Homélies
Liste des Homélies
Année C -26e dimanche ordinaire - 25 septembre 2016
Amos 6, 1…7 I Tim. 6. 11-16 Luc 16, 19-31
Homélie du F.Ghislain
Nous connaissons bien l’histoire du pauvre Lazare, que la lecture de l’évangile d’aujourd’hui nous a, une fois de plus, rappelée. Permettez-moi de revenir sur ce qui nous est raconté à la fin de la parabole. Le riche qui souffre en enfer voudrait qu’un revenant, Lazare, aille prévenir ses frères de ce qui les attend s’ils font comme lui et ne se préoccupent pas des pauvres. Abraham, à qui la requête est adressée, répond : « Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent », et il répète cette injonction : « S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, quelqu’un pourrait bien ressusciter d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus », et donc, ils ne reconnaîtront pas le pauvre.
Puisque nous lisons cet évangile aujourd’hui, c’est bien parce que nous croyons qu’il nous est destiné. C’est d’ailleurs pour nous, après que Jésus ait ressuscité d’entre les morts, que saint Luc l’a écrit. C’est donc à nous que s’adresse la phrase : « Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent » et, spontanément, nous entendons aussi : « ils ont l’évangile et tout le Nouveau Testament, qu’ils les écoutent ».
Beaucoup d’entre nous, dans cette assemblée, sont abonnés à « Prions en Eglise » ou à « Magnificat » : certains ont même mis dans leur smartphone l’application de la « Prière des heures », afin de pouvoir à un moment libre activer le site et dire la prière qui correspond à l’heure de la journée. Parfois ils se retrouvent en groupe pour partager un texte de l’Ecriture et pour vérifier la présence de l’évangile dans leur vie. Nous, les moines, nous essayons de faire pareil. Ainsi, petit à petit, de forme, se maintient, progresse dans le cœur une mentalité évangélique qui permet alors de faire attention aux Lazares qui se trouvent sur le chemin, de le faire avec respect, profondeur, efficacité, persévérance. Ceux d’entre nous qui n’ont pas cela, ou pas encore, pourraient se demander : comment est-ce que je reste en contact avec Moïse, les prophètes, Jésus et son évangile, saint Paul ? Comment est-ce que je garde mon cœur sensible au mal qui frappe les hommes ? Comment est-ce que j’identifie le Lazare qui est à ma porte ? Car c’est de cela qu’il s’agit : où est le Lazare à ma porte ? De celui-là, je suis responsable. Des autres, d’autres prendront soin, de sorte qu’il y ait comme un immense filet protecteur, dont je ne suis qu’une maille, mais il ne faut pas que cette maille lâche !
Ceux qui se sont trouvés proches des endroits où il y eu des attentats ou des tremblements de terre (et ni les uns ni les autres n’ont manqué cette année) sont souvent admiratifs devant le nombre de gens qui se mobilisent, donnent leur temps, leur compétence, leur disponibilité pour porter secours. Comme si, dans les moments extrêmes de la vie sociale, le meilleur de soi-même se réveillait spontanément et portait à la générosité. Quelque chose de fort peut se construire, au travers des désastres.
Mais il y a le quotidien, moins spectaculaire, mais tout aussi lourd à porter. C’est pour celui-là que cette parabole a été dite par Jésus. Ici, Lazare qui est-il ? Le pape François nous parle souvent de ce qu’il appelle les « périphéries » : les banlieues, les squatts, les hôpitaux…Il y a les migrants, qui, ayant dû tout quitter, se trouvent sans feu ni lieu. Il y a Calais. Il y a les villages qui se fabriquent ici et là, au cœur même des villes, ce qu’on appelle le Quart Monde. Il y a aussi, dans tous les espaces de la société bien des misères cachées, des souffrances tues. Là encore, bien des gens ne manquent pas à l’appel. Il y a les « assistantes sociales », il y a, dans les mairies, le bureau des réfugiés, il y a les bénévoles qui vont dans les hôpitaux ou les EPAD visiter les malades et les vieux. Il y a, en dehors de toute institution, ceux qui tâchent de faire face à une misère qui se manifeste.
Ce réseau de l’amour miséricordieux, nous le rejoignons pour notre petite part à la mesure de notre connaissance de l’évangile, de la présence à notre cœur de Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié. Et cela se fait grâce à notre écoute de Moïse, des prophètes, des évangiles. Réciproquement, notre engagement pour le pauvre au point de notre rencontre authentifie cette écoute
Deux choses, inattendues peut-être, nous aideront à ce que notre maille ne lâche pas dans le filet de l’amour. La première est de découvrir : Lazare, c’est moi. Les ulcères, les pauvretés, les mépris et toutes choses de ce genre, qui de nous n’a pas eus, n’a pas eu à en souffrir ? Si tu veux soulager le pauvre, accepte d’être pauvre toi-même. Si tu acceptes d’être pauvre, tu découvriras intuitivement le mendiant qui est à ta porte, car il n’y a que des mendiants à nos portes, et nous en faisons partie. Alors tu comprendras la seconde chose qui importe : celui qui qui aide et qui soulage, c’est souvent Lazare lui-même. Quand on s’approche d’un Lazare, peut-être faut-il d’abord l’écouter, l’entendre, découvrir la richesse cachée sous les lambeaux matériels ou humains qui le vêtent, la générosité dont il est capable, le bien qu’il peut faire. Peut-être ce qui se rencontre, ce sont deux mendiants. Alors on le soulagera, alors il nous soulagera : cela va ensemble. Un prêtre qui a passé sa vie dans les périphéries a écrit un livre intitulé « Les pauvres m’ont évangélisé » comme lui-même avait tenté d’évangéliser les pauvres. Tout est réciproque.
Ainsi, en méditant cet évangile, nous sentons grandir en nous l’espérance pour l’engagement pour tous, le bienfait pour tous et de la part de tous. (25 septembre 2016)
Année C - 25ème dimanche du temps ordinaire année (septembre 2016)
Am 8 4-7; 1 Tim 2 1-8; Luc 16 1-13
Homélie du F.Bernard
L’argent malhonnête, l’argent trompeur, l’argent d’injustice, pour être plus près du texte grec, l’argent sale, pour parler plus communément…Mais ces qualificatifs ne concernent pas vraiment l’argent, qui après tout n’est rien qu’une monnaie d’échange entre des biens, plutôt l’usage qu’on en fait. C’est l’homme qui est malhonnête, trompeur, injuste, dont le cœur peut être dit ‘sale’.
Cependant, nous le savons bien, nous pouvons nous laisser accaparer par les choses, fasciner par elles, tout particulièrement par l’argent qui donne le pouvoir. Nous pouvons aller jusqu’à tout lui sacrifier, notre temps, nos affections, notre conscience. Il devient alors le but de notre vie, une idole, un dieu, le dieu Mammon. Mammon, ce mot araméen se trouve deux fois dans notre évangile. Il signifie simplement ‘possession ou richesse’ dans la langue de Jésus. Mais utilisé par nous, il renvoie à cette parabole et désigne l’argent devenu dieu, le dieu Mammon.
La première lecture évoquait la situation sociale de l’Israël du Nord, la Samarie et la Galilée, au VIIIème siècle av.J.C., au temps du roi Jéroboam II, période de grande prospérité économique, mais aussi marquée par l’injustice sociale que le prophète Amos dénonce ici avec véhémence. Je cite :« Nous allons diminuer les mesures, augmenter mes prix, fausser les balances, acheter le pauvre pour une paire de sandales ». Toutes pratiques commerciales à la limite de l’honnêteté ou même franchement frauduleuses, accompagnées comme toujours du mépris du petit et du faible, en contradiction flagrante avec l’Alliance conclue entre le Dieu d’Israël et son peuple, qui condamne le vol et le mensonge, mais demande plus encore d’aimer son prochain comme soi-même.
Période de prospérité économique précaire, puisque quelques dizaines d’années seulement après la prédication d’Amos, le Royaume d’Israël, le Royaume du Nord sera absorbé par l’Assyrie et disparaitra pour toujours de la carte politique.
Ce rappel historique et ce passé prophétique nous aident à entrer dans l’intelligence de l’Evangile de ce jour. De quoi s’agit-il ?Une parabole de Jésus qui prend la suite des 3 paraboles de la miséricorde entendues dimanche dernier (Lc 15). Mais le public a changé. Jésus s’adresse maintenant à ses disciples. Une parabole mettant en scène un riche propriétaire agricole et son gérant, lequel n’agit sans doute guère autrement que les contemporains d’Amos. Mais la situation sociale a peut-être changé, et s’est-elle quelque peu moralisée. En tout cas le gérant malhonnête est repéré, dénoncé, sanctionné, licencié. Dans le peu de temps qui lui reste à la tête des affaires de son maître, il se livre à d’autres pratiques frauduleuses : il falsifie les factures du propriétaire, en diminue les montants, à la grande satisfaction bien sûr des clients, dont il se fait par là des amis pour l’avenir.
Le maître est au courant de ces nouveaux agissements, mais à notre grande stupéfaction il ne condamne plus son gérant mais fait maintenant son éloge de se faire ainsi des amis. Nous comprenons alors qu’une parabole n’est pas une petite histoire à prendre telle quelle : elle est une mise en situation destinée à nous faire réfléchir à notre propre existence. Jésus enseigne par là à nous faire des amis dans les ‘ demeures éternelles’ avec les biens périssables de ce monde présent.
Mais l’Evangile ne s’arrête pas là. Il comporte une suite qui continue à nous déconcerter. Ce gérant malhonnête, loué pour se faire des amis avec l’argent de son maître, le voilà qu’il est déclaré ‘digne de confiance pour une petite affaire’, les affaires de ce monde. En fait ces dernières paroles de Jésus évoquent plutôt une autre situation, celle de la parabole des talents, selon Matthieu, ou des mines selon Luc. La maître avant de partir pour un lointain pays confie à ses serviteurs sa fortune pour qu’ils la fassent fructifier. Il s’agit maintenant de faire preuve de diligence, de compétence, dans la gestion des biens, de telle sorte qu’à son retour le maître puisse dire au bon serviteur : « En peu de choses tu as été fidèle, sur beaucoup je t’établirai. »
La leçon est claire. L’argent trompeur, ce bien étranger, est mis à notre disposition non pas pour que nous nous laissions dominés par lui, et par là dominions nos frères, mais pour le bien de tous ceux dont nous avons la charge. Une chose est sûre : nous ne pouvons pas à la fois servir Dieu et L’Argent, Mammon.
Demandons au Seigneur d’éclairer nos consciences chaque fois que les biens périssables de ce monde accaparent trop notre cœur, et risquent de nous faire oublier notre destinée de fils et filles de Dieu. (18 septembre 2016)
Année C - 24° dimanche du Temps Ordinaire - 11 septembre 2016
Ex 32 7-14; 1 Tim 1 12-17; Luc 15 1-32;
Homélie du F.Vincent
Nous venons d’entendre un des plus beau texte de l’évangile de St Luc. Je ne parlerai que de la 3ème de ces trois paraboles, celle -si belle- du Père et des deux fils.
Avant d'aller plus loin, je voudrais m'arrêter sur un mot : nous lisons qu'au retour du fils prodigue, le père fut "saisi de compassion", d’autres traductions disent "pris de pitié ». C'est traduire beaucoup trop faiblement le mot grec correspondant esplagkinisté. Ce mot évoque un remuement d'entrailles. On dirait aujourd'hui de façon un peu crue : en le voyant, le père fut "pris aux tripes". Il ne s'agit pas d'une émotion à fleur de peau mais d'un bouleversement de l'être en profondeur. La voix du sang ! La joie du père surgit d'une crainte mortelle enfin réduite en cendres. "Mon fils était perdu et il est retrouvé. Il était mort et il est revenu à la vie".
Cette parabole nous parle essentiellement du PARDON. Le pardon pour Dieu est quelque chose qui le prend tout entier ; quelque chose qui vient des profondeurs de son Être.
Je disais que " saisi de compassion " ou "pris de pitié" était une traduction trop faible. Le mot " pardon " lui aussi risque dans notre langage courant de s'être un peu affadi, le pardon ce n'est pas l'oubli : on ferme les yeux parce qu'on ne peut pas faire autrement et qu'on veut avant tout sauvegarder sa paix.
Le pardon est un acte risqué ; il est l'acte des forts. Il existe là où quelqu'un menace effectivement une autre existence, l'existence d'un amour, l'existence d'une relation plénière entre deux êtres, comme ici dans la parabole des 2 fils.
Le pardon est un acte risqué car il est fondé sur l'espérance que la bonté, ouvrant au " malfaisant " un espace autre que sa logique du mal, le fera accéder à un autre choix moins inhumain, moins destructeur de la relation, de l'amour.
Le pardon est un acte créateur; accepté, il ouvre à nouveau à celui qui avait trahi, la possibilité de revivre ; la possibilité de recréer une nouvelle relation. Je lisais l'autre jour dans un commentaire sur l'enfant prodigue : " Le Père va pouvoir aimer son fils à nouveau... comme si rien ne s'était passé ". Et bien non ! Il ne s'agit pas d'une parenthèse qu'on referme. Il s'agit d'une re-création : "il était mort et il est revenu à la vie ".
Tout cela peut nous paraître bien abstrait, mais Jésus n'a pas pardonné abstraitement. Seul peut pardonner au tortionnaire, celui qui a été torturé. Si Dieu pardonne aux criminels sans s'être identifié à leurs victimes, son pardon est abstrait. Mais le pardon donné par Jésus au moment de sa mort : " Père, pardonne-leur " est un pardon qui est lourd de toute son histoire. Jésus vient d'être poursuivi, calomnié, bafoué, ridiculisé, condamné, et il meurt comme un criminel et un blasphémateur. En pardonnant, Jésus espère que la logique de mort dont il est victime n'aura pas le dernier mot. Le pardon de Jésus sur la Croix, comme tout pardon, dont il est le sommet, ouvre la possibilité d'un avenir.
Car oui, le pardon ouvre un avenir, et l'attitude du fils aîné, dans notre parabole (en comparaison de celle du père) peut nous éclairer sur ce point. L'homme qui s'enferme dans la haine, ou comme ici dans la jalousie, désire éliminer celui qu'il hait ou qu'il jalouse. Il souhaite l'enclore dans la mort, de sorte qu'il n'existe plus pour lui - et c'est bien ce qui se passe ici où le fils aîné refuse de se joindre à la fête, refuse de reconnaître que son frère qui était mort est revenu à la vie.
Seul le pardon est créateur de vie, est re-créateur de vie et permet de repartir - tout en assumant le passé - sur des bases nouvelles. Il y a comme une fragilité dans cette vie qui renaît, dans cet amour qui repart après la faute et le pardon. Et c'est ce qui fait toute sa beauté.
Jésus nous dit, dans la parabole des 2 fils, que Dieu lui-même a fait cette expérience, et la joie qu'il éprouve à pardonner, le saisissement qui l'envahit quand il retrouve ses enfants, c'est l'émotion de celui qui voyait déjà détruit ce qu'il aimait et qui frémit encore de ce qui serait arrivé s'il n'avait pu les retrouver, s'il n'avait pu, en leur pardonnant, les rendre à la vie. Le pardon après la faute c'est comme la Résurrection après la mort ; c'est le point de " re-départ" pascal.
La mort du Christ nous révèle ce qu'est la toute-puissance de Dieu ; qu'elle est une toute-puissance de pardon car le pardon c'est la gratuité même de l'amour.
Et l’Eglise est la communauté des pardonnés de Dieu. L'Église devrait être aussi la communauté de ceux dont l’amour fraternel est toute miséricorde et tout pardon, cet entier pardon qui est une chose divine que nous n'apprenons que de Dieu.
Nous allons entrer dans l’eucharistie, nous dirons aussi tout à l’heure « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons » ; reprenons conscience que nous sommes des pardonnés de Dieu et que cela nous invite à être à notre tour des pardonnants. (11 septembre 2016) FIN
année C - OBLATION REGULIERE
DE F. XAVIER BOUTIOT
Messe 23e dimanche ordinaire
04 septembre 2016
1 S 3, 1-10, 19-20 ; Rm 12, 1-13 ; Lc 14, 25-33
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
En écoutant cet évangile, on peut se dire que Jésus a une curieuse manière de faire du recrutement ! Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne cherche pas à séduire ! Maitre admiré, il ne veut pas susciter l’engouement autour de sa personne. Ceux qui voudraient le suivre, il prend grand soin de les inviter à évaluer ce que cela signifie. Qu’ils prennent toute la mesure de leur désir avant de construire et d’engager le combat…
En ce jour de son oblation, f. Xavier choisit de prendre résolument le chemin du disciple à la suite de Jésus dans la vie monastique. Il y a plusieurs manières d’être disciple de Jésus. La vie monastique en est une marquée par une sorte d’urgence en vue du Royaume. Qu’est-ce qu’être disciple de Jésus dans la vie monastique ? Les différentes lectures entendues peuvent permettre d’en dégager quelques traits.
Le petit Samuel dans la première lecture a eu du mal à comprendre que le Seigneur lui parlait. Guidé par le prêtre Eli, il a appris à se tenir en présence du Seigneur afin de l’écouter. « Parle Seigneur, ton serviteur écoute ». Samuel a tâtonné, f. Xavier aussi a cherché avant de reconnaitre plus clairement la voix du Seigneur. La vie monastique qu’il choisit va être une école pour apprendre à écouter toujours plus finement, plus filialement… « Ecoute mon fils » sont les premiers mots de la règle qui font écho à la parole fondatrice pour notre foi juive et chrétienne : « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique, tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur »… La vie de tout disciple consiste en une écoute attentive et aimante de notre Dieu qui se plait à entrer en relation avec nous. La vie monastique ne vise pas d’autre but, si ce n’est qu’elle propose une pédagogie très concrète afin de faire qu’en toute notre vie, nous demeurions à l’écoute. Ecoute des cloches pour aller à l’office alors qu’il nous en coûte de s’arracher à un travail ou à une rencontre. Ecoute de la Parole dans les offices de prière qui jalonnent la journée et dans la lectio divina chaque matin. Ecoute du frère qui demande un service. Ecoute du P. Abbé qui donne une charge ou un emploi. De manière très concrète, à travers la cloche, la liturgie, le frère ou le P.Abbé, c’est la voix du Seigneur que le moine est invité à reconnaitre et à accueillir. Voix qui appelle à sortir de soi pour aller à la rencontre de Celui veut notre bonheur.
Dans la seconde lecture, Paul invite les Romains auxquels il écrit, à « présenter à Dieu votre corps, votre personne tout entière, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu ». En réponse à la Parole entendue et écoutée, l’offrande de soi tout entier est un culte capable de plaire à Dieu. Et Paul poursuit en exhortant chacun à vivre cette offrande de soi au sein de la communauté chrétienne. Chacun a un don qu’il peut mettre à disposition de tous : servir, enseigner, donner du réconfort ou diriger. Ainsi l’offrande de soi se conjugue inséparablement en don de soi pour les autres afin d’édifier la communauté. En faisant oblation ce matin, f. Xavier désire apprendre au sein de notre communauté un don plus profond de lui-même à Dieu. Il a connu ce que veut dire quitter une profession, se détacher de ses biens, quitter sa famille, il désire apprendre plus profondément l’offrande de lui-même au gré des relations fraternelles. St Paul invite à rivaliser de respect les uns pour les autres ; St Benoit fait sienne cette exhortation et ajoute : « ils supporteront sans aucune impatience leurs infirmités corporelles et morales ». Ainsi l’oblation de soi va s’approfondissant en apprenant à porter les frères, à les supporter non comme un poids mais comme des frères qui ont besoin de ma patience et de ma sollicitude, comme moi j’ai besoin de la leurs. Long chemin qui n’est pas sans douleur. St Paul nous encourage : « ayez la joie de l’espérance, tenez bon dans l’épreuve, soyez assidus à la prière ».
Dans l’évangile, Jésus invite le disciple à prendre sa croix… Exigence bien difficile à comprendre. Nous ne le pouvons qu’en regardant Jésus prendre la sienne. Nous le ne pouvons qu’à la lumière de la résurrection qui lui donne tout son sens. Sur la croix, Jésus affronte toutes les forces du mal et la mort. Il les ressaisit en les offrant à son Père avec l’offrande de lui-même afin que tout soit renouvelé dans la Vie. Le disciple qui est invité à prendre sa croix, devra affronter les forces obscures du péché, le sien et celui des autres, les force de la mort aussi pour en faire une offrande unie à celle de Jésus. St Benoit engage le moine à partager les souffrances du Christ par la patience et la persévérance. La patience qui est offrande de soi jour après jour, disponibilité aux autres, renoncement à soi pour être plus au Christ… Voilà la manière très cachée dans laquelle f. Xavier va porter avec nous sa croix. Notre prière l’accompagne pour que le Seigneur lui donne sa force et sa joie. Nous rendons grâce aussi au Seigneur d’être ainsi nous-mêmes encouragé sur le chemin par ce don que f. Xavier fait de lui-même. Avec lui, nous voudrions que toute notre vie soit « une offrande qui puisse glorifier Dieu », lui qui « donnes la grâce de le servir avec droiture et de chercher la paix » comme nous le prierons à l’offertoire. (4-09-2016)
Année C - 22 Dimanche du T.O.- 28 Août 2016
Ben Sira 3,17-18.20.28-29…Hé 18-19.22-24a…Luc 14,1.7-14
Homélie du Frère Antoine
Dans cet Evg, nous sommes mis en face de deux réalités parfois difficiles à assumer et auxquelles le Christ, à l’aide d’une parabole, nous donne une orientation.
La première, c’est notre capacité de choix, c’est-à-dire l’exercice de notre liberté.
La deuxième, c’est la qualité de notre accueil, notre faculté à entrer en relation.
L’exemple donné par Jésus est celui du choix de la première place… Une place qui est une
des valeurs de notre société dans bien des domaines où elle manifeste la reconnaissance d’une compétence ou d’une performance reconnue.
Jésus situe ses exemples dans trois cadres :celui des Noces puis d’un dîner, et enfin d’une réception. Ces exemples nous posent la question :
Quand il y a une place de libre qui nous offre de réels avantages...une place qui va nous honorer ou nous permettre d’être mieux servi…
Où va notre premier mouvement ?.. où nous dirige notre instinct … ?
Jésus avait remarqué que les invités d’un repas s’empressaient de choisir les premières places, signes qu’elles étaient les meilleures.
Et nous, chrétiens, baptisés dans l’Esprit, disciples de Jésus, orientés Eucharistie après eucharistie à marcher sur ses traces, à aimer comme lui notre prochain… Comment réagissons-nous …devant les avantages que l’existence… le hasard de la vie… certaines situations… peuvent nous offrir et si on y regarde de plus près, c’est souvent aux dépends d’autrui ou aux dépends de nos proches en famille, par exemple à la suite d’héritage
Finalement, où s’oriente le plus facilement notre liberté quand elle peut s’exprimer ….?
L’enseignement de Jésus est dans la droite ligne du sermon sur la montagne.
Il résume la vie et l’Incarnation de Celui qui de condition divine a pris la condition de serviteur. « Quiconque s’élève sera abaissé et qui s’abaisse sera élevé »….
Ces paroles ne sont pas en consonance avec le monde impitoyable d’aujourd’hui.
L’enjeu profond auquel nous sommes tous appelés par Jésus, c’est de nous dessaisir de tout jugement sur notre propre valeur pour nous en remettre à ce que Jésus nous invite… en particulier à la fin de l’Evg où il nous propose d’aller encore plus loin, en accueillant lors d’une réception… des personnes en difficultés, des personnes qui ne sont pas capables de rendre la pareille et ainsi, d’avoir le courage de prendre le chemin d’une rencontre en vérité, une rencontre de personne à personne, et de découvrir les richesses que chacun porte dans son cœur quelque soit ses apparences et son statut social.….
Frères et Sœur, nous qui participons à cette célébration eucharistique d’aujourd’hui nous pouvons aussi reconnaître que tous, nous sommes quelque part ces pauvres, ces boiteux, ces estropiés que le Sgr rassemble et nourrit, et que nous sommes appelés à exprimer notre action de grâces et notre foi en Celui qui, en cette année de la Miséricorde, nous invite tous, à ouvrir notre cœur et à orienter notre vie…. vers l’Evg. (28/08/2016)
Année C – 21° dimanche du Temps Ordinaire – 21 aout 2016
Is 66 18-21 ; Heb 12 5-13 ; Luc 13 22-30
Homélie du F.Jean Noël
Jésus donc enseignait, on pouvait lui poser des questions. Mais cette fois, question indiscrète(le nombre des sauvés) ou question trop académique ? Jésus ne réponds pas ; ou plutôt, la question un trop « bateau », il la retourne et en fait une urgence vitale, personnelle : « Toi, efforce-toi d’entrer par la porte étroite ». « Efforce-toi » et on nous dit que c’est mal traduit ; « efforce-toi », ce n’est pas « faire un petit effort » – c’est « battez vous pour entrer par la porte étroite » ! Et l’on sait par une autre page d’Evangile qu’il faut être prêt à y laisser un œil, un bras ou une jambe. « Oui, battez vous, la porte est étroite » Et Jésus ajoute : « Ne vous faites pas d’illusion ; il y aura des surprises.
Mais alors, ces douze portes de la Cité Sainte de l’Apocalypse, toujours ouvertes ; plutôt des arcs de triomphe pour accueillir les vainqueurs de la grande épreuve, foules innombrable des nations, langues et tribus (cf la 1° lecture).
Et encore ce festin pour toutes les nations d’où qu’elles viennent. Les vêtements de fête, la musique et les danses tout est prêt… Et ces serviteurs envoyés chercher les distraits qui traineraient encore dans les impasses ou les chemins creux ; le Père en personne sortant même dehors pour convaincre les récalcitrants : « Entre, mais entre donc ! Tout cela est pour toi » Et on se souvient du larron rattrapé in extremis…
Et bien sûr encore – on nous le rappelle sans cesse - en cette année jubilaire - les portes de miséricorde – innombrables – sont partout ouvertes. Même dans les prisons, avait demandé le Pape François.
Jésus lui-même, un jour, l’avait déclaré : « Venez les bénis de mon Père. C’est son bonheur de vous donner le Royaume- Je suis la porte – Viens aujourd’hui : Battez vous pour entrer par la porte étroite – Battez vous !
Jésus serait-il « la porte étroite » ?
Ce qui est étroit, c’est notre marge de manœuvre : Suivre Jésus c’est Oui ou c’est non – pas d’autre alternative. Ce qui est étroite, c’est le jeu de ma décision – pas 36 options – tellement que c’est tranchant. Oui, c’est Oui. Non, c’est Non. Ca peut faire mal. Encore une fois, on peut y laisser un œil, un bras, une jambe, et beaucoup d’autres choses. Mais au dire de St Paul, ce ne serait encore rien à côté du don sans prix qu’est Jésus –Christ ; grande joie déjà annoncée aux bergers, à Marie … et à combien après eux qui se sont bougés.
Les quelques pas que nous ferons pour communier seront grande chose :
- Justement nous insérer dans l’immense caravane de toutes tribus, langues et nations de ceux qui ont répondu à l’appel du Christ : Venez à ma suite.
- Et ensemble, comme le demandait la prière d’ouverture de cette célébration, nous établir fermement – déjà par le désir
– là où se trouve la vraie joie.
Entendre ce que dit st Benoît à qui panique devant l’étroitesse de la porte.
- Ne va pas fuir,
- Mais très instante prière pour ce qui dépasse tes forces
- Alors Dieu aidant, tu passeras.
Prions les uns pour les autres.
Année C - ASSOMPTION - 15 aout 2016
Ap 11,19a, 12, 1-6a.10ab; 1 Co 15, 20-27a; Lc 1, 39-56
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Vous avez remarqué qu’au début de la messe, avant l’oraison d’entrée, à l’invitation « prions le Seigneur », les frères se sont inclinés, puis se sont relevés et se sont tournés vers l’autel, pendant que l’oraison était dite… Ce geste d’inclination veut être un geste de préparation corporelle pour entrer davantage dans la prière qui va être prononcée ensuite. Il nous tourne vers Dieu. Il nous rend attentif à la prière qui est prononcée au nom de tous, et que chacun est convié à faire sienne. En effet, les prières dites sont des guides précieux pour nous apprendre à nous adresser à Dieu. Les prières de cette fête de l’Assomption sont particulièrement riches. Eclairées par les textes de l’Ecriture que nous venons d’entendre, elles nous font faire faire un chemin. Je voudrais les reprendre.
La prière d’entrée rappelait ce qui nous réunit aujourd’hui : le fait que Dieu ait fait monter jusqu’à la gloire du ciel, avec son âme et son corps, Marie, la Vierge immaculée, mère de son Fils. Ainsi est affirmée la foi de l’Eglise en ce privilège de Marie, d’avoir été élevée auprès de son Fils Jésus, sans connaitre la corruption de son corps. Marie partage par avance la Gloire de Jésus, « Lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis », comme le proclamait Paul aux Corinthiens. La prière poursuivait en demandant que « nous demeurions attentifs aux choses d’en haut pour obtenir de partager sa gloire ». Que nous demeurions attentifs aux choses d’en haut… Cette fête de l’Assomption est comme une fenêtre ouverte sur le ciel. Elle nous rappelle que notre réalité humaine s’ouvre sur un avenir heureux. Les choses d’en haut, la Gloire de Jésus, l’Assomption de Marie viennent éclairer notre vie terrestre, avec son lot de souffrances et de tâtonnements, mais aussi avec toute sa quête de justice, d’amour et de vérité. Etre attentifs aux choses d’en haut, ce n’est pas fuir cette réalité présente parfois difficile. Mais c’est laisser notre réalité être habitée par une confiance en la Vie plus forte que la mort, une confiance en l’Amour plus fort que la haine, comme la parole de nos évêques l’a proclamé au lendemain des attentats de Nice et de St Etienne du Rouvray.
Je voudrais m’arrêter sur la prière qui sera dite sur les offrandes : « tandis qu’intercède pour nous la très sainte Vierge Marie, emportée au ciel, que nos cœurs, brûlants de charité, aspirent toujours à monter vers toi ». Nous présenterons nos offrandes, le pain et le vin, symbole de notre travail et de nos luttes diverses, pour les unir à celle du Christ. L’intercession de la Vierge Marie nous est assurée, elle qui prie pour nous pécheurs. Marie montée au ciel reste très présente à nos côtés, dans nos combats contre le mal, signifié par le dragon dans la première lecture. Nous demanderons enfin à Dieu que nos cœurs, brûlants de charité, aspirent à toujours monter vers Lui. Après la grâce d’être attentif, nous demandons celle du désir. Grâce d’un désir de Dieu plus grand qui signifie dans le même temps : grâce d’un désir d’être plus libre au regard de qui nous entrave dans notre élan pour aimer vraiment. Chacun de nous connait ses lieux plus intimes où des choses peuvent nous entraver, nous nouer dans notre marche vers Dieu et vers les autres. En ce jour, appuyé sur l’intercession de Marie, nous présentons nos vies à Dieu, en lui demandant de faire grandir notre désir, un désir plus libre, d’aller à sa rencontre.
A la fin de cette célébration, après avoir reçu le Corps et le Sang du Christ, nous demanderons « de parvenir à la gloire de la résurrection ». Etre attentif aux choses d’en Haut, les désirer plus ardemment, pour parvenir nous aussi à la gloire de la résurrection, tel est le but espéré de notre existence chrétienne. Nous ne savons que balbutier sur la réalité de la gloire de la résurrection. En Jésus, apparu vivant à ses apôtres, nous entrevoyons la lumière joyeuse de ce mystère. Et en Jésus Vivant, reçu en son Corps et en son sang, en cette eucharistie, nous participons dans la foi, à cette vie divine qui transfigurera tout notre être. Avec Marie, nous pouvons déjà attester que « le Seigneur fait pour nous nous des merveilles », quand le recevons à la communion. Nous recevons en germe cette vie et cet amour promis à Abraham et à sa descendance à jamais.
Frères et sœurs, laissons-nous guider par cette célébration sur le chemin de la Vie. (15 aout 2016)
Année C 20e dim TO - 14 août 2016
Jér 34/4-6,8-10, He 12/1-4, Lc 12/49-53.
Homélie du F.Cyprien
Jérémie, abandonné dans un puits, qui s’enfonce dans la boue et va périr, Jérémie figure du Christ persécuté, figure de Jésus traversant l’angoisse de sa passion…
… On s’étonnera toujours de la cruauté des bourreaux : ceux-ci ne se rendront peut-être jamais compte de ce qu’ils ont fait à des êtres semblables à eux…
L’épitre aux Hébreux resitue le combat contre le mal ; le combat contre le mal, c’est le combat pour se débarrasser du péché, un combat d’endurance… épreuve à vivre « les yeux fixés sur Jésus » … la si belle expression : « les yeux fixés sur Jésus »…Et à la fin de cette 2e lecture : « Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché ». « Jusqu’au sang… » : c’est-à-dire accepter de perdre sa vie pour ne pas être séparé de Dieu… Rien que ça… !
C’est dans cette perspective radicale que l’Evangile nous présente Jésus non pas comme un diviseur, mais celui qui provoque la division, parce qu’il nous faut un jour prendre parti pour ou contre lui…
Jésus a été traité de Béelzéboul, de diviseur, de diable par ses adversaires. Diabolos, ce qui sépare # symbolos, ce qui rassemble. Ses accusateurs n’avaient pas raison… ils se trompaient sur la nature de la division provoquée par Jésus… Car…
…* Il y a ceux qui acceptent l’Evangile et ses exigences, qui acceptent de lutter contre le péché…
* et il y a ceux que l’absence de Dieu ne dérange pas, ceux pour qui commettre le mal n’a pas d’importance. Dans les Psaumes, ceux-ci sont appelés les « impies », « les « méchants ».
« Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ». Ce baptême dont parle Jésus est celui du sang, la plongée dans la souffrance, la souffrance qui conduit inéluctablement à la mort. La Passion de Jésus donne la mesure du combat livré …pour aimer jusqu’au bout, pour ne pas céder à la violence en réponse à la violence. L’exemple du Christ nous donne la mesure du combat…pour les disciples …à sa suite.
Sous l’empire romain on traitait les chrétiens d’athées, et ceux-ci avaient bien saisi l’enjeu du témoignage à donner, témoignage à la personne et au message de Jésus.
Le feu que Jésus apporte sur la terre n’est pas celui des pillages et des destructions, des assassinats sauvages et de la haine qui se propage si bien…
Il y a violence et violence. Le feu que Jésus apporte est le feu d’un Amour fou, amour de Miséricorde et de pardon, en toute circonstance, à l’égard de tous… feu d’un cœur ouvert, vulnérable à la tragédie du mal, ce mal que les hommes savent si bien faire exister et répandre.
Si le père et le fils, si la mère et la fille se divisent, c’est à cause de Jésus et des exigences de ce témoignage à donner au Christ… ce Jésus, envoyé de Dieu, mort sur la Croix.
Lui-même avait bien dit aussi : « Vous serez détestés de tous à cause de moi, livrés même par vos parents, vos frères, votre famille », « on aura pour ennemis les gens de sa propre maison »…
F. Hubert, il y a quinze jours, commentait l’Evangile du riche insensé, il disait que ce n’était pas facile d’entendre certaines paroles pendant l’été, moment où l’on a besoin de se reposer, de refaire ses forces.
La parole d’aujourd’hui est plus radicale encore, et je trouve qu’elle vient à point pour savoir la direction …à ne pas prendre ! La violence et la haine (en paroles, en désirs, en actes), les combattre par la douceur, par la justice et le pardon, un amour persévérant, inconditionnel pour le prochain. Ce feu est le feu qui vient de Dieu ; cette violence-là, ce « contre-feu » aura toujours la douceur et l’humilité que seul peut mettre en nous l’Esprit de notre Dieu: …A Pentecôte nous chantons cette hymne:
Comme l’Esprit et sa violence
Qui pourrait le contenir ou l’étouffer ?
Rien ne résiste à sa force,
Amour du Père et de son Fils …
« Rien ne résiste à sa force »…dans le cœur qui s’ouvre.
Ce feu, il peut être la vie même de Dieu en nous. « Amour du Père et du Fils ». Laissons la vie divine nous envahir, nous transformer radicalement. Chrétiens, nous savons que le règne de Dieu est à ce prix.
…« Jusqu’au sang », … « les yeux fixés sur Jésus ».
14 août 2016
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Année C - 19e Dimanche du Temps Ordinaire — 7 août 2016
Sag 18 6-9; Heb 11 1-19; Luc 12 32-48
Homélie du F.Sébastien
Étonnante liturgie avec ses surprises !« En ce temps-là Jésus disait à ses disciples » — et voilà que, - comme par un coup de baguette, non pas magique, mais liturgique, Jésus est vraiment là, vraiment, et nous en train de boire ses paroles. À son habitude il a commencé par nous regarder, un par un, amoureusement, et tous ensemble, à regarder attentivement ce qui se vit aujourd’hui dans notre monde, de l’Extrême Orient à l’occident, dans le calme comme dans les explosions. Il voit, il sait.
Avez-vous bien entendu la parole par laquelle Jésus ouvre l’Évangile de ce dimanche ? : « Sois sans crainte, petit troupeau ». N’aie pas peur ! Ta force est dans ta faiblesse, quand elle se blottit entre les mains de ton Père tout puissant. N’aie pas peur !
Le premier devoir des croyants n’est-il pas de se le dire et de le redire autour d’eux, en paroles ou par des actes ?. C’est bien ce que faisait Julienne de Norwich avec sa communauté aux heures noires du début de l’horrible guerre de Cent ans. Elle ne cessait de lui rrépéter : « All shall be well », tout finira bien, l’amour aura le dernier mot ». Et quand elle parlait, la paix entrait dans les cœurs troublés. On repartait à neuf dans un monde, certes resté en l’état, mais investi par la promesse : « L’amour aura le dernier mot. » C’est sûr !
Nous voici préparés à entendre la première lecture. Elle nous transporte aux origines du peuple hébreu dont nous sommes les héritiers. Je lis : « La nuit de la délivrance pascale avait été connue d’avance par nos Pères ; assurés des promesses auxquelles ils avaient cru, par lesquelles ils étaient dans la joie.» Ils étaient passés du drame à la joie de croire que tout est dans la main du vrai Dieu.
L’auteur du livre de la sagesse que nous avons entendu dans la deuxième lecture parle, avec le dessein d’aider les croyants de son époque à faire face aux épreuves, épreuves en vue, ou imprévisibles. Par quelles aides ? Il en cite deux, essentielles. D’abord en prenant conscience que les Pères du peuple des croyants savaient, pour l’avoir lu et médité dans leur Bible et célébré dans leurs liturgies, ce qu’avait été la délivrance pascale, relue avec les lumières qu’apportent le recul, la prière, les expériences spirituelles. Quand on sait le sens de l’épreuve, on est plus fort, plus forts que les adversités. Deuxième aide qui permet de se prémunir : les croyants s’appuient sur les promesses que Dieu a faites aux ancêtres dans le passé, promesses qui les avaient confortés, et qui sont toujours actuelles.
Telle est bien aussi la situation des croyants d’aujourd’hui. Traversant la longue nuit pascale de toujours, assurés par les promesses certaines, ils sont invités à la joie, à la joie de la foi.
Mais quelle foi ?
C’est alors que la deuxième lecture arrive à point nommé avec le fabuleux chapitre 11 de l’épître aux Hébreux. On y voit défiler l’immense cohorte de nos ancêtres qui, au long des siècles, depuis l’origine de l’humanité, ont su toucher le cœur de Dieu au point qu’il en fit son peuple, sans y regarder de trop près. Non comme des saints de vitrail plus ou moins retouchés, mais chacun à sa petite manière, depuis les plus scabreuses, voire scandaleuses, jusqu’aux plus purement mystiques, des chefs d’œuvre de sa grâce.
Et nous voici arrivés à la question cruciale : oui, mais par quel secret surent-ils plaire à Dieu ? Ne serait-ce pas tout simplement par leur manière toute personnelle de se glisser, parfois à leur insu, dans le peuple des croyants et là d’y partager la confiance commune envers le vrai Dieu. Une confiance aux formes multiples que l’auteur rassemble sous le terme un peu flou de la foi.
Confiance en quoi, en qui ? En celui que l’Évangile d’aujourd’hui nous présente comme toujours absent, toujours attendu, en décalage avec notre temps des calendriers, des horloges, nous attirant doucement dans le sien : à vrai dire non pas absent – ce n’est pas chic de lui dire cela - mais habilement caché dans notre présent. Il y affleure quand il le juge bon, par mille petites attentions qui nous tiennent en haleine. L’absence rend présent dans le désir. Notre Dieu est un pas encore déjà là. Et cela change tout.
Je termine par une petite remarque. Tous les textes de ce jour attirent l’attention sur l’importance capitale du temps, du rapport au passé et aux promesses qui fondent l’avenir, sur la gestion de l’intendant qui garde présent à l’esprit le retour imprévisible du maître, attendu ou redouté, sur la prévoyance, sur la confiance. À quelque niveau que ce soit, la qualité de notre vie, matérielle ou spirituelle, dépend de notre façon de vivre le temps. La sagesse apprend à le mettre de notre côté, à en faire un ami, un allié, jamais un adversaire qui empêche de dormir.
C’est facile à dire, mais pratiquement comment faire ? Peut-être en apprenant doucement à donner son temps à Dieu pour qu’il nous apprenne à entrer dans le sien, et alors bien des problèmes disparaissent.
Je termine avec le poème bien connu d’une religieuse tuée en Algérie le 11 novembre 1995, il peut parler à notre cœur profond.
Vis le jour d’aujourd’hui :
Dieu te le donne, il est à toi ;
Vis-le en lui.
Le jour de demain est à Dieu,
il ne t’appartient pas.
Ne porte pas sur demain
le souci d’aujourd’hui.
Demain est à Dieu ; remets-le lui.
Le moment présent est une frêle passerelle :
si tu le charges de regrets d’hier,
de l’inquiétude de demain,
la passerelle cède et tu perds pied.
Le passé ? Dieu te pardonne.
L’avenir ? Dieu te le donne.
Vis le jour d’aujourd’hui
en communion avec lui.
7 aout 2016
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Année C - TRANSFIGURATION - 06 août 2016
(Dn 7, 9-10, 13-14 ; 2P 1,16-19 ; Lc 9, 28b-36)
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Notre foi chrétienne vit de paradoxes qui permettent toujours de laisser sa juste place au mystère de Dieu et du Christ dont elle veut témoigner. Ainsi dans ce récit de la Transfiguration où tout nous porte à contempler cette lumière fulgurante, la voix du Père exhorte à écouter le Fils qu’il a choisi. Non pas nous arrêter à contempler cette vision si réconfortante et bienfaisante, mais écouter la voix du Fils, qui se prépare à monter à Jérusalem. Si nous nous reportons à la fin de la vie de Jésus, au moment de sa mort, c’est le mouvement inverse qui se produit. Sur la croix, le Fils mort ne peut plus parler, il n’y a qu’à regarder… « Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé » relit St Jean. Là où le regard voudrait spontanément se détourner, il s’arrête sur la réalité de ce corps mort pour y voir l’espérance d’une vie nouvelle : le sang et l’eau qui coulent du côté transpercé…
Ainsi en est-il du mystère de Jésus le Christ : nos yeux humains ne peuvent finalement l’approcher au plus près que sur la croix, et de là, apprendre à le reconnaitre dans sa gloire de ressuscité. A la Transfiguration, les apôtres ne pouvaient qu’entrevoir sa dimension glorieuse, pour mieux traverser l’épreuve de la Passion et l’accueillir à l’heure de la Résurrection.
Aujourd’hui encore, nos yeux doivent apprendre à regarder Jésus, et à le contempler dans la faiblesse de notre humanité. Lui-même nous exhorte à le reconnaitre et à le servir dans le plus démuni, le pauvre, le malade, l’étranger. La lumière de la Transfiguration de Jésus, accomplie en sa Résurrection, demeure dans notre cœur de croyant, comme l’expression d’une beauté en germe pour tout homme. Tout homme est porteur de cette beauté qui s’épanouira dans le monde à venir. Mais comme nous l’entendions cette nuit, le soin de nos corps humains, le nôtre et celui des autres, peut être une belle école d’espérance vécue concrètement. Prendre soin, ne pas maltraiter, respecter, rechercher l’unité de tout l’être. Car chaque être en ce monde est porteur d’une beauté et d’une dignité immense dans le regard de Dieu, beauté à la ressemblance du Christ qui s’est fait semblable à nous.
En cette eucharistie, nous remercions Dieu de nous avoir donné part à cette beauté, en Jésus, mort et ressuscité pour nous. Et nous accueillons déjà sa Vie de ressuscité afin qu’elle « nous fasse ressembler davantage à Lui ».
6 aout 2016