Homélies
Liste des Homélies
Année A - 16ème dimanche ordinaire - 23 Juillet 2017
Sg 12,13.16-19; Rm 8,26-27; Mt 13,24-43
Homélie de F.Damase
Cet Evangile nous rapporte trois paraboles, je voudrais relire avec vous celle du grain et de l’ivraie ; elle traite d’une question qui nous travaille tous. La présence du mal dans le monde et surtout la nécessité de l’espérance du Royaume !
Si Dieu est bon et tout puissant - Pourquoi tant de souffrance, de violence, d’injustice ?
Certes, Jésus nous donne une réponse.
Nous ne la pouvons comprendre qu’à l’intérieur de la FOI…
Pour expliquer l’origine du mal dans le monde,
Jésus reprend l’enseignement de la Genèse. Tout ce que Dieu a fait est bon. Le mal ne vient pas de Dieu, le semeur n’a semé que du bon grain.
Mais Jésus ajoute une précision importante : le mal ne vient pas non plus du cœur de l’homme. Le mal existe avant, il est plus profond. L’homme est victime de l’Ennemi, du Mauvais, du démon.
A la racine de nos faiblesses, de nos péchés, il y a une puissance qui agit en nous - elle est en nous, mais elle n’est pas nous-mêmes,… nous ne savons pas d’où nous viennent ces « mauvaises idées ».
Jésus ne nous dit-il pas que c’est : « pendant que les gens dorment, que l’ennemi survient ». Alors que le blé a été semé dans la pleine clarté du jour. L’ivraie est semé en cachette, en profitant d’un moment d’inconscience, d’inattention !
N’est-ce pas une expérience que nous faisons souvent ? Le mal s’infiltre, à notre insu même: on ne s’en aperçoit qu’après coup.
Jésus insiste : le pécheur est d’abord une victime - l’ivraie a été semé pendant la nuit! Le cœur de l’homme est BON - Dieu a inscrit en lui ce désir du bien….
Même si telle personne nous semble enfermée dans la violence ou la méchanceté, Il y a encore une lueur d’espoir - le cœur de l’homme est mêlé- Il n’y a pas « d’un côté des bons et de l’autre des méchants » - « au milieu de l’ivraie, il y a du bon grain » !
Cette parabole du bon grain et de l’ivraie souligne une autre réalité très importante, c’est la victoire définitive du bien
Les serviteurs mettent en relief la prolifération de l’ivraie. Il y a tant de mauvaises herbes qu’ils demandent à leur maître (avec un certain humour) si « par hasard, il ne se serait pas trompé de sac » - et s’il n’aurait pas lui-même semé de la mauvaise graine dans le champ !
Et le maître répond du tac au tac : « n’arrachez pas l’ivraie, il ne resterait plus rien dans le champ » !
Cette interdiction d’arracher l’ivraie nous montre que le Maître est parfaitement conscient de l’envahissement de l’ivraie, de la prolifération du mal dans le monde.
Mais cela souligne aussi que le maître est absolument certain du résultat :
- un jour il y aura la moisson finale … un jour il y aura le tri, le jugement..
Le Maître est certain que l’ivraie (le mal) n’arrivera pas à étouffer le bon grain. Quand le monde semble complètement ivre, fou - Jésus invite à l’espérance malgré tout !
Que sera donc ce monde nouveau ?
Ne cherchons pas à nous représenter le Royaume, à la fin des temps !
Il est vain de vouloir imaginer le Royaume « où les justes resplendiront comme le soleil ».
Et avec Jésus, nous rêvons avec joie à ces cieux nouveaux et à cette terre nouvelle, où la justice habitera, où tout ne sera que vérité, amour et bonheur sans fin.
Et sûrs de ce résultat final, travaillons, chaque jour de notre mieux, à ce résultat.
- en faisant confiance à notre frère,
- et surtout en faisant confiance au Maître du champ, au Créateur ! (23 juillet 2017)
Année A - 15e dimanche TO (A) (16/07/2017)
Is 55 10-11; Rom 8 18-23; Mt 13 1-23
Homélie du F.Jean-Louis
Frères et sœurs,
nous voici à la mi-juillet, mois d'été, mois de vacances pour certains, pas pour tous.
Vacances à la mer, à la montagne, à la campagne, en France ou à l’étranger.
Les lectures que nous offre l’Église sont au diapason de cette période estivale, au moins la première lecture et l’Évangile.
Les images agricoles, campagnardes sont évidentes et c'est à travers ces images concrètes que Dieu nous parle aujourd’hui.
Pourtant l’évangile de ce jour ne reflète pas nécessairement la douceur rurale mais plutôt la rude exigence de la terre.
Et de fait, cet Évangile peut avoir quelque chose d’inquiétant. Il semble que la semence ait plus de chance de tomber dans des conditions où elle ne pourra donner du fruit.
Et le Christ est sans concession, il faut bien le reconnaître.
Finalement, le grain ne doit tomber ni sur le chemin, ni sur un sol pierreux, ni dans les ronces. On a l'impression que la quantité tombée dans la bonne terre est le petit reste.
Et d'autant plus que le Christ, reprenant un passage du début du Livre du prophète Isaïe (chapitre 6) nous dit bien qu'on peut écouter et ne pas comprendre, regarder et ne pas voir ...
Passage rude, là aussi.
Suit l'interprétation du Christ qui n’est pas très réjouissante non plus.
Le terrain ensemencé au bord du chemin, c'est celui qui entend la parole du Royaume sans la comprendre. Elle est alors très fragile et le Mauvais s'en empare.
Le sol pierreux, c'est l'homme d'un moment, enthousiaste mais se décourageant vite.
Les ronces, ce sont les soucis et la séduction de la richesse.
Faut-il désespérer de nous-mêmes ?
Finalement, il y a quand même la bonne terre. Mais alors là, la bonne terre, c'est fabuleux. Elle produit 100 ou 60 ou 30 pour un. Et à l'époque, le plus petit de ces rendements indiqués par le Christ, 30 pour un, est déjà énorme et exceptionnel. C'est dire que lorsque la Parole tombe dans une bonne terre, le résultat est extraordinaire, dépassant toute espérance. Voilà au moins une bonne nouvelle.
Frères et sœurs, il me semble que si nous regardons nos vies, nos vies avec le Christ, avec les autres, nous pouvons constater qu'en général, nous ne sommes pas uniquement le bord du chemin, le sol pierreux, les ronces ou la bonne terre mais un peu de tout cela à la fois ou par moment.
Parfois, nous entendons bien la parole mais nous ne la comprenons pas ou nous ne nous donnons pas le temps de la comprendre, de l'intégrer profondément et de l’appliquer dans notre vie.
A d'autres moments, nous sommes touchés par cette parole de Dieu mais notre enthousiasme retombe vite, surtout si cette parole exige de nous des renoncements, des conversions que nous préférons éviter.
Enfin, les ronces des soucis, du goût de la richesse et du confort nous endorment ou nous distraient des exigences de cette parole. Cela nous ne le savons que trop bien.
Mais heureusement, nous savons aussi être la bonne terre où germe la parole qui produit alors plus que nous ne pouvons imaginer. Et nous avons tous, je pense, vécu ces moments où nous nous sommes sentis transportés, où nous nous sommes étonnés de nous-mêmes.
Pourtant, le Christ nous avertit : nous pouvons écouter et ne pas comprendre (c'est le bord du chemin), avoir le cœur alourdi par les ronces, regarder et ne pas voir, car en fait, nous ne voulons pas entendre ni voir pour rester dans le confort que nous nous sommes bâti.
Alors, faut-il désespérer ? Cette sévérité du Christ est-elle la parole ultime de Dieu ?
C'est là que la sagesse de l'Eglise a pu choisir comme première lecture ce bref mais très beau passage vers la fin du livre d’Isaïe au chapitre 55.
Il y a cette certitude affirmée par Dieu lui-même que sa parole aura un résultat, qu'elle accomplira sa mission aussi sûrement que la pluie et la neige abreuvent la terre et la fécondent. Certitude d'une récolte à venir car c'est la volonté de Dieu. Et pourtant, ce passage d'Isaïe vient dans un contexte difficile d'appel à la conversion des méchants :
« Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme perfide, ses pensées ! Qu’il revienne vers le Seigneur qui lui montrera sa miséricorde, vers notre Dieu qui est riche en pardon. »
Israël a été déporté à Babylone à cause de son injustice, surtout le manque de respect des faibles et des pauvres, et il est sur le chemin du retour à Jérusalem qui connaîtra à nouveau la gloire après avoir été dévastée. C’est un don gratuit de Dieu.
La lecture de l’homélie de saint Jean Chrysostome entendue aux Vigiles hier soir nous montre bien la pédagogie de Dieu. Si, dans le domaine agricole, il peut paraître stupide de semer sur le chemin, sur la pierre, dans les ronces, « dans le domaine spirituel, dit Jean Chrysostome, il n’en va pas de même : la pierre peut devenir une terre fertile, le chemin ne plus être foulé par les passants et devenir un champ fécond, les épines peuvent être arrachées et permettre au grain de fructifier librement. Le Seigneur ne veut pas nous jeter dans le désespoir, mais nous donner une espérance de conversion et nous montrer qu’il est possible de passer des états précédents à celui de la bonne terre. »
Frères et sœurs, l'Évangile d'aujourd’hui, éclairé par la première lecture est donc une bonne nouvelle. Et il faut tenir les deux ensemble. Rien n’est jamais perdu pour Dieu. Dieu veut notre salut et il reste toujours possible de laisser sa parole faire son œuvre bonne en nous.
Acceptons d'écouter sa parole, de prendre le temps de la méditer, de travailler à la comprendre, de ne pas nous laisser distraire, de l’appliquer à notre vie concrète. C'est là notre responsabilité, c'est ainsi que nous pourrons collaborer à la réalisation du désir intime de Dieu pour chacun de nous.
Où est notre sol pierreux, quelles sont nos ronces, etc … ?
Le Christ nous a ouvert le chemin par sa Parole. A son écoute donnons-nous la peine de l’emprunter et devenons de plus en plus, avec sa Grâce, une bonne terre.
Et n’oublions jamais que si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur.
AMEN. - 16 juillet 2017
Année A - Saint Benoît - 11 Juillet 2017
(Pr 2, 1-9 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a)
Homélie du Père Abbé Luc
« Revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience », ainsi frères et sœurs, s’adresse Paul à l’Eglise de Colosses. « Revêtez-vous »… Peut-on ainsi revêtir la tendresse, l’humilité, la douceur, la patience comme on revêt un manteau ? Il suffirait de dire aujourd’hui j’enfile ma veste d’humilité ou mon aube de douceur… Plusieurs fois on trouve dans la bible cette façon de parler… « Que tes prêtres soient vêtus de justice » dit le psalmiste (Ps 131, 9)…Paul l’utilise particulièrement : « Vous tous que le baptême a uni au Christ, vous avez revêtu le Christ » (Ga 3, 17) ou encore à propos de la vie à venir : « il faut en effet que cet être périssable que nous sommes revête ce qui est impérissable…il faut que cet être mortel revête l’immortalité » (1 Co 15, 53). Le vêtement représente une condition, une fonction ou une profession qui implique une certaine manière de vivre et de se situer dans la vie… Changer de vêtement, en enfiler un nouveau sur un autre, c’est une manière de dire qu’on change de condition, de fonction…ou de vie…
Quand Paul demande aux Colossiens de se revêtir se tendresse, d’humilité et patience, il ne fait qu’expliciter ce qu’il leur a dit auparavant : « vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau ». Il leur demande d’aller au bout de la cohérence de leur baptême. En effet, Paul est habité par la conviction que par le baptême, tout homme et toute femme revêt un être nouveau, car il revêt le Christ. Il y a quelque chose de radicalement donné, et radicalement nouveau. Et « qu’il n’y a plus le païen, et le juif,…l’esclave et l’homme libre : mais il y a le Christ, il est tout et en tous » (Col 3,11). Se revêtir de tendresse, d’humilité et de patience, c’est laisser la vie et les sentiments du Christ devenir nôtres…
Frères et sœurs, en cette fête de St Benoit, il nous est bon de nous rappeler cela : tous par le baptême, nous avons revêtu le Christ, et tous nous sommes appelés à revêtir, à laisser s’exprimer ses sentiments, sa manière de vivre à travers toute notre vie. Notre vie est déjà empreinte de sa grâce de nouveauté comme le signifie le vêtement blanc du baptisé. Et notre vie est toujours en quête d’être revêtue de cette manière de vivre qui donne à voir le Christ. Quand un moine reçoit l’habit monastique, il accepte de recevoir une pédagogie concrète pour que sa vie se revête des sentiments et des dispositions de l’homme nouveau dans le Christ. Traditionnellement pour les bénédictins, cet habit était noir, simple et sobre en signe de renoncement à tout désir de briller ou d’exister par soi-même. Ici à la Pierre qui Vire, nous aimons bien porter, et la coule blanche et la coule noire, cette sorte d’aube que revêtons pour la prière. La coule blanche, portée les dimanches et fêtes, nous rappellent notre condition de baptisé, d’homme nouveau dans le Christ, condition totalement reçue comme un cadeau. La coule noire, portée les autres jours du quotidien, nous rappelle notre engagement monastique à demeurer des veilleurs et des lutteurs afin que la douceur, l’humilité et la patience du Christ deviennent davantage nôtre. Ces vêtements sont des signes. Car « l’habit ne fait pas le moine » dit avec justesse la sagesse populaire. Il exprime un désir, une volonté de s’engager. Car le travail spirituel se vit dans le cœur. St Benoit nous le laisse bien entendre lorsqu’il décrit dans le chapitre sur l’humilité le chemin de libération du moine. C’est en consentant, sous la conduite de l’Esprit Saint, à purifier son cœur qui peu à peu, douceur, humilité, charité empliront sa vie et sa manière de vivre. A nous moines, est toujours adressée cette continuelle invitation à ne pas nous contenter des apparences, ni à nous appuyer sur elles, mais à chercher à nous ajuster en vérité à la Parole du Christ qui habite nos cœurs et à nous conformer à la paix du Christ qui veut transfigurer nos visages.
Frères et sœurs, dans notre prière nous nous associons à votre vie chrétienne et votre quête. En ce jour, merci de prier pour vos frères moines, afin qu’ils soient vraiment des chercheurs de Dieu qui vont au bout de l’appel de leur baptême. 11 Juillet 2017
Année A - 14e dimanche ordinaire - 9 juillet 2017
Zacharie, 9, 9-10 Rom. 8, 9,11-13 Matt. 11, 25-30
Homélie du F.Ghislain
Dans l’évangile que nous venons d’entendre, Jésus nous invite : « Venez à
moi, vous qui peinez sous le poids du fardeau ». Tous, en effet, dans cette
église où nous sommes entrés tout à l’heure, nous peinons sous le poids d’un
fardeau. Chacun a le sien, fait de ses douleurs, de ses efforts coûteux, de
ses espérances déçues, de ses relations parfois difficiles, du poids aussi
de la souffrance du monde et de toutes les victimes qui le peuplent. Et ce
poids est parfois aggravé parce que nous sommes plus ou moins ce que
l’évangile appelle les « sages et les savants » : entendons que nous portons
sur les gens et les choses des jugements arrêtés, des convictions
inébranlables mais pas toujours fondées, nous subissons aussi des lois aussi
qui nous obligent sans que nous comprenions pourquoi…Le tout est comme une
sorte de corset plus ou moins étroit qui nous enserre, ne nous libère pas et
rend le fardeau plus lourd.
Or voici que Jésus nous invite au repos : « venez à moi, je vous procurerai
le repos, vous trouverez le repos pour vos âmes ». Entendons cette
invitation, ici, maintenant. La manière d’obtenir ce repos, il nous la dit :
« devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur ». Ici il nous
faut prendre le temps de regarder Jésus : la douceur et l’humilité ne sont
pas des attitudes qu’on puisse définir abstraitement. Il faut ouvrir les
yeux du cœur et les regarder, les contempler chez ceux qui en vivent. Jésus,
doux et humble de cœur. Le prophète Zacharie, dans la première lecture, nous
le montre « pauvre et monté sur un ânon » alors qu’alentour il y a des chars
de guerre et des chevaux de combat. Douceur de Jésus, douceur de l’évangile.
Celui-ci n’est pas une règle de vie facile, mais quand nous l’entendons
sortir des lèvres de Jésus, sourdre de son visage, il n’y a plus de dureté.
La Règle de saint Benoît, qui dessine un genre de vie plutôt austère, se
défend de rien imposer, dit-elle, de pesant ni d’âpre : il faut la prendre
en douceur, car elle vient de quelqu’un qui veut nous donner la vie. De
même, Jésus ne nous adresse-t-il pas alors une invitation à prendre notre
vie en douceur ? Et cette douceur ne va-t-elle pas guérir l’âpreté de notre
fardeau ?
Mais l’évangile va plus loin : la douceur de Jésus est une révélation de
Dieu. S’il nous invite à devenir ses disciples, c’est que Jésus veut nous
enseigner Dieu. Dieu, personne ne l’a jamais vu ; il demeure un Dieu caché.
Nous ne connaissons pas davantage le détail de son dessein sur le monde,
l’histoire, ni même sur la vie de chacun. Tout cela, c’est ce que l’Ecriture
appelle le Mystère ; c’est un livre scellé auquel nous n’avons pas accès. Un
seul pourtant connaît : le Fils qui est dans le sein du Père, qui est venu
parmi nous et ne désire rien tant que de nous révéler ce qui est caché. En
nous invitant à devenir ses disciples, Jésus veut nous introduire en Dieu,
nous le faire connaître ; mais il désire aussi nous faire comprendre ce que
nous échouons à expliquer, ce qui est plus fort que nous, ce qui parfois
nous scandalise, ce qui frôle l’insupportable. En nous proposant de regarder
sa douceur et son humilité, Jésus nous révèle à la fois le vrai visage de
Dieu et l’art de vivre en douceur dans un monde de violence, l’art de mettre
de la douceur aussi autour de nous.
Nous comprenons alors l’invitation à être des « tout-petits ». Cette
petitesse n’est pas de l’infantilisme. Elle est la racine encore fraîche et
souple de notre être le plus profond. Une sorte de disponibilité sans
condition où nous pouvons atteindre, qui permet d’accueillir sans calcul ce
qui advient, de « prendre tout en gré » comme ses voix le disaient à sainte
Jeanne d’Arc. Alors nous sommes mis sur le chemin de la connaissance de
Dieu, de la vision en Dieu des vicissitudes humaines, de ce que Jésus, qui
connaît le Père, veut nous révéler. Et il en résulte une proximité
respectueuse de tous les hommes, à commencer par les plus proches.
Avec cela, le fardeau avec lequel nous étions entrés dans l’église ne
disparaît pas. Le repos que veut nous donner Jésus comporte aussi un joug et
un fardeau : peut-être est-ce le même que tout à l’heure, mais n’a-t-il a
pas changé de sens ? Accueilli dans la douceur et l’humilité du Christ, son
poids s’allège et il ne blesse plus les épaules qui le portent.
Il me semble, frères et sœurs, que ce passage de saint Matthieu est comme la
quintessence de l’évangile, et en même temps le secret d’une vie, sinon
heureuse, du moins apaisée. Ne le laissons pas passer, mais offrons-nous à
lui. Allons à Jésus doux et humble de cœur, et entrons dans le repos qu’il
nous offre. - 9 juillet 2017
Année A - 13° Dimanche du temps Ordinaire - 2 juillet 2017
2 Roi 4 8-16; Ro 6 3-11; Mt 10 37-42
Homélie du F.Hubert
Les versets que nous venons d’entendre terminent le chapitre 10 de St Matthieu,
consacré au choix des Apôtres et à leur envoi en mission par Jésus.
Proclamez que le royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, donnez gratuitement.
Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups.
Vous serez détestés de tous à cause de mon nom. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps.
Qui vous accueille m’accueille, et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé.
Jésus a été touché de compassion devant les foules désemparées et abattues comme des brebis sans berger. Alors il envoie ses apôtres annoncer le Royaume, et lui-même va partir enseigner et proclamer la Parole.
Urgence et caractère absolu de la mission.
Sauver les brebis abattues, désemparées, perdues. Leur donner sens et espoir. Vie.
Pour les disciples, il ne s’agit de rien moins que de participer à l’œuvre de celui qui le Père a envoyé.
Ils leur faut être totalement disponibles,
et, avec la force de l’Esprit, être capables d’affronter toute contradiction, tout refus, toute persécution.
Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur.
La contradiction peut venir de ceux vers qui ils sont envoyés :
Méfiez-vous des hommes, ils vous livreront aux tribunaux, … le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant.
Mais les résistances peuvent être aussi en eux :
Qui se déclarera pour moi, … qui me reniera devant les hommes…
La mission de Jésus et de ses apôtres est d’annoncer la venue, la présence, du Royaume, d’apporter la paix, celle de Dieu.
Mais cette Bonne Nouvelle suscite contradictions, voire persécutions.
Jésus en sera condamné à mort, beaucoup de disciples seront persécutés.
Les communautés destinataires de l’évangile vivent cela. Le frère livrera son frère à la mort.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre : Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi.
Jésus critiquera plus loin ceux qui ne prennent pas soin de leurs parents,
sous prétexte d’offrande à Dieu.
Il ne s’agit donc pas de ne pas aimer son père ou sa mère,
mais d’être disponible pour la mission, pour l’annonce du royaume et de la paix que Jésus apporte.
L’annonce même de cette paix suscite la division :
Au v 13, Jésus dit : Si la maison qui vous accueille en est digne, que votre paix vienne sur elle.
mais au v 34, il affirme : Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.
Je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère…
Le Royaume est celui du don et de l’accueil.
L’humanité n’y est pas d’emblée accordée.
Toute attitude contraire au don et à l’accueil devient opposition au Royaume.
« La paix n’aurait plus d’ombre, si nos mains se dépouillaient au lieu de retenir »
chantons-nous dans une hymne du Temps pascal.
Mais celui qui vous accueille m’accueille, et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé.
A travers les contradictions, les séparations, les choix couteux, Jésus nous offre le chemin de la communion. Celle même du Père et du Fils. Le chemin de la paix, le chemin de la vie partagée.
On retrouve là les affirmations si fortes de Jésus dans saint Jean :
Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous pour que le monde croie que tu m’as envoyé.
Pour éclairer cette mission que le Christ nous confie, reprenons les mots du pape François dans La joie de l’Evangile :
La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus.
Il est vital qu’aujourd’hui l’Église sorte pour annoncer l’Évangile à tous, en tous lieux, en toutes occasions, sans hésitation, sans répulsion et sans peur. La joie de l’Évangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu.
Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie.
Dehors, il y a une multitude affamée, et Jésus nous répète sans arrêt : « Donnez-leur vous-mêmes à manger »
L’Église doit être le lieu de la miséricorde gratuite, où tout le monde peut se sentir accueilli, aimé, pardonné et encouragé à vivre selon la bonne vie de l’Évangile.
Je termine avec cette hymne pour la Saint Benoît :
N'avoir rien de plus cher que le Christ,
Servir le seul Maître
Dont le joug rende libre :
Ainsi, dans la douceur de l'Esprit,
Benoît se livre.
Benoît, le moine, le disciple du Christ.
Si quelqu’un a accueilli l’amour qui donne sens à sa vie, comment pourrait-il retenir le désir de le communiquer aux autres ? (cf La joie de l’Evangile)
- 2 Juillet 2017
Année A - 12° dimanche du Temps Ordinaire - 25 juin 2017[br
Jér 20 10-13; Rom 5 12-15; Matthieu 10 26-33
Homélie du F.Matthieu
Deux thèmes peuvent nous aider à entrer dans ce passage de l’évangile de Matthieu que nous venons d’entendre :
1er thème, celui de la valeur : quelle est la valeur d’une vie humaine, la nôtre propre mais surtout celle des autres, de tous les autres…
« Soyez donc sans crainte :
vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. »
2ème thème, celui de notre témoignage de l’évangile et du Christ devant les hommes et devant Dieu.
« Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes,
moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. »
Que valent les hommes ? Que valons-nous, chacun, chacune ? Voilà bien une question lancinante, dramatique même en notre temps comme en tout temps. En effet, hier comme aujourd'hui dans notre monde, les puissants, les bien-portants, les gens de culture, sans parler des riches …, valent plus que les autres.
Jusque dans les circonstances tragiques de notre monde, nous n’avons pas tous la même valeur : entre les milliers d'anonymes qui meurent sous les bombes, ou dans les mers de l’exil, dont on ne donne qu'un nombre approximatif, et dont on ne connaîtra jamais les visages, et les « nôtres », morts ou vivants, dont on raconte la vie afin de garder leur visage singulier, aimé.
Oui, bien tristement et injustement, sur cette Terre, les hommes ne valent pas la même chose !
Et pourtant, Dieu, lui, considère même les moineaux, jusqu'aux cheveux de nos têtes... comme ayant valeur à ses yeux. Et l'humain est ainsi sans prix. Non qu'il vaille cher ou pas. Il échappe à tout commerce. Il est simplement créature et don de Dieu et comme tel, objet de toute l’attention et de l’amour de notre Dieu… et il doit donc être l’objet de tout notre respect !
Toute femme, tout homme ne vaut que par ce que Dieu a fait pour lui : le créer à son image, le sauver de ses impasses en restaurant en lui sa ressemblance !
Voilà tout ce qui fait notre valeur d’hommes : être aimés, attendus, reçus, pour ce que nous sommes et parce que nous sommes. Images - déformées certes - mais images néanmoins, de notre Dieu. Et tel est justement ce dont notre Dieu témoigne. Son don est étranger à toute appréciation mercantile. Rien - pas même nos bonnes œuvres - pour l'acheter. Rien non plus - pas même notre péché - pour l'entamer et le remettre en cause. Et cela est vrai de tout être humain !
Alors oui, avec ce regard-là, il est possible de ne plus avoir peur.
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent pas tuer l'âme, dit Matthieu. Mais qu'est-ce que l'âme ? Rien d'autre peut-être que notre capacité à donner et partager, nous aussi, sans calcul, librement et gratuitement. Juste pour aimer et être des vivants au milieu des vivants, reconnus comme tels.
Et c’est à cette conversion que l’évangile nous appelle toujours !
Et c’est à ce témoignage devant les hommes, c’est-à-dire dans la vie de tous les jours, que nous sommes appelés : reconnaître en tout homme, toute femme, rencontrés - le plus pauvre comme le plus riche, le plus capable comme le plus démuni, le bien portant comme le malade, le plus proche comme l’étranger… et la liste est infinie… - l’infini valeur de « fils et fille de Dieu ».
Notre existence se fait véritablement évangélique, c’est-à-dire humaine, quand elle est habitée d'actes, de conduites, que ne commande aucun intérêt sinon la reconnaissance et le service de l’autre pour sa valeur unique de fils de Dieu.
Tout ce qui fait considérer l'autre comme un simple objet, et non l'être singulier qu'il est, est un piège. Un seul chemin pour éviter ce piège : celui du Christ serviteur.
Notre audace de témoins ne repose sur aucune assurance humaine, aucun calcul, ni pour cette vie ni pour l'au-delà. Non, elle trouve sa force dans la proximité du Christ Jésus qui est allé, lui, jusqu'à la mort pour témoigner de l'amour du Père et de sa proximité avec ceux que l'on a mis au loin, avec les plus vulnérables, avec tout être humain.
Nous appartenons tous à la même humanité et nous savons combien nos défenses sont précaires, fragiles. La sécurité qui nous est promise n'est pas d'être des surhommes. Bien au contraire.
Le secret de notre force n'est pas en nous. Mais en Dieu. Voilà ce dont nous avons aussi à témoigner : l'infinie tendresse du Père et son engagement en faveur de tout homme, au nom de l'alliance indéfectible qu'il a scellée avec tous.
Voilà ce dont nous avons à témoigner au milieu de ce monde si oublieux de la grâce que Dieu lui a offert et du chemin qu’il lui donne aujourd’hui encore : saurons-nous être ces « réveilleurs », ces témoins de « la vraie valeur de tout homme et de toute femme », qui seule rendra la société des hommes habitable et heureuse avant même son accomplissement dans le Royaume que Jésus annonce et instaure dès maintenant si nous voulons bien essayer d’en être les artisans après Lui, avec Lui, témoins crédibles pour notre temps !- 25 juin 2017
Année A - SACRE-COEUR
23 Juin 2017
Dt 7, 6-11 ; 1 Jn 4, 7-16 ; Mt 11, 25-30
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs, - « En vénérant le Cœur de ton Fils bien-aimé, nous disons les merveilles de ton amour pour nous », ainsi nous sommes-nous adressés à notre Père des Cieux dans l’oraison qui ouvrait cette célébration. En effet, comme nous l’entendions hier soir dans une lecture, le Cœur transpercé de Jésus nous ouvre l’accès au Cœur aimant du Père et nous donne d’avoir part à la source vivifiante de l’Esprit d’Amour. Sur la croix, le mystère de l’Amour de Dieu se déploie sous nos yeux…comme un mystère à contempler et à accueillir. Comme un mystère aussi dans lequel nous sommes introduits, c’est-à-dire dans lequel nous pouvons devenir pleinement acteurs.
Un mystère à contempler et à accueillir. Sur la croix, le coup de lance perce le cœur de Jésus qui vient de mourir. Cet homme qui avait dit : « je suis doux et humble de cœur » est là, transpercé. Sa douceur et son humilité se sont manifestées jusqu’au bout de son existence. Il s’est laissé faire sans répondre aux outrages, sans résister ni se révolter. Il s’est donné librement. Sa douceur n’est pas faiblesse, elle est amour offert à son Père. Son humilité n’est pas résignation, mais libre consentement pour entrer dans le projet d’amour de son Père. « Voyez comment l’amour de Dieu s’est manifesté parmi nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui…Il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés »…nous dit St Jean dans son épitre. La douceur et l’humilité de Jésus jusque sur la croix, révèle l’amour de Dieu son Père pour nous. Celui-ci ne pouvait se résoudre à voir notre humanité aux prises avec le péché et la mort. En Jésus, qui subit et porte le péché des hommes il nous offre son pardon et l’assurance de son amour. En Jésus qui assume la souffrance et la mort violente de la croix en toute liberté, il ouvre une espérance qui éclatera au matin de Pâques. La mort n’est plus une impasse, mais un passage. Pour nous, Dieu notre Père a consenti à livrer son Fils à nos cœurs endurcis, pour que Celui-ci nous ramène par son cœur transpercé vers Dieu notre Père. Et de ce cœur ouvert jailli l’eau et le sang, symbole de la vie de l’Esprit. L’Amour du Père et du fils ne serait pas totalement manifesté si la présence de l’Esprit n’était révélée. Le Cœur de Jésus est plein de cet Amour qui est l’Esprit d‘Amour échangé entre le Père et le Fils. Respiration profonde, respiration aimante qui unit le Père et le Fils dont le Cœur de Jésus est débordant. En regardant le cœur ouvert de Jésus, nous accueillons ce grand mystère de l’Amour du Père, et du Fils et du St Esprit. Il nous est bon de le contempler avec gratitude et reconnaissance. Sachons parfois, nous arrêter devant la Croix de Jésus pour contempler ce mystère d’amour offert.
Et cette contemplation de l’Amour de Dieu pour nous, allant en s’approfondissant, nous introduira de plus en plus dans une nouvelle façon de vivre. La conviction que Jean exprimait deviendra nôtre. « Puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres…Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection »… La contemplation du Cœur transpercé de Jésus nous permet d’entrer dans une autre dynamique de l’amour. Non pas un amour obligation, selon une réduction trop légaliste du commandement. Mais un amour reçu de Dieu comme un cadeau immérité qui transforme peu à peu notre regard et notre attitude vis-à-vis des autres : comme moi, ils sont immensément aimés. De même que l’Amour est la vie de Dieu, il peut devenir vraiment ma vie… Telle est notre vocation la plus profonde : devenir des fils du Père et des frères les uns des autres, qui demeurent en Dieu qui est Amour. Dans cette lumière, aimer, c’est entrer dans cet unique mouvement qui consiste à se laisser aimer par notre Dieu, sans peur, sans retenue, pour mieux aimer à notre tour, sans peur, sans retenue. Sur ce chemin, disciples de Jésus, nous voulons toujours apprendre. Comme nous le demanderons après la communion, nous pouvons faire nôtre cette prière : « brûle-nous d’une charité qui nous attire toujours vers le Christ, et nous apprenne à le reconnaitre en nos frères ». - 23 juin 2017
Année A - Fêt du Corps et du Sang du Christ - 18 juin 2017
Dt 8 2-16; 1 Co 10 16-17; Jn 6 51-58
Homélie du F.Bernard
Ces simples choses- un peu de pain rompu, un peu de vin distribué-ces simples choses, si grandes, sur lesquelles Jésus au soir du Jeudi -Saint a prononcé les paroles décisives pour la foi :
« Prenez, ceci est mon Corps. Ceci est mon sang, le sang de l’alliance qui va être répandu pour une multitude. » (Mc14, 22.24)
Dans l’eucharistie, ces simples choses, nous les refaisons, comme le Seigneur lui-même l’a demandé : « Faites ceci en mémoire de moi. » Nous les refaisons, non seulement pour raviver notre mémoire du Seigneur, mais dans la certitude que, ce faisant, par la bouche du célébrant, c’est le Seigneur lui-même qui prononce à nouveau ces mots, les rendant efficaces pour que nous communions effectivement au corps et au sang du Christ.
Et nous nous souvenons de l’hymne bien connu, qui évoque la rencontre du Ressuscité avec les disciples qui cheminaient vers Emmaüs. C’était au soir de Pâques :
Ne manque pas aux pèlerins, mais viens t’asseoir ; la nappe est mise pour le pain et pour la coupe.
Comment te saurons-nous vivant et l’un de nous, si tu ne prends ces simples choses ?», ces simples choses où « tu nous partages ton corps brisé. »
Dimanche dernier, pour nous introduire au mystère de la Sainte-Trinité nous entendions l’Evangile : « Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils Unique, afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle. » (Jn3,16-18). Aujourd’hui, c’est un autre Evangile qui peut-être nous vient spontanément à l’esprit : « Sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père, Jésus ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jn 13,1), jusqu’à l’extrême, jusqu’au don de sa vie. C’était avant la Pâque, au soir du Jeudi-Saint.
Des mots emprunts de solennité, pour annoncer des gestes tout simples, fais d’humanité et de fraternité, des gestes d’amour. L’Amour toujours présent pour nous faire entrer dans le mystère de Dieu en lui-même, pour nous introduire au dessein de Dieu sur nous, sur notre humanité. Au moment où tout va s’accomplir, Jésus fait les gestes qui donnent sens à sa venue en ce monde, à sa Passion toute proche. Il se lève de table, dépose ses vêtements, se ceint d’un linge et lave les pieds de ses disciples. Les gestes d’un serviteur, les gestes du saint Serviteur de Dieu, qui dans sa mort va laver le péché du monde, les gestes qui annoncent le baptême par lequel nous sommes lavés de notre péché et introduits dans sa vie divine. Alors Jésus célèbre la Cène, partage le pain, distribue la coupe.
Nous le savons, l’Evangile de Jean ne rapporte pas l’institution de l’eucharistie, après le lavement des pieds. Tout a été dit dans le discours sur la Pain de vie, après la multiplication des pains. C’est l’Evangile dont nous venons d’entendre la dernière partie : « Moi, je suis le Pain vivant. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. Celui-là demeure en moi et moi en lui. Et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » (Jn 6,56-57)
Manger ma chair. Ce mot chair peut nous surprendre. Il faut l’entendre dans son contexte biblique et johannique. Au début de son Evangile, Jean avait écrit : « Le Verbe, la Parole de Dieu, s’est faite chair et elle a habité parmi nous. » la chair, c’est la condition fragile et périssable de l’homme. Jésus, en sa chair, en son humanité, va passer par la mort, sa mort qui va nous sauver du péché et de la mort.
Au soir du Jeudi-Saint, en instituant l’eucharistie, il est vraisemblable que Jésus a dû employer ce mot de chair qui lui était familier, basar en hébreu, bishra en araméen.
Manger ma chair, même la mâcher, si l’on veut traduire précisément le mot grec employé quatre fois dans notre Evangile. L’eucharistie, c’est une action bien concrète, une manducation, pour nous communiquer la vie même de Jésus. Les contemporains de Jésus ont été désorientés par ses paroles. « Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? » L’eucharistie est certes une épreuve pour la foi hésitante, mais pour ceux qui peuvent dire avec Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous croyons et nous savons que tu es le Saint de Dieu. » elle est le sacrement pour la vie de la foi.
Partage-nous ton corps brisé, pour que le jour se lève au fond des cœurs troublés où tu reposes.
Ce jour que nous sentons lever, nous le voyons dans la clarté de ton visage.
Ne laisse pas le vent de nuit, ni les démons, éteindre en nous le feu qui luit sur ton passage. » Contemplant ton Visage, nous pourrons alors le rayonner, le révéler à nos frères. - 18 juin 2017
Année A - La Sainte Trinité - 11 juin 2017
Exode 34 4-9; 2 Co 13 11-13; Jn 3 16-18
Homélie du F.Vincent
Une personne que je rencontrais récemment me disait :« Ma foi, c'est que Dieu est Amour, tout est là ». Le Mystère Trinitaire que nous fêtons aujourd'hui, ce n'est pas autre chose.
Ce Mystère d'Amour trinitaire c'est d'abord celui du Père "source de toute paternité au ciel et sur la terre" comme dit St Paul aux Ephésiens, mystère du Père qui aime son Fils lui donnant vie et exprimant envers Lui un Amour infini qui dit toute sa richesse. "Le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu'il fait" dit St Jean.
La richesse de Dieu se dit toute entière dans son extase, dans sa "sortie de soi" en direction du Fils de son Amour. Le mystère de Dieu, c'est le mystère d'un don total, d'une totale et éternelle remise de soi. Cette "génération" du Fils, cet "engendrement" du Fils fait partie du mystère de Dieu-même; elle ne lui est pas surajoutée et notre Dieu ne pourrait être dit sans elle.
Dieu est tellement Amour qu'il ne saurait dire son Être, dire ce qu'il est, de meilleure manière qu'en engendrant un Fils, éternel comme lui, Dieu comme lui, en toute chose semblable à lui, tout en recevant tout de lui.
Le mystère fondamental de notre Dieu, c'est celui de ce don total de l'Amour, de ce caractère plénier de l'Amour.
Dieu Père aime son Fils et se donne totalement à lui en lui donnant l'Esprit de leur Amour commun. Il lui donne absolument tout: sa vie, sa divinité, ET cette force d'aimer qui le fait aimer lui-même. Il lui donne ce dynamisme d'Amour qui le fait lui-même aimer, et qui est son Esprit. Le Père donne au Fils de l'aimer avec l'Amour même qu'Il reçoit.
Mais regardons aussi le Fils, mais contemplons aussi l'Amour du Fils pour le Père, le merveilleux retour à sa source de l'Amour absolu. C'est ce mouvement là que nous aurons à vivre à notre tour, et c'est pourquoi il est si important d'en parler.
Le Fils aime le Père avec vraiment toute sa force, tout son cœur, toute son intelligence. Et c'est ce que nous voyons vivre à Jésus, le Fils fait homme. Si quelqu'un a jamais aimé le Père autant qu'il le mérite et avec la force même avec laquelle le Père aime, c'est bien Jésus. Jésus qui nous dit la plénitude et la beauté de son amour du Père: "Je fais toujours son bon plaisir", ( Jn 8,29). "Ma nourriture c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son œuvre", (Jn 4, 34).
Jésus révèle là tout son mystère, tout son être de Fils : aimer le Père, la volonté du Père. Jésus dit là toute sa force et sa raison de vivre. Et cette volonté aimée du Père se traduit pour Jésus par une vie simple, merveilleusement unifiée à l'image de la profonde unité d'Amour qui règne en Dieu.
Mystère de simplicité et de beauté sans aucune note discordante ni aucune ombre mauvaise ou gênante. Il n'y a que la simplicité de cet échange d'Amour où tout ce qui est reçu est rendu.
Prenons-nous assez le temps de nous laisser envelopper de cet amour rayonnant? prenons-nous assez le temps de nous laisser envahir par cet amour trinitaire qui est silence, qui est Paix et Joie dans l'Esprit Saint?
Le Père aime sans cesse le Fils et se donne à lui dans une plénitude qui ne se reprend jamais. Le Fils silencieusement accueille ce don et se donne pleinement en retour.
Il n'y a en eux nulle crainte que cet échange d'Amour s'épuise et se modifie puisqu'il est Amour divin : c'est vraiment la Paix et la Joie! Simplement, le Fils est là et il accepte cet Amour insondable. Il répond à cet Amour par un don total de soi: Paix et Joie! Amour, Paix, Joie qui sont les trois premiers fruits de l'Esprit selon l'épître aux Galates. Et ce n'est pas un hasard, car où l'Esprit donne-t-il ses fruits si ce n'est d'abord dans le Père et le Fils?
Dieu lui, est Paix et il communique à l'homme qui se laisse envahir par lui, quelquechose de sa Paix profonde.
Sa Parole fondatrice au Fils: "Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur", le Père la dit véritablement au cœur de chacun d'entre nous.
On pourrait encore longtemps parler de ce mystère du Dieu Amour. Mais il faut en laisser pour la prochaine fois ! Retenons déjà que Dieu est Amour et que c'est à cet Amour là qu'il fait participer. 11 Juin 2017
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Année A - PENTECÔTE 4 juin 2017
Ac 2,1-11; 1 Co 12, 3b7.12-13 ; Jn 20, 19-23
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Au début de cette célébration, nous avons fait cette demande à Dieu : « Continue dans les cœurs des croyants l’œuvre d’amour que tu as entreprise au début de la prédication apostolique »…Oui, notre Dieu a entrepris une œuvre d’amour fantastique en donnant son Esprit Saint aux disciples de Jésus. Comment mieux comprendre cette œuvre d’amour ? Il y a plusieurs manières de l’approcher… Chacune des lectures entendues nous ouvre des perspectives.
L’œuvre d’amour que Dieu a entreprise ressemble à un feu qui se répand…Le feu d’un élan irrésistible qui transforme des hommes simples, sans culture, en prédicateur audacieux d’une bonne nouvelle qu’ils ne peuvent garder pour eux : Jésus est vivant, et Il nous offre sa vie. Frères et sœurs, si nous sommes là, aujourd’hui, c’est que le feu est parvenu jusqu’à nous après avoir embrasé tant de générations avant nous. Si on regarde un peu en arrière, on peut s’émerveiller que ce feu ne se soit pas éteint, tant il lui a fallu traverser de sombres périodes et des difficultés qui auraient dû l’étouffer. Il a été plus fort que la fragilité humaine dont l’Eglise a fait preuve, car ce feu, c’était le feu de l’Esprit. Oui, l’Esprit Saint a su « faire feu de tout bois », pour reprendre l’expression familière. Même le bois humide ou le bois à moitié pourri, lui a été utile pour se transmettre de génération en génération. Feu purificateur, feu qui illumine, il poursuit son œuvre secrète qui régénère les cœurs, et qui remet debout des femmes et des hommes. A nous aussi le feu est transmis…Laissons-le nous illuminer, nous transformer, nous réjouir…ce sera la meilleure manière de le transmettre à ceux qui nous entourent ou qui nous suivent.
L’oeuvre d’amour que Dieu a entreprise est semence d’unité… Les étrangers résidents à Jérusalem sont tout étonnés d’entendre dans leur langue les disciples qui parlent. Tout se passe comme s’ils faisaient déjà partie de la famille. Les barrières culturelles ne sont plus un obstacle. Le don de l’Esprit rassemble et unifie les personnes. Il édifie le Corps de l’Eglise. « Le corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres, et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps » disait Paul. Oui, elle est grande cette œuvre d’amour mené par l’Esprit qui consiste à unifier tout en respectant la diversité de chaque membre… Hier soir, nous entendions le récit de Babel…qui signe l’échec du rêve humain d’unifier en uniformisant… Tous parlaient une seule langue pour une unique entreprise. Telle n’est pas l’unité que Dieu souhaite pour les humains : l’unité se fera au cœur de leur diversité et de leur différence, pas sans elles. Frères et sœurs, nous savons que ces questions demeurent actuelles : certains caressent le rêve que l’unité ou l’identité d’un peuple se fasse en excluant tout ce qui est différent. C’est une autre manifestation du rêve de Babel vouée à l’échec. L’oeuvre d’amour dans laquelle nous entraine notre Dieu consiste à tendre à l’unité en faisant feu de toutes nos différences. Œuvre humainement impossible. Nos vies communautaires, dans un monastère, dans une famille ou dans une paroisse, nous remettent sans cesse devant ce défi de l’unité à réaliser dans le respect de chacun. Laissons l’Esprit Saint nous unifier, chacun et tous ensemble. Apprenons de lui la patience vis-à-vis de nos idéaux. Laissons-le-nous enseigner l’humour qui rime avec amour, vis-à-vis de nos limites et de nos impuissances… Soyons témoins pour notre monde de ce lent travail de l’Esprit Saint qui sait associer tout être à son oeuvre.
L’oeuvre d’amour que Dieu a entrepris est partage de sa vie même, la vie divine. Ici nous balbutions devant le mystère. En donnant son Esprit Saint, Dieu ne donne pas quelque chose, mais il se donne lui-même. Et se donnant lui-même à chacun, il nous introduit en son intimité, au cœur de l’échange d’amour qui unit les trois personnes divines. L’œuvre d’amour de notre Dieu va jusque-là, dès ici-bas sur terre, comme une préparation à ce qui sera éternellement dans la vie au-delà. Dire cela peut paraitre abstrait… Mais si vous voulez, frères et sœurs, prenons conscience de ce que nous vivons déjà : lorsque nous disons à Dieu « Père », « Notre Père », nous pouvons mesurer combien cette prière est un don profond. C’est le don de l’Esprit qui nous unit à Jésus, Lui qui a « soufflé » sur les disciples. Avec Lui et uni à Lui, nous pouvons dire notre confiance à Celui de qui nous venons et vers qui nous allons. Oui, prenons conscience que ce mot « Père » engage notre cœur dans une relation profonde, heureuse et réconfortante. Et cette relation est appelée à aller en s’approfondissant et se simplifiant…jusque dans l’éternité. Oui, frères et sœurs, rendons-grâce à Dieu de nous permettre d’entrer avec confiance dans ce dialogue d’amour avec Lui, petits que nous sommes, mais soutenus par son Esprit. En cette Eucharistie déjà. - 4 Juin 2017