Homélies
Liste des Homélies
année C - 2ème dimanche ordinaire – 19 janvier 2025
Isaïe 62 1-5 ; 1 Co 12 4-11 ; Jean 2 1-11
Homélie du P. Etienne Vandeputte SJ
Frères et sœurs,
Après le baptême de Jésus, nous entrons davantage dans le temps ordinaire. En même temps, l’évangile que nous venons d’écouter évoque un événement qui n’est pas particulièrement « ordinaire ». De plus, l’évangéliste nous précise que cet événement est un signe.
De quoi ce repas de noces est-il signe ? Que nous indique cet événement ? Qu’est-ce qu’il signifie ?
Il vaut la peine de faire le détour par la première lecture de ce dimanche. Ce texte se trouve parmi les derniers chapitres du livre d’Isaïe. Il annonce une fin heureuse de l’histoire du peuple de Dieu, après les affres de l’Exil : tu ne seras plus « délaissée » ; il n’y aura plus de « désolation ». Tout à l’opposé, Dieu lui-même choisit un nom nouveau pour son peuple : « Ma Préférence », « L’Épousée ». Dieu choisit l’image de l’Alliance que nous retrouvons tout au long de la Bible.
Cette première lecture se termine de manière étonnante : ainsi, « tu seras la joie de ton Dieu ». Cette dernière phrase résonne avec la fin du récit du baptême de Jésus que nous avons entendu la semaine dernière : « Tu es mon fils bien-aimé. En toi, je trouve ma joie ». Nous sommes donc chacune, chacun, invité à être la joie de Dieu en étant fille et fils bien-aimé du Père, en étant sœur et frère du Christ, en étant sœurs et frères dans le Christ ; ou, pour prendre une autre image, en étant « L’Épousée », en vivant en alliance avec le Père.
C’est bien l’horizon proposé par l’évangile de ce dimanche : le rêve de Dieu, c’est la joie des noces. Et pourtant, il n’y a pas de vin. Il manque quelque chose d’essentiel pour que cette fête fasse la joie de Dieu. Pour que je suscite la joie de Dieu, il me manque peut-être quelque chose d’essentiel. Il manque peut-être quelque chose d’important à notre couple ou à notre famille… Mes frères, que manque-t-il à votre communauté de disciples de saint Benoît pour que la joie de Dieu soit plénière ? Que manque-t-il à notre Église ? En cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, que manque-t-il aux Églises du Christ ?
Et le texte continue : Marie voit ; Marie dit. Invitation à écouter celle ou celui qui m’interpelle, qui nous interpelle en ces mots : voilà le vin qui nous manque. Et qui ajoute : c’est le moment, c’est l’heure de nous confronter à ce manque.
Le récit n’en reste pas là. Il y a là les jarres destinées aux ablutions. Elles ont leur utilité ; elles ont certainement servi avant le repas. Au-delà de cette utilité habituelle, elles vont permettre le jaillissement plénier de la joie grâce à la transformation opérée par Jésus. Que faut-il changer, qu’est-ce qui doit se laisser transformer pour que la joie de Dieu puisse s’épanouir totalement dans ma vie, dans notre vie ?
Je termine par une brève allusion à la deuxième lecture de ce dimanche, en lien avec la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Ce texte nous parle de la diversité au sein de nos communautés. Celle-ci peut être cause de divisions ou source d’enrichissement. Comme les bouquets que frère Ambroise prépare, semaine après semaine, et qui illuminent discrètement nos liturgies grâce à la diversité des variétés de fleurs ou des couleurs, nos communautés, nos familles peuvent être, grâces aux diversités bien vécues, sources de joie pour Dieu.
P. Etienne
EPIPHANIE - 05.01.2025
Is 60, 1-6 ; Ep 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
Homélie du Père Abbé Luc
« Debout Jérusalem, resplendis, elle est venue ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi » … Accueillons, frères et soeurs ces mots du prophète Isaïe, comme s’ils nous étaient adressés encore aujourd’hui. La promesse faite en son temps au peuple d’Israël s’éclaire pleinement pour nous aujourd’hui dans la venue du Christ, petit enfant, devenu homme, mort et ressuscité, et toujours présent à nos côtés. Oui, comme le dit Paul, « nous avons part au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus… » Telle est la foi que nous célébrons en ce jour de l’Epiphanie, jour de la manifestation du Christ Sauveur aux nations, Lui notre Lumière…
Mais peut-être me direz-vous, la manifestation de cette lumière est bien faible…Dans les nuages qui semblent s’amonceler et obscurcir l’horizon de notre histoire présente, la lumière apportée par le Christ a-t-elle encore quelque pertinence ? C’est ici, qu’il nous faut suivre de près les trois mages venus d’Orient. Ils se sont mis en route. Ils ont fait confiance à une petite étoile. Ce récit, de type haggadique ou parabolique, veut nous enseigner, nous renseigner pour prendre le mot d’Hérode, sur qui est vraiment le Christ, et comment il nous faut nous comporter devant lui.
Ces trois mages, des sages, ne sont pas venus les mains vides. Ils arrivent très richement chargés, pour offrir au nouveau roi des juifs, des présents très précieux, de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Les pères de l’Eglise se sont plus à interpréter dans l’or offert, l’honneur rendu à Jésus en tant qu’il est roi, dans l’encens la reconnaissance de sa divinité, et dans la myrrhe, l’annonce de sa passion et de sa mort. Si l’on suit ce fil, la nature des cadeaux nous renseignent fort sur l’identité profonde de cet enfant, et la lumière qu’il nous faut en attendre.
Il est roi, mais il n’habite pas un palais. Sa lignée pourtant royale ne s’inscrit pas dans une des lignées des grands de monde. Il est roi, mais il n’usurpe ce titre à personne. Comme un enfant, il est roi d’un royaume dont il nous dira plus tard que ce Royaume n’appartient qu’à ceux qui ressemblent aux enfants. Aussi quel or pouvons-nous apporter à ce roi que nous reconnaissons et désirons servir comme tel aujourd’hui ? Quel fruit de notre travail est vraiment à la hauteur de sa dignité ? Non pas un or gagné ou épargné sur le dos des autres. Non, mais un or fruit de la justice et de la concorde, à lui qui est venu instaurer un règne de justice. Apportons-lui le fruit de la paix lentement tissée entre nous. Offrons-lui la bienveillance et la vigilance mutuelle vécues dans nos relations fraternelles…. Tous ces dons qu’il a semé en nos cœurs par son Esprit…
Il est Dieu mais il se tient dans une simple « maison » nous dit l’évangéliste Matthieu. L’évangéliste Luc le situe dans une « maison commune », une hôtellerie pour gens de passage. Il est Dieu au cœur de la vie la plus quotidienne. N’étant pas dans un temple, il n’a pas besoin de sacrifices d’agneaux ou de béliers, comme encore cela pouvait se vivre au Temple de Jérusalem, au temps de sa naissance. Il est Dieu avec nous, au plus proche. Nous pouvons l’honorer par l’encens de notre reconnaissance, de notre action de grâce au fil de nos journées. Le chanter au fond de notre cœur, dans la banalité des jours. Dieu Tout Puissant qui s’est fait tout fragile, tout vulnérable n’attend de nous que la présence aimante et attentive, celle que nous pouvons lui offrir en la partageant avec ceux qui sont avec nous. Lui qui s’est inscrit au cœur de nos relations humaines comme un enfant dépendant, nous demande simplement de ne laisser personne à l’écart, hors de la circulation de l’amour fraternel. Voilà l’encens qui monte vers lui comme un encens d’agréable odeur. Car comme nous le dirons dans la prière eucharistique, « il ne cesse de rassembler son peuple, afin que du levant au couchant du soleil, une offrande pure soit présentée à son nom ».
La myrrhe, que les mages lui offrent, peut être comprise comme le signe de la passion… Comme une certaine Marie, ils ont préparé par avance ce baume, parfum de douceur, pour honorer celui qui souffrira, mourra et sera enseveli… Et la mort passera effectivement tout près de cet enfant, lorsqu’Hérode fera tuer les innocents de Bethléem et de ses environs… Les mages nous entrainent à regarder en face le poids de la souffrance, de la mort et du mal. Honorer cet enfant Roi et Dieu ne peut se faire de manière juste qu’en le reconnaissant au plus proche de nous dans notre condition mortelle, blessée par le péché et le mal. Sa passion et sa mort ignominieuse signeront son engagement. Quelle myrrhe pouvons-nous aujourd’hui encore, offrir au Christ ? N’est-ce pas le baume de notre compassion qui écoute celui ou celle, croisé(e) sur notre chemin et que la vie a particulièrement meurtri ? N’est-ce pas le baume de notre espérance, pleine de patience et de miséricorde qui, souvent sans mot, se donnera comme une présence fidèle ? Nous pouvons demander cette grâce de ne pas passer à côté de celui ou celle qui requiert un geste ou une parole que, dans l’instant présent, personne d’autres ne pourra donner…
Nous rendons grâce au Seigneur, d’être guidé par les mages, pour mieux le reconnaitre la vraie lumière de nos vies et l’honorer dans notre quotidien fraternel. Dans cette eucharistie, entrons dans la célébration de l’offrande de Celui en qui toute offrande est juste et véridique.
Année C - SAINTE MARIE MERE DE DIEU - 01.01.2025
Nb 6, 22-27 ; Ga 4, 4-7 ; Lc 2, 16-21
Homélie du Père Abbé Luc
Sainte Marie Mère de Dieu…Une mère et Dieu en cet enfant… En priant devant la crèche réalisée par nos frères, je me suis arrêté sur les personnages de Marie et de l’enfant Jésus. Le sculpteur, Fernand Pie a représenté Marie dans une attitude de prière, comme la tradition latine l’a souvent fait. Devant son enfant, Marie n’est pas seulement une mère émerveillée d’accueillir l’inouï de la vie, elle est en prière. Elle contemple cet enfant qui vient de naitre. Elle est dans un autre regard, une autre attitude pour tenter peut-être de mieux percer le mystère de cet enfant qui a grandi en elle de manière si singulière.
Et l’enfant ? La sculpture présente dans notre crèche est l’œuvre d’une petite sœur de Jésus. Elle a représenté l’enfant Jésus tout souriant avec les bras ouvert dans un grand geste d’accueil. Habituellement on dit que les parents accueillent un enfant, mais là visiblement c’est l’enfant qui nous accueille. Tel est le visage du Christ qu’a reconnu la petite sœur qui l’a sculpté. Le Christ qui est venu au monde, notre Sauveur, est celui qui peut accueillir tout être humain pour lui donner la vie. Ce détail d’une sculpture peut nous rendre attentif lorsque nous regardons une représentation du visage du Christ, quelque soit son âge… Chaque visage sera l’expression de la compréhension que l’auteur a du mystère du Christ. Pour l’un, ce sera le visage sévère ou grave du Christ en majesté, pour l’autre ce sera le visage doux et pacifique, que l’on pense au visage du Christ au cheval blanc de la crypte d’Auxerre… Grande variété de visages, grande diversité des expériences et compréhensions du Christ en son mystère… A travers cette grande diversité, nous voyons alors à l’œuvre la bénédiction entendue dans la première lecture : « Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage… Que le Seigneur tourne vers toi son visage… » Ces représentations laissés au fil de l’histoire nous enseigne combien le Seigneur a révélé son visage à ses amis. Oui, d’âge en âge, et pour nous chrétien plus particulièrement depuis la venue du Christ, le Fils de Dieu, le Dieu d’Israël n’a cessé de désirer dévoiler son visage, le faire briller sur nous, nous le faire connaitre. Telle est la bénédiction qu’il appelle sur nous : que nous puissions découvrir son visage, mieux le connaitre, laisser ses traits devenir nos traits…
Et si, frères et sœurs, durant cette année nouvelle, année jubilaire de la naissance de notre Sauveur qui nous a révélé le visage d’Amour de notre Dieu, nous prenions plus au sérieux le désir de notre Dieu de nous révéler son visage. Si nous accueillions vraiment sa bénédiction offerte les uns par les autres. Dans notre prière, nous pourrions faire nôtre cette demande que St Ignace de Loyola propose à celui qui commence un temps d’oraison : demander la grâce d’une connaissance plus intérieure de Jésus le Christ. Une connaissance pas intellectuelle, mais plus intérieure. Demander la grâce de laisser son visage briller en nous et sur nous, afin de mieux le connaitre, l’aimer et le faire connaitre… Ceux d’entre nous qui peignent, dessinent ou sculptent pourront essayer de le représenter… Mais si nous n’avons pas tous ces dons artistiques, tous nous pouvons grandir dans la connaissance intérieure de ce visage du Christ, de sa personne, afin qu’il brille un peu plus dans notre vie, qu’il nous illumine de l’intérieur. Puisque tel est son désir. En nous plaçant ce matin sous la garde de Marie, qui a cherché à mieux connaitre ce Fils étonnant, allons durant cette année à la rencontre de notre Seigneur.
Année C- Fête de la Sainte Famille - 29 décembre 2024
1 Sm 1 20-38; 1 Jn 3 1-24 ; Lc 2 41-52
Homélie du F. Vincent
Encore toute rayonnante de la Grâce de Noël, l’Église célèbre aujourd’hui la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph. Le Verbe de Dieu qui a pris chair de la Vierge Marie ne s’est pas simplement servi de l’humanité, il l’a concrètement habitée, c'est-à-dire qu’il a pris le temps de vivre concrètement les relations humaines, de vivre comme un homme parmi les hommes. Son enfance et sa jeunesse n’ont pas été une simple parenthèse, et le Fils de Dieu n’a rien négligé pour s’enraciner dans notre humanité, c'est-à-dire, concrètement, dans son pays, dans son peuple, dans son village et dans sa famille. Jésus a pris le temps d’habiter toutes les étapes de notre humanité en croissance.
Tout d’abord, la famille est le lieu d’apprentissage de l’amour en actes et en vérité, le lieu où sont transmises les valeurs essentielles pour que chaque être humain puisse devenir adulte. Comme nous l’illustre l’aventure, que nous venons d’entendre, (aventure arrivée à la Sainte Famille), chaque membre de nos familles apprend à découvrir l’autre, à se laisser surprendre et quelquefois dérouter par celui que l’on croyait connaître. « Mon enfant, pourquoi nous as tu fais cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant ton père et moi ! » La vie commune nous permet d’apprendre à nous connaître mutuellement au sein de la famille, comme au sein d’une communauté monastique ! Ainsi aimer c’est accepter cette part d’inconnu, c’est permettre à cette liberté de nous surprendre encore. Dans les paroles et les silences de Marie et de Joseph, qui accompagnent Jésus dans sa vocation, nous découvrons la profondeur d’un amour qui sait être présent, qui sait prendre sa part de responsabilité envers l’enfant, et qui sait s’effacer devant le mystère de Jésus pour qu’il puisse accomplir sa vocation personnelle.
C’est une véritable ascèse quotidienne qui permet d’accéder à la pureté et à la profondeur de l’amour. C’est pourquoi, si l’amour parental arrive à ce niveau de qualité, que nous percevons dans cet évangile, il peut nous servir à comprendre quel est l’amour de Dieu pour l’humanité. Dans son amour créateur et sauveur pour l’humanité, notre Dieu n’usurpe en rien ce beau nom de Père !
A côté de l’apprentissage de l’amour à l’image même de la paternité de Dieu, la famille est aussi le lieu de l’apprentissage de la miséricorde (nous ne le savons que trop !) Cette miséricorde est indissociable de l’appel à la perfection de l’amour en actes et en vérité. Car il nous faut apprendre à aimer comme Dieu nous aime, et nous ne le pouvons pas encore vraiment. Nous sommes continuellement dans un travail de conversion et de réconciliation pour apprendre à donner le meilleur de nous-même.
Oui, dans le prolongement de Noël nous célébrons aujourd’hui la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph. Il s’agit bien d’une famille humaine toute simple mais totalement conduite par la foi. Jésus, le Fils éternel du Père s’est incarné dans une famille humaine, celle de Marie et de Joseph. Ils sont unis par un amour intense, fondé sur celui qu’ils reçoivent de Dieu. C’est un exemple qui est proposé à toutes nos familles. Elles sont appelées à vivre d’un amour enraciné dans l’amour de Dieu. Bien vivre, c’est vivre en aimant et ce ne sera possible que si nous puisons à la source de Celui qui est l’amour.
On peut voir aussi dans l’évangile de ce jour que la foi de Marie n’a pas été un chemin plus facile que le nôtre ! Un jour, quelques 30 ans ans plus tard Marie perdra de nouveau Jésus ! Au pied de la Croix, elle revivra une Passion autrement crucifiante! Elle le retrouvera 3 jours plus tard, Il ne sera plus dans sa maison à elle, ni au temple ! Il sera chez son Père. Ne savez-vous pas que je dois être chez mon Père, dit Jésus ce matin. L’évènement de Pâques vient éclairer celui qui nous est rapporté dans l’évangile de ce dimanche.
Comme St Luc nous en a montré le chemin, relisons aussi les évènements des vies de nos familles dans la lumière de notre foi au Christ ressuscité !
Année C - Messe du Jour de Noël - 25 décembre 2024
Is 52 7-10; Heb 1 1-6; Jn 1 1-18 Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
En ce jour de Noël, jour de grande fête et de joie nous ne célébrons pas que la seule naissance de Jésus à Bethléem, mais une tripe naissance de Dieu, selon un thème traditionnel de la spiritualité chrétienne. Il y a en effet une naissance de Dieu en lui-même, il y a la naissance du Fils de Dieu en notre chair, et il y a la naissance du Verbe de Dieu en nous-même, en notre âme.
La 1ère naissance sans doute la plus profonde et la plus mystérieuse est celle que nous contemplons dans le Prologue du 4ème Evangile, qui vient d’être chanté solennellement. Naissance éternelle du Verbe au cœur de la Trinité. Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. La suite du texte précise que ce Verbe est le Fils du Père, plein de grâce et de vérité.
Chaque dimanche et aujourd’hui encore dans un instant, nous professons dans le Credo de l’Eglise que le Christ est le Fils Unique de Dieu né du Père avant tous les siècles. Il est Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu engendré, non pas créé et de même nature que son Père. Cet engendrement, cette naissance dans l’éternité échappe au temps et à l’histoire. Elle échappe aussi à notre compréhension et dépasse infiniment les limites de notre entendement, mais nous l’affirmons cependant dans la foi et dans l’amour. Pour nous chrétiens, cette 1ère naissance de Dieu doit demeurer l’objet de notre émerveillement et de notre adoration. Elle est source de joie.
La seconde naissance, celle de l’enfant Dieu à Bethléem qui nous a été rapportée par l’évangile de la messe de minuit, nous est plus familière. Il est plus facile de la raconter aux enfants et elle a été préparée par les calendriers de l’Avent et la réalisation des crèches. Pourtant, cette seconde naissance n’en est pas moins paradoxale ou scandaleuse, voire même folle et impossible à admettre pour qui ne partage pas notre foi. Aucune sagesse païenne, aucune religion ne peut envisager une telle naissance d’un Dieu sur la terre des humains. C’est le mystère de l’Incarnation.
Jésus, le Christ, est né d’une femme, la Vierge Marie, lorsque les temps furent accomplis. Et Dieu a pris les traits de visage d’un bébé, d’un garçon, d’un homme.
Saint Paul dans sa lettre aux Philippiens dira qu’il n’a pas retenu jalousement son rang d’être l’égal de Dieu, mais qu’il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes et par son aspect, il était reconnu comme un homme, et il s’est abaissé dans l’obéissance à son Père, jusqu’à mourir sur une croix.
Autant que pour la 1ère naissance du Verbe dans son éternité, nous avons à nous émerveiller et à nous réjouir de cette 2nde naissance du Verbe dans notre humanité.
Mais ces deux naissances ne présenteraient guère d’intérêt et resteraient extérieures et étrangères à nous, si elles ne s’actualisaient pas présentement en chacun de nous, à l’intime de chacune de nos âmes. C’est le dominicain Maître Echkart qui au Moyen Age, en reprenant une idée d’Origène a longuement développé cette naissance de Dieu qui se produit en nous, en notre âme, et c’est cela qui importe, dit-il. Dieu pénètre ici le fond de l’âme. Personne d’autre ne peut entrer dans le fond de l’âme sinon Dieu seul.
Cette 3ème naissance du Verbe de Dieu à l’intime de notre être permet de rendre compte du vouloir profond de Dieu en s’incarnant. Dieu se fait homme afin que l’homme puisse devenir Dieu, comme l’affirmaient les Pères de l’Eglise. Dieu veut rendre à l’homme sa dignité d’être créé à son image et à sa ressemblance, dignité qu’il a perdue et qu’il perd encore par le péché et c’est toute la raison du sacrifice pascal du Christ dans sa naissance, sa vie, sa mort et sa résurrection. Noël et Pâques sont ainsi inséparables et nous les célébrons ensemble à chaque eucharistie.
Pour terminer, je reprendrai les termes de l’une des préfaces de la nativité qui nous fait chanter à Dieu : « lorsque ton Fils prend la condition de l’homme, la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse ; il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels » . Amen
NOEL 2024 - Messe de Minuit -
Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
Homélie par le Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Le message de l’ange aux bergers vient de retentir comme une grande joie : « un Sauveur vous est né, le Christ, le Seigneur ». Oui, en quelques mots nous avons là comme le résumé du message de cette fête de Noël. Un Sauveur qui porte le nom de Jésus, qui signifie « Le Seigneur sauve ». Dans la foi en effet, nous croyons que Jésus né dans la pauvreté de Bethléem, qui a prêché la justice du Royaume de Dieu, qui en est mort et qui est ressuscité, nous sauve de l’emprise du péché, et de celle de la mort qu’il a vaincue… Mais nous pourrions légitimement nous demander, Jésus est le Sauveur oui, mais de quoi nous sauve-t-il aujourd’hui ? Ou encore pour poser la question autrement : de quoi ai-je besoin d’être sauvé, moi, aujourd’hui ? Chacun pourra au plus intime de son cœur essayer de répondre. Mais les lectures entendues, nous offrent déjà quelques pistes.
En entrant dans l’Eglise pour la prière des vigiles, nous avons fait un détour par la crèche pour un temps de contemplation, d’adoration du « nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». Paradoxe de cette scène très simple et invariable en ses personnages tant de fois représentée dans l’histoire et pourtant qu’on ne se lasse pas de regarder, de venir contempler. Devant la crèche et son dépouillement, ne nous est-il pas révélé quelque chose de cette simplicité à laquelle nous aspirons tous au plus profond de nous ? Là tout le monde peut venir comme veulent le signifier toutes les traces de pas peintes par nos frères François d’Assise, Hoa et Jean Louis. Là pas de grandes manières, là nous pouvons exister tels les bergers, tels des enfants avec notre petitesse, sans prétention. Le Dieu de qui est sortie l’immensité de l’Univers se fait petit enfant, vulnérable, l’un de nous. Sans que nous nous en rendions compte, en nous laissant attirer par la crèche, nous sommes déjà entrainés sur un chemin de salut. C’est le chemin qui nous fait quitter les prétentions de l’orgueil dont nous pouvons aussi être capables. Devant ce mystère de petitesse reconnue, nous pouvons exister chacun à notre vraie hauteur, celle de notre humanité sans fard, sans faux-semblants, sans vaines exigences. Oui, en nous attirant à la crèche, notre Sauveur nous délivre des fausses illusions de la richesse et de la puissance. La beauté et la vraie joie se trouve à notre portée.
« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière » avons-nous entendu de la bouche du prophète Isaïe. De même les bergers sont surpris par une grande lumière qui les enveloppe lorsque l’ange les interpelle. Mais de quelle lumière s’agit-il ? Les peintres se sont souvent plus à montrer dans les représentations de la crèche combien la lumière qui éclairait l’ensemble de la scène émanait de l’enfant déposé sur la paille. Avec Jésus, s’il y a une lumière nouvelle qui apparait, ce n’est pas une lumière qui vient de l’extérieur, à force de torches ou projecteurs. Non, mais c’est de l’intérieur, de Jésus lui-même que vient la vraie lumière. Ainsi Jésus le Sauveur nous entraine à nous laisser attirer par une autre lumière, celle qu’Il est lui-même. Et cette lumière, nous pouvons la faire nôtre, en nous mettant comme lui sous la conduite de l’Esprit. Oui, Jésus Sauveur nous sauve de la fascination des lumières trompeuses, celles de la gloire, du succès et de l’efficacité. Ces lumières si recherchées aujourd’hui peuvent être source cependant de tant de désespérance lorsqu’on reste dans l’ombre, sur le bord de la route. Oui, Jésus Sauveur, la Lumière du monde, nous offre le bonheur de laisser sa lumière illuminer et réchauffer nos vies, pour les faire briller d’un éclat tout autre, à notre hauteur d’humanité.
Dans la seconde lecture, Paul nous assurait que « la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes…pour faire de nous un peuple ardent à faire le bien ». Être ardent à faire le bien, voilà une autre manifestation du salut apportée par notre Sauveur. Tous nous pouvons mesurer combien nous désirons faire le bien, et dans le même temps combien nous peinons à le faire, à nous mettre au service de quelqu’un qui nous dérange, à être généreux dans notre temps, le partage de nos biens. Une sorte de paresse, teinté d’amour propre ou d’égoïsme nous paralyse en quelque sorte. Il y a quelques jours, j’avais au téléphone un monsieur handicapé, qui vit pauvrement avec sa petite retraite. Ne pouvant aller facilement à l’église, il aime suivre sur KTO et RCF le chapelet ou la messe. Grâce quelques rentrées d’argent supplémentaires dont il a bénéficié, il me partageait sa joie de pouvoir bientôt faire du bien. « Cela me manque de faire le bien », me disait-il, à propos des quelques modestes versements qu’il s’apprêtait à faire à des associations pour des migrants. « Cela me manque de faire le bien », n’est-ce pas une des belles manifestations du salut que la grâce du Sauveur fait dans nos vies. Oui, frères et sœurs, Jésus le Sauveur nous délivre de nos paralysies, de nos peurs qui retiennent nos mains et nos cœurs fermés. Accueillons cet élan que le Sauveur vient ranimer en cette célébration, celui de faire le bien, d’aimer davantage, de nous donner sans attendre demain. Aujourd’hui nous appelle.
Année C - 4° dimanche de l'Avent - 22 décembre 2024
Mi 5, 1-4a - He 10, 5-10 -Lc 1, 39-45
Homélie du F. Hubert
Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
D’où viennent ces paroles dans le cœur et la bouche d’Elisabeth ?
De l’Esprit Saint dont elle est remplie, et qui œuvre déjà en son enfant qui a tressailli en elle ? Sûrement.
Mais comment a-t-elle découvert que sa jeune cousine porte, elle aussi, un enfant,
depuis quelques jours, quelques semaines au plus ?
Il nous est dit de Marie que l’ange Gabriel entra chez elle et la salua : « Je te salue, Comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. »
St Luc nous dit de même de Marie, qu’elle est entrée chez sa cousine et l’a saluée.
Comment l’a-t-elle saluée ? Par quels mots ?
St Luc ne nous en dit rien.
Comblées, enceintes de vie, elles ont dû se reconnaître dans l’action de grâce et l’émerveillement.
Le langage de leurs yeux, de leurs visages, de leurs cœurs, a sûrement été porteur de beaucoup de choses avant même qu’un mot ne soit prononcé : un émerveillement, une action de grâce devant un mystère, devant l’œuvre de Dieu en elles pour bien plus qu’elles.
Unies par Dieu avant même qu’elles n’échangent un mot.
Mais j’aime à penser que Marie, ayant reçu de Gabriel l’annonce de la grossesse d’Élisabeth, a commencé par dire à sa cousine toute sa joie de cette grossesse inespérée, et lui offrir son aide pour les trois mois à venir avant la naissance.
Comment ne lui aurait-elle pas dit aussi : « Moi aussi, je commence à porter un enfant, et voici ce que m’a annoncé l’ange du Seigneur » ?
Alors Jean, dans le sein de sa mère, a tressailli d’allégresse, reconnaissant lui-même le fruit des entrailles de Marie.
Elisabeth a pu alors conforter Marie et la bénir : Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ! Comment m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Bénédiction de Marie, bénédiction du fruit de son sein.
Exultation d’Elisabeth, à laquelle suivra l’exultation de Marie avec le Magnificat.
Dans cette eucharistie, nous allons recevoir le Christ, dans sa parole et dans la communion à son corps et à son sang, livrés pour notre vie.
Le Christ en nous. Pas seulement dans les quelques minutes de la communion, mais dans la longueur des jours. Pour notre vie et celle des autres.
Le Christ ressuscité, transfiguré d’Esprit, demeurant en nous.
Quel regard, après nos communions, portons-nous sur nous-mêmes, comment allons-nous à la rencontre des autres ? En restant à la surface, à ce qui nous plaît ou nous rebute en nous-mêmes et en chacun ? Ou en nous agenouillant devant son mystère, devant notre propre mystère, en croyant, dans la confiance, en notre propre beauté, notre propre bonté, à cause de Dieu présent en nous ? Est-ce que nous nous révélons mutuellement nos vrais visages, notre profondeur, notre fécondité ?
L’appel est infini.
Au cœur de la rencontre de Marie et d’Élisabeth, il y a l’humilité et l’action de grâce devant un mystère qui les dépasse l’une et l’autre.
Humilité :
Marie ne se monte pas la tête, ne se glorifie pas. Elle est l’humble servante du Seigneur.
C’est Dieu qu’elle glorifie : Mon âme exalte le Seigneur ! Le Seigneur fait pour moi des merveilles.
Après l’annonce de l’ange, elle ne se fait pas servir, elle vient servir sa cousine, âgée et déjà à son sixième mois. Marie vient ; elle est là, elle aide à la cuisine, au ménage, aux divers services. Humblement. Amoureusement.
Élisabeth, de son côté, ne jalouse pas Marie, ne se dit pas : « C’est moi qui aurais dû être la mère du Messie, moi, d’âge vénérable, moi, épouse d’un prêtre servant dans le Temple… » et pas cette petite gamine de Nazareth.
Marie et Élisabeth, livrées humblement au projet de Dieu, ne se gonflant pas d’orgueil, ne refusant pas non plus que Dieu accomplisse en elles de grandes choses.
Marie est partie en hâte vers Élisabeth.
Pour prendre soin d’elle. Mais plus encore pour partager leur secret à toutes deux, laisser leur cœur s’ouvrir dans le respect et la confiance, accueillir ensemble les merveilles de Dieu et rendre grâce.
Humilité et confiance. Humilité et bénédiction. Action de grâce.
Elles se révèlent l’une à l’autre les merveilles que Dieu est en train d’accomplir en elles.
Elles communient dans une Présence qui les dépasse.
Nous faisons parfois l’expérience de rencontres où les regards, les paroles, échangés nous illuminent, élargissent tout d’un coup notre cœur.
Quand on est réellement dans un climat de pauvreté partagée, écrivait Christian de Chergé, prieur de Tibhirine, en quête de Dieu en l'autre et en soi, à ce moment-là, l'Esprit-Saint nous fait tressaillir ; il est à son Heure, il est dans son Lieu. Il y a une joie qui dit qu'on est en vérité, l'un avec l'autre.
Voir en l’autre le trésor invisible qu’il porte et être apte à le réveiller, ai-je lu chez quelqu’un d’autre. Chacun porte en soi plus grand que lui-même. Parfois, nos trésors sommeillent et c’est l’autre, par son amitié, qui le révèle et nous le rend à nous-même. Marie sait qu’elle porte le Fils de Dieu, mais elle a besoin d’Elisabeth pour être confirmée et confortée. Seuls l’amitié peut ainsi déceler en l’être aimé, au-delà des apparences et de ses limites, la splendeur cachée de sa beauté intérieure.
Tout à l’heure, nous allons communier et recevoir le Christ. A la sortie, nous pourrons tous nous saluer comme des « porte-Christ ». Chrétiens baptisés, nous sommes tous et toutes comme Marie, « enceints » du Seigneur. Oui, comme elle, des « porte-Christ » !
La Visitation est pour nous aujourd’hui.
3e dimanche de l’Avent (C) (15/12/2024)
(So 3, 14-18a – Is 12, 2-3, 4bcde, 5-6 – Ph 4, 4-7 – Lc 3, 10-18
Homélie du F. Jean Louis
Frères et sœurs,
Vous l’aurez remarqué, ce dimanche est sous le signe de la joie. C’est, bien sûr le cas de chaque dimanche, mais ce troisième dimanche de l’Avent est, on peut le dire, exultant de joie. En effet, nous sentons poindre la joie de Noël comme l’a dit la prière d’ouverture de cette messe et cette espérance est assumée pleinement par la liturgie.
La première lecture, est tirée du livre du prophète Sophonie, un prophète contemporain à la fois du prophète Jérémie et du roi Josias, roi de Juda initiateur d’une importante réforme religieuse au 7e s. avant Jésus-Christ. Le passage lu et qui est situé à la fin du livre de Sophonie est bien dans la tonalité de ce dimanche d’Avent. Mais il est bon de savoir qu’il est précédé par des passages terribles où il est question de la colère de Dieu, de sa fureur même, et qui annoncent le jugement de Dieu comme un jour d’épouvante qui a certainement marqué bien des générations de chrétiens. Pourtant, loin d’être une condamnation sans recours, cette annonce de la catastrophe est en fait un appel à la conversion. Par la pauvreté et l’humilité, le peuple peut quitter l’orgueil dénoncé par le prophète et qui est source de toute corruption, de toute idolâtrie. L’expérience vécue de pauvreté permet au croyant de devenir un être de désir sans cesse en quête de Dieu : « Cherchez le Seigneur, cherchez la justice, cherchez l’humilité. » Si le croyant adopte cette attitude d’humilité, alors il peut espérer échapper au désastre annoncé et c’est ce qui correspond au projet de Dieu. Le livre s’achève alors sur cette joie exultante de ceux qui se savent sauvés par un Dieu tendre et miséricordieux qui veut leur bonheur.
Le cantique d’Isaïe qui a été chanté est vraiment un cantique d’exultation de joie en un Dieu sauveur en qui le croyant peut avoir confiance. Il est le salut et il convient de l’annoncer à tous les peuples pour que toute la terre le sache.
Quant à la lettre aux Philippiens, elle a été écrite par saint Paul alors qu’il est en prison. On pourrait s’attendre à des manifestations de désespoir de la part de l’apôtre et c’est au contraire une grande joie qui s’exprime. Le Seigneur est proche. Et cet appel retentit d’une façon particulière en ce troisième dimanche d’Avent où la prière d’ouverture nous a bien rappelé que nous attendons avec foi la fête de la naissance du Fils de Dieu, annonce du Salut. N’avons-nous pas, en ces temps plutôt sombres, à réentendre, de la part d’un prisonnier, cet appel à la joie, à ne pas s’inquiéter, à prier et supplier le Seigneur ? Celui qui écrit cela n’est pas un homme en pleine réussite pastorale, mais en prison ! C’est peut-être cela la foi. Croire dans la détresse.
L’évangile, quant à lui, nous décrit les réponses de Jean aux foules qui viennent se faire baptiser par lui en signe de conversion et qui cherchent authentiquement à changer de vie. Et parmi cette foule, il y a des collecteurs d’impôts et des soldats, gens peu recommandables à l’époque, et pourtant, il ne leur est pas demandé de quitter leur fonction mais d’agir avec humanité, avec justice. Le peuple était dans l’attente de la venue du Messie et Jean est net. Il n’est pas le Christ car un autre viendra, plus fort que lui et qui baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Car le Messie annoncé par Jean est plutôt un Messie justicier. Plus tard, en prison, Jean sera étonné de l’action messianique de Jésus et enverra deux de ses disciples lui demander s’il faut attendre un autre Messie que lui. En tout cas, après l’annonce un peu rude de la justice messianique faite par Jean, l’évangile de ce jour se termine en disant que toutes ses exhortations sont une annonce de la Bonne Nouvelle.
Frères et sœurs, qu’entendre de ces lectures pour nous aujourd’hui ?
Peut-être d’abord, qu’il reste encore parfois au fond de nous cette vision d’un Dieu justicier à la façon de Sophonie et encore de Jean Baptiste. Je pense qu’il serait dangereux de le nier car il est préférable d’être conscients de la vision de Dieu qui nous habite pour pouvoir faire le chemin que nous fait faire la Bible. Car dès le livre de Sophonie, s’il y a jugement redoutable de Dieu, c’est pour amener à l’humilité et à la conversion qui fait désirer Dieu en vérité et découvrir sa tendresse et sa miséricorde tel que nous le fera découvrir, justement, l’évangile de saint Luc, l’évangile de la miséricorde. C’est là la pédagogie de Dieu.
Le livre de Sophonie et le ministère de Jean nous rappellent aussi que « nul n’est trop loin pour Dieu » comme le dit une hymne de Carême évoquant le fils prodigue. Le Dieu qui vient, le Dieu que nous attendons en ces jours est le Dieu qui peut bouleverser, retourner nos vies, nos façons de vivre, nos conceptions peut-être parfois trop figées ou trop sûres d’elles-mêmes. Si nous acceptons de nous tourner vers Dieu, vers le Christ, tout est possible.
Saint Paul, dans sa prison, lui, nous rappelle la confiance dans la détresse, car le Seigneur est proche, proche de nous, proche par son désir de communion avec nous.
Frères et sœurs, n’avons-nous pas besoin d’entendre ces paroles d’espérance qui ne sont pas des paroles naïves, sur un petit nuage, mais des paroles ancrées dans le drame du péché et de l’idolâtrie ? Et il n’est pas nécessaire de citer les idoles de notre temps. Or, le Christ, est venu nous rejoindre dans cette vie marquée de violence, de compromission avec le mal et de détresse. Il nous rappelle que, par sa proximité avec nous, en se faisant l’un de nous, en étant lui-même victime de la violence dont l’homme est capable, par sa solidarité et sa victoire sur le mal et la mort, il nous ouvre un chemin de conversion pour tous. Ainsi, que nous soyons comme ces soldats ou ces publicains de l’évangile, que nous soyons comme les auditeurs de Sophonie ou comme Paul, prisonnier, nous pouvons nous tourner vers le Christ et accueillir son salut dans nos vies. Il n’est jamais trop tard.
Notre force et notre chant, c’est le Seigneur.
Annonçons parmi les peuples ses hauts faits.
Ayons confiance, n’ayons plus de crainte, il est pour nous le salut.
AMEN
Année C - 2e dim Avent - 9 décembre 2024
Ba 5/1-9, Phil 1/4-6,8-11, Lc 3/1-6
Homélie du F. Cyprien
.Dans le livre de Baruch nous avons une Parole de consolation : « Jérusalem, tes enfants rassemblés se réjouissent parce que Dieu se souvient ».
Avec l’Evangile : Jean-Baptiste, celui qui « court en devançant le Messie » le Précurseur demande de se préparer au Jour où tout le monde va devoir rendre des comptes…Il est radical et même violent dans ses exhortations…
Quand Saint Paul écrit aux Philippiens, nous lisons la satisfaction de l’apôtre qui constate des progrès chez les fidèles : il les encourage : « Celui qui a commencé en vous un si beau travail continuera jusqu’à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus…vous serez saints et irréprochables pour le jour du Christ ».
« Le jour où viendra le Christ Jésus »… et nous attendons sa venue dans la gloire…
Une remarque, une histoire pour commencer car elle m’a marquée : dans ma jeunesse, notre famille a reçu un jour une autre famille que nous ne connaissions pas ; avec elle, seul mon père retrouvait un ami d’études et c’était pour eux deux, et nous tous avec lui, un événement… Je me rappelle très bien que ces personnes devaient venir manger pour le repas de midi et ils sont arrivés vers 13h30, donc très en retard, je ne sais plus pour quel motif… En tout cas il m’est resté le souvenir d’une longue attente pour des gens que je ne connaissais pas… qui de ce fait me laissaient, moi gamin, un peu indifférent ; attente trop longue pour un jeune qui a faim !
Et depuis je sais mieux ce qu’est l’attente d’un être qu’on connait et qu’on aime… on peut et on sait attendre et même on aime attendre car on est sûr que la personne va venir.
Là où je veux en venir, … nous mesurons facilement notre attachement à la façon avec laquelle nous sommes capables d’attendre quelqu’un dont on est sûr qu’il va venir et qui tarde… Si nous avons appris à connaitre Jésus, le Christ, si nous l’aimons vraiment, serait-ce possible que nous ne voulions pas le voir arriver, le rencontrer. Bonne question, n’est-ce pas ?
Autre remarque : nous croyons que Dieu est Celui « qui est, qui était et qui vient » selon la formule.
Dans cette expression il y a un verbe au passé « il était », mais les deux autres sont au présent de l’indicatif : « il est et il vient ».
Dieu était et il est, c’est clair, au moins quant à son existence éternelle, mais …c’est moins clair pour « il vient », car cela veut dire, un peu en contradiction avec une venue future, qu’il vient aujourd’hui, il vient maintenant que je vous parle, maintenant que nous vivons, maintenant… !
Cela correspond, dans la liturgie et dans la prière, à l’expression très fréquente de « l’aujourd’hui » où Dieu intervient, l’aujourd’hui où il nous faut entendre Sa voix, l’aujourd’hui de notre conversion, conversion qui ne sera jamais pour demain…
(« Maman, demain je serai sage » correspond bien à la réclame du coiffeur « Demain on rase gratis »…)
Avec Dieu le moment où notre temps rencontre son éternité ne sera jamais que le « maintenant » où Dieu nous fait signe, où Il agit.
Il me semble que cet « Il vient » veut dire qu’Il vient pour nous et cela peut se traduire par une autre expression… « Il passe » ; le Seigneur vient, le Seigneur passe. Il passe dans nos vies et hélas… nous le laissons souvent passer !
Alors, chers fr. et srs, est-ce que Dieu vient dans votre vie, dans ma vie ? Est-ce qu’il est assez vivant en moi pour que je puisse dire qu’il vient, qu’il intervient et qu’il m’aime ?
Je lus un jour (Père de l’Eglise ou auteur spirituel ?) que nous rencontrerons jamais Dieu dans l’Au-delà si nous ne le rencontrons pas dans notre vie ici-bas.
Parce que le Christ ressuscité n’est plus soumis au temps, nous devons penser que ce retour, cette venue du Fils de l’Homme, c’est de tout temps, d’autant plus qu’Il nous a dit être avec nous jusqu’à la fin du monde…
Le temps de l’Avent, c’est le temps de « l’Avènement », c’est aujourd’hui, l’aujourd’hui d’une venue et d’une présence qui nous surprend et qui nous surprendra sans cesse.
Si nous ne vivons pas cela, c’est peut-être que nous ne sommes pas encore sortis de notre sommeil comme dit saint Paul, de notre léthargie, de notre paresse : ce Temps de l’Avent est bien celui où il nous faut avancer dans la foi, foi en ce Dieu dont la prévenance nous surprendra sans cesse, ce Dieu pour lequel notre espérance permettra de vivre en vérité l’amour qui vient de lui.
Alors oui, vivons dans l’attente, dans l’espérance, mais d’abord dans la vigilance, car Il nous aime, Il veut nous rencontrer, nous rendre plus vivants, plus aimants, plus comme son Fils, enfants de Dieu. Noël nous réapprendra aussi cela. Amen.
Année C - 1er dimanche de l’Avent -1er décembre 2024
Jér 33 14-16 ; 1 Thess 3.12-4.2 ; Lc 21 25-36
Homélie donnée par Etienne Vandeputte SJ
Frères et sœurs,
Je l’évoquais en introduction à notre célébration : nous commençons une nouvelle étape de notre vie chrétienne. Nous entrons dans le temps de l’Avent, temps que nous pouvons voir comme le porche d’entrée vers l’année jubilaire que le Pape François a placée sous le signe de l’espérance.
Nous trouver au seuil d’une telle étape risque toujours de nous confronter à une double difficulté. Il y a tout d’abord le risque de l’habitude, de la routine : chaque année, la même chose. Et je me retrouve à la veille de Noël en me disant : « je n’ai pas vu passer le temps de l’Avent… ». Face à une telle menace, l’évangile de ce jour nous interpelle : « restez éveillés » ; autre traduction : « chassez le sommeil », sommeil de l’habitude, de la routine.
Un second piège est d’utiliser les mots sans en interroger suffisamment le contenu. Nous le savons : le temps de l’Avent nous aide à nous préparer à célébrer la Nativité, la naissance de Jésus – Dieu sauve. Mais qu’est-ce que cela veut dire et, surtout, comment nous y préparer ?
Il faut reconnaître que la liturgie de la Parole et, en particulier l’évangile de ce jour, ne simplifie pas les choses. En effet, l’Évangile de ce dimanche est le parallèle, en St Luc, de l’Évangile selon St Marc que nous avons écouté il y a deux semaines et que frère Vincent nous a ouvert. (La liturgie nous ferait-elle tourner en rond ?) C’est également la Parole que nous avons reçue tout au long de la dernière semaine de l’année liturgique qui vient de s’achever. Cette Parole évoque la venue du Fils de l’homme à la fin des temps (cf. Lc 21, 27). Or, ce n’est pas cette seconde venue que nous allons commémorer à Noël.
À l’opposé, il ne nous est pas possible de nous placer dans l’attitude spirituelle d’une première attente du Messie, de Jésus, Dieu-Sauveur, Dieu avec nous. Nous ne pouvons pas faire comme font les petits enfants qui, dans leurs jeux, aiment à dire : « on disait que… ». Nous ne pouvons pas dire : « Jésus, on disait que tu n’étais jamais venu sur terre ». Parce que nous le savons : le Christ est avec nous tous les jours, jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 28,20). Et, en même temps, cela a du sens de célébrer, une fois par an, l’incarnation de notre Dieu Amour.
Peut-être qu’une bonne manière de nous préparer à Noël, c’est de nous exercer à être des sourciers de la présence du Christ dans notre quotidien. Il y a une trentaine d’années, un prêtre âgé partageait ce témoignage, que j’espère ne jamais oublier : « J’essaie de ne jamais me coucher sans me poser la question : de quel signe du Royaume tu as été témoin aujourd’hui ». Faire chaque jour l’exercice – dans le beau sens du mot « exercice » - de me poser cette question, cela transforme mon regard.
Et vous prenez les mots qui font sens pour vous. La double antienne de l’Évangile de ce jour, nous propose deux autres formulations. La schola nous a proposé le verset grégorien suivant : « Montre-nous, Seigneur, ta miséricorde » ; tandis que le texte liturgique en français reprend un verset du Psaume 84 que nous avons prié durant les 1ères vêpres d’hier soir : « Fais-nous voir, Seigneur, ton amour » (Ps 84, 8). Ce verset vous rappelle peut-être ce cantique ancien : « Ouvre-mes yeux, Seigneur, aux merveilles de ton amour ». Et ce chant continue : « Je suis l’aveugle sur le chemin. Guéris-moi, je veux te voir ». Nous avons, en effet, sans doute besoin que Dieu fasse œuvre de guérison ou de libération pour que nous soyons davantage capables de voir, au raz de notre quotidien, les signes de son amour ou de sa miséricorde, les visites ou les « caresses » de Dieu, comme aime à dire le Pape François.
Il y a donc, d’une part, l’ascèse personnelle de l’exercice et, d’autre part, la grâce de Dieu qui contribuent pour nous rendre davantage attentifs aux passages de Dieu dans nos vies ; la communauté, qu’elle soit paroissiale ou conventuelle, peut également aider à cette édification mutuelle.
L’intention universelle du mois de décembre 2024, proposée par le Pape, nous offre une dernière formulation et fait un lien avec l’année jubilaire : « Prions pour que le jubilé qui s’ouvre nous renforce dans la foi, en nous aidant à reconnaître le Christ ressuscité au milieu de nos vies, et nous transforme en pèlerins de l’espérance chrétienne ».
Je termine en évoquant un texte de la Congrégation générale que la Compagnie de Jésus a tenue en 2008 : découvrir la vie divine au cœur de la réalité est une mission d’espérance confiée aux chrétiens (cf. 35ème C.G., décret 2, n° 8).
P. Etienne