Homélies
Liste des Homélies
année C - OBLATION REGULIERE
DE F. XAVIER BOUTIOT
Messe 23e dimanche ordinaire
04 septembre 2016
1 S 3, 1-10, 19-20 ; Rm 12, 1-13 ; Lc 14, 25-33
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
En écoutant cet évangile, on peut se dire que Jésus a une curieuse manière de faire du recrutement ! Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne cherche pas à séduire ! Maitre admiré, il ne veut pas susciter l’engouement autour de sa personne. Ceux qui voudraient le suivre, il prend grand soin de les inviter à évaluer ce que cela signifie. Qu’ils prennent toute la mesure de leur désir avant de construire et d’engager le combat…
En ce jour de son oblation, f. Xavier choisit de prendre résolument le chemin du disciple à la suite de Jésus dans la vie monastique. Il y a plusieurs manières d’être disciple de Jésus. La vie monastique en est une marquée par une sorte d’urgence en vue du Royaume. Qu’est-ce qu’être disciple de Jésus dans la vie monastique ? Les différentes lectures entendues peuvent permettre d’en dégager quelques traits.
Le petit Samuel dans la première lecture a eu du mal à comprendre que le Seigneur lui parlait. Guidé par le prêtre Eli, il a appris à se tenir en présence du Seigneur afin de l’écouter. « Parle Seigneur, ton serviteur écoute ». Samuel a tâtonné, f. Xavier aussi a cherché avant de reconnaitre plus clairement la voix du Seigneur. La vie monastique qu’il choisit va être une école pour apprendre à écouter toujours plus finement, plus filialement… « Ecoute mon fils » sont les premiers mots de la règle qui font écho à la parole fondatrice pour notre foi juive et chrétienne : « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique, tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur »… La vie de tout disciple consiste en une écoute attentive et aimante de notre Dieu qui se plait à entrer en relation avec nous. La vie monastique ne vise pas d’autre but, si ce n’est qu’elle propose une pédagogie très concrète afin de faire qu’en toute notre vie, nous demeurions à l’écoute. Ecoute des cloches pour aller à l’office alors qu’il nous en coûte de s’arracher à un travail ou à une rencontre. Ecoute de la Parole dans les offices de prière qui jalonnent la journée et dans la lectio divina chaque matin. Ecoute du frère qui demande un service. Ecoute du P. Abbé qui donne une charge ou un emploi. De manière très concrète, à travers la cloche, la liturgie, le frère ou le P.Abbé, c’est la voix du Seigneur que le moine est invité à reconnaitre et à accueillir. Voix qui appelle à sortir de soi pour aller à la rencontre de Celui veut notre bonheur.
Dans la seconde lecture, Paul invite les Romains auxquels il écrit, à « présenter à Dieu votre corps, votre personne tout entière, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu ». En réponse à la Parole entendue et écoutée, l’offrande de soi tout entier est un culte capable de plaire à Dieu. Et Paul poursuit en exhortant chacun à vivre cette offrande de soi au sein de la communauté chrétienne. Chacun a un don qu’il peut mettre à disposition de tous : servir, enseigner, donner du réconfort ou diriger. Ainsi l’offrande de soi se conjugue inséparablement en don de soi pour les autres afin d’édifier la communauté. En faisant oblation ce matin, f. Xavier désire apprendre au sein de notre communauté un don plus profond de lui-même à Dieu. Il a connu ce que veut dire quitter une profession, se détacher de ses biens, quitter sa famille, il désire apprendre plus profondément l’offrande de lui-même au gré des relations fraternelles. St Paul invite à rivaliser de respect les uns pour les autres ; St Benoit fait sienne cette exhortation et ajoute : « ils supporteront sans aucune impatience leurs infirmités corporelles et morales ». Ainsi l’oblation de soi va s’approfondissant en apprenant à porter les frères, à les supporter non comme un poids mais comme des frères qui ont besoin de ma patience et de ma sollicitude, comme moi j’ai besoin de la leurs. Long chemin qui n’est pas sans douleur. St Paul nous encourage : « ayez la joie de l’espérance, tenez bon dans l’épreuve, soyez assidus à la prière ».
Dans l’évangile, Jésus invite le disciple à prendre sa croix… Exigence bien difficile à comprendre. Nous ne le pouvons qu’en regardant Jésus prendre la sienne. Nous le ne pouvons qu’à la lumière de la résurrection qui lui donne tout son sens. Sur la croix, Jésus affronte toutes les forces du mal et la mort. Il les ressaisit en les offrant à son Père avec l’offrande de lui-même afin que tout soit renouvelé dans la Vie. Le disciple qui est invité à prendre sa croix, devra affronter les forces obscures du péché, le sien et celui des autres, les force de la mort aussi pour en faire une offrande unie à celle de Jésus. St Benoit engage le moine à partager les souffrances du Christ par la patience et la persévérance. La patience qui est offrande de soi jour après jour, disponibilité aux autres, renoncement à soi pour être plus au Christ… Voilà la manière très cachée dans laquelle f. Xavier va porter avec nous sa croix. Notre prière l’accompagne pour que le Seigneur lui donne sa force et sa joie. Nous rendons grâce aussi au Seigneur d’être ainsi nous-mêmes encouragé sur le chemin par ce don que f. Xavier fait de lui-même. Avec lui, nous voudrions que toute notre vie soit « une offrande qui puisse glorifier Dieu », lui qui « donnes la grâce de le servir avec droiture et de chercher la paix » comme nous le prierons à l’offertoire. (4-09-2016)
Année C - 22 Dimanche du T.O.- 28 Août 2016
Ben Sira 3,17-18.20.28-29…Hé 18-19.22-24a…Luc 14,1.7-14
Homélie du Frère Antoine
Dans cet Evg, nous sommes mis en face de deux réalités parfois difficiles à assumer et auxquelles le Christ, à l’aide d’une parabole, nous donne une orientation.
La première, c’est notre capacité de choix, c’est-à-dire l’exercice de notre liberté.
La deuxième, c’est la qualité de notre accueil, notre faculté à entrer en relation.
L’exemple donné par Jésus est celui du choix de la première place… Une place qui est une
des valeurs de notre société dans bien des domaines où elle manifeste la reconnaissance d’une compétence ou d’une performance reconnue.
Jésus situe ses exemples dans trois cadres :celui des Noces puis d’un dîner, et enfin d’une réception. Ces exemples nous posent la question :
Quand il y a une place de libre qui nous offre de réels avantages...une place qui va nous honorer ou nous permettre d’être mieux servi…
Où va notre premier mouvement ?.. où nous dirige notre instinct … ?
Jésus avait remarqué que les invités d’un repas s’empressaient de choisir les premières places, signes qu’elles étaient les meilleures.
Et nous, chrétiens, baptisés dans l’Esprit, disciples de Jésus, orientés Eucharistie après eucharistie à marcher sur ses traces, à aimer comme lui notre prochain… Comment réagissons-nous …devant les avantages que l’existence… le hasard de la vie… certaines situations… peuvent nous offrir et si on y regarde de plus près, c’est souvent aux dépends d’autrui ou aux dépends de nos proches en famille, par exemple à la suite d’héritage
Finalement, où s’oriente le plus facilement notre liberté quand elle peut s’exprimer ….?
L’enseignement de Jésus est dans la droite ligne du sermon sur la montagne.
Il résume la vie et l’Incarnation de Celui qui de condition divine a pris la condition de serviteur. « Quiconque s’élève sera abaissé et qui s’abaisse sera élevé »….
Ces paroles ne sont pas en consonance avec le monde impitoyable d’aujourd’hui.
L’enjeu profond auquel nous sommes tous appelés par Jésus, c’est de nous dessaisir de tout jugement sur notre propre valeur pour nous en remettre à ce que Jésus nous invite… en particulier à la fin de l’Evg où il nous propose d’aller encore plus loin, en accueillant lors d’une réception… des personnes en difficultés, des personnes qui ne sont pas capables de rendre la pareille et ainsi, d’avoir le courage de prendre le chemin d’une rencontre en vérité, une rencontre de personne à personne, et de découvrir les richesses que chacun porte dans son cœur quelque soit ses apparences et son statut social.….
Frères et Sœur, nous qui participons à cette célébration eucharistique d’aujourd’hui nous pouvons aussi reconnaître que tous, nous sommes quelque part ces pauvres, ces boiteux, ces estropiés que le Sgr rassemble et nourrit, et que nous sommes appelés à exprimer notre action de grâces et notre foi en Celui qui, en cette année de la Miséricorde, nous invite tous, à ouvrir notre cœur et à orienter notre vie…. vers l’Evg. (28/08/2016)
Année C – 21° dimanche du Temps Ordinaire – 21 aout 2016
Is 66 18-21 ; Heb 12 5-13 ; Luc 13 22-30
Homélie du F.Jean Noël
Jésus donc enseignait, on pouvait lui poser des questions. Mais cette fois, question indiscrète(le nombre des sauvés) ou question trop académique ? Jésus ne réponds pas ; ou plutôt, la question un trop « bateau », il la retourne et en fait une urgence vitale, personnelle : « Toi, efforce-toi d’entrer par la porte étroite ». « Efforce-toi » et on nous dit que c’est mal traduit ; « efforce-toi », ce n’est pas « faire un petit effort » – c’est « battez vous pour entrer par la porte étroite » ! Et l’on sait par une autre page d’Evangile qu’il faut être prêt à y laisser un œil, un bras ou une jambe. « Oui, battez vous, la porte est étroite » Et Jésus ajoute : « Ne vous faites pas d’illusion ; il y aura des surprises.
Mais alors, ces douze portes de la Cité Sainte de l’Apocalypse, toujours ouvertes ; plutôt des arcs de triomphe pour accueillir les vainqueurs de la grande épreuve, foules innombrable des nations, langues et tribus (cf la 1° lecture).
Et encore ce festin pour toutes les nations d’où qu’elles viennent. Les vêtements de fête, la musique et les danses tout est prêt… Et ces serviteurs envoyés chercher les distraits qui traineraient encore dans les impasses ou les chemins creux ; le Père en personne sortant même dehors pour convaincre les récalcitrants : « Entre, mais entre donc ! Tout cela est pour toi » Et on se souvient du larron rattrapé in extremis…
Et bien sûr encore – on nous le rappelle sans cesse - en cette année jubilaire - les portes de miséricorde – innombrables – sont partout ouvertes. Même dans les prisons, avait demandé le Pape François.
Jésus lui-même, un jour, l’avait déclaré : « Venez les bénis de mon Père. C’est son bonheur de vous donner le Royaume- Je suis la porte – Viens aujourd’hui : Battez vous pour entrer par la porte étroite – Battez vous !
Jésus serait-il « la porte étroite » ?
Ce qui est étroit, c’est notre marge de manœuvre : Suivre Jésus c’est Oui ou c’est non – pas d’autre alternative. Ce qui est étroite, c’est le jeu de ma décision – pas 36 options – tellement que c’est tranchant. Oui, c’est Oui. Non, c’est Non. Ca peut faire mal. Encore une fois, on peut y laisser un œil, un bras, une jambe, et beaucoup d’autres choses. Mais au dire de St Paul, ce ne serait encore rien à côté du don sans prix qu’est Jésus –Christ ; grande joie déjà annoncée aux bergers, à Marie … et à combien après eux qui se sont bougés.
Les quelques pas que nous ferons pour communier seront grande chose :
- Justement nous insérer dans l’immense caravane de toutes tribus, langues et nations de ceux qui ont répondu à l’appel du Christ : Venez à ma suite.
- Et ensemble, comme le demandait la prière d’ouverture de cette célébration, nous établir fermement – déjà par le désir
– là où se trouve la vraie joie.
Entendre ce que dit st Benoît à qui panique devant l’étroitesse de la porte.
- Ne va pas fuir,
- Mais très instante prière pour ce qui dépasse tes forces
- Alors Dieu aidant, tu passeras.
Prions les uns pour les autres.
Année C - ASSOMPTION - 15 aout 2016
Ap 11,19a, 12, 1-6a.10ab; 1 Co 15, 20-27a; Lc 1, 39-56
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Vous avez remarqué qu’au début de la messe, avant l’oraison d’entrée, à l’invitation « prions le Seigneur », les frères se sont inclinés, puis se sont relevés et se sont tournés vers l’autel, pendant que l’oraison était dite… Ce geste d’inclination veut être un geste de préparation corporelle pour entrer davantage dans la prière qui va être prononcée ensuite. Il nous tourne vers Dieu. Il nous rend attentif à la prière qui est prononcée au nom de tous, et que chacun est convié à faire sienne. En effet, les prières dites sont des guides précieux pour nous apprendre à nous adresser à Dieu. Les prières de cette fête de l’Assomption sont particulièrement riches. Eclairées par les textes de l’Ecriture que nous venons d’entendre, elles nous font faire faire un chemin. Je voudrais les reprendre.
La prière d’entrée rappelait ce qui nous réunit aujourd’hui : le fait que Dieu ait fait monter jusqu’à la gloire du ciel, avec son âme et son corps, Marie, la Vierge immaculée, mère de son Fils. Ainsi est affirmée la foi de l’Eglise en ce privilège de Marie, d’avoir été élevée auprès de son Fils Jésus, sans connaitre la corruption de son corps. Marie partage par avance la Gloire de Jésus, « Lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis », comme le proclamait Paul aux Corinthiens. La prière poursuivait en demandant que « nous demeurions attentifs aux choses d’en haut pour obtenir de partager sa gloire ». Que nous demeurions attentifs aux choses d’en haut… Cette fête de l’Assomption est comme une fenêtre ouverte sur le ciel. Elle nous rappelle que notre réalité humaine s’ouvre sur un avenir heureux. Les choses d’en haut, la Gloire de Jésus, l’Assomption de Marie viennent éclairer notre vie terrestre, avec son lot de souffrances et de tâtonnements, mais aussi avec toute sa quête de justice, d’amour et de vérité. Etre attentifs aux choses d’en haut, ce n’est pas fuir cette réalité présente parfois difficile. Mais c’est laisser notre réalité être habitée par une confiance en la Vie plus forte que la mort, une confiance en l’Amour plus fort que la haine, comme la parole de nos évêques l’a proclamé au lendemain des attentats de Nice et de St Etienne du Rouvray.
Je voudrais m’arrêter sur la prière qui sera dite sur les offrandes : « tandis qu’intercède pour nous la très sainte Vierge Marie, emportée au ciel, que nos cœurs, brûlants de charité, aspirent toujours à monter vers toi ». Nous présenterons nos offrandes, le pain et le vin, symbole de notre travail et de nos luttes diverses, pour les unir à celle du Christ. L’intercession de la Vierge Marie nous est assurée, elle qui prie pour nous pécheurs. Marie montée au ciel reste très présente à nos côtés, dans nos combats contre le mal, signifié par le dragon dans la première lecture. Nous demanderons enfin à Dieu que nos cœurs, brûlants de charité, aspirent à toujours monter vers Lui. Après la grâce d’être attentif, nous demandons celle du désir. Grâce d’un désir de Dieu plus grand qui signifie dans le même temps : grâce d’un désir d’être plus libre au regard de qui nous entrave dans notre élan pour aimer vraiment. Chacun de nous connait ses lieux plus intimes où des choses peuvent nous entraver, nous nouer dans notre marche vers Dieu et vers les autres. En ce jour, appuyé sur l’intercession de Marie, nous présentons nos vies à Dieu, en lui demandant de faire grandir notre désir, un désir plus libre, d’aller à sa rencontre.
A la fin de cette célébration, après avoir reçu le Corps et le Sang du Christ, nous demanderons « de parvenir à la gloire de la résurrection ». Etre attentif aux choses d’en Haut, les désirer plus ardemment, pour parvenir nous aussi à la gloire de la résurrection, tel est le but espéré de notre existence chrétienne. Nous ne savons que balbutier sur la réalité de la gloire de la résurrection. En Jésus, apparu vivant à ses apôtres, nous entrevoyons la lumière joyeuse de ce mystère. Et en Jésus Vivant, reçu en son Corps et en son sang, en cette eucharistie, nous participons dans la foi, à cette vie divine qui transfigurera tout notre être. Avec Marie, nous pouvons déjà attester que « le Seigneur fait pour nous nous des merveilles », quand le recevons à la communion. Nous recevons en germe cette vie et cet amour promis à Abraham et à sa descendance à jamais.
Frères et sœurs, laissons-nous guider par cette célébration sur le chemin de la Vie. (15 aout 2016)
Année C 20e dim TO - 14 août 2016
Jér 34/4-6,8-10, He 12/1-4, Lc 12/49-53.
Homélie du F.Cyprien
Jérémie, abandonné dans un puits, qui s’enfonce dans la boue et va périr, Jérémie figure du Christ persécuté, figure de Jésus traversant l’angoisse de sa passion…
… On s’étonnera toujours de la cruauté des bourreaux : ceux-ci ne se rendront peut-être jamais compte de ce qu’ils ont fait à des êtres semblables à eux…
L’épitre aux Hébreux resitue le combat contre le mal ; le combat contre le mal, c’est le combat pour se débarrasser du péché, un combat d’endurance… épreuve à vivre « les yeux fixés sur Jésus » … la si belle expression : « les yeux fixés sur Jésus »…Et à la fin de cette 2e lecture : « Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché ». « Jusqu’au sang… » : c’est-à-dire accepter de perdre sa vie pour ne pas être séparé de Dieu… Rien que ça… !
C’est dans cette perspective radicale que l’Evangile nous présente Jésus non pas comme un diviseur, mais celui qui provoque la division, parce qu’il nous faut un jour prendre parti pour ou contre lui…
Jésus a été traité de Béelzéboul, de diviseur, de diable par ses adversaires. Diabolos, ce qui sépare # symbolos, ce qui rassemble. Ses accusateurs n’avaient pas raison… ils se trompaient sur la nature de la division provoquée par Jésus… Car…
…* Il y a ceux qui acceptent l’Evangile et ses exigences, qui acceptent de lutter contre le péché…
* et il y a ceux que l’absence de Dieu ne dérange pas, ceux pour qui commettre le mal n’a pas d’importance. Dans les Psaumes, ceux-ci sont appelés les « impies », « les « méchants ».
« Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ». Ce baptême dont parle Jésus est celui du sang, la plongée dans la souffrance, la souffrance qui conduit inéluctablement à la mort. La Passion de Jésus donne la mesure du combat livré …pour aimer jusqu’au bout, pour ne pas céder à la violence en réponse à la violence. L’exemple du Christ nous donne la mesure du combat…pour les disciples …à sa suite.
Sous l’empire romain on traitait les chrétiens d’athées, et ceux-ci avaient bien saisi l’enjeu du témoignage à donner, témoignage à la personne et au message de Jésus.
Le feu que Jésus apporte sur la terre n’est pas celui des pillages et des destructions, des assassinats sauvages et de la haine qui se propage si bien…
Il y a violence et violence. Le feu que Jésus apporte est le feu d’un Amour fou, amour de Miséricorde et de pardon, en toute circonstance, à l’égard de tous… feu d’un cœur ouvert, vulnérable à la tragédie du mal, ce mal que les hommes savent si bien faire exister et répandre.
Si le père et le fils, si la mère et la fille se divisent, c’est à cause de Jésus et des exigences de ce témoignage à donner au Christ… ce Jésus, envoyé de Dieu, mort sur la Croix.
Lui-même avait bien dit aussi : « Vous serez détestés de tous à cause de moi, livrés même par vos parents, vos frères, votre famille », « on aura pour ennemis les gens de sa propre maison »…
F. Hubert, il y a quinze jours, commentait l’Evangile du riche insensé, il disait que ce n’était pas facile d’entendre certaines paroles pendant l’été, moment où l’on a besoin de se reposer, de refaire ses forces.
La parole d’aujourd’hui est plus radicale encore, et je trouve qu’elle vient à point pour savoir la direction …à ne pas prendre ! La violence et la haine (en paroles, en désirs, en actes), les combattre par la douceur, par la justice et le pardon, un amour persévérant, inconditionnel pour le prochain. Ce feu est le feu qui vient de Dieu ; cette violence-là, ce « contre-feu » aura toujours la douceur et l’humilité que seul peut mettre en nous l’Esprit de notre Dieu: …A Pentecôte nous chantons cette hymne:
Comme l’Esprit et sa violence
Qui pourrait le contenir ou l’étouffer ?
Rien ne résiste à sa force,
Amour du Père et de son Fils …
« Rien ne résiste à sa force »…dans le cœur qui s’ouvre.
Ce feu, il peut être la vie même de Dieu en nous. « Amour du Père et du Fils ». Laissons la vie divine nous envahir, nous transformer radicalement. Chrétiens, nous savons que le règne de Dieu est à ce prix.
…« Jusqu’au sang », … « les yeux fixés sur Jésus ».
14 août 2016
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Année C - 19e Dimanche du Temps Ordinaire — 7 août 2016
Sag 18 6-9; Heb 11 1-19; Luc 12 32-48
Homélie du F.Sébastien
Étonnante liturgie avec ses surprises !« En ce temps-là Jésus disait à ses disciples » — et voilà que, - comme par un coup de baguette, non pas magique, mais liturgique, Jésus est vraiment là, vraiment, et nous en train de boire ses paroles. À son habitude il a commencé par nous regarder, un par un, amoureusement, et tous ensemble, à regarder attentivement ce qui se vit aujourd’hui dans notre monde, de l’Extrême Orient à l’occident, dans le calme comme dans les explosions. Il voit, il sait.
Avez-vous bien entendu la parole par laquelle Jésus ouvre l’Évangile de ce dimanche ? : « Sois sans crainte, petit troupeau ». N’aie pas peur ! Ta force est dans ta faiblesse, quand elle se blottit entre les mains de ton Père tout puissant. N’aie pas peur !
Le premier devoir des croyants n’est-il pas de se le dire et de le redire autour d’eux, en paroles ou par des actes ?. C’est bien ce que faisait Julienne de Norwich avec sa communauté aux heures noires du début de l’horrible guerre de Cent ans. Elle ne cessait de lui rrépéter : « All shall be well », tout finira bien, l’amour aura le dernier mot ». Et quand elle parlait, la paix entrait dans les cœurs troublés. On repartait à neuf dans un monde, certes resté en l’état, mais investi par la promesse : « L’amour aura le dernier mot. » C’est sûr !
Nous voici préparés à entendre la première lecture. Elle nous transporte aux origines du peuple hébreu dont nous sommes les héritiers. Je lis : « La nuit de la délivrance pascale avait été connue d’avance par nos Pères ; assurés des promesses auxquelles ils avaient cru, par lesquelles ils étaient dans la joie.» Ils étaient passés du drame à la joie de croire que tout est dans la main du vrai Dieu.
L’auteur du livre de la sagesse que nous avons entendu dans la deuxième lecture parle, avec le dessein d’aider les croyants de son époque à faire face aux épreuves, épreuves en vue, ou imprévisibles. Par quelles aides ? Il en cite deux, essentielles. D’abord en prenant conscience que les Pères du peuple des croyants savaient, pour l’avoir lu et médité dans leur Bible et célébré dans leurs liturgies, ce qu’avait été la délivrance pascale, relue avec les lumières qu’apportent le recul, la prière, les expériences spirituelles. Quand on sait le sens de l’épreuve, on est plus fort, plus forts que les adversités. Deuxième aide qui permet de se prémunir : les croyants s’appuient sur les promesses que Dieu a faites aux ancêtres dans le passé, promesses qui les avaient confortés, et qui sont toujours actuelles.
Telle est bien aussi la situation des croyants d’aujourd’hui. Traversant la longue nuit pascale de toujours, assurés par les promesses certaines, ils sont invités à la joie, à la joie de la foi.
Mais quelle foi ?
C’est alors que la deuxième lecture arrive à point nommé avec le fabuleux chapitre 11 de l’épître aux Hébreux. On y voit défiler l’immense cohorte de nos ancêtres qui, au long des siècles, depuis l’origine de l’humanité, ont su toucher le cœur de Dieu au point qu’il en fit son peuple, sans y regarder de trop près. Non comme des saints de vitrail plus ou moins retouchés, mais chacun à sa petite manière, depuis les plus scabreuses, voire scandaleuses, jusqu’aux plus purement mystiques, des chefs d’œuvre de sa grâce.
Et nous voici arrivés à la question cruciale : oui, mais par quel secret surent-ils plaire à Dieu ? Ne serait-ce pas tout simplement par leur manière toute personnelle de se glisser, parfois à leur insu, dans le peuple des croyants et là d’y partager la confiance commune envers le vrai Dieu. Une confiance aux formes multiples que l’auteur rassemble sous le terme un peu flou de la foi.
Confiance en quoi, en qui ? En celui que l’Évangile d’aujourd’hui nous présente comme toujours absent, toujours attendu, en décalage avec notre temps des calendriers, des horloges, nous attirant doucement dans le sien : à vrai dire non pas absent – ce n’est pas chic de lui dire cela - mais habilement caché dans notre présent. Il y affleure quand il le juge bon, par mille petites attentions qui nous tiennent en haleine. L’absence rend présent dans le désir. Notre Dieu est un pas encore déjà là. Et cela change tout.
Je termine par une petite remarque. Tous les textes de ce jour attirent l’attention sur l’importance capitale du temps, du rapport au passé et aux promesses qui fondent l’avenir, sur la gestion de l’intendant qui garde présent à l’esprit le retour imprévisible du maître, attendu ou redouté, sur la prévoyance, sur la confiance. À quelque niveau que ce soit, la qualité de notre vie, matérielle ou spirituelle, dépend de notre façon de vivre le temps. La sagesse apprend à le mettre de notre côté, à en faire un ami, un allié, jamais un adversaire qui empêche de dormir.
C’est facile à dire, mais pratiquement comment faire ? Peut-être en apprenant doucement à donner son temps à Dieu pour qu’il nous apprenne à entrer dans le sien, et alors bien des problèmes disparaissent.
Je termine avec le poème bien connu d’une religieuse tuée en Algérie le 11 novembre 1995, il peut parler à notre cœur profond.
Vis le jour d’aujourd’hui :
Dieu te le donne, il est à toi ;
Vis-le en lui.
Le jour de demain est à Dieu,
il ne t’appartient pas.
Ne porte pas sur demain
le souci d’aujourd’hui.
Demain est à Dieu ; remets-le lui.
Le moment présent est une frêle passerelle :
si tu le charges de regrets d’hier,
de l’inquiétude de demain,
la passerelle cède et tu perds pied.
Le passé ? Dieu te pardonne.
L’avenir ? Dieu te le donne.
Vis le jour d’aujourd’hui
en communion avec lui.
7 aout 2016
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Année C - TRANSFIGURATION - 06 août 2016
(Dn 7, 9-10, 13-14 ; 2P 1,16-19 ; Lc 9, 28b-36)
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Notre foi chrétienne vit de paradoxes qui permettent toujours de laisser sa juste place au mystère de Dieu et du Christ dont elle veut témoigner. Ainsi dans ce récit de la Transfiguration où tout nous porte à contempler cette lumière fulgurante, la voix du Père exhorte à écouter le Fils qu’il a choisi. Non pas nous arrêter à contempler cette vision si réconfortante et bienfaisante, mais écouter la voix du Fils, qui se prépare à monter à Jérusalem. Si nous nous reportons à la fin de la vie de Jésus, au moment de sa mort, c’est le mouvement inverse qui se produit. Sur la croix, le Fils mort ne peut plus parler, il n’y a qu’à regarder… « Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé » relit St Jean. Là où le regard voudrait spontanément se détourner, il s’arrête sur la réalité de ce corps mort pour y voir l’espérance d’une vie nouvelle : le sang et l’eau qui coulent du côté transpercé…
Ainsi en est-il du mystère de Jésus le Christ : nos yeux humains ne peuvent finalement l’approcher au plus près que sur la croix, et de là, apprendre à le reconnaitre dans sa gloire de ressuscité. A la Transfiguration, les apôtres ne pouvaient qu’entrevoir sa dimension glorieuse, pour mieux traverser l’épreuve de la Passion et l’accueillir à l’heure de la Résurrection.
Aujourd’hui encore, nos yeux doivent apprendre à regarder Jésus, et à le contempler dans la faiblesse de notre humanité. Lui-même nous exhorte à le reconnaitre et à le servir dans le plus démuni, le pauvre, le malade, l’étranger. La lumière de la Transfiguration de Jésus, accomplie en sa Résurrection, demeure dans notre cœur de croyant, comme l’expression d’une beauté en germe pour tout homme. Tout homme est porteur de cette beauté qui s’épanouira dans le monde à venir. Mais comme nous l’entendions cette nuit, le soin de nos corps humains, le nôtre et celui des autres, peut être une belle école d’espérance vécue concrètement. Prendre soin, ne pas maltraiter, respecter, rechercher l’unité de tout l’être. Car chaque être en ce monde est porteur d’une beauté et d’une dignité immense dans le regard de Dieu, beauté à la ressemblance du Christ qui s’est fait semblable à nous.
En cette eucharistie, nous remercions Dieu de nous avoir donné part à cette beauté, en Jésus, mort et ressuscité pour nous. Et nous accueillons déjà sa Vie de ressuscité afin qu’elle « nous fasse ressembler davantage à Lui ».
6 aout 2016
Année C - 18e dimanche TO (31/07/2016)
(Qohèlet 1,2 ; 2, 21-23 – Ps 89 – Colossiens 3, 1-5.9-11 – Luc 12, 13-21)
Homélie du F.Jean-Louis
Frères et sœurs, nous sommes à la moitié de la période des vacances, les uns partent et d’autres reviennent, c’est le grand chassé-croisé sur les routes, le week end noir pour la sécurité routière. Il y a ceux qui reviennent avec de beaux souvenirs et ceux qui partent avec l’espoir de se reposer d’une année passée souvent à courir …
Il y a ceux qui sont partis dans la joie et ont rencontré l’horreur à Nice … Il y a ceux aussi, nombreux, qui n’ont pas pu partir en vacances ou encore les migrants et les réfugiés qui ont été forcés de partir de chez eux … Et il ne faudrait pas que, dans la mondialisation de l’indifférence dénoncée par le pape François, nous les oubliions trop vite.
Mais dans cet air dominant de vacances, les lectures de ce dimanche tombent comme une douche froide … que déjà, malheureusement, l’actualité nous a déjà offerte ces derniers jours …
« Vanité des vanités, tout est vanité » nous dit la première lecture.
« Tu fais retourner l’homme à la poussière » renchérit le psaume 89 qui a été chanté tout à l’heure.
Et saint Paul « Faites donc mourir en vous ce qui n’appartient qu’à la terre.»
Et encore l’évangile : « Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? »
Avouons-le, il y a des textes plus gais à écouter en plein cœur de l’été même si cet été 2016 nous laissera certainement un goût amer …
Peut-être que ces textes d’aujourd’hui pourraient nous aider à cheminer et nous ouvrir des horizons alors que beaucoup, dont nous sommes sans doute, sont désorientés par la brutalité des événements ....
La première lecture d’abord dont le début nous est bien connu « Vanité des vanités, tout est vanité. » En Hébreux, le mot traduit par « vanité » signifie « vapeur, buée » et il peut prendre le sens d’éphémère. On comprend bien alors le sens de ce texte. Oui, le résultat du travail, les gains, les salaires, les profits sont éphémères comme la vapeur. Est-ce si faux ? Mais il faut le reconnaître, ce passage ne nous laisse pas dans un enthousiasme débordant.
Et le psaume qui fait écho à la première lecture « en rajoute une couche » si vous me permettez l’expression. « Tu fais retourner l’homme à la poussière », « mille ans sont comme hier », « ce n’est qu’un songe, une herbe changeante qui fleurit le matin et est fanée, desséchée le soir ». Décidément, là aussi, rien de très réjouissant.
Pourtant, le psaume ne nous laisse pas dans un constat désespéré, il ouvre une issue : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours, que nos cœurs pénètrent la sagesse. » Faisons preuve de sagesse, de réalisme, rappelons-nous que notre vie sur terre n’est pas sans fin. Mais le psaume va plus loin : il demande à Dieu de nous rassasier de son amour, de sa douceur (pensons-nous spontanément que notre Dieu est un Dieu doux ? ce serait à creuser). Et nous passerons alors nos jours dans la joie et les chants.
Voilà peut-être une réaction qui nous est proposée face au constat de la vanité, de la fragilité de nos vies. En prendre conscience, surtout pas seuls, mais accompagnés par l’amour et la douceur d’un Dieu qui veut pour nous la vie, mais une vie véritable.
Et saint Paul nous fait faire le grand saut de la foi chrétienne : nous sommes ressuscités avec le Christ. Notre vie ne se termine pas dans le gouffre sans fond de la mort mais elle se poursuit par la vraie vie, celle offerte par le Christ ressuscité, comme le disait Thérèse de Lisieux au moment de son passage : « je ne meurs pas, j’entre dans la vie ». Elle avait tout compris.
Mais pour ressusciter avec le Christ il s’agit déjà aujourd’hui, dans notre vie, de vivre en ressuscités : bannir ce qui n’est finalement qu’illusion et soif de posséder … tout cela est éphémère, tout cela est vapeur…
Et l’évangile, comme c’est souvent le cas, nous plonge dans une situation concrète. Situation malheureusement banale d’un conflit d’héritage. Rien de nouveau sous le soleil. Cela permet au Christ de remettre les pendules à l’heure et nous sentons bien que les contemporains du Christ nous sont très proches. Le Christ, lui, va à l’essentiel : « la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède .»
Le Christ ne demande pas de vivre dans la misère, mais de ne pas nous illusionner des richesses car elles n’ajoutent rien à la durée de nos vies.
Le psaume 61 proclame « aujourd’hui si vous amassez des richesses, n’y mettez pas votre cœur. » Et ce n’est pas facile …
Frères et sœurs, dans la réalité parfois très dure de la vie du monde, de nos vies, ces textes d’aujourd’hui nous offrent un chemin qui peut être salutaire.
Prendre en compte le réel tel qu’il est et non pas tel que nous le rêvons, tel que nous voudrions qu’il soit. Et cela peut être dur « tout est vanité », « tu fais retourner l’homme à la poussière ». Nous pouvons tenter de fuir cette réalité dans l’oubli des distractions mais elle nous rattrapera.
Prendre ce réel avec la conscience que nous sommes aimés d’un amour fou, celui de Dieu, qui nous promet une vie sans fin avec Lui, rien de moins. Mais cette vie n’est pas que pour demain.
Si nous acceptons, dès aujourd’hui de ne pas céder sans cesse à la soif de posséder, si nous acceptons que le Christ soit tout en tous et d’abord en nous-mêmes, alors des chemins de bonheur peuvent s’ouvrir. Alors quoi qu’il arrive, nous pouvons prendre conscience qu’il y a toujours une issue qui nous est offerte dès aujourd’hui. Nous ne sommes plus seuls car Dieu nous invite à la communion fraternelle avec les autres. Alors le ciel peut prendre une autre teinte et tout un horizon à explorer s’offre à nous.
Que ce temps de vacances puisse nous permettre d’explorer ce que veut dire pour nous, concrètement, que le Christ soit tout en tous et prenons le temps de nous enraciner à nouveau dans une foi qui change notre conception du monde, de la vie, des autres … prendre toujours plus conscience de la tendresse de notre Dieu, même s’Il peut nous paraître absent, c’est cela la foi, non pas une foi faites de certitudes abstraites qui ne résistent pas au réel mais une foi qui est confiance même dans l’obscurité dans l’absurde … C’est la foi du Christ sur la croix … une foi qui ouvre à la Résurrection.
Prenons du temps, cet été, pour ce qui vaut la peine. Méditons ces textes si riches au –delà de leur aspect rude voire brutal. - 31 juillet 2016
DEDICACE DE NOTRE EGLISE - 25 juillet 2016
(1R 8, 23-22, 27-30 ; 1P 2, 4-9 ; Mt 16, 13-19)
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
« Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent te contenir, encore moins ce temple que j’ai construit » s’exclame Salomon au jour de la consécration du Temple. Oui, qu’est-ce que cette maison, cette église au regard de la majesté et de la grandeur de Dieu ! Maison de Dieu, elle l’est moins comme le lieu qui le contient que comme le lieu où Il nous fait devenir sa maison. Depuis le jour où David a exprimé le désir de bâtir une maison à Dieu, nous savons que tel n’est pas le désir premier de Dieu. Celui-ci désire moins avoir une maison que de donner lui-même une maison à David, de lui donner une descendance. Le plus grand désir de Dieu, c’est d’édifier son peuple, de le rassembler en une seule « assemblée », ce mot qui, de l’hébreu en passant par le grec, a donné notre mot « église ».
Notre église de pierre devient comme l’atelier, le laboratoire dans lequel Dieu façonne son peuple. Par la Parole qui y est proclamée, Dieu nous fait devenir des pierres peu à peu plus solides, plus fermes dans la foi, à l’image de St Pierre qui confesse le Christ Fils de Dieu. Par la grande prière d’action de grâce, qu’est la messe, nous devenons dans le Christ mort et ressuscité, son corps, des membres vivants. Par la prière des psaumes chantées nuit et jour, nous associons toute l’humanité encore en recherche, à la béatitude et à la joie de se tourner vers un Père qui nous aime. Au cœur de chaque église de pierre, si petite soit-elle, c’est l’œuvre du Père qui s’accomplit : rassembler toute l’humanité en un seul corps, en un corps de louange et en un corps fraternel. Il le fait à travers toutes les petites communautés éparpillées sur la surface du globe. Qu’elles soient réunies dans une belle église comme ici, dans une grande cathédrale ou dans une très modeste chapelle de brousse, c’est le même mystère qui est à l’œuvre.
Mystère donné gratuitement, et mystère auquel nous prenons part pleinement. Devenir corps de louange et corps fraternel, c’est tout un. Notre louange aurait-elle toute sa force et toute sa vérité si nous entretenons à l’égard de nos frères rancune ou murmure ? Notre louange offerte à Dieu, ainsi que toutes les intercessions se nourrissent de notre relation avec nos frères. La communauté qui est façonnée par Dieu en cette maison de pierre n’est pas séparable de la communauté qui travaille et vit en dehors de l’église. De la grâce reçue en cette église, nous recevons la force d’aller vers nos frères pour donner, pour pardonner peut-être, pour aimer davantage. Et cette vie partagée avec nos frères, nous l’apportons en cette église, pour la mettre sous la lumière purifiante de la Parole et pour l’offrir avec le travail des hommes.
Oui, ce matin, offrons-nous avec tous nos frères les hommes, à cette œuvre sanctifiante de Dieu, en faisant mémoire de la mort et de la résurrection en qui nous devenons de pierres de plus en plus vivantes. 25 juillet 2016
Année C - 17ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE, 24 juillet 2016
1ère lecture : Genèse 18, 20-32
2ème lecture : Colossiens 2,12-14
Evangile selon saint Luc 11,1-13
Homélie du F.Matthieu
A la demande du disciple : "Apprends-nous à prier", Jésus répond en trois temps : le Notre Père ; une parabole, celle de "l’ami", qui vient demander du pain au milieu de la nuit avec un sans gêne absolu ; une leçon décisive : Dieu, notre Père, donne toujours le meilleur… si nous osons le demander !
Luc nous a dit au début de l’évangile : « Jésus était en prière », mais il ne nous a rien dit malheureusement de ce modèle pourtant si attendu ! Alors, aujourd’hui, comme pour éclairer cet enseignement sur la prière, la liturgie de l’Eglise nous donne, un autre modèle, celui d’Abraham ! Suivons-le, en le relisant à la lumière de l’enseignement de Jésus dans l’évangile…
Abraham a accueilli trois hôtes, il les a reçus avec toutes les prévenances de l’hospitalité du désert ; il s’est mis à leur service, leur lavant les pieds, leur donnant la meilleure nourriture possible… service, respect, noblesse de l’hospitalité… avec en retour la promesse mystérieuse d’un enfant à naître.
Et Abraham se tient là : « il demeure devant le Seigneur ».
Il reconnaît celui qui est son Seigneur : « que ton nom soit sanctifié » :
première démarche de la prière, reconnaître Celui en face de qui l’on se tient… C’est ce que la Bible appelle la « crainte de Dieu »… rien à voir avec la peur, au contraire la confiance qui naît de la reconnaissance et de l’amour !
Et puis, Abraham demande… et il demande… et avec quelle audace
Pour Jésus également, prier le Père, c’est d’abord lui demander ce dont nous avons besoin.
Remarquons qu’Abraham ne demande pas quelque chose pour lui, mais pour les habitants de la ville, et pour la justice. Sa prière est une prière d’intercession – mais Abraham, lui, a déjà reçu… la promesse...
En disant : "Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira", Jésus parle de demander pour soi et c’est sans doute le premier pas de la prière. Mais pourtant il ne faudrait pas négliger le fait que, dans la petite parabole qui introduit ces phrases de Jésus, l’ami « casse-pieds » ne va pas réveiller son ami pour trois pains parce qu’il a faim, mais parce qu’un de ses "amis arrive de voyage". Lui aussi demande pour un autre...
Et ceci nous donne à entendre que la prière de demande, d’intercession, est celle que le Seigneur exauce le plus volontiers. Jésus insiste sur la demande : il faut demander avec confiance, avec "sans-gêne" même....
Au premier abord, on ne peut pas parler d’un "sans gêne" d’Abraham, dans la mesure où il s’exprime de manière fort respectueuse envers le Seigneur : "J’ose encore parler à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre... Que mon Seigneur ne se mette pas en colère...", mais quand même, il ne se gêne pas pour dire sa pensée, ce qui ne colle pas avec ce qu’il connaît de Dieu : "Loin de toi de faire une chose pareille...Celui qui juge toute la terre n’agirait-il pas selon le droit ?" Abraham ose plaider pour Dieu contre Dieu ! Sa prière est bien une prière insistante, jusqu’à la limite – une vraie palabre à l’orientale, familière, comme celle d’un "ami" avec un "ami", respecté et aimé, mais sans concession.
Et le Seigneur est prêt à l’exaucer, sans autre difficulté : " ... je pardonnerai...je ne détruirai pas..."
Car déjà, dans le texte de la Genèse, il s’agit de pardonner : "ne pardonneras pas à toute la ville à cause des cinquante justes...A cause d’eux je pardonnerai à toute la ville." Le Dieu auquel Abraham s’adresse avec tant de simplicité est un Dieu qui pardonne. Bien sûr, au temps du rédacteur de la Genèse, la mentalité ambiante a du mal à faire la différence entre péchés individuels et responsabilité collective... Peu à peu, la Bible corrigera cela. Mais l’image vraie de Dieu se dégage déjà de notre passage : Dieu est un Dieu prêt à pardonner, qui s’arrange en quelque sorte pour se faire "forcer la main" par Abraham, sans doute pour que nous tous, les humains, comprenions ce qu’il est : un Père.
"Pardonne-nous nos péchés car nous-mêmes, nous pardonnons aussi...", nous fait dire Jésus dans le Notre Père. C’est notre plus grand besoin ! Un élément essentiel de toute prière chrétienne.
Abraham s’est arrêté en chemin : "peut-être s’en trouvera-t-il seulement dix ?" Et il n’y en a pas eu dix ! Mais Dieu, notre Père, lui, ne s’arrête pas en chemin !
La lecture de la Lettre aux Colossiens accomplit ce même thème : "Il nous a pardonné toutes nos fautes."
Abraham marchandait avec Dieu le salut de Sodome, jusqu’à dix justes... Paul nous redit que notre salut, celui de toute l’humanité, nous est donné grâce à un seul Juste, le Christ : "Dieu vous a donné la vie avec le Christ…" Dans la prière, il faut savoir demander jusqu’au bout !
En fait, le dernier verset de notre Evangile donne la clef : il s’agit de demander une seule chose : "l’Esprit Saint", pour qu’il guide notre vie et notre prière.
Le Père est toujours prêt, non seulement à pardonner, mais à aller au bout du don, à nous donner l’Esprit, qui fera de nous des fils de Dieu, sauvés.
Même si souvent ses chemins nous déroutent, si nous ne nous sentons pas exaucés, il nous donnera "le pain dont nous avons besoin… l’Esprit Saint", si nous osons le demander ! (24 juillet 2016)