Homélies
Liste des Homélies
Année A -HOMELIE DU 2ème DIMANCHE DE L’AVENT
Isaïe 11,1-10 ; Rom 15,4-9 ; Matthieu 3,1-12
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Les 4 lectures de la liturgie de la Parole que nous venons d’entendre nous invitent à méditer sur l’attente messianique qui est le thème central du Temps de l’Avent
Les deux premières, Isaïe et le psaume responsorial situent cette attente dans un futur plus ou moins éloigné : l’évangile, lui, avec Jean Baptiste, annonce cette venue comme imminente et il appelle à une conversion urgente. Pour Saint Paul l’attente est en partie réalisée : le Messie est venu, il est déjà là dans la personne du Christ Jésus, mais l’adhésion des juifs et des nations à son message et la réconciliation définitive en lui sont encore à venir : les chrétiens doivent vivre encore dans l’attente des derniers temps.
Revenons aux 2 premiers textes dont la force poétique et théologique ne sauraient nous échapper, si nous sommes attentifs aux paroles et aux images. En les entendant, j’ai été frappé de leur convergence avec la lettre encyclique de notre pape François : « Laudato Si’ », consacrée à une écologie intégrale pour notre temps et sur la sauvegarde de notre maison commune.
Isaïe annonce une ère messianique où la création toute entière sera réconciliée et où les pauvres, les petits seront jugés avec justice. Le Messie, avec droiture, se prononcera en faveur des humbles du pays. La justice sera la ceinture de ses hanches, la fidélité la ceinture de ses reins. Et il poursuit par une grande évocation de cette réconciliation au sein même de la nature, entre tous les animaux : l’agneau, le loup, le léopard, le chevreau, le veau, la vache, l’ours, le cobra, la vipère et j’en oublie. Cette liste est impressionnante : on est en pleine ambiance franciscaine, et ce qui est le plus étonnant, c’est la place des petits dans ce concert d’animaux : leurs petits auront même gîte. C’est un petit garçon qui les conduira. Un nourrisson s’amusera avec un cobra, de même qu’un enfant étendra sa main sur le trou de la vipère. Le principe de petitesse sera mis en avant, selon la pensée de Laudato Si’, dans la ligne de l’évangile où il nous est dit que le Royaume des Cieux appartient à ceux qui ressemblent aux enfants.
Et le psaume 71, que nous avons chanté en responsorial ne fait que reprendre ces thèmes du texte d’Isaïe : « en ces jours-là, fleurira la justice, grande paix jusqu’à la fin des lunes. Le Roi Messie fera droit aux malheureux, il délivrera le pauvre qui appelle. Il aura souci du faible, du petit, dont il sauve la vie. »
Ce message prophétique et messianique d’écologie intégrale est bien actuel. Le Pape François veut nous rendre attentifs à la situation de notre planète-terre. Il alerte la communauté humaine sur les dangers que la domination d’une minorité de riches et de puissants fait peser sur l’avenir de la nature , de sa biodiversité, mais aussi sur l’avenir de notre humanité. Il mentionne dans sa lettre encyclique, à la suite de Saint François, nos frères les oiseaux et les lys des champs, nos sœurs, l’eau, la terre et ses plantes dont il appelle à prendre soin. La détérioration de la qualité de vie humaine et sociale est inséparable et est en corrélation avec la détérioration de la nature et de cette forme de guerre entre les êtres vivants.
D’où la nécessité d’une réconciliation , ce qui suppose une réelle conversion. Et là nous en arrivons à la parole de Jean-Baptiste : « convertissez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche ». Le temps de l’Avent est un temps favorable à un effort de conversion. Le pape évoque la nécessité de changer de paradigme, certains diraient changer de logiciel. Je le cite : « la conscience de la gravité de la crise culturelle et écologique doit se traduire par de nouvelles habitudes, un changement dans les styles de vie, un abandon d’une forme de société de consommation obsessionnelle »
La conversion dont il s’agit doit nous faire revenir à une sobriété heureuse, une vie plus simple, où les biens de la terre seraient partagés entre nous et non pas réservés à une minorité vorace. La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété et une capacité de jouir avec peu, avec les choses les plus simples de la vie. Les chrétiens devraient avoir moins de besoins insatisfaits, abrutissants ; ils devraient être moins fatigués et moins tourmentés.
Ce programme, engagé dans une conversion, devrait alors amener les hommes à vivre une réelle « fraternité universelle », comme aimait à le souligner le bienheureux Charles de Foucauld, fêté jeudi dernier et qui se présentait lui-même comme « frère universel » .
C’est bien aussi le sens de la lecture de la lettre de Saint Paul aux romains quand il déclare : »accueillez-vous les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis pour la Gloire de Dieu ». Sans discrimination de personne : les juifs, en fidélité aux promesses que Dieu leur avait faites, les nations païennes, en raison de la miséricorde de ce même Dieu à leur égard.
Nourris par ces textes de la Parole de Dieu, et éclairés aussi par la parole de notre Pape, nous avons le devoir de les faire passer dans chacune de nos vies et nous pouvons alors maintenant entrer dans la grande prière eucharistique de l’Eglise, qui nous fait communier au repas du Seigneur, anticipation de la vie dans le Royaume des cieux.
AMEN
4 décembre 2016
Année A - 1 er Dimanche de l'Avent - 27 Novembre 2016
Isaïe 2,1-5 Romains 13, 11-14a Matthieu 24,37-44
Homélie frère Antoine
Frères et sœurs, .Dès ce 1 er jour de l'année liturgique, le texte de l'Evg fait
preuve d'un grand dynamisme ... d'une grande confiance en l'homme. !
Sans préambule, Il nous lance dans une immense fresque, Il nous projette dans les
débuts de l 'humanite avec Noé pour nous lancer vers cette venue définitive du Fils de
l 'homme qui marquera la fin des temps.
Dans ce parcours Jésus nous fait des mises en garde, des mises en garde qui
concernent des dangers qui nous guettent, des dangers qui nous sont bien contemporains.
Le premier: C'est de vivre en ne se doutant de rien ... rien de tout ce qui a été annoncé,
précisé par les Prophètes ... Au temps de Noé, on buvait, on mangeait et ce fut l'horreur
du Déluge. Seul Noé fut sauvé ... Seul Noé avait vécu selon les avertissements divins.
Le deuxième: est la conséquence d'un des mystères les plus épais de l'Evg, le mystère
de la venue du Sgr. . .l'année, le jour, l'heure ... nul ne les connaît, ni les anges des cieux
ni Jésus lui-même le Fils du .Père. D'où le danger réel de ne pas y penser, d'où
l'avertissement pressant du Seigneur « Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour le
Sgr vient ... Veillez, tenez- vous prêts, c'est à l 'heure où vous n y penserez pas que le
Fils de l 'homme viendra! »
Veiller, voilà le mot essentiel de cet Evg. Veiller n'est pas rêver, c'est attendre, c'est
être en manque, de quelque chose ou de quelqu'un.
Veiller c'est désirer.. espérer. .. entrer dans une longue marche ...
Veiller c'est entrer en pèlerinage, c'est se battre contre un certain assoupissement de
la foi ... c'est résister à une sorte de demi-sommeil permanent, c'est sortir d'une vie
spirituelle devenue comme anesthésiée où nous sommes plus ou moins fatigué de prier,
de chercher à s'adresser à un Dieu qui nous semble, loin, si loin et de devenir ... des
cœurs au bois dormant qui attendent que le Prince vienne nous réveiller.
C'est à nous seul qu'il revient de prendre au sérieux l'appel de Dieu .. à nous seul
qu'il revient de décider à ouvrir la porte de nos désirs. Le vrai désir est tranchant, le vrai
désir ouvre le cœur, il fait traverser la nuit des épreuves
Nous sommes des êtres de désirs ... libres entre les mains de Dieu et désirant vivre
comme la bien-aimée du Cantique des cantiques « Je dors mais mon cœur veille»
Dieu aussi est désir ... il nous désire ... il nous attend ... il veille sur nous .. il nous propose
déjà en ce premier dimanche de l'Avent, d'ouvrir nos yeux et de diriger notre regard
vers la lumière de l'étoile de Noël. .... (27 novembre 2016)
Année C – 34° dimanche du Temps Ordinaire – Christ-Roi – 20 novembre 2016
2 Sam 5 1-3, Col 1 12-20 ; Luc 23 35-43
Homélie du F.Jean-Noël
Roi, Royaume, Règne. Mots communs à nos trois lectures. Pour alimenter nos rêves, ou quoi ? ou pour les purifier ?
Le rêve d’Israël, au 2° livre de Samuel : avoir un roi, un roi comme tous les peuples voisins. Un prophète avait protesté : danger ! Mais enfin, affaire de prestige, on voulait un roi qui marche devant, qui mène à la victoire (on est les plus forts, non ?) un roi pour assurer le pain, les jeux comme on disait. Un roi pour garantir l’ordre aussi. L’ordre !
Des siècles plus tard, ce sera encore ce que le Baptiste annoncera un roi Messie : une grande remise en ordre.. Et une fois lui-même en prison, il sera bien troublé par ce qu’on lui raconte de ce Jésus de Nazareth frayant ouvertement avec les pécheurs. S’il avait vu la suite…
C’est vrai : d’entrée de jeux au désert, Jésus avait posé ses marques : le pain multiplié pour le prestige, le prestige facile à grands coups d’éclats… très peu pour lui. Son royaume n’était pas de ce monde là. Et tout le temps, Jésus se montre très clair là-dessus. Il ne souffre pas d’ambigüité. La maman Zébédée, rêvant d’une bonne place - et même deux meilleures places, pour ses deux grands, l’a appris à ses dépends : »Vous ne savez pas ce que vous demandez ». Et presque aussitôt : « le plus grand, c’est celui qui sert ». ET ce ne sont pas des mots, on se souvient de l’effroi des disciples, au dernier repas, devant leur maitre et Seigneur, en tablier, genoux à terre à leurs pieds,. Et l’ordre de Jésus : « Faites de même. Si vous voulez avoir part avec moi ». Il en fait même une béatitude.
« Servir, un grand mot de l’Evangile » m’avait dit un hôte, il y a plus de dix ans. Oui, un grand mot. Mais bien difficile aussi, avouons-le. Il n’y a qu’à voir le soin mis à le bricoler, le tordre pour en neutraliser la rudesse. On a inventé son contraire : se servir. Et combien de dérives ? Asservir, desservir, se servir de, faire servir de… et on sait le peu de crédit qu’ont les tâches dites « serviles » !
Nous voilà proche de notre Evangile. Une scène atroce : un homme torturé, lâché par tous, tourné en dérision ! La non-puissance absolue. La provocation des moqueurs : « Allons un coup d’éclat ! ». Toujours la même requête. Le chantage à la puissance !
Mais pour ce malfaiteur crucifié avec Jésus, c’était trop. Ce silence énorme de Jésus, ses paroles aussi… C’est l’éblouissement. L’incroyable. Il avait bien entendu, le cri de son voisin de malheur qui n’avait pas fait le mal, solidaire quand même avec toutes nos misères… Solidaire. Pas au dessus de la mêlée.
- Entendu aussi la parole paisible (à quel prix ?) de remise totale de lui-même entre les mains de son Père silencieux.
- et encore, l’impossible parole de pardon de l’impardonnable
- Et même la parole excusant : « Ils ne savent pas »
- Parole encore et force, au plus noir de sa nuit, de se soucier de ceux qu’il laisse désemparés : « Femme, voici ton fils » et au disciple : « Voici ta Mère ».
Tout cela, qu’il avait bien entendu, il n’y avait pas à s’y tromper, c’était signé !
La vraie grandeur, royale, divine.
Un ordre nouveau, celui du véritable amour, service d’infinie miséricorde.
Alors Oui : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ! »
Et royale réponse : « Aujourd’hui avec moi, tu seras dans le Paradis » !
Et maintenant, on peut relire la seconde lecture de Paul, sans y voir la réalisation de nos rêves de puissance, pour nous-mêmes ou pour l’Eglise, son action de grâce sonnera juste en nous : il s’agit bien de ce nouvel ordre où le service est roi. Une béatitude, celle du véritable amour
Au notre Père, elle sonnera juste aussi de seconde demande : « Que ton règle vienne ». Ce n’est pas l’avènement d’une Eglise triomphante que nous demandons.
Les pas que nous ferons ensemble – en Eglise – pour communier, seront pas de « simples serviteurs » et nos mains ouvertes disponibles : belles prières. (20 novembre 2016)
Année C 33e dim ord.
Mal 3/19-20a, 2 The3/7-12, Lc 21/5-19
Homélie du F.Cyprien
« Il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit » … « Ce ne sera pas tout de suite la fin » … « détestés de tous à cause de mon nom, par votre persévérance vous obtiendrez la vie ».
Jésus a donc annoncé la destruction du temple de Jérusalem et tout de suite les auditeurs demandent : « Quand cela arrivera-t-il ? ».
Nous voulons toujours en savoir plus … en particulier sur ce qui va se passer à la fin, la fin du monde bien sûr, objet de beaucoup de suppositions et imaginations,
…occasion pour certains, profitant de la crédulité de gens inquiets, de prédire cette fin du monde pour bientôt.
Jésus est quand même poussé à parler de l’avenir… On interroge un rabbi connu, on attend de lui des paroles qui vont éclairer et rassurer ses auditeurs.
En fait lui, il reprend ce qui se dit à son époque à propos de la fin des temps… et nous remarquons que, dans sa réponse, la destruction du temple ne marque pas la fin du monde…
C’est comme s’il disait : Apprenez que l’histoire des hommes semble aller de catastrophes en catastrophes, avec des faits terrifiants et de grands signes dans le ciel…
Les signes sont importants pour ceux qui ont à cœur de veiller, de prier en attendant dans la foi. Le prophète Malachie nous a dit que le Jour du Seigneur ne doit pas effrayer ceux qui croient, « vous qui craignez mon Nom, le Fils de l’homme, le Soleil de Justice apportera la guérison dans son rayonnement », « Ne soyez pas terrifiés », « Mes pensées sont des pensées de paix et non de malheur, dit le Seigneur Dieu ».
Mais avant tout cela, …« avant tout cela on portera la main sur vous, on vous livrera, on vous jettera en prison ».
Jésus parlait à ceux qui l’écoutaient, …l’Evangile interpelle ceux qui entendent : c’est pour nous maintenant, nous aussi, et notre relation à Lui, le Christ dont nous attendons la venue…
Attendant la fin du monde, la situation présente est donc
= 1) une occasion de témoigner ;
= 2) sans préparer sa défense quand on est traduit en justice;
= 3) en acceptant la possibilité d’être trahis par ses proches, d’être mis à mort…
Témoigner ? Le témoignage c’est l’œuvre, c’est ce que fait le martyr : même mot pour témoin et martyr en grec, la langue de l’Evangile…
(« Je suis baptisé ; je crois que Dieu est mon père –Notre Père qui es aux cieux - ; je crois que Jésus a donné sa vie pour nous : vivant maintenant, ressuscité il me donne son Esprit pour aimer, pour que ma vie ne soit pas pour moi tout seul »)
« Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle personne ne pourra opposer ni résistance ni contradiction ».
Il s’agit pour les chrétiens de rester en relation vraiment vivante avec celui pour Lequel ils vivent.
« Détestés de tous, à cause de moi»… Détestés de tous : situation redoutable mais peut-être plus enviable que celle-ci : « Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi en effet que leurs pères traitaient les faux prophètes».
Le chrétien est un croyant qui agit à cause du Nom de Jésus : saint Paul dit à ses disciples/nouveaux chrétiens: « Je n’ai voulu connaitre parmi vous que Jésus et Jésus crucifié ».
Nous pourrons toujours voir dans les catastrophes d’aujourd’hui le présage d’une fin des temps…la fin d’une civilisation, pourquoi pas ?
Il est plus juste de considérer les persécutions comme la situation logique des disciples, à la suite du Maitre et du Seigneur mourant pour eux.
Vivre en union au Christ, c’est croire qu’il est vivant, ressuscité, bien sûr, mais c’est aussi continuer dans notre chair, dans notre quotidien ce qu’a été la vie de Jésus pour nous.
Notre Eucharistie nous engage à cela et nous croyons le Seigneur quand il nous dit : « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie ».
Dans ma jeunesse j’ai entendu citée cette sentence :
« Entre le passé qui nous échappe et l’avenir que nous ignorons, il y a le présent où est notre devoir »… Notre devoir, oui mais, comme chrétiens, le présent au sens de cadeau…la présence agissante du Christ ressuscité. - 13 novembre 2016
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Année C - COMMEMORATION DES FIDELES DEFUNTS 2016
Rm 14, 7-9. 10b-12 ; Jn 6, 37-40
Homélie du Père Abbé Luc
« Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même…dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur ». Peut-être avez-vous déjà éprouvé, comme moi, combien cette parole de Paul n’est pas si facile à entendre, et à fortiori à vivre. Ne pas vivre pour soi-même, appartenir tout entier au Seigneur pour faire vraiment ce qu’il veut, ce qu’il nous suggère et nous montre au long des jours. Dans l’évangile, nous entendons Jésus s’insérer dans cette dynamique de dépendance profonde à l’égard de son Père : « Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Jésus s’est mis tout entier au service de la volonté très bonne de son Père qui est de ne perdre aucun de ses enfants et de leur donner la vie au dernier jour. Jésus a appartenu à son Père, en sa vie et en sa mort, pour réaliser la mission qu’il lui avait confiée. Mettre notre foi en Lui Jésus, nous ouvre les portes de la Vie.
En ce jour de prière pour tous les défunts, nous nous souvenons que tel est le bonheur qui nous est promis : appartenir au Seigneur pour recevoir de lui et en notre vie présente déjà et à l’heure de notre mort, cette joie et ce bonheur qu’il veut offrir à tous, sa vie en plénitude. Nous sommes destinés à cette vie pleine qui est déjà en germe dans nos existences présentes. En mesurant combien nous sommes capables de résister dès maintenant à cette vie offerte, pour préférer la vie à notre manière, nous nous confions nous-mêmes et tous nos défunts, à la miséricorde de notre Père. Nous faisons mémoire de la mort et la résurrection du Christ, le seul qui ait accueilli vraiment cette vie du Père pour nous la donner. Qu’Il donne à tous la grâce de s’ouvrir totalement à l’amour et la vie qui est pleine… (2 Novembre 2016)
Année C - TOUSSAINT 2016 - Jubilé 70 ans f. Ghislain
Ap 7, 2-4. 9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Heureux … bonheur…voilà des mots importants pour chacun de nous. Mots chargés d’émotion ou de souvenirs sûrement. Mots chargés de regrets et d’espérances déçues peut-être. Mots que nous recevons ce matin cependant comme une promesse toujours offerte à chacun et à tous par le Christ. Oui, Jésus rejoint notre soif insatiable de bonheur. Il vient même en déployer les horizons de possibilité. Là notre imaginaire peut réduire le bonheur aux images de rêve de relations parfaites, sans ombre, Jésus ouvre une possibilité de bonheur au cœur des relations conflictuelles : « heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute à cause de moi ». Là où notre imaginaire peut réduire le bonheur au rêve d’une vie où tout serait sourire, vie tranquille et facile, Jésus l’offre aussi à « ceux qui pleurent, à ceux qui ont faim et soif de la justice, à ceux qui sont persécutés pour la justice, aux artisans aux lutteurs pour la paix »… Notre imaginaire du bonheur, si grand soit-il, est encore trop étroit, trop limité aux succès et aux réalisations réussies. Jésus vient nous offrir le bonheur au cœur même de nos situations apparemment perdues. Quel paradoxe !
St Benoit nous propose-t-il autre chose quand, dès le début de sa règle, il pose la question : « Quel est l’homme qui désire voir des jours heureux ? » De chapitre en chapitre, il va dessiner un itinéraire de vie très concrète qui veut apprendre au moine à ajuster ses rêves de bonheur au grand rêve du Christ sur lui et sur tous ses frères. Là où nous rêvons de reconnaissance, et même de gloire peut-être, st Benoit nous propose le chemin de l’humilité qui conduit à la béatitude des pauvres de cœur. Là où nous rêvons de vivre sans difficulté relationnelle, St Benoit nous engage à supporter patiemment les infirmités physiques et morales de nos frères afin de marcher fraternellement tous ensemble, pas tout seul, vers la vie éternelle. F. Ghislain, tu as suivi ce chemin, depuis 70 ans. Chemin qui est une école de vie, une école de quête du vrai bonheur… Avec toi, que nous ayons quelques mois de présence au monastère, 15 ans, 30 ans ou 74 ans, la vie monastique nous fait « passer de la sainteté désirée à la pauvreté offerte »… « heureux les pauvres de cœur ». Elle nous fait aussi passer de la volonté de tout maitriser à la joie de tout recevoir… « heureux les doux, heureux les cœurs purs »… Pour chacun de nous, que nous soyons moines, prêtres, laïcs mariés ou non, la fidélité durant toute une vie est certainement une lutte. Elle est aussi un don de Dieu reconnu avec gratitude. Elle est encore un don de Dieu, non seulement pour la personne elle-même, mais aussi pour tous ceux qui l’entourent, pour nous tous aujourd’hui. Le témoignage de fidélité de notre f. Ghislain, comme celui de notre f. Albéric, fêté il y a quelques semaines, est une sorte de parabole d’éternité. F. Ghislain, tu as beaucoup cherché à pénétrer le mystère de Dieu, Lui l’éternel, le Tout autre, et dans le même temps, si présent au monde en Jésus Christ. Tu as enseigné ce que tu avais compris et contemplé de ce mystère, à bon nombre d’entre nous, ainsi qu’à de nombreux étudiants dans le monde qui t’en ont reconnaissants. En ce matin, d’action de grâce pour 70 ans de vie monastique, avec ses joies et ses luttes, ta fidélité nous parle de l’éternité. Elle nous fait pressentir en cette vie ce qui demeure en vie éternelle : le désir ouvert à Dieu et aux autres, l’amour désarmé donné aujourd’hui et redonné demain, la joie de se recevoir plus grande que la joie de se posséder… Comme tous les saints dont nous faisons mémoire aujourd’hui, Dieu veut allumer dans nos existences ces lumières d’éternité, précieuses pour chacun et précieuses pour ceux qui nous entourent. Lumières d’éternité fragiles et toujours reçues de nouveau comme un cadeau immérité, et lumières transmises au gré de nos vies données.
Frères et sœurs, que cette eucharistie, unis à l’action de grâce de f. Ghislain, nous donne de hâter le pas, dans nos différents engagements, joyeux de nous donner et de marcher, à la suite de tous les saints, vers cette éternité bienheureuse qui nous est promise. ( novembre 2016)
Année C - 31e dimanche TO (30/10/2016)
(Sagesse 11,23 – 12,2 – Ps 144 – 2 Timothée 1, 11 – 2,2 – Luc 19, 1-10)
Homélie du F.Jean-Louis
Frères et sœurs,
Lors de la réforme liturgique qui a suivi le Concile Vatican II, l’Eglise a introduit assez massivement dans les lectures de la Messe des textes de l’Ancien Testament, avec la conviction qu’Ancien et Nouveau Testament formaient une seule et même Parole de Dieu et avec l’intuition que l’Ancien Testament, déjà, nous parlait du Christ, que le Christ était présent dès le Premier Testament et sans doute pas que le Christ, nous le verrons.
L’épisode de Zachée accomplit ce que Dieu avait annoncé dans le passage du Livre de la Sagesse que l’Eglise nous propose aujourd’hui. Dans le livre de la Sagesse, écrit environ 50 ans et peut-être moins, avant le Christ, le Christ, Parole éternelle du Père, nous dit ce qu’il accomplira avec Zachée, ce qu’il accomplit avec nous, car l’Evangile est toujours un présent pour nous, il est toujours un aujourd’hui. Parcourons à nouveau les textes que nous venons d’entendre.
Dans le passage de la Sagesse, l’auteur, qui s’adresse au Seigneur lui-même, nous dit que Dieu a pitié de tous les hommes parce qu’Il peut tout. Le Seigneur ferme les yeux sur les péchés des hommes pour qu’ils se convertissent. La toute-puissance de Dieu, c’est sa miséricorde.
De la part de Jésus, il n’y aucun reproche fait à Zachée et pourtant, ce que nous dit Zachée de lui-même montre que sa richesse n’a pas été forcément bien acquise. (« Si j’ai fait du tort à quelqu’un, je lui rendrai quatre fois plus »). Rome chargeait les collecteurs d’impôts de l’Empire de récolter une somme fixée dans leur région. Il fallait une somme minimale mais rien n’empêchait les collecteurs d’en récolter beaucoup plus et de se payer avec le surplus. La porte était ouverte à tous les abus et sans doute que Zachée ne s’en est pas privé. Pourtant, aucun reproche de Jésus. Il ferme les yeux selon ce que nous dit du Seigneur le Livre de la Sagesse. Jésus ne dit pas à Zachée en quoi il a péché. Et même, Jésus s’invite chez cet homme peu recommandable et les gens ne s’y trompent pas, ils sont choqués. Zachée est épargné par le Dieu qui aime la vie comme aime à dire la Sagesse.
Mais la Sagesse nous parle également du souffle impérissable de Dieu qui anime tous les êtres et qui pourrait bien être l’Esprit Saint. Ainsi, nous pouvons voir à l’oeuvre, non seulement le Christ mais aussi l’Esprit. Esprit qui anime le désir de Zachée de voir Jésus, désir qui pousse cet homme important jusqu’à cette situation grotesque d’aller grimper dans un arbre. Esprit qui remplit Zachée de joie à la perspective d’accueillir Jésus chez lui. Esprit qui retourne Zachée et le conduit à un changement radical de vie. Là non plus, aucune manifestation ou parole extraordinaire, l’Esprit œuvre dans le cœur de Zachée qui se laisse travailler.
Le psaume 144 qui a été chanté nous annonçait également qui est notre Dieu. « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère, sa bonté est pour tous, il soutient ceux qui tombent, il redresse tous les accablés » et le péché est certainement un grand accablement. Nous pouvons sans peine reconnaître Jésus comme le Seigneur dont parle ce psaume.
Et pour nous aujourd’hui ?
Ce mot « aujourd’hui » résonne dans notre Evangile « Aujourd’hui il faut que j’aille demeurer chez toi » « Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison » et il entre en écho avec un autre « Aujourd’hui » prononcé par le Christ sur la croix au bon larron, encore un autre homme à qui Jésus ne reproche rien et qui sera retourné « Aujourd’hui, avec moi, tu seras au Paradis » n’est-ce pas un autre Zachée ou Zachée n’est-il pas un autre larron ?
Frères et sœurs, nous approchons de la fin de l’Année de la Miséricorde et le risque est grand de chasser cette année dans les oubliettes de notre mémoire déjà si encombrée.
Je ne suis pas certain que ce dimanche, avec ses rencontres, ses temps de détentes (et tout cela est très bon) soit très propice à nous replonger dans cet évangile mais si nous pouvions trouver un moment, aujourd’hui ou dans la semaine qui vient, pour relire ces passages entendus et réaliser combien, dès le Premier Testament, Dieu se révèle de façon ultime comme celui qui est miséricorde et amour, combien il veut notre Salut, notre libération. Si nous pouvions réaliser de façon profonde que le Christ ne juge pas et donc qu’il ne nous faut pas juger les Zachée que nous pouvons rencontrer mais au contraire poser des actes d’attention tout simples qui retourneront des gens parfois très tourmentés. Pas besoin de grands discours … une attitude suffit. Le Christ n’a pas craint de s’inviter chez un homme peu recommandable.
Les lectures d’aujourd’hui nous parlent du Christ, de l’Esprit, mais elles nous invitent aussi à agir comme le Christ, à mieux le connaître pour découvrir que, vraiment, cela vaut la peine de faire connaître au monde ce Dieu qui est le nôtre, révélé en Jésus Christ et qui nous donne son Esprit pour nous laisser travailler par Lui. N’est-ce pas là la source de la louange qui devrait habiter sans cesse notre cœur ?
Le monde a intensément besoin d’entendre parler d’un tel Dieu. A nous de nous y mettre là où le Seigneur nous a mis, nous envoie.
AMEN. (30 Octobre 2016)
Année C - 29°Dimanche du Temps ordinaire C
1ère lecture : Exode 17,8-13
2ème lecture : 2ème Lettre à Timothée 3,14-4,2
Evangile selon saint Luc 18,1-18
Homélie de F.Matthieu
Le thème de ce dimanche est tout-à-fait clair : le livre de l’Exode, qui nous présente la prière de Moïse pour soutenir le combat de Josué contre les Amalécites, comme l’Evangile, nous parlent de la prière.
"Jésus dit une parabole pour montrer à ses disciples qu’il faut toujours prier sans jamais se décourager."
Au premier abord, le passage de l’Exode nous paraît sans doute étrange, simpliste et surtout bien loin de nous : il semble souligner un lien "automatique" entre la prière de Moïse, son bâton à la main, et la victoire d’Israël, il semble justifier aussi un lien entre la prière et la violence au "tranchant de l’épée".
N’y aurait-il donc rien à en tirer pour nous ?
Remettons déjà les évènements dans leur contexte : l’Israël ancien, comme tous les pays voisins, se représentait volontiers « son » Dieu, comme un chef de guerre, sortant à la tête de ses armées… Le texte corrige subtilement cette représentation trop humaine : oui, dans le combat contre les ennemis, le Dieu d’Israël est bien « avec nous », impliqué directement, mais ce sont les hommes de Josué qui combattent et c’est par la prière confiante de Moïse, soutenu par Aaron et Hour dans sa rude persévérance, que Dieu manifeste son appui : c’est bien la foi, qu’exprime la prière, qui conditionne la réponse de Dieu, qui n’a donc plus rien d’immédiat et d’obligatoire…
Et le texte nous enseigne ainsi des vérités qui, elles, sont toujours actuelles :
- d’abord l’importance de la prière confiante dans les situations difficiles de la vie, une prière qui ne doit pas nous empêcher de "combattre" en notre lieu, mais en croyant que nous pourrons compter sur Dieu et que c’est lui seul qui donne la force et peut donner la "victoire".
- Ensuite, l’importance de la prière d’intercession, la prière pour les autres, comme Moïse "sur le sommet de la colline", tandis que Josué "livre bataille". Il faut croire que nous pouvons demander pour les autres la force de Dieu, quand on les sait dans les difficultés, et que nous ne pouvons apparemment rien faire…
- Enfin, ce texte nous rappelle la solidarité dans le combat spirituel. Quand la ferveur baisse, quand nous ne nous sentons pas exaucés peut-être, il est bon de s’appuyer spirituellement et concrètement, sur un "Aaron" et sur un "Hour", pour tenir dans la confiance. Nous devons croire que nous pouvons nous soutenir les uns les autres dans la Communion des Saints, la grande communauté invisible des priants à travers le monde et au-delà.
Quant au texte de l’Evangile de Luc, il paraît simple, un rien simpliste même. C’est un raisonnement a fortiori : Jésus décrit "un juge qui ne respectait pas Dieu et se moquait des hommes", mais qui finit pas rendre justice à une pauvre veuve, par lassitude et souci de sa tranquillité ; à plus forte raison, Dieu qui est juste et bon, va donc exaucer toutes nos supplications.
Pour Jésus, comme pour l’auteur de l’Exode, l’important est que la prière doit être pleine de confiance, persévérante, "sans se décourager". Car Dieu est "juste", ce qui signifie, dans la Bible, qu’il est fidèle à son Alliance, et attentif à nos besoins, mais … à nos « vrais » besoins.
Jésus évoque les "élus qui crient vers/Dieu/ nuit et jour", dans une situation de détresse, de souffrance, peut-être de persécution, dont le Seigneur va les sortir en "faisant justice". Jésus ne dit pas que Dieu va exaucer leur prière, faire ce qu’ils attentent dans l’immédiat, mais Il dit qu’Il "leur fera justice".
À la lumière de l’ensemble de la Bible, comprenons bien ce que cela signifie, rien de moins que Dieu en fera des justes, qu’il va leur donner sa justice, entendez sa grâce et son amour.
Ces fils de Dieu "crient vers lui jour et nuit" et "il ne les fera pas attendre". La prière doit être d’abord pour nous une prise de conscience du don de Dieu et d’un don déjà offert : rien de moins que notre Salut !
Là où nous ne pensons le plus souvent qu’à un exaucement immédiat de besoins immédiats, Dieu répond à sa manière, en nous assurant le véritable essentiel : le don de sa vie, le don de son Esprit pour la vie qui ne finit pas.
Seulement voilà, ce don ne devient opérationnel en nous que si nous croyons sincèrement en ce Dieu-là, tel qu’il est et non pas tel que nous le « croyons » trop souvent… Il n’est pas le « Grand-Père gâteau », encore moins un « distributeur automatique » … Mais, Il s’occupe, Il s’est occupé de nous par amour, en nous donnant son Fils pour nous donner sa vie... quoi de plus nécessaire ?!
Voilà cette foi dans laquelle il faut tenir, elle est, elle-même, don de l’Esprit car c’est l’Esprit-Saint qui nous est donné en réponse à la prière. Par lui et avec lui, nous devenons capables de vivre dans l’amour la situation qui a motivé notre prière. Dans l’amour et dans la paix qui en découle. Au fond, notre seul travail consiste à accueillir, à consentir, à ce que, sans cesse, Dieu donne.
La vraie foi, c’est de croire que le Père nous aime comme ses fils.
Puissions-nous la garder jusqu’à la fin des temps ! Amen.
- 16 octobre 2016 -
Année C - 28° dimanche du Temps ordinaire -JUBILE
70 ANS DE PROFESSION
De f. Albéric Thibault
09.10.2016
(2 R 5, 14-17 ; Ps 97 ; 2 Tm 2, 8-13 ; Lc 17, 11-19)
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Trois personnages émergent des lectures que nous venons d’entendre : trois témoins d’une foi vivante, Naaman le syrien, un Samaritain anonyme et St Paul l’apôtre ardent. Ils éclairent aujourd’hui un autre témoin : notre frère Albéric, témoin de 70 ans de foi et de fidélité. Sa charte de profession a été déposée sur l’autel. Il y a 70 ans, il avait fait les vœux d’obéissance, de conversion des mœurs et de stabilité, faisant le choix de vivre sous une règle et un abbé.
Je m’arrêterai seulement sur les figures de Naaman le syrien et du samaritain anonyme que la liturgie a voulu rapprocher. Ils ont plusieurs points en commun. Tous deux sont des étrangers au regard du peuple d’Israël. Naaman est un général ennemi qui a combattu contre Israël et le second est une sorte de faux frère hérétique que tout juif bien-pensant se devait d’éviter. Tous deux, atteints de la lèpre, vivent une expérience de foi en venant demander leur guérison à des prophètes juifs, Elisée qui a vécu 850 ans avant notre ère, et Jésus appelé ici « maitre ». Ils ont cette audace. Comment vont-ils être reçus ? Leur démarche peut nous enseigner tous, que nous soyons croyants, hésitants ou en recherche. En effet, tous deux osent franchir une frontière de l’impossible, et aller vers l’inconnu. Naaman va en pays ennemi en faisant confiance à la parole d’une fillette qui lui a parlé de ce prophète guérisseur (je vous invite à relire ce récit en entier, haut en couleur, dans le 2d livre des rois). Et le Samaritain avec ses 9 autres compagnons fait confiance à la parole de Jésus, pour aller faire constater par le prêtre leur guérison, alors que la guérison ne s’est pas encore produite. Celle-ci adviendra en chemin. N’en est-il pas ainsi frères et sœurs, dans de nombreuses situations de nos vies. Nous nous avançons dans l’existence en faisant confiance à une parole, et il se passe des choses que nous n’aurions pas soupçonnées. Nos vies ne sont-elles pas faites de cette somme infinie de confiance accordée à un père, à un maitre, à un ami, à un collègue, à un conjoint, à un frère… F. Albéric, n’en a-t-il pas été ainsi pour toi … ? Il y a 70 ans, tu as fait confiance à cet appel du Christ que tu as reconnu. Comme chacun de nous, tu t’es avancé ensuite sans maitriser ton avenir, mais en faisant confiance qu’il te serait donné jour après jour comme un chemin de guérison et de vie. La vie monastique est une vie très ordinaire. Par le vœu d’obéissance, tu as accepté de faire confiance à de nombreuses paroles et de te recevoir au gré de ce qui te serait demandé : le travail à la ferme, à la lingerie, au magasin aux fromages et à la philatélie, les différents services, la vie des groupes...
Et aujourd’hui, 70 ans après, tu veux rendre grâce avec nous au Christ qui te dit : « Va ta foi t’a sauvé ». Comme Naaman et le Samaritain, tu vas au bout de l’expérience de confiance vécue fidèlement en célébrant la miséricorde du Seigneur pour toi. N’est-ce pas cela faire l’expérience d’être sauvé ? Pouvoir peu à peu, au gré de nos confiances renouvelées jour après jour, reconnaitre Celui qui prend soin de nous et qui nous guérit. Peu à peu, de confiance en confiance, le visage du Christ s’éclaire, et nous pouvons lui dire plus en vérité notre louange aimante.
F. Albéric, tu as vécu simplement et fidèlement le chemin de la foi au sein de la communauté, en laissant le Christ te guérir et te sauver. Avec toi, en cette eucharistie, nous faisons mémoire de Jésus qui, jusqu’à la mort, a fait confiance à son Père dans l’assurance qu’il le ressusciterait. Ensemble rendons grâce pour cette confiance du Christ qui nous a ouvert et assuré la voie de la confiance jusqu’à l’heure de notre mort. - 9 Octobre 2016 -
Année C - 27e DIMANCHE du temps Ordinaire – 2 octobre 2016
Hab 1,2 - 2,4; 2 Tim 1 6-14; Lc 17 5-10;
Homélie du F.Hubert;
Si vous aviez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous aurait obéi.
Nous sommes un peu perplexes devant cette parole de Jésus…
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Il faut reconnaître que le sens de ces versets sur la foi et le service,
tels que St Luc les place dans son évangile, n’est pas d’une grande clarté.
Essayons de comprendre quand même, et surtout de nous laisser toucher.
Jésus vient de parler à ses disciples sur le pardon des offenses.
Maintenant, ce sont les apôtres qui questionnent Jésus,
et Jésus n’est plus appelé par son nom mais désigné par le titre de « Seigneur ».
L’usage rare du mot « apôtre » et du titre « Seigneur » par St Luc,
suggère qu’il parle ici de ceux qui sont envoyés par Jésus Seigneur,
pour préparer sa venue, annoncer la Bonne nouvelle.
Et à travers eux, à tous ceux qui ont mission dans les communautés chrétiennes.
Et tous les baptisés ont mission.
Comme y insiste beaucoup le pape François, le chrétien ne peut être chrétien sans être missionnaire.
Face au pardon des offenses, face à une telle mission, qui peut se sentir de taille ?
D’où sans doute cette question : « Augmente en nous la foi : »
La réponse de Jésus et la parabole du simple serviteur semblent vouloir dire :
« Faites confiance, soyez sans crainte. Faites ce qui vous est commandé.
Ne mesurez ni votre foi, ni votre service.
Je vous envoie : accomplissez votre mission. Ne portez pas plus que votre charge.
La conversion de chacun, l’accueil de la Bonne nouvelle, la venue du Royaume,
c’est mon œuvre, à moi, le Seigneur.
Votre foi, si petite soit-elle, est toute-puissante ; elle peut de grandes choses. »
Elle peut de grandes choses parce qu’elle est confiance en la Parole de Dieu, incarnée en Jésus,
qui pardonne, libère, guérit, fait surgir la vie, établit la communion entre les êtres,
fait advenir un monde nouveau.
L’encyclique « La lumière de la foi », préparée par Benoit XVI et promulguée par le pape François,
nous dit :
La foi non seulement regarde vers Jésus, mais regarde du point de vue de Jésus, avec ses yeux :
elle est une participation à sa façon de voir.[…]
Dans la foi, le « moi » du croyant grandit pour être habité par un Autre, pour vivre dans un Autre, et ainsi sa vie s’élargit dans l’Amour. Là se situe l’action propre de l’Esprit Saint. Le chrétien peut avoir les yeux de Jésus, ses sentiments, sa disposition filiale, parce qu’il est rendu participant à son Amour, qui est l’Esprit.
Ne pas nous regarder nous-mêmes, ne pas évaluer notre foi ou notre service,
mais nous laisser habiter par le Seigneur, faire confiance en l’Esprit qui est à l’œuvre à travers nos vies.
Peut-être que l’image du sycomore, considéré comme indéracinable,
mais déraciné quand même et planté dans l’immensité de la mer,
peut être une image de chacun de nous,
déraciné de lui-même et enraciné dans l’infini de l’Esprit même de Dieu,
cet Esprit qui peut tout pour la vie, la vie véritable, pour la communion véritable,
l’harmonie de tous les êtres en Dieu même.
Alors, avec le centurion dont Jésus dit : Même en Israël, je n’ai pas trouvé une telle foi.
avec les disciples d’Emmaüs, à qui Jésus reproche :
Comme votre cœur est lent à croire ce que les prophètes ont dit !
avec les apôtres qui demandent : « Augmente en nous la foi ! »
avec tous ceux à qui Jésus dit : « Ta foi t’a sauvé. »
demandons l’Esprit Saint, demandons de vivre du Christ, pour le Christ, avec le Christ,
lui qui fait toute chose nouvelle, le monde nouveau.
Je termine avec encore cette citation du pape François dans « La joie de l’Evangile » :
Dans toute la vie de l’Église, on doit toujours manifester que l’initiative vient de Dieu,
que c’est « lui qui nous a aimés le premier » et que « c’est lui seul qui donne la croissance ».
Cette conviction nous permet de conserver la joie devant une mission aussi exigeante
qui est un défi prenant notre vie dans sa totalité.
Elle nous demande tout, mais en même temps elle nous offre tout. - 2 octobre 2016