophète Isaïe, que nous avons entendu en première lecture, nous annonce une complète victoire de Dieu, une revanche contre tout le mal du monde, dont la cécité et la surdité pour les hommes, la sécheresse et l’aridité pour la terre, sont des signes permanents. Ce mal du monde, qui affecte notre « maison commune » comme dit le pape François, au point que nous craignons pour son avenir, Dieu pourtant en aura raison, la Parole de Dieu nous en assure.
Nous pourrions demander, comme la Vierge Marie à l’Annonciation : « Comment cela se fera-t-il ? » Une réponse nous est donnée dans l’évangile. Nous y voyons Jésus qui fait des kilomètres : de Tyr à la Décapole en passant par Sidon et le lac de Génésareth, il n’y en a pas loin de 200 par les routes incertaines et les sentiers de montagne. Et ce long périple le conduit non pas aux gens aux vêtements rutilants et aux bagues dorées dont parle la lecture de la lettre de saint Jacques,, mais à une seule personne, dont nous n’avons même pas le nom, un sourd-muet qu’on supplie Jésus de guérir.
Cette guérison, Jésus semble ne pas la faire facilement, ou plutôt, il prend le temps de la faire humainement : ses doigts pénètrent les oreilles du sourd, sa salive touche la langue, ses yeux vont vers le Ciel d’où descend tout don, sa poitrine soupire comme si l’effort était trop grand, une parole enfin achève tout ce travail : « ouvre-toi ». Jésus s’implique corps, âme et esprit dans cette guérison, puis, comme si tout ce qu’il avait fait de chemin et de geste n’était pas important, il impose silence au guéri. Celui-ci voulait entendre et parler, eh ! bien, qu’il le fasse sans attendre : qu’il écoute les autres, qu’il accueille leur parole, qu’il réponde en homme désormais libéré. La victoire de Jésus, la victoire de Dieu par Jésus, c’est l’homme restitué en humanité, capable donc désormais de travailler dans et pour la « maison commune ».
Pour avoir accès à Jésus, il faut donc nous ranger parmi les pauvres, les sourds qui ne savent pas entendre les appels, les muets qui ne savent pas dire les paroles justes ; il faut donc demander la grâce, la lucidité pour ce faire ce que nous ne savons pas. Laisser résonner en nous ces paroles un peu dures que nous trouvons dans l’Apocalypse de saint Jean : « Tu dis : ‘je suis riche, je me suis enrichi, je n’ai besoin de rien’, et tu ne sais pas que tu es misérable, pitoyable, pauvre, aveugle et nu » (3.17). Et nous tourner alors vers le Christ qui vient de loin pour nous sauver : prendre le temps de laisser ses doigts toucher nos oreilles, de laisser la guérison pénétrer peu à peu en nous, et alors agir, faire nous aussi les gestes que la vie attend de nous : écouter puisque nous avons des oreilles et répondre. Vous me direz peut-être : « mais où est-il, ce Christ qui vient me sauver ? ». Je vous répondrai : soyez attentifs, regardez les personnes qui vous entourent, laissez-vous atteindre et guérir par celles, - et il y en a partout, - qui pensent et vivent parce qu’elles ont compris que l’amour est plus fort. Mais écoutez aussi celles-là mêmes qui apparemment n’ont rien compris, mais qui, sans le savoir, ont sur les lèvres la parole qui nous sauvera si nous savons l’écouter.
Avoir accès à Jésus, c’est aussi nous mettre concrètement à la place du Christ tel qu’il apparaît dans cet évangile : ainsi ne pas reculer devant les kilomètres ne serait-ce que pour une personne ; ne pas vouloir « sauver le monde » mais nous investir, corps, âme et esprit dans ce qu’il nous est possible de faire pour le pauvre concret qui nous sollicite ici et maintenant, pas nécessairement avec des paroles, mais par sa situation même. Le Pape François nous le répète dans ses messages, et particulièrement l’encyclique Laudate sì. Il nous invite - je cite - à « avoir la passion d’aider les autres à vivre, avec plus de dignité et moins de souffrances » Est-ce que ce ne serait pas cette passion qui animait le Christ quand il sortait pour guérir ? N’est-ce pas cette passion que son Esprit nous met au cœur pour que, nous aussi, nous levions les eux vers le ciel, que nous soupirions, et que nous puissions dire à tout homme, sourd et muet : « ouvre-toi » ?
Frères et sœurs, le salut de la « maison commune » perturbée et violente où nous demeurons ne lui viendra pas autrement aujourd’hui qu’il ne lui est venu autrefois en Terre Sainte. C’est ainsi que, contemplant Jésus, il nous est proposé de le recevoir d’abord et de le transmettre ensuite. Ainsi soit-il ! (2015-09-06)